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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 17 - Témoignages du 1er novembre 2016


OTTAWA, le mardi 1er novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour examiner le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Larry Smith (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales à mes collègues et aux membres du public qui nous écoutent. Le mandat du comité est d'examiner les questions relatives aux budgets des dépenses fédéraux en général, ainsi qu'aux finances gouvernementales.

[Français]

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Traduction]

Je m'appelle Larry Smith, je suis un sénateur du Québec et je suis également président du comité. Permettez-moi de vous présenter brièvement les membres de notre comité. À ma gauche — et il ne sera bientôt plus seul —, voici le sénateur André Pratte. Vous êtes toujours à temps, André. Bienvenue.

[Français]

À ma droite, le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

À sa droite se trouve le sénateur Richard Neufeld, du Nord la Colombie-Britannique.

À sa droite, toujours aussi resplendissante, la sénatrice Nicole Eaton, de Toronto, ainsi que la patronne, une ancienne vérificatrice générale de Terre-Neuve-et-Labrador, la sénatrice Elizabeth Marshall.

Nous avions invité des représentants à comparaître aujourd'hui pour nous parler du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mais au bout du compte, nous n'accueillerons qu'un seul représentant, car l'autre a eu un empêchement. Nous accueillons donc un seul témoin ce matin. Il s'agit de Bruce Ball, de CPAC, Comptables professionnels agréés du Canada, associé national, Fiscalité, BDO Canada et membre du Comité sur les politiques fiscales de CPA Canada.

Bienvenue, Bruce. Nous vous remercions de prendre le temps d'être ici aujourd'hui pour nous parler du projet de loi C-2.

[Français]

Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire sur le projet de loi C-2.

[Traduction]

Nous aimerions entendre votre exposé et nous vous poserons ensuite des questions. Mesdames et messieurs les membres du comité, comme vous le savez, nous nous réunirons à huis clos pendant la deuxième partie de notre réunion pour discuter des travaux et des rapports futurs de notre comité.

Monsieur Ball, vous avez la parole.

Bruce Ball, associé national — Fiscalité, BDO Canada et membre du Comité sur les politiques fiscales de CPA Canada, Comptables professionnels agréés du Canada : Bonjour.

Au nom de Comptables professionnels agréés du Canada, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.

Comme on l'a mentionné, je m'appelle Bruce Ball. Je suis membre du Comité sur les politiques fiscales de CPA Canada, et je suis également associé national en fiscalité à BDO Canada.

Le titre de comptable professionnel agréé est le seul titre professionnel en affaires et en comptabilité au Canada. Comme certains d'entre vous le savent, ce titre et CPA Canada sont le produit de l'unification des trois professions comptables d'origine, soit celles de comptable agréé, de CMA et de CGA. CPA Canada est maintenant l'un des ordres professionnels nationaux les plus importants au monde. En effet, nous avons plus de 200 000 CPA canadiens travaillant au Canada et à l'étranger.

Les membres de CPA Canada reconnaissent que les mesures fiscales prévues dans le projet de loi C-2 font partie d'un engagement qui a permis au gouvernement majoritaire actuel d'être élu. La première chose que je tiens à mentionner, c'est que nous respectons le mandat du gouvernement.

Le projet de loi C-2 propose d'apporter trois modifications principales à la Loi de l'impôt sur le revenu. Tout d'abord, réduire le taux d'imposition d'une tranche de la classe moyenne. Deuxièmement, créer un nouveau taux d'imposition maximal qui s'applique au revenu au-delà d'un nouveau seuil. Troisièmement, réduire le plafond de cotisation des comptes d'épargne libre d'impôt, c'est-à-dire le ramener au niveau où il était avant l'augmentation.

Tout changement au système fiscal entraîne des avantages et des coûts potentiels et le risque de provoquer des résultats inattendus.

C'est l'élément principal sur lequel nous souhaitons nous concentrer aujourd'hui. En effet, le système fiscal est un élément important pour assurer la compétitivité de notre environnement commercial, pour attirer et retenir les meilleurs talents et pour réussir et prospérer sur le plan économique.

Étant donné l'importance de notre système fiscal, il est difficile de parler des trois mesures prévues dans le projet de loi de façon isolée, c'est-à-dire sans tenir compte de l'ensemble du régime fiscal du Canada.

Nous croyons qu'avant d'ajouter ou de modifier des mesures fiscales, il faut mener un examen complet du régime fiscal canadien. Cet examen serait axé sur la réduction de la complexité et sur l'amélioration de l'efficacité et de la compétitivité. Un tel examen profiterait aux contribuables canadiens, aux entreprises, aux gouvernements et à l'économie canadienne, ce qui ferait du Canada un endroit encore plus agréable pour vivre, investir et faire des affaires.

Permettez-moi de vous donner un aperçu des trois raisons pour lesquelles nous croyons qu'il est temps de mener un examen complet du régime fiscal.

Tout d'abord, il y a le temps. En effet, on n'a pas mené d'examen complet du régime fiscal — le type d'examen auquel nous pensons — depuis la Commission royale d'enquête sur la fiscalité en 1966. Cinquante ans — oui, cela fait 50 ans —, c'est une longue période. La société canadienne a changé considérablement depuis cette époque. La mondialisation et la technologie ont transformé la façon de mener nos activités. Les gens et les capitaux sont plus mobiles que jamais et, par conséquent, nous croyons que notre régime fiscal devrait être plus concurrentiel sur la scène internationale.

Deuxièmement, le régime fiscal est devenu trop complexe. Les coûts annuels liés à la conformité et à l'administration sont donc extrêmement élevés. Selon des recherches menées par l'Institut Fraser, on estime que les contribuables et les entreprises doivent débourser 25 milliards de dollars par année pour se conformer à ce système. On estime que les gouvernements canadiens doivent débourser environ 6,6 milliards de dollars par année pour gérer le système fiscal.

Troisièmement, nous croyons que c'est le bon moment, car des organismes importants, des économistes éminents et des groupes de réflexion réputés appuient la réforme fiscale. D'après ce que nous comprenons, plusieurs témoins qui ont des points de vue très différents sur la question vous ont dit la même chose la semaine dernière lorsqu'ils ont comparu devant votre comité.

Nous reconnaissons que le ministère des Finances mène actuellement un examen des dépenses fiscales. Nous convenons qu'il s'agit d'une étape importante, et nous attendons impatiemment les résultats de cet examen.

De plus, en juin dernier, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a adopté une motion visant à entreprendre un examen complet de la Loi de l'impôt sur le revenu et du régime fiscal canadien et à préparer un rapport. Nous appuyons manifestement cette intention et nous avons hâte de contribuer à l'étude du comité.

CPA Canada croit qu'un examen complet devrait être guidé par les principes et les objectifs suivants. Tout d'abord, il faut maintenir des taux d'imposition peu élevés et les vastes assiettes fiscales, et éliminer les avantages fiscaux inefficaces. Nous avons notamment observé que le nouveau taux d'imposition maximum entraîne un taux d'imposition des particuliers combiné qui dépasse 50 p. 100 dans certaines provinces. Il ne faut surtout pas oublier qu'en ce qui concerne ces taux, il n'y a qu'un seul contribuable.

Il faut également envisager d'examiner la composition des recettes fiscales de l'impôt sur le revenu et de la taxe de consommation. En effet, nous croyons que le Canada est déphasé par rapport aux autres pays de l'OCDE sur le plan de la composition des recettes fiscales lorsqu'on compare l'impôt sur le revenu et la taxe de consommation.

De plus, nous trouvons qu'il est important de ne pas imposer l'épargne personnelle. Ce point est surtout important lorsqu'il s'agit de modifier le plafond du CELI. En effet, il est essentiel d'encourager l'épargne pour aider les Canadiens à se préparer à la retraite.

Nous suggérons également d'offrir des taux d'imposition peu élevés aux entreprises, afin qu'elles maintiennent leur avantage concurrentiel. C'est un autre facteur important qui contribue à attirer de nouveaux investissements et à créer des emplois.

Nous devrions favoriser une approche axée sur la croissance qui encourage l'innovation, la productivité et la prospérité.

Enfin, il faut collaborer avec les provinces et les territoires, afin de faciliter l'adoption d'une approche coordonnée qui profite à tous les Canadiens et, comme il a été mentionné, qui reconnaît qu'il n'y a qu'un seul contribuable.

En résumé, le Canada a besoin d'un système fiscal adapté au XXIe siècle, et non de l'amalgame disparate actuel de règlements, de modifications et de mesures correctives qui créent des complexités, de l'incertitude et des conséquences imprévues.

Nous comprenons parfaitement l'ampleur de cette tâche, mais nous croyons qu'aucune autre initiative gouvernementale ne pourrait être plus efficace pour améliorer le milieu des affaires, encourager l'innovation, assurer l'assiette fiscale et favoriser le bien-être des Canadiens. La modernisation du système fiscal est un élément clé.

Nous croyons que c'est maintenant le meilleur moment de relever de tels défis. D'après ce que je comprends, la semaine dernière, Craig Alexander a indiqué au comité, en parlant de la réforme fiscale, que c'est le bon moment de faire un ménage du printemps.

Nous espérons que vous serez en mesure de transmettre ce message à vos collègues de l'autre Chambre, et de vous pencher vous-mêmes sur la question.

Je vous remercie, et je serai très heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Ball. Bienvenue, sénatrice Andreychuk. Nous sommes heureux que vous soyez ici.

Selon la liste des intervenants, nous entendrons d'abord la sénatrice de la belle province de l'Ontario et de la magnifique ville de Toronto, la sénatrice Eaton.

La sénatrice Eaton : Merci. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit, et je suis donc en situation de conflit.

Je crois fermement que notre système est trop complexe. Que pensez-vous d'éliminer la tranche d'imposition de moins de 45 000 $? Autrement dit, les gens qui gagnent 45 000 $ ne paient pas d'impôt. Vous pourriez augmenter cette tranche à 60 000 $ ou à 70 000 $. Vous n'avez pas introduit de taux d'imposition supérieur pour les particuliers qui gagnent plus de 200 000 $ par année, mais d'un autre côté, vous avez augmenté la TPS.

Serait-ce une méthode plus efficace et plus équitable? Cela aiderait-il les gens de la classe moyenne inférieure, qui gagnent un salaire minimum? Et amélioreriez-vous notre compétitivité si vous n'augmentiez pas l'impôt sur le revenu de plus de 200 000 $?

On oublie souvent qu'il y a, en plus, une taxe provinciale à laquelle s'ajoute la TPS, et que si nous adoptons une taxe sur le carbone, elles submergeront toutes le même pauvre contribuable.

M. Ball : Je pourrais probablement répondre à certaines de ces questions, mais pas à toutes. Je crois que la partie que je connais moins concerne l'impact des seuils sur les gens à revenu moins élevé. Il y a différentes façons de soustraire les gens au système fiscal.

L'une des choses que j'aimerais préciser, c'est que CPA est pour l'examen des seuils en général. Cela comprend notamment l'impôt des particuliers, mais également le plafond de la TPS. Pourriez-vous sortir les petites entreprises et simplifier le système?

Comme je l'ai mentionné, nous pensons qu'il faut se concentrer davantage sur la taxe de consommation et moins sur l'impôt des particuliers, et nous serions donc probablement d'accord avec cet élément.

L'autre chose que j'aimerais mentionner, c'est que ce sont leurs taux qui compliquent le système, mais ce sont également les règles de base liées au calcul du revenu. La complexité est seulement le produit de l'accumulation des changements sur une période de 50 ans, ce qui produit au bout du compte un système très complexe.

La sénatrice Eaton : Vous croyez donc que l'augmentation du taux d'imposition des gains de plus de 200 000 $ ne nous aidera pas à attirer les meilleurs jeunes talents et les travailleurs qualifiés.

M. Ball : Je tiens à m'assurer que tout le monde comprenne que je suis d'abord et avant tout un fiscaliste, et que je ne suis donc pas un économiste. Je peux m'appuyer sur certaines lectures pour déduire qu'en général, plus le taux d'imposition est élevé, moins on se conforme au système fiscal. C'est la même chose pour le pouvoir d'attraction d'un pays. Toutefois, je ne suis pas un économiste et je ne connais pas les données et les tendances, mais nous convenons certainement que l'augmentation des taux d'imposition peut entraîner des répercussions négatives.

Le sénateur Neufeld : Vous dites que vous n'êtes pas économiste, mais je vais tout de même tenter de poser ma prochaine question. Si on modifiait le système fiscal comme vous l'avez suggéré — et je ne m'y oppose pas du tout —, à votre avis, quel effet cela aurait-il sur la croissance du PIB au Canada? Ma question va à l'encontre de la méthode actuelle du gouvernement, qui consiste à emprunter des milliards de dollars en soutenant qu'il sait mieux que tout le monde comment augmenter le PIB au Canada avec de l'argent emprunté et que cela nous permettra de relancer l'économie.

Quelle comparaison générale pourriez-vous nous donner?

M. Ball : Encore une fois, je ne suis pas économiste, et je ne pourrais probablement pas ajouter grand-chose à l'idée d'emprunter de l'argent et aux effets sur le PIB.

En ce qui concerne l'impôt plus précisément, nous croyons que le taux d'imposition des entreprises, par exemple, a un effet sur le commerce au pays. L'un des principaux points que nous faisons valoir, c'est que le taux d'imposition des entreprises devrait être concurrentiel, afin d'attirer les entreprises.

Nous croyons que la taxe de consommation représente un moyen plus efficace d'accumuler des fonds que l'impôt sur le revenu des particuliers, et je pense donc pouvoir répondre à une partie de votre question.

Le sénateur Neufeld : Vous dites qu'un examen fiscal coûte 6,6 milliards de dollars. Est-ce pour tous les impôts? Est- ce exact?

M. Ball : Oui, je crois que c'est le bon chiffre.

Le sénateur Neufeld : Savez-vous quelle partie de ces 6,6 milliards de dollars concerne l'impôt sur le revenu des particuliers?

M. Ball : Pas de mémoire, non.

Le sénateur Neufeld : Pourriez-vous trouver ce renseignement pour nous?

M. Ball : Oui, ce serait possible.

Le sénateur Neufeld : Si vous l'envoyez à notre greffière, elle le distribuera à tout le monde.

M. Ball : Je devrais d'abord préciser que nous le ferons si nous le pouvons, car ces renseignements ne faisaient pas partie de notre recherche. Nous tenterons de trouver d'autres détails sur ce sujet.

Le sénateur Neufeld : Depuis que je travaille dans le milieu gouvernemental, les gouvernements ont toujours dit qu'ils souhaitaient mener un examen du système fiscal et le simplifier, mais jusqu'ici, il est seulement devenu plus complexe. Certains jours, je pense que je suis dans ce milieu depuis trop longtemps. J'entends certainement parler de ce projet depuis longtemps.

Un témoin qui a comparu devant notre comité a parlé d'améliorer l'épargne et les CELI; il était non seulement pour la réduction du plafond de 10 000 $ à 5 500 $, mais également pour l'établissement d'un plafond à vie. Qu'en pensez- vous? Je crois que dans le cas d'une personne âgée qui possède une maison depuis 50 ans et qui a de la difficulté à joindre les deux bouts, mais dont le bien vaut maintenant 20 ou 30 fois plus, ça va. Si cette personne souhaite prendre un prêt hypothécaire inversé et utiliser une partie de cet argent pour l'investir dans un CELI et améliorer sa vie, je crois que nous devrions le faire. Je parle de façon extrêmement générale. J'aimerais connaître votre avis à cet égard.

M. Ball : Je crois que cela concerne quelques-uns de nos points de vue. Le premier, c'est que nous aimerions qu'on mène un examen complet du système. Et manifestement, nous croyons aussi qu'il faudrait réduire le fardeau fiscal de l'épargne-retraite et de l'épargne personnelle.

Je présume que nous sommes d'avis qu'on devrait mener un examen de tous les REER et d'autres dépenses pour vérifier ce qui fonctionne. Il semble qu'en raison de leur croissance, les CELI soulèvent davantage d'intérêt que les REER. Les REER existent depuis plus longtemps, mais je pense que les CELI ont une croissance plus rapide.

L'un des autres éléments importants, c'est qu'il est probable que les gens qui comptent davantage sur ces épargnes soient également ceux qui utilisent davantage les CELI, car ce type d'instrument semble être plus populaire chez les gens à revenu moins élevé que chez les gens à revenu plus élevé.

Le sénateur Neufeld : En ce qui concerne les taux d'imposition moins élevés pour les entreprises — et je crois que c'est une bonne philosophie —, en ce moment, les taux canadiens ne sont-ils pas beaucoup moins élevés que les taux américains? On a tendance à nous comparer aux États-Unis. Le taux d'imposition des entreprises est plus élevé aux États-Unis et parfois, nous disons que ce pays a un meilleur système, mais parfois, nous pensons aussi que ce n'est pas le cas. Ces derniers temps, je présume que leur système n'est pas le meilleur, mais pour différentes raisons.

Qu'en pensez-vous?

M. Ball : Le cas des États-Unis est un peu difficile à cerner, car la situation varie grandement selon l'État ou même selon la ville. En général, nous sommes concurrentiels comparativement aux États-Unis. Cela dit, si on nous compare aux pays de l'OCDE et aux 35 pays les plus industrialisés, nous ne sommes pas aussi concurrentiels. Je présume qu'en ce qui concerne notre taux d'imposition, nous sommes à mi-chemin entre le 20e et le 30e rang.

De plus, est-il raisonnable d'égaler les États-Unis ou de leur être supérieur? Ce serait une autre question à se poser sur la fixation d'un taux.

Le sénateur Neufeld : Dans votre étude de la fiscalité, vous dites que nous devrions essayer, collectivement, d'atteindre les deux objectifs, pour nous donner un régime semblable ou, du moins concurrentiel?

M. Ball : Je le pense. Encore une fois, j'espère que c'est possible aussi avec des données permettant de comparer les effets de la baisse des taux d'imposition sur l'augmentation et l'économie, pour essayer de trouver le point idéal qui concilie revenus et stimulation de l'économie.

La sénatrice Marshall : J'ai une question précise sur les nouveaux taux d'imposition et les fourchettes d'imposition. L'examen des taux et des fourchettes révèle que chacun profitera d'une baisse de l'impôt sur son revenu, sauf la tranche actuelle de 33 p. 100.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit, et je crois vous citer fidèlement, que nous devons mettre en place pour les affaires un climat qui reste concurrentiel, pour attirer et retenir les cerveaux les plus brillants.

Pensez-vous que cette modification dans la tranche supérieure d'imposition agira sur notre économie, au sens large, en ce qui concerne les contribuables de cette tranche?

M. Ball : Encore une fois, je ne suis pas économiste. C'est plus le résultat de mes observations. Si nous devions d'abord nous demander si nos clients y sont devenus attentifs, le changement de taux a certainement eu cet effet. Je ne suis pas certain si ça a nécessairement modifié leur comportement, mais ça a sûrement retenu leur attention.

Il est peut-être un peu tôt pour dire ce que l'augmentation fera faire aux contribuables.

La sénatrice Marshall : Nous sommes en novembre. Les contribuables connaissent depuis quelque temps leurs nouveaux taux d'imposition. Est-ce que ça a eu une incidence sur la planification fiscale? C'est votre domaine. Je ne demande pas de renseignements personnels, mais une idée générale de vos perceptions, de ce que, d'après vous, cet enjeu nous réserve.

M. Ball : La fiscalité des entreprises s'intègre aussi dans celle des particuliers. En même temps qu'on a modifié les taux d'imposition, on a relevé le taux de l'impôt remboursable des sociétés, de manière à les harmoniser.

L'année dernière, on pouvait faire de la planification pour les contribuables qui avaient le choix de déclarer de manière anticipée des revenus, avant la modification des taux d'imposition. Après, c'est un peu plus compliqué, parce que le contribuable canadien qui se conforme au régime fiscal dispose d'assez peu d'options.

L'effet est plus sensible pour celui qui veut retirer de l'argent de sa société; par exemple, ça a un petit effet sur les calculs à faire et les modalités de l'opération. Je ne suis pas certain si ça fait naître directement de nouveaux comportements. Comme je le dis souvent, les taux ne nous laissent pas beaucoup de champ de manœuvre.

La sénatrice Marshall : Des témoins nous ont dit que l'estimation de l'augmentation du revenu dans cette tranche d'imposition, par le ministère des Finances, serait en fait inférieure. Qu'en dites-vous?

M. Ball : Rien, sinon que j'ai lu la même chose que vous.

La sénatrice Marshall : Dans une séance antérieure, nous avons notamment discuté de tranches et de taux d'imposition et que tous les contribuables dont les revenus sont inférieurs à 200 000 $ profiteront d'économies d'impôt, sauf la tranche de 33 p. 100.

D'après vous, la mesure aurait-elle été plus bénéfique si les contribuables des tranches supérieures, par exemple à partir de 126 000 $, avaient profité d'une réduction de leur taux d'imposition, mais sans pouvoir réaliser d'économies d'impôt?

M. Ball : Comme j'ignore la résultante économique de tous ces facteurs, il me serait difficile de dire quelle serait la fourchette idéale pour stimuler l'économie.

Le sénateur Pratte : Voici une question qui, peut-être, fait suite à celle du sénateur Neufeld. Moi aussi, j'ai entendu le gouvernement promettre la simplification de la fiscalité, et j'ai vu que, d'une façon ou d'une autre, elle se complique. Au point de me demander si c'est vraiment possible de la simplifier. Peut-être que ce ne l'est pas.

Vous êtes comptable et vous êtes vraiment persuadé que c'est possible de la simplifier. Si, aujourd'hui, vous étiez ministre du Revenu national, que feriez-vous d'abord? Voyez-vous, pouvez-vous citer des exemples de mesures simplificatrices aujourd'hui?

M. Ball : Je commencerais par notre perception d'un examen dans un but de simplification.

D'abord, c'est peut-être ce dont j'ai parlé : ça fait 50 ans qu'on modifie continuellement la fiscalité. Pour revenir à ce que vous avez d'abord dit, est-ce un problème? Je pense que ça s'aggrave. C'est presque comme la création de logiciels : plus on les modifie, plus ils augmentent de taille et perdent de l'efficacité et, passé un certain point, ils commencent à tomber en panne.

On craint donc que ça deviendra tout simplement trop compliqué pour les contribuables, particulièrement quand les modifications s'accumulent, parce qu'il arrive alors que différentes règles puissent s'appliquer à la même situation.

Le sénateur Pratte : Mais c'est bon pour votre entreprise.

M. Ball : Oui, mais pas vraiment. Il ne nous plaît pas particulièrement de voir nos clients gaspiller leur argent pour seulement se conformer aux règles fiscales. Nous pourrions les aider à autre chose, comme à planifier leur entreprise, et ainsi de suite.

Dans l'examen de la fiscalité, nous voudrions absolument éviter des modifications irréfléchies. Je voudrais qu'on se pose d'abord des questions générales : Où commencer? Quels sont les changements indispensables? Ça pourrait être la complexité des règles, le nombre de contribuables touchés ou, peut-être, une combinaison de différents facteurs de ce genre.

Un autre facteur doit peut-être compter, désormais. Le gouvernement mettra fin à certaines pratiques, mais je pense qu'on doit plutôt insister sur des pressions, des entraves ou quoi que ce soit contre ce qu'on veut empêcher, mais non compliquer la tâche aux contribuables qui veulent simplement se conformer aux règles.

Il est sûr que ce sera un grand chantier, mais nous pensons que c'est important de l'entreprendre.

Le sénateur Pratte : Quel devrait être l'objectif de tout cela? Je sais, par exemple, que le gouvernement promet que les contribuables devraient pouvoir remplir eux-mêmes leur déclaration de revenus. Il répète presque chaque année que la plupart pourront la remplir; que le formulaire tiendra sur une feuille, pas plus. Bien sûr, ça n'arrive jamais, sauf pour les contribuables qui n'ont presque pas à payer d'impôt sur leurs revenus.

Quel devrait être l'objectif final? Jusqu'où peut-on simplifier?

M. Ball : Oui, c'est une excellente question. Beaucoup de contribuables se servent de logiciels ou de programmes trouvés sur Internet pour remplir leur déclaration. Ça change en quelque sorte beaucoup les données du problème.

Il est difficile de dire si le contribuable devrait pouvoir le faire lui-même, parce que ça se ramène aux points forts et aux points faibles de chacun. De plus, certains, qui veulent éviter cette corvée, sont bien heureux de payer quelqu'un pour le faire.

De ce point de vue, même si la tâche est simplifiée et que le contribuable recourt à un tiers, on peut supposer que les coûts diminueront. Ça reste donc un facteur positif. Il est difficile de dire si tout le monde veut ou pourrait remplir sa propre déclaration.

Le sénateur Pratte : Le problème est la perte de maîtrise. Dès qu'on confie la tâche à l'ordinateur ou au comptable, on perd la maîtrise ou quelque chose nous échappe. Ce n'est pas très souhaitable, n'est-ce pas?

M. Ball : C'est vrai. Il est important pour les contribuables de comprendre comment calculer l'impôt qu'ils doivent payer.

Le sénateur Neufeld : Ma question est sur le même sujet. Soyons francs : les gouvernements, dans leur examen du système, compareront ce qu'il rapporte actuellement et ce qu'ils veulent en tirer dans cinq ans et ils concevront un autre système qui pourrait être tout simplement aussi compliqué que le système actuel pour obtenir ce résultat.

Ne vaudrait-il pas mieux que le privé, un organisme ou un groupe — il y a le vôtre, il y en a d'autres — se concerte, mette le système fiscal de côté et se dise : « Ne faisons que lancer des idées et commençons à discuter de ce que nous pourrions faire pour nous procurer de l'argent en vue de faire croître l'économie »? Il ne s'agit pas ici de prélever plus d'argent des mêmes contribuables, mais, à partir d'un plus gros gâteau prélever moins d'argent pour répondre aux besoins. Est-ce qu'une organisation comme la vôtre et d'autres qui examinent la politique fiscale sans cesse seraient disposées à le faire?

M. Ball : Oui. En fait, vous décrivez assez bien ce que nous aimerions voir. Nous souhaitions un groupe de spécialistes, par exemple, qui ressemblerait beaucoup à ce que vous préconisez. Il faut d'abord concevoir le mode de fonctionnement du régime fiscal, puis, peut-être, appliquer les taux d'exposition, parce qu'il faut ensuite trouver la façon de prélever les recettes appropriées. Si je vous ai bien compris, ça ressemblait presque à une démarche en deux temps : construire d'abord la structure, puis trouver la façon de l'utiliser.

La sénatrice Andreychuk : Je reviens à quelques-uns de vos souhaits pour le régime fiscal. Vous avez conseillé des impôts modérés et bien répartis. Modérés, je comprends, mais qu'est-ce que des impôts bien répartis? Vous avez ensuite dit que certains contribuables devaient être exemptés. Comment conciliez-vous tout ça?

M. Ball : Parlons d'abord de la répartition de l'impôt. Il faudrait scruter les dépenses fiscales et s'assurer de leur efficacité. Les particuliers profitent de beaucoup de crédits d'impôt qui servent à diverses fins. J'en déduis qu'une partie de l'examen des dépenses portera sur ces crédits d'impôt et sur leur efficacité. Si vous deviez réduire le nombre de ces incitations particulières et abaisser le taux d'imposition, ce serait le résultat qu'on obtiendrait par l'élargissement de l'assiette fiscale et la baisse des taux d'imposition.

En ce qui concerne les économies personnelles, c'était davantage un objectif pour aider les particuliers à économiser en vue de la retraite. Encore une fois, je crois que ce serait l'objet d'un examen des dépenses fiscales, mais nous devrions nous demander si notre système est le plus efficace pour atteindre les objectifs qui sont d'aider les contribuables à économiser.

La sénatrice Andreychuk : Je suis sénatrice depuis un bon bout de temps. Il me semble que tous les nouveaux gouvernements veulent minimiser ou effacer les réalisations de leurs prédécesseurs et mieux traiter les contribuables. J'ignore si nous allons un jour obtenir un système simplifié, parce que ce sera comme le Code criminel : on peut le moderniser et le refondre sous une forme simplifiée, mais, inévitablement, le nombre de dispositions augmente.

D'après moi, l'enjeu le plus important est l'équité du régime. Aide-t-il les Canadiens? Nous aide-t-il à être plus productifs? Nous procure-t-il un avantage concurrentiel? Tout ça, ce n'est pas le fruit de la simplicité, mais celui de l'équité.

M. Ball : C'est juste. Ce serait en partie le taux d'imposition fixé par rapport à celui d'autres pays, ce genre de choses, si on tient compte de la productivité.

Cependant, la simplicité aide le contribuable à s'y retrouver dans le régime fiscal et à réduire les coûts. La simplicité comporte donc cet avantage pour l'économie. Nous ne prétendons pas nous concentrer sur uniquement un aspect. Nous distinguons la simplification et le pouvoir concurrentiel, et je pense que l'examen du régime fiscal devrait tenir compte de tout ça — ce qui est équitable, ce qui est le mieux pour l'économie, ce qui réduit les coûts de la conformité, un certain nombre d'aspects différents.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit que nous étions dans le milieu du peloton des pays membres de l'OCDE ou dans la queue. Que font les premiers de mieux que nous dans leurs mesures fiscales?

M. Ball : Je devrais examiner chacune d'elles, mais je suppose que les pays où le taux d'imposition des sociétés est le plus faible comptent peut-être davantage sur les taxes à la consommation. Ce serait le cas en Europe, particulièrement. On y insiste davantage sur cette source de recettes.

La sénatrice Eaton : En Angleterre et dans certains pays, le taux serait-il de 15 p. 100?

La sénatrice Andreychuk : Vingt-trois pour cent.

M. Ball : Là aussi, le taux d'imposition des sociétés serait moindre. Je devrai faire des vérifications.

La sénatrice Andreychuk : Il est sûr que certains pays d'Europe possèdent un régime de taxe à la valeur ajoutée variable, ce qui n'est pas simple. On ne le sait pas tant qu'on n'entre pas dans un commerce. C'est tel taux pour les bijoux; moins pour un article utilitaire pour la maison. On se demande sans cesse la valeur de la TVA. Il n'y a pas de taux unique pour toutes les marchandises.

M. Ball : Nous aurions la même opinion sur la TPS, la taxe de vente harmonisée — encore une fois, moins de règles spéciales et une plus grande assiette fiscale, pour que le taux soit plus ou moins le même pour tous, parce que ça facilite la conformité.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit préconiser un comité d'experts, ce qui prendrait environ cinq ans, donc plus, comme dans la plupart des commissions.

N'est-ce pas une cause d'instabilité que de préconiser cette mesure maintenant, à un moment très inhabituel? Si j'étais dans les affaires, je serais désorientée, vu l'incertitude de ce qui m'attendrait plus tard.

M. Ball : Ce serait une crainte.

Mais j'ai dit que ce n'était pas simple. La commission Carter, je pense, a abattu beaucoup de travail avant de publier un rapport en 1966. Beaucoup de mesures qu'elle a préconisées n'ont été adoptées dans le régime fiscal que trois ou quatre années plus tard. Il faut du temps. Mais je pense que, par contre, vous ne tenez pas à vous dépêcher et à manquer votre coup, vu l'importance de l'enjeu. Il y a donc deux façons de le considérer. Si on se dépêche et que le résultat n'est pas exactement conforme aux souhaits, ce n'est pas mieux.

Le sénateur Mockler : Merci, monsieur le président.

Monsieur Ball, nous avons entendu de nombreux témoins, il y a encore trois jours. Samedi après-midi, je prenais un café au McDonald de Saint-Léonard, quand quelqu'un m'a demandé si le comité des finances avait déterminé ce qu'était la classe moyenne. J'ai répondu : « Alors vous suivez ce comité ». Oui, qu'on me répond. Certains le font, pas tous. Pouvez-vous dire ou décrire, en bon canadien, ce qu'est la classe moyenne au Canada, aujourd'hui?

M. Ball : Non. Je ne crois pas pouvoir le faire, bien franchement. C'est une sorte de notion nébuleuse. Encore une fois, je suis fiscaliste, et ce n'est pas vraiment mon rayon de réfléchir à ça.

Le sénateur Mockler : Mais, dans ce cas, et sans être nébuleux, pouvez-vous dire dans quelle tranche d'imposition et de revenus des Canadiens se trouverait la classe moyenne?

M. Ball : Je ne pourrais pas le faire mieux que le gouvernement. L'ARC a des statistiques donnant le nombre de contribuables dans chaque tranche de revenu imposable. Ils font ce genre de suivi. Je ne sais pas si vous avez vu cela, mais nous pourrions certainement trouver cette information pour vous.

Le sénateur Mockler : Il pourrait nous acheminer cela, monsieur le président?

Le président : Si vous le pouviez, monsieur, ce serait formidable. Vous pouvez transmettre l'information à notre greffière.

Le sénateur Mockler : Au sein de votre association, vous inquiétez-vous de l'augmentation — je ne dis pas que les Canadiens ont une culture de débiteurs — du déficit de notre gouvernement, compte tenu de l'ampleur qu'il prend? Est-ce que cela vous préoccupe?

M. Ball : Je dirais que nous attendons de voir ce qui va se produire. Ce que nous voulions voir, surtout, c'est l'engagement du gouvernement d'éliminer le déficit pendant son mandat. Je pense qu'il est sur la bonne voie.

Nous attendons de voir ce qui va se passer. Nous serions préoccupés si le déficit devenait plus permanent, c'est sûr. Cela dit, nous comprenons aussi que le gouvernement trouvait important de stimuler l'économie et d'accroître les dépenses, alors je pense bien qu'en ce moment, nous sommes assis sur la clôture — c'est la meilleure façon de le dire — et nous espérons que ce sera résolu au cours du présent mandat. Nous allons analyser la situation à chaque budget.

Le sénateur Mockler : Ma dernière question est la suivante. À votre connaissance, quel est l'effet attendu des modifications proposées à certains taux d'imposition marginaux du revenu des particuliers sur les décisions des personnes relativement à l'offre de main-d'œuvre dans deux groupes de revenus imposables : les personnes dont le revenu imposable se situe entre 45 000 $ et 90 000 $, et celles dont le revenu imposable dépasse 200 000 $? D'après votre expérience, quelle est l'incidence attendue sur les décisions d'épargne des personnes dans chacun des deux groupes?

M. Ball : Je ne sais pas si l'incidence est si grande, concernant la façon dont les personnes envisagent les choses. Je ne crois pas voir une différence de comportement à divers niveaux, avec les changements. Je pense qu'une personne qui est motivée à épargner pour la retraite va continuer de le faire, par exemple.

C'est très difficile. Je le répète, je ne suis pas économiste, alors vous devez regarder les chiffres dans leur ensemble. Certaines personnes sont plus motivées à consommer que d'autres, alors c'est difficile à dire, compte tenu du nombre relativement petit de personnes avec lesquelles nous traitons.

La sénatrice Eaton : Je suis d'accord avec l'essentiel de ce que le témoin dit, alors je n'ai pas d'autres questions.

Le président : Monsieur, vous avez entre autres mentionné qu'une des trois choses que le projet de loi C-2 propose, c'est de réduire la fourchette d'imposition du revenu de la classe moyenne. Avez-vous été en mesure d'analyser l'effet réel de l'idée d'imposer la fourchette des plus de 200 000 $? Nous savons qu'environ 331 000 Canadiens gagnent plus de 200 000 $, mais avez-vous fait une analyse de chaque fourchette de revenu pour déterminer ce que cela signifie comme réduction réelle? Nous l'avons fait, et nous avons constaté que pour les moins de 45 000 $, il n'y a pas d'avantage. Pour les revenus de 45 000 $ à 60 000 $, il y a une économie de 261 $ pour un particulier, et pour les revenus de 45 000 $ à 90 000 $, c'est 696 $. De 90 000 $ à 140 000 $, c'est 820,43 $.

La question que nous avons posée est celle de savoir si le projet de loi C-2 tient ses promesses. C'est la raison pour laquelle on vous a interrogé sur la définition de la classe moyenne. Nous avons posé cette question à tout le monde, et la réponse est la même. Votre réponse est la plus unique, en ce sens qu'elle est venue de votre langage corporel. Vous avez haussé les épaules et avez dit : « Il est difficile de définir ce qu'est la classe moyenne. » De façon réaliste, disons- nous que quiconque ne gagne pas plus de 200 000 $ fait partie de la classe moyenne? Si vous avez réalisé une analyse sur les avantages du projet de loi C-2, est-ce que ce projet de loi tient sa promesse d'aider le groupe des 45 000 $ à 90 000 $?

M. Ball : La réponse à la question de savoir si nous avons analysé cela pour voir si cela donne ce résultat est non. Ce n'est pas quelque chose que nous regarderions en particulier parce que les taux ont été établis pendant les élections. Notre groupe n'analyserait pas cela dans le but précis de voir si les objectifs sont atteints ou pas.

La sénatrice Eaton : Revenons à la question de la complexité. Dans le passé, plusieurs personnes ici et aux États- Unis ont préconisé un taux fixe. Est-ce que cela comblerait les lacunes, si nous avions un taux fixe? Serait-ce plus avantageux pour plus de gens et pour l'économie, et est-ce que nous serions plus concurrentiels à l'échelle mondiale?

M. Ball : En fait, nous ne sommes pas contre les taux progressifs, mais nous aimerions que la base soit simplifiée. Ce n'est pas nécessairement un taux fixe, mais une base plus étendue à laquelle les taux d'imposition s'appliqueraient. Il est probablement préférable d'avoir moins de taux d'imposition.

La sénatrice Eaton : Vous pouvez voir maintenant que bien des pays européens ont une TVA énorme, par comparaison à la nôtre. Si dans des pays comme l'Inde ou la Chine, on apprenait qu'il y a un taux fixe au Canada, cela nous rendrait concurrentiels, n'est-ce pas?

M. Ball : Je ne le sais pas vraiment.

La sénatrice Eaton : Non, c'est de la spéculation. L'espoir jaillit, éternel.

Le sénateur Mockler : J'aimerais faire un autre lien, monsieur Ball, avec ce que le président vient de dire. Nous essayons de voir où sont les avantages pour les travailleurs canadiens. Diriez-vous que c'est ce que doit accomplir le budget?

M. Ball : Je pourrais dire que j'admets qu'on a voulu montrer que c'est avantageux pour la classe moyenne, mais comme je l'ai dit, nous n'avons pas réalisé d'analyse permettant de déterminer cela en particulier.

Le sénateur Mockler : Ils nous donnent des chiffres selon lesquels, à l'échelle du Canada, 65 p. 100 des Canadiens gagnent moins de 45 000 $ par année. Donc, d'après votre expérience de l'industrie, qui ce budget aide-t-il?

M. Ball : Eh bien, pour ce qui est de l'industrie, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre dans cette perspective. L'autre complication, c'est qu'il y a eu un changement dans les règles relatives à la Prestation nationale pour enfants aussi, et que cela peut avoir une incidence sur les personnes à faible revenu. Encore là, je n'ai pas apporté de données sur ce genre de choses, alors je ne crois pas pouvoir répondre à cela.

Le sénateur Neufeld : Nous avons, au Canada, l'expérience du taux fixe : l'Alberta a eu un taux fixe pendant plusieurs années. Vous ne sembliez pas très enthousiaste à l'idée d'un taux fixe, mais j'ai peut-être mal interprété cela. Avez-vous fait du travail relatif à un taux fixe — naturellement pas à l'échelle fédérale, mais manifestement à l'échelle provinciale?

M. Ball : Nous avons discuté d'un taux d'imposition fixe, au CPA. Je tiens à préciser que je ne suis pas contre un taux d'imposition fixe, mais je pense que ce que j'essayais de dire, c'est qu'aux fins de la simplification, il n'est pas nécessaire d'opter pour un taux fixe.

Le sénateur Neufeld : Est-ce que je vous ai bien entendu dire que les taux d'imposition étaient déjà établis pendant l'élection, ou après l'élection? J'ai peut-être mal interprété ce que vous avez dit.

M. Ball : Je crois qu'ils ont parlé de la réduction des impôts pendant les élections.

Le sénateur Neufeld : Au début de la campagne électorale. D'accord. Merci.

Le président : Merci sénateur. Est-ce qu'il y a d'autres questions des participants?

Eh bien, merci, monsieur Ball. Nous sommes ravis de vous avoir accueilli. Sénatrice Cools.

La sénatrice Cools : Je me demande souvent d'où viennent ces chiffres ou qui crée le langage qui devient rapidement si uniformisé et conventionnel. Je trouve ahurissant que 65 p. 100 des Canadiens fassent moins de 45 000 $ par année. Seriez-vous capable d'expliquer ce que ces chiffres signifient? Est-ce qu'on parle de particuliers ou de ménages? Qu'est- ce que certains de ces chiffres signifient exactement?

M. Ball : Je ne sais pas exactement d'où les chiffres viennent. S'ils viennent de l'Agence du revenu du Canada — parce que l'Agence suit les données sur les revenus imposables —, ce serait pour les particuliers.

La sénatrice Cools : Concernant l'autre aspect soulevé par M. Ball, soit la définition de la classe moyenne, il y a eu un temps où nous savions tous clairement ce qu'était la classe moyenne, car elle servait à décrire la stratification sociale. Il y avait les classes inférieures, les classes moyennes et les classes supérieures, mais au fil du temps, le langage a changé, et on s'est mis à parler de classes ouvrières et de classes professionnelles.

Savez-vous pourquoi un gouvernement utiliserait autant cette expression et fonderait autant de promesses là-dessus si elle est aussi vague et difficile à définir? Le savez-vous?

M. Ball : Je ne pense pas pouvoir me prononcer là-dessus.

La sénatrice Cools : D'accord. Mais vous savez que vos comptables sont des personnes intéressantes.

Je réfléchis beaucoup à certaines de ces questions, et j'ai siégé à ce comité avant, et je me souviens d'une occasion où les gens du Bureau du vérificateur général sont venus comparaître; à ce moment-là, ils contestaient les gens du Bureau du Conseil du Trésor. Les deux groupes étaient composés de comptables professionnels, tous formés dans les mêmes universités, tous soumis aux mêmes normes professionnelles et aux mêmes règles d'éthique, mais ils arrivaient à des conclusions contraires. Le vrai problème, c'est que les comptables du vérificateur général n'étaient pas d'accord avec ce que faisaient les comptables du Conseil du Trésor. C'était donc, au bout du compte, une question de politique.

Cependant, vous me laissez cela ainsi; je vais y réfléchir, et j'espère contribuer ainsi. Il est grave qu'une initiative politique majeure repose sur un langage incertain, confus et indéfini.

Le président : Merci, sénatrice.

Monsieur Ball, vous avez mentionné qu'il y avait trois principaux éléments dans les modifications du projet de loi C- 2, et le troisième était la diminution de la limite de la cotisation annuelle à un CELI. Pouvez-vous affirmer clairement que l'effet est positif ou négatif? Pouvez-vous nous résumer votre point de vue en 30 secondes?

M. Ball : Non, pas précisément. Je ne crois pas que nous ayons une position claire, si ce n'est que nous aimerions que le système entourant les épargnes personnelles soit revu afin qu'il fonctionne convenablement. Nous aimerions une revue plus vaste, peut-être dans le cadre de l'examen des dépenses, qui permettrait de garantir que tous les morceaux s'assemblent convenablement.

Je ne parle pas pour les CPA, mais je suis un peu inquiet du nombre d'options possibles et je ne suis pas sûr que les gens comprennent tout à fait à quoi sert un compte d'épargne libre d'impôt, à quoi sert un REER et à quoi sert un REEE. Il y a tant de choses différentes. Nous aimerions un examen du système d'épargnes personnelles dans l'ensemble, dans le cadre de l'examen des dépenses fiscales.

Le président : Merci beaucoup, monsieur, de nous avoir consacré votre temps. Nous vous savons gré de vos observations.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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