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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 16 - Témoignages du 26 octobre 2016


OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 46, pour étudier le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, chers collègues et membres de l'audience et bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le comité examine des questions se rapportant aux budgets des dépenses fédéraux en général ainsi qu'aux finances du gouvernement. Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

Je m'appelle Larry Smith, sénateur du Québec et président du comité. Permettez-moi de présenter brièvement les autres membres. À ma gauche, de Montréal, se trouve le sénateur André Pratte et, à sa gauche, le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick. À ma droite, le sénateur Richard Neufeld, du Nord de la Colombie-Britannique. À sa droite, nous avons la sénatrice Nicole Eaton, de Toronto et, à sa droite, la sénatrice Beth Marshall et la sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan, domicile des Roughriders de la Saskatchewan, qui viennent de perdre un match contre les Alouettes de Montréal. Si je dis cela, c'est que, lorsque j'étais joueur de football — et je souligne que j'ai deux bagues de la Coupe Grey — nous avons battu la Saskatchewan deux fois.

Du Centre canadien de politiques alternatives, nous accueillons David Macdonald, économiste principal. Du Conference Board du Canada, nous avons Craig Alexander, vice-président principal et économiste en chef, et de la Fédération canadienne des contribuables, Aaron Wudrick, directeur fédéral. Je vous souhaite la bienvenue.

Je vous remercie d'être ici ce soir pour parler du projet de loi C-2. Je crois savoir que vous avez chacun une brève déclaration d'ouverture à faire. Nous aimerions vous entendre. Pourrions-nous commencer par M. Macdonald?

David Macdonald, économiste principal, Centre canadien de politiques alternatives : Je vous remercie infiniment de m'avoir invité à parler de ce projet de loi aujourd'hui. Ce sujet me va comme un gant puisque j'ai déjà rédigé un rapport sur chacune de ces questions : un sur les modifications touchant les tranches d'imposition et un sur les CELI ou la limitation du plafond des CELI. Cela me convient parce que j'ai pu relire mes rapports et que j'ai aussi présenté un témoignage au Comité permanent des finances. J'espère donc que mon témoignage d'aujourd'hui vous intéressera.

Je vais d'abord parler de la baisse du plafond sur les CELI de 10 000 $ à 5 500 $ en 2016. C'est une mesure que nous avons assurément appuyée et que nous avions précédemment défendue, notamment dans mon rapport intitulé The Number Games : Are the TFSA Odds Ever in Your Favour?, que j'ai publié en mai 2015.

Ce qui m'étonne, en fait, c'est que le nombre de personnes qui maximisent leur CELI demeure étonnamment bas et il l'était même en 2013, alors que le plafond à vie était au plus bas, à 25 500 $. Dans n'importe quel des neuf déciles inférieurs de revenus de particuliers au Canada, seulement 10 p. 100 ont maximisé leur droit de cotisation en 2013. Même dans la tranche supérieure de 1 p. 100, où l'on s'attendrait à ce qu'un nombre beaucoup plus grand de riches du Canada maximisent cette échappatoire fiscale, seulement 30 p. 100 l'ont fait en 2013. Chose certaine, les limites supérieures ne sont pas atteintes pour les CELI.

À vrai dire, très peu de gens maximisent leur CELI. À voir qui sont ceux qui le maximisent, on constate que les CELI sont devenus une échappatoire fiscale pour les riches et non pour les plus pauvres. Ce sont eux à qui les CELI profitent le plus. C'est un outil qui ne sert qu'à accentuer l'inégalité des revenus et, à la longue, il coûtera très cher. Selon les estimations actuelles de Kevin Milligan, par exemple, les CELI représenteront une dépense fiscale d'environ 10 milliards de dollars lorsqu'ils seront pleinement utilisés par la population.

À l'heure actuelle, les CELI sont essentiellement un chèque en blanc pour les plus riches. Ce sont eux qui ont le plus d'excédents de revenus à mettre de côté. Ce sont eux qui ont les moyens de maximiser les augmentations des cotisations libres d'impôt dans leur CELI.

Je suis encouragé de voir que le gouvernement a baissé le plafond pour les CELI, mais je pense que nous devons aller plus loin. Je pense qu'il est temps de fixer un plafond à vie de 150 000 $ pour les cotisations aux CELI et un plafond de 300 000 $ pour l'avoir dans un CELI afin de s'assurer que, si les familles à faible revenu et celles à revenu moyen peuvent y cotiser, ils ne deviennent pas un chèque en blanc pour les plus riches du Canada à mesure que leur avoir dans un tel compte grossira.

Je vais maintenant passer à la modification touchant les tranches d'imposition, c'est-à-dire l'introduction d'un nouveau taux d'imposition de 33 p. 100 pour les revenus en sus de 200 000 $ en échange direct d'une réduction, pour la deuxième tranche de revenus, du taux d'imposition de 22 p. 100 à 20,5 p. 100. J'ai expliqué tout cela dans l'autre rapport que j'ai rédigé en décembre 2015 à ce sujet et qui s'intitule Real Change for the Middle Class.

Tout d'abord, je dois dire que je suis en faveur de la nouvelle tranche d'imposition supérieure. En fait, nous défendons une mesure très semblable tous les ans dans notre alternative budgétaire. C'est une mesure importante pour compenser l'inégalité des revenus après impôt.

Toutefois, ce à quoi je m'oppose dans ce rapport, c'est que cette mesure est prise en échange d'une réduction de l'impôt sur le revenu pour la deuxième tranche supérieure d'imposition. Cette mesure n'est pas particulièrement progressiste pas plus qu'elle n'aide particulièrement la classe moyenne quand on voit qui est touché et qui ne l'est pas. Ce n'est pas une façon particulièrement bonne, à cet égard, de dépenser les 3 milliards de dollars de plus qu'on perçoit en créant une nouvelle tranche d'imposition supérieure.

Les familles du Canada qui font partie des 2 p. 100 les mieux nanties, qui gagnent au moins 300 000 $, paieront plus d'impôt en vertu de cette mesure. Elles paieront en gros 8 500 $ de plus par année, bien que le revenu moyen des familles dans cette tranche approche les 600 000 $. Elles pourraient donc probablement payer un peu plus. Cependant, tout l'argent perçu en plus auprès de ces 2 p. 100 de la population les mieux nantis profitera aux 18 p. 100 suivants, plus ou moins, et il profitera peu ou pas à la classe moyenne et pas du tout au bas de l'échelle.

Par exemple, cette modification touchant aux tranches d'imposition ne fera gagner que 50 $, en moyenne, aux familles des quatrième et cinquième déciles. Pour la tranche de 20 p. 100 des familles au revenu le plus élevé, exclusion faite des 2 p. 100 les mieux nanties, qui payent plus, le gain se situera, en moyenne, entre 500 $ et 800 $. C'est tout un écart.

Le président : Juste pour que nous vous comprenions tous, parce que vous allez très vite, pourriez-vous nous expliquer la partie sur les 18 p. 100? Nous avons tous compris ce que vous avez dit à propos de ceux qui gagnent 200 000 $, 300 000 $ et 600 000 $. Nous comprenons que ces gens payent plus d'impôts, mais, pour ce qui est de ceux qui arrivent juste après, si vous pouviez expliquer clairement combien ces gens gagnent, si c'est 150 000 $, 160 000 $ ou 190 000 $, et ce qu'ils tirent de cette mesure pour que nous puissions comprendre, question de faire valoir votre point de vue avec des faits clairs et faciles à comprendre? Je pense que ce serait utile.

M. Macdonald : Absolument. Les 20 p. 100 de familles les mieux nanties au Canada gagnent plus de 97 000 $, disons un revenu familial supérieur à 100 000 $. Ce sont les 20 p. 100 les mieux nanties. La majeure partie de l'argent supplémentaire perçu des 2 p. 100 les mieux nantis — les gens qui gagnent plus de 150 000 $ par année — est essentiellement dépensé pour les familles qui gagnent entre 100 000 $ et 150 000 $. Nous nous retrouvons donc avec un transfert d'argent parmi les 20 p. 100 les mieux nantis et très peu d'argent en plus pour la classe moyenne et rien pour les familles à faible revenu.

La sénatrice Eaton : Donc, la somme supplémentaire que payent les 2 p. 100 va aux 20 p. 100 suivants?

M. Macdonald : C'est exact. Cela signifie que la majeure partie de ce changement ne touche que les 20 p. 100 les mieux nantis, laissant les 80 p. 100 moins nantis avec un revenu après impôt très peu changé.

Pour montrer que nous pourrions faire beaucoup mieux que ce changement touchant les tranches d'imposition, j'ai examiné quatre mesures qui pourraient être prises avec une contrainte de 3 milliards de dollars dans le régime fiscal en dépensant la même somme.

Les deux premières que j'ai étudiées sont les suivantes : au lieu de réduire le taux d'imposition pour la deuxième tranche, vous réduisez le taux d'imposition de la première. Ce sont les gens un peu plus bas sur l'échelle des revenus. J'ai également examiné l'option qui consiste à augmenter la déduction personnelle de base, qui est offerte à tous les Canadiens et peut aussi réduire les impôts. Ni l'une ni l'autre de ces mesures ne sont particulièrement progressistes en ce sens que les familles les plus riches font toujours plus que la classe moyenne et les familles à faible revenu, mais elles augmentent un peu le revenu des Canadiens à revenu moyen surtout. Ce serait là les familles qui gagnent entre 50 000 $ et 80 000 $ environ, le milieu de l'échelle des revenus pour les familles.

Les deux mesures les plus prometteuses, je pense, consistent à accroître le crédit d'impôt pour TPS ou à augmenter la prestation fiscale pour le revenu gagné, les deux offrant un avantage pécuniaire aux familles de la classe moyenne. Par exemple, une augmentation de la prestation fiscale pour le revenu gagné procurerait, en moyenne, 340 $ par famille dans le décile moyen, le cinquième. La deuxième modification touchant les tranches d'imposition qui est proposée ne leur rapporterait que 50 $. Moyennant la même somme et en recourant à des moyens légèrement différents, on peut cibler beaucoup plus efficacement la classe moyenne sans dépenser la majeure partie de l'argent au sommet de l'échelle des revenus.

Cela étant dit, j'aimerais mentionner un dernier point concernant l'augmentation des recettes. Je dirais assurément que le gouvernement fédéral n'a pas de problème de dépenses, mais bien un problème de recettes. Je pense qu'il est temps d'examiner — espérons que votre comité et d'autres le feront — les échappatoires fiscales au sens large. Il est certain que tout ce dont nous discutons ici est dérisoire par comparaison à ce qui est dépensé chaque année en raison des échappatoires fiscales. Pour chaque dollar qui est perçu en impôt sur le revenu des particuliers, environ 50 ¢ sont redonnés par le biais d'échappatoires fiscales.

Je vais donc conclure ainsi et je répondrai volontiers à vos questions.

Le président : Je suis certain que vous avez suscité beaucoup de questions dans l'esprit de nos membres et que vous serez très occupé.

Craig Alexander, vice-président principal et économiste en chef, Conference Board du Canada : Permettez-moi de reprendre la discussion là où nous en étions, alors que nous parlions de la modification touchant les tranches d'imposition.

La création d'une nouvelle tranche d'imposition pour les revenus supérieurs à 200 000 $ cible en gros le 1 p. 100 de la population qui a les revenus les plus élevés au Canada et il est très clair, d'après la façon dont elle est présentée, que cette mesure constitue un effort pour lutter contre l'inégalité croissante des revenus. Je pense que nous devons mettre en contexte la situation réelle de la répartition des revenus pour saisir tous les mérites des modifications proposées.

Il ne fait aucun doute que l'inégalité des revenus au Canada s'est accentuée au cours des dernières décennies. Il convient de mentionner que c'est au milieu des années 1990 que l'inégalité des revenus au Canada s'est le plus accentuée. Les écarts se sont creusés, à vrai dire, au moment où le gouvernement fédéral luttait contre le déficit et a décidé de réduire les transferts aux provinces. Il y a eu des réactions en chaîne. C'est à ce moment que nous avons constaté une très forte augmentation de l'inégalité des revenus au Canada.

Il convient de mentionner qu'après cette période, l'inégalité des revenus au Canada — tel que mesurée par le coefficient de Gini, qui indique la répartition des revenus parmi les Canadiens — n'a pratiquement pas varié. Depuis 2000, si on regarde l'ensemble de l'économie, nous n'avons pas vraiment observé une accentuation de l'inégalité des revenus, mais, lorsqu'on creuse un peu, on constate qu'il y a eu une augmentation de l'inégalité, mais qu'elle est surtout le fait du 1 p. 100 de la population qui a les revenus les plus élevés.

Cela reflète, je pense, certains des grands changements structurels qui s'opèrent dans l'économie et résulte de la mondialisation et de l'évolution technique qui a créé une énorme demande de travailleurs très spécialisés. La loi du marché du travail opérant, les travailleurs très spécialisés gagnent des salaires plus élevés. Des travailleurs moyennement spécialisés ont été remplacés par des machines ou leur emploi a été délocalisé, ce qui a réellement limité les emplois à revenu moyen. Au bas de l'échelle des revenus, il y a eu une hausse des revenus, mais surtout parce que des gouvernements ont augmenté le salaire minimum. On peut voir que le gros de l'accentuation de l'inégalité des revenus au Canada vient du 1 p. 100 et non des autres 99 p. 100.

Pour ce qui est de lutter contre l'inégalité des revenus, j'ai rédigé, en 2014, un rapport fouillé à ce sujet intitulé Pourquoi lutter contre l'inégalité des revenus au Canada, dans lequel je décris en gros les forces en présence. La tranche d'imposition des revenus élevés proposée ciblera le groupe dont les revenus ont le plus progressé au cours des dernières années. Si c'est le principal objectif, on parle alors d'une approche ciblée.

Cela étant dit, certaines observations s'imposent au sujet de cette politique. La première est que, du point de vue de l'ensemble de l'économie, cela ne changera pas grand-chose à l'inégalité des revenus. Il y a si peu de gens dans le 1 p. 100 des mieux nantis que, même si vous instauriez un taux d'imposition qui leur prendrait 80 p. 100 de tous leurs revenus et que vous répartissiez l'argent perçu entre les 99 p. 100 restants, vous ne feriez pratiquement pas bougé le coefficient de Gini. On ne peut simplement pas tirer suffisamment de revenus de ce 1 p. 100 pour changer la situation.

La deuxième observation concerne les recettes que la nouvelle imposition générera. Initialement, elle était conçue de manière à constituer un transfert. On prend de l'impôt au 1 p. 100 des mieux nantis et on le donne aux contribuables à revenu moyen. Les uns paieraient pour les autres.

Lorsque j'étais à l'Institut C.D. Howe, Alexandre Laurin a fait une étude approfondie sur cette mesure pour déterminer combien de recettes elle générerait. J'ai examiné le rapport dans le cadre d'un comité de lecture. L'analyse est très solide. Il a évalué que la croissance des recettes attribuable aux impôts nouvellement perçus pourrait n'atteindre que 1 milliard de dollars par année. C'est bien inférieur aux prévisions actuelles. Donc, une mesure ne paiera pas l'autre.

Mais, c'est une question secondaire si le principal objectif est socio-économique et vise à réduire l'inégalité des revenus entre le 1 p. 100 de la population et les autres. La question à se poser concerne les recettes du gouvernement et le coût réel de cette mesure.

La troisième observation est que je pense que le Canada doit faire attention à sa façon d'imposer les travailleurs très spécialisés à un moment où les pays se livrent une concurrence féroce pour attirer des travailleurs. Je crains que cela entraîne un exode des cerveaux et qu'il devienne plus difficile de trouver des travailleurs au Canada. Nous devons en tenir compte. Si les nouvelles mesures fiscales sont mises en place, nous devrons suivre de près la réaction du marché du travail.

Encore une fois, je souligne que l'inégalité plus marquée des revenus dans le monde industriel a de quoi inquiéter. Des arguments prêchent en faveur d'une lutte contre l'inégalité des revenus. La tranche d'imposition visera le 1 p. 100 de la population dont les revenus ont le plus augmenté, mais il faut aussi faire attention aux conséquences inattendues que pourrait avoir cette mesure.

J'ajouterais que, si c'est l'inégalité des revenus qui préoccupe le plus, la solution ne passe pas par la fiscalité. À mon avis, la solution consiste à supprimer les obstacles aux possibilités des personnes qui sont peu élevés dans l'échelle des revenus. Pour peu qu'on lève les obstacles, qu'on investit dans leur formation et leurs compétences et qu'on les amène à progresser sur la courbe de sorte qu'elles soient plus en demande sur le marché du travail, on améliore la productivité de la main-d'œuvre et on hausse le revenu des salariés tout en augmentant la totalité des revenus et en réduisant la disparité.

Pour ce qui est des plafonds aux CELI, c'est une de ces questions au sujet desquelles on peut se demander si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Selon les statistiques, 17 p. 100 des Canadiens atteignent le plafond du CELI, ce qui signifie qu'il y a des Canadiens qui aimeraient économiser davantage, mais qui ne le peuvent pas parce que le plafond les en empêche.

Je crains que la croissance du revenu disponible chez les particuliers, à l'échelle de l'économie, ne soit que d'environ 3 p. 100 par année au cours des prochaines années, selon nos prévisions, et les Canadiens n'économisent que 4 p. 100 de leur revenu courant, à en juger par le taux d'épargne des particuliers. Je pense en fait que les Canadiens ont besoin d'être incités à économiser et le CELI s'est révélé efficace à cet égard.

Je ne conteste pas le fait qu'un plafond plus élevé profiterait davantage aux plus riches qu'au reste de la population. Environ un tiers des gens parmi ceux qui ont un revenu élevé maximisent leur CELI, mais 17 p. 100 des gens qui ont un revenu de 20 000 $ ou moins cotisent au maximum. Vous vous demandez peut-être comment cela est possible. Il s'agit en grande partie de Canadiens âgés qui ont accumulé un patrimoine et qui placent de l'argent dans un CELI, qui fait alors fonction d'abri fiscal et contribue à maintenir leur revenu.

Le président : On contracte un prêt hypothécaire inversé et on met de l'argent dans un CELI quand on est à un âge avancé.

M. Alexander : Comme nous le voyons, il y a des gens qui atteignent les limites. Même avec le RPC bonifié, je m'inquiète pour les Canadiens à revenu moyen qui ne participent pas à un régime de retraite d'employeur. Ils ont besoin de mesures incitatives pour les aider à économiser en vue de la retraite et le CELI est un moyen très utile de le faire.

D'un côté, je me réjouis que le gouvernement maintienne le CELI et ne ramène le plafond de cotisations qu'à 5 500 $, car je pense que c'est un régime utile, mais, d'un autre côté, je préférerais que le plafond soit plus élevé. Je pense que c'est un instrument utile.

J'aimerais glisser une observation qui ne concerne pas le projet de loi, mais qui est pertinente : au Conference Board, nous travaillons en ce moment à un rapport évaluant l'écart fiscal, soit la différence entre les recettes fiscales qui devraient être perçues auprès des particuliers et des entreprises et les recettes fiscales réellement perçues. Au Canada, nous n'avons pas de bon indicateur de cet écart, qui donne non seulement une idée de l'ampleur de l'évasion fiscale, mais aussi des revenus non déclarés et des impôts exigibles qui ne sont pas payés.

Lorsque nous avons commencé à effectuer cette analyse, nous avons constaté qu'il est difficile d'obtenir un chiffre exact. Toutefois, en se fiant aux évaluations faites à l'étranger, c'est-à-dire au Royaume-Uni, en Australie et aux États-Unis, on peut s'attendre à ce que l'écart fiscal au Canada se situe entre 8 et 47 milliards de dollars. J'ai de bonnes raisons de croire qu'il est effectivement de cet ordre et qu'en fait, il est d'au moins 20 milliards de dollars.

Au-delà des changements dans les mesures relatives à l'impôt sur le revenu et les CELI, je félicite le gouvernement d'avoir haussé le budget de l'Agence du revenu du Canada pour essayer de réduire l'évitement fiscal. Il s'agit d'un problème important, et en s'efforçant de le résoudre, le gouvernement pourrait accroître les recettes fiscales de l'État à l'heure où les finances sont déficitaires.

Le président : Merci, monsieur Alexander. Monsieur Wudrick, je vous en prie.

Aaron Wudrick, directeur fédéral, Fédération canadienne des contribuables : Merci pour l'invitation à prendre la parole ce soir, au sujet du projet de loi C-2.

Je suppose que la façon la plus simple pour moi de résumer notre position serait de la comparer à celle de M. Macdonald. Je dirais que, sur la plupart des points, notre position est à l'opposé de la sienne. Cela dit, il serait difficile pour nous de ne pas applaudir une baisse d'impôt pour la fourchette d'imposition moyenne puisque notre groupe préconise des taxes et des impôts bas.

Néanmoins, M. Macdonald fait des propositions qui mériteraient d'être considérées en ce qui a trait à l'utilisation de l'argent, si nous pouvions nous entendre sur la quantité de taxes et d'impôts à percevoir. Je dirais simplement que nous préférerions voir les taux d'imposition diminuer davantage dans toutes les fourchettes plutôt que de décider quoi faire avec l'argent de l'unique réduction d'impôt.

Il serait plutôt étrange qu'un organisme comme le nôtre n'applaudisse pas la réduction d'impôt accordée par le gouvernement actuel, alors que, pendant des années, en particulier lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir, nous avons réclamé des allègements fiscaux, quoique généralisés plutôt que ciblés. Bref, nous sommes pour cette mesure.

En ce qui a trait au reste du projet de loi, nous n'avons pas grand-chose de bon à dire. Nous sommes contre le nouveau taux marginal de 33 p. 100. Je sais que défendre les intérêts des gens riches est une tâche difficile sur le plan politique, mais je vais quand même m'efforcer de le faire, surtout parce que nous devons toujours être conscients du coût des mesures de ce genre par rapport à leurs avantages et aussi parce qu'il faut prendre le temps de s'entendre sur la définition d'une personne riche. C'est un qualificatif très vague. S'agit-il des multimillionnaires ou des gens dont le revenu est proche de la limite de 200 000 $?

Le nouveau taux marginal de 33 p. 100 s'applique à partir de 200 000 $, et ce revenu est certainement plus élevé que ce que gagnent la plupart des Canadiens. Mais prenons le temps de regarder concrètement ce que peut être la situation du ménage qui gagne 200 000 $. Vous lui ajoutez des enfants et une hypothèque, dans un milieu de vie comme Vancouver ou Toronto, et même si vous n'avez pas affaire à des opprimés, vous vous apercevez qu'un tel revenu correspond en fait simplement à un niveau de vie de classe moyenne supérieure. Ce n'est pas avec ce revenu qu'on peut s'offrir un troisième yacht. Pourtant, lorsqu'on parle de faire payer plus d'impôt aux riches, il arrive que ce soit ce genre d'image qu'on véhicule. Nous devons en être conscients.

D'ailleurs, au sujet du taux supérieur, faisons la comparaison avec les États-Unis. La fourchette où le taux supérieur s'applique, dans ce pays, commence à un peu plus de 400 000 $. Aux yeux du gouvernement des États-Unis, il faut gagner au moins cette somme chaque année pour avoir à payer le taux marginal le plus élevé, ce qui est beaucoup plus élevé qu'au Canada. Voilà une comparaison à ne pas oublier.

La question des incitatifs est en outre fondamentale. Les groupes comme le nôtre et le Centre canadien de politiques alternatives peineront toujours à se mettre d'accord sur le type de taux à privilégier : fixe ou progressif. Je crois que les augmentations de taux marginal déclenchent des réactions beaucoup plus fortes lorsqu'elles visent les revenus élevés. Les études scientifiques nous montrent que ce sont les gens les plus riches qui ont tendance à réagir le plus à de tels changements. La différence entre les recettes fiscales additionnelles d'environ 3 milliards de dollars par année, que prévoyait le gouvernement, et ce que sera réellement l'augmentation est une bonne illustration de ce phénomène. Comme M. Alexander l'a expliqué, l'augmentation sera bien moindre, en réalité.

Je pense que nous devons tous y voir un signal. En théorie, c'est un remède qui peut sembler très simple : haussons le taux d'imposition, et nous récolterons plus d'argent. Mais en réalité, les gens ont une réaction d'adaptation qui fait que les résultats ne sont pas toujours ceux que l'on escomptait.

Je crois qu'il y a un principe dont il faut tenir compte. Les riches sont une cible facile à désigner, car ils possèdent des moyens que d'autres n'ont pas, mais nous traversons une période de faible croissance. Partout dans le monde, les décideurs cherchent désespérément le moyen de sortir de cette stagnation. Ils veulent stimuler l'économie. Devons-nous alors frapper d'un taux d'imposition plus élevé les gens qui, dans bien des cas, sont des générateurs de croissance économique? Est-ce ainsi que nous devons les remercier pour les emplois et la prospérité qu'ils créent?

Enfin, j'aimerais dire un mot sur la réduction du plafond des cotisations à un CELI. Nous sommes très favorables aux véhicules comme les CELI. Ils permettent aux Canadiens de prendre des décisions personnalisées, bien adaptées à leurs besoins particuliers ainsi qu'à ceux de leur famille. À l'inverse, les programmes comme le Régime de pensions du Canada sont conçus avec de bonnes intentions, mais constituent une solution universelle ne convenant pas nécessairement à tous. L'idée de permettre aux Canadiens de prendre eux-mêmes les décisions qui les regardent nous plaît.

Comme M. Alexander l'a indiqué, nous connaissons des dizaines de milliers de personnes qui n'ont qu'un revenu modeste, de 30 000 $ ou 40 000 $ par année, et qui parviennent quand même à verser le montant maximal, ce qui signifie que les CELI peuvent être utiles aux Canadiens, quels que soient leurs revenus. Nous sommes déçus de la diminution de la limite maximale. Nous encourageons assurément le gouvernement à rétablir la limite de 10 000 $.

Je termine ici et je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Wudrick.

Bienvenue, monsieur le sénateur Mitchell, madame la sénatrice Bellemare et, du Nouveau-Brunswick, monsieur le sénateur Percy Mockler. Toutes les présentations sont faites.

La première personne sur la liste est la sénatrice Eaton.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup, messieurs. Vos points de vue sont tous très intéressants.

Rester concurrentiel est une expression que M. Macdonald ou M. Alexander ont employée, je crois, de même que réduire les inégalités dans les revenus. N'oublions pas que les Canadiens paient non seulement de l'impôt fédéral, dont le taux supérieur sera de 33 p. 100, mais aussi de l'impôt provincial. Et c'est sans compter la TPS, bien entendu, ainsi que la taxe sur le carbone qui pourrait être appliquée. Les taxes et les impôts risquent ainsi d'atteindre au total 60 p. 100 du revenu imposable.

Pourquoi ne pas avoir recours à une solution imaginative comme simplifier la fiscalité en n'ayant plus que deux fourchettes de revenus, peut-être trois? Pourquoi ne pas éliminer certaines échappatoires et hausser le revenu imposable minimal? Nous parlons des inégalités dans les revenus. On ne s'en sort pas facilement avec un revenu annuel de 45 000 $, vu le prix du transport en commun, des services de câblodistribution et de téléphonie. Nous savons qu'une personne qui gagne seulement cette somme n'a pas beaucoup de marge de manœuvre. Pourquoi ne pas hausser le seuil à 50 000 $ ou 55 000 $, puis hausser la TPS de deux points de pourcentage?

Le président : Qui voudrait répondre en premier? C'est ce que j'appellerais poser des questions en rafale, madame la sénatrice. Vous semez à tout vent. Monsieur Macdonald, voudriez-vous être le premier?

M. Macdonald : Je serais heureux de commencer.

Je pense qu'il y aurait lieu de consacrer beaucoup de temps et d'énergie à simplifier la fiscalité. Toutefois, le système à taux progressif est en fait assez simple, qu'il ait deux ou trois fourchettes d'imposition. Si la fiscalité est complexe, ce n'est pas tellement à cause de cette progressivité, mais bien à cause de la multitude d'échappatoires fiscales qui permettent aux bien nantis de trouver facilement des solutions pour payer moins d'impôt. Si une nouvelle fourchette d'imposition s'ajoute au sommet de l'échelle, ces personnes augmenteront leurs cotisations à leur CELI ou à leur REER. Elles demanderont à être payées en options d'achat d'actions plutôt qu'en argent.

On s'entend généralement pour dire que les réductions d'impôts ciblées, comme les crédits d'impôt pour la condition physique ou les activités artistiques des enfants, constituent une mauvaise utilisation des fonds publics. Il vaudrait mieux utiliser cet argent pour financer des programmes et des écoles où l'on enseigne les arts, de manière à ce que tous puissent y avoir accès.

Il serait temps de se pencher sur les grosses échappatoires fiscales, comme l'inclusion partielle des gains en capital, la majoration des dividendes ou l'exemption des résidences principales.

L'un des graphiques de ce rapport montre exactement l'effet qu'aurait une hausse de l'exemption personnelle de base. C'est légèrement plus progressif que de changer la deuxième fourchette d'imposition, mais pas beaucoup plus. C'est parmi les revenus les plus élevés que le gain est le plus appréciable. Une hausse de l'exemption personnelle de base profite en fin de compte davantage à ceux qui paient le taux marginal le plus élevé.

La sénatrice Eaton : Oublions les baisses d'impôt pour ceux qui gagnent plus de 200 000 $. Ils sont parfaitement capables de se débrouiller. Mais, dans le but de réduire les inégalités, ne serait-il pas plus équitable d'accorder à la personne qui peine à joindre les deux bouts avec 45 000 $ par année une exemption supplémentaire de 5 000 $ qui lui éviterait de payer de l'impôt sur cette somme?

M. Macdonald : Oui. À l'heure actuelle, ce n'est pas ainsi que fonctionne l'exemption personnelle de base. Si vous l'augmentez de 5 000 $, le plus gros de l'argent ira au centile le plus riche de la population. C'est ainsi que la fiscalité fonctionne. Si vous voulez parler d'un transfert de richesse...

La sénatrice Eaton : Si j'ai un revenu de 45 000 $ et que, tout à coup, je n'ai plus d'impôt à payer, ce n'est pas avantageux pour moi?

M. Macdonald : Ce serait beaucoup moins avantageux pour vous que pour votre patron s'il est soumis aux mêmes règles fiscales.

La sénatrice Eaton : Serait-ce avantageux pour moi?

M. Macdonald : C'est justement le contraire. Une mesure qui est légèrement avantageuse pour la classe moyenne, mais qui l'est trois, quatre ou cinq fois plus pour les mieux nantis peut être considérée comme une utilisation peu judicieuse des ressources. Il nous faut des mesures qui ciblent davantage la classe moyenne. Par exemple, on ciblerait mieux les familles de la classe moyenne gagnant entre 40 000 $ et 60 000 $ avec une bonification du crédit d'impôt pour la TPS ou de la prestation fiscale pour le revenu de travail qu'avec un changement de l'exemption personnelle.

M. Alexander : La fiscalité canadienne me semble très complexe. La simplifier serait grandement utile. On générerait ainsi d'importantes recettes fiscales qu'il serait possible de retourner aux contribuables sous forme de réduction de l'impôt sur le revenu.

Je suis d'avis que les changements fiscaux proposés n'aideraient pas les gens qui sont au bas de l'échelle des revenus et qui mériteraient de l'aide. Je voudrais que la prestation fiscale pour le revenu de travail soit plus élevée. Le seuil devrait être plus élevé. Les taux de récupération fiscale devraient être modifiés pour éviter que le taux effectif d'imposition n'augmente tout à coup, lorsque les gens ont un revenu plus élevé.

Nous pourrions prendre beaucoup de mesures pour faire tomber les nombreux obstacles qui empêchent les gens d'embellir leurs perspectives et de grimper dans l'échelle des revenus. La mobilité sociale ascendante est bonne au Canada, dans l'ensemble, comparativement aux États-Unis. Mais beaucoup d'obstacles empêchent tout de même les gens d'augmenter leurs revenus et d'améliorer leur sort, et la fiscalité n'est pas l'unique moyen de les aider.

Je suis d'accord avec vous. C'est un système très complexe, qui est le sous-produit d'un environnement où des gouvernements avaient peu de marge de manœuvre budgétaire. Lorsqu'on n'a qu'une faible capacité fiscale, on ne peut ni faire de grandes choses ni apporter de grands changements. Ainsi, au fil du temps, les petites modifications du régime fiscal tendent à s'additionner, ce qui donne beaucoup de crédits d'impôt ultraciblés et d'autres mesures du genre.

C'est un peu comme une maison. Au bout d'un certain temps, elle devient encombrée, et il faut faire un grand ménage. Je dirais que le moment est très bien choisi pour faire un grand ménage dans la fiscalité canadienne.

M. Wudrick : Il semble y avoir un consensus parmi nous pour dire que le code fiscal est extrêmement complexe. Nous observons l'évolution de sa taille. Il a désormais plus d'un million de mots, ce qui fait deux fois plus que Guerre et paix, si vous voulez avoir une idée de sa longueur.

Manifestement, nous ne sommes pas d'accord avec les groupes comme le Centre canadien de politiques alternatives au sujet du fardeau fiscal qui nous semblerait adéquat. Mais, quel que soit l'impôt à payer, la fiscalité pourrait être beaucoup plus simple. Notre groupe préconise certainement la simplification de la fiscalité, ce qui signifierait l'élimination de nombreuses échappatoires fiscales. Je crois que nous devons être honnêtes quant aux conséquences de ce genre de changement. Si l'élimination des échappatoires fiscales engendre un taux d'imposition réel plus élevé pour certaines personnes, des conséquences imprévues pourraient en découler. Il y aurait des façons beaucoup plus simples d'obtenir les mêmes recettes fiscales.

La sénatrice Eaton : Aucun d'entre vous n'a répondu à la question. La TPS devrait-elle être augmentée?

M. Alexander : Je dirais premièrement que les Canadiens à faible revenu doivent être protégés contre les effets d'une hausse des taxes à la consommation. Augmenter la TPS n'est pas une mesure progressiste en soi parce qu'on pousse alors à la hausse le prix des produits de base. Il faut en être bien conscient. Mais à part ce bémol, les études économiques sont très claires : la distorsion résultant des taxes à la consommation est moindre que celle qui résulte de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, il serait économiquement plus efficace de tirer une plus grande proportion des recettes fiscales des taxes à la consommation.

La sénatrice Marshall : Voilà de l'information très utile. C'est très intéressant. Lorsque nous avons reçu le projet de loi, j'ai cru comprendre que le gouvernement allait réduire le taux d'imposition des deux fourchettes d'imposition les plus basses, de manière à donner un coup de pouce aux contribuables entrant dans cette catégorie. Mais, lorsque le sénateur Smith a pris la parole au Sénat, il a dit — et j'ai bien tendu l'oreille en l'entendant — que les vrais gagnants seraient les contribuables aux revenus se situant entre 150 000 $ et 200 000 $, comme les députés et les sénateurs.

Le sénateur Larry Smith : Je n'aurais pas dû le dire. Je me suis trompé.

La sénatrice Marshall : J'étais plutôt surprise, mais le document du Centre canadien de politiques alternatives dit que ce sont les familles des 20 centiles supérieures, qui gagnent plus de 124 000 $ par année, qui bénéficieront le plus de cet allègement fiscal.

Cela dit, et compte tenu de l'intention du gouvernement d'alléger le fardeau fiscal des deux groupes qui sont au bas de l'échelle, aurait-il été possible de réduire le taux d'imposition des deux fourchettes de revenus supérieures, de telle sorte que les contribuables concernés ne profitent pas de l'allègement fiscal consenti aux deux fourchettes inférieures? Comprenez-vous ce que je veux dire? Au lieu de maintenir les taux d'imposition à 26 p. 100 et 29 p. 100 pour les deux fourchettes supérieures, aurait-on pu réduire ces taux pour qu'ils soient de 25 p. 100 et 28 p. 100, ce qui annulerait l'effet de la baisse du taux dans les fourchettes inférieures?

M. Macdonald : Toute modification d'un taux d'imposition, que ce soit celui de la fourchette inférieure, de la fourchette intermédiaire ou de la fourchette supérieure, a une plus grande incidence sur les contribuables aux revenus élevés que sur les autres. Tout le monde paie le même taux pour une fourchette donnée, ce qui veut dire 15 p. 100, par exemple, sur la première tranche de 45 000 $.

La sénatrice Marshall : Je comprends bien.

M. Macdonald : Lorsqu'on baisse un taux d'imposition, les personnes qui gagnent moins de 45 000 $ payent moins d'impôt, mais il en va de même pour tous ceux qui gagnent plus. Ceux qui voient leur impôt diminuer le plus sont ceux dont le revenu est juste un peu plus élevé que la limite supérieure de la fourchette. Par exemple, pour bénéficier au maximum d'une baisse du taux d'imposition de la deuxième fourchette de revenus, qui va de 45 000 $ à 90 000 $, le contribuable doit gagner au moins 90 000 $, et il se trouve alors passablement haut dans l'échelle globale des revenus.

La sénatrice Marshall : Il y a désormais cinq taux d'imposition, qui vont de 15 p. 100 à 33 p. 100. Le taux le plus élevé était de 29 p. 100, mais il a été augmenté et est désormais de 33 p. 100, ce qui fait que les contribuables au sommet de l'échelle des revenus paient un taux plus élevé. Mais le taux d'imposition de 29 p. 100, pour la fourchette juste au-dessous, ne pourrait-il pas être augmenté et fixé à 30 p. 100 de manière à ce que les contribuables dont le revenu atteint ce niveau ne voient pas leur impôt diminuer? Le gouvernement pourrait atteindre ses objectifs, et ce ne serait vraiment pas un gros changement.

Vous suggérez d'autres moyens, comme aider les gens dont les revenus sont dans la première fourchette, au bas de l'échelle, mais il me semble qu'il serait assez facile de faire passer les taux de 26 p. 100 et de 29 p. 100 à 27 et 30 p. 100. Ce serait une solution envisageable, n'est-ce pas?

M. Macdonald : Certainement. Je crois que la question qui se pose par la suite est celle de décider comment utiliser les recettes fiscales additionnelles, compte tenu de l'objectif de transférer de la richesse principalement à la classe moyenne. Ce transfert est difficile à réaliser en ayant recours uniquement aux taux d'imposition. Il faut un mécanisme du genre du crédit d'impôt pour la TPS ou de la prestation fiscale pour le revenu de travail, mécanisme qui permet de mieux cibler la classe moyenne que les changements de taux d'imposition.

M. Alexander : L'observation que je ferais concerne la croissance des revenus des ménages. Je voudrais vous signaler que les contribuables dont les revenus sont inférieurs à 200 000 $ et qui bénéficient de l'allégement fiscal dont vous parlez ne sont pas ceux qui ont vu leurs revenus croître énormément. Les revenus qui ont le plus augmenté sont ceux qui sont supérieurs à 200 000 $.

Existe-t-il plusieurs options pour rendre la fiscalité canadienne plus progressiste? Oui, mais quel objectif poursuit-on? Si l'on veut simplement que la fiscalité soit plus progressiste, il existe beaucoup de moyens d'y arriver.

En revanche, si l'on se donne comme objectif précis de freiner un peu la hausse des revenus au sommet de l'échelle, qui augmentent plus vite que les autres revenus, on est amené à débattre de l'utilisation des recettes fiscales additionnelles. C'est une question d'intention. Si l'on veut rendre la fiscalité plus progressiste, de manière générale, il y a divers moyens d'y arriver, cela ne fait aucun doute.

M. Wudrick : Vous avez tout à fait raison. Si l'objectif poursuivi est de transférer à un groupe de l'argent provenant d'un autre groupe, on peut simplement hausser l'impôt d'un groupe et le réduire pour l'autre, ce qui revient à transférer de l'argent.

À la Fédération canadienne des contribuables, il nous semble curieux que l'on considère systématiquement les allègements fiscaux comme une baisse des recettes fiscales de l'État, alors qu'en fait, l'argent appartient aux Canadiens. Baisser l'impôt signifie que les contribuables pourront simplement conserver une plus grande partie de leur argent.

D'autres personnes ne voient pas les choses du même œil que nous, en particulier lorsqu'il s'agit d'un groupe qui aimerait que le gouvernement emploie l'argent d'une certaine manière. Mais selon nous, la diminution des recettes fiscales de l'État est une question secondaire. L'essentiel est que l'argent reste dans les poches des Canadiens, qui ont ainsi la possibilité de s'en servir comme ils l'entendent.

M. Alexander : La question de la compétitivité doit être prise en compte également. Nous avons tendance à discuter des écarts de revenus en faisant abstraction du reste. Quelle est la tendance des revenus au Canada et que pouvons-nous y faire? Nous ne devons pas oublier que les États-Unis appliquent des politiques économiques ayant pour effet de permettre aux inégalités de se creuser beaucoup plus qu'au Canada, où il devient alors difficile de concurrencer le voisin du sud. Si les États-Unis acceptent que leurs bas salariés soient payés beaucoup moins cher et que leurs hauts salariés soient payés beaucoup plus cher, le Canada se retrouve avec un problème économique très fondamental : comment maintenir un environnement socio-économique n'ayant pas les inégalités extrêmes que cultivent les États-Unis et qui y font des ravages de nos jours, comme on peut le constater?

Au Canada, nous nous disons que nous ne voulons pas suivre le mauvais exemple des États-Unis. Nous voulons freiner la tendance parce qu'elle traverse la frontière et nous envahit. Mais comment faire s'il faut que les hauts salariés paient beaucoup plus d'impôt au Canada qu'aux États-Unis? Comment prévenir l'exode des cerveaux et convaincre, par exemple, des spécialistes des technologies de l'information et des communications de rester à Ottawa ou à Kitchener pour y développer les produits technologiques qui feront fureur demain s'ils peuvent partir travailler à Silicon Valley et y payer beaucoup moins d'impôt?

C'est un sujet difficile, et il n'y a pas de solution miracle. Il faut simplement être conscient de ce problème lorsqu'on songe à mettre en œuvre des politiques au Canada. Pour le Canada, les États-Unis constituent une menace très sérieuse à cause des écarts de revenus qui y sont pratiqués.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je vous remercie pour vos commentaires. Quand on parle de fiscalité, comme vous l'avez dit, monsieur Alexander, il est facile de s'entendre au moins sur une chose : le régime fiscal devrait sans doute être revu. Il est peut-être temps de procéder à une révision complète de la fiscalité. Je crois que les témoins précédents sont parvenus aux mêmes conclusions.

Nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-2, et je vais en revenir à la même question. Dans mon cas, je trouve que les baisses d'impôt doivent aussi s'analyser en fonction des transferts de revenu qui ont été prévus dans le budget. En ce qui nous concerne, les inégalités de revenu, examinez-vous l'impact global de ces mesures fiscales, les baisses d'impôt et les augmentations par classes de revenu, et, par exemple, l'allocation pour enfant? Il y a aussi le fait qu'on n'aura pas le fractionnement du revenu.

Avez-vous examiné l'impact de ces mesures sur la répartition des revenus des Canadiens? Avez-vous une idée de l'impact global de l'ensemble de ces mesures? Est-ce qu'elles sont progressives, régressives, quand on regarde l'ensemble dans sa totalité?

[Traduction]

M. Alexander : L'allocation canadienne pour enfants est une mesure importante. Ce n'est pas uniquement un regroupement de plusieurs prestations, mais aussi une bonification de ces mesures. On peut dire que toutes les familles en bénéficieront, des plus démunies aux mieux nanties. Toutes les familles ont des enfants, peu importe leurs revenus. Je crois que, tout compte fait, c'est une mesure qui s'avérera plutôt progressiste et qui aura de bons effets sur le taux de natalité, par exemple. Elle complète bien la réduction du taux d'imposition qui est proposée pour la fourchette de revenus intermédiaire.

Nous ne devrions pas oublier que, lorsque le taux d'imposition sera abaissé, les Canadiens n'épargneront pas l'argent qu'ils auront de plus dans les poches. Ils le dépenseront tout comme ils dépenseront l'Allocation canadienne pour enfants. Ils n'épargneront dans l'ensemble qu'une somme infime.

Lorsqu'on ajoute à ces mesures les dépenses d'infrastructure qui sont prévues dans le budget, les prévisions économiques que fait mon équipe nous indiquent une hausse importante de la croissance économique en 2017. L'effet est moindre en 2018 parce que, si l'on augmente les revenus des gens une année avec l'Allocation canadienne pour enfants et que l'on maintient les mêmes paiements l'année suivante, la courbe est poussée vers le haut, puis elle se rapproche de l'horizontale.

Concrètement, ces mesures ajouteront peut-être 0,4 point de pourcentage à la croissance économique l'année prochaine. Cela peut sembler faible, mais c'est la différence entre une croissance de 1,6 p. 100 et de 2 p. 100. C'est ce qui devrait permettre à l'économie canadienne de dépasser son potentiel de croissance plutôt que de connaître une croissance inférieure à son potentiel.

Pour ce qui est de la politique économique, on constate, à la lecture du dernier Rapport sur la politique monétaire produit par la Banque du Canada, que l'on se fie beaucoup à la politique fiscale pour stimuler l'économie, la hisser au-dessus du rythme de croissance qu'elle a connu dernièrement et la redresser solidement.

Ces mesures ont une dimension socio-économique. Quel effet auront-elles sur la distribution des revenus? Quel effet tangible auront-elles sur la croissance économique? Mon intuition me dit que, sans les mesures additionnelles de la politique fiscale, la Banque du Canada serait obligée de réduire les taux d'intérêt, une perspective qui me semblerait inquiétante vu le niveau déjà très bas des taux à l'heure actuelle.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Il pourrait devenir négatif, comme dans certains pays, ce que personne ne souhaite.

[Traduction]

M. Alexander : Nous ne souhaitons pas voir des taux d'intérêt négatifs et nous ne voulons pas non plus que la Banque du Canada soit obligée de procéder à un assouplissement quantitatif. Je suis convaincu que, lorsqu'on écrira l'histoire de la période actuelle, dans 10 ou 15 ans, on portera un jugement défavorable sur les programmes d'assouplissement quantitatif et de taux d'intérêt négatifs. Je crois qu'ils nuisent beaucoup à l'économie.

M. Wudrick : Apprécier l'effet global des changements envisagés est une bonne approche, mais je pourrais dire un mot en particulier sur la prestation universelle pour la garde d'enfants. Nous y étions favorables. Nous aimons le principe d'un paiement direct aux parents plutôt que de voir le gouvernement tenter d'élaborer à l'aveuglette un programme qui serait bénéfique pour les gens. Nous pensons qu'un paiement direct est un meilleur moyen d'aider les familles dans cette optique.

Mais nous avons aimé le changement apporté par le nouveau gouvernement. Nous pensons qu'envoyer l'argent directement aux familles qui en ont le plus besoin constitue un bon principe et une saine utilisation des deniers publics, alors nous avons appuyé ce changement.

M. Macdonald : Je pense que c'est une excellente question. Chaque année, dans notre Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, nous effectuons justement cette analyse. Nous ne devrions pas être obligés de nous poser ensemble la question : « Quels seront les effets du budget sur les revenus et sur l'égalité en général? » Mais nous nous la posons quand même, malheureusement. Si notre équipe d'experts de l'économie est capable de produire une analyse de répartition, il est certain que le ministère des Finances en serait capable.

L'un des changements qui doivent absolument être soulignés est l'entrée en vigueur simultanée, le 1er juillet, de l'Allocation canadienne pour enfants et de la hausse du Supplément de revenu garanti. Ces mesures ont vraisemblablement sorti environ 500 000 Canadiens de la pauvreté. Nous pourrons observer une réduction tangible des taux de pauvreté grâce à ces mesures.

Je ne saurais vous dire si, après les deux centiles du sommet de l'échelle des revenus, qui paieront davantage d'impôt, la réduction d'impôt des 18 centiles suivants sera plus importante que la hausse de l'Allocation canadienne pour enfants et du Supplément de revenu garanti pour les familles à faible revenu. Je pense que les sommes seront assez semblables. Si l'on exclut les contribuables les mieux nantis, qui paieront beaucoup plus cher, ceux qui font partie des 10 centiles supérieurs de l'échelle des revenus paieront environ 800 $ de moins en impôt. C'est une somme moyenne assez importante par famille, alors je serais étonné qu'un décile du bas ou du milieu de l'échelle des revenus bénéficie d'une réduction d'impôt supérieure à la somme de l'Allocation canadienne pour enfants et de la hausse du Supplément de revenu garanti.

M. Alexander : L'effet mesurable sur la pauvreté devrait ressembler à celui d'un programme de revenu de base réservé aux familles. Ceux qui n'ont pas d'enfants ne recevront rien, mais les familles avec des enfants bénéficieront de cette mesure. C'est un peu comme si nous avions créé un programme de revenu de base pour ces familles. Voilà pourquoi il se révèle si efficace contre la pauvreté.

Le président : Je crois bien qu'en réunissant plusieurs mesures fiscales comme le faisait le gouvernement précédent et comme est en train de le faire le gouvernement actuel, on peut faire un calcul cumulatif qui laisse une bonne impression. Mais le projet de loi C-2 vise à alléger le fardeau fiscal de la classe moyenne, et j'aimerais vous demander quelle est votre définition de la « classe moyenne ». J'entends les expressions « classe moyenne », « revenu élevé », « revenu moyennement élevé » et « revenu moyen ».

Ce programme aura-t-il les effets escomptés? Il vise supposément à alléger le fardeau fiscal des gens qui gagnent entre 45 000 $ et 90 000 $. L'allègement sera-t-il conforme aux attentes?

Deuxièmement, des témoins sont venus nous dire que le déficit sera de 8,9 milliards de dollars sur quatre ans. Certains pensent que c'est un petit déficit, et d'autres y voient un gros déficit. Mais, quoi qu'il en soit, après avoir bénéficié de 700 $, 500 $ ou 400 $, les gens devront rembourser la dette. L'argent qui entre d'un côté ressort de l'autre parce que nous devons rembourser la dette.

Je crois que nous convenons tous que la prestation pour la garde d'enfants destinée aux familles est fantastique, bien qu'elle prenne désormais une nouvelle forme. Le gouvernement précédent a mis en œuvre cette mesure sous une autre forme. Les deux gouvernements ont pris deux mesures distinctes. Laquelle est la meilleure? Chacun peut prêcher pour sa paroisse.

Mais nous sommes en train d'étudier le projet de loi C-2. Que fait ce projet de loi? Répond-il aux attentes? C'est ce que nous sommes en train d'essayer de déterminer par notre analyse, de manière à savoir si des amendements peuvent être apportés ou si des décisions peuvent être prises pour améliorer le projet de loi C-2. Il me semble que nous devons chercher à améliorer les projets de loi dans l'intérêt des Canadiens, du moins j'ose espérer que c'est le cas.

Vous sauriez peut-être répondre à cette question. Existe-t-il une classe moyenne? Devrions-nous l'appeler « classe moyenne »? Qui fait partie de la classe moyenne?

M. Alexander : Votre question a changé. Si je prends votre question par la fin, je constate que tout le monde fait partie de la classe moyenne, sauf les gens qui vivent des programmes d'aide de l'État parce que c'est la perception qu'ont les gens. Ceux qui bénéficient d'un soutien du revenu et qui en ont besoin pour vivre sont conscients qu'ils ne font probablement pas partie de la classe moyenne canadienne. Mais pratiquement tout le reste de la population canadienne, sauf les personnes très riches, estime faire partie de la classe moyenne.

Nous pourrions retenir la définition étroite de la classe moyenne qu'emploient les économistes et qui correspond à certaines fourchettes d'imposition. Néanmoins, lorsque le gouvernement déclare vouloir aider la classe moyenne, je pense qu'en fait, il veut simplement dire qu'il va aider les Canadiens, car c'est ainsi que l'électorat interprète cette intention.

Pour ce qui est des catégories de contribuables qui sont représentées dans le projet de loi C-2, il faut comprendre que les gens qui gagnent plus de 200 000 $ constituent le centile supérieur de l'échelle des revenus. Nous pouvons leur donner le nom que nous voulons, mais ils constituent seulement 1 p. 100 de la population. Nous ne saurions considérer que ces contribuables se trouvent au milieu de l'échelle des revenus. Nous savons qu'ils occupent le sommet de cette échelle.

En ce qui a trait aux mesures fiscales contenues dans le projet de loi, je crois qu'on a déjà bien fait valoir l'idée que, compte tenu des fourchettes de revenus ayant été présentées, les gens qui gagnent moins de 200 000 $, mais qui sont néanmoins près du sommet de l'échelle des revenus profitent de la réduction d'impôt. Vous pouvez débattre du nom à donner à cette catégorie de contribuables : le milieu de l'échelle des revenus ou la classe moyenne supérieure.

Pour répondre à votre objection concernant le financement de ces mesures, j'ai essayé de souligner qu'à l'origine, l'ajout d'une fourchette d'imposition au sommet de l'échelle devait compenser la réduction du taux d'imposition intermédiaire. Or, le ministère des Finances a admis que ce ne serait pas le cas et qu'il y aurait un manque à gagner, ce qui veut dire qu'il faut avoir recours à d'autres instruments fiscaux pour pouvoir tenir la promesse.

J'attire votre attention sur l'affirmation selon laquelle le ministère des Finances pouvait se montrer optimiste, car on peut s'attendre à ce que les contribuables à revenu élevé changent de comportement, notamment qu'ils consacrent plus de temps à leurs loisirs et moins de temps à leur travail. Prenons le cas d'un médecin qui ne travaille pas le vendredi. Il se pourrait qu'il décide de ne pas travailler le lundi également à cause de la hausse du taux d'imposition. Le revenu après impôt n'étant plus aussi intéressant qu'avant, le médecin risque de se dire qu'il vaut mieux prendre un jour de congé de plus par semaine.

C'est un phénomène qui a pu être observé empiriquement dans d'autres pays. Nous savons que les contribuables qui se trouvent moins haut dans l'échelle des revenus ont beaucoup moins tendance à changer de comportement. Essentiellement, c'est parce qu'ils ont moins le choix. À l'inverse, on constate qu'un peu partout dans le monde, les contribuables se trouvant au sommet de l'échelle des revenus modifient beaucoup plus leur comportement en réaction aux changements dans les fourchettes d'imposition supérieures.

Alexandre Laurin s'est servi d'une sorte de moyenne ou d'ensemble médian de valeurs d'élasticité de l'assiette fiscale dans les fourchettes d'imposition élevées. Il a utilisé les données issues de plusieurs études réalisées dans divers pays et est parvenu à faire une estimation empirique selon laquelle le résultat de la hausse de la hausse du taux d'imposition pourrait être de seulement 1 milliard de dollars par année, soit beaucoup moins que ce que vous prévoyiez.

Il existe en outre un effet d'entraînement. Si les contribuables à haut revenu changent leur comportement, ce ne sont pas uniquement les recettes fiscales fédérales qui diminueront, mais également celles des provinces. À l'issue de son analyse, Alexandre Laurin conclut essentiellement que les pertes fiscales des provinces pourraient s'élever à environ 1,4 milliard de dollars à cause des changements dans les activités des contribuables à revenu élevé.

La mesure ne s'autofinancera pas. Il faudra trouver ailleurs la capacité fiscale nécessaire pour la financer, ce qui risque d'entraîner plus de pressions financières que ce à quoi le gouvernement s'attend présentement.

Il faut donc se demander ce que visait cette mesure. S'il s'agissait de tirer davantage de recettes fiscales du centile supérieur dans l'échelle des revenus, le gouvernement sera déçu. Si l'objectif est plutôt socio-économique et que l'on souhaite réduire les écarts entre les revenus après impôt, le centile supérieur des contribuables est celui qui est ciblé.

M. Macdonald : À ce sujet, permettez-moi de dire que je souscris entièrement à l'idée que la classe moyenne au sens large n'est pas un concept économique, mais bien un concept social. Habituellement, lorsque je parle de la classe moyenne, j'entends la proportion de 3 à 30 p. 100 des familles qui se trouve au milieu de l'échelle des revenus.

En ce qui a trait aux contribuables pris individuellement, il vaut amplement la peine de souligner que la moitié des Canadiens gagnent moins de 30 000 $ par année, tandis que l'autre moitié gagnent plus de 30 000 $ par année. Une proportion de 65 p. 100 des Canadiens a un revenu n'atteignant même pas la fourchette d'imposition qui commence à 45 000 $. La réduction du taux d'imposition envisagée ne leur donnera strictement rien. Et ce ne sont même pas les contribuables dont le revenu se situe entre 45 000 $ et 90 000 $ qui profiteront le plus de cette mesure, car il faut gagner 90 000 $ ou plus pour que la baisse du taux d'imposition puisse s'appliquer à toute la fourchette allant de 45 000 $ à 90 000 $. Quant aux personnes qui gagnent plus de 90 000 $, elles représentent les 15 centiles supérieurs de l'échelle des revenus.

En fait, 65 p. 100 des déclarants n'en tirent aucun avantage parce qu'ils ne gagnent pas 45 000 $ par année. Par conséquent, selon les critères, ils ne sont pas admissibles à cette mesure.

M. Wudrick : Je ne m'attendais pas à être à ce point d'accord avec le CCPA en témoignant devant un comité aujourd'hui.

Je crois que nous sommes tous conscients que la classe moyenne est un terme très populaire parmi les politiciens en raison de son élasticité. Cette catégorie est plus culturelle qu'économique. C'est normal. Dans certaines régions du pays, un ménage peut avoir la même qualité de vie avec un revenu de 60 000 $ qu'un autre ménage qui gagne 150 000 $. Cela tombe sous le sens. Encore une fois, la classe moyenne est un terme très populaire parmi les politiciens parce qu'on peut le définir comme on veut.

Vous avez posé une question sur ce qui se trouve plus précisément dans le projet de loi C-2 et sur le compromis à l'égard des tranches d'imposition. Encore une fois, je crois que M. Alexander a bien résumé la situation. Cette promesse a été conçue comme un compromis ou un échange; on allège le fardeau pour certains, et on l'augmente pour d'autres. Or, ce n'est pas ce qui se produira. Non seulement il y aura moins de recettes de la part des riches, mais les pertes de recettes de la part des autres contribuables seront encore plus coûteuses, et cette conséquence prend encore plus d'importance lorsqu'on tient compte de l'ensemble de la situation financière. Le déficit que le gouvernement s'est engagé à faire sera trois fois plus élevé que prévu. Je dirais que c'est un changement de cap majeur qui, comme vous l'avez dit, finira par avoir des conséquences en ce qui a trait au remboursement de la dette.

Le sénateur Pratte : Eh bien, j'ai tellement de questions à poser que je ne sais pas par où commencer.

Parlons des conséquences liées au déficit, car le directeur parlementaire du budget a parlé d'un déficit de 1,8 ou 1,9 milliard de dollars par année; sur une période de quatre ans, certes, mais c'est le chiffre qui a été avancé. À quel point est-ce important par rapport au déficit annuel actuellement prévu? Je crois qu'il a estimé le déficit à 24 milliards de dollars pour 2017-2018. Quelle est l'importance de ce montant par rapport au Trésor fédéral? C'est ma première question.

M. Alexander : Je dirais que la tranche d'imposition la plus élevée ne générera pas les recettes fiscales escomptées. Quoi qu'il en soit, si on suppose que rien d'autre ne changera — puisque les gouvernements ont plusieurs options —, que le gouvernement décidera de faire un déficit de 30 milliards de dollars, par exemple, et que les recettes fiscales seront moins importantes que prévu en ce qui a trait à la tranche d'imposition la plus élevée, alors le gouvernement peut prendre d'autres mesures pour en atténuer les conséquences. Cependant, si on optait pour le statu quo, cela reviendrait à dire qu'on a choisi d'alourdir le déficit de quelques milliards de dollars sans proposer d'autres mesures.

Pour ce qui est de l'état des finances fédérales, si on tient compte du ratio de la dette par rapport au PIB, le déficit est très peu élevé. La situation financière actuelle permet de faire des déficits, mais je dirais que la responsabilité sur le plan financier passe également par la présentation de budgets équilibrés tout au long du cycle économique.

Parmi les facteurs les plus importants à considérer, soulignons que l'économie canadienne est actuellement aux prises avec une crise du marché des produits de base, une croissance économique inférieure à la normale et un ralentissement économique important, autant de raisons qui, jumelées au fait que toutes les mesures financières possibles ont déjà été prises, peuvent actuellement justifier, à mon avis, de faire des déficits. La question est de savoir comment faire des déficits. Devrait-on le faire en apportant des modifications aux tranches d'imposition ou en améliorant des facteurs de productivité comme les infrastructures? Les gouvernements doivent faire des compromis.

Je ne suis pas inquiet de l'état actuel des finances fédérales. Je pense que le gouvernement peut se permettre de faire des déficits pendant une certaine période afin de stimuler l'économie. Je crois que le Canada présente des lacunes majeures au chapitre de la productivité; si le gouvernement tient à faire des déficits maintenant, je l'encourage à commencer immédiatement à investir dans des mesures visant à stimuler la productivité, l'innovation et la compétitivité. Je ne crois pas que les modifications aux tranches d'imposition permettront d'atteindre cet objectif.

M. Macdonald : Le déficit de 29 milliards de dollars prévu cette année, soit environ 1,5 p. 100 du PIB, est relativement faible par rapport à ce qu'on voit dans les autres secteurs de l'économie canadienne, notamment en ce qui a trait aux ménages et au secteur privé, qui ont fait des déficits considérables au cours de la dernière année. Les ménages accusent un déficit de 100 milliards de dollars par année depuis 15 ans, ce qui explique la crise de l'endettement des ménages.

En fait, du point de vue des secteurs de l'économie, le gouvernement fédéral est en meilleure posture que tous les autres secteurs. Les provinces sont maintenant plus endettées que le gouvernement fédéral, une situation unique au Canada. Le gouvernement fédéral est le moins endetté des secteurs de l'économie canadienne. Ajouter un milliard de dollars ou deux au déficit ne changera rien. D'ailleurs, à l'heure actuelle, nous devrions probablement faire des déficits plus élevés que 29 milliards de dollars, soit l'équivalent d'environ 2 p. 100 du PIB, ce qui porterait le total à environ 40 milliards de dollars.

Il est à noter que, en ce qui a trait aux groupes à revenu élevé, l'élasticité est reliée aux autres possibilités de contourner le régime fiscal en exploitant les échappatoires fiscales légales. Plus il y a d'échappatoires fiscales légales, plus il est possible de s'adapter à une hausse d'impôt, notamment en transférant son argent d'une autre façon ou en se faisant payer différemment, par exemple en se faisant payer par l'entremise d'une société plutôt que directement. Il est à souligner qu'il existe des façons de limiter la prise de mesures d'adaptation par les contribuables à revenu élevé en réduisant les possibilités de contourner le régime fiscal au moyen d'échappatoires fiscales.

M. Wudrick : Nous pouvons enfin être en désaccord, David. J'attendais le moment propice.

En ce qui concerne la dette du gouvernement, il est vrai — particulièrement à l'échelle fédérale — que le ratio de la dette par rapport au PIB est moins élevé que dans la plupart des autres pays de l'OCDE. Cependant, la comparaison serait plus juste si on tenait compte des gouvernements provinciaux. Les pays comme le Royaume-Uni ou le Japon sont des États unitaires. Comme ils n'ont pas de provinces, au bout du compte, la dette du gouvernement est un fardeau pour l'ensemble des contribuables. Je pense que, si on tenait compte de la dette des provinces, le ratio de la dette par rapport au PIB ferait un bond considérable; il ne serait pas parmi les pires, mais il augmenterait de façon substantielle pour atteindre même le double du taux que le gouvernement fédéral doit assumer.

Notre groupe n'est pas en faveur des déficits. Si on prévoit en faire un, il est important de déterminer comment dépenser cet argent. En l'espèce, le gouvernement prétend soutenir la productivité à long terme, mais dans bien des cas, leurs investissements ne vont pas dans ce sens.

De façon similaire, on peut se demander si les pertes de recettes liées à ces modifications fiscales amèneront le gouvernement à réévaluer d'autres aspects de leur plan budgétaire. Les gouvernements ne peuvent pas supposer qu'ils continueront d'avoir accès aux mêmes recettes qu'auparavant. Si les circonstances changent, ils doivent revoir leurs prévisions. Je crois qu'il est erroné de présumer qu'on peut se lancer aveuglément dans toutes sortes de dépenses même si les recettes ont changé.

Même si on décide de faire des déficits contracycliques — ce que nous désapprouvons également —, il faudrait le faire lorsqu'il y a une véritable récession plutôt qu'en période de faible croissance. Si une récession survient après que l'on ait utilisé nos réserves, la situation peut s'aggraver davantage.

Le sénateur Day : Premièrement, vous avez dit avoir enfin trouvé un sujet de désaccord. Or, M. Macdonald a terminé son intervention en disant qu'il y a trop d'échappatoires fiscales. Êtes-vous en désaccord à ce sujet?

M. Wudrick : Non.

Le sénateur Day : Je m'en doutais, mais je croyais que vous aviez changé d'avis au cours de la discussion.

Monsieur Alexander, l'élan de compassion dont ils ont fait preuve pendant la crise des réfugiés démontre que les Canadiens sont différents des habitants d'autres pays. Pour analyser les effets sur le comportement, vous appliquez les mêmes critères au Canada qu'à une foule de pays différents. À quel point peut-on s'attendre au même résultat au Canada quand on sait que les Canadiens sont portés à reconnaître qu'il est important d'assumer un certain fardeau fiscal afin d'avoir un pays sécuritaire où il fait bon vivre, voire le meilleur pays du monde? Pourquoi vous fondez-vous sur les critères employés à l'étranger pour revoir à la baisse les prévisions concernant le Canada?

M. Alexander : Je vous ai soumis un exemplaire du rapport. Si on tient compte des variables concernant le comportement du Canada, on arrive à la même conclusion, soit que les recettes seront beaucoup moins importantes qu'on le prévoit actuellement.

Le sénateur Day : Vous avez parlé d'un rapport. L'avons-nous tous reçu?

M. Alexander : Je serais ravi de le soumettre au comité. Je vais le fournir à la greffière.

Le sénateur Day : Cela nous serait utile. Nous pourrions ainsi nous pencher sur l'analyse.

M. Alexander : L'analyse portait plus précisément sur la Colombie-Britannique. On pourrait se demander dans quelle mesure les comportements sont différents d'une région à l'autre du pays.

Le sénateur Day : Nous ne devrions probablement pas nous lancer dans ce genre d'analyse pour le moment.

M. Alexander : L'étude menée au Canada visait plus précisément à donner un aperçu des effets sur le comportement en Colombie-Britannique.

Pour ce qui est des recettes fiscales à venir, ce sont des prévisions, et non des prédictions; je pourrais me tromper. Y a-t-il un risque important? Il est possible que nous soyons déçus des recettes que nous allons percevoir.

Si l'Agence du revenu du Canada s'avérait très efficace pour combler les lacunes du régime fiscal, l'effet sur le comportement pourrait changer, mais il y a des facteurs qui pourraient atténuer les recettes générées par la hausse du taux d'imposition des plus riches. L'ARC fait des efforts pour améliorer la perception des recettes. Cependant, il faut au moins prendre en compte certains risques qui pourraient réduire les recettes fiscales générées par cette nouvelle tranche d'imposition, à plus forte raison si le gouvernement envisage de faire un déficit de 30 milliards de dollars.

Le sénateur Day : Je conviens qu'il s'agit d'une possibilité et non d'un fait accompli. Cela pourrait se produire ou non.

Il est également possible qu'il finisse par y avoir plus de contribuables avec un revenu supérieur à 200 000 $ que le 1 p. 100 actuel que vise cette tranche d'imposition supérieure. Un plus grand nombre de Canadiens pourraient se retrouver dans cette tranche d'imposition supérieure s'il y avait une reprise économique. Il est permis d'espérer.

M. Macdonald : La hausse du taux d'imposition des 20 p. 100 de Canadiens les mieux nantis est probablement l'une des pires façons d'engager des dépenses déficitaires si l'objectif est de stimuler la croissance économique. L'argent que l'on donne aux riches risque davantage d'être épargné ou investi dans l'importation plutôt que d'être réinvesti dans l'économie canadienne.

Si vous vouliez vous servir du déficit pour stimuler l'économie, vous auriez plutôt avantage à investir dans les infrastructures sociales ou physiques, ou encore — si vous tenez à offrir cet argent directement à la population — à verser l'argent aux ménages à faible revenu qui sont plus susceptibles de tout dépenser que de l'investir dans l'importation. C'est probablement la pire façon de dépenser cet argent. Ce n'est pas particulièrement stimulant pour l'économie.

Le sénateur Day : Êtes-vous du même avis que les autres en ce qui concerne le nombre de contribuables qui profiteraient du montant maximal au titre de l'épargne libre d'impôt? Selon les pourcentages avancés, entre 10 p. 100 et 17 p. 100 des contribuables qui ont décidé d'ouvrir un compte d'épargne libre d'impôt n'y investissent pas le montant maximum. Ils ne se rendent pas jusqu'au montant maximum.

M. Wudrick : On parle plutôt du nombre de personnes qui y investissent le montant maximum.

Le sénateur Day : Oui, le nombre de personnes qui le font.

M. Wudrick : Oui. Je ne réfute pas ces chiffres, mais c'est quand même un grand nombre de personnes. Il n'est pas surprenant que les plus riches soient plus nombreux à recourir à ce type d'épargne. C'est normal, car ils ont plus d'argent, mais il y a quand même bien des gens moins nantis qui en profitent. Le fait que 10 p. 100 des gens qui gagnent entre 20 000 $ et 30 000 $ par année puissent en profiter est quand même considérable.

Ces chiffres réfutent l'argument selon lequel aucune personne qui touche un tel revenu ne pourrait profiter d'un CELI de toute façon. M. Alexander a raison de dire que cela dépend si on considère que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Nous sommes heureux que cet outil existe encore. Nous aimerions que l'on propose de nouveau de porter le plafond de cotisation à 10 000 $.

Le sénateur Day : Le plafond de cotisation à un CELI de 10 000 $ n'a été en place que pour un an. Avons-nous des statistiques pour cette seule année?

M. Alexander : Il est trop tôt. Nous recevons les données de Statistique Canada avec un certain décalage. Les données du régime fiscal datent de deux ou trois ans lorsqu'elles sont consignées. Dans le cas des Canadiens à faible revenu qui cotisent au maximum à un CELI, ce sont des aînés qui le font afin de mettre à l'abri une partie de leur richesse. Je suis favorable à ce que l'on aide les aînés à la retraite à bonifier leur revenu net d'impôt.

Parmi les Canadiens qui se situent dans les tranches d'imposition de la classe moyenne, il y a des gens qui n'ont pas de régime de retraite offert par l'employeur. Peuvent-ils bénéficier d'une épargne-retraite convenable s'ils n'ont pas de régime de retraite offert par l'employeur et doivent s'en remettre uniquement à leur épargne personnelle, aux REER et aux CELI?

Je n'aime guère que l'on parle d'échappatoires fiscales à tort et à travers. Ce n'est pas une échappatoire fiscale, mais une mesure qui incite à épargner. Voilà ce dont il s'agit.

Le président : Oui, c'est de l'argent net d'impôt.

M. Alexander : C'est de l'argent net d'impôt. C'est de l'argent sur lequel on a déjà prélevé de l'impôt, et on encourage maintenant les gens à l'épargner. On peut certainement dire que cette mesure aide de nombreux Canadiens qui doivent épargner en vue de la retraite, mais qui n'ont pas accès à un bon régime de retraite offert par l'employeur.

Le dernier aspect qui n'a pas vraiment été abordé concerne le manque à gagner qui serait survenu au chapitre des recettes si le gouvernement avait maintenu le plafond de cotisation à un CELI. Des chiffres ont été avancés au sujet de l'ampleur des pertes que cela représenterait pour le Trésor. Or, ce ne sont pas des pertes de recettes réelles, mais plutôt un manque à gagner sur des recettes potentielles. Ce qu'il faut retenir, c'est que, sans incitatif, il n'y aura pas d'investissement, et sans investissement, il n'y aura pas de recettes fiscales à percevoir.

Je n'ai pas analysé les chiffres, mais j'ai l'impression que certaines estimations sur l'ampleur du manque à gagner au chapitre des recettes fiscales sont surévaluées, car je crois sincèrement que les Canadiens seront moins portés à épargner si on ne leur offre pas d'incitatif pour le faire.

Le sénateur Day : Seriez-vous porté à maintenir le plafond à 10 000 $, sans indexation? C'est ce qui avait été proposé. Or, on propose maintenant un plafond de 5 500 $ qui comprend une indexation.

M. Alexander : Serait-il possible d'avoir un plafond de 10 000 $ ainsi qu'une indexation?

Le président : Nous avons un secret à révéler. Je suis le porte-parole de l'opposition en ce qui concerne le projet de loi, tandis que le sénateur Day est le parrain du projet de loi. Vous pouvez donc comprendre que le sénateur Day vous pose ses questions de manière à ce que vous lui donniez des réponses qui puissent appuyer sa position.

Le sénateur Day : Vous m'aidez à rédiger mon discours.

Le sénateur Neufeld : Je suis loin d'être un comptable, et je ne suis pas un expert en fiscalité comme certains d'entre vous. Nous pourrions atteindre un déficit de 40 milliards de dollars très facilement. Les gens disent que nous allons peut-être nous rendre jusque-là. Or, je crois que c'est une certitude, compte tenu des circonstances actuelles. Je me souviens que la première ministre de ma province — la Colombie-Britannique, soit dit en passant — m'a dit à maintes reprises que le but est de stimuler l'économie et non d'emprunter de l'argent ou de créer des déficits, que c'est pour stimuler l'économie et permettre ainsi d'accroître les recettes, mais que ce sont deux choses différentes.

J'aimerais également parler brièvement des CELI. J'ai du mal à comprendre pourquoi ceux qui semblent être contre les CELI disent qu'ils ne sont pas utilisés à leur plein potentiel. Qu'est-ce que cela veut dire? Les REER ne sont pas non plus utilisés à leur plein potentiel, mais personne ne dit que c'est une mauvaise chose. Pourquoi dirait-on que les CELI sont mauvais sous prétexte qu'ils ne sont pas utilisés à leur plein potentiel? Je pose la question à M. Macdonald, puisqu'il s'est opposé davantage que les autres à cet outil.

M. Macdonald : Je dirais que mon objection est liée au plafond de cotisation proposé dans le projet de loi. Le problème avec le CELI n'est pas que le plafond de cotisation est trop bas, car même avec un plafond aussi bas que celui de 2013, les gens ne cotisent pas au maximum.

Pour revenir à la question du sénateur Day, nous avons observé, année après année, une baisse du taux de cotisation maximale malgré la hausse du plafond de cotisation à un CELI. En 2013, environ 7 p. 100 des familles de la classe moyenne ont cotisé au maximum à un CELI, mais ce taux va probablement chuter à 5 p. 100 cette année.

Le sénateur Neufeld : Qu'on soit d'accord ou pas, qu'est-ce que cela change? En quoi le plafond de 10 000 $ et le fait que les gens ne puissent pas cotiser autant posent-ils problème pour un économiste? Pourquoi cela vous préoccupe-t-il?

M. Macdonald : Je suis d'avis que la limite annuelle importe peu. Le plus important, c'est l'imposition d'un plafond à vie. Qu'on parle de 5 000 $ par année pour 10 ans ou 10 000 $ par année pour cinq ans, je crois que cela ne change pas grand-chose. L'important, c'est d'imposer un plafond de cotisation à vie pour que cet outil ne devienne pas un chèque en blanc qui permettrait aux Canadiens les plus riches d'éviter de payer de l'impôt sur leurs gains en capital et leurs revenus de placement alors que d'autres personnes ne pourraient pas en bénéficier de la même façon. Ces gens ne paient pas d'impôt sur les gains accumulés dans un CELI, et c'est pour cela que je crois nécessaire d'imposer un plafond à vie aux cotisations et à la juste valeur marchande associées à un CELI.

M. Alexander : Ne devriez-vous pas être favorable à un plafond de cotisation de 10 000 $ et à un plafond de cotisation à vie?

M. Macdonald : Je n'y vois pas d'inconvénient, mais je crois que le plus important est d'imposer un plafond de cotisation à vie. Comme je l'ai dit, que le plafond annuel soit fixé à 2 000 $, 5 000 $, 10 000 $ ou 150 000 $, ce qui importe le plus, c'est de plafonner les cotisations de manière à ce que les gens de la classe inférieure et de la classe moyenne puissent en profiter le plus possible tandis que les gens de la classe supérieure se verraient imposer une limite à partir de laquelle ils devraient payer de l'impôt comme tout le monde.

Le sénateur Neufeld : L'impôt a déjà été prélevé sur l'argent investi dans un CELI.

M. Alexander : Je parle de l'accumulation des gains en capital, qui n'est pas imposable.

Le sénateur Neufeld : C'est exact.

M. Alexander : Ou des revenus d'intérêt.

Le sénateur Neufeld : Nous en avons toujours bénéficié; tout le monde en a toujours bénéficié, notamment en ce qui concerne les gains associés à une maison.

Dans ma région, il y a beaucoup d'aînés qui sont riches sur le plan des actifs, mais pauvres en ce qui a trait à l'argent, si je puis m'exprimer ainsi. Prenons l'exemple d'une personne qui a acheté sa maison il y a 50 ans dans la région de Vancouver et qui a fini de la payer. Elle vit encore dans la même maison, qui vaut maintenant 5 millions de dollars ou un montant de cet ordre; elle pourrait valoir 2 millions de dollars. Pourquoi être contre le fait qu'une personne envisage de faire un emprunt hypothécaire inversé parce qu'elle a du mal à joindre les deux bouts et à subvenir à ses besoins avec sa pension de vieillesse? Pourquoi être contre le fait qu'une personne fasse un emprunt hypothécaire inversé et investisse une partie de cet argent dans un CELI? Qu'y aurait-il de mal à cela? N'est-ce pas une façon d'aider les aînés ou d'autres personnes qui se trouvent dans cette situation? J'ai l'impression de me faire dire qu'on ne devrait pas aider ces personnes.

Je crois que c'est un incitatif formidable. Je ne contribue pas au maximum à mon CELI non plus, mais je crois que c'est un incitatif formidable pour encourager les gens à épargner de l'argent afin de pouvoir couvrir leurs dépenses. Ils réinvestiront cet argent dans l'économie et stimuleront l'économie de cette façon. Qu'y a-t-il de mal à cela?

M. Macdonald : C'est une question de coût de renonciation. Il faut se demander si les gens qui se trouvent dans une tranche d'imposition plus élevée paient plus d'argent et financent davantage des mesures comme la bonification du Supplément de revenu garanti dont les aînés bénéficient directement. Qu'une personne soit riche ou pauvre sur le plan des actifs, cela n'a aucune importance. Si son revenu est suffisamment bas, elle bénéficiera du Supplément de revenu garanti et de la Sécurité de la vieillesse.

Outre les rares cas de personnes riches sur le plan des actifs, il y a une foule de cas de personnes qui sont pauvres sur le plan des actifs ou tout simplement pauvres. Il s'agit de déterminer comment on peut aider le plus possible les aînés à faible revenu. Est-il préférable d'offrir un régime d'épargne fiscale qui profitera surtout aux Canadiens les plus riches, même s'il peut profiter à quelques aînés, ou d'utiliser l'impôt sur les gains en capital, le revenu, les dividendes et le capital des Canadiens les plus riches afin de bonifier des programmes comme le Supplément de revenu garanti qui aident tous les aînés à faible revenu?

Le président : Je crois qu'il y avait 15,1 millions de comptes en 2014. Nous venons de recevoir les plus récentes statistiques. Il y en avait d'abord 12,1 millions en 2013, puis leur nombre a grimpé à environ 14 millions. Je crois que le nombre de comptes atteindra 15,1 millions. En moyenne, les cotisations s'élèvent à 2 880 $ par année. Je fournis ces données seulement pour que les gens aient un aperçu des chiffres concernant les CELI.

Le sénateur Neufeld : Je viens de consulter la greffière; en 2016, on peut investir jusqu'à 25 370 $ dans un REER. Trouvez-vous cela acceptable?

M. Macdonald : On ne peut le faire que si on gagne assez d'argent. Ce n'est pas possible pour tout le monde. Seules les personnes suffisamment riches peuvent le faire.

Le sénateur Neufeld : Êtes-vous en faveur de cela?

M. Macdonald : Cela fait partie des aspects à examiner. Si on parle d'imposer un plafond à vie pour les CELI, vous avez absolument raison; les mêmes arguments peuvent s'appliquer aux REER. Devrions-nous imposer un plafond à vie pour les REER? Devrait-on permettre une accumulation de 10 ou 20 millions de dollars dans des REER sans imposition? On parle de quelque chose qui profite directement aux Canadiens les plus riches.

Le sénateur Neufeld : On paie de l'impôt lorsqu'on retire de l'argent d'un REER.

M. Macdonald : L'accumulation n'est cependant pas imposable.

M. Alexander : C'est à ce chapitre que je ne suis pas d'accord avec ce qui est avancé devant le comité, car, au bout du compte, il faut des incitatifs pour encourager les Canadiens à épargner. Les REER sont des outils très efficaces. Même si les gens n'y cotisent pas au maximum, je crois que les REER sont des incitatifs très importants pour aider les Canadiens à épargner. Je dirais que le CELI est un meilleur outil plus progressif dans la mesure où il aide davantage les Canadiens à revenu faible ou moyen. Une personne qui a bien fait l'effort d'épargner pourrait finir par payer plus d'impôt pendant sa retraite que pendant sa vie active. Au bout du compte, les REER et les CELI jouent un rôle important dans l'économie en encourageant l'épargne.

En ce qui me concerne, je suis davantage préoccupé à l'idée que la culture canadienne devienne essentiellement une culture de débiteurs. Chaque génération épargne moins que la précédente. Les gens s'endettent beaucoup plus tard au cours de leur vie. Au bout du compte, il faut offrir aux Canadiens des incitatifs pour les encourager à épargner. L'inconvénient, particulièrement dans un contexte de faibles taux d'intérêt, c'est que les gens sont incités à emprunter davantage. Il nous faut des incitatifs pour encourager les Canadiens à épargner.

M. Wudrick : En ce qui a trait à l'épargne et aux préoccupations à l'égard des aînés qui vivent dans la pauvreté — elles sont légitimes, surtout à la lumière des changements démographiques futurs —, deux solutions sont envisageables. D'une part, le gouvernement peut se servir du RPC pour obliger les Canadiens à épargner, investir l'argent et le distribuer comme il l'entend. D'autre part, il y a ce que nous considérons comme la meilleure approche, soit celle qui consiste à trouver des façons d'encourager les Canadiens à épargner s'ils le veulent, et c'est ce que des outils comme les CELI et les REER permettent de faire.

Ce qui me surprend au sujet du récent débat sur les CELI et le RPC, c'est que l'opposition aux CELI s'accompagne souvent d'un appui à une bonification du RPC. Pourquoi est-ce que l'on se préoccupe autant des Canadiens qui veulent épargner et que l'on peut encourager en ce sens, alors qu'il y a des Canadiens qui, pour une raison ou une autre, ne veulent pas épargner, mais qui sont obligés de le faire en cotisant au RPC? Je trouve que c'est une position contradictoire.

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs. J'ai trouvé cela très intéressant. L'épargne est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Soulignons que 20 p. 100 des Canadiens — ou peut-être 30 p. 100 — ont un régime de retraite, qu'il s'agit dans la moitié des cas de REER, et que les régimes à prestations déterminés sont relativement peu nombreux.

De nos jours, une personne qui déposerait 1 million de dollars à la banque et qui ne voudrait pas entamer son capital pourrait s'estimer heureuse de toucher des intérêts de 30 000 $ par année. Ce n'est pas beaucoup d'argent pour une retraite, et qui a 1 million de dollars à investir? Je trouve donc l'idée d'encourager l'épargne intéressante.

Pendant votre discussion, j'ai été frappé par la comparaison entre les CELI et les REER. Quel est le meilleur outil pour encourager les Canadiens à épargner? Lequel est le plus efficace?

M. Macdonald : Eh bien, en ce qui concerne surtout les gens qui se situent dans la tranche d'imposition inférieure ou médiane, les REER ne sont pas un moyen particulièrement efficace d'encourager l'épargne. Il y a des incitatifs relativement importants pour ceux qui investissent davantage dans des REER. L'effondrement des régimes de retraite des employés touche presque exclusivement le secteur privé et non le secteur public. Dans le secteur privé, la couverture des régimes à prestations déterminées a chuté, passant de 40 p. 100 à 10 p. 100. C'est une baisse énorme, et le RPC comble cette lacune.

Cela dit, le CELI est certainement un meilleur outil pour les personnes à faible revenu. Si une personne sait d'avance qu'elle touchera un faible revenu à sa retraite, alors le CELI est certainement le meilleur outil à sa disposition. Il est alors insensé d'investir dans un REER. Si une personne croit qu'elle fera partie du tiers des aînés moins fortunés, elle ne devrait jamais investir dans un REER parce que 50 p. 100 de ce montant sera déduit du SRG; si on ajoute à cela le coût des programmes provinciaux, on se retrouve avec une déduction de 75 p. 100 du revenu d'un REER pour une personne à faible revenu. Compte tenu de cette situation, le CELI est un bien meilleur outil pour les Canadiens à faible revenu.

Cependant, dans les deux cas, l'épargne n'est pas suffisante. Comme M. Alexander l'a souligné, l'une des meilleures façons d'épargner suffisamment pour la retraite est d'avoir un régime de retraite en milieu de travail, ce qu'on est plus susceptible d'avoir dans un milieu de travail syndiqué. L'un des meilleurs moyens d'assurer sa sécurité de retraite est de travailler dans un milieu syndiqué parce que cela permet de bénéficier d'un régime de retraite adéquat. Par ailleurs, ces programmes d'épargne volontaire ne se sont pas avérés extrêmement efficaces pour les Canadiens de la classe inférieure et de la classe moyenne.

Au bout du compte, l'insuffisance de l'épargne se traduit par des dépenses pour le gouvernement fédéral, qui doit alors soutenir les aînés au moyen du Supplément de revenu garanti et de la Sécurité de la vieillesse, car notre pays a décidé de ne pas les laisser vivre dans la pauvreté, ce qui est la bonne décision sur le plan moral. Si l'aîné n'a pas de régime de retraite, le financement devra finalement venir du secteur public.

M. Alexander : La majorité des Canadiens n'ont pas la chance de travailler dans un milieu syndiqué et de bénéficier d'un régime à prestations déterminées. La réalité économique fait en sorte que la vaste majorité des Canadiens travaillent dans le secteur privé. Nous avons observé le déclin des régimes de retraite à prestations déterminées. De façon générale, nous avons constaté un virage vers les régimes à cotisations déterminées et un déclin de l'accès à un régime de retraite.

Comme je l'ai dit, nous avons observé une vaste hausse de l'endettement des Canadiens. D'une part, il y a moins d'outils d'épargne, et d'autre part, les gens sont moins portés à épargner. Rappelons que nous sommes dans une situation où les taux d'intérêt sont à un niveau dérisoire qui, dans les faits, a presque éliminé le coût de l'endettement. Le fait que l'on puisse obtenir un prêt hypothécaire à un taux fixe de 2,6 p. 100 sur cinq ans démontre que le coût d'emprunt est incroyablement faible.

Pour ce qui est de déterminer quel est le meilleur outil, comme je l'ai dit plus tôt — et David l'a très bien expliqué —, le CELI est un meilleur...

Le sénateur Mitchell : Quel est le plus efficace?

M. Alexander : Ils sont complémentaires. Je ne crois pas qu'il faudrait remplacer l'un par l'autre. Ils fonctionnent différemment. Si vous consultiez un planificateur financier, il vous expliquerait quel est l'outil le mieux adapté à l'une ou l'autre des situations possibles. Au bout du compte, les deux outils sont complémentaires. Ils fonctionnent différemment selon la situation financière.

Le sénateur Mitchell : D'un autre côté, lequel des deux outils coûte le plus cher au gouvernement au chapitre des pertes fiscales?

M. Macdonald : Les REER coûtent 20 fois plus cher.

Le sénateur Mitchell : Même si le bénéficiaire finit par payer de l'impôt sur les REER? Est-ce parce qu'il faut attendre longtemps avant de percevoir l'impôt?

M. Macdonald : Actuellement, les CELI représentent très peu d'argent comparativement aux REER.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Alexander, vous avez en quelque sorte évité ma question, mais je ne suis pas encore prêt à abandonner. Même s'il y a un coût pour le gouvernement, que faut-il penser du fait de porter à 10 000 $ le plafond de cotisation à un CELI, de réduire dans une certaine mesure le plafond de cotisation à un REER ou de laisser les gens choisir? Est-ce même envisageable?

M. Alexander : Je ne crois pas qu'il y ait une bonne raison de changer la place qu'ils occupent respectivement, mais, pour être honnête, je dirais qu'il faudrait que je me penche sur les chiffres et que je fasse des calculs pour pouvoir donner une réponse précise à votre question. Comme je l'ai dit, je considère que ces deux outils sont complémentaires.

Le sénateur Pratte : J'aimerais m'assurer d'avoir bien compris. Selon ce que j'ai compris, notre régime est conçu de telle manière que, chaque fois qu'on réduit le taux d'imposition pour une tranche d'imposition donnée, ce sont les gens qui gagnent le plus d'argent qui en reçoivent le plus, pas nécessairement un plus grand pourcentage de leur revenu, mais un montant d'argent plus élevé. Est-ce exact?

M. Macdonald : C'est exact.

Le sénateur Pratte : Nous sommes donc condamnés à garder les mêmes taux d'imposition pour toujours, car, si je suis le raisonnement établi notamment par M. Macdonald, si on veut réduire le fardeau fiscal de façon équitable et toujours donner plus d'argent aux plus pauvres, il ne faut jamais changer le taux de ces tranches d'imposition, et il faut plutôt trouver d'autres solutions, comme vous l'indiquez dans votre étude, puisque, peu importe la baisse d'impôt, ce sont ceux qui gagnent le plus d'argent qui en recevront le plus.

M. Macdonald : Il y a deux aspects concurrents dans le régime fiscal. D'une part, il y a l'aspect progressif des tranches d'imposition qui fait en sorte que ce sont toujours les gens qui gagnent le plus d'argent qui sont les plus avantagés, peu importe les modifications apportées. D'autre part, il y a des crédits d'impôt remboursables qui peuvent être conçus de manière à ce que ce soit les personnes à faible revenu qui en bénéficient le plus, comme l'Allocation canadienne pour enfants et le Supplément de revenu garanti. Ces deux aspects se font concurrence de telle façon que les gens de la classe moyenne peuvent tirer profit à la fois de certains crédits d'impôt remboursables et d'une hausse d'impôt.

Le sénateur Pratte : J'aimerais comprendre parce que je n'apprends pas vite. Lorsqu'on dit que ceux qui gagnent plus d'argent en reçoivent plus, on parle d'un montant plus élevé et non d'un pourcentage plus élevé par rapport au revenu?

M. Macdonald : C'est exact. En l'occurrence, les modifications proposées aux tranches d'imposition auraient pour effet d'accorder à toute personne qui gagne plus de 90 000 $ un allégement net d'un peu moins de 700 $, sans compter la nouvelle tranche d'imposition.

Le sénateur Pratte : Les gens qui se situent dans la tranche d'imposition inférieure obtiendraient 150 $ ou 50 $, par exemple, mais cela représenterait un plus grand pourcentage de leur revenu que les 700 $ accordés à ceux qui gagnent 200 000 $.

M. Macdonald : Oui.

Le sénateur Pratte : Autrement dit, ceux qui gagnent 200 000 $ reçoivent un montant d'argent plus élevé. J'hésite à le dire, mais, d'une certaine façon, n'est-ce pas plus équitable?

M. Macdonald : Ce pourrait l'être, sauf que ceux qui gagnent moins de 45 000 $ ne reçoivent rien puisque la tranche d'imposition commence à 45 000 $. Cela correspond à 65 p. 100 des Canadiens.

Le sénateur Pratte : Sur ces 65 p. 100, il y a 30 ou 35 p. 100 de personnes qui ne paient pas du tout d'impôt.

M. Macdonald : C'est exact.

Le sénateur Pratte : Dans ce cas, peu importe l'ampleur de la baisse d'impôt, ces gens ne reçoivent jamais rien de toute façon.

M. Macdonald : C'est exact.

Le sénateur Pratte : D'accord. Je crois avoir compris en partie.

Le président : Cependant, avec 50 $, on peut seulement s'acheter deux caisses de 24 bières. Ce n'est pas beaucoup d'argent.

Le sénateur Pratte : Les réponses étaient très claires. Je ne suis pas sûr d'avoir compris les questions, mais les réponses étaient très claires. Merci.

Le sénateur Mitchell : Soulignons cependant qu'un montant de 50 $ fera une plus grande différence pour certains que 700 $ pour d'autres. Cela peut représenter la différence entre s'acheter des aliments plus sains et s'acheter un plus beau complet.

Ma prochaine question porte sur un autre aspect qui, il me semble, n'a pas du tout été abordé au cours des dernières réunions. Je parle des dispositions du projet de loi sur les dons de bienfaisance. Il y a des modifications modestes, ou le sont-elles vraiment? Est-ce que cela fera une différence? Quelle sera l'incidence sur les comportements et sur le secteur caritatif? Est-ce vraiment pertinent?

M. Alexander : J'ai bien peur de ne pas m'être penché sur l'aspect caritatif. Je me suis concentré sur les deux autres aspects.

Le président : Avez-vous une autre question?

Le sénateur Mitchell : Non, c'est bon. Ils changent le pourcentage.

M. Alexander : Je pourrais me tromper, mais je pensais que les modifications concernant les dons de bienfaisance ne visaient qu'à refléter les modifications aux tranches d'imposition.

Le président : C'est ce que je pense.

M. Alexander : C'est notamment pour cela que je ne m'y suis pas attardé.

Le sénateur Mitchell : On dit seulement que le pourcentage passera de 29 à 33 p. 100.

M. Alexander : Parce que cela reflète les modifications aux tranches d'imposition.

Le sénateur Mitchell : Oh, je vois.

Le président : C'est exact; tout est relié aux modifications aux tranches d'imposition.

M. Alexander : Si on change les tranches d'imposition ou si on en impose une nouvelle, il faut adapter les dispositions sur les dons de bienfaisance en conséquence.

Le président : Messieurs, avant de lever la séance, j'aimerais seulement que chacun d'entre vous réponde à une question en 30 secondes. Si vous pouviez changer ou améliorer un aspect du projet de loi C-2, lequel choisiriez-vous? Qui veut répondre en premier?

M. Macdonald : Le plafond de cotisation à vie pour le CELI.

Le président : Le plafond de cotisation à vie pour le CELI. Monsieur Alexander?

M. Alexander : Je préfère faire des observations sur les effets qu'aura le projet de loi plutôt que sur les changements à y apporter.

Le président : Jouiez-vous au hockey lorsque vous étiez plus jeune?

Monsieur Wudrick?

M. Wudrick : Nous proposerions d'éliminer le taux d'imposition de 33 p. 100. Nous croyons qu'il faudrait mettre en place un taux plus uniforme plutôt qu'un taux progressif qui augmente plus abruptement. C'est donc dire que nous n'aimons pas le nouveau taux proposé.

Le président : Messieurs, au nom de nous tous, je tiens à vous remercier d'être venus ici ce soir. Ce fut fort instructif. Vous avez répondu ouvertement aux questions, et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de nous aider à analyser et à comprendre le projet de loi C-2. Je vous remercie infiniment de votre collaboration.

(La séance est levée.)

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