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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 44 - Témoignages du 1er novembre 2017 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mercredi 1er novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 48, pour poursuivre son étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

[Français]

Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Ce soir, c’est la 13e réunion publique portant sur l’étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes. Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie.

[Traduction]

Chers témoins, merci d’avoir accepté notre invitation et de communiquer vos commentaires, vos points de vue et vos recommandations aux sénateurs. Je vous souhaite la bienvenue à la réunion.

Je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont avec nous dans la salle et aux auditeurs de partout au pays qui nous regardent peut-être à la télévision ou en ligne. En guise de rappel pour ceux qui regardent, les audiences du comité sont ouvertes au public, en plus d’être accessibles en ligne, sur le site web du Sénat, à l’adresse sencanada.ca.

J’aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par les personnes à ma gauche, s’il vous plaît.

La sénatrice Jaffer : Je m’appelle Mobina Jaffer et je viens de la Colombie-Britannique. Bienvenue.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Mon nom est Diane Bellemare, sénatrice du Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

Le sénateur Forest : Bonsoir. Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Mockler : J’aimerais aussi profiter de l’occasion pour vous présenter officiellement notre vice-présidente, la sénatrice Cools.

[Traduction]

La sénatrice Cools : Je m’appelle Anne Cools et je viens de Toronto, en Ontario.

[Français]

Le sénateur Mockler : Je souhaite également présenter notre greffière, Mme Lemay, ainsi que nos deux analystes, Sylvain Fleury et Alex Smith qui, ensemble, aident le comité dans ses travaux.

[Traduction]

Ce soir, notre comité continue son étude spéciale sur les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, modifications que le ministre des Finances du Canada a proposées durant l’été 2017.

Honorables sénateurs, ce soir, nous accueillons des organisations du secteur des affaires. Nous leur avons demandé de nous faire part de leurs opinions et de leurs recommandations. À mesure que nous continuons de parcourir le Canada en voyageant vers l’est et vers l’ouest, n’hésitez pas à faire part de vos observations à la greffière si vous souhaitez communiquer des renseignements supplémentaires.

Nous accueillons l’honorable Perrin Beatty, C.P., président et chef de la direction, et Hendrik Brakel, directeur principal, Politiques économiques, financières et fiscales, de la Chambre de commerce du Canada. Se joignent à nous Jason Burggraaf, conseiller en politiques et relations gouvernementales, et Loren Kroeker, vice-président principal des Services de fiscalité, de la Coalition pour l’équité fiscale envers les PME. Sont aussi présents Jason Skilnick, membre et porte-parole, ainsi que Karen Sands, membre et porte-parole, du Kingston Advocacy for Small Business. Enfin, nous recevons Benedict Leung, agent de liaison, de l’Alliance concernant la réforme fiscale de 2017, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Mississauga, en Ontario.

Chers témoins, la greffière m’a informé du fait que le premier exposé sera présenté par la Chambre de commerce, suivie de la Coalition pour l’équité fiscale envers les PME, puis du Kingston Advocacy for Small Business, et nous terminerons par M. Leung.

La greffière m’a également informé du fait que vous avez, tout au plus, sept minutes chacun.

[Français]

Sur ce, monsieur Beatty, la parole est à vous.

L’honorable Perrin Beatty, C.P., président et chef de la direction, Chambre de commerce du Canada : Merci beaucoup, sénateur Mockler et membres du comité, c’est un grand plaisir d’être parmi vous aujourd’hui.

[Traduction]

Je suis très heureux de parler du principal enjeu qui inquiète nos membres concernant le budget de 2018, soit les modifications fiscales proposées par le ministère des Finances touchant les petites entreprises.

Je suis président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada depuis un peu plus de 10 ans et je n’ai jamais vu une réaction comme celle que nous avons vue cette année de la part de nos membres. Pendant des mois, nous avons reçu des appels téléphoniques et des courriels quotidiens de représentants d’entreprises inquiets de partout au Canada. Nous croyons que c’est parce que les modifications qui font l’objet d’un examen sont si vastes et ont une portée si grande qu’elles entraîneront beaucoup de conséquences inattendues.

Mesdames et messieurs, il n’y a pas de restaurant ou d’exploitation agricole au Canada où aucun membre de la famille ne travaille. De même, toutes les entreprises ont un revenu passif, à moins que l’entreprise ne soit au bord de la faillite.

Lorsque le gouvernement a annoncé les modifications de ses propositions fiscales durant la semaine du 16 octobre, nous avons été soulagés de constater qu’il écoutait. Je tiens à remercier personnellement le ministre de tenir compte d’un certain nombre de préoccupations dont nos membres nous font part. Lorsque nous avons vu la série de propositions initiales, nous avons eu l’impression que le ministère des Finances avait conçu ces mesures fiscales qui s’appliquent au plus grand nombre d’entreprises possible d’une façon extrêmement compliquée dans l’unique but de recueillir des recettes modestes. Il ne fait aucun doute que le ministre a apporté un certain nombre d’améliorations importantes.

Toutefois, nous sommes préoccupés par le fait que les annonces sont si peu détaillées et que certains des risques les plus grands n’ont pas été pris en compte. Voici ce qui nous préoccupe réellement : des entreprises de toutes les tailles accumulent un excédent budgétaire afin de pouvoir l’utiliser en cas de ralentissement économique ou pour les dépenses en immobilisations. Un entrepreneur comptant 80 employés nous a dit qu’il gardait la majeure partie des revenus dans l’entreprise, parce qu’il essaie de prendre de l’expansion et que dans le secteur de la construction, les affaires sont cycliques. Il arrive que le travail manque.

Si le gouvernement applique un taux d’imposition de 73 p. 100 sur le revenu d’investissement, les entrepreneurs n’auront plus aucune raison de garder les biens excédentaires dans l’entreprise. Il sera préférable pour la plupart de placer leur argent à l’extérieur de l’entreprise. Le ministre a annoncé un seuil de 50 000 $ en deçà duquel le revenu passif ne serait pas imposé, et c’est une mesure utile pour les petites entreprises au Canada.

Mais, pour les moyennes et grandes entreprises, un seuil aussi bas signifie moins d’investissements, moins d’emplois et moins d’épargnes pour que l’entreprise survive aux ralentissements économiques.

Et cela veut dire moins de productivité. Il y a une étude de la Banque du Canada intitulée La productivité au Canada : La taille de l’entreprise importe-t-elle? Selon cette étude, la moitié de l’écart de productivité entre les entreprises américaines et canadiennes s’explique par la taille inférieure des entreprises canadiennes et le fait que les petites entreprises investissent peu pour acquérir des immobilisations et des talents. Une telle imposition punitive réduirait davantage l’argent dont ces entreprises disposent pour investir, ce qui limiterait encore davantage leurs économies.

Ensuite, imaginez une société de capital de risque spécialisée dans les technologies vertes. La société achète des parts dans des entreprises en démarrage qui essaient de commercialiser des technologies environnementales, mais ces investissements répondent à la définition du revenu passif, et la société serait donc imposée à 60 ou à 70 p. 100 sur certains de ces investissements.

Enfin, imaginez que vous devez expliquer tout cela à un investisseur étranger. La complexité du processus dépasse l’entendement. Selon la méthode d’attribution utilisée pour l’imposition du revenu passif, les revenus sont répartis en trois catégories, en plus d’un autre montant pour l’apport des actionnaires, au moment de calculer divers taux de rendement nets. Tout cela, bien sûr, arrive à un moment où nos voisins américains entreprennent la réforme fiscale et réglementaire la plus importante depuis plus d’une génération dans l’intention de faire des États-Unis un lieu plus attrayant où investir.

Cette taxe pourrait causer des pertes d’emplois énormes, miner la compétitivité du Canada et déboucher sur moins d’investissements, moins de coussins financiers en cas de ralentissement économique, peu importe quand il arrivera, moins de capital de risque et moins d’investissements étrangers.

En ce qui concerne le fractionnement des revenus, le gouvernement a promis que ses nouvelles règles seraient rationalisées et clarifiées. C’est une bonne chose, mais nous ne savons pas encore ce que cela signifie. Il y a de nombreuses questions auxquelles on doit encore répondre, et laissez-moi vous donner quelques exemples. D’abord, pourquoi les conjoints ne seraient-ils pas autorisés à fractionner les revenus, particulièrement si leurs avoirs personnels — la maison et la voiture, les économies familiales — sont donnés en garantie advenant que l’entreprise fasse faillite? Et si un conjoint travaille 12 heures par jour, l’autre doit prendre le relais à la maison. Les efforts consentis par l’époux afin de soutenir l’entreprise à la maison n’ont-ils aucune valeur?

Ensuite, si un conjoint touche un salaire de 70 000 $, mais que l’ARC évalue la valeur de son travail à 40 000 $, comment un propriétaire peut-il prouver la valeur de la contribution?

Faisons un pas en arrière et examinons le portrait d’ensemble. Nous vivons en ce moment dans une période fascinante pour ce qui est des politiques fiscales partout dans le monde. La France vient de se lancer dans des réformes fiscales majeures avec un budget de 2017 qui réduit ou élimine plusieurs impôts des sociétés tout en diminuant les taux globaux. Le gouvernement du Royaume-Uni a entrepris une réforme fiscale importante l’année dernière, mais il a fait marche arrière par rapport aux mesures les plus contestées en avril 2017. Comme je viens de le mentionner, au Congrès américain, les républicains sont déterminés à faire avancer la plus grande réforme fiscale annoncée en 30 ans, à sabrer dans le taux d’imposition général des sociétés, le faisant passer de 35 à 20 p. 100, tout en éliminant certains crédits d’impôt.

Que fait le Canada au milieu des efforts inlassables de notre partenaire commercial au chapitre de la compétitivité? Nous venons de mener une bataille féroce au cours de l’été sur le fractionnement du revenu. On oublie de voir ce qui est essentiel.

Dans un monde interconnecté, la technologie et les capitaux sont de plus en plus mobiles, et cette mobilité stimule la compétition pour les investissements des entreprises.

Avec des taux d’imposition des sociétés combinés fédéral-provincial à hauteur de 27 p. 100 en Ontario, le Canada est tout près de la moyenne de l’OCDE. Plutôt que d’attendre que les Américains décident d’agir avant que nous trouvions comment réagir, mettons proactivement de l’ordre dans nos affaires et abaissons les taux afin de stimuler la compétitivité du Canada.

Le système fiscal du Canada pourrait être conçu de manière à soutenir les investissements dans des actifs productifs et la croissance des entreprises. Plutôt que de pénaliser les investissements passifs, le Canada devrait offrir des mesures incitatives pour investir dans l’entreprise. Un amortissement des investissements en capital de 100 p. 100 dans l’année où ils sont faits pourrait servir de grande mesure incitative.

Pour ce qui est du capital humain, le Canada doit attirer et retenir des talents de classe mondiale, des travailleurs qualifiés comme des entrepreneurs. Cela signifie que nous devons aussi examiner le taux d’imposition des particuliers afin de déterminer si les taux marginaux supérieurs — d’environ 53,5 p. 100 en Ontario — font fuir les gens. Bon nombre des personnes touchées sont non seulement les personnes à revenu élevé calomniées, mais aussi les innovateurs et les visionnaires créatifs qui peuvent diriger des entreprises au XXIe siècle.

Enfin, mesdames et messieurs, nous devons confronter le coût global total des affaires au Canada et les effets cumulatifs graves du fardeau grandissant imposé par les frais, les taxes et les règlements que le secteur privé doit assumer. Nos membres s’inquiètent profondément par rapport à leur capacité de faire croître leur entreprise au sein du Canada et de se livrer concurrence pour trouver des investissements et des clients de l’étranger.

C’est pourquoi nous demandons au gouvernement, dans un premier temps, de mettre de côté ces propositions pour le moment; dans un deuxième temps, de lancer des consultations utiles auprès du milieu des affaires afin de réagir à toute lacune dans les politiques fiscales sans cibler injustement les entreprises. Le second examen objectif et l’étude approfondie des audiences du Sénat sont précisément ce qui est nécessaire. Enfin, il s’agit d’établir une commission royale afin d’entreprendre un examen exhaustif des lois fiscales guidé par les principes de la simplification et de la modernisation, dans le but de réduire les coûts de la conformité afin de redonner au Canada un régime fiscal concurrentiel. La Chambre de commerce du Canada serait très heureuse d’aider le gouvernement à encadrer un tel examen.

Mesdames et messieurs, avec un tel examen et de grands efforts, le Canada pourrait créer, à l’échelle internationale, un système concurrentiel d’imposition des entreprises qui récompense l’entrepreneuriat, encourage les entreprises à investir dans les technologies, les compétences et la capacité dont elles ont besoin pour croître, et attire du capital, des mandats de production et des personnes hautement qualifiées de partout dans le monde.

Merci, mesdames et messieurs. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Mockler : Merci. Nous donnerons maintenant la parole à la Coalition pour l’équité fiscale envers les PME.

Jason Burggraaf, conseiller en politiques et relations gouvernementales, Coalition pour l’équité fiscale envers les PME : Merci d’avoir invité la coalition ici aujourd’hui. J’ai le grand plaisir de présenter Loren Kroeker, vice-président principal des Services de fiscalité à MNP, qui s’est joint à moi ici aujourd’hui pour répondre à vos questions d’ordre technique.

Comme vous le savez probablement, les membres de la Coalition pour l’équité fiscale envers les PME se sont réunis afin de présenter une voix unie sur les modifications proposées du gouvernement à l’égard de la planification fiscale et de la gestion des affaires pour les sociétés privées.

Au cours des deux derniers mois, la coalition a pris de l’expansion, et elle comprend maintenant 79 associations d’entreprises. Ensemble, nos organisations représentent des centaines de milliers d’entreprises privées, de professionnels et de contribuables de l’ensemble des secteurs de l’économie, employant des millions de Canadiens dans chaque milieu, et ce, d’un océan à l’autre.

Le fait que ces divers groupes se sont réunis pour cette cause confirme uniquement les répercussions négatives que les propositions du gouvernement ont pu avoir sur les petites entreprises privées et sur les entrepreneurs canadiens qui alimentent leur création et leur réussite.

Même si les membres de la coalition sont ravis de voir le gouvernement reculer ou modifier certaines de ses propositions originales, il demeure un certain nombre de préoccupations par rapport aux mesures avec lesquelles le gouvernement va de l’avant, principalement au chapitre du manque de détails et de clarté ainsi que du besoin d’effectuer des évaluations appropriées des répercussions.

Une évaluation appropriée des répercussions devrait permettre de répondre aux quatre questions suivantes : combien de revenus seront générés par cette mesure et à quel moment? Quelles sont les répercussions sur la résilience des entreprises? Quelles sont les répercussions sur l’accessibilité des capitaux pour les entreprises en démarrage et l’expansion des entreprises? Enfin, quelles sont les répercussions sur l’épargne-retraite?

Compte tenu de la complexité de ces propositions, il est nécessaire de mener plus d’analyses et de consultations afin de pleinement comprendre l’effet sur le petit milieu des affaires. Bien que le gouvernement ait présenté l’idée du seuil de 50 000 $ pour les investissements passifs, la coalition conteste encore l’hypothèse selon laquelle le report du niveau d’imposition des particuliers sur les gains des entreprises constituées en société est une mauvaise politique fiscale. Un certain nombre de raisons expliquent pourquoi un propriétaire d’entreprise pourrait choisir de conserver des gains dans une société, y compris pour financer des accords d’emprunt et pour avoir des liquidités prêtes pour la prochaine occasion d’affaires.

La coalition estime que les modifications des règles actuelles concernant les investissements passifs ne sont pas nécessaires. On n’a certainement pas eu assez de temps ni mené assez de consultations pour tenir compte des répercussions sur les entreprises et, par la suite, sur l’économie.

Une des préoccupations de la coalition par rapport à la proposition telle qu’elle est actuellement rédigée, c’est que certaines des entreprises pourraient faire face à des taux d’imposition exorbitants aussi élevés que 73 p. 100, et cela pourrait très bien entraîner le retrait du pays de capitaux d’investissements.

C’est important, parce que le Canada a connu une pénurie de moyennes entreprises, et un seuil pourrait nuire aux entreprises qui cherchent à passer au prochain niveau. Même si le gouvernement pourrait récolter un avantage à court terme en limitant efficacement la capacité des propriétaires d’entreprise d’économiser de l’argent à l’intérieur de leur entreprise, il y aura des conséquences négatives à long terme, puisque les entreprises pourraient être laissées à court d’argent durant une période difficile.

Le gouvernement a aussi fait savoir qu’il allait élargir la définition de « contribution utile pour une entreprise » en ce qui concerne ses propositions relatives au fractionnement des revenus. Toutefois, il demeure que toute restriction va continuer de s’appliquer aux entreprises de tous les niveaux de revenu, et pas seulement aux plus profitables. Les modifications proposées ne reflètent pas les nombreuses façons, officielles et informelles, dont les membres de la famille participent à l’entreprise, particulièrement lorsqu’il s’agit de la participation des époux. Pour aider à réagir à cela, la coalition recommande à tout le moins une exemption complète pour conjoint en vertu des règles sur le fractionnement du revenu. Celle-ci permettra de reconnaître le rôle clé que les conjoints jouent souvent dans une entreprise, rôle qui ne peut pas toujours être clairement quantifié.

Cette exemption aidera aussi à apaiser les préoccupations touchant le fardeau administratif supplémentaire, ainsi que les différends avec les vérificateurs de l’ARC qui surviendront inévitablement au moment de l’adoption des restrictions proposées sur le fractionnement du revenu.

Enfin, les membres de la coalition sont impatients de tenir de nouvelles consultations sur les transferts intergénérationnels afin de trouver des façons de faciliter le transfert des entreprises familiales à la prochaine génération et de réduire les coûts.

En somme, la coalition continue de presser le gouvernement de faire marche arrière sur l’ensemble de ses propositions et de lancer des consultations utiles auprès du milieu des affaires afin de réagir à toute lacune dans les politiques fiscales sans cibler injustement les petites et moyennes entreprises.

De nouvelles consultations, y compris des évaluations des répercussions pour toute proposition, devraient également être prises en considération dans le contexte d’un examen exhaustif du système fiscal canadien, dans une optique d’équité et de simplification pour tous les contribuables.

Le sénateur Mockler : Merci. Nous allons maintenant donner la parole au Kingston Advocacy for Small Business. Monsieur Skilnick, veuillez présenter votre exposé.

Jason Skilnick, membre et porte-parole, Kingston Advocacy for Small Business : Merci de recevoir le Kingston Advocacy for Small Business, ou KASB, pour qu’il comparaisse en tant que témoin. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d’avoir formé ce comité s’intéressant à cette question nationale. Karen Sands et moi-même sommes fiers de représenter le groupe.

Il est important que vous compreniez la composition de notre groupe afin de situer le contexte de nos points de vue. Le KASB est un groupe composé de 59 comptables, avocats et universitaires de Kingston et des environs qui a été mis sur pied en réponse aux modifications fiscales proposées le 18 juillet. Notre groupe n’existait sous aucune forme auparavant et il n’est pas politique.

Le premier sujet que j’aimerais aborder est l’incertitude sur le plan fiscal. Nous apprécions les déclarations faites par le ministère des Finances dans la semaine du 16 octobre. Toutefois, nous avons encore de nombreuses questions. Par exemple, le ministère des Finances a dit qu’il n’irait pas de l’avant avec des mesures liées à la conversion des revenus en gains en capital. On pourrait penser que c’est un fait nouveau très positif. Cependant, le ministère des Finances a aussi signalé qu’il allait continuer d’élaborer des propositions tout en protégeant l’équité du système fiscal. De telles déclarations tardives créent une incertitude continue. Les plans de relève familiale sont en suspens depuis le 18 juillet, et les Canadiens ont besoin d’obtenir immédiatement des éclaircissements.

De plus, selon le tableau 8 du document de travail du 18 juillet, le ministère des Finances propose d’éliminer le compte des dividendes en capital. Le KASB et d’autres ont attendu avec impatience des précisions de la part du ministère des Finances concernant le compte des dividendes en capital, mais visiblement, aucune déclaration n’a été faite. Le KASB estime que le CDC est essentiel à l’intégration fiscale et ne devrait pas être éliminé.

Ensuite, nous aimerions aborder le revenu passif. La semaine du 16 octobre, le ministère des Finances a annoncé un nouveau cadre pour les revenus passifs gagnés à l’intérieur d’une SPCC. Le KASB croit que ce cadre concernant les revenus passifs créerait un mode d’imposition à deux niveaux au Canada et favoriserait ceux qui détiennent des richesses existantes au détriment de ceux qui essaient d’accumuler de la richesse, y compris les jeunes entrepreneurs.

La semaine dernière, j’ai demandé à 70 étudiants en commerce de l’Université Queen’s ce qu’ils pensaient de ce système. Il leur a fallu environ deux minutes pour se rendre compte que ce système leur est défavorable. On n’arrivait pas à croire que c’était proposé, compte tenu des grandes déclarations du ministère des Finances et du gouvernement au sujet de la création de l’équité fiscale.

Nous avons de nombreuses questions par rapport à la façon dont ce cadre fonctionnerait et par rapport aux diverses catégories de bénéfices non répartis qui devraient faire l’objet d’un suivi en vertu d’un tel système. Le cadre que les Finances ont défini serait très complexe et coûteux pour les Canadiens.

Le KASB croit qu’on ne peut concevoir cette politique fiscale sur le fractionnement des revenus en examinant simplement les tendances canadiennes, comme l’augmentation du nombre de sociétés privées au Canada et la valeur monétaire des investissements qu’elles détiennent. Dans l’économie mondiale d’aujourd’hui, où les capitaux, certaines industries commerciales et les entreprises futures sont mobiles, le Canada doit tenir compte de la compétitivité de notre système fiscal en ce qui concerne les revenus passifs par rapport à d’autres régimes fiscaux.

Par exemple, nous comprenons que des entreprises du Royaume-Uni paient généralement une taxe sur les revenus passifs de l’ordre de 19 p. 100. En outre, aux États-Unis, on croit que le gouvernement fédéral va publier, plus tard cette semaine, une version préliminaire de la loi, dans laquelle le taux d’imposition des sociétés fédérales de type C serait ramené à 20 p. 100, ce qui s’appliquerait aux revenus des investissements passifs. Un comptable professionnel agréé américain auquel nous avons parlé hier a dit qu’il serait désastreux pour le Canada d’augmenter son taux d’imposition des revenus passifs à 50 p. 100 de façon permanente, alors que les États-Unis abaissent leur taux d’imposition.

Nous sommes d’avis que la lacune réside dans le fait de comparer les SPCC et leurs actionnaires à d’autres particuliers canadiens. Cette façon de penser a pour résultat de désavantager les SPCC et leurs actionnaires par rapport aux entreprises publiques et à leurs actionnaires, ainsi qu’aux entreprises canadiennes qui sont la propriété de non-résidents. Nos sociétés privées au Canada font concurrence, dans de nombreux cas, à ces entreprises et ne devraient pas être désavantagées. Nous avons effectué des analyses qui montrent que les SPCC seraient désavantagées par rapport aux entreprises publiques et aux sociétés canadiennes qui sont la propriété de non-résidents en vertu du cadre proposé.

Le KASB estime que les résultats des politiques qui découleraient de ce cadre sont inappropriés et que les politiques devraient être abandonnées. Nous avons déjà entendu dire que les entrepreneurs planifient de déplacer l’ensemble ou une partie de leurs activités à l’extérieur du Canada ou sont en train de le faire. On nous a aussi dit que les entrepreneurs existants n’auraient pas quitté leur emploi dans une entreprise pour lancer leur entreprise existante dans l’environnement fiscal proposé.

Le dernier sujet dont j’aimerais parler est l’impôt sur le revenu fractionné, ou l’IRF. Le KASB est d’avis que certains des objectifs stratégiques ont du mérite; toutefois, le projet de loi provisoire ne fonctionne tout simplement pas. Les règles sont incroyablement complexes, et il serait coûteux pour le contribuable de s’y conformer.

Même si les Finances ont indiqué leur intention de simplifier les propositions et affirmé que celles-ci s’appliqueront uniquement aux membres de la famille qui n’apportent pas une contribution importante, un tel libellé n’est pas favorable à la simplicité.

Une raison pour laquelle les règles de l’IRF ne peuvent pas fonctionner, c’est qu’il y a un conflit inhérent entre le droit des sociétés et l’IRF, de telle façon que les plans de relève dans les sociétés de portefeuille familiales subissent des conséquences négatives.

Pour gagner du temps, nous vous renvoyons à notre mémoire écrit à des fins de commentaires sur l’IRF.

Je remarque que bon nombre de nos préoccupations n’ont pas encore été prises en considération par le ministère des Finances, comme les suivantes : les propositions ont des répercussions rétroactives et influent sur de nombreuses années de la planification de la retraite; les propositions pénalisent davantage les Canadiens à faible revenu que ceux qui sont déjà imposés dans la fourchette supérieure; l’IRF pourrait redéfinir les gains en capital tirés de la vente d’actions comme des revenus de dividendes. À cet égard, le ministère des Finances a affirmé qu’il n’appliquerait pas l’IRF lorsque l’exonération cumulative des gains en capital serait réclamée; toutefois, on n’a fourni aucune clarification à l’égard des gains en capital qui ne sont pas admissibles ou de ceux qui surpassent cette exonération.

Dans l’ensemble, les Finances ont mis le doigt sur ce qui semble être le problème de la répartition inégale de la richesse au Canada. Toutefois, le KASB affirme, en tout respect, qu’il y a deux lacunes fondamentales dans son approche en la matière.

D’abord, les Finances essaient d’utiliser les outils liés au revenu pour gérer la richesse. De tels outils sont imprécis, et c’est pourquoi les professionnels recensent autant de conséquences inattendues. Soyons clairs : nous ne disons pas qu’un outil de création de richesse devrait être utilisé, puisqu’un tel outil serait probablement désastreux dans le contexte du système fiscal mondial actuel.

Ensuite, les Finances citent la SPCC comme une raison expliquant cette inégalité de la richesse. D’après les données fournies par le ministère, la majorité des SPCC n’ont pas une richesse considérable, parce qu’une bonne partie de la richesse a déjà été déplacée à l’étranger ou n’est pas détenue par l’entreprise. Nous comprenons que l’évitement fiscal est 100 fois supérieur pour les avoirs à l’étranger que ceux au pays. Il sera utile que les Finances et l’ARC continuent de mettre l’accent sur l’évasion fiscale à l’étranger afin d’améliorer l’intégrité de notre système fiscal.

Nous encourageons aussi l’ARC à concentrer ses ressources sur la non-conformité nationale existante.

En conclusion, le KASB demande un examen exhaustif du système fiscal. Cependant, si, pour quelque raison que ce soit, un examen exhaustif n’est pas possible, nous avons deux demandes importantes pour le ministère des Finances. Premièrement, nous demandons qu’aucune nouvelle loi n’entre en vigueur avant le 1er janvier 2019. Deuxièmement, nous demandons au ministère des Finances, avant de publier toute législation révisée, de correspondre avec des membres du milieu fiscal, comme le comité mixte, de sorte qu’on puisse recenser à l’avance de nombreuses conséquences inattendues et qu’on puisse éviter une bonne partie de la confusion de l’été dernier.

Merci d’avoir permis au KASB de comparaître devant le comité aujourd’hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Mockler : Merci. Nous accueillons maintenant M. Benedict Leung, de l’Alliance concernant la réforme fiscale de 2017, de Mississauga, en Ontario.

Benedict Leung, agent de liaison, Alliance concernant la réforme fiscale de 2017 : Je remercie le Sénat de tenir cette réunion. Nous attendions déjà depuis un mois de parler de ces questions, puisque le ministre des Finances a mis fin aux consultations le 3 octobre.

Notre groupe est principalement composé de personnes d’origine chinoise et asiatique, qui se sont réunies en raison de leur intérêt concernant les entreprises asiatiques.

Je m’appelle Benedict Leung. Je suis comptable agréé depuis 1990. Je pratique la comptabilité publique et la fiscalité des petites entreprises depuis plus de 25 ans dans la région du Grand Toronto.

La plupart des points que je voulais soulever dans ma déclaration ont été abordés par les trois autres messieurs, alors je ne veux pas répéter quoi que ce soit.

En tant qu’immigrant et aussi en tant que comptable, je sais qu’il y a beaucoup de nouveaux arrivants qui aimeraient venir ici pour lancer leur entreprise. En raison d’obstacles linguistiques, beaucoup d’immigrants asiatiques qui viennent au Canada pour le faire ont habituellement de la difficulté à trouver un bon emploi bien rémunéré, alors ils travaillent fort pour faire venir des connexions internationales au Canada, surtout lorsqu’on pense que, aujourd’hui, notre ministre de l’immigration a annoncé que, au cours des prochaines années, notre politique d’immigration misera principalement sur les immigrants de la composante économique.

La plupart des gens, lorsqu’ils veulent trouver un endroit où offrir un meilleur avenir à leur famille, peuvent choisir parmi de nombreux pays du globe comme, par exemple, l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Si notre système fiscal devient un obstacle pour une nouvelle catégorie d’immigrants économiques voulant venir ici, ce sera une grande perte pour notre économie.

Parallèlement, de telles réformes fiscales proposées ne s’attaquent jamais aux grandes sociétés ou aux gens dont l’entreprise est sous contrôle étranger. Par conséquent, comme les autres témoins l’ont dit, les capitaux aussi sont mobiles. Les nouveaux arrivants peuvent adopter un autre mode de planification ou même tenter de contourner les exigences de l’année fiscale canadienne. Ils font de l’argent, même au Canada. Par conséquent, si on adopte un système fiscal plus simple au Canada, des investisseurs internationaux seront plus susceptibles d’injecter leur argent dans notre système pour créer de l’emploi, mettre au point des technologies et assurer notre avenir en tant qu’économie mondialisée.

Nous savons que l’Asie sera le théâtre du prochain boom économique des 10 prochaines années, alors nous devrions adopter un système fiscal plus favorable et plus simple qui permettra d’attirer plus facilement des gens ici.

Nous parlons d’équité. Équité ne signifie pas nécessairement égalité. Puisqu’on tente de mettre en place un système fiscal équitable, il ne faut pas oublier que les employés et les employeurs font face à des risques différents et ont des préoccupations qui sont différentes. Les grandes entreprises offrent toujours de généreux régimes de pension à leurs cadres, mais, dans la proposition actuelle, aucune règle et aucun règlement ne sont prévus pour essayer de s’assurer que les personnes paieront leur juste part d’impôt canadien sur ces pensions ou ces options d’achat d’actions.

Pour les petites et moyennes entreprises, ces revenus passifs, à part lorsqu’ils servent à maintenir un cycle d’affaires sain, lorsque le besoin se fait sentir, devraient aussi servir de pension pour beaucoup de petites entreprises. Beaucoup de propriétaires de petites entreprises n’ont pas de REER et n’ont pas les moyens de financer ou de payer une planification fiscale dispendieuse en vue de leur pension ou se doter d’un plan de retraite individuelle. Les grandes sociétés ont aussi plus de ressources pour exercer des pressions sur le gouvernement afin d’obtenir des changements et un soutien accru de sa part. Dans tout ça, les petites entreprises sont laissées à elles-mêmes et, essentiellement, elles sont impuissantes lorsqu’elles ont besoin d’aide.

Heureusement, le Sénat tient ce genre d’audiences. Habituellement, les membres de la communauté asiatique, surtout la communauté chinoise, ne parlent pas de la plupart des enjeux. Ils se disent toujours que c’est un problème pour tout le monde, et qu’il faut emboîter le pas aux autres. Cependant, lorsque le ministre des Finances a proposé ces réformes fiscales, tous les membres de la communauté ont massivement voulu passer à l’action. C’est la raison pour laquelle nous avons réussi à créer une alliance de plus de 20 associations d’affaires en quelques jours.

Notre préoccupation concerne la communauté, et je répondrai volontiers à vos questions.

Le sénateur Mockler : Merci. Nous allons commencer la période de questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup à vous tous d’être là ce soir.

Je crois que presque tous les enjeux que vous avez soulevés l’ont été par de nombreux témoins qui ont comparu devant le comité dans le passé. Cependant, ce qui a probablement été le plus intéressant, c’est la comparution du ministre, ici, aujourd’hui. Il a lui aussi parlé de certains des enjeux que vous avez soulevés.

Avant de poser ma question, je veux mentionner deux ou trois choses qui ont été dites aujourd’hui et qui pourraient vous intéresser.

Pour commencer, le ministre est déterminé à aller de l’avant avant les changements, même si certains détails n’ont pas encore été communiqués. Il ne fait aucun doute qu’il est déterminé à aller de l’avant avec les changements.

Selon moi, il ne semblait pas ouvert du tout à un examen général du système fiscal. Un certain nombre de témoins l’ont recommandé, mais le ministre ne semblait pas du tout apprécier cette idée.

Il n’y a pas eu d’évaluation approfondie de l’incidence des changements proposés sur l’économie. C’est quelque chose que nous demandions.

Je ne crois pas que nous avons généré les quantités de revenus que le gouvernement croit pouvoir générer grâce à ces changements, mais j’ai lu dans des articles que le gouvernement s’attend à récupérer 250 millions de dollars pour ce qui est du fractionnement des revenus et plusieurs fois cette somme en raison des modifications liées aux revenus passifs.

L’une des choses intéressantes que le ministre a abordées, aujourd’hui — et nous avons eu des discussions à ce sujet avec les témoins —, c’est que dès qu’il y a une réaction sur les changements proposés, c’est toujours une menace. Toutes les fois que le gouvernement veut faire des changements, le milieu des affaires profère une menace, mais il n’y donne jamais suite. C’est une discussion que nous avons eue avec l’Association des médecins de l’Ontario. Lorsque les médecins ne sont pas heureux de quelque chose, on entend la menace que les médecins déménageront au sud de la frontière, mais ce n’est jamais le cas.

Pouvez-vous nous en parler? Pourquoi y a-t-il toujours des menaces, sans qu’on y donne suite? À la lumière de ce que vous dites actuellement, je m’attends à ce que quelque chose se produise. Quand constaterons-nous les répercussions de ces changements, et quelles seront-elles?

M. Beatty : Madame la sénatrice, puis-je réagir aux trois principaux points que vous avez soulevés? Le premier concernait la question de l’examen global. La dernière fois qu’un examen complet et exhaustif de notre système a eu lieu, c’est un peu avant que je sois élu député pour la première fois. Contrairement à la croissance populaire, cela ne remonte pas au temps de la Confédération. J’ai été élu en 1972. J’ai été ministre du Revenu national de 1984 à 1985. À cette époque-là, déjà, tous les couper-coller qui avaient été faits dans le système avaient créé un cadre fiscal qui était devenu extrêmement complexe, un système dans lequel le commun des mortels ne se retrouvait pas, un système auquel les gens avaient de la difficulté à se conformer.

Ce système est devenu encore plus complexe depuis. Si vous vous inquiétez de la compétitivité, alors il y a un problème si les gens d’affaires passent leur temps à essayer de trouver la place de leur entreprise entre une virgule et un point-virgule de la Loi de l’impôt sur le revenu plutôt que de se concentrer sur l’élaboration d’un plan d’affaires et d’essayer d’attirer de nouveaux clients ou de créer de nouveaux produits. Nous avons besoin de cet examen global pour nous assurer que nous sommes concurrentiels.

Pour ce qui est du deuxième point, soit la quantité d’argent qui sera générée, la réponse, c’est que nous ne savons pas. C’est la raison pour laquelle nous avons réalisé une étude de l’impact économique de toutes ces propositions, afin qu’on sache quelle sera l’incidence nette sur notre économie. Il faut savoir quel sera l’effet probable sur l’emploi et les investissements, et ce qui arrivera aux revenus. D’un côté, évidemment, il y a l’effet immédiat de l’augmentation des recettes fiscales pour le gouvernement, mais, si on décourage l’investissement et la croissance, quel est l’impact net pour l’économie canadienne? C’est quelque chose qu’il faut prendre en considération. Nous n’avons pas ces données actuellement.

Le troisième point, c’est la question que vous nous avez posée, c’est-à-dire si le système modifié fera en sorte que les gens d’affaires agiront différemment. La réponse, c’est qu’il faut bel et bien s’attendre à ce que ce soit le cas. Ce qui est difficile, dans ce genre de situation, c’est de trouver une façon de faire un suivi des investissements qui ne seront pas faits, des emplois qui ne seront pas créés et des gens qui ne viendront pas ici, que ce soit d’Asie ou d’ailleurs, en tant qu’entrepreneurs, pour lancer de nouvelles entreprises.

Ce qui m’inquiète plus que tout dans mes interactions avec nos 200 000 membres, c’est que les entreprises me disent de plus en plus souvent que leur plus grande source de concurrence n’est pas externe, elle est interne, lorsque vient le temps de faire les budgets, tandis qu’elles essaient de justifier le maintien ne serait-ce que des investissements déjà faits au Canada, à plus forte raison lorsqu’elles tentent d’attirer de nouveaux investissements au pays. Ce dont nous avons besoin plus que tout le reste, si nous voulons être concurrentiels, c’est la capacité d’attirer des investissements au Canada.

Je vous promets que, si nous continuons d’augmenter le coût des affaires dans une administration comme le Canada où les coûts sont déjà très élevés, l’impact net, c’est que l’argent traversera la frontière comme la lumière traverse le verre, et les investissements seront faits ailleurs, ce qui constituera une perte nette pour les Canadiens, et elle sera importante.

La sénatrice Marshall : Je suis d’accord avec tout ce que vous dites, mais, à la lumière de mon interprétation de ce que le ministre a dit aujourd’hui, je ne crois pas qu’il soit aussi convaincu que moi. J’aimerais bien que d’autres témoins du groupe répondent à ma question sur ce qui, selon eux, se produira une fois ces changements apportés.

M. Burggraaf : Je ne peux pas nécessairement parler de la menace de quitter le pays, parce que la coalition réunit des membres de nombreux secteurs différents. Dans mon secteur, il y a des entreprises qui achètent actuellement des terrains aux États-Unis pour s’assurer de pouvoir poursuivre leurs activités l’année prochaine. C’est dans le domaine de la construction résidentielle.

Ce que je dirai au sujet de la réaction des entreprises à ce qui se passe, c’est que, lorsqu’on est dans un tel environnement, la réaction des entreprises, c’est le repli. Lorsqu’il y a une menace qui pèse sur la quantité de capitaux qu’on a ou qui vise les investissements futurs, on empile de l’argent en vue des mauvais jours. On ne va pas acheter le prochain terrain, dans le cas de la construction résidentielle, ou on ne va pas faire le prochain investissement. On garde notre argent, parce qu’on est craintif quant aux revenus qui seront générés…

La sénatrice Marshall : L’incertitude.

M. Burggraaf : Oui, et le genre de revenus nets auxquels on peut s’attendre l’année suivante. Par conséquent, on n’embauche pas la personne de plus dont on aurait vraiment besoin. On pourrait embaucher cette personne de plus, et elle pourrait aider, mais on s’arrangera plutôt avec les trois employés ou peu importe combien il y en a déjà. L’impact sur l’économie est très dur à mesurer, comme M. Beatty l’a dit, mais c’est la réaction des entreprises.

M. Skilnick : Si vous me le permettez, j’ajouterai deux ou trois choses tirées de mon expérience à Kingston; si je m’en tiens seulement à mon cabinet comptable, nous avons déjà deux médecins qui sont partis aux États-Unis, je crois, en partie, en raison du langage malheureux qui a été utilisé — ils se sont sentis ciblés — et aussi en raison de l’environnement.

Ensuite, nous avons des conversations, particulièrement avec une entreprise, et, en fait, ce que je vais vous dire s’est produit aujourd’hui. Les représentants de l’entreprise ont soulevé la question. Ils ont dit : « Nous allons peut-être aller aux États-Unis en raison du taux d’imposition plus bas. Devrions-nous transférer notre propriété intellectuelle? » C’est une entreprise très solide, une entreprise qui investit de 10 à 20 millions de dollars actuellement. C’est une conversation très sérieuse qui a commencé aujourd’hui.

Des capitaux sont déjà investis, d’après ce qu’on me dit, à l’extérieur du Canada. C’est déjà commencé. Nous n’avons pas à attendre pour voir l’effet. Je peux mentionner l’exemple des 60 millions de dollars au sein d’une famille. Elle avait le choix du lieu où elle allait investir, et ce n’est pas au Canada.

L’autre point que je voulais soulever, c’est que, lorsque nous regardons les milléniaux... L’important, ce n’est pas seulement d’avoir le bon système fiscal, il faut aussi qu’ils adhèrent au système fiscal. Lorsqu’on regarde les milléniaux, ils sont déjà un peu cyniques au sujet de la façon dont le système joue contre eux. Particulièrement lorsqu’il est question de revenu passif, il faut faire attention. S’ils sont convaincus que le système joue contre eux et que les gens qui les ont précédés l’ont eu plus facile, notre système perd sa crédibilité, et nous risquons de perdre nos meilleurs entrepreneurs.

Le sénateur Mockler : Monsieur Leung, vous avez des commentaires à formuler?

M. Leung : J’aimerais vous parler de mon expérience. On m’a dit que beaucoup de gens d’affaires profèrent des menaces, mais ne passent pas à l’action. Mais je peux vous dire que mon médecin de famille m’a dit qu’il travaille actuellement cinq jours et demi, et qu’il réduira sa semaine à quatre jours et demi. Beaucoup de mesures seront prises sans qu’on les ressente immédiatement, et l’effet sera graduel. Lorsque nous constaterons l’effet, il sera trop tard pour les remèdes. J’espère que le ministre des Finances ne regardera pas seulement un ou deux ans plus loin à l’avenir, mais qu’il pensera à la prochaine décennie lorsqu’il réfléchira aux répercussions sur l’économie canadienne, pour la profession médicale et notre système de santé. C’est important d’y réfléchir.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup à vous tous de vos exposés. Comme la sénatrice Marshall l’a dit, nous avons déjà entendu beaucoup des choses que vous nous avez dites, mais c’est bon de les entendre à nouveau.

L’une des choses que j’ai soulevées auprès du ministre, et il n’a pas répondu, c’est l’incertitude et la perte de confiance à l’égard du système provoquée dans le marché depuis l’été. Pour les propriétaires d’entreprise, la certitude et la stabilité sont très importantes à la croissance. La raison pour laquelle nous avons eu de bons résultats au Canada, c’est que notre pays a toujours bénéficié de la certitude et de la stabilité. Le fait de se blâmer les uns les autres génère beaucoup d’animosité, et les gens ne sont pas heureux. Certains partent. Ils ne partiront peut-être pas tous, mais ils n’ont plus l’intention d’investir.

La question que je vais maintenant vous poser à nouveau, je l’ai posée au ministre aujourd’hui. Il semble que les règles proposées sur les revenus passifs veulent traiter les sociétés privées comme des particuliers à des fins d’équité fiscale. Est-il équitable qu’on permette aux sociétés publiques de continuer de bénéficier des avantages fiscaux qu’on refuse maintenant aux sociétés privées? Se préoccupe-t-on du fait que les sociétés publiques utiliseront cet avantage fiscal pour absorber des sociétés privées?

Mes collègues peuvent me corriger si j’ai mal compris le ministre, mais j’ai entendu dire que les sociétés publiques paient de l’impôt. Bien sûr, qu’elles paient de l’impôt. Je crois qu’il a même dit qu’elles en payaient plus. Bien sûr, qu’elles en paient plus, mais le problème n’est pas là. Les problèmes étaient liés aux revenus passifs et aux bénéfices non répartis. Le gouvernement ne s’en prend pas aux sociétés publiques, il s’en prend aux petites sociétés. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Beatty : Si je peux commencer par nous, j’aimerais bien donner le microphone à M. Brakel, notre économiste en chef.

Hendrik Brakel, directeur principal, Politiques économiques, financières et fiscales, Chambre de commerce du Canada : Le défi, c’est qu’il existe des sociétés privées de toutes les tailles. Il peut s’agir de grandes sociétés minières ou de grandes compagnies de services publics — une société publique — et la seule différence entre elles, c’est qu’une d’elles transige en bourse. Le simple fait d’être inscrit à la bourse fait en sorte que ces entreprises paient beaucoup moins d’impôt.

Alors pourquoi cette iniquité ou ces systèmes différents? Nous avons posé cette question plus d’une fois aux responsables des Finances. Ils ont dit : « Parce qu’une personne dans une société privée peut en tirer personnellement profit, et c’est la raison pour laquelle il faut faire la distinction ». Je comprends qu’il y a de grandes sociétés privées, mais elles n’appartiennent pas toutes à des milliardaires sinistres. Beaucoup d’entreprises comptent 100, 200 ou 500 employés et elles veulent économiser pour les temps difficiles.

Nous sommes tout à fait d’accord. Votre question est cruciale. Pourquoi veut-on créer une si grande inégalité au sein de notre système fiscal? Je crois que c’est sans contredit une erreur.

Loren Kroeker, vice-président principal des Services de fiscalité, Coalition pour l’équité fiscale envers les PME : J’aimerais ajouter que toutes les règles proposées s’appliquent aux sociétés privées sous contrôle canadien. Elles ne s’appliquent pas aux sociétés publiques ou aux sociétés privées qui ne sont pas sous contrôle canadien. Il y a un autre groupe de sociétés qui n’est pas touché.

M. Skilnick : Je veux tout simplement ajouter que le Kingston Advocacy for Small Business partage absolument votre préoccupation. Si on ajoute à tout ça les règles de planification de la relève aux articles 84.1 et 246.1, elles auraient fait en sorte qu’il serait beaucoup plus avantageux pour les entreprises familiales d’être vendues à de tierces parties. L’une de nos principales préoccupations, c’est que toutes ces règles poussent les entreprises familiales et les petites entreprises dans cette direction.

M. Leung : Je voudrais répéter un des commentaires qui ont été formulés. Une société publique, c’est aussi une société sous contrôle étranger. C’est simple pour les immigrants. Ils ont des membres de la famille à l’extérieur du pays. Ils peuvent prendre des arrangements de façon à ce qu’une société privée sous contrôle canadien paie plus d’impôts que ces personnes. Pourquoi ces gens qui ont des entreprises sous contrôle étranger créent-ils des structures fiscales moins coûteuses? Les propriétaires de SPCC qui travaillent très dur et qui choisissent de vivre au Canada et de payer plus d’impôt… Je ne sais pas pourquoi le ministre n’en tient pas compte.

La sénatrice Jaffer : L’autre chose qui me préoccupe — j’ai posé la question, mais je ne me souviens plus ce que vous avez dit, je suis désolée, mais c’est au sujet des placements passifs de 50 000 $ —, eh bien, des gens à qui j’ai parlé m’ont dit que c’est une mesure vraiment arbitraire. Certains d’entre vous l’ont déjà dit, mais cela pourrait signifier que ces 50 000 $ pour une entreprise à propriétaire unique ne cause peut-être aucun problème, mais disons que quatre frères œuvrent au sein d’une entreprise. Pour eux, 50 000 $ de placement passif ne sont peut-être pas nécessaires. Ils devront alors créer des sociétés de portefeuille et des structures complexes pour tirer profit des 50 000 $. On rendra les structures des entreprises plus complexes.

Évidemment, nous n’avons pas encore établi de règles. C’est la raison pour laquelle c’est difficile. Dans notre pays, où l’on croit à l’égalité, de quelle façon peut-on dire arbitrairement que ce sera 50 000 $? Je n’ai jamais vu ce genre de montant arbitraire. C’est vous, les experts. Est-ce quelque chose que vous avez déjà vu avant?

M. Brakel : C’est un excellent point. Certaines pépinières qui doivent composer avec les saisons ont d’importants revenus passifs, mais si on regarde une entreprise qui compte 50 ou 80 employés, on parle de 1 million de dollars d’actifs qui génère 50 000 $.... Ce n’est pas beaucoup d’argent pour résister à un ralentissement économique. Une fois qu’on atteint le taux d’imposition de 73 p. 100, les entreprises retireront leur argent ou tenteront de trouver des moyens de le sortir de l’entreprise.

On se retrouvera avec des moyennes et grandes entreprises qui n’ont plus les mêmes économies qu’avant, alors nous craignons qu’elles deviennent moins stables et qu’elles résistent moins en cas de ralentissement économique.

M. Burggraaf : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, l’autre enjeu dans ce dossier, c’est que les revenus ne sont pas nécessairement les mêmes d’une année à l’autre, alors il n’y a aucune transparence ni même aucune indication de l’intention. Disons qu’on obtient 25 000 $ une année, et 75 000 $ l’année suivante, de quelle façon est-ce que ça s’équilibre? Il n’y a aucune indication de ce en quoi consistent les attentes non plus.

Karen Sands, membre et porte-parole, Kingston Advocacy for Small Business : Je pense exactement la même chose que les autres témoins, mais une autre chose à laquelle nous avons pensé, c’est que nous ne savons pas exactement ce qu’incluront les 50 000 $. Incluront-ils les gains en capitaux découlant de la vente d’actions ou d’immobilier? Certains ont laissé entendre que la richesse actuellement détenue au sein d’une société serait protégée de ces règles, mais le sera-t-elle lorsque ces actifs seront vendus? Qu’inclut-on dans ce seuil de 50 000 $?

Assurément, dans la base de clients que KASB représente, ici, on compte un large éventail d’entreprises de toutes tailles et la quantité de capitaux dont ces entreprises ont besoin varie aussi beaucoup. Le fait d’essayer d’appliquer un genre de seuil universel comme celui-ci nous fait croire que ce sera très préjudiciable pour certains.

Le sénateur Mockler : Monsieur Leung?

M. Leung : Oui, je peux dire que, lorsqu’on a 50 000 $ de revenus... Mais qu’en est-il des revenus accumulés, qui n’ont pas été réalisés? Feront-ils partie des 50 000 $? Si on accumule des actifs, mais que ce n’est pas reconnu — pas les revenus — et puis on emprunte dans ces administrations et qu’il y a des limites… Il y a beaucoup de problèmes techniques où des précisions sont nécessaires. Je ne comprends tout simplement pas de quelle façon notre ministre des Finances peut tout simplement dire : « 50 000 $. » Pourquoi pas 55 000 $? Pourquoi pas 60 000 $? Il ne se rend pas au marché acheter quelque chose. Offrir 50 000 $ pour acheter une voiture. Ce n’est pas vraiment responsable. C’est ainsi que je vois les choses. Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Il s’agit de la 13e réunion dans le cadre de cette étude, et le comité se rendra à l’ouest et à l’est du pays, en passant par les Maritimes, pour mener des consultations. Quatre préoccupations qui reviennent constamment lors des témoignages concernent le revenu passif, la fragmentation du revenu, le transfert transgénérationnel ainsi que les exemptions de gain en capital.

Aujourd’hui, le ministre a comparu devant le comité, mais une question demeure. C’est que même après les modifications, la majorité des gens s’interrogent à savoir comment l’Agence du revenu du Canada (ARC) appliquera les nouvelles règles fiscales. À la suite de la comparution de représentants de l’ARC devant notre comité, nous aurions souhaité obtenir des précisions afin de mieux informer les entrepreneurs canadiens au sujet des modèles d’application. Sachant très bien que la loi n’est pas sanctionnée et que ce n’est pas définitif, nous aurions aimé avoir une plus-value sur le plan de la consultation. Nous sommes actuellement dans une dynamique de réaction face à un important projet de réforme fiscale. Le ministre nous a dit de ne pas nous inquiéter et qu’il voulait assouplir, simplifier les règles fiscales. Mais lorsqu’on lui a demandé comment il entendait le faire, nous n’avons pas obtenu de réponse.

Il est clair que nous pourrions discuter longuement de tous ces grands enjeux. Lors de l’une de nos réunions, un jeune entrepreneur de 30 ans a affirmé ceci : « Avec la courbe démographique, il va y avoir énormément de transferts d’entreprises. Moi, je veux accumuler des capitaux pour saisir des opportunités de marché ». Bien sûr, il y a une foule de raisons de vouloir accumuler du capital. De nos jours, bien que les propriétés soient moins axées sur le matériel, le renouvellement des équipements spécialisés et l’assurance d’une retraite pour le propriétaire d’entreprise font partie de ces raisons multiples.

Le ministre a annoncé que la réforme fiscale ne se ferait pas pour janvier 2018, mais probablement avant le dépôt du budget. Est-ce inhabituel que de demander à des organisations comme la vôtre de nous proposer des règles d’application qui seraient convenables afin que le Canada soit à la fois équitable et compétitif sur le plan de son régime fiscal? On parlait tantôt de la fuite des capitaux, mais il existe aussi la fuite de cerveaux. La situation démographique au Canada est telle que l’un des enjeux majeurs pour nos entreprises, au cours des prochaines années, est d’assurer la relève, entre autres, à l’intérieur même des organisations. Nous aurons un mémoire à déposer qui devrait être le plus objectif et pertinent possible. Est-ce que des organisations comme la vôtre pourraient amorcer une réflexion pour ensuite nous transmettre, selon votre expérience et votre savoir-faire, des règles d’application qui seraient efficaces et équitables afin d’encourager l’entrepreneuriat au Canada?

[Traduction]

M. Beatty : Monsieur le sénateur, nous pouvons bien sûr réaliser certaines de ces activités. Nous en avons déjà fait un peu. J’imagine que ce que je demanderais au ministre, c’est qu’il faudrait éviter les délais arbitraires. Il faut bien faire les choses. Particulièrement après l’expérience de cet été, c’est d’autant plus important que, peu importe les changements que nous apporterons, nous y réfléchissions bien et que nous fassions bien les choses. C’est la raison pour laquelle l’audience actuelle du comité est aussi importante; elle donne aux Canadiens l’occasion d’être entendus. Prenez le temps qu’il faut, obtenez l’information nécessaire, puis prenez une décision.

Il faut mettre tous les facteurs sur la table. Ce que je comprends, de ce que vous et vos collègues dites, c’est que vous avez tenté d’obtenir l’information, comme nous, pour connaître exactement les détails. Qu’est-ce que le gouvernement a en tête ici? De quelle façon procédera-t-on à la mise en œuvre? Nous ne le savons pas actuellement. De quelle façon peut-on réagir à quelque chose lorsqu’on ne sait pas ce qui est proposé? Ce n’est pas une bonne façon de faire des lois.

Nous avons formulé des suggestions liées au fractionnement des revenus, par exemple. J’ai demandé de quelle façon on peut évaluer les contributions d’un conjoint. Je suis un ancien ministre du Revenu national, et je peux vous dire que, lorsque le gouvernement du Canada utilise toutes ses ressources contre un propriétaire de petite entreprise, qui possède un dépanneur ou une exploitation agricole familiale, et que ce dernier est confronté à toutes les ressources que possède le gouvernement du Canada, c’est intimidant et impressionnant, et ses probabilités de réussite sont très faibles. Cette personne doit débattre de la différence entre les 40 000 $ que l’ARC affirme que son conjoint a contribué à l’entreprise, et les 70 000 $ qui, selon elle, sont appropriés. De quelle façon cette personne peut-elle sortir gagnante, lorsque, d’entrée de jeu, il faut composer avec des critères aussi vagues?

Nous avons donc formulé certaines suggestions. M. Brakel peut vous parler d’une des façons qu’on pourrait utiliser pour atteindre l’objectif exprimé par le ministre, son objectif de préciser et de simplifier la mesure.

M. Brakel : Exactement. Nous avons formulé des suggestions sur la possibilité d’accepter un affidavit, par exemple, de l’entreprise précisant les tâches. On pourrait accepter ce document sur parole, plutôt que d’exiger la tenue d’une vérification plus officielle sur le fractionnement des revenus. Nous apprécierions vraiment beaucoup l’occasion de travailler avec les Finances et de formuler des suggestions. Nous avons des comités d’experts qui ont des recommandations à formuler.

Personne à la Chambre de commerce du Canada ni à la Coalition pour l’équité fiscale envers les PME n’est favorable aux échappatoires ou aux exemptions dont bénéficient les personnes qui tentent de contourner le système. Nous voulons un système juste qui fonctionne bien pour les propriétaires d’entreprise et qui est clair.

Le sénateur Mockler : Y a-t-il d’autres commentaires?

M. Kroeker : Je veux simplement ajouter que je comprends votre question, particulièrement lorsque vous parlez des revenus passifs. Je crois qu’il est très difficile pour nous de proposer des idées ou de formuler des suggestions concrètes en ce qui a trait à la mise en œuvre parce que, franchement, je ne suis pas sûr de comprendre quel est l’objectif du gouvernement en ce qui concerne les revenus passifs. Je crois que, tant qu’on ne comprendra pas vraiment là où le gouvernement tente d’en venir, nous ne pouvons pas vraiment l’aider à trouver des façons d’y arriver.

M. Skilnick : J’aimerais tout simplement ajouter que des groupes comme le nôtre, le comité conjoint et d’autres intervenants du milieu fiscal sont tout à fait prêts à travailler en collaboration avec les Finances pour aider à trouver des mesures qui n’auront pas toutes ces conséquences imprévues. Nous espérons que cela se produira avant l’adoption d’une nouvelle loi.

Nous avons réfléchi, en groupe, aux propositions que nous pourrions faire dans les limites du cadre existant, et au sujet de l’IRF, voici ce que nous nous sommes dit : « Eh bien, nous ne croyons pas que le cadre existant fonctionne puisqu’il ne nous permet pas de vendre des parts de notre entreprise familiale sans que quelqu’un soit obligé de payer l’IRF au taux maximal sur les gains en capital. » C’est bien trop difficile à vendre, quand des membres de la famille sont concernés; il faut tenir compte de l’IRF. Il semblerait que le grand coupable, c’est le versement de dividendes aux enfants âgés de 18 à 24 ans. Il semble que c’est l’un des grands problèmes qu’ils essayaient de régler. D’un coup de crayon, ils ont fait passer l’âge de 18 à 24 ans. Il peut arriver que nous rations quelque chose, mais dans l’ensemble, voilà du moins un critère clair, que les gens peuvent comprendre. Il existe déjà un système que les spécialistes et les clients comprennent. Cela pourrait fonctionner.

L’autre chose, c’est que, si vous avez besoin de revenus fiscaux supplémentaires et que vous voulez vraiment vous enrichir, le meilleur outil dont vous disposez, c’est probablement notre TPS/TVH. Vous n’y toucheriez probablement pas sans faire d’abord un bon examen des répercussions des changements, mais vous devez quand même vous assurer de ne pas causer de préjudice aux Canadiens à faible revenu ou à revenu moyen. Mais vous pourriez, je présume, obtenir ce résultat en modifiant les fourchettes d’imposition. Si vous ne voulez pas accorder aux Canadiens les plus riches les avantages qui viennent avec les fourchettes d’imposition des Canadiens à faible revenu ou à revenu moyen, vous disposez d’un système de récupération. C’est peut-être une façon plus efficace d’atteindre une partie des objectifs que se sont fixés le ministère des Finances et le gouvernement.

Le sénateur Mockler : Monsieur Leung, avez-vous des commentaires à faire?

M. Leung : À ce sujet, si nous nous demandons comment mettre certaines politiques en œuvre et quel serait le meilleur système à utiliser, si la politique ou le système n’est pas lié à un objectif clair, il est vraiment très difficile pour nous de vous donner des suggestions sur la façon d’en assurer la mise en œuvre. Cela représenterait un fardeau énorme pour les gens de l’ARC, et ce serait également difficile pour le Canada. Tout peut être contesté, même selon le système en vigueur, où c’est déjà l’ARC qui s’en charge, et il se peut que les étapes de l’évaluation et de la réévaluation soient retardées de mois en mois. Si vous adoptez de nouveaux règlements et de nouvelles politiques et que la haute direction ne sait même pas comment les mettre en œuvre, comment le personnel peut-il le faire et expliquer aux contribuables ce qu’ils doivent faire? On ne peut pas de but en blanc accuser quelqu’un de ne pas avoir fait ce qu’il convenait de faire. Voilà ce que nous avons à dire. Comme l’autre témoin l’a dit : l’ARC peut compter sur d’énormes ressources, mais comment le propriétaire d’une petite entreprise peut-il à lui seul défendre ses droits? Si c’est ainsi que ça se passe, il n’y a plus de justice.

[Français]

Le sénateur Forest : Je pense que vous êtes tous prêts à collaborer avec le ministère des Finances pour bonifier les mesures fiscales. J’ai consulté 21 000 mémoires. Nous allons aussi déposer un mémoire. Nous devrions être en mesure de faire des recommandations concrètes. Sinon, nous allons simplement répéter que l’ensemble des entrepreneurs canadiens sont inquiets. Il y a des problèmes avec les revenus passifs et le fractionnement des revenus. C’est ce qu’on entend tous les soirs. Je vous lançais l’invitation pour que vous nous fournissiez des exemples concrets. Un témoin nous a dit qu’à moyen terme, le gouvernement se dirigeait vers une diminution des revenus. Avec la fuite des capitaux, il y aurait moins de revenus. Les revenus passifs actuels seront éventuellement perçus par le gouvernement, car ils serviront aux régimes de retraite où la ponction sera imposée au moment où ils vont l’utiliser.

[Traduction]

M. Beatty : Si vous me permettez un commentaire, c’est précisément pour cette raison qu’il faut que le gouvernement nous communique les résultats des analyses sur les répercussions économiques portant sur chacune des mesures dont il est question ici. On vous demande de juger de tout cela en tant que parlementaires. On ne vous donne pas l’information dont vous avez besoin pour comprendre quelles seront les répercussions globales sur l’économie du Canada. Le gouvernement vous doit cette information. Il la doit aux Canadiens. Nous pouvons tous parler de ce que nous en comprenons, et cette compréhension est bien souvent fondée sur les anecdotes que nos membres, nos clients ou nos collègues nous ont racontées, et elles concernent le milieu des affaires, mais c’est le gouvernement qui devrait nous donner l’exemple et c’est lui qui devrait faire les analyses des répercussions économiques.

La seule autre chose que je dirais, ce serait pour souligner ce que M. Brakel a dit plus tôt. Personne parmi les témoins ici présents et personne parmi les membres du comité ne se portera à la défense des personnes qui profitent du système. Mais on demande aux honnêtes gens d’affaires de combler le manque à gagner. Ce qui nous préoccupe, c’est que des mesures qui doivent cibler un très petit nombre de personnes peuvent avoir des répercussions très négatives sur un grand nombre de personnes et avoir des conséquences sur l’ensemble de l’économie du Canada. Et cela n’est intéressant pour personne.

Le sénateur Mockler : Merci. Pour votre information, pour revenir à la question du sénateur Forest, notre recherchiste confirme que le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures, dont le titre abrégé est « Loi no 2 d’exécution du budget de 2017 », je le dis aux fins du compte rendu, a été déposé devant l’autre Chambre vendredi dernier, le 27 octobre. Même si ce projet de loi compte 317 pages et propose plusieurs modifications de la Loi de l’impôt sur le revenu, il ne contient aucune mesure touchant les réformes fiscales annoncées le 18 juillet 2017 ou plus tard, en octobre. Donc, en ce qui a trait aux procédures parlementaires, la seule autre occasion qu’il nous sera donné de savoir ce qui pourrait suivre, ce sera le budget de 2018. Cela dit, et je m’adresse aux témoins, si vous vous intéressez aux procédures et que vous voulez fournir de l’information supplémentaire touchant ce que vous avez entendu cet après-midi, veuillez les communiquer à la greffière.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez parlé d’une foule de choses qui seront, je crois, importantes pour notre étude. Vous avez parlé de la nécessité de faire une analyse des répercussions économiques. Vous avez dit également que vous deviez connaître l’objectif du gouvernement. Je crois que nous devons régler ces questions avant d’être en mesure de présenter des recommandations et avant que vous soyez en mesure de présenter des recommandations. Je suis très inquiète quand je pense à la mise en œuvre, mais c’est en raison de l’histoire de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je ne vous dirai pas combien de pages comptait la Loi de l’impôt sur le revenu lorsque je suis devenue avocate, mais je sais aujourd’hui que c’est impossible. Il faut de très solides compétences pour arriver au bout.

Je suis préoccupée, parce que j’ai entendu le ministre dire en toute franchise qu’il s’inquiétait. Je crois qu’il s’inquiète pour les employés, par opposition aux personnes qui dirigent une entreprise, et je crois que c’est juste. Nous devons nous inquiéter des employés. L’économie n’est pas sans risque, pour eux. Nous avons ensuite les travailleurs autonomes, que nous voulons encourager, et pour qui l’économie n’est pas non plus sans risque.

J’ai donc entendu le ministre essayer de comparer ces deux groupes, chercher à équilibrer leurs revenus, affirmer qu’ils devraient avoir droit aux mêmes avantages et que personne ne devrait avoir droit à des allégements fiscaux. Je croyais que nous avions déjà dépassé cette étape, puisque nous avons entendu toutes les consultations, mais il semble que nous allons encore devoir réfuter cela avant de pouvoir avancer. Ce n’est pas une bonne comparaison, à mon avis. Peut-être que mes collègues ne seront pas du même avis que moi.

Quand j’entends le gouvernement dire qu’il tient à modifier la fiscalité et à en assurer l’équité, je n’ai rien à dire. Je veux qu’elle soit équitable. Mais je ne sais pas si le gouvernement se sert de la bonne équation.

Ensuite, j’entends le gouvernement dire qu’il veut assurer la croissance de l’économie, et les autres ministres disent la même chose. J’entends dire que l’on veut retenir les entrepreneurs. Nous voulons utiliser tous les talents de la jeune génération, les mettre à profit, en faire la promotion et devenir concurrentiels à l’étranger.

Je siège à un autre comité, et j’ai entendu des représentants de la jeune génération et d’autres entreprises dire qu’ils arrivaient à exploiter leurs idées, à cette première étape, et à mettre sur pied une petite entreprise. Mais ils disent aussi qu’il leur est très difficile de devenir une moyenne entreprise, parce qu’ils ne savent pas où s’adresser pour trouver du financement. Il y a des risques différents. Et le revenu passif est devenu un véhicule.

Ce qui est plus préoccupant encore, c’est que les moyennes et grandes entreprises détiennent l’argent; pourtant, les membres de la jeune génération veulent prendre de l’expansion sur les marchés internationaux et se sentent pénalisés. C’est à ce moment-là que nous avons imposé la tranche supérieure des 1 p. 100. Mais nous n’avons pas touché de revenus. Alors, comment allons-nous imbriquer tout cela?

De plus, j’entretiens de grandes craintes au sujet des agriculteurs et du transfert de revenus entre les générations. Je crois que le ministre, je l’espère, a saisi cela.

Il y a aussi un autre problème, celui des médecins. Notre population vieillit. Nous avons besoin de compétences. Nous parlons de nos besoins en santé et du coût qu’ils entraînent.

Y en a-t-il parmi vous qui ont parlé au ministre, au premier ministre ou à quelqu’un d’autre? Comment pouvons-nous imbriquer cela pour en faire un tout cohérent? Il ne s’agit pas seulement d’une analyse des répercussions économiques faites par le ministère des Finances. Il s’agit des répercussions économiques sur l’ensemble du système. Et je n’ai même pas encore parlé des provinces et de ce dilemme.

M. Beatty : Madame la sénatrice, vous avez expliqué de façon bien plus cohérente que nous les frustrations que vit le milieu des affaires.

Premièrement, qu’est-ce que le gouvernement essaie de réaliser, ici? L’impression que nous avons, quand nous parlons avec nos membres, c’est que le gouvernement a imposé divers remèdes, sans préciser la nature de la maladie. En conséquence, les répercussions sur l’économie seront très négatives. C’est justement pour cette raison qu’il nous faut procéder à un examen complet du système fiscal. Nous devons expliquer de façon détaillée ce que nous cherchons à faire, avec notre système fiscal.

L’un des éléments clés, évidemment, c’est que nous devons générer des revenus afin que le gouvernement puisse payer les services, c’est incontournable. Mais nous devons aussi mettre en place un système fiscal qui encourage la croissance et motive les entrepreneurs. Nous avons besoin d’un système qui semble équitable, et nous devons définir ce qu’est l’équité. Si nous parlons des différences entre des employés, des travailleurs autonomes et des entrepreneurs, quelle sorte d’équilibre envisageons-nous? Nous devons élaborer un système qui, tout compte fait, sera jugé équitable. J’ai appris, lorsque j’étais ministre du Revenu, que l’aspect le plus important de notre système, c’est qu’il s’agit d’un système d’autoévaluation et qu’il est fondé sur le fait que les citoyens canadiens ordinaires estiment que le système est équitable. S’ils travaillent dur, s’ils cherchent à avancer et s’ils respectent les règles, ils réussiront. Mais, si le système fait défaut, les gens se tourneront vers l’économie souterraine ou quitteront le pays.

Il faut exposer de manière explicite les buts que nous poursuivons en élaborant ce système. Et c’est pourquoi nous avons besoin d’un examen complet et exhaustif, un processus qui nous permettra d’expliquer nos buts et qui amènera les Canadiens à participer à un débat complet et transparent sur les moyens dont nous les atteindrons.

Nous parlons de l’entrepreneuriat. Avec tout ce qui s’est dit pendant l’été, tous les discours punitifs qui visaient des particuliers, si vous étiez un entrepreneur et que vous vouliez construire quelque chose au Canada, seriez-vous motivé à investir dans le pays ou préféreriez-vous aller ailleurs?

Ce qui me préoccupe, c’est que j’ai l’impression que l’on s’inquiète davantage des personnes qui pourraient s’en sortir que de celles qui seraient laissées pour compte. Notre but serait d’assurer la croissance de l’économie du Canada et des débouchés offerts aux Canadiens plutôt que d’élaborer des mesures qui sont tout simplement punitives, qui nuisent à la croissance économique et qui coûtent des emplois. Et c’est pour cette raison que nous avons besoin d’un examen complet et exhaustif, un processus transparent qui donnera un droit de parole aux citoyens.

M. Burggraaf : Oui, je suis d’accord avec l’examen complet demandé. L’une des raisons invoquées par le ministre, lorsqu’il a présenté ces mesures fiscales, était que les sociétés privées sous contrôle canadien augmentaient en nombre. Ce n’est pas surprenant. Mais ce dont il n’a pas parlé, c’est la raison pour laquelle les travailleurs autonomes avaient tellement augmenté en nombre. Dans le budget précédent, le ministre avait fait des commentaires sur la précarité de l’emploi et sur le fait que cette précarité ne pourrait que croître encore, mais il n’a pas fait le pas logique suivant vers la raison du si grand nombre de travailleurs autonomes. Les travailleurs autonomes ont intérêt à se constituer en société privée. Cela entraîne des changements dans l’économie et dans les structures de l’emploi.

Est-ce nécessairement une mauvaise chose? Voilà de quoi nous devons débattre. Le ministre a parlé de l’augmentation du nombre des sociétés privées sous contrôle canadien sous l’angle des changements de l’assiette fiscale. C’est bien beau, mais nous devrions examiner cette assiette fiscale et nous demander comment nous pourrions en tirer profit plutôt que de punir les gens qui essaient tout simplement de s’en sortir du mieux qu’ils peuvent dans le contexte.

M. Kroeker : J’ajouterais que bon nombre de ces personnes, lorsqu’elles deviennent des travailleurs autonomes et cherchent des contrats, sont obligées de se constituer en personnes morales. Les gens qui concluraient avec elles des contrats ne le feraient pas si c’était des personnes physiques. Les gens insisteraient pour qu’elles se constituent en société, et ce, pour de nombreuses raisons, entre autres parce que les payeurs veulent se protéger contre des cotisations sociales éventuelles si ces personnes se révélaient être des employés plutôt que des entrepreneurs. Bien des gens qui se constituent en société le font parce qu’ils n’ont pas le choix. S’ils veulent des contrats et des revenus, ils doivent se constituer en société.

M. Skilnick : Je suis d’accord avec tout ce que les autres témoins ont dit ici aujourd’hui. La seule chose que j’ajouterais, pour être juste, c’est ceci : n’intégrons pas les propriétaires d’entreprise dans l’équation. L’exemple donné par le ministère des Finances, dans le document d’orientation du 18 juillet, portait sur une entreprise gagnant 100 000 $. Elle fractionne ce revenu de façon que chaque conjoint inscrive sur sa déclaration de revenus la moitié de cette somme, peu importe sa contribution. Et ce cas est comparé à celui d’un couple qui n’est pas constitué en société et qui emploie un employé.

Prenons le cas de deux unités familiales : dans un cas, le couple gagne 100 000 $, c’est-à-dire que l’un des conjoints gagne ce montant, l’autre ne gagne rien, et le couple fait face à des obligations fiscales plus élevées que l’autre unité familiale qui compte deux employés, et où chaque personne gagne 50 000 $. Est-ce juste? La question de l’équité se pose constamment, et c’est pourquoi il faut un examen exhaustif du système fiscal. On ne peut pas se contenter de regarder par le chas d’une aiguille et, en voyant une distorsion, affirmer que ce n’est pas équitable.

Le sénateur Mockler : Monsieur Leung, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Leung : Un système fiscal juste, c’est magnifique, tout le monde est d’accord. Si le ministre désirait vraiment un système juste pour les Canadiens, il devrait mener une étude à grande échelle sur les répercussions. Comment peut-il refaire le système fiscal de fond en comble en 75 jours seulement? Est-ce que 75 jours suffiront à mettre en œuvre un nouveau système? Comment pourrions-nous aujourd’hui, assis ici, lui dire quoi faire? C’est lui qui devrait s’asseoir et réfléchir à ce que les Canadiens considéreraient comme un système fiscal équitable. Qu’est-ce qui est équitable? Il faut laisser les gens formuler davantage de commentaires si l’on veut avoir un système équitable. Ensuite, selon les résultats, on pourrait prendre une bonne décision et lancer la mise en œuvre.

Le sénateur Mockler : Madame Sands, auriez-vous quelque chose à ajouter à cette question?

Mme Sands : Oui, s’il vous plaît, si vous me le permettez. La position de KASB a toujours été la même : il semble que de nombreuses failles que l’on voit dans les propositions résultent du fait que l’on a comparé des employés et des travailleurs autonomes. Nos lois fiscales distinguent clairement ces deux catégories de personnes. Et c’est une autre raison pour laquelle, si nous allons changer certaines des règles pour certains des joueurs, nous devons examiner la loi dans sa totalité.

Je sais que le ministre des Finances se préoccupe des employés. Je ne suis pas certaine de savoir ce qui le préoccupe. Mais, si ces propositions ont été élaborées dans le but de pénaliser, à défaut d’un terme mieux choisi, les propriétaires de petites entreprises et les sociétés privées sous contrôle canadien pour aider les employés, je ne sais pas si c’est la bonne méthode pour y arriver.

Encore une fois, nos lois fiscales établissent une distinction claire; certaines dispositions de la loi traitent du revenu d’emploi, et d’autres, du revenu d’entreprise. Je crois que la confusion tient beaucoup au fait que l’on s’attache à une disposition en particulier sans tenir compte des autres.

Le sénateur Pratte : Le ministère des Finances estime que le fractionnement du revenu toucherait environ 50 000 SPCC, sur le total de 1,8 million de SPCC; pour ce qui est du revenu passif, avec le nouveau seuil, 3 p. 100 seulement des SPCC seraient touchées, celles qui enregistrent plus de 80 p. 100 du revenu passif, mais qui ne représentent quand même qu’une petite minorité des entreprises.

Le ministre a répété aujourd’hui, à propos du revenu passif, qu’à son avis cela voulait dire… eh bien, les chiffres montrent que cela veut dire qu’une petite minorité d’entreprises seraient touchées par les nouveaux règlements touchant le revenu passif et la répartition du revenu. Le gouvernement considère que la plupart des petites entreprises seront à l’abri, qu’elles ne seront pas touchées par ces nouvelles règles.

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Beatty : Certainement, sénateur. Nous avons entendu exactement la même chose du gouvernement. Il ne fait aucun doute que les changements qu’il a apportés constituent une amélioration par rapport à ce qui était proposé en juillet, mais nous entretenons quand même d’importantes préoccupations. J’aimerais demander à M. Brakel de commenter cela.

M. Brakel : Nous comprenons que le revenu passif soit concentré, étant donné que 97 p. 100 des entreprises du Canada sont de petites entreprises. Il y en a 3 p. 100 qui sont beaucoup plus grandes. Ce qui nous inquiète, c’est qu’en ciblant l’ensemble des petites et moyennes sociétés privées sous contrôle canadien, il y aura de grandes répercussions sur les entreprises de certains secteurs. Il est vrai qu’un certain nombre de petites entreprises seront exclues, et c’est utile; c’est une amélioration. Mais on cible un énorme segment des moyennes et des grandes entreprises. C’est un vaste éventail, du secteur des mines au secteur des technologies, et nous ne savons pas quelles seront les répercussions ni comment les entreprises vont réagir. Certaines entreprises vont placer de l’argent à l’extérieur du Canada; certaines autres vont diminuer le montant de leurs investissements; d’autres réagiront d’autres façons. C’est pour cette raison que nous ne comprenons pas les répercussions économiques touchant l’ensemble de ces moyennes et grandes entreprises canadiennes et que nous continuons à demander au gouvernement quelles sont ces répercussions économiques.

Le sénateur Pratte : Je le comprends, et je ne suis certainement pas insensible aux commentaires que nous ont soumis les fiscalistes des petites entreprises, depuis que nous avons commencé cette étude. Toutefois, en ce qui concerne le revenu passif, nous parlons d’environ 30 000 entreprises. C’est beaucoup, mais ce n’est qu’une très petite proportion des sociétés privées.

Je me pose une question : est-ce que des changements fiscaux qui affecteraient « seulement » 30 000 entreprises peuvent bouleverser à ce point l’économie du Canada?

M. Brakel : Ce qui nous préoccupe, ce sont les données qu’ils nous fournissent. Ils affirment qu’un certain pourcentage d’entreprises n’enregistrent pas de revenus passifs du tout. Selon les mêmes données, 80 p. 100 des entreprises canadiennes n’enregistrent aucun revenu passif du tout. Toutes les entreprises ont un revenu passif s’il y a dans leur compte des revenus qui génèrent un certain rendement, un certificat de placement garanti, des fonds de placement ou des choses du même type. Ils disent qu’en fait, ces entreprises ont déclaré le revenu passif de ce rendement en tant que retrait, et c’est pourquoi le nombre d’entreprises qui enregistrent un revenu passif n’est pas le même.

Encore une fois, nous nous posons des questions sur la façon dont ils déterminent qu’un si petit nombre d’entreprises seraient touchées par cette mesure, puisqu’il y a tant d’entreprises qui ont un revenu passif, dans le cadre de leurs activités, mais qui ne le déclarent pas de la façon dont elles le devraient.

M. Kroeker : Je me demande moi aussi d’où viennent ces chiffres. Je n’ai pas de données, sauf quelques données empiriques, à ce sujet. Mais, selon mon expérience, quand on dit que 50 000 entreprises fractionnent leur revenu, il me semble que c’est, et de loin, sous-estimé.

M. Skilnick : J’aimerais dire deux ou trois choses au sujet du revenu passif. Nous disons que nous voulons aider les petites entreprises à croître, mais nous n’allons pas les traiter de la même manière, les sociétés publiques et les sociétés canadiennes non résidentes. Cela ne va pas les aider. Cela nuira à l’atteinte de nos objectifs.

En ce qui a trait aux 50 000 sociétés qui déclarent l’IRF, le KASB a documenté son désaccord catégorique. Nous devons tenir compte des règles de l’IRF pour toutes les entreprises familiales. Elles devront faire face à tout le moins à une augmentation des coûts de la conformité.

Cette mesure touche même les particuliers qui ne sont pas constitués en société. Nous avons fait du porte-à-porte pour discuter avec des propriétaires d’entreprise de Kingston. Une seule personne ne s’était pas constituée en société. Je lui ai demandé : « Parlez-moi de votre entreprise. Pourquoi n’êtes-vous pas constituée en société? » Elle m’a répondu : « J’ai entendu dire que cela pouvait être vraiment compliqué. » Des membres de sa famille donnaient un coup de main. Elle n’avait pas tort.

Pensons à la succession des entreprises familiales, une question importante dont nous avons parlé au regard des articles 84.1 et 246.1; je ne sais pas sur quoi vont déboucher les prochaines mesures législatives, mais il faut qu’elles tiennent compte de l’IRF. Nous vous le disons, parce que cela a une grande importance au regard des présentes modifications fiscales.

Le sénateur Pratte : J’ai seulement une question pour M. Beatty, au sujet de sa proposition d’une commission royale ou d’un examen exhaustif. Je suis plutôt d’accord avec cette proposition, mais j’aimerais vous demander, puisque vous êtes un ancien politicien — et que vous vous faites l’avocat du diable —, si ce n’est pas une façon de repousser tout simplement le problème? Une commission royale durerait trois ou quatre ans. Qui sait ce qu’il adviendrait du rapport? Comment pouvons-nous être certains que ce sera un exercice productif?

M. Beatty : Rien ne le garantit. Tout dépend de ce que le gouvernement en fera, sénateur. Nous avons longuement discuté, pendant notre assemblée générale annuelle, de cette question, justement, d’une commission royale ou d’une autre forme d’enquête, et tous les membres présents ont voté en faveur d’une commission royale. C’est que l’on se demandait ce qui se passerait s’il y avait une autre enquête que le gouvernement pouvait influencer d’une manière quelconque ou si le rapport était perdu. Le vote en faveur d’une commission royale soulignait le caractère complet et indépendant de celle-ci.

Oui, cela prend du temps.

Je n’ai aucunement l’intention de donner des conseils politiques au gouvernement. Je ne suis pas un politicien, et j’ai des papiers pour le prouver. Si le gouvernement craint de faire quelque chose, dans la réforme de la fiscalité, qui serait controversé, lancer aujourd’hui une commission royale en s’attendant à ce que le rapport soit déposé suffisamment tôt au cours de la prochaine législature serait une bonne façon de s’assurer que les Canadiens pourront être entendus, qu’il y a eu un processus transparent et équitable et que la nouvelle législature pourra envisager d’un œil neuf cet enjeu et modifier le système pour veiller à ce qu’il soit équitable et efficient, c’est-à-dire qu’il lui permette d’atteindre ses objectifs.

Pour en revenir aussi à votre question précédente, c’est une bonne question, qu’est-ce que cela signifie, 3 p. 100 ou un quelconque pourcentage. Personne ne le sait, quant à nous. Si nous avons appris quelque chose de notre expérience de l’été, c’est que la précipitation à faire avancer ces dossiers, l’hypothèse selon laquelle le gouvernement sait tout et qu’il n’y aura pas de problèmes ou qu’aucun changement de taille ne sera nécessaire, ce n’est pas la bonne direction à prendre. Les limites de la participation du public et les limites du débat, en plein cœur de l’été, ont créé d’incroyables divisions au sein du Canada.

Si nous voulons procéder de la bonne manière, cette fois-ci, il faut un processus transparent et équitable, et il faut prendre le temps nécessaire pour bien le faire. Nous devons en outre l’amorcer aujourd’hui, précisément pour la raison que vous avez donnée : cela prend du temps. Chaque jour de retard, dans ce domaine, signifie que les résultats seront d’autant plus retardés.

Nous sommes convaincus que si le gouvernement lançait un examen exhaustif et indépendant, comme une commission royale, ce serait la meilleure façon de s’assurer que nous aurons un système équitable et adapté, en évitant la reprise de ce qui s’est passé cet été. Cet été, nous avons entendu dire qu’il n’y aurait pas de conséquences imprévues. Tous les changements apportés le mois dernier ont dû l’être en raison des conséquences inattendues.

J’estime que le ministre des Finances est un homme bien et honorable. Je crois que, s’il travaille au Parlement, c’est pour servir le public. Je ne crois pas une seconde qu’il avait l’intention de ruiner les petites entreprises ou les fermes familiales du Canada, et pourtant, ça aurait été là les conséquences des mesures mal réfléchies qui vous ont été présentées.

La leçon que j’en tire, c’est qu’il faut bien faire les choses. Prenons le temps de bien les faire, et nous aurons un système qui garantit l’équité et la transparence.

Le sénateur Oh : Je vous remercie, mesdames et messieurs, les témoins, d’être ici avec nous. Je suis désolé d’être en retard. J’essaie d’attirer des entreprises au Canada.

Je vous ai bien entendus : vous êtes des professionnels et vous vous demandez quelles mesures le gouvernement prendra. Vous devez avoir présenté vos préoccupations et vos suggestions depuis juillet. Le ministre ou le ministère vous a-t-il invité à discuter de ces préoccupations?

M. Burggraaf : Mon association a été invitée à le faire, mais pas la coalition.

Le sénateur Oh : Savez-vous si des associations ont été appelées? Le gouvernement a reçu de nombreux mémoires depuis juillet.

M. Beatty : Le ministre a eu la gentillesse d’assister à notre congrès annuel afin d’y rencontrer nos membres. Nous le remercions chaleureusement de l’avoir fait, mais par la suite, nos membres étaient d’accord à 98,2 p. 100 que nous demandions au gouvernement de retirer ces propositions et de lancer un examen indépendant et exhaustif, car l’exercice n’a fait que nous inquiéter encore davantage. Nous avions l’impression que le gouvernement ne saisissait pas nos inquiétudes.

En tout, 21 000 mémoires ont été déposés — et je suis certain que le ministre y a fait allusion aujourd’hui —, et des changements ont été annoncés par le ministre deux semaines après la fin des consultations. Les membres du comité de consultation doivent être capables de lire à une vitesse phénoménale s’ils ont pu parcourir tous ces mémoires, dont certains devaient être très volumineux, bien en comprendre la teneur et formuler ces propositions. Il me semble que tout a été précipité.

Le sénateur Oh : Cet après-midi, j’ai posé une question au ministre au sujet des stratégies de sortie et de la fuite de capitaux, et il croit toujours que le Canada est le meilleur endroit au monde où vivre.

La sortie ou l’évasion de capitaux, voire l’exode des entreprises vous inquiètent-ils?

M. Beatty : Oui, sénateur. Cela nous préoccupe beaucoup.

Cet ensemble de propositions n’encouragera pas les entrepreneurs à s’installer au Canada ou à y rester. Le problème est beaucoup plus large. À de nombreux autres égards, le Canada est en train de devenir un endroit coûteux pour les entreprises. Par conséquent, les entrepreneurs se demandent où ils devraient plutôt investir leurs capitaux.

De plus, comme vous le savez déjà, le monde entier s’arrache les plus grands talents. Nous voulons attirer les entrepreneurs au Canada. Si nous introduisons des mesures de nature punitive, il sera difficile de les attirer ici.

Le sénateur Mockler : Avez-vous un commentaire, monsieur Leung?

M. Leung : Oui. Aujourd’hui, le ministre de l’Immigration a proposé d’attirer les entrepreneurs au pays. Si les entrepreneurs étrangers étudient le système canadien — et le Canada est au 17rang des pays les plus intéressants pour y faire affaire, comparativement à la Nouvelle-Zélande, qui trône au premier rang, et Hong Kong, qui est au cinquième rang —, lesquels voudront venir ici, si notre système devient encore plus compliqué?

Les raisons d’attirer les investisseurs et les entrepreneurs étrangers sont nombreuses, mais si notre gouvernement intervient à la hâte sans réfléchir à toutes les conséquences et que les nouvelles mesures sont craintes, l’économie canadienne en souffrira.

La sénatrice Marshall : Nous avons examiné en profondeur les modifications fiscales. Je tiens à élargir la discussion quelque peu. Les modifications fiscales inquiètent les petites entreprises, mais elles entraînent de nombreux autres problèmes qui, semble-t-il, mettront l’économie en péril. Les négociations de l’ALENA ne semblent pas aller bon train. Les taux d’intérêt sont à la hausse. Notre voisin du Sud semble être sur le point de réduire les taux d’imposition. Les modifications fiscales sont également apportées ici, et d’autres modifications fiscales apportent une certaine incertitude.

Pourriez-vous nous expliquer brièvement dans quel environnement les petites entreprises mènent leurs activités? Les modifications fiscales proposées ne sont qu’une partie d’un tout. Pouvez-vous nous décrire la situation de vos membres en général?

M. Brakel : C’est une excellente question. La situation ratisse beaucoup plus large. Le Canada doit composer avec une diminution des investissements d’entreprises depuis huit trimestres. Cette réduction touche surtout les ressources naturelles, mais une analyse des données permet de constater que tous les secteurs sont touchés. Tous les économistes du pays prédisent un net ralentissement au cours de la deuxième moitié de 2017. Pendant trois mois, les recettes se sont contractées, et le PIB est demeuré stagnant durant deux mois. La taxe imposée aux acheteurs étrangers à Toronto fait son effet, et les taux d’intérêt augmentent. De plus, l’incertitude plane sur l’ALENA. C’est le temps de rendre les entreprises canadiennes plus compétitives et dynamiques et d’aider les entrepreneurs, et non pas de leur en imposer encore davantage.

La sénatrice Marshall : Il faut leur donner confiance.

M. Brakel : Absolument. Je suis d’accord avec vous.

M. Beatty : Il ne faut jamais oublier que nous sommes les personnes les plus chanceuses au monde, car nous vivons au Canada. C’est notre point de départ. Peu importe nos critiques ou nos inquiétudes, notre chance de vivre au Canada ne doit jamais être remise en doute. Il est toutefois important de reconnaître que le marché actuel est extrêmement compétitif. À une certaine époque, les petites entreprises se contentaient d’être la meilleure de leur région ou de leur province. Aujourd’hui, les clients, les fournisseurs et les compétiteurs peuvent se trouver à l’autre bout du monde, mais à un clic de souris, et nos entreprises doivent se démarquer sur la scène internationale.

Cela signifie que, si les entreprises canadiennes veulent réussir, l’environnement dans lequel elles sont exploitées doit le leur permettre.

En juin ou en juillet, nous avons écrit au premier ministre du Canada et aux premiers ministres des provinces à ce sujet avec la collaboration des intervenants provinciaux et territoriaux du réseau de la Chambre de commerce du Canada. Le problème n’est pas simple; il touche tous les frais, tous les coûts, toutes les taxes et tous les règlements qui, ensemble, coûtent très cher aux entreprises et rendent le pays moins attrayant pour les entrepreneurs.

Nous avons vu cette année combien de milliards de dollars sont en jeu dans le secteur de l’énergie. Le total pour la dernière année s’élève à peut-être 100 milliards de dollars de projets avortés pour diverses raisons.

Dans le sud-ouest de l’Ontario et plus particulièrement dans la région de Leamington, les producteurs de légumes de serre sont tout près du Michigan, où le coût des terres, de la main-d’œuvre et de l’électricité est moins cher, et le système de plafonnement et d’échange de droits d’émissions alourdira encore davantage leur fardeau. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas lutter contre les changements climatiques. Nous devons le faire. Nous nous devons aussi de tenir compte de toutes les conséquences de ces coûts. L’augmentation du salaire minimum en Ontario et de nombreuses autres mesures font en sorte que les entreprises canadiennes sont de moins en moins compétitives et que les entrepreneurs se retirent, investissent ou embauchent moins ou, dans certains cas, décident de prendre leur argent et leurs talents et d’aller ailleurs.

Pardonnez-moi si je semble faire de la politique ici, mais vu la situation aux États-Unis, nous avons la plus grande occasion que j’ai vue de ma vie de recruter les plus grands cerveaux; voici notre chance d’attirer au Canada les plus grands talents. Les personnes qui seraient initialement allées aux États-Unis ou ailleurs sentent maintenant qu’elles ne sont pas les bienvenues et voient que nous sommes une société accueillante où il y a des occasions à saisir. Nous devrions chercher à attirer ces personnes au lieu d’imposer des mesures dissuasives qui les feront regarder ailleurs.

La sénatrice Marshall : Bons commentaires.

M. Leung : Nous étions en lune de miel avec notre gouvernement au cours de deux dernières années. Notre économie allait assez bien. Nous consommons nos actifs. Sommes-nous en train de laisser tomber notre pays et de gruger les gains antérieurs? Je crois que nous devrions instaurer des mesures pour attirer de nouvelles entreprises. Il y aura des tonnes d’occasions aux États-Unis. Si les entrepreneurs n’aiment pas l’administration actuelle, ils peuvent venir au Canada. En Europe aussi, au moment où le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, il y a là une bonne occasion d’attirer des talents au Canada. Toutefois, nous compliquons notre système sur lequel plane une certaine incertitude, nous augmentons les coûts d’exploitation pour les entreprises, et personne ne voudra venir ici. Nous perdons de bonnes occasions.

La sénatrice Jaffer : J’ai une petite question pour M. Kroeker. Monsieur Kroeker, durant votre témoignage, M. Rotenberg, un conseiller fiscal d’Ottawa, m’a envoyé un message. Vous parliez des fournisseurs. Il a mentionné que l’ARC est une des organisations qui font le plus appel à des fournisseurs qui doivent être constitués en société pour obtenir ses contrats.

M. Kroeker : C’est ce que j’ai entendu. J’ai choisi par contre de ne pas citer cette situation en exemple.

La sénatrice Andreychuk : Je ne crois pas que je peux faire aussi bien que la sénatrice Jaffer, mais je voulais moi aussi parler de l’ARC. Ses représentants ont témoigné devant nous et ils estiment qu’ils peuvent s’adapter à tous ces changements; ils attendaient d’obtenir des règles simplifiées, mais ils ne pouvaient pas nous expliquer la teneur de ces règles simplifiées. Ils ont affirmé qu’ils seraient consultés dans le cadre du processus.

Ma crainte est que, peu importe les règles à venir — et le ministre a insisté sur le fait qu’il allait faire adopter le projet de loi rapidement —, y aura-t-il un système en place d’ici janvier, comme le vise le ministre?

C’était là la première partie de ma question. L’autre partie concerne le commentaire que l’on peut inscrire sur un formulaire de conformité. Le problème, c’est qu’un agent de l’ARC a le pouvoir de contester. La situation ne serait-elle pas pire si nous induisions les gens en erreur en leur recommandant de signer, tout simplement? Un vérificateur peut demander des preuves à tout moment, et c’est pourquoi il faut prévoir que l’autre personne devra en déclarer encore plus qu’aujourd’hui.

Pendant que nous discutons de tout cela, si le gouvernement va de l’avant sans qu’un examen exhaustif soit mené, comment réussira-t-on à élaborer les lignes directrices et les protocoles dont l’ARC a besoin en si peu de temps?

Je crois que les inquiétudes du sénateur Forest vont dans le même sens. Comment tout cela sera-t-il géré sans qu’il y ait plus d’obstacles et plus de frais? Cela peut être utile pour les comptables et les avocats, mais comment cela sera-t-il géré? Comme nous le disons toujours ici, tout se joue dans les détails. L’application de la loi est aussi importante que la loi elle-même.

M. Beatty : Puis-je formuler un commentaire à ce sujet, sénatrice? Je reviens aux questions fondamentales que nous vous laissons ce soir : qu’est-ce qui presse à ce point? Pourquoi ne prend-on pas le temps de faire les choses comme il faut? Pourquoi n’a-t-on pas un système ouvert, transparent, axé sur la consultation et juste aux yeux des Canadiens? Voulons-nous revivre ce que nous avons vécu cet été? Je ne crois pas, et ce n’est pas nécessaire, si nous prenons simplement le temps de bien faire les choses.

La sénatrice Andreychuk : J’en déduis que, selon vous, janvier est irréaliste?

M. Beatty : Je suis un ancien ministre du Revenu. Le ministère tentera-t-il d’appliquer la loi? Oui. Mais y aura-t-il des problèmes si nous faisons les choses à moitié ou si la situation n’a pas été examinée adéquatement? Il y aura des problèmes considérables, et une grande injustice, et nous créerons une incertitude qui découragera les investisseurs et nous fera perdre des emplois. Tout cela entraînera des pertes de revenus pour le gouvernement.

Le sénateur Mockler : En guise de conclusion, avant de remercier les témoins, je tiens à informer les sénateurs ainsi que les témoins ici présents que nous effectuerons deux voyages : un dans l’Ouest du Canada, du 5 au 10 novembre, et un autre dans l’Est du Canada, du 19 au 24 novembre.

Mesdames et messieurs les témoins, si vous et vos organisations voulez ajouter de l’information sur les sujets abordés aujourd’hui ou sur tout autre sujet, n’hésitez pas à la transmettre à la greffière.

À titre d’information, durant nos deux voyages, nous entendrons 62 groupes représentant les Canadiens d’un océan à l’autre. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales présentera un rapport au Sénat le 15 décembre.

Au nom de tous les sénateurs présents ce soir, je vous remercie de nous avoir présenté vos idées, vos opinions et vos recommandations.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous reverrons à Vancouver le lundi 6 novembre à compter de 9 heures. Merci.

(La séance est levée.)

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