Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 18 - Témoignages du 15 novembre 2016
OTTAWA, le mardi 15 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, en séance publique, pour examiner le projet de loi, puis à huis clos, pour examiner un projet d'ordre du jour (travaux futurs) concernant l'étude sur le programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures.
Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite aux collègues et aux membres du public la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le mandat du comité consiste à examiner les questions liées au budget des dépenses fédéral en général, de même qu'aux finances publiques.
[Français]
Ce matin, pendant la première heure de notre réunion, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.
[Traduction]
Je m'appelle Larry Smith. Je suis un sénateur du Québec et je préside le comité. Je vais présenter brièvement les autres membres du comité.
[Français]
À ma gauche, le sénateur Ghislain Maltais. À sa gauche, le sénateur André Pratte.
[Traduction]
Le sénateur Joseph Day et le sénateur Jim Cowan.
Bien entendu, représentant la force et le pouvoir des dames, la sénatrice Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan, et à sa droite, une personne célèbre de Terre-Neuve, la sénatrice Beth Marshall, ancienne vérificatrice générale.
Aujourd'hui, pour vous parler du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, nous avons invité deux témoins.
Il semble qu'un seul témoin soit présent à l'heure actuelle. Monsieur, c'est bon de vous voir. Ils sont tous les deux à Toronto aujourd'hui. Je ne sais pas trop où est l'autre témoin, mais nous avons bon espoir qu'elle pourra sortir du métro. J'ai entendu dire que le métro accusait un retard.
Nous souhaitons la bienvenue à Jack Mintz, chercheur émérite du recteur, École de politique publique de l'Université de Calgary. Nous attendons l'arrivée de Wanda Morris, vice-présidente de la défense des droits et chef des opérations de l'Association canadienne des individus retraités.
Merci beaucoup d'être venus discuter avec nous ici ce matin du projet de loi C-2.
[Français]
Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire au sujet du projet de loi C-2.
[Traduction]
Nous aimerions entendre votre exposé, et nous aurons ensuite une période de questions.
Chers membres, comme vous le savez, pour la deuxième partie de notre rencontre, nous allons poursuivre nos travaux à huis clos pour discuter des travaux futurs du comité et des rapports qu'il devra soumettre. Commençons par discuter du projet de loi C-2.
Monsieur Mintz, merci beaucoup d'être ici avec nous. Nous l'apprécions. Monsieur, la parole est à vous.
Jack Mintz, chercheur émérite du recteur, École de politique publique de l'Université de Calgary, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président. Je ferai un bref exposé et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. J'ai déjà présenté un témoignage au comité concernant le projet de loi C-2. J'ai parlé des changements proposés au taux marginal d'imposition dans le cadre de ce projet de loi.
Aujourd'hui, j'ai pensé souligner un élément particulier dans mon court exposé. Si l'on tient compte du projet de loi C-2 et des futures initiatives fiscales, j'estime que nous serons préoccupés par les répercussions de l'imposition sur l'épargne de la classe moyenne. Elles se révèlent de deux façons. La hausse des impôts entraîne une réduction du revenu après impôt — les économistes peuvent la considérer comme l'effet revenu — réduisant ainsi la consommation actuelle et les économies requises pour la consommation future.
Deuxièmement, des taux marginaux d'imposition élevés sur les revenus de placement font en sorte qu'il est plus difficile pour les épargnants de constituer un patrimoine pour bénéficier d'un revenu de retraite et pour parer aux imprévus, particulièrement face aux faibles taux d'intérêt et à l'inflation actuelle.
Concernant ce premier point, la réduction du deuxième taux marginal d'imposition de 22 à 20,5 p. 100 profitera aux groupes à revenu moyen, à hauteur d'environ 350 $ par personne et 500 $ par couple. Il s'agit de personnes dont le revenu se situe entre 45 000 $ et 90 000 $ environ.
Par ailleurs, les familles à revenu modique et moyen profiteront de la nouvelle prestation fiscale pour enfants, car la prestation sera plus élevée et leurs revenus après impôt seront ainsi accrus. À mon avis, ces deux choses sont bonnes.
Cependant, la plupart de ces avantages sont érodés par des hausses d'impôt, y compris l'élimination de certains incitatifs fiscaux. Je parlerai en particulier de la baisse de la cotisation maximale au compte d'épargne libre d'impôt, de la taxe sur le carbone de 2018 et de l'augmentation des charges sociales liées au RPC.
En général, je m'attends à ce que l'impôt augmente forcément au fil du temps, car les dépenses publiques ont augmenté, les déficits sont plus élevés et le vieillissement de la population exerce des pressions financières sur le gouvernement, réduisant la part du revenu que les foyers pourront épargner dans l'avenir.
Concernant le deuxième point, le régime fiscal existant est très injuste envers les épargnants. Ces derniers ont déjà payé de l'impôt sur le revenu, mais ils doivent quand même payer beaucoup d'impôt sur les revenus de placement, à moins que leurs économies soient à l'abri dans des REER, des régimes de pension et des CELI. Cette double imposition fait en sorte que les épargnants paient plus d'impôt que les consommateurs au cours de leur vie.
En plus, les épargnants paient de l'impôt sur le rendement nominal de leurs investissements, ce qui dédommage partiellement les épargnants pour la perte de leur pouvoir d'achat en raison de l'inflation. Les gouvernements imposent également injustement les investissements risqués en imposant les gains, mais les pertes ne sont pas entièrement partagées avec les investisseurs. Le taux effectif d'imposition est ainsi accru pour les placements risqués.
Les gouvernements donnent peu de répit pour l'étalement du revenu, sauf en ce qui concerne les déductions au titre des REER, et avec le régime fiscal progressif, les investisseurs qui reçoivent un revenu ponctuel paient plus d'impôt que ceux qui reçoivent le même montant au cours d'une période plus longue.
Le projet de loi C-2 vise à abaisser le taux marginal d'imposition pour ceux dont le revenu se situe entre 45 000 $ et 90 000 $, comme je l'ai mentionné. Par contre, la baisse de la cotisation maximale au CELI fera en sorte qu'une part importante des épargnes sera assujettie à l'impôt sur le rendement nominal des investissements. En outre, les hausses des taux de récupération de la prestation fiscale pour enfants augmenteront également les taux marginaux d'imposition au-delà de 50 p. 100 pour bien des catégories de revenus.
Pour ce qui est d'obtenir le revenu visé à la retraite ou de disposer d'un bas de laine pour les imprévus, le projet de loi C-2 fait en sorte que bien des épargnants auront de la difficulté à amasser un patrimoine à des fins futures. Des mesures doivent être prises pour appuyer l'épargne, particulièrement dans un monde où les taux d'intérêt sont faibles. Si on tient compte de l'inflation, on constate que le rendement réel des épargnes est presque négligeable. Il faudrait augmenter le plafond des cotisations aux REER, aux régimes de pension privés et aux CELI, permettre de nouveau l'étalement du revenu et offrir une certaine compensation des pertes comme par les années passées.
Voilà qui conclut les remarques que je voulais faire au sujet du projet de loi C-2.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup pour votre présentation.
Je veux parler des réductions d'impôt. Selon les documents qui nous ont été remis, il semble que les avantages financiers sont plus élevés à l'échelon supérieur, à savoir un revenu imposable supérieur à 150 000 $ par année. Lorsque le ministre a comparu devant le comité et que nous l'avons interrogé à ce sujet, il est revenu sur l'allocation pour enfants qui est maintenant versée aux familles en fonction du revenu.
J'essaie d'examiner la question de façon logique. Toutes ces dépenses créent une augmentation de notre déficit. Nous sommes maintenant dans une situation de déficit actif. Nous empruntons de l'argent pour les réductions d'impôt, car elles ne sont pas sans incidence sur les revenus, et nous empruntons de l'argent pour les prestations pour enfants.
Il semble que les générations futures paieront la note pour cet avantage. Nous empruntons de l'argent pour le donner aux parents qui élèvent des enfants, mais ces enfants rembourseront le déficit. Dans certains cas, ce seront les petits-enfants, car le gouvernement emprunte actuellement sur 50 ans.
Auriez-vous des commentaires à ce sujet? Mon approche est-elle bonne?
M. Mintz : Je crois qu'il y a de quoi nous inquiéter grandement en matière de déficits publics et d'endettement.
Lorsqu'on examine la dette brute en proportion du PIB pour le Canada — je dois dire que j'assistais aux réunions du ministère des Finances lorsque j'étais économiste invité Clifford Clark en 1996 et 1997. À l'époque, la dette brute en proportion du PIB avait culminé à plus de 130 p. 100 du PIB. En raison des excédents réalisés par le Canada de 1997 à 2007, nous avons en réalité réduit cette dette brute en proportion du PIB à aussi peu que 80 p. 100, ce qui est plutôt remarquable.
En fait, c'était remarquable d'enregistrer des excédents pendant 10 ans. Très peu de gouvernements l'on fait. Je donne le crédit en particulier aux gouvernements de M. Chrétien et de M. Martin, et aussi à celui de M. Harper, qui a lui aussi enregistré des excédents avant la crise financière de 2008.
Évidemment, la récession mondiale qui s'est produite en 2008-2009, laquelle a durement frappé le Canada, a entraîné une accélération des déficits et de la dette à ce moment-là. Nous avons commencé à faire des progrès pour revenir à l'équilibre budgétaire, ce qui, je crois, s'est produit durant la période allant jusqu'à environ 2015. En fait, je crois toujours que nous avons probablement rétabli l'équilibre budgétaire en 2015 ou 2014 environ.
Maintenant, nous sommes à nouveau déficitaires, mais si vous regardez la dette brute — et je parle de la dette gouvernementale dans son ensemble — elle est revenue à près de 110 p. 100 du PIB comparativement à 80 p. 100 en 2007. Désolé, je crois que c'était 90 p. 100. Je m'excuse pour les chiffres; je réponds de mémoire pour le moment. En réalité, elle est maintenant supérieure à 110 p. 100 du PIB, et cela nous rapproche du 135 p. 100 que nous avions en 1994-1995, le pourcentage le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale.
Mon commentaire concernant le vieillissement de la population est très important. Nous avons de nombreuses dépenses liées au vieillissement. Il y a en particulier les dépenses relatives à la Sécurité de la vieillesse et à la santé. Comme nous le savons, les plus grandes dépenses d'une personne surviennent après l'âge de 65 ans, surtout après 75 ans de nos jours. Nous savons également que lorsqu'on change la proportion de la population retraitée par rapport à la population active, les ratios impôts-PIB chutent naturellement au cours des années suivantes parce que les gens paient moins d'impôt lorsqu'ils sont à la retraite, particulièrement dans le cadre de notre régime fiscal, comparativement aux gens qui travaillent. Par conséquent, vous aurez un plus grand écart entre les dépenses par habitant et les impôts par habitant à mesure que la société vieillira au cours des dix ou vingt prochaines années.
Cette situation mettra plus de pression sur les déficits. C'est ce que je crois. En raison de l'augmentation des dépenses de programmes depuis l'an dernier et des dépenses de programmes prévues, maintenant que le ministère des Finances n'a plus à s'inquiéter d'une cible budgétaire, nous verrons plus tard d'importantes augmentations des impôts ou d'importantes réductions des dépenses pour régler le problème du déficit qui se profilera à l'horizon, ainsi qu'un endettement très élevé si nous poursuivons à ce rythme.
La sénatrice Marshall : Nous ne pouvons donc pas emprunter éternellement. À un certain moment, nous devrons souffrir un peu pour rembourser la dette.
M. Mintz : C'est exact.
Le président : Je souhaite la bienvenue à Mme Morris. Nous vous remercions de votre présence. Nous avons entendu dire que vous étiez prise dans le métro. J'espère que tout va bien et que vous avez pu en sortir.
Wanda Morris, vice-présidente, Défense des droits et chef des opérations, Association canadienne des individus retraités : En fait, ce qui s'est produit, c'est que j'avais l'adresse d'Ottawa, alors j'étais au 140, rue Wellington à Toronto. Je suis heureuse d'être ici maintenant.
Le président : Excellent. C'est quelque chose qui m'arriverait probablement. Félicitations, et merci d'être avec nous.
Aimeriez-vous nous faire part de vos commentaires, si vous avez une brève déclaration préliminaire, ensuite nous reviendrons à la discussion avec vous et M. Mintz?
Mme Morris : Absolument. Je suis Wanda Morris, vice-présidente de la défense des droits à l'Association canadienne des individus retraités.
Il est évident que la sécurité financière des Canadiens, comme nous vieillissons, constitue l'une des principales priorités de notre organisation. Nous représentons environ 300 000 personnes à travers le pays.
En février 2015, nous avons consulté nos membres. À ce moment-là — la situation n'avait pas encore changé —, nous nous attendions à une augmentation du plafond des cotisations au CELI. Nous avons consulté nos membres afin de déterminer s'ils appuieraient une telle augmentation. Comme on pouvait peut-être s'y attendre, les deux tiers de nos membres appuyaient alors une augmentation. En fait, 81 p. 100 d'entre eux ont indiqué qu'ils contribuaient à un CELI.
Dans ce sondage, nous avons posé d'autres questions liées à la retraite. Soixante-et-onze pour cent de nos membres ont dit qu'ils voulaient que des changements soient apportés aux FERR afin d'éviter d'épuiser leurs économies, et plus de quatre personnes sur cinq ont dit que le gouvernement devrait encourager l'épargne, et non les dépenses, dans le cadre de ses politiques.
Le problème est une question comme celle-ci : Voulez-vous en obtenir plus d'un avantage particulier? La réponse sera presque toujours oui. Récemment, nous avons donc posé une question différente — nous n'avons pas encore les données finales, mais j'ai des chiffres préliminaires — où nous avons présenté aux gens six avantages non imposables et nous leur avons demandé de les classer en ordre d'intérêt. Le plus populaire, avec 49 p. 100 des répondants le classant comme leur premier ou deuxième choix, était l'élimination des retraits obligatoires des FERR. C'est un commentaire dont nos membres nous font part très souvent. Le deuxième, avec 43 p. 100 des répondants le classant en premier ou en deuxième, était le respect de la promesse du gouvernement d'établir un indice spécial pour les aînés qui bénéficient de la SV et du RPC.
Ramener le plafond des cotisations au CELI à ce qu'il était et maintenir à 65 ans l'âge d'admissibilité à la SV plutôt que de le ramener à 67 ans sont deux avantages qui figurent en troisième place. Trente-huit pour cent des gens les ont classé en premier ou en deuxième.
Pour compléter le tableau, je vais vous faire part des deux autres questions que nous avons posées : Le fractionnement des REER entre conjoints vous intéresse-t-il? Cette question a reçu un appui de 29 p. 100 comme premier ou deuxième choix. L'augmentation du maximum déductible au titre des REER a reçu un appui de 9 p. 100.
Je voulais simplement vous faire part de ces données. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Marshall : J'ai une brève question à poser. Lorsqu'il s'agissait de classer ces six éléments, des explications étaient-elles fournies? Vous avez dit que les gens aimeraient qu'on élimine les retraits obligatoires des FERR. Est-ce parce qu'ils vivent plus longtemps? Sauriez-vous pourquoi ce point s'est retrouvé au deuxième ou troisième rang?
Mme Morris : Il était en fait classé en premier. Nos membres nous en parlent très souvent.
Comme vous le savez, il y a des retraits obligatoires des FERR. Bien qu'ils aient fait l'objet d'une réforme dernièrement, nos membres ne croient pas que la réforme allait assez loin. Ils aimeraient qu'ils soient complètement éliminés. Deux raisons peuvent expliquer cela. L'une d'elles est que les rendements que les gens peuvent être certains d'obtenir sur leurs investissements diminuent de plus en plus, alors ils veulent conserver l'argent dans leurs FERR plus longtemps. Deuxièmement, le retrait d'un FERR est souvent lié aux dépenses. Les gens croient qu'ils peuvent dépenser sans hésitation le montant qu'ils retirent. Je sais qu'ils ont la possibilité de ne pas le dépenser, mais il semble y avoir un lien comportemental. Ils craignent beaucoup d'épuiser leurs économies de leur vivant.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie.
Le sénateur Cowan : Bienvenue. J'apprécie vos remarques ce matin. Ma question s'adresse à M. Mintz.
Nous savons que notre économie est étroitement liée à celle de notre voisin du Sud. Sans commenter les derniers résultats électoraux au sud de la frontière, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure nous devons nous préoccuper de ce qui se passe au sud de la frontière, en tant que décideurs, alors que nous devons élaborer la politique fiscale et fixer les taux d'imposition? Dans quelle mesure devons-nous suivre l'évolution des taux d'imposition au sud de la frontière, voire adopter les mêmes taux?
M. Mintz : Merci beaucoup, sénateur Cowan.
À vrai dire, je crois que nous devrons faire preuve de vigilance face à deux choses qui peuvent se produire aux États Unis après les dernières élections. La première en est une qu'à mon avis bien des gens du secteur financier croient possible, et il s'agit d'une « reflation » éventuelle aux États-Unis, car nous verrons des dépenses et des déficits bien plus grands ainsi que des réductions d'impôt en raison de l'élection du président Trump et du fait que les républicains détiennent la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants. En fait, les républicains, dans le passé, comme nous l'avons constaté avec Reagan au début des années 1980 et sous George W. Bush au début des années 2000, n'avaient pas peur de créer de gros déficits, partiellement en présumant que s'ils accumulaient de gros déficits et créaient plus d'endettement, les futurs gouvernements démocrates auraient plus de difficulté à augmenter les dépenses. Il s'agit donc d'un argument bien connu qui remonte au passé.
Par conséquent, s'il y a une certaine reflation et des taux d'intérêt plus élevés aux États-Unis, la pression sera ainsi accrue sur le Canada quant aux mesures à prendre. La bonne nouvelle est que toute mesure fiscale prise aux États-Unis qui augmente le PIB nominal, en raison de l'inflation et de la croissance réelle, sera bonne pour le Canada, car nous sommes un grand exportateur vers les États-Unis. Ceci pourrait potentiellement nous amener à resserrer notre politique monétaire et aussi augmenter nos taux d'intérêt. Bien sûr, cela sera avantageux pour les épargnants, car ils sont durement touchés par les faibles taux d'intérêt actuels.
En revanche, il y a un allégement fiscal potentiel. Le président Trump a parlé d'un taux d'imposition du revenu des sociétés d'environ 15 p. 100. N'oublions pas que les républicains et les démocrates ont tous les deux proposé de réduire les taux des sociétés pour les ramener entre 20 et 25 p. 100, selon les cas. Cet aspect en est un où des mesures pourraient être prises très rapidement, même au cours des 100 premiers jours, dans le cadre de la réforme de l'impôt des sociétés.
Trump envisage et propose d'importantes réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers, qui pourraient aussi être mises en œuvre. Ceci pourrait entraîner une réduction du taux fédéral d'imposition des particuliers. Le taux maximum passerait de 39 p. 100 à 33 p. 100, ce qui ne comprend pas les taux des États, qui ne feraient toutefois qu'augmenter le taux de 5 ou 6 points au plus. Si vous vous souvenez, le Canada a maintenant un taux marginal d'imposition moyen pour la tranche supérieure, qui représenterait en dollars américains environ 150 000 $ quand nous nous atteignons le taux maximal. Le taux maximal au Canada est maintenant de 53 p. 100 en moyenne, le quatrième plus élevé parmi les pays de l'OCDE. Ceci aura des conséquences importantes sur la capacité d'attirer des talents au Canada et de les garder, car l'économie des États-Unis pourrait reprendre par suite de ces réductions d'impôt.
Comme nous l'avons vu en 1986, lorsque le gouvernement des États-Unis a entrepris la réforme fiscale de Reagan, qui a entraîné d'importantes réductions du taux d'imposition des revenus des sociétés et des particuliers, la réaction a été si considérable au Canada que nous devions faire quelque chose pour pallier les pressions concurrentielles que la réforme fiscale exercerait sur le pays. Nous avions déjà planifié et même mis en œuvre une partie de la réforme de la fiscalité des entreprises qui correspondait à la réforme des États-Unis. Cela nous a poussés à nous assurer de réaliser le reste de cette réforme après 1986, mais nous nous sommes alors engagés dans une réforme de la fiscalité des particuliers qui n'était pas prévue au Canada lorsque les États-Unis ont entrepris une forte réduction de leurs taux d'imposition des particuliers comparativement à ce qu'ils étaient auparavant.
Il faudra voir. Il est trop tôt pour dire ce qui arrivera. Ce n'est que de la conjecture à l'heure actuelle. Mais je crois que nous devrons probablement y réagir si ces choses se produisent dans l'avenir.
La sénatrice Andreychuk : Merci, monsieur Mintz. Comme d'habitude, je peux comprendre ce que vous dites. C'est utile pour quelqu'un qui ne pense pas aux finances, mais qui pense à la politique étrangère et aux énoncés de politique.
J'aimerais clarifier un point. Vous disiez que ces changements et d'autres apportés au projet de loi C-2 pourraient nuire à ce que vous appelez une « entreprise risquée. » J'aimerais que vous précisiez ce que vous voulez dire, car on fait valoir de l'autre côté au sujet de nos échanges commerciaux, dont nous dépendons tant, que nous sommes peu enclins à courir des risques, que nous sommes très prudents. Par conséquent, nous cherchons des façons d'encourager les entreprises à adopter de nouvelles façons de faire, de nouvelles technologies, des inventions, et cetera.
Je me demandais ce que vous vouliez dire par « entreprise risquée ». S'agit-il d'une entreprise que nous ne devrions pas appuyer ou d'une chose sur laquelle nous devrions porter une attention particulière si nous voulons être concurrentiels à l'échelle mondiale?
M. Mintz : Je vous remercie beaucoup pour votre question, madame la sénatrice.
Tout d'abord, lorsque vous pensez à une entreprise risquée par opposition à une entreprise non risquée ou peu risquée, il est question de la rentabilité potentielle dans l'avenir. Lorsqu'il s'agit d'une entreprise risquée, vous pourriez possiblement obtenir des gains considérables, mais aussi subir des pertes et avoir une probabilité plus élevée de pertes. Voilà ce qui distingue une entreprise risquée d'une entreprise peu risquée.
Par exemple, si vous êtes en télécommunications et que vous êtes assujettis une réglementation sur le taux de rendement, le risque n'est pas trop grand, car vous pourriez le transmettre aux clients par le biais des prix. Vous savez quels seront les prix, alors les risques sont considérablement réduits pour ceux qui investissent dans l'industrie des communications.
Mais nous savons que si vous êtes une jeune entreprise et que vous êtes dans l'innovation en particulier, la probabilité d'un gain est assez faible. Les études ont démontré qu'elle pourrait être inférieure à 10 p. 100, mais vous pourriez réaliser un gain énorme si vous réussissez, et alors les autres ont tendance à échouer. C'est une entreprise assez risquée.
Ce que je voulais dire, c'est que le régime fiscal pénalise en réalité le risque, car le gouvernement est là pour prendre une partie de l'argent. De nos jours, selon le taux d'imposition — disons qu'il est à 50 p. 100 — le gouvernement est là pour prendre la moitié du gain. Mais s'il y a une perte, le gouvernement n'est pas là pour assumer la perte à hauteur de 50 p. 100. Il peut permettre le report prospectif de certaines pertes sur de futurs gains en capital, si vous pouvez en obtenir, ou sur un autre revenu ou avoir recours à certaines dispositions rétrospectives en vertu du droit fiscal, ou des choses semblables. Le gouvernement assume une certaine partie des pertes, mais pas entièrement.
C'est la raison pour laquelle les taux élevés d'imposition, comme les nouveaux taux marginaux d'imposition élevés au Canada, découragent grandement l'esprit d'entreprise et l'investissement dans les activités risquées. Cette approche nuit largement à l'innovation. Si nous avions une politique d'innovation au pays, il faudrait examiner les taux marginaux d'imposition qui sont maintenant devenus beaucoup trop élevés, particulièrement après les derniers changements apportés aux échelons fédéral et provincial.
La sénatrice Andreychuk : Madame Morris, vous avez mentionné que les FERR préoccupent vos membres parce qu'ils en retirent de l'argent, qu'ils pourraient dépenser.
Avez-vous pris en compte le fait que lorsque nous avons créé les FERR, la plupart des gens devaient être à la retraite à ce moment-là, et maintenant ils ont un revenu supplémentaire? La plupart des gens font autre chose parce qu'ils ne croient pas que leurs économies suffiront, ce qui les désavantage encore plus. Ce point faisait-il partie de la discussion?
Mme Morris : Vous soulevez un excellent point. L'autre était le risque lié à la longévité. Auparavant, les chances de vivre au-delà de 80 ans étaient minimes. Maintenant, nous avons des membres centenaires.
Le régime actuel impose sans aucun doute ce que certains de nos membres qualifieraient de risques importants. Leur tranquillité d'esprit en est réellement affectée. Même parmi les gens qui ont fait tout ce qu'il fallait, qui ont bien épargné, ont reçu de bons conseils d'investissement et qui disposent d'un certain pécule, un grand nombre souffrent d'une profonde anxiété en ce moment, se demandant s'ils vont épuiser leurs économies.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma question s'adresse à Mme Morris. Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre rapport. Vous êtes très près de la population et des préoccupations des Canadiens et des Canadiennes. Vous n'êtes pas dans une autre sphère internationale de fonds de pension, vous êtes dans la réalité quotidienne des Canadiens.
Je suis du Québec et je sais que nombre de gens considèrent que l'âge de la retraite aujourd'hui n'est plus 65 ans, mais bien tant et aussi longtemps qu'on est en bonne santé. Voilà pourquoi on retrouve de plus en plus de personnes de 65 à 75 ans sur le marché du travail présentement.
J'adore l'idée d'abolir la date obligatoire pour retirer des sommes de son fonds de retraite. C'est vraiment extraordinaire. Le gouvernement n'y perdrait rien, puisque l'impôt est différé et qu'il le recevra plus tard. Par contre, vous n'avez pas abordé la question des contributions au régime de retraite pour les travailleurs de plus de 70 ans. Ils seraient très heureux de pouvoir continuer à contribuer à leur régime de retraite. Je crois que c'est discriminatoire envers les Canadiens et les Canadiennes. Qu'en pensez-vous?
Plusieurs citoyens m'ont informé que, premièrement, ils aimeraient que l'obligation de faire des retraits de leur régime de pension après 70 ans soit abolie, et que, deuxièmement, ils aimeraient pouvoir contribuer encore quelques années à leur fonds de retraite.
Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Mme Morris : Vous avez soulevé un certain nombre de points qui sont excellents, et je vais y répondre.
Cette année nous avons vécu une transition démographique. Pour la première fois, il y a davantage de Canadiens de plus de 65 ans, que de moins de 15 ans. Je pense que le gouvernement devrait concentrer son attention sur la façon dont nous gardons nos travailleurs âgés sur le marché du travail. L'idée de la retraite à 65 ans prenait tout son sens lorsque l'espérance de vie était vers la fin de la soixantaine. Maintenant, nous devrions chercher à maintenir les personnes au travail pas seulement pour leur santé, mais aussi pour celle de l'économie. Toute mesure gouvernementale visant à inciter les gens à continuer à travailler après 65 ans doit être sérieusement envisagée.
En imposant des retraits obligatoires des FERR, nous allons dans la direction opposée. Nous cessons de permettre aux gens de cotiser à leurs REER et les forçons à puiser de l'argent dans les FERR au lieu de revoir entièrement le programme de retraite et la manière dont nous maintenons les individus au travail.
Mon patron, Moses Znaimer, est l'exemple parfait. À 73 ans, il dirige toujours CARP et ZoomerMedia Limited. C'est ce que nous devrions rechercher pour nos aînés, faire en sorte qu'ils soient très impliqués et efficaces.
À savoir si les recettes sont restées les mêmes, j'ai lu un article rédigé par l'Institut C.D. Howe qui indique que cela n'a eu aucune incidence sur les recettes. Il y a cependant des problèmes.
Manifestement, lorsque les FERR sont finalement retirés, lorsque les REER sont finalement encaissés, des impôts sont versés au gouvernement. Ce que nous avançons, c'est que si l'argent est retiré plus tard, il y a une certaine perte, en raison de la valeur temporelle de l'argent, mais si une somme importante est retirée en une seule fois, elle sera potentiellement imposée à un taux élevé. L'Institut C.D. Howe indique qu'il n'y a aucune incidence sur les recettes.
L'autre point dont nous devons tenir compte est la récupération des prestations de la Sécurité de la vieillesse. Si les gens conservent leur argent dans des FERR et ne le retire pas, il est possible que leurs prestations de la Sécurité à la vieillesse soient plus élevées qu'elles le seraient autrement. Il s'agit seulement d'une récupération de 15 p. 100 et je ne suis pas sûre qu'une si petite somme aura une influence sur le comportement des gens. Il est clair que l'élimination des retraits obligatoires est une bonne stratégie pour procurer une tranquillité d'esprit et maintenir les gens au travail.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je vous remercie de votre réponse, madame. Maintenant, j'aimerais savoir si votre rapport aborde la situation des personnes retraitées qui occupent des emplois à temps partiel parce que leurs revenus de retraite ne sont pas suffisants. Avez-vous examiné la question à savoir si ces gens pouvaient contribuer sur cette portion de salaire à leur fonds de retraite?
[Traduction]
Mme Morris : Vous soulevez un autre excellent point qui nous amène aux travaux de CARP sur les travailleurs âgés. Nous savons que les deux tiers des individus qui travaillent après 65 ans ont un salaire inférieur au salaire médian. Nous constatons une discrimination fondée sur l'âge en milieu de travail pour l'embauche des travailleurs âgés. Si vous êtes cadre, on pense que les cheveux blancs sont synonymes de sagesse et l'âge ne pose pas nécessairement un problème. En revanche, pour les personnes occupant des postes subalternes, il leur est incroyablement difficile de trouver un nouveau travail. En 2015, Statistique Canada a estimé que 160 000 personnes âgées de 55 à 64 ans avaient perdu leur emploi, et que ces personnes auront des difficultés à remplacer leurs anciens salaires.
Comme vous l'avez dit, de nombreuses personnes ne sont pas préparées pour la retraite, et je vais citer une autre statistique. Une étude réalisée par l'Institut Broadbent a montré qu'en moyenne les individus âgés de 55 à 64 ans sans pension d'employeur ont 4 000 $ dans leur compte d'épargne-placement. La réalité est qu'un très grand nombre de Canadiens ne sont absolument pas préparés pour la retraite et occuperont des emplois peu rémunérés. Je pense donc que la solution n'est pas le REER, car ils n'ont pas besoin d'un allègement fiscal avec des emplois peu rémunérateurs. La solution, c'est le CELI. Le CELI serait le mode d'épargne-retraite de choix pour ces personnes, à condition qu'elles soient en mesure d'épargner malgré de faibles salaires.
Le président : Monsieur Mintz, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Mintz : Il y a des points avec lesquels je suis d'accord, mais j'ai un point de vue légèrement différent.
Le ministère des Finances a dit qu'il faut se rappeler que, lorsque les gens retirent de l'argent d'un FERR, ils peuvent l'épargner, et avec l'augmentation du plafond des CELI, ils pourraient même gagner un revenu libre d'impôt. En fait, maintenant que nous avons supprimé cette hausse du plafond des CELI, je préconiserais personnellement une période plus longue pendant laquelle les personnes peuvent détenir leurs REER ainsi qu'une réduction du montant minimal devant être retiré d'un FERR, car le régime fiscal est discriminatoire à l'égard des épargnants, comme je l'ai expliqué dès le début.
L'autre changement qui selon moi devrait être envisagé est l'augmentation de l'âge limite pour cotiser à un REER. À une époque, l'âge limite était de 71 ans, puis, à cause de la lutte contre le déficit, nous l'avons abaissé à 69 ans, je crois. Nous l'avons maintenant relevé, mais il faut penser que l'espérance de vie a beaucoup augmenté. Les gens dépassent fréquemment 80 ans. Vous pouvez vous attendre à dépasser les 80 ans si vous atteignez 65 ans. De ce fait, je pense que nous devrions essayer d'augmenter à 74 ou 75 ans l'âge limite pour cotiser à un REER. En fait, curieusement, les Pays-Bas indexent actuellement l'âge d'admissibilité à l'espérance de vie. Ainsi, si l'espérance de vie augmente, l'âge d'admissibilité augmente automatiquement.
L'autre point que je souhaite aborder, et qui je pense sera un point de désaccord avec Mme Morris, est le fait que, selon moi, nous devons également nous préoccuper des déficits. Les mesures fiscales futures auront une grande incidence sur les économies des particuliers. Je pense que c'est une énorme erreur d'avoir rétabli l'âge d'admissibilité à 65 ans, au lieu de la laisser à 67 ans. Dans l'ensemble, ce changement s'était relativement bien passé. Il est difficile de faire de tels changements. Tout avait été mis en place par étapes de façon à ce qu'aucune personne retraitée ou proche de la retraite ne soit lésée. C'est une mesure qui avait été mise en place davantage pour le futur. Si l'on examine les pays du monde entier, on constate que l'âge de 67 ans est devenu la norme. Comme je l'ai dit, même aux Pays-Bas, l'âge d'admissibilité a été augmenté, car les gens travaillent plus longtemps.
En fait, la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada et d'autres prestations ont tous 65 ans comme âge d'admissibilité, quoique ce ne soit pas le cas pour certaines prestations, mais il a été démontré dans des études économiques que les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada ont de gros impacts sur la retraite anticipée. Je pense que de nombreuses personnes souhaitent travailler plus longtemps, mais évidemment, si elles peuvent obtenir un soutien financier plus tôt et qu'elles doivent prendre la décision de travailler ou non, elles finissent par choisir de ne pas travailler, parce que cela leur permet de toucher un revenu.
Nous ne devons pas oublier également que plus les revenus sont faibles, plus le taux marginal d'imposition sera bas. Ainsi, si vous travaillez plus longtemps, comme Mme Morris l'a indiqué, l'impôt prélevé sur vos prestations de la Sécurité à la vieillesse ou du Régime de pensions du Canada sera plus élevé. Vous commencez alors à faire des calculs. Les économistes ont démontré qu'on encourage la retraite anticipée à 65 ans.
Je pense que si je devais modifier les programmes, je devrais réellement réfléchir à l'âge d'admissibilité en ce qui a trait aux divers incitatifs et soutiens que nous offrons. En fait, je serais en faveur d'une réduction des taux de retrait des FERR. Je soutiendrais également une hausse de l'âge limite pour cotiser aux régimes de pension et aux REER, mais je pense que nous devons également envisager d'augmenter l'âge d'admissibilité.
[Français]
Le sénateur Maltais : J'aimerais remercier très sincèrement Mme Morris pour ses explications complètes et précises. Je l'invite à venir au Québec nous rencontrer pour poursuivre son travail, car c'est très important pour une grande tranche de la population canadienne et cela allégera d'autant plus les régimes de retraite fédéraux.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Madame Morris, en ce qui concerne le sondage que vous avez réalisé, ai-je bien compris que 38 p. 100 des membres que vous avez interrogés ont déclaré qu'ils étaient d'accord avec la modification qui vise à faire passer de 10 000 $ à 5 500 $ le plafond du CELI? Est-ce exact?
Mme Morris : Non. Nous avons posé cette question spécifique l'année dernière et les deux tiers de nos membres se sont montrés en faveur de l'augmentation proposée alors, en février 2015.
Ce que je voulais expliquer comité, c'est qu'en règle générale, sur le plan psychologique, chaque fois qu'on demande aux gens s'ils désirent bénéficier d'une prestation ou non, il n'est pas surprenant que les deux tiers répondent favorablement. Je voulais connaître le poids relatif des différentes réformes fiscales potentielles et dans quelle mesure les gens souhaitaient l'une ou l'autre. Le sondage est toujours en cours, ces résultats ne sont donc que préliminaires, mais à ce stade, la chose la plus importante que les gens voulaient était l'élimination des retraits obligatoires des REER. Quarante-neuf pour cent des répondants ont classé ce point comme premier ou deuxième choix parmi les six proposés. Quarante-trois pour cent ont choisi l'indice spécial pour les prestations réservées aux aînés, et enfin 38 p. 100 de nos membres ont classé en premier ou en deuxième — les deux étaient ex aequo — la mesure visant à ramener à 11 000 $ le plafond du CELI et le maintien à 65 ans de l'âge d'admissibilité à la Sécurité à la vieillesse, car ils ne souhaitent pas qu'il soit ramené à 67 ans.
Est-ce clair?
Le sénateur Pratte : C'est clair, mais je trouve surprenant que 38 p. 100 des répondants aient choisi cela comme premier ou deuxième choix, car c'est une mesure négative; ce n'est pas positif. C'est quelque chose qu'ils perdraient et ils l'ont tout de même classé en premier ou en deuxième.
Mme Morris : Non, ils souhaitent que le plafond du CELI soit ramené à 11 000 $. C'est ce qu'ils veulent.
Le sénateur Pratte : Très bien. J'avais mal compris. Je suis désolé.
Le sénateur Day : Pourrais-je avoir un éclaircissement sur ce point aux fins du compte rendu? Vous avez dit 11 000 $. Espèrent-ils que le plafond passe de 10 000 $ à 11 000 $?
Mme Morris : Au montant indexé.
Le sénateur Day : Le montant de 10 000 $ n'était pas indexé, alors c'était 10 000 $ et pas 11 000 $.
Mme Morris : D'accord.
Je n'ai pas les résultats de l'enquête avec moi, alors je vous enverrai les questions spécifiques que nous avons posées et les résultats réels du sondage.
Le sénateur Day : Cela serait utile. Je vous remercie.
Le président : Merci, madame Morris. Vous communiquerez avec notre greffière et elle vous expliquera comment procéder.
La sénatrice Cools : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux deux témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui et les remercier pour leur expertise et leur grande contribution à la vie au Canada.
Il y a de nombreuses années, les Canadiens avaient l'habitude d'appeler le régime fiscal, le fisc. À cette époque-là, le fisc a pris la forme visible d'un ministère du gouvernement. On l'appelait à l'époque le ministère du Revenu national.
Aux alentours de 1999, l'atmosphère était au changement. Il a été décidé qu'il n'y aurait plus de ministère du Revenu national; une loi a été adoptée et l'Agence des douanes et du revenu du Canada a été créée. En 2003, la loi a été modifiée, et l'organisme s'appelle maintenant l'Agence du revenu du Canada.
J'ai passablement étudié certains aspects. Il y a une différence entre un ministère et une agence. D'importantes réformes et de grands changements sont proposés, puis adoptés, mais nous n'obtenons jamais réellement un rapport ou une évaluation du degré de réussite qui a été atteint.
Vous êtes-vous forgé une opinion concernant le succès relatif des modifications apportées au ministère? Les changements ont été bien plus fondamentaux et bien plus vastes que nous le pensons. L'un des changements est qu'il est plus difficile pour un ministre de contrôler une agence qu'un ministère. Peut-être n'y avez-vous pas réfléchi ou que cela ne vous a pas traversé l'esprit, mais c'est quelque chose que j'ai en tête depuis des années. C'est pour moi l'occasion d'éclaircir la question.
Le président : Je vois des sourires sur les visages. Qui souhaiterait aborder cette question?
M. Mintz : Je pense que je serais en mesure de le faire. En fait, je faisais partie du comité ou conseil consultatif lorsque le ministère du Revenu national est devenu une agence et j'ai entendu les conseils des personnes de l'extérieur sur les objectifs, les motifs, et cetera.
Tout d'abord, le ministère du Revenu national ou l'Agence du revenu du Canada, le nouvel organisme, n'est pas responsable de la politique fiscale. C'est plutôt le ministère des Finances. L'Agence du revenu du Canada, tout comme l'ancien ministère du Revenu national, est responsable de l'administration.
Plusieurs documents ont été rédigés à cette époque. Nous sommes passés d'un ministère à une agence principalement parce que le ministère du Revenu national rencontrait des difficultés à embaucher des personnes qui seraient rémunérées suffisamment pour faire le travail difficile requis pour appliquer les lois fiscales, en particulier dans des domaines tels que les revenus étrangers et les prix de transfert, et pour utiliser certaines des nouvelles technologies. En effet, nous étions en train d'adopter de plus en plus les technologies numériques pour la perception des impôts, des choses comme ça. Un type de travailleur différent était requis. Il devait posséder des connaissances techniques.
Les salaires dans le secteur privé étaient bien plus élevés que ce que le ministère du Revenu national pouvait se permettre. En outre, le ministère se conformait aux lignes directrices du Conseil du Trésor, ce qui limitait grandement sa capacité à bâtir un bon capital humain au ministère. Ainsi, les choses de ce genre et le fait de donner un rôle aux provinces grâce au conseil de direction de l'Agence du revenu du Canada, ont motivé la décision de mettre sur pied une agence plutôt que de conserver le ministère.
Dans quelle mesure cela a-t-il été une réussite? C'est une très bonne question. En fait, c'est l'un des problèmes en ce qui a trait aux gouvernements d'aujourd'hui. Il existe un grand nombre de politiques qui précisent qu'ils accompliront ceci ou cela, mais l'évaluation a posteriori est insuffisante pour savoir s'ils sont réellement parvenus à atteindre les objectifs fixés. Ce serait une étude intéressante à mener. Je n'en ai pas vu, mais cela ne signifie pas qu'il n'en existe pas. Il serait intéressant d'étudier les changements qu'a apportés l'Agence du revenu du Canada pour obtenir un meilleur régime fiscal.
C'est important aujourd'hui également, parce que dans le dernier budget, une somme importante est accordée à l'Agence du revenu du Canada pour qu'elle procède à des vérifications. Les petites entreprises et tous ceux qui ont des revenus à l'étranger savent que le fisc se déplace maintenant plus souvent pour effectuer des vérifications dans des domaines particuliers. Il faut toutefois assurer une surveillance adéquate pour garantir que les gens ne soient pas récompensés simplement parce qu'ils perçoivent davantage d'impôts. Je sais que l'Agence du revenu du Canada n'agit pas ainsi, mais cela crée des incitatifs qui pourraient être préoccupants. Si la promotion d'une personne et tout le reste dépendent du montant d'argent qu'elle rapporte, comme cela a été le cas dans certains pays, cela peut créer des problèmes pour le régime fiscal en général.
Cette évaluation a posteriori, madame la sénatrice, est une excellente idée. En fait, c'est quelque chose que le Sénat pourrait vouloir faire à un certain moment.
Le président : Madame Morris, un commentaire?
Mme Morris : Non.
La sénatrice Cools : Peut-être devrions-nous nous pencher sur cette question. Certains de ces individus ont d'énormes pouvoirs. Ils peuvent entrer dans les entreprises, demander à ce que leurs comptes soient fermés et faire toutes sortes de choses. Comme je mène une vie publique, je rencontre constamment des personnes qui tentent de me parler de ce qu'ils subissent de la part de l'agence.
Nous devrions mettre cela dans notre petite pile d'études à faire et voir si nous pouvons faire la lumière sur le sujet. À l'époque, un grand nombre d'entre s'inquiétait du fait que le ministère devienne une agence. À certains égards, nous ne savons toujours pas ce qu'est une agence et ce qu'elle fait. Ce serait bien de voir cela avec des yeux nouveaux, puisque nous avons gagné en maturité, en âge et en sagesse.
Mme Morris : Pour répondre au dernier commentaire, permettez-moi de m'appuyer sur mon ancien rôle de directrice générale de Dying with Dignity Canada et sur l'idée que l'Agence du revenu du Canada est un organisme autonome. Certaines personnes présentes savent sans doute que Dying with Dignity Canada a fait l'objet d'une vérification et a perdu son statut d'organisme de bienfaisance. Assurément, un grand nombre de gens pensait que cette vérification était motivée par des considérations politiques. Je suis comptable agréée. Les individus qui ont fait la vérification ont déclaré qu'ils avaient rarement vu des documents de travail aussi bien préparés et que tout était parfaitement en règle. Malgré cela, et même si la Cour suprême avait déjà approuvé la légalisation de l'aide médicale à mourir, nous avons fini par perdre notre statut d'organisme de bienfaisance. Cette situation n'a pas changé. Donc, je conviens avec la sénatrice qu'il s'agit d'une question qui mérite un second examen objectif.
La sénatrice Cools : J'ai entendu un certain nombre de récits de la sorte.
Le sénateur Day : Je soulève une question de procédure. J'ai interrompu le sénateur Pratte alors qu'il posait des questions. Je ne pense pas qu'il avait terminé. Je pensais qu'il était important de clarifier le commentaire sur les 11 000 $ indexés, aux fins du compte rendu. La sénatrice Cools a alors posé une question supplémentaire qui nous a un peu écartés du sujet, alors je cède la parole au sénateur Pratte.
Le sénateur Pratte : Merci, sénateur Day. Oui, j'ai un peu perdu le fil, mais j'avais une autre question. Merci.
Mme Morris, vous avez dit qu'il est difficile pour les personnes âgées d'épargner et vous nous dites en même temps qu'une augmentation du plafond du CELI est une mesure très populaire. Il semble y avoir là un paradoxe. Pourquoi de nombreuses personnes âgées souhaitent-elles un plafond plus élevé pour le CELI alors que dans de nombreux cas elles éprouvent en même temps des difficultés à épargner 2 000 $ ou 3 000 $ par an du fait que leurs revenus, en particulier si elles travaillent durant leurs vieux jours, sont assez faibles? Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet, s'il vous plaît?
Mme Morris : Juste pour être claire, je dois dire que, lorsque nous faisons nos sondages, nous interrogeons nos membres uniquement, pas l'ensemble des aînés canadiens. Nos membres, du fait qu'ils peuvent faire partie de CARP, tendent à être un peu plus instruits que la moyenne et à avoir des économies et des revenus plus importants que la moyenne, alors je dirais cette opinion est celle de nos membres, mais pas nécessairement de l'ensemble des aînés du pays.
Je pense qu'il y a également des gens qui voient le CELI comme un instrument efficace de planification successorale, alors c'est probablement un avantage pour certains.
M. Mintz : Je ne suis pas tout à fait d'accord sur le problème de l'épargne. En fait, les études de Statistique Canada, les travaux que j'ai réalisés pour les ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux en 2009 et les études menées par McKinsey au cours des dernières années, il y en a eu plusieurs, montrent que 80 p. 100 des Canadiens parviennent parfaitement à épargner pour leur retraite. En fait, ils ont certainement des revenus suffisants lors du départ à la retraite compte tenu de tous les actifs des Canadiens, notamment la valeur nette de leur résidence, qui est l'actif le plus important des Canadiens pour leur retraite.
Il y a des groupes de gens qui n'ont pas suffisamment de revenus, mais je ne veux pas laisser l'impression que les gens n'épargnent pas correctement pour l'avenir. Ce n'est pas vrai. C'est pourquoi je m'inquiète à propos de l'impôt sur le rendement de l'épargne. Ce que vous avez de disponible comme revenu au moment de la retraite ne dépend pas seulement de ce que vous cotisez ni des sommes que vous épargnez, mais aussi du taux de rendement que vous obtenez sur votre épargne. Si vous n'êtes même pas en mesure de suivre le niveau de l'inflation à cause de l'impôt sur vos revenus de placement, alors c'est un véritable problème. C'est pourquoi les REER, le régime de pensions et les CELI sont très importants, car ils permettent aux gens de disposer de revenus à l'abri de l'impôt, ce qui leur permet d'épargner plus vite et de façon plus importante en vue de la retraite.
Le président : En 2015, le plafond du CELI était de 10 000 $ et n'était pas indexé. En 2016, la limite sera désormais de 5 500 $ et ce montant sera indexé. Je le mentionne pour clarifier davantage ce point.
La sénatrice Bellemare : J'ai une question complémentaire à propos de la question que le sénateur Pratte a posée à M. Mintz.
[Français]
Ma question concerne les épargnes à la retraite. Croyez-vous qu'il sera aussi facile pour les nouvelles générations de Canadiens d'accumuler de l'argent comme l'ont fait les générations plus âgées?
[Traduction]
Le président : Monsieur Mintz, avez-vous compris la question?
M. Mintz : Oui. Je pense que c'est là qu'un certain nombre d'études ont eu des résultats différents. Ce que vous devez faire, c'est extrapoler ce que sera selon vous le taux de rendement des investissements, que nous ne connaissons pas nécessairement pour de très longues périodes, et dans le cas d'un jeune Canadien, de 25 ou 30 ans, on parle donc de 40 ou 50 ans. Quel sera le taux de rendement de l'épargne pour les 50 prochaines années à venir?
Dans ses prévisions, le ministère des Finances utilise un rendement réel de l'épargne de 3,5 p. 100, en ajoutant 2 p. 100 d'inflation, ce qui donne un rendement nominal de 5,5 p. 100. Vous allez me dire que c'est trop élevé par rapport à aujourd'hui, mais est-ce élevé par rapport à une très longue période? Dans la foulée des élections américaines, nous verrons peut-être des taux d'intérêt plus élevés dans l'avenir.
Certaines personnes ont obtenu des taux de rendement inférieurs, alors bien sûr, il y aura des gens qui n'auront pas suffisamment d'argent pour leur retraite. Les estimations varient vraiment beaucoup, mais les études ont montré que même si l'on fait des prévisions, si on tient compte de tous les actifs, y compris la valeur nette de la résidence, les pensions, les REER et bien sur d'autres actifs financiers et commerciaux, somme toute, même avec de faibles taux de rendement, on peut dire qu'environ 75 p. 100 des Canadiens parviendront à avoir suffisamment d'argent pour la retraite, et donc un revenu adéquat. Cependant, si une baisse des taux de rendement se produit, cette proportion diminuera.
C'est pourquoi je pense que l'imposition des revenus autres que ceux versés dans des REER, des CELI et des régimes de pensions est un élément très important, car cela érode les sommes dont les gens ont besoin pour obtenir un rendement sur leur épargne afin d'atteindre le niveau de revenus qu'ils souhaitent avoir à l'âge de la retraite.
Le président : Merci beaucoup. Nous vous avions dit que vous passeriez une heure avec nous, et vous nous avez accordé une heure et cinq minutes.
Merci beaucoup, madame Morris, d'avoir pu être des nôtres. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de comparaître devant nous.
Et bien sûr, monsieur Mintz, vous avez fait un excellent travail comme d'habitude.
Nous vous remercions tous les deux et vous souhaitons une bonne journée.
(La séance se poursuit à huis clos.)