Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 20 - Témoignages du 2 décembre 2016


OTTAWA, le vendredi 2 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 33, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-29, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures, parties 1, 2 et 3.

Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Chers collègues, membres du public, notre comité a pour mandat d'examiner les questions liées, de façon générale, au budget des dépenses du gouvernement fédéral et les finances publiques.

Je m'appelle Larry Smith, sénateur du Québec et président du comité. Permettez-moi de présenter brièvement les autres membres du comité.

À ma gauche se trouve le très solide sénateur André Pratte, de Montréal, au Québec. À ma droite se tient la sénatrice Salma Ataullahjan, de Toronto. À sa droite, vous avez la sénatrice Anne Cools, notre vice-présidente. À sa droite se trouve l'excellente sénatrice Beth Marshall, ancienne vérificatrice générale de Terre-Neuve. Nous avons ensuite une remplaçante plus que compétente et une membre très rigoureuse du Sénat, la sénatrice Judith...

La sénatrice Seidman : Judith Seidman.

Le président : Seidman. Je regardais la boîte de Kleenex. Veuillez m'excuser, Judith. Merci beaucoup.

Ce qui s'est passé, c'est que je me suis retrouvé devant un blocage. J'ai attrapé le ballon, et j'ai cru voir une grande ouverture, puis je me suis soudainement réveillé au sol, à essayer de comprendre ce qui m'avait frappé. C'était un de ces moments, et je m'en excuse.

Nous sommes en compagnie de la sénatrice Nancy Greene Raine, une des plus grandes skieuses de l'histoire du sport. Bien sûr, nous avons le très charmant et excellent sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Nous commençons aujourd'hui notre examen de la teneur complète du projet de loi C-29, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures. Ce projet de loi est aussi appelé la Loi no 2 d'exécution du budget de 2016. Vous vous souviendrez que nous avons examiné au printemps la Loi no 1 d'exécution du budget.

[Français]

Ce matin, pour commencer notre étude de la teneur du projet de loi C-29, nous avons le plaisir de recevoir, du ministère des Finances, Gervais Coulombe, chef par intérim, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt.

[Traduction]

Nous accueillons aussi James Greene, directeur de la Division de l'impôt des entreprises, à la Direction de la politique de l'impôt. James, nous avons discuté plus tôt.

Pierre Leblanc est directeur de la Division de l'impôt des particuliers à la Direction de la politique de l'impôt.

[Français]

Pierre, sachez que j'aimerais avoir, une fois dans ma vie, un titre aussi impressionnant que le vôtre.

[Traduction]

Nous recevons également Trevor McGowan, chef par intérim de la Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt; et Pierre Mercille, chef législatif principal de la Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Nous avons reçu le cahier d'information du ministère sur le projet de loi, et nous vous remercions de ces renseignements. Le document a été distribué aux membres du comité.

Nous avons organisé une discussion préalable avec les représentants du ministère des Finances. Nous essayons de nous assurer que les présentations soient le plus avantageuses possible pour nos sénateurs afin que tout le monde puisse comprendre. Il s'agit d'une série d'amendements et de modifications très complexes. J'ai donc hâte d'entendre vos témoignages.

Nous vous demandons maintenant de parcourir les mesures et d'expliquer chaque article en disant en quoi il soutient la mesure. Si vous êtes d'accord, nous aimerions pouvoir poser des questions sur chaque article pour nous assurer de comprendre pleinement avant de passer au suivant.

Monsieur McGowan, voulez-vous commencer par une déclaration liminaire pour nous expliquer comment vous voulez procéder?

Trevor McGowan, chef par intérim, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Bien sûr. Je vais brièvement vous résumer ce qui figure dans le projet de loi, après quoi nous pourrons parcourir les mesures une à une. Je crois savoir que notre tableau récapitulatif des mesures a été distribué; on y voit quels articles du projet de loi s'appliquent à chaque mesure. Je suis convaincu que ce sera utile aux membres du comité, étant donné que certaines mesures se rapportent à plus d'une disposition. Nous allons donc discuter de chaque mesure.

Comme il a été mentionné, nous sommes saisis de la Loi no 2 d'exécution du budget de 2016. Le texte contient des modifications, qui ont été soit citées, soit annoncées dans le budget de 2016. On y retrouve une mesure de simplification visant à remplacer les règles sur les immobilisations admissibles de la Loi de l'impôt sur le revenu par une nouvelle catégorie de biens amortissables; des règles pour empêcher l'évitement de certaines dispositions de la loi au moyen de ce qu'on appelle des mécanismes de prêts adossés; des règles pour exclure les produits dérivés dans l'inventaire des règles de propriété en fonction du marché; des règles pour veiller à ce que le traitement fiscal sur la vente de billets liés soit compatible au traitement fiscal du billet à échéance; des règles pour préciser le traitement fiscal des droits d'émissions; des règles qui s'appliquent lorsqu'un gain de change accumulé à l'égard d'une dette devient une dette remisée; des règles pour combler certaines failles des polices d'assurance-vie; et une mesure sur le dépouillement de surplus transfrontalier pour s'assurer que les dispositions s'appliquent de la façon prévue.

On y retrouve aussi une indexation de l'Allocation canadienne pour enfants, à compter de l'année de prestations 2020-2021, c'est-à-dire en juillet 2020; des règles pour empêcher la multiplication de l'accès à la déduction accordée aux petites entreprises; des règles relatives à ce qu'on appelle les fonds de substitution, qui empêchent le report des substitutions d'un fonds à un autre au sein d'une classification organisationnelle; des règles pour mettre en œuvre les normes de déclaration pays par pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE; des règles pour préciser l'application des règles relatives aux mécanismes d'adossement dans des situations à plusieurs intermédiaires; des règles pour permettre une plus grande marge de manœuvre en présence de dons de bienfaisance faits par la succession d'un contribuable; des règles pour préciser les règles relatives aux faits liés à la restriction de pertes, notamment celles qui s'appliquent aux fiducies de placement; des règles pour donner une plus grande marge de manœuvre à certaines fiducies, comme les fiducies actives, au décès du principal bénéficiaire; et des règles qui ont été annoncées dans le budget de 2015, mais confirmées dans celui de 2016, pour préciser que de nouveaux arguments peuvent être avancés à l'appui d'une cotisation après l'expiration du délai normal, à condition que le montant total de la cotisation n'augmente pas. La partie 1 se termine avec une mesure pour mettre en œuvre la norme commune de déclaration recommandée par l'OCDE.

Voilà un aperçu des mesures proposées dans le projet de loi. Si vous êtes d'accord, nous pouvons maintenant examiner chacune d'entre elles de façon plus détaillée.

Le président : Allez-y, monsieur McGowan.

M. McGowan : Puisque nous discutons du contenu d'un projet de loi, je vais maintenant aborder les mesures suivant l'ordre dans lequel elles apparaissent dans le libellé. Il y a une certaine logique, mais je me fie entièrement à l'endroit où elles se trouvent dans le projet de loi.

La première mesure se rapporte aux immobilisations admissibles. Elle remplace le régime actuel des immobilisations admissibles, un système très complexe de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite du traitement fiscal et, essentiellement, de l'amortissement de certains biens tangibles. L'achalandage est l'exemple classique. Ces règles sont fort complexes et ont leur propre régime.

Il s'agit ici d'une mesure de simplification visant à regrouper un ensemble distinct de règles relatives aux immobilisations admissibles en une nouvelle catégorie de biens amortissables, de sorte qu'on applique à l'avenir les mêmes règles existantes qu'aux autres catégories de biens amortissables.

Des mesures de simplification sont aussi prévues pour permettre aux contribuables de déduire rapidement les soldes peu élevés d'immobilisations admissibles. Ils peuvent soit bénéficier d'une déduction accélérée de 500 $ pendant jusqu'à 10 ans pour éliminer les soldes minimes d'immobilisations admissibles, soit exclure les dépenses de constitution en société jusqu'à concurrence de 3 000 $, ce qui représente la totalité du solde d'immobilisations admissibles pour bien des petites entreprises. Ainsi, il y aura désormais jusqu'à 3 000 $ de dépenses de constitution en société qui seront déductibles plutôt que de faire appel au régime d'amortissement quelque peu plus complexe.

La sénatrice Marshall : Monsieur le président, devons-nous attendre à la fin pour poser nos questions? Comment allons-nous procéder?

Le président : Une fois que M. McGowan a fini de présenter un article, vous êtes libres de poser vos questions au fur et à mesure, si vous êtes d'accord.

La sénatrice Marshall : J'aurai donc une question à poser sur cet article, lorsqu'il aura terminé.

M. McGowan : J'ai fini. Je vous remercie.

La sénatrice Marshall : A-t-on estimé le coût de ces modifications pour le Trésor public? Les changements apportés à cet article permettront-ils au gouvernement d'obtenir des fonds additionnels, ou entraîneront-ils plutôt une perte de recettes? Ou encore, la modification a-t-elle une incidence sur l'échéancier seulement, de sorte que le Trésor recevra l'argent plus rapidement? Quelle est l'incidence de la modification sur les contribuables? J'ai juste de grands doutes.

M. McGowan : L'effet de la modification a été annoncé dans le budget de 2016. L'augmentation totale annuelle des recettes du gouvernement se chiffrera à 30 millions de dollars pour 2016-2017, à 190 millions de dollars pour 2017- 2018, et à 255 millions pour 2018-2019.

La sénatrice Marshall : S'agit-il de recettes supplémentaires pour le Trésor public?

M. McGowan : C'est exact. Ces chiffres ont été annoncés dans les renseignements supplémentaires du budget de 2016. Il s'agit du traitement fiscal de certains biens intangibles qui appartiennent à une société lorsqu'ils sont vendus. Ces sommes étaient auparavant imposées à titre de revenu d'entreprise exploitée activement, même si la vente porte sur des biens plutôt immobiliers.

Immédiatement après la vente, si le produit est versé en vertu de la société, c'est essentiellement du pareil au même, et il n'y a aucune incidence sur les recettes. Dans la mesure où le montant est laissé dans la société, le report est avantageux. C'est d'ailleurs ce que les chiffres reflètent.

Les quotas sont le parfait exemple. Dans le contexte agricole, les règles ont été révisées pour s'assurer que les ventes de contingents agricoles sont admissibles à l'exonération cumulative des gains en capital qui, dans le cas des biens agricoles, représente jusqu'à 1 million de dollars d'exonération pour gains en capital, maintenant qu'il s'agit d'immobilisations. L'objectif était de remédier à ce problème dans l'intérêt des contribuables touchés.

La sénatrice Marshall : Au fur et à mesure que vous nous présentez les articles, peut-être pourriez-vous inclure le coût ou l'avantage de chacun pour le Trésor public.

M. McGowan : Je vais le faire.

La sénatrice Andreychuk : Vous dites que la modification va simplifier la procédure, mais les règles de l'impôt sur le revenu sont souvent complexes pour permettre les exemptions et tenir compte des contraintes excessives pour les gens.

Vous avez donné l'exemple dont j'allais parler et que je connais le mieux, à savoir l'agriculture. Vous dites que la modification permettra au gouvernement de récupérer des recettes, mais comment pouvons-nous savoir quelle sera l'incidence de la mesure sur les autres parties intéressées? Vous dites que la procédure est simplifiée. Lorsque vous simplifiez les choses, vous devez notamment supprimer des pouvoirs discrétionnaires qui étaient utiles aux agriculteurs.

J'ai également quelques réserves lorsqu'on veut tout simplifier, parce que cela complique souvent les choses. Vous n'avez pas pris en compte toutes les particularités. J'ai l'impression que des mesures ont été ajoutées pour tenir compte des cas particuliers.

L'agriculture et les gains en capital ne se limitent pas au transfert de biens qui se trouvent dans une ville. C'est un mode de vie. Il s'agit de la capacité à continuer d'exploiter une ferme.

Je ne comprends peut-être pas. Je n'ai jamais compris l'impôt sur le revenu quand je pratiquais. Les dispositions sont toujours assujetties à un article donné, qui est à son tour assujetti à un autre article.

Simplifier les choses peut sembler être une bonne idée, mais nous semblons le faire dans l'intérêt du gouvernement. Je veux vraiment être certaine que nous agissons pour les contribuables.

M. McGowan : Si vous me le permettez, je peux vous expliquer ce que nous entendons par « simplification » dans ce contexte. Depuis l'introduction des règles sur les immobilisations admissibles, il existe deux ensembles de règles parallèles — celles sur les immobilisations admissibles et celles relatives aux biens amortissables — qui prévoient des déductions sous forme d'amortissements annuels sur le coût des biens visés.

Les règles sur les immobilisations admissibles ont été introduites dans une catégorie distincte de biens parce que ces immobilisations ne sont pas vraiment amortissables dans le même sens qu'une automobile ou quelque chose du genre.

Il existe deux systèmes parallèles. Le premier porte sur les immobilisations admissibles et le deuxième, sur les biens amortissables normaux. Les immobilisations admissibles ont été placées dans une catégorie distincte, dans un système distinct à l'écart des biens amortissables courants, mais ces règles devaient essentiellement demeurer parallèles. Lorsqu'une règle était modifiée, l'autre l'était normalement aussi. Il y avait toutefois deux systèmes parallèles, deux ensembles de règles parallèles qui visaient essentiellement à faire la même chose, c'est-à-dire offrir une déduction annuelle sur certains coûts associés à une entreprise.

Bien sûr, comme c'est souvent le cas en présence de règles fiscales, les dispositions sont devenues de plus en plus complexes au fil des ans. Il y a maintenant deux systèmes très complexes qui portent essentiellement sur les mêmes types d'enjeux. Lorsque je parle de « simplification », je veux donc dire que les règles sur les immobilisations admissibles seront désormais abrogées, et que ce qui était considéré comme des immobilisations admissibles sera désormais traité de la même façon que les biens amortissables.

Il ne s'agit pas d'introduire un ensemble de nouvelles règles simplifiées pour ce type d'immobilisations admissibles. Il s'agit plutôt de prendre deux ensembles de règles qui visaient essentiellement la même chose, mais qui avaient évolué séparément et étaient une source de grande complexité dans le système, et de les combiner en un seul ensemble de règles. Ainsi, même si les règles sur les immobilisations amortissables sont déjà complexes, il n'y aura plus, au moins, deux ensembles de règles parallèles et largement similaires qui fonctionnent côte à côte.

La sénatrice Andreychuk : Je crois que vous venez de vous contredire. Vous avez dit qu'il y a deux ensembles de règles qui respectaient essentiellement les mêmes fondements au départ, mais qui sont devenues de plus en plus complexes et différentes. C'est du moins ce que j'ai compris.

Vous allez maintenant les réunir. Quels sont les avantages et les inconvénients d'un tel regroupement? Soit elles étaient essentiellement pareilles et vous les réunissez à des fins d'efficacité, d'administration et de compréhension seulement, soit il y avait des différences. Si c'est le cas, comment avez-vous intégré ces différences?

M. McGowan : Je voulais dire que les politiques sont essentiellement les mêmes, bien que les immobilisations admissibles traitent de choses comme l'achalandage. Si vous achetez une automobile, vous pouvez dire qu'elle vaut moins chaque année. Si vous achetez l'achalandage d'une entreprise, c'est un bien intangible. Il est difficile d'y appliquer le même calendrier d'amortissement, mais la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit tout de même des déductions pour ce bien. C'est probablement une des raisons pour lesquelles ces biens ont d'abord été placés dans une catégorie distincte; sur le plan de la pureté conceptuelle, cet élément ne correspond pas parfaitement aux catégories habituelles de biens amortissables.

Cela dit, le traitement devait essentiellement être le même malgré les différences de mise en œuvre des règles. Par exemple, la nouvelle catégorie de biens amortissables serait déductible à un taux de 5 p. 100. Si vous prenez le coût d'un bien, vous pouvez déduire 5 p. 100 du compte chaque année, alors que dans le cas des immobilisations admissibles, 75 p. 100 ou les trois quarts du coût s'ajoutent au compte d'immobilisations admissibles, qui fait ensuite l'objet d'une déduction de 7 p. 100.

Vous pouvez voir que les deux approches sont très similaires mathématiquement, mais qu'elles diffèrent légèrement et ont leur propre ensemble distinct d'éléments complexes. Il peut y avoir des nuances dans certains cas, mais la politique est la même ou essentiellement la même. Les règles demeurent inchangées et renvoient maintenant à la nouvelle catégorie de biens amortissables.

Le président : Est-ce que cela vous va, madame la sénatrice?

La sénatrice Andreychuk : Je ne comprends pas la réponse.

La sénatrice Raine : Ce n'est pas clair. Y aura-t-il encore de l'achalandage dans l'immobilisation admissible d'une petite entreprise? Est-ce que ce sera considéré différemment à l'avenir?

M. McGowan : Il y aura encore de l'achalandage. Ce sera considéré comme faisant partie de cette nouvelle catégorie de biens amortissables plutôt que comme une immobilisation admissible. L'achalandage fera donc partie de la nouvelle catégorie 14.1.

La sénatrice Raine : Je comprends que cela tombe dans la nouvelle catégorie. Y aura-t-il une incidence sur mon entreprise si mon nom fait partie de l'achalandage? En quoi cette mesure aura-t-elle une incidence sur moi?

M. McGowan : Eh bien, c'est un ensemble de règles complexe. Je dirais que, en général, conformément aux règles relatives aux immobilisations admissibles, les trois quarts du coût de l'achalandage seraient transférés au solde du compte MCIA et une déduction à un taux de 7 p. 100 par année serait ensuite effectuée. En vertu des nouvelles règles, le plein montant du coût de l'achalandage serait transféré au solde de la catégorie 14.1 et un taux de déduction ou d'amortissement de 7 p. 100 serait appliqué.

La sénatrice Raine : Donc, vous dites que je vais devoir faire évaluer l'achalandage dans mon entreprise pour en établir la valeur. À compter de quelle date, et qui fait ce genre de chose?

M. McGowan : On parle de l'achat d'achalandage, ce qui a un coût. Lorsqu'on achète une entreprise, on paye certains montants pour acquérir différents actifs. Pour simplifier un peu, je dirai que le reste, dont la valeur précise n'a pas été établie, est habituellement considéré comme de l'achalandage, ce qui permet d'en établir la valeur préliminaire.

Cela ne s'applique pas aux entreprises en démarrage qui ne font pas l'objet d'une acquisition. Conformément à ces nouvelles règles, on procède de la même façon qu'en vertu des règles sur les immobilisations admissibles. Le coût est une chose dont on a fait l'acquisition.

La sénatrice Raine : Merci.

La sénatrice Marshall : Les modifications proposées en ce qui a trait à l'achalandage se traduiront-elles par une augmentation des recettes du gouvernement fédéral? Quelle sera l'incidence de cette mesure sur le Trésor?

M. McGowan : Nous n'avons pas séparé le coût des différents éléments de la mesure. Si je comprends bien, la hausse des recettes fiscales est largement attribuable à la différence dont j'ai parlé plus tôt au sujet de la vente...

La sénatrice Marshall : De la mesure dans son ensemble?

M. McGowan : ... d'immobilisations admissibles dans une petite entreprise, en général, dont le taux est plus faible.

La sénatrice Marshall : Je vais reformuler ma question. Au cours de la première année d'imposition suivant l'entrée en vigueur de cette mesure, vous attendez-vous à ce que les entreprises payent plus ou moins d'impôt sur le revenu?

M. McGowan : Eh bien, selon l'évaluation des coûts que nous avons ici, la première année commencerait en janvier 2017, et nous avons estimé une hausse des recettes fiscales de 30 millions de dollars, ce qui est attribuable dans une plus grande mesure à la vente de biens.

La sénatrice Marshall : Cela répond à ma question. Merci.

Le président : Poursuivons. Nous devons accélérer un peu le rythme si nous voulons en venir à bout. Les questions sont bonnes.

Monsieur McGowan, poursuivez.

M. McGowan : La prochaine mesure vise à élargir les règles relatives aux mécanismes adossés dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Certaines conséquences fiscales s'appliquent aux transactions effectuées entre des contribuables qui entretiennent une certaine relation. Le cas classique est celui d'une personne qui paye des intérêts à une société non résidente dans un pays qui n'a pas de conventions fiscales avec le Canada, ce qui pourrait être assujetti à un taux de retenue d'impôt de 25 p. 100. Les règles relatives aux mécanismes adossés s'appliquent lorsqu'on a recours à un intermédiaire pour éviter les conséquences fiscales que comporteraient normalement la transaction si elle était effectuée directement.

Comme je l'ai dit, le cas classique serait un paiement d'intérêts, à partir du Canada et vers un pays non signataire d'une convention, disons les îles Caïmans, effectué à l'aide d'un intermédiaire entre le prêteur et l'emprunteur pour obtenir un taux de retenue d'impôt moins élevé. Donc, ces règles permettraient généralement de faire subir au dernier destinataire les conséquences fiscales qui seraient autrement appliquées, dans le but de prévenir le simple recours à une société intermédiaire entre deux entités pour éviter des conséquences fiscales.

Cette mesure comporte trois principaux éléments. Un de ces éléments consiste à élargir les règles en vigueur relativement aux mécanismes adossés qui s'appliquent aux intérêts sur des paiements de loyers et de redevances et d'autres paiements semblables actuellement visés par la loi.

Un autre aspect de la mesure consiste à appliquer ces règles à ce qui s'appelle les structures à plusieurs intermédiaires. Dans l'exemple simple que j'ai donné, il n'y avait qu'un seul intermédiaire. S'il s'agissait de la seule règle, on pourrait tout simplement recourir à deux, trois ou quatre intermédiaires, et on se retrouverait alors avec une structure à plusieurs intermédiaires. Cet élément prévient le non-respect des règles en recourant à plus d'un intermédiaire ou à la requalification.

Enfin, les règles sont élargies de manière à englober les prêts aux actionnaires; lorsqu'une entreprise accorde un prêt à certains de ses actionnaires, ce sont généralement les règles fiscales figurant dans la loi qui s'appliquent. Ces prêts peuvent être considérés comme un revenu de l'actionnaire, et ces modifications s'appliquent de manière à ce que les règles ne soient pas contournées au moyen d'une société intermédiaire.

La sénatrice Marshall : Êtes-vous en train de dire qu'on effectue actuellement ce genre de transactions et que le contribuable ne paye aucun impôt? Selon nos notes d'information, il ne paye aucune retenue d'impôt; les transactions ne sont pas imposées.

M. McGowan : Le contribuable en paye dans certains cas, selon les règles. Par exemple, dans ce genre de situation, la retenue d'impôt sur les redevances est de 25 p. 100 selon les règles générales qui figurent dans la loi. Ce chiffre pourrait passer à 10 ou 15 p. 100.

La sénatrice Marshall : Nos notes d'information disent toutefois que le montant total du prêt sera inclus dans le revenu imposable, n'est-ce pas?

M. McGowan : Vous parlez des règles relatives aux prêts aux actionnaires. Dans certains cas, comme la retenue d'impôt, on peut obtenir une réduction fiscale, tandis que dans d'autres cas, on peut éviter complètement de payer des impôts. Conformément aux règles en vigueur dans la Loi de l'impôt sur le revenu, si ce genre de prêt se faisait directement entre une société et un particulier, le montant serait inclus dans le revenu du contribuable en tant que profit, comme une appropriation.

La sénatrice Marshall : Mais obtient-on une sorte de déduction après avoir remboursé le prêt? On dirait qu'on obtient tout simplement un prêt, qu'on le comptabilise et qu'il devient un revenu imposable. Il est imposable et on le rembourse l'année suivante. Obtient-on une réduction fiscale pour l'avoir remboursé, ou est-on seulement frappé au moment de contracter le prêt?

M. McGowan : J'ai mentionné que c'est considéré comme un revenu lorsque les règles sur l'avantage conféré à un actionnaire s'appliquent. Cependant, ces règles ne s'appliquent pas à tous les prêts contractés par un actionnaire. Elles ne s'appliqueraient pas à un prêt à court terme, qui ne serait pas inclus dans le revenu.

Ces règles ont seulement pour objet les situations où un prêt direct donne lieu à une inclusion au revenu conformément aux règles en vigueur. Donc, les prêts remboursés dans un délai donné ne sont actuellement pas visés par les règles et ne le seraient pas plus en vertu des règles élargies.

La sénatrice Marshall : Il me semble tout simplement qu'il est un peu injuste d'inclure le montant total du prêt dans le revenu imposable.

En quoi est-ce avantageux pour le Trésor? A-t-on effectué une estimation?

M. McGowan : Non. Nous n'avons pas indiqué le montant des recettes dans le budget parce que c'était...

La sénatrice Marshall : Mais on parle sans aucun doute de recettes plus élevées, n'est-ce pas?

M. McGowan : En effet. Cette mesure prévient...

La sénatrice Marshall : Vous n'avez juste pas le chiffre. Très bien, merci.

La sénatrice Andreychuk : Pour revenir à votre première observation concernant le recours à des intermédiaires, est- ce une politique publique qui consiste à tenter de mettre fin à cette pratique pour nous aligner sur d'autres pays qui veulent prendre cette mesure ou qui l'ont déjà prise, ou cherchons-nous vraiment à mettre la main sur ce que j'appellerais de l'argent de sources douteuses? Ces jours-ci, nous déployons beaucoup d'efforts pour retracer des fonds, qui sont transférés à des régimes malveillants et ainsi de suite. Les sociétés à numéro représentent un des moyens utilisés pour transférer de l'argent ailleurs de façon inappropriée. Ou s'agit-il plutôt de déductions légitimes qui sont visées parce que nous voulons nous aligner sur d'autres pays qui mettent fin à cette possibilité?

M. McGowan : J'aimerais aborder deux points distincts.

D'abord, nous parlons de déductions ou de paiements légitimes par rapport à des déductions ou des paiements qui ne le sont pas. Je ne veux pas laisser entendre qu'ils sont illégitimes dans le sens où il est question d'évasion fiscale. On parle de planification fiscale internationale; les multinationales concernées ne pratiquent pas l'évasion fiscale; c'est une planification fiscale et une stratégie de réduction de l'impôt. Je le répète : nous ne parlons pas d'évasion fiscale, mais tout simplement de planification fiscale.

Pour ce qui est des mesures prises par d'autres pays, l'OECD et d'autres organisations ont récemment participé à un exercice de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices. L'exercice s'est déroulé pendant au moins quelques années et a mené à la production d'un certain nombre de documents de travail et de résultats. Il a permis de lutter contre ce qui était considéré comme inapproprié — les gens le font parce que c'est possible. Les systèmes fiscaux internationaux ne fonctionnent pas convenablement s'ils autorisent certains types de planification fiscale.

Le projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices a été entrepris par un certain nombre de pays. L'un des éléments du projet était ce qu'on appelle le chalandage fiscal, qui est très similaire en principe. Les règles se chevauchent lorsqu'on interpose une société ou une entité plus favorable entre deux entités pour obtenir de meilleurs résultats fiscaux en vertu d'une convention.

Le projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices était le fruit l'OCDE, et c'est une initiative que la communauté internationale examine soigneusement.

La sénatrice Raine : Quels genres d'entreprises servent d'intermédiaires? Par exemple, a-t-on parfois recours à des institutions financières ou à des sociétés de portefeuille?

M. McGowan : Il existe différentes catégories d'intermédiaires, selon les règles à éviter ou à contourner. Un intermédiaire pourrait être — je veux éviter le jargon — comme une caisse ou une société de portefeuille qui mène peu d'activités commerciales et qui est établie dans un pays à faible taux d'imposition.

Il peut s'agir d'une institution financière indépendante qui accepte de faire un prêt. Pour revenir à mon exemple précédent, une entreprise des îles Caïmans s'interposerait de manière indépendante entre une institution financière et une entreprise canadienne, et les modalités du prêt entre l'institution financière et l'entreprise canadienne seraient liées au financement venant de l'entreprise des îles Caïmans. Par exemple, si l'entreprise canadienne ne rembourse pas le prêt, on peut essentiellement le reporter ou déposer un recours contre l'entreprise des îles Caïmans pour se faire rembourser. L'intermédiaire financier, lorsqu'il n'a pas de lien de dépendance, prend des dispositions pour éviter d'assumer tous les risques économiques liés au prêt; il agit donc vraiment à titre d'intermédiaire.

La sénatrice Raine : Merci.

M. McGowan : La mesure suivante porte sur l'évaluation des produits dérivés, ce qui ne comprend pas les produits dérivés détenus dans un inventaire par une entreprise autre qu'une banque. Des règles différentes s'appliquent aux banques. Donc, selon cette mesure, les instruments financiers dérivés se trouvant dans un inventaire ne seront pas assujettis aux règles d'évaluation à la moindre valeur, qui figurent dans la loi. Selon ces règles, la valeur des biens d'inventaire peut correspondre à ce qui est le moins élevé entre la juste valeur marchande et le coût.

Ces règles sont très logiques si, par exemple, vous êtes concessionnaire et que les voitures dans votre inventaire perdent de la valeur chaque année. Vous voulez alors comptabiliser la perte de valeur.

En tant que produits financiers, les produits dérivés tombent dans une autre catégorie de biens. Leur valeur ne diminue pas nécessairement de la même façon que la valeur d'un bien tangible ou d'une propriété physique. Ils favorisent également la planification et l'évasion fiscales, et on a donc jugé inapproprié le recours aux règles relatives à la valeur marchande, et cette mesure met fin à cette pratique. Ce sera dorénavant les règles plus générales relatives aux biens d'inventaire qui s'appliqueront.

Une fois de plus, nous n'avons pas le coût précis de cette mesure dans le budget.

La sénatrice Marshall : Vous n'en avez pas évalué le coût. C'est avantageux pour le Trésor, n'est-ce pas, car on se servira du gain obtenu au moment de la vente plutôt que du gain ou de la perte comptabilisés?

M. McGowan : On préviendrait ainsi le recours à l'évaluation à la moindre valeur, qui permet de réaliser des déductions comptables, qui sont obtenues à mesure que des pertes sont enregistrées, mais les gains ne seraient imposables qu'après avoir été réalisés, ce qui signifie qu'il pourrait y avoir un avantage fiscal. Dans ce cas-ci, la mesure donne suite à une cause entendue par les tribunaux. Nous avons cru comprendre que ce genre de planification n'était pas répandue; ce n'était donc pas une porte de sortie.

La sénatrice Marshall : Pourquoi n'a-t-on pas entièrement évalué le coût des modifications? Nous sommes tout juste en train de finir notre étude du projet de loi C-2 sur les taux d'imposition. Le gouvernement a évalué le coût de certains aspects des modifications du taux d'imposition, mais pas le coût de l'ensemble des modifications, et nous sommes dans une situation similaire. Pourquoi n'évalue-t-on pas entièrement le coût des modifications?

M. McGowan : Dans ce cas-ci, la modification prévient l'érosion de l'assiette fiscale. On a maintenant les revenus de référence, et on évite ainsi que les gens aient recours à ce genre de planification fiscale dans le but de payer moins d'impôts. Ce n'est pas nécessairement comme le changement d'un taux ou quelque chose du genre, dont on peut évaluer le coût plus facilement parce qu'on sait ce que les gens gagnent ou non. L'idée est surtout d'empêcher les gens d'emprunter certaines avenues.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement semble aimer les objectifs axés sur des résultats, et on pourrait donc s'attendre à ce qu'il évalue à l'avance le coût des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu pour pouvoir déterminer dans deux ou trois ans s'il a obtenu les résultats escomptés.

Des représentants du ministère des Finances ont dit au comité qu'il ne faudrait pas attendre un an, mais quelques années, ce qui m'a plutôt étonnée.

M. McGowan : C'est exact. Mes collègues économistes peuvent parler de manière plus approfondie des méthodes d'établissement des coûts, mais dans des situations où une décision des tribunaux peut donner lieu à un certain type de planification fiscale, toute évaluation des coûts ne serait fondée que sur des suppositions liées à ce que les contribuables pourraient faire pour se soustraire aux règles, ce qui n'est pas aussi concret.

La sénatrice Marshall : Il me semble que vous devez avoir besoin de ces chiffres pour calculer le déficit ou le surplus projeté. Nous avons été confrontés à un problème similaire dans l'étude du projet de loi C-2, et la situation semble se répéter.

Pierre Leblanc, directeur, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Tout d'abord, je dirais que l'établissement des coûts du projet de loi C-2 était très exhaustif; il n'y manquait donc rien.

Ensuite, je dirais que pour certaines mesures comme celle-là, on peut augmenter ou diminuer le niveau de revenu du gouvernement. Je crois que l'objectif consiste seulement à maintenir l'assiette fiscale et à en prévenir l'érosion. Sans ces mesures, on verrait probablement une réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés dans ce cas-ci, parce que les entreprises profiteraient des possibilités de gestion fiscale pour réduire leur montant d'impôt payable au Canada.

La prévision des revenus vise à reporter l'équilibre budgétaire, pour rester au même niveau.

La sénatrice Raine : Est-ce que ces mesures toucheront les entreprises canadiennes qui ont recours à la couverture de change pour atténuer les fluctuations de la devise canadienne par rapport à la devise de leurs marchés d'exportation?

M. McGowan : Non, cette mesure ne devrait pas les toucher. Elle a trait aux produits dérivés qui figurent à l'inventaire, donc au compte commercial à but lucratif. En règle générale, dans le cadre des opérations de couverture de change, le caractère fiscal d'un produit dérivé conservé à titre de protection pour les devises étrangères, par exemple, serait jumelé au caractère de ce qui est visé par la protection. Donc, si vous protégez des immobilisations, ce serait de nature immobilière.

Cela ne s'appliquerait qu'aux produits dérivés figurant à l'inventaire.

La sénatrice Raine : Si vous achetez un contrat à terme pour une certaine période, est-ce qu'il y a une limite de temps? Si vous dépassez cette limite, est-ce qu'on considère cela à titre d'immobilisations?

M. McGowan : Non, la loi ne contient pas de critère de démarcation nette entre les immobilisations et l'inventaire. Les États-Unis ont un ensemble de règles similaires pour les actions, je crois, mais il n'y a pas de ligne claire voulant qu'avant un an, il s'agisse d'immobilisations et qu'après un an, il s'agisse d'un inventaire. On considère qu'il s'agit d'un inventaire si l'achat et la vente des biens font partie des activités d'une entreprise.

La prochaine mesure a trait à la vente des billets liés. Ce sont des titres de créance souvent émis par les institutions financières et selon lesquels le rendement est déterminé par la référence à un indice ou à un autre portefeuille ou propriété de référence, au lieu d'être de 2 p. 100 par année si vous achetez un certificat de placement garanti. Le montant que vous recevez à l'échéance de la dette est déterminé en fonction par exemple du TSX, du NASDAQ ou du rendement du portefeuille d'obligations, ou quelque chose comme cela.

Dans ce cas, le rendement positif à l'échéance serait entièrement imposable comme un revenu ordinaire. Si vous achetez des obligations de cinq ans pour 1 000 $ et qu'ils valent 1 600 $ à l'échéance, alors vos revenus sont de 600 $. Ainsi, si vous vendez les obligations avant l'échéance — disons une semaine avant la date d'échéance —, le rendement positif de 600 $ aurait le même caractère que si vous les aviez conservées jusqu'à la date d'échéance, et serait donc un revenu ordinaire entièrement imposable. Cela assure l'uniformité des résultats économiques.

Pour les premières années, les coûts variaient en raison de contraintes de temps, mais à partir de 2019-2020, ils se stabilisent à 45 millions de dollars par année.

Le sénateur Mitchell : Est-ce qu'il y a une limite entre le moment où elles arrivent à échéance et le moment où elles deviennent un revenu? Les gens échangent les obligations et font des gains en capital. Ce ne sera plus le cas maintenant?

M. McGowan : Non, il n'y a aucune limite de temps. Si vous achetez et vendez des obligations et que vous réclamez vos gains en capitaux, ce sont probablement des obligations habituelles comprenant des coupons ou des rendements prévisibles.

Les règles de la Loi de l'impôt sur le revenu traitent de cette question, des intérêts accumulés sur une vente, et du gain en capital. Ces éléments ne sont donc pas touchés.

C'est seulement pour les billets liés, lorsque le rendement s'accumulerait en raison des règles de la loi. Or, puisque le rendement à l'échéance est indéterminé — vous ne savez pas combien vous aurez —, vous ne pouvez pas avoir une accumulation sur le revenu chaque année. Voilà donc un cas où les règles actuelles ne fonctionnent pas parfaitement.

Le sénateur Mitchell : Mais vous pouvez toujours négocier les obligations et obtenir des gains en capital?

M. McGowan : Oui.

Le président : Continuez, monsieur McGowan.

M. McGowan : Ensuite, il y a les règles sur l'échange des droits d'émission et le traitement fiscal permettant aux contribuables d'obtenir des droits d'émission pour répondre à une obligation du gouvernement.

Les intervenants ont fait état de deux problèmes avec les règles fiscales actuelles sur l'échange des droits d'émission. Tout d'abord, il n'y a aucune règle précise dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite de l'achat et de la vente de ces droits d'émission. Comme il faut plutôt se fier aux principes généraux, les contribuables ne savaient pas dans quelle mesure l'achat et la vente de ces obligations d'émissions étaient imposables. Il y avait diverses théories sur leur fonctionnement en vertu du système actuel; on se demandait s'il s'agissait d'immobilisations admissibles ou d'inventaire. Ces règles viseraient à préciser que ces obligations sont considérées à titre d'inventaire aux fins de l'impôt, ce qui serait plus clair pour les contribuables.

De plus, il y avait une possibilité de double imposition lorsqu'un contribuable recevait des droits d'émission gratuits de la part du gouvernement, qui étaient ensuite imposés à titre d'aide gouvernementale puis imposés de nouveau lorsqu'ils étaient utilisés pour répondre à une obligation d'émissions. Ces règles permettraient d'éviter la double imposition.

Le président : Pourriez-vous nous donner un exemple simple de droits d'émission?

M. McGowan : Les droits d'émission de carbone sont un exemple classique, je crois.

Le président : C'est donc le carbone.

Le sénateur Pratte : Ces mesures seront mises en œuvre lorsque la loi sera adoptée, mais les systèmes de plafonnement et d'échange sont en vigueur depuis quelques années dans certaines provinces. Comment a-t-on imposé les droits d'émission aux entreprises qui participent à ce système jusqu'à maintenant?

M. McGowan : Merci. C'est une excellente question. C'était le prochain sujet que je voulais aborder.

Les règles s'appliqueraient à partir de 2017, mais elles pourraient être appliquées de façon rétroactive à partir de 2012, parce qu'on nous a dit que bon nombre de contribuables pourraient en profiter et souhaiteraient revenir quelques années en arrière. Ils pourraient donc choisir de les appliquer de façon rétroactive à partir de 2012.

Avant cela, comme je l'ai dit, les règles générales de la Loi de l'impôt sur le revenu s'appliqueraient. Donc les règles qui étaient en place dans les années 1980 ou 1990 pour ces types d'opérations s'appliqueraient, mais comme je l'ai dit, bon nombre des contribuables les jugeaient problématiques parce qu'elles n'étaient pas claires. Celles-ci visent à offrir une certitude aux investisseurs et à corriger le problème.

Le sénateur Pratte : Est-ce que, selon les anciennes règles, ces droits étaient principalement considérés à titre d'inventaire?

M. McGowan : Selon ce que je comprends, de nombreux contribuables ont adopté cette position, mais on ne sait pas si c'était une règle universelle. Ce n'était pas clair.

La sénatrice Andreychuk : En vertu du système actuel, les droits sont visés par les règles générales, alors ils n'étaient pas certains.

Vous dites également que le nouveau système comprend des mesures incitatives. Est-ce que vous dites que les contribuables jugeaient les règles injustes ou simplement ambiguës? Est-ce que ces nouvelles dispositions présentent des avantages sur le plan fiscal? En d'autres termes, est-ce un incitatif à l'échange ou est-ce simplement une difficulté comptable?

M. McGowan : Elles visent à rectifier l'absence de règles précises. La Loi de l'impôt sur le revenu ne contient aucune règle précise, et selon ce que je comprends, il n'y a aucune règle comptable précise à cet égard non plus. Les règles se veulent neutres et prévoient un traitement juste et raisonnable des droits d'émission.

Cela étant dit, je ne sais pas si ce serait un avantage. Mais, comme je l'ai dit plus tôt, il y avait une possibilité de double imposition des droits d'émission gratuits. Ce problème sera réglé de sorte que les contribuables ne soient imposés qu'une seule fois dans ces cas-là.

On règle donc un réel problème de double imposition. Si vous considérez cela à titre d'avantage, alors oui, il y a un avantage.

Le président : Passons au prochain point, monsieur McGowan.

M. McGowan : Le prochain ensemble de règles a trait à l'utilisation des techniques de remisage des dettes pour éviter les gains de change. Si vous avez une dette en monnaie étrangère, vous pouvez connaître des gains ou des pertes lorsque vous devez utiliser une devise étrangère pour la rembourser. Cela peut donner lieu à un gain imposable dans certaines circonstances. Avant, on avait recours à une technique de planification fiscale pour éviter de subir les conséquences fiscales au moment de rembourser un prêt, que l'on appelait les règles des remises de dettes. Ces techniques ont été remplacées et la loi contient des règles pour vous empêcher de faire cela. Elles étaient utilisées pour éviter les gains de change associés au règlement d'une dette en monnaie étrangère.

Cela comprend ce qu'on appelle le remisage de la dette. Plutôt que de rembourser la dette, ce qui pourrait donner lieu à un gain, une société de capitaux ou un groupe d'entreprises pourrait demander à une autre entreprise du groupe de l'acquérir de sorte qu'elle ne soit pas remboursée. Il n'y aurait donc pas de gain de change. Puis, comme cette dette appartient à deux membres d'un même groupe, elle deviendrait ce qu'on appelle une dette remisée. Les conséquences des gains de change pourraient donc être reportées ou évitées indéfiniment parce qu'il ne s'agirait que d'une créance entre deux affiliés qui pourrait rester active presque indéfiniment.

De façon similaire aux règles des remises des dettes, ces règles s'appliquent lorsqu'une dette devient une dette remisée, ce qui donne lieu à un gain de change accumulé à l'égard d'une dette en monnaie étrangère.

La sénatrice Marshall : Comment définissez-vous une dette remisée? Quels critères doivent être réunis et qui décide qu'il s'agit d'une dette remisée? Vous tentez de faire la distinction entre les dettes remisées et les dettes légitimes, n'est- ce pas?

M. McGowan : C'est exact. Les amendements du projet de loi contiennent un ensemble de critères objectifs pour déterminer le moment où une dette devient une dette remisée. Comme je l'ai dit, en termes généraux, c'est lorsqu'une partie ayant un lien de dépendance avec le groupe de sociétés acquiert la dette. On pourrait aussi l'appliquer au changement de statut du débiteur faisant en sorte que ce soit vous et non l'affilié qui achète le prêteur.

On prévoit toutefois une exception commerciale très importante afin que ces règles ne s'appliquent pas aux opérations commerciales légitimes. Si elles visent des objectifs opérationnels légitimes, alors les règles ne s'appliquent pas. Cela peut arriver dans le cadre des fusions et de la planification des acquisitions si vous achetez un de vos clients ou un débiteur pour des raisons d'affaires.

Il y a donc une exception à ces règles à des fins commerciales, de sorte qu'elles ne s'appliquent qu'en cas d'opérations de remisage de dettes visant à éviter les gains de change.

La sénatrice Marshall : Qui décide s'il s'agit d'une dette remisée? Est-ce le ministère des Finances ou l'Agence du revenu du Canada?

M. McGowan : L'Agence du revenu du Canada est responsable d'appliquer les règles.

Le critère pour déterminer s'il s'agit d'une dette remisée est assez objectif et le critère de l'objet commercial est plutôt subjectif. L'ARC en est responsable.

La sénatrice Marshall : Qu'arrive-t-il s'il y a une perte de change au cours de la première année plutôt qu'un gain? Le gain est imposable, mais est-ce que la perte est déductible d'impôt?

M. McGowan : Lorsqu'il y a une perte déductible d'impôt, on ne procède pas à ces opérations de remisage. On ne fait que la déduire.

La sénatrice Marshall : Le gain complet est imposable au cours de la première année, c'est cela? Il n'est pas amorti. Donc, s'il y a une perte la première année, le montant total de la perte est déductible d'impôt la première année?

M. McGowan : Selon ces règles, le gain est imposable lorsque la créance devient une dette remisée. Que ce soit au cours de la première ou de la dixième année, ces règles ne s'appliquent qu'à une dette remisée, donc lorsqu'un membre de votre groupe acquiert la dette, par exemple.

La sénatrice Marshall : Qu'arrive-t-il en cas de perte la première année? Il n'y aura peut-être pas de gain. C'est peut- être une perte complète. On peut aussi faire un gain la première année, qui est imposable, puis subir des pertes l'année suivante. Sont-elles déductibles d'impôt? Est-ce que les gains sont imposables alors que les pertes ne sont pas déductibles?

M. McGowan : Non. Selon le principe de la réalisation, le gain ou la perte est réalisé lorsque la dette est remboursée.

La sénatrice Marshall : Lorsque la dette est remboursée; pas immédiatement comme dans le cas d'un gain?

M. McGowan : Si j'ai une dette en monnaie étrangère associée à un terme de cinq ans et qu'il s'agit d'immobilisations habituelles — c'est-à-dire que ce n'est pas un inventaire ni une propriété de marché à marché ou autre chose du genre —, alors ce gain serait réalisé à la date d'échéance, après cinq ans, et non au cours de la première année. Le gain serait probablement réalisé au moment de rembourser la dette ou selon ces règles si elle devenait une dette remisée.

La sénatrice Marshall : Quel est l'avantage pour le Trésor?

M. McGowan : Nous n'avons pas d'estimation précise à cet égard non plus.

La sénatrice Marshall : Quelle est l'estimation des avantages du projet de loi pour le Trésor?

M. McGowan : Je ne crois pas que nous ayons une telle estimation.

M. Leblanc : Toutes les mesures budgétaires sont associées à des estimations. Comme l'a expliqué Trevor, certaines sont associées à une estimation précise. Comment avons-nous appelé l'annexe cette année? Avant, elle se trouvait à la fin du budget et s'appelait « Renseignements supplémentaires ». Il y a un livret distinct intitulé « Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires », et le premier tableau de ce livret présente notre estimation des revenus associés à chaque mesure.

La sénatrice Marshall : Je peux le trouver dans l'annexe du document budgétaire portant sur la croissance de la classe moyenne, n'est-ce pas?

M. Leblanc : Oui, il se trouve là.

La sénatrice Raine : Je veux seulement mettre les choses au clair. Il s'agit uniquement des dettes en monnaie étrangère et non en monnaie canadienne?

M. McGowan : Oui, les dettes en monnaie étrangère.

La sénatrice Raine : Ce ne sont pas des dettes en dollars canadiens remisées dans un autre système. Ce sont des dettes contractées en devises étrangères?

M. McGowan : En vertu des règles générales de la Loi de l'impôt sur le revenu, les impôts sont comptabilisés en dollars canadiens.

La sénatrice Raine : Oui, j'en suis consciente.

M. McGowan : Ma seule hésitation est liée au fait que certains contribuables peuvent avoir recours à ce qu'on appelle le régime de déclaration dans une monnaie fonctionnelle, de sorte qu'ils peuvent calculer leurs résultats fiscaux dans une monnaie étrangère. La règle générale prévoit que les résultats fiscaux doivent être exprimés en dollars canadiens. Cela s'appliquerait seulement aux personnes qui ont une dette libellée en monnaie étrangère.

La sénatrice Raine : Merci. C'est ce que je pensais.

Le président : Poursuivez, monsieur McGowan.

M. McGowan : La prochaine mesure vise à mettre un terme à deux résultats fiscaux inappropriés liés aux polices d'assurance-vie. Cela se produit dans deux situations et empêche la perception de bénéfices non répartis d'une société en franchise d'impôt par le recours à certains mécanismes de planification d'assurance-vie.

La première est liée au transfert d'un intérêt dans une police d'assurance-vie à une société ayant un lien de dépendance. Il ne s'agit donc pas d'une vente à une personne ayant un lien de dépendance, un processus régi par un ensemble de règles qui lui est propre et dont le produit est considéré comme un revenu. On parle du transfert d'une police d'assurance-vie à une société connexe.

Les règles à cet égard ne s'appliquaient pas adéquatement. Il était donc possible de dépasser le plafond prévu en vertu des règles. Essentiellement, cela permettait de retirer l'excédent du solde d'une société en franchise d'impôt.

La deuxième série de règles s'applique encore une fois à la déduction libre d'impôt des dividendes en capital d'une société. Lorsqu'une société est titulaire de la police et que le produit d'une police d'assurance-vie est reçu, la portion de la prestation qui dépasse ce qu'on appelle le coût de base rajusté, les dividendes en capital peuvent être versés aux actionnaires, libres d'impôt. Donc, dans les faits, le résultat est libre d'impôt, mais pour calculer le montant qui est ajouté au solde du compte de dividendes, on prend le montant de la prestation, moins le coût de base rajusté. Cela ne pose pas problème lorsque c'est le titulaire de la police d'assurance-vie qui reçoit la prestation, parce qu'il est alors assujetti à la règle du prix de base rajusté. On parle de planification lorsqu'on établit une distinction entre le titulaire d'une police d'assurance et la société qui reçoit la prestation, de façon à ce que le plafond de l'indemnité d'assurance ne s'applique pas. Donc, au lieu d'avoir 100 $ de dividendes moins des coûts de 20 $, on a un ajout de 80 $ au solde du compte de dividende en capital, un montant qui est payé libre d'impôt. Il semble avoir pris l'habitude d'accorder 100 $ à la société qui recevait la prestation. Le prix de base n'était pas inclus parce que le titulaire de police figurait d'ailleurs; par conséquent, on ajoutait le plein montant de 100 $, qui pourrait être payé libre d'impôt. La mesure vise un calcul adéquat et la prise en compte du prix de base rajusté du titulaire de police au moment de la répartition des dividendes en capital.

Je suis désolé si cela peut avoir semblé plutôt technique, mais ce sont des modifications d'ordre technique qui visent à corriger des lacunes de la loi existante concernant l'assurance-vie.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce un problème majeur? Autrement dit, combien de sociétés procédaient ainsi avant que cela n'attire l'attention de l'ARC?

Cela inclut-il aussi les fondations? Je ne suis pas certaine de la définition.

M. McGowan : Selon le budget, on évalue les conséquences à environ 35 millions de dollars par année.

Lorsque vous parlez de « fondations », parlez-vous de fondations caritatives?

La sénatrice Andreychuk : Oui; je parle des fiducies, des fondations établies par des entreprises pour leurs activités de bienfaisance. Sont-elles incluses, ou sont-elles incluses dans la définition de « fondations et organismes de bienfaisance »?

M. McGowan : Non, cela ne s'appliquait pas aux fiducies. Les règles s'appliquent uniquement aux sociétés et aux partenariats.

La sénatrice Andreychuk : Merci.

Le président : Passons au prochain point.

M. McGowan : Le prochain point porte sur une autre mesure technique liée au dépouillement de surplus transfrontaliers. L'emploi du terme « transfrontalier » dans le titre renvoie à l'aspect international; on a donc un montant payé d'une société résidant au Canada à une société non résidente.

La notion de « dépouillement de surplus » renvoie à la disposition des bénéfices non répartis d'une société, libres d'impôt. Habituellement, les bénéfices non répartis devraient être payés sous forme de dividendes, en ce sens qu'ils ne peuvent être payés à titre de remboursement de capital. Habituellement, dans les situations où les bénéfices non répartis sont payés sous forme de dividendes, les montants qui seraient assujettis à une retenue d'impôt au taux de 25 p. 100, sont généralement assujettis à une retenue réduite à 5 p. 100 ou 15 p. 100, selon nos conventions fiscales.

La loi actuelle comporte une série de règles fiscales conçues précisément pour empêcher les sociétés de transférer à une société apparentée non résidente un montant exempt d'impôt qui pourrait autrement être payé à titre de dividende imposable. Ce sont les règles visant à contrer le dépouillement des surplus. Elle vise à empêcher la transformation d'un dividende en gain libre d'impôt payé à une société apparentée.

Il y a une importante exception à ces règles. Elle s'applique lorsqu'une société canadienne acquiert une société étrangère ayant une filiale canadienne et souhaite simplement réorganiser le groupe de façon à intégrer la filiale canadienne à la société canadienne. On souhaitait ainsi modifier ce qu'on appelle une structure intercalaire, étant donné qu'on se retrouve avec une société non-résidente intercalée entre deux sociétés canadiennes. Cette exception s'applique uniquement à la situation que j'ai décrite, soit celle d'une multinationale canadienne ayant des filiales à l'étranger.

On a observé des cas de planification fiscale où des multinationales étrangères ayant des filiales canadiennes procédaient à une restructuration pour tirer parti de cette exception aux règles anti-évitement visant le dépouillement de surplus transfrontaliers. Ces modifications viseraient l'application prévue des exceptions actuelles, c'est-à-dire aux cas mettant en cause une société mère canadienne.

Il s'agit d'un autre point pour lequel nous n'avons pas fourni une estimation des coûts, mais la modification vise à empêcher l'érosion de l'assiette fiscale.

Le président : Nous passons au prochain point.

M. McGowan : Le prochain point porte sur une modification importante et nous donne heureusement un peu de répit par rapport aux modifications fiscales d'ordre technique.

L'Allocation canadienne pour enfants serait indexée à l'inflation à compter de l'année de prestations 2020-2021, soit en juillet 2020. Au moment de son instauration, dans le projet de loi C-15, aucune disposition d'indexation n'était prévue. Cette mesure vise à ajouter l'indexation à l'inflation, de façon pour que l'Allocation canadienne pour enfants demeure avantageuse après l'entrée en vigueur des règles d'indexation.

La sénatrice Marshall : Pourquoi le gouvernement attend-il aussi longtemps?

M. Leblanc : L'Allocation canadienne pour enfants représente une augmentation considérable des prestations pour enfants offertes aux familles canadiennes. Le gouvernement a décidé de mettre en œuvre la totalité des changements malgré l'incertitude économique et les pressions fiscales actuelles. À cela s'ajoutent des considérations liées aux coûts; Trevor vient d'expliquer qu'on a choisi de mettre en œuvre l'indexation à compter de l'année de prestations 2020-2021.

La sénatrice Marshall : Cela sera-t-il rétroactif à juillet dernier, ou cela s'appliquera-t-il seulement aux prestations annuelles à compter de cette date? Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Leblanc : Cela s'appliquera aux prestations annuelles à compter de cette date. L'indexation sera identique à celle des autres mesures du régime fiscal de 2020; elle s'appliquera donc au montant des crédits de base et aux seuils.

La sénatrice Marshall : Avez-vous une estimation à cet égard?

M. Leblanc : Oui. Sénatrice, j'y ai indiqué plus tôt que c'est la seule mesure pour laquelle nous n'avons pas fourni l'estimation, car la décision n'avait pas été prise, mais cela a été publié dans l'énoncé économique de l'automne. Le montant sera de 505 millions de dollars pour l'exercice 2020-2021 et de 1,2 milliard de dollars pour 2021-2022.

Le sénateur Pratte : C'est fondé sur l'IPC, n'est-ce pas?

M. Leblanc : Il s'agit de l'indexation du régime fiscal. Donc, comme je l'ai indiqué, cela touche les tranches d'imposition, les montants des crédits et les prestations fondées sur le revenu offertes dans le cadre du régime fiscal. Tout cela est fondé sur l'IPC.

Le sénateur Pratte : Quelle est l'estimation pour l'IPC en 2012?

M. Leblanc : C'est 2 p. 100.

Le président : Monsieur Leblanc, à titre d'information, j'aimerais savoir quelle est la différence de coût entre le nouveau programme de prestations pour enfants et le programme du gouvernement précédent.

M. Leblanc : Si vous parlez seulement de la différence concernant les prestations pour enfants, soit le remplacement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, du Supplément de la Prestation nationale pour enfants et de la Prestation universelle pour la garde d'enfants par l'Allocation canadienne pour enfants, on parle d'environ 3,5 milliards de dollars pour l'année de prestations 2016-2017.

Le président : Plus que l'exercice précédent?

M. Leblanc : Plus que ce régime. Ensuite, pour 2017-2018, soit essentiellement depuis son lancement en juillet, cela représente trois quarts du montant pour l'exercice 2016-2017. Pour l'exercice 2017-2018, ce serait un peu plus de 4 milliards de dollars.

Le président : Si j'ai bien compris, l'ancien programme coûtait 20 milliards de dollars ou 18 milliards?

M. Leblanc : Je vais vous donner un montant pour l'ensemble de l'année de prestations afin d'avoir un portrait plus précis de la situation. Lorsqu'on prend en compte l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers payé sur le montant de la Prestation universelle pour la garde d'enfants, cela s'élèverait à un peu plus de 17 milliards de dollars.

Le président : D'accord; disons donc 17 comparativement à 21? Est-ce bien cela?

M. Leblanc : Oui.

La sénatrice Raine : Les coûts intérieurs comprennent-ils les crédits d'impôt pour la condition physique et les activités artistiques des enfants?

M. Leblanc : Non. Les différences de coût dont je viens de parler n'englobent pas l'élimination du fractionnement du revenu pour les familles avec enfants ni l'élimination progressive du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants et du crédit d'impôt pour les activités artistiques des enfants.

La sénatrice Raine : Avez-vous les chiffres à cet égard?

M. Leblanc : L'élimination du fractionnement du revenu pour les familles avec enfants représente environ 2 milliards de dollars par année. L'élimination du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants et du crédit d'impôt pour les activités artistiques des enfants se fait de façon progressive. À terme, cela pourrait représenter environ 250 millions de dollars par année.

La sénatrice Raine : Chacun?

M. Leblanc : Non; au total.

Le sénateur Mitchell : J'ai une question complémentaire à ce sujet. Précédemment, vous avez indiqué que la différence serait de 4 milliards de dollars. Cela signifie-t-il que cette différence sera réduite de 2,25 milliards de dollars?

M. Leblanc : C'est exact, si l'on inclut aussi ces autres mesures.

Le sénateur Mitchell : Donc, en fait, on parle d'une augmentation de seulement 1,75 milliard? Merci.

Le président : Lorsqu'on compare des pommes avec des pommes plutôt qu'avec des oranges, cela donne 17 comparativement à 21.

Le sénateur Mitchell : Je dirais que ce n'est pas le cas. À mon avis, c'est la deuxième option qui consiste à comparer des pommes avec des pommes. Donc, je dirais le contraire.

M. Leblanc : Je suis désolé. Ma soustraction rapide n'était pas bonne non plus. Pour l'année de prestations 2017- 2018, le montant se rapprochera davantage de 5 milliards. Notre estimation du coût de l'Allocation canadienne pour enfants est de 22 milliards, 875 millions de dollars. Selon nos estimations, l'élimination des deux suppléments représenterait une économie de 10,7 milliards de dollars pour l'exercice 2017-2018. Les économies après impôt de l'élimination de la Prestation universelle pour la garde d'enfants seraient d'environ 6,8 milliards de dollars.

Je m'excuse de cette erreur. Je tenais à la corriger.

Le président : Si vous compariez les montants nets pour l'ancien programme et le nouveau programme, pour que nous puissions tous comprendre la différence, quel serait le montant?

M. Leblanc : Je dirais environ 5,2 ou 5,3 milliards de dollars.

Le président : C'est la différence?

M. Leblanc : Oui, seulement pour ces programmes.

La sénatrice Raine : Vous devez inclure toutes les mesures.

M. Leblanc : J'explique simplement d'où viennent les différences.

Le président : Il y a donc une différence de 5 milliards de dollars entre l'ancien programme et le nouveau programme?

M. Leblanc : La différence est de 5 milliards de dollars si vous prenez seulement les prestations pour enfants, mais si vous ajoutez le fractionnement du revenu pour les familles avec enfants, cela réduirait la différence à près de 3 milliards, sans compter les crédits pour les activités artistiques et pour la condition physique des enfants.

Le président : La différence nette est 3 milliards de dollars?

M. Leblanc : Oui, pour l'exercice financier 2017-2018.

Le président : Il y a de nombreux programmes, et nous tentons de comprendre où l'argent est dépensé.

M. Leblanc : Ce sont de très bonnes questions.

M. McGowan : La mesure suivante concerne la multiplication des déductions accordées aux petites entreprises et l'évitement du plafond du capital imposable pour les déductions accordées aux petites entreprises. On accorde actuellement une déduction qui s'élève jusqu'à 500 000 $ aux petites entreprises. On mesure une petite entreprise selon le capital imposable. Le capital imposable d'une entreprise est réduit progressivement lorsqu'il dépasse 10 millions de dollars et est complètement éliminé lorsqu'il excède 15 millions de dollars. Ce plafond de 500 000 $ visant les petites entreprises s'applique lorsqu'une entreprise est exploitée par une société de personnes. Un plafond de 500 000 $ s'applique lorsqu'une société de personnes exploite l'entreprise. Ce plafond est réparti parmi les associés. Ensuite, un plafond de 500 000 $ doit être réparti parmi les sociétés associées. Cette mesure vise la planification fiscale qui permet de multiplier l'accès aux déductions accordées aux petites entreprises.

J'ai mentionné les sociétés de personnes. Un plafond des affaires de petite entreprise ou un plafond de revenu de société de personnes déterminé ou de société exercée par l'entremise d'une société de personnes de 500 000 $ doit être réparti entre les partenaires. La planification fiscale visée par ces amendements concerne les associés de la société de personnes qui créent des entreprises distinctes qui ne sont pas des associées, mais qui fournissent des services à l'entreprise. Habituellement, l'entreprise fournit des services aux associés de la société de personnes, et chaque entreprise réclamerait sa propre limite de 500 000 $.

Donc, dans une société de personnes composée de 10 associés égaux, chacun aurait droit jusqu'à 50 000 $ en déduction accordée aux petites entreprises, car une déduction de 500 000 $ est répartie entre les 10 associés qui forment la société de personnes. Chaque associé se retrouve donc avec un plafond de 50 000 $.

Par l'entremise de ce plan, on tentait de faire en sorte que chaque associé qui établit l'une de ces entreprises fournisseuses de service ait droit à sa propre limite de 500 000 $ grâce à cette entreprise qui fournit des services. Dans l'exemple que j'ai donné, une société de personnes avait un plafond de 500 000 $, mais maintenant, chacun des 10 associés a sa propre limite de 500 000 $, ce qui fait donc 5 millions ou 5,5 millions de dollars. Cette mesure empêche la multiplication des actifs du plafond des déductions accordées aux petites entreprises, ce qui permet d'harmoniser les règles à la politique en vigueur, afin que le plafond de la déduction accordée aux petites entreprises soit réparti entre tous les associés.

La deuxième partie concerne l'évitement du plafond de capital imposable. Les avantages engendrés par la déduction accordée aux petites entreprises commencent à diminuer lorsque le capital imposable dépasse 10 millions de dollars, et disparaissent complètement lorsque ce capital atteint 15 millions de dollars. On a donc commencé à utiliser une planification fiscale qui permet de profiter d'un choix qui, dans certaines circonstances, permet de déterminer le plafond. Les sociétés qui ne sont pas considérées comme des associées pourraient, par l'entremise de ce choix, avoir chacune leur propre plafond de capital imposable. Habituellement, elles devraient se répartir un plafond, mais cette technique peut multiplier les plafonds, afin que de plus grandes entreprises aient un accès complet. Encore une fois, on juge qu'il s'agit d'une utilisation inappropriée de ce choix hautement technique.

On a calculé que la mesure de multiplication des déductions coûtait 60 millions de dollars par année et que l'évitement du plafond du capital imposable coûtait 10 millions de dollars par année.

Le président : Manifestement, c'est probablement pour que les médias comprennent bien votre point de vue sur les répercussions que ces nouveaux changements visant les petites entreprises auront sur les médecins praticiens, qui ont été mentionnés dans l'exemple.

La sénatrice Andreychuk : De nombreux groupes de professionnels ont utilisé ce mécanisme. Nous ne parlons pas de grandes entreprises. Nous parlons d'un regroupement d'avocats, et cetera. Cette mesure existait.

Si la mesure est adoptée comme vous l'avez décrite, ils transféreront ces taxes ailleurs. Ils devront le faire, car cela réduira leurs profits. Un grand nombre de ces structures n'étaient pas avantageuses sur le plan fiscal, surtout dans le domaine médical. Ces structures ont été arrangées en fonction de l'efficacité. Cela s'est répandu. J'ai toujours évolué dans un système dans lequel je consultais un médecin et le médecin était là, et des groupes de médecins partageaient un espace, mais les choses sont devenues beaucoup plus complexes, et il semble que vous les condamnez à rester dans ce système.

Au bout du compte, selon tous les courriels que je reçois, cela poussera les médecins à quitter le Canada, car ils ne peuvent pas transférer ces impôts. Ils doivent se limiter à ce qu'ils peuvent faire payer à leurs patients en raison de la façon dont le système médical est établi. Ce sera un élément dissuasif pour certains des médecins très productifs qui font partie de ces associations. Je ne suis pas certaine qu'ils pourront surmonter cet obstacle que nous ajoutons au système médical.

M. McGowan : Je vous remercie de vos commentaires. Comme vous l'avez correctement souligné, il s'agit d'une mesure d'application générale. Manifestement, nous avons entendu l'avis des médecins. Cela s'applique également aux avocats, aux comptables et à tous ceux qui peuvent utiliser ce type de planification fiscale.

Encore une fois, je vous remercie d'avoir apporté ces éclaircissements. Cette mesure ne cible pas les médecins. Elle ne s'applique pas seulement aux médecins. Elle vise à harmoniser les règles de la législation sur l'impôt avec la politique déjà en vigueur qui établit un plafond par entreprise.

En ce qui concerne certains des mémoires que nous avons reçus, l'un des commentaires visait à refiler les coûts aux consommateurs, qu'il s'agisse d'un consommateur de services juridiques, et cetera. Je ne sais pas si de nombreux avocats demanderaient des honoraires plus élevés s'ils le pouvaient. Il y a donc cette possibilité de négociation.

La sénatrice Andreychuk : Faites attention. Vous parlez à une avocate.

M. McGowan : Je suis également avocat. J'ai exercé cette profession pendant plusieurs années, et je sais donc que s'ils avaient pu me demander des honoraires un peu plus élevés, ils l'auraient fait.

C'est une disposition d'application générale, et elle veille à ce que la politique en vigueur concernant le plafond de 500 0000 $ pour les petites entreprises s'applique aux sociétés de personnes. Cette mesure veille à ce que la politique soit respectée, qu'il s'agisse de l'entreprise centrale ou d'une société de personnes.

La sénatrice Andreychuk : Je sais qu'on a mené quelques consultations, mais il me semble que ces consultations n'ont pas été prises en compte. Vous avez parlé « d'application générale ». Il me semble que cela mérite un autre examen.

M. McGowan : On a évidemment mené des consultations. Si vous examinez la version du projet de loi publiée dans le cadre du budget, on a apporté des modifications, particulièrement en vue de mieux gérer les situations dans lesquelles les paiements sont effectués au sein d'un groupe.

J'ai mentionné plus tôt que les membres d'un groupe d'associés se partagent un seul plafond de déduction accordée aux petites entreprises. On a donc précisé les règles pour qu'elles s'appliquent dans les situations dans lesquelles les préoccupations liées à la planification fiscale ou à l'érosion fiscale n'étaient pas aussi présentes. C'est donc un changement qui découle des consultations. Nous avons évidemment discuté avec plusieurs parties intéressées, y compris les membres de l'Association médicale canadienne, et cetera.

Vous avez mentionné différentes estimations du coût de la mesure, et je serais heureux de vous fournir quelques brefs détails supplémentaires si vous le souhaitez.

J'aimerais utiliser l'exemple présenté par l'Association médicale canadienne, car ses membres ont dit qu'il s'agissait d'un scénario réel et véridique, même si les calculs sont un peu plus difficiles que dans une version plus abstraite. Dans l'exemple de cet organisme, on parle d'une entreprise distincte qui fournit des services à une société de personnes qui gagne 500 000 $. Par l'entremise d'une combinaison de salaires et de dividendes, l'entreprise reçoit 286 000 $, ce qui laisse 214 000 $ à la société de personnes. Comme je l'ai dit, il convient de souligner que ce scénario est conforme à la politique actuelle. S'il s'agit d'une société de personnes, elle a toujours droit à une déduction accordée aux petites entreprises, et si elle est formée de 10 associés — dans cet exemple, il y avait 150 membres, et ils présument probablement que c'est la façon de procéder. S'il y avait 10 associés égaux, chacun d'entre eux aurait toujours droit à un plafond de 50 000 $. Il ne faut pas oublier que c'est important, car ils ont toujours droit à ce plafond, mais plus les associés sont nombreux, plus le plafond diminue pour chacun.

Ils peuvent donc laisser 214 000 $ dans la société de personnes pour que cette somme soit imposée. Cette somme, si elle est complètement couverte par la déduction accordée aux petites entreprises à l'échelon fédéral, sera imposée à un taux de 10,5 p. 100. Si la déduction accordée aux petites entreprises n'est pas offerte, ou dans la mesure où elle n'est pas accessible, cette somme sera imposée à un taux de 15 p. 100, une différence de 4,5 p. 100 à l'échelon fédéral. Manifestement, l'impôt provincial fait augmenter ces coûts. Je ne veux pas négliger les répercussions provinciales, mais à l'échelon fédéral, nous parlons d'un changement de 10,5 p. 100 à 15 p. 100.

Le président : Pouvons-nous avancer? Trois autres intervenants souhaitent parler, je crois, du même enjeu.

La sénatrice Marshall : J'aimerais vraiment parler de cet enjeu. Nous avons reçu de nombreux courriels à cet égard, et les médias ont publié de nombreux articles sur la question. Un article de David Dodge a d'ailleurs été publié ce matin. Comme c'est un ancien sous-ministre des Finances et un ancien gouverneur de la Banque du Canada, lorsqu'il parle des changements dans l'impôt, je crois qu'un grand nombre de personnes l'écoutent.

Cela ne touchera pas seulement les médecins, mais également les avocats et les architectes. Le gouvernement a lancé une stratégie d'innovation pour tenter d'attirer des personnes intelligentes au pays et les convaincre de rester, mais ces mesures auront des répercussions importantes sur les professionnels, car après l'entrée en vigueur du taux d'imposition de 33 p. 100, vous apportez maintenant ce changement.

Un grand nombre de nos médecins ont été formés dans d'autres pays, ce qui signifie qu'ils ont déjà vécu un déplacement international lorsqu'ils sont venus au Canada. Je crois donc que la plupart d'entre eux n'auront aucune difficulté à déménager à nouveau dans un autre pays.

Lorsque nous examinons la situation aux États-Unis et que le nouveau gouvernement parle de réduire les taux d'imposition, et lorsque nous songeons à apporter ces changements, tenons-nous seulement compte de la production de revenus? Quelles seront les répercussions de ces mesures? Quelles seront les répercussions sur notre système de soins de santé?

En ce moment, selon des rapports récents, nous ne sommes pas particulièrement fiers de notre système de soins de santé. Nous ne serons plus concurrentiels, et je crois réellement que nous nous engageons dans la mauvaise voie. Je dois avouer que je crains les répercussions de ces changements, mais également celles du taux d'imposition de 33 p. 100. Tous ces changements envoient un message à un certain groupe de personnes. Je crois qu'à un certain moment, des gens se diront que le Canada n'est pas l'endroit idéal pour eux.

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question. Examinez-vous les répercussions générales de cette mesure?

M. McGowan : Si vous êtes d'accord, avant de répondre à cette question, j'aimerais finir d'expliquer le fonctionnement des avantages fiscaux. Ensuite, nous pourrons avoir une discussion plus éclairée au sujet des répercussions.

Comme je le disais, dans la mesure où une société n'a pas accès à une déduction accordée aux petites entreprises et est imposée à un taux de 15 p. 100 à l'échelon fédéral, ce taux est manifestement moins élevé que le taux de 33 p. 100, mais c'est ce que nous appellerions un avantage reporté. Dans ce cas-ci, il s'agissait d'un montant de 214 000 $. Lorsque la société paie cette somme à titre de dividende ou de salaire, cette somme constitue un avantage imposable pour le bénéficiaire du paiement aux taux marginaux habituels.

Prenons le premier exemple fourni dans le mémoire de l'AMC. Lorsqu'un médecin crée l'une de ces entreprises et que cette dernière génère 500 000 $ en revenus, si cette somme est payée au médecin, en raison des règles d'intégration des entreprises prévues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, cette somme sera imposée au même taux que si le médecin avait directement reçu cet argent. Lorsque l'argent de l'entreprise est versé à une personne, cet argent est imposé à titre de revenu de cette personne. Il s'ensuit que l'avantage offert par ces déductions accordées aux petites entreprises est un avantage reporté. En effet, cette somme de 214 000 $ est imposée à un taux fédéral de 15 p. 100 — et je crois qu'en Ontario, ce taux serait de 27 p. 100 environ —, et cela laisse plus d'argent pour les investissements. Toutefois, lorsque l'argent est payé, l'avantage fiscal disparaît; il s'agit donc d'un report d'impôt.

Dans le mémoire de l'AMC, on parle de 32 000 $ en épargnes réinvesties chaque année. Il convient de ne pas oublier que l'avantage est réellement reporté lorsqu'on tient compte du niveau d'imposition des entreprises et des actionnaires. C'est donc de l'argent qui reste dans l'entreprise pour permettre de profiter de l'avantage reporté.

En ce qui concerne les éléments que nous examinons, comme vous le savez, nous avons chiffré les répercussions financières de la mesure sur le revenu, et ensuite, nous avons examiné les facteurs de compétitivité.

Évidemment, nous tentons également de déterminer la politique fiscale appropriée. Comme je l'ai dit, en ce moment, la politique fiscale appropriée, c'est que lorsqu'une entreprise est exploitée par une société de personnes, un seul plafond de déduction accordée aux petites entreprises est attribué.

Vous avez mentionné qu'on pourrait fournir un soutien supplémentaire à une industrie particulière. À mon avis, dans le cadre de la politique fiscale, il faut savoir s'il est plus efficace de fournir ce soutien en préservant une échappatoire qui se trouve dans le système fiscal ou s'il est préférable de l'offrir d'une manière plus directe.

Tous les médecins, avocats ou professionnels n'utilisent pas ce type de structure, et d'une certaine façon, si on conserve ces échappatoires qui profitent à certaines personnes dans certaines circonstances, ce sera au détriment d'autres personnes.

Manifestement, un employé dans un cabinet d'avocats ne serait pas en mesure de faire cela, car s'il crée une entreprise distincte qui fournit des services au cabinet d'avocats, cette entreprise serait considérée comme étant une entreprise de prestation de services personnels, comme un associé principal qui gagne environ 250 000 $. Cette personne ne serait pas en mesure de faire cela, car elle serait pleinement imposée aux taux d'imposition marginaux en vigueur.

Il s'ensuit que le respect de la politique fiscale en vigueur, selon le point de vue, peut également favoriser l'équité en veillant à ce que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde.

Le sénateur Pratte : J'aimerais faire valoir deux points connexes. Lorsque vous avez adopté ce type de politique, vous avez dit que des consultations avaient été menées. J'aimerais en savoir plus sur le processus que vous utilisez lorsque vous apportez ce type de changement et sur le type de consultations que vous menez.

Le cas des médecins praticiens semble être très spécifique pour au moins deux raisons. Les sociétés de personnes présentent des raisons particulières. Souvent, les gouvernements provinciaux ont encouragé la création de ces sociétés de personnes pour des raisons de santé publique.

L'autre point que j'aimerais faire valoir, c'est que les avocats ou d'autres professionnels ne peuvent pas transmettre les coûts à leurs clients ou à leurs patients. Manifestement, ils ne peuvent pas leur transmettre ces coûts, car ils sont payés par le gouvernement. Ils se trouveront dans une situation différente de celle des autres professionnels. Avez-vous tenu compte de cela?

M. McGowan : Dans le processus de consultation, on élabore des mesures préalables, et dans ce cas, c'était avant la présentation du budget fédéral. Dans ces cas, il y a des préoccupations liées au secret gouvernemental si on cerne les changements proposés avant qu'ils soient annoncés à la population. Toutefois, en même temps, dans la mesure du possible, on exerce la diligence requise et on mène des analyses de contexte, afin de fournir les meilleurs conseils possible au ministre.

Après la présentation du budget, des consultations sont menées. Nous avons reçu plusieurs commentaires sur l'avant-projet de loi et sur la politique. Certains de ces commentaires ont été reflétés dans les changements qui auraient été observés dans la diffusion à l'été, c'est-à-dire en juillet, des amendements proposés modifiés visant cette mesure. Ensuite, il y a eu une autre période de consultations sur l'avant-projet de loi pendant laquelle nous avons recueilli d'autres commentaires sur les règles.

On a certainement mené des consultations publiques continues depuis l'annonce de la mesure. Auparavant, on avait mené des recherches préliminaires. Dans une certaine mesure, nous sommes toujours en train de mener des consultations auprès des parties intéressées touchées, afin de déterminer les améliorations que nous pouvons apporter au système fiscal.

Vous verrez plus tard, dans le projet de loi, trois changements visant les faits liés à la restriction de pertes, les fiducies de conjoints et les dons de charité qui émanent tous de nos consultations continues auprès des parties intéressées sur les changements annoncés dans le budget de 2013. Il s'agit donc d'un processus permanent qui ne s'arrête jamais, et par lequel nous entendons les commentaires des parties intéressées concernées pendant que nous tentons d'améliorer le système fiscal.

J'aimerais revenir sur ce que j'ai dit un plus tôt à ce sujet. On a indiqué que les partenariats établis par les médecins n'étaient pas motivés par des motifs fiscaux. Je tiens à préciser que nous n'avons jamais laissé entendre que c'était le cas; c'est la même chose pour les cabinets d'avocats d'ailleurs. La plupart de nos cabinets d'avocats les plus anciens et les plus prestigieux datent d'avant la Loi de l'impôt sur le revenu de 1917; de toute évidence, ils n'ont pas été créés à des fins d'évitement fiscal.

Les gens n'établissent pas nécessairement des partenariats pour se soustraire à la Loi de l'impôt sur le revenu ou aux conséquences fiscales de ces règles. Les règles permettent de nous assurer que les conséquences fiscales appropriées se produisent dans le contexte d'un partenariat.

Le sénateur Pratte : Pourriez-vous rappeler au comité les conséquences fiscales de ce changement?

M. McGowan : La multiplication de la déduction accordée aux petites entreprises a été évaluée à 60 millions de dollars, pour l'année 2017-2018. L'évitement du plafond des affaires a été estimé à 10 millions de dollars.

La sénatrice Raine : Je m'inquiète également de l'incidence sur les grappes médicales, parce qu'il s'agit d'une tendance qu'encouragent les organisations provinciales de la santé pour assurer une meilleure mise à contribution de nos précieux professionnels de la santé. Chaque professionnel qui part est une grande perte. Si l'on considère qu'un partenariat, dans la profession médicale, n'existe pas dans un marché libre, ne pourrait-on pas prévoir une exception relativement à ce projet de loi?

On ne peut pas augmenter les frais pour couvrir les coûts. Tous les coûts supplémentaires seront, au bout du compte, déduits du revenu des médecins, et cela pourrait avoir de graves répercussions sur notre bassin de médecins.

M. McGowan : Nous avons entendu des réflexions semblables dans le cadre de nos consultations. Par exemple, dans nos discussions avec les représentants de l'AMC, entre autres, nous avons parlé de ces différentes structures et de leur raison d'être. On nous a dit que certains établissaient des partenariats et d'autres des ententes de partage des coûts, auxquels les règles ne s'appliqueraient pas. Nous avons tenté de déterminer quel serait le potentiel de restructuration, et certains nous ont dit que ce ne serait pas viable.

Étant donné que les règles énoncées dans la Loi de l'impôt sur le revenu visent à établir ce qui constitue un partenariat ou non, aux termes des lois provinciales pertinentes, un partenariat est la relation qui existe entre des personnes qui exercent une activité ensemble en vue d'en tirer un profit. Dans la mesure où un partenariat est en place — et je le répète, quel que soit le secteur dans lequel on exerce — lorsqu'on établit un partenariat, c'est-à-dire une union de personnes à des fins lucratives, il y a des règles dans la Loi qui s'appliquent.

La sénatrice Raine : Avez-vous consulté les autorités des gouvernements provinciaux?

M. McGowan : Nous avons consulté les provinces.

La sénatrice Raine : Avez-vous consulté les provinces avant de proposer ce changement?

M. McGowan : Vous voulez dire avant le dépôt...

La sénatrice Raine : La politique était rédigée.

M. McGowan : Avant le dépôt du budget?

La sénatrice Raine : Vous avez dit que vous continuiez à tenir des consultations, même après le dépôt du budget. Nous sommes maintenant saisis d'une politique dans le cadre de ce projet de loi, et je crois qu'il y a une conséquence imprévue dont il faudra tenir compte.

M. McGowan : Il est difficile pour moi de décrire avec précision le contenu de nos consultations avant le dépôt du budget, c'est-à-dire avant qu'elles soient publiques. Je ne voudrais pas briser le secret professionnel en révélant le contenu de nos avis au ministre ou quelque chose du genre. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai mis l'accent sur les consultations publiques. Ainsi, je ne manquerais pas à mon devoir de confidentialité.

En ce qui concerne le projet de loi qui nous occupe, il a fait l'objet de consultations — nous avons entendu les parties concernées — et nous continuons de croire que les règles énoncées dans le projet de loi sont pertinentes, tout comme l'est le projet de loi. C'est ce qui est ressorti des consultations.

La sénatrice Raine : Manifestement, la profession médicale au Canada est très différente du secteur privé, étant donné que nous avons des médecins et des services de santé financés par l'État. Cela ne devrait-il pas se refléter dans notre législation fiscale? Qu'il s'agisse d'un partenariat ou d'une grappe médicale, il me semble qu'on devrait envisager une solution pour ne pas perdre ces ressources précieuses qui, d'une certaine façon, sont des ressources publiques. Je pense qu'il faudra en tenir compte dans le cadre du nouvel accord sur la santé.

Selon moi, nos professionnels de la santé doivent savoir que nous sommes bien conscients du problème et qu'ils seront traités de façon juste et équitable, de manière à ne pas se retrouver coincés entre l'argent qu'ils reçoivent des contribuables pour les services qu'ils assurent et l'obligation de fonctionner comme une entreprise privée, alors qu'ils ne le sont pas, puisque leurs services ne sont pas vendus librement sur les marchés privés.

James Greene, directeur, Division de l'impôt des entreprises, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Je comprends vos préoccupations. J'aimerais simplement dire que le régime fiscal vise à mesurer le revenu des entreprises et des particuliers, en fonction de principes communs. Voilà ce que nous entendons par un régime fiscal équitable.

Les entreprises ne refilent pas leurs coûts à leurs clients de la même façon. Dans certains secteurs, la concurrence est féroce, et la capacité d'augmenter les coûts est moindre, mais le régime fiscal, en général, n'est pas censé subventionner ou compléter les revenus d'un groupe professionnel particulier. Généralement, ce n'est pas le but visé. La profession médicale est rémunérée en fonction d'un certain processus, évidemment très important et délicat, mais la Loi de l'impôt sur le revenu est un processus distinct.

La sénatrice Raine : N'accorde-t-on pas des encouragements fiscaux dans d'autres secteurs lorsque le gouvernement juge que c'est dans le meilleur intérêt des Canadiens? Pourtant, dans ce cas-ci, on refuse de le faire. On ne croit pas que c'est indiqué d'offrir un incitatif fiscal pour que les médecins — ces précieux professionnels au service du public — restent au Canada?

Les gouvernements provinciaux seront obligés d'augmenter les salaires des médecins s'ils ne veulent pas les perdre. Au final, tout cet argent provient des mêmes contribuables. Alors, pourquoi ne pas le faire au moyen du régime fiscal?

M. Leblanc : Pour revenir aux propos de Jim, certains sénateurs ont parlé de l'introduction du taux d'imposition de 33 p. 100 et de ce qui pourrait arriver aux États-Unis; on verra. Chose certaine, ce sont toutes des questions auxquelles nous réfléchissons dans le cadre de l'élaboration de nos politiques.

Les gens peuvent débattre du taux d'imposition de 33 p. 100. Le gouvernement a pris une décision sur la façon dont il voulait gérer l'équilibre entre l'équité et les incitatifs. Cette question peut être débattue. Je pense qu'il serait très valable d'examiner la situation dans son ensemble et de déterminer à combien devrait s'élever le taux d'impôt sur le revenu des particuliers — de façon générale plutôt que pour des groupes précis.

Le président : Au Québec, le nouveau taux d'imposition des personnes qui gagnent plus de 200 000 $ s'élève à 53,7 p. 100, ce qui place le Canada parmi les premiers pays du G7 ou du G8 pour ce qui est du taux d'imposition.

Cela nous amène à nous demander quelle est la véritable intention du gouvernement — est-ce qu'on veut instaurer un régime fiscal juste ou tirer des recettes fiscales pour financer les services? Est-ce qu'on dit aux Canadiens qu'on ne veut vraiment pas qu'ils gagnent beaucoup d'argent?

David Dodge a dit ce matin que c'est très problématique lorsqu'on a des taux d'imposition effectifs qui sont complètement exagérés. C'est l'ancien gouverneur de la Banque du Canada. Par conséquent, cela nous préoccupe.

C'est facile de dire qu'on ne croyait pas que Trump serait élu, alors c'est manifestement l'un des facteurs qui pourraient influencer les politiques que nous adopterons. Toutefois, je suppose que comme énoncé de politique, l'équilibre dont vous parliez plus tôt semble être d'actualité.

Je cède maintenant la parole au sénateur Mitchell.

Messieurs, je dois vous informer que nous devrons nous arrêter à 11 h 50, car les sénateurs ont d'autres engagements. Nous allons demander à nos deux autres témoins de peut-être revenir mardi après-midi. Je suis désolé pour le retard, mais j'estime tout de même que nous avons eu des échanges intéressants et une excellente période de questions. Il nous reste encore du travail à faire concernant l'article 1, alors nous serons en mesure de le faire à ce moment-là. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir été des nôtres aujourd'hui, parce que nous n'avons pas souvent la chance de discuter avec vous.

Le sénateur Mitchell : Très brièvement, on sait que les médecins touchent en général beaucoup plus d'argent aux États-Unis qu'au Canada. À moins d'être à un seuil critique, où une augmentation du taux d'imposition marginal viendrait complètement rompre cet équilibre, on se serait attendu à ce que la plupart de nos médecins soient déjà partis aux États-Unis, où ils peuvent gagner beaucoup plus, sans parler du traitement fiscal différentiel. À une certaine époque, les médecins quittaient le pays, mais aujourd'hui, il semble qu'ils soient moins nombreux à le faire.

Quoi qu'il en soit, permettez-moi de poser ma première question. Il semble qu'on parle de 70 millions de dollars en impôts supplémentaires, 60 plus 10. Combien y a-t-il de professionnels, c'est-à-dire d'avocats, de médecins, d'architectes et de comptables qui sont visés? 10 000? Autrement dit, combien cela coûtera-t-il à chaque groupe professionnel?

M. McGowan : Les chiffres que nous avons publiés ne sont pas ventilés par profession.

M. Greene : Je n'ai pas de ventilation de ces chiffres.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous une petite idée du nombre de professionnels qui seront touchés? Je ne vous demande pas de comparer le nombre de médecins au nombre d'avocats, mais seulement un aperçu du nombre de professionnels dans l'ensemble.

M. Greene : Je l'ignore. Je n'ai pas cette information.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que vous pourriez nous l'obtenir?

M. Greene : Nous pouvons essayer. Je dirais que l'estimation est fondée sur les données disponibles pour estimer le nombre de structures en place qui seraient touchées. Toutefois, les données fiscales ne nous permettent pas d'identifier les divers groupes professionnels. Il faut rassembler les divers éléments et formuler des hypothèses.

Le sénateur Mitchell : J'ai peut-être manqué quelque chose, car je trouve cela compliqué. Ce que j'essaie de savoir, c'est combien cela va coûter à chaque médecin. Je sais que cela dépend du nombre de gens dans un partenariat.

Pour revenir à l'exemple de M. McGowan, prenons un partenariat de 10 personnes — 10 médecins ou 10 avocats. Supposons qu'ils gagnent en moyenne 250 000 $ par année. Quelle sera la différence nette pour chacun d'entre eux, l'augmentation nette de leur impôt attribuable à ce changement?

M. McGowan : Je vais légèrement modifier votre exemple. Supposons qu'ils gagnent 300 000 $ par année, tout simplement parce que ce sont les chiffres que j'ai sous la main.

Disons que vous avez un médecin — ou un professionnel; on ne devrait pas systématiquement dire « médecin », mais un professionnel qui gagne 300 000 $ par année. Comme je l'ai dit, la planification offre des avantages en matière de report, en ce sens que l'argent peut rester dans la société. Si tout l'argent est gagné par la société et est versé au cours de la même année, il n'y a pas vraiment d'avantage. On devrait payer un taux d'imposition de 53,53 p. 100 en Ontario sur le revenu gagné.

Par exemple, si chaque médecin se versait un salaire de 200 000 $ et laissait 100 000 $ dans la société, dans ce cas, la somme de 100 000 $ serait imposée au taux fédéral de 10,5 p. 100. Toutefois, s'il s'agissait d'un salaire, le niveau d'imposition serait de 53 p. 100.

Le sénateur Mitchell : Par conséquent, ils paieraient 10 500 $ sur les 100 000 $ cette année?

M. McGowan : C'est exact, au niveau fédéral. Encore une fois, il y a des impôts provinciaux, mais pour illustrer davantage cet aspect, nous pourrions parler uniquement de l'impôt fédéral, étant donné qu'il y a des taux différents.

Si cette somme était versée en salaire, elle serait imposée au taux de 33 p. 100, et il leur resterait 67 p. 100. Si elle était imposée au taux d'imposition des petites entreprises, cela représenterait 10 500 $. Avec ce changement, dans la mesure où ils ne sont pas admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises, ils seraient imposés à un taux de 15 p. 100.

Dans l'exemple donné, il y a 10 partenaires. Si nous supposons que chacun d'entre eux reçoit une part égale de la déduction de 500 000 $ accordée aux petites entreprises, dans ce cas, le partenaire reçoit la moitié du revenu, c'est-à- dire 50 000 $.

Le sénateur Mitchell : Ce serait moitié-moitié, donc 7 500 $.

M. McGowan : C'est exact. Il s'agirait de 50 000 $ à 10,5 p. 100 et de 50 000 $ à 15 p. 100. Si on examine les avantages, avant le budget de 2016, ils auraient touché 15 000 $; après, on parle de 20 000 $. Dans l'exemple que j'ai ici, cela représente 5 000 $ de plus qu'ils auraient pu investir. Encore une fois, si tout l'argent était versé, ils perdraient les avantages de report, alors ils auraient plus d'argent en poche à investir. Avec un taux de 5 p. 100, par exemple, on se retrouve avec 5 000 $ supplémentaires en liquide, avec les économies d'impôt. Disons que cela donne un rendement de 5 p. 100. Ce serait les économies avant impôt, parce qu'on est imposé sur tous les revenus. Voilà donc les calculs que nous avons faits pour un professionnel qui gagne 300 000 $ et qui laisse 100 000 $ dans la société.

Le sénateur Mitchell : Dans cet exemple, ils perdraient 250 $?

M. McGowan : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Ils perdraient 250 $? C'est la seule différence? Iriez-vous aux États-Unis pour une telle somme?

M. McGowan : Comme vous l'avez bien dit, au moment de prendre une décision, plusieurs facteurs complexes entrent en ligne de compte; c'est pourquoi il est aussi difficile d'établir des prévisions. Il n'y a pas que les changements aux taux d'imposition. Il y a aussi les revenus que gagnent les gens.

Il y a plusieurs années, quand j'étais avocat, je me souviens qu'on s'inquiétait beaucoup des taux d'imposition et des jeunes avocats qui risquaient de quitter le Canada. J'étais au début de ma carrière. J'aurais gagné littéralement trois fois plus d'argent à Clifford Chance, à New York, que j'aurais pu en gagner ici, alors même si le taux d'imposition était nul, cela n'aurait rien changé. D'après mon expérience, tous ces facteurs sont importants et doivent être pris en compte.

Vous verrez le mémoire de l'AMC. Les chiffres qu'elle a fournis sont un peu différents, mais pas en ce qui concerne le fond. Elle a donné comme exemple un revenu de 500 000 $ et la somme de 200 000 $ laissée dans la société. Dans notre exemple, il restait une somme de 5 000 $, qui pouvait être investie. En ce qui les concerne, il s'agissait de 32 000 $. Il faut tenir compte du rendement de ces fonds après impôt. Si je ne me trompe pas, on parlait ici de 4,8 p. 100 de 32 000 $, ce qui donne environ 1 000 $.

Le président : Monsieur Leblanc, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Leblanc : J'aimerais simplement ajouter que lorsque l'on compare le Canada et les États-Unis, comme l'a si bien dit Trevor, il y a de nombreux facteurs complexes dont il faut tenir compte concernant l'imposition des médecins aux États-Unis. À ce que nous sachions, il y a ce qu'on appelle la méthode de l'impôt exigible. Autrement dit, on doit payer le plein montant de l'impôt sur le revenu, aux taux applicables, au cours de l'année pendant laquelle il est gagné. Par conséquent, la possibilité de reporter le revenu, comme Trevor l'a décrit, ne s'applique pas aux États-Unis.

Le sénateur Mitchell : Il est donc avantageux, au Canada, de faire partie d'un partenariat.

M. McGowan : C'est juste. Nos taux d'imposition des sociétés sont également très concurrentiels.

Le sénateur Mitchell : Intéressant. Pourquoi maintenant? Cela dure depuis un bon moment. Pourquoi les modifications arrivent-elles maintenant?

M. McGowan : À cause d'un certain nombre de facteurs. Le gouvernement a décidé. Qui sait pourquoi? Il y a toujours des raisons, notamment les ressources disponibles, notre compréhension des méthodes de planification fiscale en vogue et le triage des tâches qu'on peut raisonnablement s'attendre à réaliser au cours de l'exercice.

Le sénateur Mitchell : Si je ne touche pas aux 100 000 $ et que je fais une dépense de 10 500 et quelques dollars, quand je reprendrai mes billes, je paierai néanmoins le taux d'imposition marginal qui s'applique à moi, n'est-ce pas? Je dois donc laisser ce montant pendant longtemps pour combler cette différence.

M. Leblanc : L'important, ici, c'est aussi que nous avons seulement deux taux d'imposition pour les entreprises, nous avons aussi deux taux en vigueur pour l'imposition des revenus personnels relativement aux dividendes. Alors que le revenu de l'entreprise était imposé à un taux supérieur, le revenu personnel l'est à un taux inférieur.

M. McGowan : La mesure suivante concerne l'imposition des actions de fonds de substitution. Il s'agit d'actions d'une société de placement à capital variable où chaque catégorie d'actions représente un fonds différent de placement. En général, on peut investir de diverses façons. Ce peut-être, par exemple, dans les actions d'une société de placement à capital variable ou dans des unités d'une fiducie de fonds communs de placement ou des unités détenues directement. La commutation d'un fonds commun de placement et d'un autre détenu en fiducie est une opération imposable. La vente d'actions ou d'obligations détenues directement l'est aussi.

Mais les actions d'une société de placement à capital variable qui ont servi à constituer un fonds de substitution, qu'on commute d'un fonds à l'autre, en étant considérées comme une forme d'actions à imposition reportée, ont entraîné l'inégalité entre différentes formes d'instruments de placement. La nouvelle mesure permet de supprimer le mécanisme de report de l'impôt quand on commute les actions entre deux fonds à l'intérieur d'une société de placement à capital variable. La suppression de ce report a été estimée à environ 75 millions de dollars pour 2017-2018, puis à 145 millions à compter de 2018-2019.

Le président : Y a-t-il des questions?

M. McGowan : J'oubliais ceci : la mesure ne s'applique pas à des placements détenus dans un régime d'épargne- retraite ou dans un compte d'épargne libre d'impôt. Seuls les investisseurs imposables seront touchés.

La mesure suivante est la mise en œuvre de normes de déclaration pays par pays reconnues par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Elles ont été élaborées avec le concours d'un certain nombre de pays. Elles permettront l'échange de renseignements à très haut niveau, sur les opérations mondiales d'une multinationale, certains facteurs importants, les revenus, le nombre d'employés et ainsi de suite entre divers pays.

Une multinationale canadienne dont les revenus dépasseraient un seuil convenu, 750 millions d'euros, serait signalée à l'Agence du revenu du Canada, et ses renseignements seraient communiqués à nos partenaires après que le Canada aura été convaincu de l'existence de garanties appropriées pour protéger les renseignements personnels. De même, les autorités fiscales canadiennes pourraient recevoir des renseignements de cette nature sur une multinationale basée dans un autre pays, en Grande-Bretagne par exemple.

Le président : Poursuivons.

M. McGowan : La prochaine mesure concerne les dons faits par les successions. J'en ai parlé plus tôt. Les dons de la succession d'un contribuable faits à la mort de ce contribuable peuvent être déclarés dans l'année dans laquelle ils ont lieu.

La succession assujettie à l'imposition à taux progressifs est un type particulier de succession consécutive à la mort d'un contribuable et donnant droit à l'utilisation des tranches d'imposition du revenu personnel plutôt que d'un taux d'imposition maximal et unique. On peut s'en servir pendant 36 mois, ou trois ans, après la mort du contribuable. On peut déduire les dons faits par ces successions assujetties à l'imposition à taux progressifs du revenu du contribuable décédé gagné au cours de l'année où ils ont lieu, d'une année quelconque antérieure à la succession ou des deux dernières années admissibles pour cette déduction.

Cette modification ferait passer de 36 à 60 mois la période pendant laquelle les dons sont admissibles à un report à des exercices antérieurs, pour assouplir les conditions régissant ces dons. Faits dans la quatrième année, même après que la succession a cessé d'être reconnue comme assujettie à l'imposition à taux progressif, ils resteraient quand même déductibles plus souplement du revenu des deux dernières années de la personne décédée.

C'est un raffinement des règles annoncées et mises en vigueur il y a quelques budgets.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce la suite de demandes formulées dans vos tables rondes? Est-ce que cela vise à accélérer et à augmenter le désir de donner ou est-ce vraiment une réponse sous forme de mesure fiscale?

M. McGowan : La modification fait suite à nos consultations suivies avec les intéressés, qui nous ont informés que le créneau de 36 mois actuellement prévu pour les dons faits par les successions était insuffisant, ce qui empêchait de concrétiser les dons qu'ils voulaient faire pendant cette période. Deux années de plus procureraient une souplesse suffisante. Nous les avons accordées à la suite de ces consultations suivies.

La sénatrice Andreychuk : Croyez-vous, autrement dit, que cela encouragera les dons ou que cela facilitera la tâche à ceux qui sont déjà engagés?

Je suis constamment à l'affût de façons pour élargir la gamme des possibilités au Canada par rapport aux pays où les dons sont un enjeu. Nous en devançons certains, mais pas tous. La mesure pourrait-elle conduire à plus de dons?

M. McGowan : Cela vise certainement à les faciliter. J'ignore si nous avons des chiffres nous permettant d'espérer de ce fait une augmentation d'à peu près 2 p. 100.

Beaucoup de successions prennent un certain temps à liquider. Par exemple, si, après le paiement de certains frais, les instructions sont de consacrer le reliquat de la succession à des dons de charité, une pression commence à s'exercer pour respecter le délai de 36 mois. Les nouvelles mesures faciliteraient ce genre de dons et permettraient de les faire plus en douceur.

La sénatrice Andreychuk : Je pense que, souvent, comme vous l'avez dit, cela peut être pour d'autres motifs, la succession, puis le reliquat va à des organismes caritatifs. Je sais que ce genre de planification se pratique. Cela devrait donner plus de temps et plus de certitude aux administrateurs pour le faire et respecter leurs premiers choix, mais cela n'empêchera pas ou cela n'exclura pas d'en faire profiter un organisme caritatif.

M. McGowan : Oui, exactement.

La sénatrice Andreychuk : Merci.

Le président : Messieurs, il faut encore parler des fiducies au profit d'un conjoint ou de fiducies semblables, des nouveaux arguments à l'appui d'une cotisation et des normes communes de déclaration de l'OCDE. Pouvons-nous le faire dans les 10 prochaines minutes, pour que nous puissions lever la séance?

M. McGowan : Je ferai de mon mieux.

Le président : Vous faites de l'excellent travail.

M. McGowan : La prochaine modification porte sur les faits liés à la restriction de pertes et les fiducies. L'utilisation de certains attributs fiscaux risque d'être limitée quand, par exemple, une société fait l'objet d'une prise de contrôle ou qu'un changement semblable de propriétaire touche une fiducie.

Les règles ont été annoncées il y a un certain nombre d'années, pour les faits liés à la restriction de pertes. C'est quand la fiducie change de propriétaire que les pertes sont limitées.

Encore une fois, pendant nos consultations suivies, l'industrie des fonds de placement nous a appris que, dans certaines circonstances, les règles en vigueur ne donnaient pas de bons résultats. Par exemple, elle était obligée de constamment dire si ses fonds de placement étaient actifs. Les fonds de placement sont exclus de ces règles. De plus, au rachat des fonds, ils peuvent être inactifs si cela convient.

Ces règles s'appliquant aux faits liés à la restriction de pertes sont rendues plus pertinentes pour les fonds de placement, grâce à nos consultations suivies du secteur.

Avec votre permission, je passe aux fiducies au profit du conjoint ou aux fiducies semblables. C'est une autre mesure découlant de consultations avec les intéressés. Les règles visant les fiducies au profit du conjoint s'appliquent à la mort du bénéficiaire principal. Selon les anciennes règles, la fiducie avait un impôt à payer sur les gains supplémentaires réalisés à la mort du bénéficiaire principal. Il y a quelques années, on a annoncé des modifications, qui toucheraient désormais, à la place, la succession du bénéficiaire. Les acteurs du milieu nous ont prévenus d'éventuelles difficultés dans certaines circonstances.

L'obligation fiscale reviendrait à la fiducie, encore une fois, mais avec l'option de la transporter dans la succession du bénéficiaire. Les contribuables touchés par ces règles peuvent exercer des choix fiscaux appropriés, qui ont été élaborés grâce à nos consultations suivies pour mieux traiter le contribuable.

La sénatrice Andreychuk : Seulement un éclaircissement sur les fiducies semblables à celles des fiducies au profit du conjoint : y a-t-il des conséquences pour les résidents et les non-résidents?

M. McGowan : Il arrive parfois que le pays de résidence a de l'importance dans le contexte de ces fiducies, mais ces règles touchent l'obligation fiscale échéant à la fiducie ou au bénéficiaire. Je ne crois pas que, dans ce cas, ce facteur soit important, mais je ne veux pas laisser entendre qu'il n'a rien à voir dans le contexte plus général des règles s'appliquant aux fiducies au profit du conjoint.

La sénatrice Andreychuk : Vous dites qu'il ne devrait pas y avoir de conséquences?

M. McGowan : Non. La règle vise à ce que l'obligation fiscale revienne à la partie qui peut s'en acquitter. Si c'est la fiducie, parce qu'elle possède le bien, c'est approprié. Si, au contraire, la fiducie ne peut pas s'en acquitter et qu'il est préférable d'en charger la succession de la personne décédée, eh bien, c'est désormais réglé.

La sénatrice Andreychuk : Encore une fois, qu'arrive-t-il au conjoint vivant à l'étranger. Je tiens à l'égalité dans les dispositions concernant les conjoints, pour qu'il n'y ait pas d'avantages à retirer de la situation de résident à l'étranger.

M. McGowan : Non. Je crois que la Cour suprême a rendu un arrêt sur les fiducies au profit du conjoint — l'affaire Antel, je pense — où ce genre de planification fiscale avait eu lieu. C'est dans un contexte différent de celui que visent ces modifications.

La sénatrice Andreychuk : Ça ne devrait donc pas avoir d'effet sur ces mesures.

M. McGowan : Non.

Le président : Merci.

Ensuite?

M. McGowan : Les nouveaux arguments à l'appui des cotisations. Cette mesure confirme que l'Agence du revenu du Canada peut invoquer de nouveaux arguments à l'appui de ses cotisations après la fin de la période normale de nouvelle cotisation, pourvu que le montant total visé par la cotisation n'augmente pas.

Cette mesure découle d'un jugement assez récent d'un tribunal et ramène les règles à leur interprétation avant l'annonce des règles.

La modification a d'abord été annoncée dans le cadre du budget de 2015. Elle a été confirmée dans celui du budget de 2016. L'ébauche du projet de loi a été publiée l'été dernier, pour consultation du public, et c'est la raison pour laquelle elle se trouve dans le projet de loi C-29, plutôt que dans le projet de loi C-15, où se trouvaient un certain nombre d'autres mesures du budget de 2015.

La sénatrice Andreychuk : On n'augmentera pas ou on ne modifiera pas la cotisation, mais on pourra le faire à la lumière de nouveaux faits ou si ce changement traduit une nouvelle position, pour autant que ce soit dans le cadre de la cotisation d'origine. C'est ce que vous dites?

M. McGowan : Exactement. Le montant total de la cotisation ne peut pas augmenter. Le fisc ne peut donc pas dire au contribuable qu'il avait prétendu lui devoir 50 000 $ et que maintenant ce montant est de 70 000 $. Le fisc avait dit que c'était un gain de capital, mais le contribuable avait réussi à faire valoir que c'était un revenu ordinaire ou un revenu imposé à un autre taux. Le fisc peut invoquer un nouvel argument pour imposer les 50 000 $, mais il ne peut pas aller plus loin.

Le président : Messieurs, ça s'est rendu jusqu'au dernier moment; vous avez été formidables.

M. McGowan : Finalement, nous avons la mise en œuvre de la norme commune de déclaration de l'OCDE. C'est un moyen élaboré pour prévenir l'évasion fiscale et communiquer des renseignements sur les non-résidents qui ont des comptes dans un pays. Elle a été élaborée avec le concours de l'OCDE, mais je crois aussi que plus de 100 pays l'ont signée. C'est donc l'aboutissement d'un projet international.

Le Canada doit communiquer des renseignements sur les non-résidents ayant des comptes ici. De même, les autres pays communiqueront à l'Agence du revenu du Canada des renseignements sur les Canadiens ayant des comptes chez eux.

Le président : Y a-t-il des questions pour M. McGowan?

Messieurs, au nom du comité, je vous remercie pour une discussion très intéressante sur divers points.

Je suppose, monsieur McGowan, que nous avons terminé la partie 1. Mardi après-midi, nous accueillerons vos confrères, qui nous guideront dans les parties 2 et 3. Nous accueillerons aussi le ministre, à 13 heures.

Merci.

(La séance est levée.)

Haut de page