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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, afin de poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.

[Traduction]

Je m’appelle Percy Mockler. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont parmi nous dans la salle et aux téléspectateurs partout au pays, qui nous regardent à la télévision ou en ligne.

Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter en commençant par ma gauche.

Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, du Québec, de la région du Golfe.

Le président : Ce soir, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures.

[Traduction]

C’est un imposant projet de loi qui compte 261 articles et 317 pages. Cet après-midi, nous avons terminé la section 3 de la partie 5. Par conséquent, nous allons poursuivre cet après-midi avec la partie 5 de la section 4.

Je tiens à remercier beaucoup les représentants du ministère des Finances de leur disponibilité et d’avoir aidé le Comité sénatorial permanent des finances national d’acquérir une meilleure compréhension, pour plus de clarté, de façon à ce que nous puissions communiquer l’information au public canadien.

Honorables sénateurs, avant que je ne demande aux représentants de se présenter, je tiens à souligner que les sections 4, 5 et 6 de la partie 5 ont le même contexte. Si j’obtiens l’accord autour de la table, les représentants se présenteront. Ils feront leur exposé, et des questions leur seront ensuite posées sur les sections 4, 5 et 6 de la partie 5 simultanément. Êtes-vous d’accord, mesdames et messieurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

Le président : À la section quatre, je vais demander aux gens du ministère des Finances de se présenter et de signaler qui sera le porte-parole.

[Traduction]

Nous ferons la même chose pour les sections 5 et 6. Vous vous présenterez comme les personnes responsables de formuler des commentaires et de fournir de l’information.

Je vois ici dans les notes qu’on m’a fournies que nous commencerons par l’exposé sur la section 4, suivi des exposés sur les sections 5 et 6.

Je vais demander à Lynn Hemmings et Daniel Robinson de se présenter et de faire leur exposé.

Lynn Hemmings, directrice principale, Division du secteur financier, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances du Canada : Je m’appelle Lynn Hemmings. Je suis la directrice principale du Groupe des paiements du ministère des Finances et directrice générale par intérim de la Division du secteur financier du ministère des Finances.

Daniel Robinson, économiste principal, Cadre politique du secteur financier, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances du Canada : Je m’appelle Daniel Robinson, économiste principal de la Division des institutions financières du ministère des Finances.

Le président : Pour ce qui est de la section 5, une des personnes que je vois, ici, c’est Marie-France Loranger. Voulez-vous vous présenter s’il vous plaît?

[Français]

Marie-France Loranger, conseillère principale, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Bonsoir, je m’appelle Marie-France Loranger. Je suis analyste principale au sein du ministère des Finances dans la section de la stabilité financière.

Le président : Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

Christopher Graham, veuillez s’il vous plaît vous présenter.

Christopher Graham, économiste principal, Politiques de réglementation, Banque du Canada : Je m’appelle Christopher Graham du Département de la stabilité financière de la Banque du Canada.

[Français]

Hugues Vaillancourt, directeur, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Bonsoir. Je suis Hugues Vaillancourt, directeur de la Politique des paiements au ministère des Finances.

[Traduction]

Le président : J’ai été informé que M. Robinson présentera l’exposé et qu’on poursuivra ensuite avec Mme Hemmings, puis M. Vaillancourt.

Monsieur Robinson, la parole est à vous.

M. Robinson : Je suis ici pour parler de la section 4 de la partie 5 du projet de loi. Les modifications proposées dans cette section auraient pour effet de préciser le traitement et la protection des contrats financiers admissibles, comme les produits dérivés, dans le processus de règlement d’une banque.

La trousse de règlement d’une banque permet à la Société d’assurance-dépôts du Canada, la SADC, de gérer le défaut improbable d’une banque ou d’une autre institution membre de la société d’une façon qui protège les déposants, les contribuables et la stabilité financière. Dans le cadre de cette trousse, la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada inclut des dispositions visant à protéger la cessation massive de contrats financiers durant un processus de règlement de la SADC.

Les dispositions actuelles sont importantes parce que la cessation massive de ces contrats pourrait grandement déstabiliser une banque en processus de règlement, exacerberait l’instabilité du marché à ce moment-là et minerait la capacité des autorités d’assurer la continuité des opérations de la banque et le rétablissement de sa viabilité.

Les modifications proposées précisent les dispositions actuelles sur les suspensions et visent à assurer un juste équilibre entre une trousse de règlement d’une banque solide pour la SADC et des mesures de protection adéquates concernant les droits des parties à ces contrats de gérer leurs risques. Les modifications permettront aux banques canadiennes de continuer à participer à d’importants marchés financiers sur un pied d’égalité avec leurs homologues internationaux. Cela aidera les banques canadiennes — ainsi que leurs clients et consommateurs — à gérer efficacement leurs risques.

Je serais heureux de répondre à vos questions une fois les présentations terminées. Merci.

Mme Hemmings : Je vais commencer par fournir certains renseignements contextuels sur la modification liée à l’octroi d’une aide d’urgence.

Il s’agit d’un prêt ou d’une avance que la Banque du Canada accorde, à sa discrétion, aux institutions financières ou aux infrastructures des marchés financiers admissibles. L’aide d’urgence est conçue pour fournir des liquidités de dernier ressort à des institutions financières aux prises avec de graves problèmes de liquidités.

En 2005, la Banque du Canada a modifié sa politique relative à l’octroi d’une aide d’urgence pour inclure les hypothèques dans la liste des garanties acceptables. Cette décision d’accepter les hypothèques en garantie a accru passablement la capacité des institutions financières admissibles de profiter de l’aide d’urgence. Cela a également donné à la Banque du Canada une plus grande souplesse dans le choix des garanties acceptables.

La Banque du Canada est tenue de garantir ses prêts par la loi, autrement dit, elle doit obtenir une sûreté de premier ordre valable sur tout bien donné en garantie relativement à l’octroi d’une aide d’urgence. Pour les prêts garantis par des biens immobiliers, comme les hypothèques, il est nécessaire de transférer le titre légal et de l’inscrire au registre foncier ou au bureau des titres où se trouve l’hypothèque. C’est un long processus qui limite par conséquent la quantité de garanties pouvant être accordées.

Les modifications proposées visent à contourner ces obstacles et autorisent la Banque du Canada à accepter, en nombres importants, des hypothèques comme garantie, en permettant que les prêts garantis par un bien immobilier soient octroyés seulement par la cession, autrement dit, par le transfert des droits à l’hypothèque sans inscription au registre. Merci.

[Français]

M. Vaillancourt : La Loi sur la compensation et le règlement des paiements a confié à la Banque du Canada la responsabilité de la surveillance des systèmes de paiement et d’autres systèmes de compensation et de règlement au Canada aux fins du contrôle du risque systématique et du risque pour les systèmes de paiement. Les modifications proposées renforceront les pouvoirs de la Banque du Canada afin qu’elle puisse cerner plus facilement les risques pour les infrastructures des marchés financiers et intervenir de façon proactive et rapide.

Les modifications proposées visent notamment à élargir le pouvoir de la Banque du Canada de donner des directives concernant une vaste gamme de risques et de situations, à conférer à la Banque du Canada le pouvoir d’approuver des changements importants et à préciser la capacité de la Banque du Canada de signer des ententes de surveillance avec les infrastructures du marché. Ces changements faciliteront l’exercice des pouvoirs, fonctions et attributions de la Banque du Canada en lui fournissant des outils comportant plusieurs niveaux dans le cadre de ses pouvoirs de surveillance des infrastructures des marchés financiers.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Chacun d’entre vous peut-il nous dire pourquoi ces modifications sont apportées maintenant?

M. Robinson : Je serai heureux de répondre en premier au sujet de la section 4.

Les modifications proposées à la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada permettraient de dissiper les préoccupations soulevées par les intervenants concernant l’interaction entre les règles des banques en matière de capitaux, d’un côté, et certaines interprétations des dispositions de la LSADC liées au traitement des contrats financiers admissibles dans le processus de règlement d’une banque.

Plus particulièrement, les intervenants ont indiqué que, si les dispositions de la LSADC n’étaient pas précisées, la capacité des banques canadiennes de participer à des marchés financiers clés, notamment des transactions associées aux produits dérivés et au financement des titres, comme des conventions de revente ou des reprises de possession, comme on les appelle, serait minée.

Les modifications permettraient aux banques de continuer à participer à ces marchés, comme elles le font actuellement, sur un pied d’égalité avec leurs pairs internationaux.

La sénatrice Marshall : Lorsque vous parlez des intervenants, vous parlez des banques?

M. Robinson : En particulier, oui.

La sénatrice Marshall : Ce sont les banques. Est-ce que cela fait l’objet de consultations auprès des banques?

M. Robinson : Oui.

La sénatrice Marshall : Quel genre de réponses avez-vous reçues? Les banques étaient-elles favorables?

M. Robinson : Oui, nous avons consulté les banques sur ces modifications proposées.

Mme Hemmings : En ce qui a trait à l’octroi d’une aide d’urgence, cette modification codifie essentiellement la politique appliquée par la Banque du Canada depuis 2015 quant à l’acceptation d’hypothèques à titre de garantie lorsqu’elle octroie une aide d’urgence.

Nous ne faisons que codifier une politique en place depuis déjà un bout de temps.

M. Vaillancourt : Pour ce qui concerne les changements apportés à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, ces changements sont proposés actuellement dans le cadre d’un examen continu pour que l’on puisse s’assurer que la Banque du Canada a les outils appropriés et est dans une position lui permettant d’intervenir rapidement et efficacement afin de contrôler les risques systémiques.

La sénatrice Marshall : En ce qui concerne l’octroi d’une aide d’urgence, qui décide quand une institution a droit à une telle aide?

M. Graham : C’est à la discrétion de la Banque du Canada, et c’est donc, au bout du compte, une décision qui revient au gouverneur. À l’interne, nous formulerions des recommandations à son intention, et il consulterait ses conseillers pour déterminer s’il faut octroyer une aide d’urgence à une institution.

La sénatrice Marshall : Faut-il respecter certains critères ou est-ce une décision subjective? Dans l’affirmative, pouvez-vous me donner rapidement une idée du processus?

M. Graham : Oui, il y a des critères publiés dans notre politique sur nos sites web.

Pour les institutions financières sous réglementation fédérale, y compris les grandes banques, elles doivent respecter deux critères. Premièrement, elles doivent être membres de Paiements Canada, et toutes les banques le sont par définition. Deuxièmement, elles doivent avoir, aux yeux de la Banque du Canada, un cadre de rétablissement et de règlement crédible.

Là où on en vient, c’est à l’idée que l’aide d’urgence serait fournie pour bâtir un pont, quelque part, pour soutenir une intervention coordonnée entre les organismes soit pour maintenir la responsabilité de l’institution soit pour la rétablir.

La sénatrice Eaton : Je poursuis sur la lancée de la sénatrice Marshall, même si je n’ai pas d’aussi bonnes connaissances financières qu’elle. En 2008, au moment de l’effondrement, lorsque les grandes firmes de New York se sont effondrées parce qu’elles détenaient trop d’hypothèques, les banques canadiennes ont été très bien vues à l’échelle internationale.

Avez-vous appris quelque chose de cet effondrement? Avons-nous apporté des changements en 2008 ou est-ce simplement que, maintenant, les choses ont tellement changé que nous devons apporter des changements?

M. Graham : Je peux répondre à cette question.

Comme vous l’avez dit, le Canada s’est assez bien sorti de la crise, mais nous avons appris à l’échelle internationale, et cela a joué un rôle dans les changements stratégiques liés à l’aide d’urgence mentionnée tantôt, en 2015. Pour ce qui est de l’idée de soutenir un cadre de rétablissement et de règlement crédible, on a noté une tendance lourde à l’échelle internationale au sein des pays consistant à mettre en place, pour les institutions financières, surtout celles qui sont d’importance systémique, des plans de rétablissement et de règlement pour s’assurer qu’elles savent quoi faire pour s’en sortir lorsqu’elles ont des difficultés. Cela a étayé la révision de notre politique visant à nous assurer que l’aide d’urgence était l’un des aspects de ce soutien.

La sénatrice Eaton : Nous accueillons souvent, ici, des représentants de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Il y avait une crainte, assurément, l’année dernière, que si les taux montaient il y aurait pas mal de personnes qui ne pourraient plus payer leur hypothèque.

Puisque les taux semblent être en voie d’augmenter ce printemps, et vous parlez de faire en sorte qu’il soit plus facile pour les banques d’utiliser des hypothèques en garantie, craignez-vous que les gens ne puissent pas se retirer de leur hypothèque non payée?

M. Graham : C’est quelque chose dont nous tenons compte. Lorsque nous acceptons des garanties pour une aide d’urgence, nous ne donnons pas un prêt de valeur équivalente à la garantie. Nous appliquons ce que nous appelons une décote où nous donnons une avance de moindre valeur que la garantie.

La sénatrice Eaton : Vous en tenez compte.

[Français]

Monsieur Vaillancourt, je crois qu’à un moment donné, vous avez parlé des risques liés au marché financier et vous avez dit que vous vouliez avoir le pouvoir de donner des directives. Est-ce que vous pouvez me donner un exemple d’une directive?

M. Vaillancourt : Permettez-moi de faire un pas en arrière.

La sénatrice Eaton : Absolument, aidez-moi.

M. Vaillancourt : En vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, le gouverneur est responsable de s’assurer que les systèmes de paiement contrôlent les risques systémiques et les risques de paiement. Donc, c’est le système qui est responsable de cela. À l'heure actuelle, le gouverneur peut émettre une directive s’il y a un risque systémique ou un risque lié aux systèmes de paiement qui est —

[Traduction]

… « being or likely to be materializing », c’est-à-dire qui se matérialise ou est susceptible de se matérialiser.

La sénatrice Eaton : Faut-il y porter attention? Est-ce une directive?

[Français]

M. Vaillancourt : L’objectif de la directive est toujours de nous permettre de nous assurer de contrôler un risque systémique ou un risque lié aux systèmes de paiement. La nature du changement proposé permet d'abaisser le seuil par lequel le gouverneur peut intervenir. L’idée est de permettre au gouverneur d’intervenir plus rapidement qu'il ne le peut en ce moment. La loi actuelle évoque la notion suivante : « is being or is likely to be materializing. » Or, le changement proposé évoque la notion d'un risque qui « pourrait » se matérialiser. Ainsi, l’objectif de ce changement est de permettre, encore une fois, au gouverneur d’intervenir plus rapidement dans le cas où il est d’avis qu’il y a un risque systémique associé à la manière dont le système de paiement fonctionne.

La sénatrice Eaton : Je vous remercie.

Le sénateur Pratte : Lorsque vous modifiez le libellé, est-ce que vous travaillez à partir de ce qui se fait au niveau mondial, par exemple, en fonction des normes internationales ou est-ce simplement la banque qui a examiné le texte de la loi et qui a déterminé que cela ne lui donnait pas la flexibilité dont elle avait besoin? Parce qu’il se fait énormément de travail à l’échelle internationale.

M. Vaillancourt : C’est un bon point. Oui, les changements proposés permettent plus ou moins d'aligner les pouvoirs de la banque sur les meilleures pratiques à l’international. Les systèmes de gestion de risques de la banque s’appuient sur les principes liés aux infrastructures du marché financier, qui sont des normes élaborées sur la scène internationale, et c’est à partir de ces normes que la Banque du Canada établit ses propres principes de gestion de risque. Les changements proposés s'inspirent de ces principes qui ont été élaborés par des organismes internationaux afin de bien ancrer les pouvoirs et permettent à la banque de s’assurer que ses pratiques sont conformes et cohérentes avec les autres pratiques à l’international.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie.

Le sénateur Forest : En 2008, il y a eu un arrimage des normes à l’international. Cela amène une question. Tantôt, on indiquait que, pour que la banque intervienne, pour qu’une institution financière se qualifie, il y avait deux critères : être membre et avoir la possibilité de se redresser. Il n’y a donc que ces deux critères qui sont à la discrétion du gouverneur de la banque pour qu'une institution se qualifie à recevoir une aide? N’est-ce pas mince?

[Traduction]

M. Graham : Oui, parce que les deux normes sont requises, les deux exigences ont été définies dans notre politique sur l’octroi d’une aide d’urgence. Si les deux critères sont respectés, cela ne signifie pas automatiquement que le gouverneur octroiera une aide d’urgence. Cela signifie simplement que, une fois ces deux exigences respectées, on peut discuter quant à savoir s’il faut fournir quoi que ce soit ou non.

[Français]

Le sénateur Forest : Est-ce que l’institution financière doit déposer un plan de redressement avant qu’une décision soit prise par le gouverneur de la banque?

[Traduction]

M. Graham : Pas nécessairement. La façon dont on a établi les choses dans notre politique, c’est que nous parlons d’un cadre de redressement et de règlement crédible. Le cadre est un concept plus général qu’un simple document ou un simple plan.

Si une institution a un plan, cela aide à soutenir la crédibilité du cadre, mais c’est un seul élément. Nous nous pencherions sur les plus grandes institutions, plus particulièrement. Nous nous attendrions à ce qu’elles aient un plan, mais ce n’est pas explicitement requis.

[Français]

Le sénateur Forest : À votre avis, compte tenu des sommes importantes qui sont en jeu, il ne serait pas souhaitable qu’un plan de redressement vous soit remis avant qu'une décision soit prise quant à l’intervention ou non de la banque.

[Traduction]

M. Graham : Oui, je le crois. La distinction que je ferais, par exemple, c’est que le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, exigera de certaines institutions qu’elles aient un document préparé qu’on appelle un plan de rétablissement. Dans un même ordre d’idées, la SADC, l’autorité en matière de règlement d’assurance-dépôts, aurait un plan qu’elle appelle un plan de règlement.

Si ces deux documents existent, alors notre travail est fait en grande partie pour ce qui est de l’évaluation du cadre. Si ce n’est pas là, par exemple, dans le cas d’une plus petite institution, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas déterminer qu’elle a un cadre crédible. Cela signifie qu’il faudra regarder d’autres renseignements à ce moment-là qui pourraient se retrouver dans un plan, un jour, mais qui ne le sont pas pour l’instant. Il faudrait tout simplement discuter avec l’institution et les organismes de réglementation pertinents aussi.

La sénatrice Marshall : Je regarde à nouveau la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Permettez-moi de m’assurer d’avoir les bonnes notes, ici.

Qui finance l’octroi d’une aide d’urgence? D’où viennent les fonds?

M. Graham : La Banque du Canada est dans une position unique en tant que banque centrale du Canada. C’est le seul organisme pouvant créer de l’argent. Nous finançons cette aide nous-mêmes.

La sénatrice Marshall : Elle imprime tout simplement de l’argent et l’utilise.

M. Graham : Oui.

La sénatrice Marshall : C’est actif? Y a-t-il beaucoup de prêteurs qui participent au programme d’aide d’urgence?

M. Graham : Non. C’est très rare que nous utilisions ce programme. C’est une mesure exceptionnelle qui doit seulement être utilisée dans des circonstances extrêmes. La dernière fois que nous l’avons utilisé, c’est en 1986.

La sénatrice Marshall : Dans ce cas-là, aviez-vous récupéré les fonds? C’est comme un prêt, n’est-ce pas?

M. Graham : C’est exact. C’est un prêt garanti qui doit être remboursé.

La sénatrice Marshall : Dans ce cas-là, le prêt a été remboursé, n’est-ce pas?

M. Graham : Oui.

La sénatrice Marshall : J’ai une autre question, si je peux la retrouver.

Encore une fois, en ce qui concerne la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, est-ce que ces modifications ont été proposées par la banque?

M. Vaillancourt : Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Banque du Canada.

La sénatrice Marshall : Je me pose tout simplement une question sur la raison du changement. Est-ce que c’est la banque ou est-ce que c’est le gouvernement?

M. Vaillancourt : La banque soutient totalement ces changements parce que cela l’aide à mieux gérer et contrôler les risques.

La sénatrice Marshall : C’est quelque chose que les banques aimeraient.

M. Vaillancourt : Absolument.

Le président : Je tiens à remercier les représentants. Voilà qui termine l’étude des sections 4, 5 et 6.

Nous allons maintenant passer, honorables sénateurs, à la section 7, RNCan, la Loi sur le pipe-line du Nord, à l’onglet 7 du cartable.

Si vous me permettez une certaine latitude, en tant que président, je vais demander aux témoins de se présenter eux-mêmes, puis de faire leur exposé. Comme vous venez de le voir, nous allons ensuite poser des questions.

Lorraine McKenzie Presley, directrice générale, Gestion du portefeuille et du secrétariat ministériel, Ressources naturelles Canada : Je m’appelle Lorraine McKenzie Presley, directrice générale de la Direction de la gestion du portefeuille du secrétariat ministériel de Ressources naturelles Canada.

Victor Ndihokubwayo, avocat, Services juridiques de Ressources naturelles Canada : Victor Ndihokubwayo, avocat.

Mme McKenzie Presley : Si vos me le permettez, je vais décrire le problème que nous tentons de corriger grâce à la loi d’exécution du budget et la solution à envisager que nous proposons à l’avenir. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

L’Administration du pipe-line du Nord est un organisme fédéral au sein du portefeuille de Ressources naturelles établi au titre de la Loi sur le pipe-line du Nord. L’organisation est responsable de l’administration de la loi.

Le mandat principal de l’organisation est la réglementation fédérale de la planification et de la construction de la portion canadienne du projet de gazoduc de la route de l’Alaska.

Le problème, actuellement, c’est que l’organisation récolte des coûts de façon excessive auprès de TransCanada Pipelines, le promoteur du projet. C’est une conséquence inattendue de la réglementation actuelle en matière de récupération des coûts, puisque l’organisme doit utiliser les coûts de fonctionnement estimés tels qu’ils sont établis dans le Budget principal des dépenses pour facturer le promoteur. Il ne peut pas rembourser pleinement les fonds recueillis en trop au promoteur dans le cadre du processus de facturation actuel.

Notre solution consiste à régler le problème de perception excédentaire de fonds de façon permanente grâce à une modification technique mineure de l’article 29 de la Loi sur le pipe-line du Nord. Plus précisément, nous voulons apporter une modification technique au cadre de recouvrement des coûts utilisé par l’administration, qui est défini à l’article 29.

Voici les deux aspects de la modification:

Premièrement, la modification permettrait à l’administration de recouvrer tous ses coûts, tous ses coûts opérationnels, auprès du promoteur du projet en fonction des coûts réels plutôt que des coûts estimés. Plus précisément, on modifierait la formule que l’administration utilise et grâce à laquelle le gouvernement recouvre les coûts liés au fonctionnement de l’administration.

Deuxièmement, la modification retirerait l’exigence d’utiliser la réglementation de l’Office national de l’énergie en matière de récupération des coûts. L’Administration du Pipe-line du Nord utilise la réglementation de l’Office national de l’énergie, et la conséquence inattendue, c’est que cela fait en sorte que l’administration recouvre trop de coûts auprès du promoteur du projet.

Pourquoi procède-t-on à ces modifications actuellement? Le budget de 2017 cerne le besoin de moderniser ou de rationaliser le cadre de recouvrement des coûts dans le cadre de ce projet. Le gouvernement croit que cette modification permettrait d’améliorer le mécanisme actuel de recouvrement des coûts de l’administration, pour le rendre plus efficient et en augmenter la transparence.

Le gouvernement fédéral a la responsabilité de corriger tout problème de perception excessive, de permettre le remboursement du trop payé au promoteur du projet et de le faire le plus rapidement possible, en d’autres mots, de réduire le passif.

En conclusion, la modification proposée dans la LEB réglera le problème de perception excessive de l’administration de façon permanente, prévenant ainsi la surperception future de fonds auprès du promoteur et l’augmentation du passif à long terme du gouvernement du Canada.

Le gouvernement estime qu’un meilleur mécanisme de recouvrement des coûts soutiendra aussi l’administration dans l’exécution de ses responsabilités fédérales, qui sont, premièrement, de s’acquitter avec efficience et efficacité des obligations du Canada définies dans la loi et dans l’accord canado-américain qui sert de fondement à la loi et, deuxièmement, de maintenir le niveau de préparation du gouvernement fédéral advenant que le promoteur aille de l’avant avec la construction du projet.

Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de l’explication.

Vous avez mentionné deux termes. Vous avez parlé de coûts, puis vous avez parlé de coûts estimés. Est-ce que le terme « coût » est lié aux mêmes coûts? Qu’incluent les coûts? S’agit-il de salaires?

Mme McKenzie Presley : Oui, absolument. Il s’agit des coûts de fonctionnement de l’administration. L’administration est financée grâce à des crédits dans le Budget principal des dépenses. Les coûts sont estimés.

À la fin de l’année, nous savons quels sont les coûts réels pour l’administration, ce qui a vraiment été dépensé, comparativement aux dépenses prévues pour soutenir les activités requises de l’administration au moment d’appuyer le cadre de réglementation du projet d’oléoduc.

La sénatrice Marshall : Lorsque vous dites « coûts réels », ce sont les mêmes coûts que lorsque vous dites « coûts estimés ».

Mme McKenzie Presley : Oui.

La sénatrice Marshall : Est-ce que les 4,8 millions de dollars seront remboursés?

Mme McKenzie Presley : Oui, ils le seront, si la modification est adoptée.

La sénatrice Marshall : Le taux de 1,5 p. 100 composé mensuellement me semble élevé vu les taux d’intérêt actuels. D’où vient ce pourcentage?

Mme McKenzie Presley : Ce pourcentage est tiré du cadre de recouvrement des coûts actuel qui est utilisé en ce moment au chapitre des opérations de l’administration. Cela fait partie de la réglementation de l’Office national de l’énergie, qui est utilisée actuellement par l’administration.

La sénatrice Marshall : Il y aura un taux d’intérêt de 1,5 p. 100 par mois si les factures ne sont pas payées à temps. En ce qui a trait aux 4,8 millions de dollars accumulés en trop depuis un certain nombre d’années, le gouvernement paiera-t-il de l’intérêt?

Mme McKenzie Presley : Non.

La sénatrice Marshall : Ça ne semble pas juste. Si le promoteur est en retard d’un mois, il doit payer 1,5 p. 100, et après avoir attendu 15 ans, il ne touchera pas d’intérêts. C’est ce que je voulais savoir.

La sénatrice Eaton : Combien d’argent l’administration reçoit-elle chaque année?

Mme McKenzie Presley : Dans le Budget principal des dépenses de 2017-2018, le budget de l’administration était d’environ 454 000 $ ou presque 500 000 $, mais ce sont des prévisions dans le Budget principal des dépenses. À la fin de l’exercice, le 31 mars, nous saurons combien d’argent a été dépensé.

Je peux vous dire que, l’année dernière, l’administration a dépensé environ la moitié du montant. Je n’ai pas le chiffre avec moi. Je peux le trouver.

La sénatrice Eaton : Pourquoi y a-t-il une différence?

Mme McKenzie Presley : Ce qui se produit, c’est que les responsables prévoient dépenser un certain montant d’argent pour s’acquitter de leurs activités, se déplacer et soutenir TransCanada dans le cadre de toutes les activités pouvant être requises, mais si les coûts sont moins élevés parce que TransCanada détermine qu’il n’a pas besoin de réaliser autant d’activités, et c’est la raison principale ayant entraîné la perception excessive, alors l’administration réduit son niveau d’activité. Essentiellement, elle réalise le moins d’activités possible. Cela signifie que, à la fin de l’exercice, elle a dépensé moins si TransCanada n’a pas besoin qu’elle fasse grand-chose.

La sénatrice Eaton : La façon dont le projet de loi fonctionne, c’est que l’administration paiera ce qu’elle doit et qu’il n’y aura pas de coûts.

Mme McKenzie Presley : Précisément. Le cadre de recouvrement des coûts sera fondé sur les chiffres réels. Une fois les comptes publics fermés, nous savons exactement ce qui a été dépensé durant l’exercice. Le même mois de novembre, la facture serait transmise à TransCanada. Ce serait plus prévisible. Ce serait plus transparent et, en fait, plus efficient, parce que, actuellement, l’administration facture TransCanada quatre fois par année au titre de la réglementation actuelle.

La sénatrice Eaton : En fonction de prévisions.

Mme McKenzie Presley : La réglementation dit que la facturation doit se faire en fonction des prévisions, mais si, durant le trimestre en question, l’administration a seulement dépensé la moitié des fonds, alors il y a déjà un excédent qui a été perçu.

La réglementation est problématique. Elle n’a pas été établie pour l’administration. Elle l’a été pour l’Office national de l’énergie. L’administration a un seul promoteur, tandis que l’Office national de l’énergie en a un certain nombre. La réglementation ne semble pas créer de problème de cette nature pour l’ONE.

La sénatrice Eaton : Croyez-vous que la réglementation devrait aussi être changée pour l’Office national de l’énergie?

Mme McKenzie Presley : C’est une question intéressante. Il faudrait le demander à l’Office national de l’énergie. Il faudrait peut-être apporter un petit rajustement pour l’office, mais actuellement, je ne suis pas au courant d’un besoin de rajuster la réglementation dans son cas.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence. J'aimerais mettre tout cela en perspective. Sur une période de combien de temps les perceptions excédentaires de 4,8 millions de dollars ont-elles été étalées? Et à combien se chiffre la perception totale annualisée, en moyenne?

[Traduction]

Mme McKenzie Presley : Je peux vous donner une idée de la façon dont l’excédent a été perçu. En moyenne, je n’aime pas nécessairement les chiffres en tant que tels. C’est vraiment fondé sur les coûts annuels prévus de l’administration. Je dirais que le problème remonte à 2003.

Au cours des années précédentes, le gouvernement avait réussi à gérer les problèmes de perception excessive grâce à des décrets de remise et en remboursant les montants dus à l’entreprise régulièrement. Nous ne croyons pas que c’est la façon la plus efficiente de gérer un cadre de recouvrement des coûts.

Quand l’entreprise décide qu’elle veut donner de l’expansion à ses activités parce qu’elle voit un avantage commercial au fait d’aller de l’avant, l’administration doit réagir. C’est ainsi que la loi fonctionne. Lorsqu’elle a décidé, comme elle l’a fait en 2013, de mettre le projet en suspens, l’administration avait augmenté ses activités jusqu’à un montant budgétaire de 3,1 millions de dollars annuellement. Lorsque TransCanada a décidé de mettre fin au projet et de maintenir seulement ses actifs au niveau minimal, l’administration a réduit ses activités, qui sont passées à environ 1,2 million de dollars à la fin de l’exercice. Cette situation a créé un écart réel, et il n’est pas possible de remettre l’argent à TransCanada.

Essentiellement, le problème est le résultat de fluctuations, de changements spectaculaires dans le budget de l’administration, par rapport à un trop-perçu, de façon annuelle, que nous pouvons vraiment prédire. Il repose sur l’activité du promoteur et sur les activités de contrepartie de l’Administration du pipe-line du Nord. Lorsque les activités diminuent ou augmentent de façon spectaculaire au cours d’une année donnée, c’est à ce moment-là que nous rencontrons des problèmes pour ce qui est d’arriver à concilier les divergences.

[Français]

Le sénateur Forest : Si je vous comprends bien, le trop-perçu de 4,8 millions de dollars se serait fait sur une période d’environ 14 ans, donc depuis 2003.

[Traduction]

Mme McKenzie Presley : Oui. Il s’est accumulé durant ces années. Dans certains cas, du moins durant cette période, le gouvernement a remboursé à TransCanada une partie de ce trop-perçu. La dernière fois remonte à 2013, mais c’était, dans les faits, la même année où TransCanada a apporté un changement très radical en ce qui concerne son niveau d’activité. C’est ce qui a créé le dernier point.

Il n’y a pas eu autant de perceptions excédentaires, sauf pour les trois, quatre ou cinq dernières années.

La sénatrice Andreychuk : À titre de précision, vous dites que vous avez déjà utilisé des décrets de remise pour effectuer des remboursements.

Pourriez-vous le faire ou êtes-vous en mesure de le faire maintenant, ou souhaitez-vous changer le processus maintenant de manière à pouvoir passer au processus de recouvrement des coûts?

Mme McKenzie Presley : C’est une excellente question. En fait, nous devons faire les deux. Des sommes sont dues à TransCanada, donc nous devons utiliser un décret de remise pour rembourser ce montant. En date du 31 mars 2017, le montant était de 4,8 millions de dollars. Nous devons encore tenir compte de l’exercice actuel. Nous chercherions à rembourser cette somme, et nous avons bel et bien besoin d’utiliser un décret de remise pour le faire.

L’adoption de cet amendement devrait nous permettre de régler cette question de façon permanente. Nous n’aurions pas à utiliser les décrets de remise comme nous avons eu à le faire dans le passé. À la fin de l’exercice, l’APN enverrait à TransCanada une facture fondée sur les dépenses réelles, et il n’y aurait donc pas de trop-perçu.

La sénatrice Andreychuk : Qui a déterminé le montant excédentaire? Vous avez donné une estimation. Qui a fait cette estimation?

Mme McKenzie Presley : L’Administration du pipe-line du Nord a estimé la somme dont elle aurait besoin pour satisfaire aux exigences de TransCanada. Elle a eu des discussions avec le promoteur, et TransCanada pourrait dire qu’elle prévoit renouveler les servitudes ou consulter des intervenants. L’administration prend une décision par rapport à ce que cela exigerait.

Elle a aussi des coûts d’exploitation, comme des coûts liés à la GITI ou des coûts salariaux, et ainsi de suite. Tous ceux-ci figurent dans ses documents budgétaires. Elle prend cette décision en respectant les budgets qu’elle s’est vu accorder.

La sénatrice Andreychuk : Le projet ne va pas vraiment de l’avant. Il est en quelque sorte en suspens en ce moment, mais je suis au courant de la situation.

S’il est mis dans ce genre de position d’attente, quels sont les coûts pour l’administration? Quels coûts devrait-elle engager pour aller de l’avant?

Mme McKenzie Presley : Les coûts sont très faibles en ce moment.

On a établi son budget parce qu’il est évalué à environ 500 000 $ dans le Budget principal des dépenses, mais elle prévoit probablement dépenser environ la moitié de cela, ou 250 000 $, disons.

Ce serait pour des installations qu’elle partage avec Ressources naturelles Canada. On parlerait à ce moment-ci du salaire d’un ETP et demi. Il s’agit de coûts d’exploitation liés à la création de certains des documents budgétaires. Elle doit juste produire des choses.

À ce moment-ci, les coûts que l’administration engagerait sont très faibles. Il s’agit vraiment de maintenir l’état de préparation du gouvernement fédéral pour s’assurer que, si le promoteur dit qu’il veut aller de l’avant, le gouvernement peut satisfaire aux exigences de la loi, répondre et accélérer les choses du côté réglementaire pour satisfaire aux exigences du promoteur.

La sénatrice Andreychuk : L’administration est en position d’attente, mais si cette attente durait deux, trois ou quatre ans, y aurait-il une négociation pour dire que cette administration doit être organisée sous une forme différente? Vous dites qu’il s’agit d’un demi-million de dollars. À mes yeux, c’est beaucoup d’argent pour être seulement dans une position d’attente.

Je sais qu’elle s’attend à ce que le projet continue, mais pour ce qui est de la probabilité qu’il voie le jour à un certain moment, vous devez faire le point. Cela fait-il partie de la réflexion du gouvernement?

Mme McKenzie Presley : En ce moment, la politique du gouvernement à ce sujet, c’est qu’il doit satisfaire aux exigences de la loi et à celles prévues dans l’accord, qui, comme je l’ai dit, est le fondement de l’accord canado-américain sur ce projet. C’est là où nous en sommes en ce moment. Nous ne faisons que nous assurer d’être en bonne position.

Dans l’ensemble, c’est un amendement très technique, mais en ce moment, la politique du gouvernement est que nous soutenons l’administration pour qu’elle s’acquitte de ses responsabilités fédérales à cet égard.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si on interprète bien la loi, l'agence est tributaire du gouvernement fédéral. Dans la définition, on peut lire ce qui suit : « construction rapide et efficace du projet des gazoducs et de la route de l'Alaska, tout en veillant à la protection environnementale et aux avantages socio-économiques du Canada ».

Dans le cas d’un déversement ou d’une catastrophe, qui est responsable et qui paie la note?

[Traduction]

Mme McKenzie Presley : C’est vraiment une très bonne question. Mon collègue, Victor Ndihokubwayo, sera en mesure d’y répondre.

La Loi sur le pipe-line du Nord est responsable de la conception, de la construction et de la réglementation du pipeline. La partie sud a été construite entre 1980 et 1982, et, une fois que le pipeline sera construit, il incombera à l’Office national de l’énergie de réglementer ses activités.

Pour ce qui est de la responsabilité de l’Administration du pipe-line du Nord, il s’agit de l’administration de la construction du pipeline. Elle n’a pas de rôle à jouer à l’égard de ses activités.

À mon avis, si vous parlez de déversements et ainsi de suite, les responsabilités entourant la sécurité du pipeline incomberaient à l’Office national de l’énergie.

Le président : Si vous me le permettez, madame la sénatrice, pourriez-vous prendre la question qui a été posée en délibéré, à des fins de clarté, et nous fournir plus de détails sur l’affaire, s’il vous plaît, parce que c’était aussi une question d’ordre juridique?

La sénatrice Marshall : À des fins de clarté, ai-je bien compris? N’auriez-vous pas pu rembourser l’argent en utilisant ces décrets de remise? Ou ai-je mal interprété quelque chose?

Mme McKenzie Presley : Oui, l’idée, c’était de remettre à TransCanada les sommes d’argent qui avaient été trop perçues au moyen des décrets de remise.

La sénatrice Marshall : Aurait-il été possible de le faire plus tôt, ou faut-il que la législation soit adoptée pour que vous puissiez le faire au moyen des décrets de remise?

Mme McKenzie Presley : On aurait pu le faire plus tôt, parce que nous avions le financement nécessaire, mais nous voulions régler le problème de façon permanente, de sorte que nous n’aurions pas à continuer d’utiliser ce mécanisme. Le budget de 2017 nous a donné l’impulsion nécessaire pour le faire.

La sénatrice Marshall : Cela me semble juste étrange. Vous avez commencé à recevoir de l’argent il y a 15 ans et vous auriez pu le lui rendre. Maintenant, 17 ans plus tard, je me rends compte que l’argent s’est accumulé dans l’intervalle.

Vous lui dites : « Nous allons vous facturer un taux d’intérêt calculé mensuellement à 1,5 p. 100. » Il me semble simplement injuste que vous ayez conservé cet argent auquel vous n’avez pas vraiment droit et que vous ne payiez pas d’intérêt.

M. Ndihokubwayo : L’objectif de la loi est d’éviter une prolifération des décrets de remise.

La sénatrice Marshall : Dans l’avenir.

M. Ndihokubwayo : Dans l’avenir. Le budget de 2016 prévoyait de l’argent pour le décret de remise pour les sommes accumulées, et le budget de 2017 conférait le pouvoir voulu.

La sénatrice Marshall : Vous avez toujours 4,8 millions de dollars, n’est-ce pas?

M. Ndihokubwayo : Que nous devrons rembourser au moyen du décret de remise.

La sénatrice Marshall : Il me semble qu’il y avait là un véhicule et que vous auriez pu rembourser l’argent plus tôt, mais cela n’a pas été fait, exact?

Mme McKenzie Presley : Comme je l’ai dit, la dernière fois où nous avons utilisé un décret de remise, c’était en 2013. À l’époque, on avait vraiment changé les activités de l’administration, donc, en quelque sorte, oui, si l’APN avait le financement pour pouvoir le faire.

Le budget de 2016 a bel et bien prévu du financement pour qu’on puisse le faire, et les 4,6 millions de dollars en faisaient partie. Ces mesures, le retour de l’argent à TransCanada et la solution permanente, sont en quelque sorte prises en même temps. Nous cherchons en réalité à soumettre la proposition dans un seul bloc de manière à régler la question et à rembourser le promoteur.

Le président : Voilà qui met fin à l’étude de la section 7. Je demanderais aux témoins de bien vouloir prendre la question posée par le sénateur Maltais en délibéré et de s’assurer de nous fournir une réponse détaillée pour plus de clarté et pour notre gouverne.

Mme McKenzie Presley : Oui.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la section 11, la Loi sur les juges. Nous allons demander aux représentants, Adair Crosby et Anna Dekker, de présenter leur exposé et nous fournir des commentaires sur la section 11, puis nous passerons aux questions.

Madame Dekker, la parole est à vous.

Anna Dekker, conseillère juridique, Services des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice : Je vais vous parler de la section 11 de la partie 5 de la Loi no 2.

Les trois mesures qui apparaissent dans ces modifications proposées feraient trois choses. Les modifications autoriseraient le versement d’un traitement pour le nouveau poste de juge en chef adjoint de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, modifieraient la désignation de « juge principal » pour celle de « juge en chef » s’agissant des juridictions supérieures de première instance des territoires et modifieraient le mécanisme pour le versement de la plupart des pensions en vertu de la Loi sur les juges.

Je vais décrire brièvement ces trois modifications, puis je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le financement du traitement à l’égard du poste de juge en chef adjoint était compris dans le budget de 2017, et ce nouveau poste se reflète dans une modification de l’alinéa 20c) de la Loi sur les juges, qui autoriserait le versement d’un traitement pour un poste de juge en chef adjoint supplémentaire pour ce tribunal.

Quant à la modification dans la désignation des juges principaux, s’agissant des juridictions supérieures de première instance des provinces et des tribunaux fédéraux, le dirigeant est le juge en chef, mais dans les juridictions supérieures de première instance des territoires, il s’agit d’un juge principal, que la Loi sur les juges définit actuellement comme étant le juge le plus ancien dans sa charge.

Les modifications proposées harmoniseraient le titre dans les juridictions supérieures dans les territoires avec celui utilisé dans les cours équivalentes dans les provinces. Les modifications abrogeraient la définition et élimineraient toutes les références à un « juge principal », de sorte que le juge en chef serait le seul dirigeant de la cour en question.

Une modification transitoire ferait également en sorte que tous les juges actuellement en service ou les anciens juges qui ont agi comme juges principaux avant que les modifications n’entrent en vigueur conserveraient tous leurs droits, même si leur titre n’a pas changé.

Pour ce qui est des pensions, à l’heure actuelle, elles exigent toutes qu’un décret soit adopté avant de pouvoir être versées. Cependant, le gouverneur en conseil n’a aucun pouvoir discrétionnaire pour les accorder ou non. Elles doivent être versées, et c’est le libellé.

Les modifications proposées rationaliseraient le processus de versement de toutes les pensions non discrétionnaires à des juges ainsi qu’à leurs survivants et enfants. Essentiellement, une fois les conditions prévues par la loi remplies, lesquelles sont définies dans la Loi sur les juges et ne changeront pas, les versements peuvent être effectués, et on confère ce pouvoir sans qu’il soit nécessaire de passer à travers le processus d’un décret du gouverneur en conseil.

Pour mettre en œuvre le changement, les modifications proposées dans la Loi sur les juges changeraient de façon générale la terminologie se rapportant aux nouveaux octrois de pensions en les qualifiant de « versées ».

Voilà tout ce que j’avais à dire, mais je serai heureuse de répondre à vos questions.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit qu’ils n’ont pas le pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit d’un décret en conseil, dans la plupart des cas. Dans quels cas peuvent-ils exercer leur pouvoir discrétionnaire?

Mme Dekker : Il y a seulement deux cas où le pouvoir discrétionnaire est actuellement exercé et pourrait encore être séparé. L’un d’eux, ce serait lorsqu’un juge se verrait accorder une pension en cas d’invalidité permanente qui fait en sorte qu’il ne peut s’acquitter de ses fonctions judiciaires. L’autre, c’est lorsque cela sert l’intérêt national ou l’administration de la justice.

Le pouvoir discrétionnaire demeurera dans ces deux cas. Ceux-ci sont très rarement utilisés, mais on a pris la décision de maintenir l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans ces cas.

La sénatrice Andreychuk : La Loi sur les juges ne changera pas pour ce qui est de cette partie.

Mme Dekker : Il y aura un amendement. Actuellement, toutes les pensions figurent aux alinéas 42(1)a), b), c) et d). Les pouvoirs non discrétionnaires seront prévus aux alinéas 42(1)a), b) et c); et les pouvoirs discrétionnaires, aux alinéas (1.1)a) et b).

Ils figureront encore tous dans la Loi sur les juges. Il s’agit juste de diviser l’article en deux parties.

La sénatrice Andreychuk : Je comprends la question de l’intérêt national. C’est un pouvoir discrétionnaire d’utiliser l’argent des contribuables et de justifier qu’on s’en sert dans l’intérêt national, plutôt que ce soit peut-être un droit de la personne qui le reçoit. Je comprends cette partie, mais pour ce qui est de l’autre sur l’invalidité, pourquoi ne s’agit-il pas d’un droit intégré automatiquement?

Mme Dekker : Selon ma compréhension, dans ces cas, il serait tout de même nécessaire de suivre le processus. Par exemple, on devrait fournir des certificats médicaux. Le commissaire à la magistrature fédérale, celui qui administre tous les paiements versés aux juges en vertu de la Loi sur les juges, les exigerait, et on continuerait de les fournir au ministre.

On a pris la décision de maintenir ce processus dans le but de veiller à ce que, dans tous les cas, il y ait une uniformité générale, en ce sens que tous les documents appropriés ont été conservés, puisque c’est simplement plus difficile à définir.

Les autres aspects sont essentiellement des calculs purs et simples. Lorsque vous avez exercé des fonctions pendant au moins 15 ans et que, dans le cas où le chiffre obtenu par l’addition de l’âge et du nombre d’années d’exercice est d’au moins 80, vous êtes admissible, vous y avez droit, et une fois que vous prenez votre retraite, vous y avez droit. C’est très facile et direct de cocher les cases et de s’assurer que tous les éléments sont là et que les conditions sont respectées. C’était simplement parce qu’on se disait qu’il y aurait peut-être un peu plus d’ambiguïté là-dedans.

La sénatrice Andreychuk : Cependant, j’ai cru comprendre que l’invalidité et le droit à une pension d’invalidité sont définis. De quel genre de pouvoir discrétionnaire parlons-nous? S’agit-il seulement de formalités administratives? Avez-vous obtenu un certificat médical ou demandez-vous à une personne de déterminer si elle a droit à la pension d’invalidité?

Mme Dekker : Je n’ai pas de connaissances directes sur la façon dont on a fait cela, parce que, comme je le dis, on l’a fait au Commissariat. Selon ma compréhension du processus, oui, il pourrait y avoir des demandes de documents médicaux supplémentaires, par exemple, de la part du commissaire à la magistrature fédérale ou peut-être du ministre de la Justice, qui irait alors de l’avant avec la recommandation présentée au Cabinet au sujet du décret en conseil, dans ce cas-ci.

La sénatrice Andreychuk : Le deuxième juge en chef adjoint de la Cour du Banc de la Reine a été ajouté et annoncé par le ministre de la Justice, si ma mémoire est bonne. Cela représentera un changement dans la loi.

Mme Dekker : Dans la Loi sur les juges, oui. La plus récente nomination concernait en fait un juge en chef de la Cour du Banc de la Reine. Le nouveau juge en chef adjoint ne pourra être nommé, à moins que cet amendement proposé soit accepté, oui.

La sénatrice Andreychuk : Je possède toujours les mêmes qualifications. Pourquoi nous propose-t-on ce changement dans le cadre d’un projet de loi de finances qu’on étudie, lorsqu’il aurait dû faire partie d’un amendement de la Loi sur les juges pour que cela soit bien clair?

Il est très important que le public comprenne la justice. Je trouve très étrange et vraiment pas du tout utile que les processus judiciaires soient en quelque sorte intégrés dans un document financier.

Je suis allée dans le Nord et je sais comment l’Alberta fonctionne. Je pense que les gens là-bas méritent de savoir qu’il y aura un changement et ce que cela signifie pour eux. Vous n’avez pas à me le dire maintenant, mais j’aimerais savoir qui va dans les faits aller dans le Nord et qui aura le droit d’y aller en vertu de cette loi. Les fonctions de ces personnes ont-elles changé de quelque façon que ce soit? Qui va superviser cela? Voilà le genre de questions que j’aurais posées si on nous avait présenté un amendement de la Loi sur les juges, ce qui, je crois, est la façon dont on a procédé dans le passé.

Le fait qu’on intègre des enjeux liés à la justice dans un projet de loi de finances me préoccupe. La somme totale des aspects financiers pourrait apparaître ici, mais les amendements et les changements réels sont assez importants. Je n’ai rien à ajouter.

La sénatrice Cools : La Loi sur les juges n’est pas un mystère. Il ne s’agit pas d’un mystère, mais elle est bien loin de l’objectif pour lequel elle a été créée il y a de nombreuses années. La Loi sur les juges a été créée afin de faire respecter l’obligation financière du Parlement du Canada d’établir et d’assurer le versement du traitement des juges.

Dans les années précédentes, chaque fois qu’un juge était nommé, on proposait un projet de loi pour que le juge individuel fixe le salaire du juge individuel. Puis, à un certain moment, je pense que c’est vers 1905, on a dit: « Nous devrions créer une Loi sur les juges ». Il y avait ce merveilleux article dans la Loi sur les juges, qui n’existe plus maintenant, selon lequel le traitement des juges en vertu de cette loi serait versé ou quelque chose comme cela.

Si vous regardez, vous voyez que cet article a changé. On parle maintenant des « traitements en vertu de la loi ». Vous y trouvez maintenant le commissaire à la magistrature, le Conseil de la magistrature, l’Institut de la magistrature et la Commission d’examen de la rémunération des juges. On ne sait maintenant plus trop clairement comment vraiment discerner les principes très importants concernant la rémunération des juges.

Je continue d’espérer que, à un certain moment, nous aurons l’occasion d’examiner cette question de façon beaucoup plus approfondie. Le nombre de traitements qui sont maintenant versés en vertu de la Loi sur les juges pour les nombreuses personnes qui ne sont pas du tout des juges est quelque chose que nous devrions examiner, si ce n’est cette fois-ci, alors la prochaine fois. C’est une question très importante.

Le président : Merci, madame Cools.

La sénatrice Cools : Avez-vous une quelconque idée du nombre de traitements actuellement versés à des personnes qui ne sont pas des juges en vertu de la loi?

Je lui adresse la question parce qu’elle est très gentille, vraiment.

Mme Dekker : Si je peux me permettre, les seuls traitements qui sont en fait prévus dans la Loi sur les juges sont ceux de la magistrature. On les trouve aux articles 9 à 21 de la Loi sur les juges.

Le reste de la loi prévoit les pensions, les droits, les indemnités et ainsi de suite. Comme vous le dites, elle crée la Commission d’examen quadriennal et le Conseil canadien de la magistrature à l’article 26.

La sénatrice Cools : Je connais l’article. Je l’ai étudié il y a quelques années. Nous devrions l’examiner, mais pas cette fois-ci. Je pense même que le traitement du commissaire de la magistrature s’y trouve.

Le président : Madame Cools, le président prendra la question en délibéré.

La sénatrice Cools : Tout à fait.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, madame Dekker. Dans la partie 8, à la première page, au troisième ou quatrième petit point, on peut lire ce qui suit : « bonifierait le congé de décès pour faire passer l’actuel congé payé de trois jours suivant immédiatement le décès d’un proche parent à cinq jours ouvrables ». Le congé n’aurait pas à être pris consécutivement. Les deux journées supplémentaires ne seraient pas payées. Est-ce qu'on les paie ou non? Est-ce trois ou cinq jours? Comment cela fonctionne-t-il? Parce que de la façon dont c’est écrit, l'un contredit l’autre.

Je recommence. La troisième puce, dans la section 8, partie 5, se lit comme suit : « bonifierait le congé de décès pour faire passer l’actuel congé payé de trois jours suivant immédiatement le décès d’un proche parent à cinq jours ouvrables ». Le congé n’aurait pas à être pris consécutivement, ça va, mais les deux journées supplémentaires ne seraient pas payées, donc je ne comprends pas.

Le président : Sénateur Maltais, si vous le permettez, cette question est reliée directement à la main-d’œuvre plutôt qu’aux juges.

Le sénateur Maltais : Mais on parle des juges, non? Il est question du Code canadien du travail? Excusez-moi.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : J’imagine que je trouve cela fâchant ou peut-être que je ne comprends pas bien. Lorsque nous parlons des pensions, elles sont versées aux deux tiers du traitement annexé au moment de la démission ou de la révocation du juge.

Si on vous révoque pour diverses raisons, et nous avons vu récemment des cas où un juge a été démis de ses fonctions, vous obtenez tout de même la pension. Vous ne faites face à aucune pénalité.

C’est bien ce qui est écrit ici, les deux tiers s’ils démissionnent ou sont révoqués.

Mme Dekker : En fait, on n’a jamais révoqué de juge dans le cadre du processus parlementaire qui a été établi dans la Constitution. Ce qui s’est produit dans le passé, c’est que, si on a recommandé une révocation, le juge a démissionné. S’il y a droit en vertu de la loi et a atteint l’âge réglementaire et ainsi de suite, oui, la pension doit être versée.

La sénatrice Eaton : Le gars est assez futé. Il voit ce qui s’en vient et donne sa démission rapidement. Vous le paieriez tout de même s’il n’avait pas donné sa démission et aviez dû le révoquer de force ou par la loi.

La sénatrice Cools : On ne révoque pas si facilement un juge.

La sénatrice Eaton : Si une poursuite était intentée contre le juge et s’il était révoqué et n’avait pas donné sa démission, il obtiendrait tout de même les deux tiers de sa pension.

Mme Dekker : Dans le libellé actuel de la loi, une fois qu’on a épuisé tous les processus d’enquête et le processus de discipline judiciaire, si le juge était révoqué et pouvait se prévaloir du droit prévu par la loi de la façon dont la loi est libellée, oui, cela serait versé.

La sénatrice Marshall : Combien de juges principaux verront leur titre changé pour celui de juge en chef? Combien y en a-t-il?

Mme Dekker : Il y en a trois. Le juge principal est le dirigeant de la cour pour la Cour suprême du Yukon, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest et la Cour de justice du Nunavut.

La sénatrice Marshall : Je crois comprendre que cela ne nécessiterait aucun financement supplémentaire. Le financement supplémentaire serait pour les nouveaux postes.

Mme Dekker : Le seul amendement qui est proposé aujourd’hui, c’est le traitement pour le nouveau juge en chef adjoint en Alberta, qui a été compris dans le budget de 2017.

Le changement de la désignation de juge vise purement à reconnaître qu’on le demande depuis longtemps. Nous avons travaillé avec nos homologues dans les territoires. Ils doivent aussi apporter des amendements à leurs lois pour s’assurer qu’on change le titre dans ces lois, que la structure des tribunaux corresponde à celle de la Loi sur les juges et à la législation constitutionnelle de leurs tribunaux. Ils vont créer ce poste dans leurs tribunaux.

Ils vont le créer. Une fois que ces amendements entreront en vigueur, le juge principal sera nommé par un juge en chef.

La sénatrice Marshall : Pour les personnes qui seront touchées par le titre, cela a-t-il fait l’objet d’une controverse?

Mme Dekker : Non, le contraire serait vrai. En fait, les territoires, les tribunaux, les juges mêmes et le Conseil canadien de la magistrature l’ont longtemps demandé. Les juges principaux sont rémunérés au même titre que tous les juges en chef. Ils sont des membres du Conseil canadien de la magistrature. Ils ont des droits et des responsabilités identiques en fait. Il s’agit simplement de le reconnaître.

La sénatrice Marshall : L’uniformité.

Mme Dekker : Exactement, l’uniformité pour ce qui est de reconnaître leur rôle dans l’administration de la justice dans le Nord.

Le président : Honorables sénateurs, l’étude de la section 11 est terminée. Je remercie énormément les témoins.

Nous allons passer immédiatement aux sections 12 et 13, avec Jim Valerio et Darryl Sprecher, qui vont témoigner, pour plus de clarté et pour la gouverne des sénateurs.

Aux fins du compte rendu, pourriez-vous dire votre nom et votre titre, s’il vous plaît?

Jim Valerio, directeur, Direction générale de la petite entreprise, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vais parler de la section 12.

Darryl Sprecher, directeur principal, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Je suis directeur principal, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor.

Le président : On m’a dit que vous aviez chacun quelques commentaires à faire, puis nous passerons aux questions.

Monsieur Valerio, vous avez la parole.

M. Valerio : La section 12 modifie la Loi sur la Banque de développement du Canada, la Loi sur la BDC, de façon à augmenter le montant maximal du capital qui peut être versé à la BDC afin de mettre en œuvre certaines politiques. Il est prévu que le montant maximal actuel, soit 3 milliards de dollars passe à 4,5 milliards de dollars.

Cet amendement a été proposé afin de permettre au gouvernement de mettre en œuvre deux initiatives du budget 2017, soit l’Initiative de catalyse du capital de risque et les investissements dans les entreprises spécialisées en énergie propre.

En outre, cela offrira au gouvernement une certaine latitude relativement aux initiatives éventuelles qu’il pourrait vouloir mettre en œuvre par l’intermédiaire de la BDC.

Le président : Passons à la section 13. Monsieur Sprecher, allez-y.

[Français]

Darryl Sprecher, directeur principal, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Bonsoir. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour vous présenter l’article 261, qui propose une modification au paragraphe 32(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques concernant le contrôle des engagements financiers. Afin de situer cette modification dans son contexte, en juin 2017 la Chambre des communes a approuvé des modifications aux règlements en vertu desquels le dépôt du Budget principal des dépenses était reporté du 1er mars, ou avant cette date, au 16 avril au plus tard pour les deux prochains cycles budgétaires. Ce délai permet d’inclure dans le Budget principal des dépenses de nouveaux financements annoncés dans le budget.

Quand le Budget principal des dépenses était normalement déposé au plus tard le 1er mars, avant le début du nouvel exercice le 1er avril, on demandait au Parlement d’approuver un projet de loi de crédits provisoires, pour doter les ministères d’un financement suffisant afin qu’ils puissent poursuivre leurs activités jusqu’à ce que la totalité des crédits soit approuvée à la fin juin.

[Traduction]

Sous sa forme actuelle, la Loi sur la gestion des finances publiques, ou LGFP, restreint la capacité des ministères de prendre des engagements financiers, notamment en ce qui concerne des marchés ou des accords de contribution, car elle exige qu’il y ait une provision suffisante dans un crédit ou dans les prévisions de dépenses déposées devant la Chambre des communes. Les alinéas proposés a) et b) conservent ces restrictions. Cependant, au début de l’exercice 2018-2019, seuls le budget des dépenses provisoire et les crédits correspondants pourront être utilisés, du moins jusqu’à ce que tout le Budget principal des dépenses soit déposé, soit environ deux semaines après le début du nouvel exercice.

Si le gouvernement refuse de modifier le libellé actuel de la LGFP, les ministres ne seront pas en mesure de refléter la valeur de l’exercice en entier dans les marchés et les contributions conclus en date du 1er avril ou un peu avant.

L’alinéa c) qu’on propose d’ajouter au paragraphe 32(1) de la LGFP a pour but de clarifier les pouvoirs du ministère des Finances en ce qui concerne le montant des engagements durant la période entre le dépôt du budget provisoire des dépenses en février et le moment où le Budget principal des dépenses intégral est déposé en avril. À ces fins, le projet de loi sur le budget provisoire des dépenses précisera le montant maximal des engagements financiers.

Le deuxième ajout proposé, dans l’alinéa d), précise que des engagements peuvent être pris en fonction du solde des recettes perçues et non grevées ou du solde des recettes estimatives d’un ministère, tel que prévu dans les prévisions de dépenses.

Le montant maximal pour les engagements sera fixé à la lumière de la prévision des dépenses, y compris les recettes prévues, qui sont connues au moment de la présentation des projets de loi de crédits provisoires. En d’autres mots, le Budget principal des dépenses prévu précède la prise en considération de nouvelles mesures budgétaires.

En conclusion, je tiens à insister sur le fait que ces modifications ont pour objectif de préciser les pouvoirs des ministères et non de les élargir. Elles ne modifient pas non plus leurs pouvoirs en ce qui concerne les paiements tirés du Trésor public. Les montants maximaux pour ce genre de paiements continueront d’être établis par le Parlement lorsqu’il met aux voix les lois de crédits.

Je suis maintenant disposé à répondre à toutes vos questions.

La sénatrice Eaton : Relativement au capital de risque dans l’énergie propre, est-ce qu’il suffit qu’une entreprise vous présente une énergie propre époustouflante, ou est-ce qu’elle doit satisfaire à des critères commerciaux rigoureux ou à n’importe quel autre genre de critères, comme on le ferait pour n’importe quelle entreprise demandant de l'aide?

M. Valerio : J’ai parlé de deux initiatives: l’une était l’Initiative de catalyse du capital de risque, pour laquelle on a débloqué 400 millions de dollars dans le budget. Cette initiative est en cours d’élaboration en ce moment. Cependant, le but de cette initiative est de fournir un accès au capital pour les entreprises novatrices dans toute une gamme de secteurs. La deuxième initiative concerne les entreprises dans le secteur de l’énergie propre.

Selon le budget 2017, cette initiative est censée fournir des capitaux, par exemple pour acquérir des parts d’une société qui œuvre dans le domaine de l’énergie propre ou d’autres formes de financement dans ce genre d’entreprises.

La décision revient aux deux sociétés d’État qui participent à cette initiative, soit la BDC et EDC. Puisque ces deux sociétés d’État exercent leurs activités de façon autonome, il leur revient de prendre leurs propres décisions d’investissement.

La sénatrice Eaton : La BDC a-t-elle beaucoup d’expérience avec l’énergie propre? A-t-elle une vaste connaissance du domaine?

M. Valerio : Oui, effectivement. Il s’agit d’une société d’État à vocation financière. Le budget de son portefeuille est de 29 milliards de dollars pour ce qui est de fournir un financement aux PME d’un bout à l’autre du Canada. L’un de ses secteurs d’intérêts est l’énergie propre, parmi une multitude d’autres.

La sénatrice Eaton : Elle a beaucoup d’expérience.

M. Valerio : Oui, effectivement.

La sénatrice Marshall : Ma première question concerne l’amendement à la Loi sur la gestion des finances publiques. On a utilisé l’expression « crédits provisoires » pendant de nombreuses années. Maintenant, on parle de budget provisoire des dépenses. Où est la différence?

M. Valerio : Les deux documents vont différer quelque peu. Les crédits provisoires sont une loi de crédits. Conformément au Règlement, un budget doit être déposé.

En utilisant l’expression « budget provisoire des dépenses », on combine ce que seraient les crédits provisoires à une version allégée du budget. De cette façon, nous pouvons voter des crédits provisoires pour des organisations tout en étant en conformité avec le Règlement.

La sénatrice Eaton : À quel moment avez-vous dit que le budget provisoire serait déposé?

M. Sprecher : À la mi-février.

La sénatrice Marshall : Ce serait déposé à la mi-février.

M. Sprecher : C’est exact.

La sénatrice Marshall : Et à quel moment le budget principal sera-t-il déposé ensuite?

M. Sprecher : Je ne peux pas vous donner une date exacte, mais le budget peut être déposé le 16 avril ou avant.

La sénatrice Marshall : Prévoit-on encore avoir des Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C)? Que va-t-il arriver?

M. Sprecher : Il va probablement y avoir deux budgets supplémentaires des dépenses cette année. Un Budget supplémentaire des dépenses (A) et (B). Il ne devrait pas y avoir de budget supplémentaire ce printemps. Ce qu’on aurait appelé le Budget supplémentaire des dépenses (B) deviendra le Budget supplémentaire des dépenses (A), et le dernier sera le Budget supplémentaire des dépenses (B).

La sénatrice Marshall : Le Budget supplémentaire des dépenses (B) actuel deviendra le (A), et le (C)…?

M. Sprecher : Oui, c’est exact.

La sénatrice Marshall : Je ne sais pas si vous participez au processus, mais savez-vous si les ministères sont en train de prendre des mesures en conséquence?

M. Sprecher : Oui, les ministères sont tous au courant. Les modifications datent de juin. Nous avons consulté les ministères et nous les avons informés des exigences pour tous ces processus.

La sénatrice Marshall : Ai-je le temps de poser une question à propos de la BDC?

Le président : Oui.

La sénatrice Marshall : D’après ce que j’ai compris, le montant maximal pour le financement supplémentaire fourni sera de 4,5 milliards de dollars. Savez-vous si l’argent doit être versé au cours de l’exercice actuel, ou au prochain exercice? Qu’est-ce que vous prévoyez?

M. Valerio : Je vais être clair, il ne s’agit pas ici de fournir des fonds à la BDC. L’objectif est d’augmenter le montant maximal du capital versé. Ainsi, le gouvernement peut injecter des capitaux supplémentaires pour ces initiatives dans l’avenir. Tout ce que nous faisons, c’est augmenter le montant maximal des capitaux pouvant être injectés.

La sénatrice Marshall : Qu’en est-il de l’injection de fonds pour les prêts? Quand prévoyez-vous que ce sera versé?

M. Valerio : On attend toujours que l’initiative de catalyse du capital de risque soit annoncée. L’initiative concernant l’énergie propre est toujours en cours d’élaboration également. La BDC va mettre au point son plan d’entreprise, puis elle va nous informer des capitaux dont elle a besoin en fonction de ce plan.

La sénatrice Marshall : Selon vous, quand les choses vont-elles commencer à bouger? Vous en êtes encore à la phase de planification ou de préparation? Quand comptez-vous lancer ces deux programmes, selon vous?

M. Valerio : J’imagine que la BDC aura probablement besoin d’une injection de capitaux l’année prochaine, du moins en ce qui concerne l’énergie propre. Du côté de l’Initiative de catalyse du capital de risque, ce devrait être environ au cours de la même période.

La sénatrice Marshall : Pour toutes ces choses, s’agit-il de prêts? Y a-t-il des subventions dans le financement accordé, ou est-ce que tout doit être remboursé?

M. Valerio : L’Initiative de catalyse du capital de risque, c’est pour du capital de risque. Il ne s’agit pas de prêts. La BDC acquiert une participation en capital dans l’entreprise et obtient un certain rendement.

La sénatrice Marshall : On l’espère bien, oui.

M. Valerio : On l’espère, oui. Du côté de l’initiative concernant l’énergie propre, c’est davantage une combinaison de participation financière et ce qu’on pourrait appeler des prêts ou des prêts de quasi-capitaux propres.

La sénatrice Marshall : Jusqu’ici, quels sont les résultats par rapport aux placements en actions et aux prêts?

M. Valerio : L’année dernière, le rendement du capital-actions de la BDC était de 8,3 p. 100. La BDC a le mandat d’avoir un taux de rendement de capital-actions supérieur au coût du capital sur 10 ans pour le gouvernement, lequel est d’environ 2 p. 100 actuellement.

La sénatrice Marshall : De ces 8,3 p. 100, arrive-t-il que l’argent revienne au gouvernement? Est-ce que vous versez des dividendes?

M. Valerio : La BDC a toujours versé des dividendes, depuis 1995. Cela se fait chaque année.

La sénatrice Eaton : Vous avez, bien sûr, votre propre façon de fonctionner, mais je trouve tout de même étrange que vous veniez nous demander 1,5 milliard de dollars supplémentaires alors que vous n’avez même pas préparé de plan. Vous nous faites en quelque sorte miroiter des promesses, mais il n’y a rien de vraiment concret; vous n’avez pas décidé où, quand, comment ni pourquoi, et pourtant, vous demandez de l’argent.

M. Valerio : Il y a deux ou trois choses que je vais devoir préciser, de ce côté-là.

La sénatrice Eaton : Vous voulez de l’argent.

M. Valerio : Non, ce que nous voulons, c’est augmenter le montant maximal du capital versé.

La sénatrice Eaton : C’est du pareil au même. Pourquoi voulez-vous qu’on augmente le montant maximal avant même d’avoir couché un plan sur le papier? Qu’arrive-t-il si, une fois que tout est prêt, il s’avère que vous avez besoin de 7 milliards de dollars ou seulement 4 milliards de dollars? Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre, ces 4,5 milliards de dollars?

M. Valerio : Le budget 2017 a été passablement explicite en ce qui concerne l’Initiative de catalyse du capital de risque. Le gouvernement s’est engagé à injecter 400 millions de dollars dans cette initiative. Le budget 2017 était aussi clair en ce qui concerne l’initiative pour l’énergie propre. Au total, 1,4 milliard de dollars vont être répartis entre la BDC et l’EDC. La BDC devrait toucher environ la moitié.

C’est à la lumière de ces montants que nous avons décidé de demander d’augmenter le montant maximal de 1,5 milliard de dollars. Cela nous donne une marge de manœuvre pour mettre en œuvre les initiatives prévues dans le budget 2017 et injecter les capitaux nécessaires. Parallèlement, cela nous permet aussi d’avoir un certain degré de latitude pour l’avenir.

Je vais vous donner un peu de contexte : actuellement, le capital versé à la BDC s’établit environ à 2,5 milliards de dollars. La mise en œuvre de ces deux initiatives suppose au moins 1 milliard de dollars de plus.

Si vous calculez la différence, cela nous laisse de 900 millions de dollars à 1 milliard de dollars de marge de manœuvre pour les initiatives éventuelles que le gouvernement pourrait décider de mettre en œuvre par l’intermédiaire de la BDC.

[Français]

Le sénateur Forest : Je comprends que l’augmentation de 1,5 milliard servira éventuellement de capitalisation pour appuyer des projets d’énergie propre et liés à la nouvelle économie. La BDC n’avait-elle pas déjà ce type de projet dans son portefeuille?

[Traduction]

M. Valerio : Actuellement, la BDC fournit du capital de risque. Son portefeuille de capital de risque est actuellement de 1,1 milliard de dollars. Elle fournit également d’autres types de financement.

Comme je l’ai dit, le portefeuille de la BDC s’élève à 29 milliards de dollars. La BDC est une banque, et en tant que banque, nous devons veiller, en cas de ralentissement économique, à avoir suffisamment de capital pour éviter d’avoir besoin d’une aide financière ou pour éviter les difficultés financières. Certains types d’investissements, comme les placements de capital de risque, présentent de façon générale un niveau de risque élevé, et les ratios de suffisance du capital que nous utilisons prévoient que nous devons injecter un capital versé d’une valeur de 1 $ pour tout placement de capital de risque.

[Français]

Le sénateur Forest : Ce sont effectivement des secteurs fort importants dans une économie de classe mondiale du XXIe siècle. Dans le plan de relance du gouvernement, dans le cadre de cet ambitieux programme d'infrastructures doté de plus de 120 milliards de dollars d’investissements, il y a plusieurs milliards de dollars qui sont spécifiquement consacrés aux projets d'énergie propre. Comment arrivez-vous à arrimer les efforts de la BDC avec ce programme d’infrastructures? Ce sont deux leviers fort importants du gouvernement du Canada, dont les ressources financières proviennent des Canadiens et des Canadiennes.

[Traduction]

M. Valerio : Le programme d’infrastructures est une bête bien différente du mandat de la BDC. Le mandat de la BDC est de servir et aider les petites et moyennes entreprises canadiennes. C’est une catégorie de projets bien différente de ceux que la BDC financerait.

Encore une fois, la BDC n’offre pas de subventions. Tout ce qu’elle fait, c’est consentir des prêts et acquérir des parts des entreprises. J’insiste sur le fait que cela s’applique aux petites et moyennes entreprises, et non aux projets d’infrastructure. Ces genres de projets sont très différents.

[Français]

Le sénateur Forest : Cela suppose qu’un client de la BDC ne peut pas avoir un effet de levier, non seulement avec un prêt de la BDC, mais également avec une subvention du programme d’infrastructures.

[Traduction]

M. Valerio : Je me vois dans l’impossibilité de répondre à votre question. Vous m’en voyez désolé, mais je n’en sais pas assez à propos du programme d’infrastructures. Je pourrais cependant me pencher là-dessus et communiquer l’information au comité plus tard.

Le président : Donc, monsieur Valerio, pourriez-vous vérifier et transmettre l’information à la greffière du comité afin de nous éclairer?

M. Valerio : Je n’y manquerai pas.

Le président : Honorables sénateurs, voilà qui met fin à l’étude des sections 12 et 13. Je tiens à remercier chaleureusement les représentants de leurs commentaires et de l’information qu’ils nous ont fournie pour nous aider à y voir plus clair.

Mesdames, messieurs, nous allons maintenant passer aux sections 8, 9 et 10. Je demanderais aux représentants de venir prendre place, s’il vous plaît.

À titre indicatif, pendant que les représentants s’installent, la dernière section du projet de loi C-63 est composée des parties 3 et 4. Essentiellement, les deux parties forment un tout.

[Français]

Sénateur Pratte, nous allons examiner les sections 8, 9 et 10, qui sont reliées directement au Code du travail.

[Traduction]

Les deux dernières concernent la Loi sur l’accise, la partie 3, et les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces en ce qui a trait au cannabis, la partie 4.

Mesdames, messieurs, peut-être pourrions-nous clore la soirée après l’étude de la section 8, le Code canadien du travail, puis des sections 9 et 10. Les représentants pour les parties 3 et 4 pourront venir demain.

Je demanderais donc aux représentants venus témoigner au sujet de la section 8 concernant le Code canadien du travail, la section 9 et la section 10 de se présenter. Ensuite, les représentants vont présenter chaque section, à la suite de quoi nous passerons aux questions.

Commençons avec la section 8 concernant le Code canadien du travail. Je demanderais aux représentants de se nommer et de commencer leur exposé.

Tony Giles, sous-ministre adjoint, Politique, règlement des différends et Affaires internationales, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Je suis accompagné de deux de mes collègues. Je vais les laisser se présenter également.

[Français]

Réal Gagnon, analyste principal des politiques, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Bonsoir, je suis Réal Gagnon, Politique stratégique et réforme législative, Programme du travail.

Sharif Sadek, analyste des politiques, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Bonsoir.

[Traduction]

M. Giles : Je vais parler des sections 8 et 9.

Le président : Et la section 10?

Stephen Fertuck, directeur général par intérim, Direction générale des politiques externes et commerciales, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vais faire des commentaires sur la section 10.

Melanie Hill, conseillère spéciale, Secteur des stratégies et politiques d’innovation, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Moi aussi.

M. Fertuck : Melanie Hill va vous expliquer la section 10 de la partie 5.

Joyce Henry, directrice générale, Office de l’efficacité énergétique, Ressources naturelles Canada : Je vais aussi parler de la section 10.

Le président : J’inviterais le représentant pour la section 8 à commencer son exposé.

M. Giles : L’objectif unique de la section 8 de la partie 5 est de promouvoir la flexibilité dans le monde du travail afin d’avantager autant les employés que les employeurs. Cette section est proposée en réaction à une préoccupation de premier ordre qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Tous les sondages sur le sujet au cours des dernières années ont montré que les Canadiens veulent de l’aide afin d’être en mesure de trouver un équilibre entre les exigences dans leur vie professionnelle et celles de leur vie personnelle, comme les obligations familiales et tout le reste. Parallèlement, la section remplit explicitement un engagement pris par le gouvernement dans le budget 2017 relativement à l’adoption de ces dispositions législatives.

Avant de décrire ces dispositions, j’aimerais prendre une minute ou deux pour vous expliquer qui sera touché. Le Code canadien du travail régit un certain nombre d’industries qui relèvent de l’autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral. Cela comprend les banques et les entreprises de télécommunications comme Vidéotron et Rogers. Le Code s’applique aussi aux sociétés de transport interprovinciales et internationales, donc l’ensemble des compagnies aériennes du pays, la plupart des réseaux ferroviaires, des ports et des ponts transfrontaliers ainsi que les traversiers. Il s’applique également aux entreprises de camionnage interprovinciales et internationales. Il s’applique à la majorité des sociétés d’État comme Postes Canada, la Société Radio-Canada et j’en passe.

Le Code ne s’applique toutefois pas à la fonction publique fédérale, laquelle est régie par un régime législatif distinct. Il ne s’applique pas non plus aux entreprises relevant de la compétence provinciale, comme les entreprises dans le secteur de la fabrication, des services, et cetera.

De façon générale, la section 8 comprend trois volets : premièrement, il donne aux employés le droit de faire une demande d’assouplissement de leurs conditions d’emploi. Par cela, nous entendons que les gens peuvent demander de travailler à des heures différentes, selon un horaire différent ou à un endroit différent. La section prévoit que les employeurs qui refusent ce genre de demande doivent soit justifier leur refus, soit trouver une solution de rechange pour leurs employés.

Essentiellement, l’objectif stratégique ici est de créer un contexte propice à une discussion entre employés et employeurs à propos de l’assouplissement des conditions de travail. Nous ne voulons en aucun cas imposer un lourd fardeau sous les traits d’une solution universelle. Nous voulons seulement encourager ce genre de communications qui, au bout du compte, permettront aux gens d’avoir des conditions d’emploi qui simplifieront leur vie.

Le deuxième ensemble de modifications prévues dans la section 8 concerne les congés. On propose ici de créer trois nouveaux types de congés sans solde pour les employés, soit un congé pour obligations familiales de trois jours ou plus pendant l'année, un congé pour les victimes de violence familiale d’au plus dix jours par année et un troisième congé pour pratiques autochtones traditionnelles d’au plus cinq jours par année.

En outre, la section 8 propose d’ajouter deux jours de congé sans solde supplémentaires aux trois jours de congé rémunéré existant pour décès. Les employés auront le choix de prendre leur congé de deuil complètement ou de le répartir sur deux périodes dans le but, encore une fois, de promouvoir l’assouplissement des conditions de travail, de faciliter les déplacements, et tout le reste que cela suppose.

Troisièmement, la section 8 prévoit un certain nombre de modifications mineures ou techniques de certaines dispositions concernant les normes du travail fédérales, encore une fois dans l’objectif de favoriser l’assouplissement des conditions d’emploi pour les employeurs et les employés. Les modifications proposées actuellement concernent la façon dont les heures de travail sont établies, le calcul des heures supplémentaires, les congés annuels et la possibilité d’échanger certains jours fériés. Des propositions sont également prévues dans la réglementation afin de rationaliser certaines des procédures relatives aux modifications éventuelles des horaires de travail.

La dernière chose que je veux dire à propos de la section 8 est que l’ensemble des propositions sont le fruit de processus de consultation exhaustifs menés auprès des employeurs, des employés, de groupes de spécialistes dans le domaine de la conciliation travail-vie personnelle, d’organisations non gouvernementales représentant les aides familiaux, et j’en passe. Fondamentalement, l’objectif stratégique est de trouver un équilibre entre les besoins des employés et les besoins des employeurs. La section 8 comprend toutes sortes de dispositions à cette fin.

Voulez-vous que je présente mes commentaires sur la section 9? Ce sera plus rapide.

Le président : Oui, s’il vous plaît.

M. Giles : La section 9 est proposée pour honorer l’engagement pris par le gouvernement dans le budget 2017 afin de restreindre davantage l’utilisation de stagiaires non rémunérés dans les organisations relevant de la compétence fédérale.

Afin de vous expliquer ce que sous-tend la proposition, nous allons devoir remonter brièvement en arrière, en 2015. En 2015, des dispositions législatives ont été adoptées afin de restreindre l’utilisation de stagiaires non rémunérés. On prévoyait toutefois deux exceptions. La première exception concerne les étudiants dans un programme d’éducation pertinent qui doivent obligatoirement faire un stage. Dans ce cas, il est permis d’engager ce genre d’étudiants comme stagiaires non rémunérés, puisqu’ils reçoivent des crédits universitaires. La deuxième exception s’appliquait si la personne concernée remplissait six critères. L’un des critères, par exemple, était que la situation ne pouvait pas durer plus de quatre mois.

Ces dispositions ne sont pas encore en vigueur, à cause des consultations avec les intervenants dans le processus d’élaboration de la réglementation qui n’ont pas abouti. Récemment, le gouvernement s’est à nouveau penché sur ces dispositions et a décidé de préserver la première exception — celle permettant d’embaucher un étudiant comme stagiaire non rémunéré dans le cadre de son programme universitaire —, mais d’éliminer la deuxième — celles permettant d’engager un stagiaire non rémunéré dans certaines conditions —, parce qu’elle était trop lourde.

Les modifications proposées ici visent donc à éliminer la deuxième exemption en vue de restreindre l’utilisation de stagiaires non rémunérés à une catégorie précise d’étudiants seulement. Merci.

Le président : Passons à la section 10, s’il vous plaît.

Mme Hill : L’Association de libre-échange canadien, l’ALEC, est entrée en vigueur le 4 juillet 2017 et succède à l’Accord sur le commerce intérieur. En vertu de l’ALEC, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent se conformer à un ensemble exhaustif de règles visant à favoriser une union économique moderne et compétitive pour le bien de tous les Canadiens.

Le gouvernement du Canada doit cependant procéder à certaines modifications connexes d’ordre législatif avant de pouvoir mettre en œuvre certains éléments de l’ALEC. Par conséquent, la section 10 de la partie 5 édicte la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange canadien, dont l’objet principal est la mise en œuvre de dispositions législatives concernant l’Accord sur le commerce intérieur. Les dispositions ont une portée essentiellement administrative. Cette loi sert à nommer le ministre responsable de l’ALEC, à faciliter le règlement des différends, à autoriser l’imposition de sanctions pécuniaires, à permettre la nomination des experts et des membres du comité pour le règlement des différends et à débloquer des fonds du gouvernement fédéral pour le secrétariat intergouvernemental de l’ALEC. Puisque l’ALEC remplace l’Accord sur le commerce intérieur, il va sans dire que la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange canadien prévoit aussi l’abrogation de la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur le commerce intérieur.

Afin que le gouvernement fédéral puisse jouer un rôle de premier plan dans le commerce intérieur, la section 10 de la partie 5 prévoit trois amendements à la Loi sur l’efficacité énergétique, la LEE. La première modification de la LEE habiliterait le ministre des Ressources naturelles à apporter des modifications techniques ou administratives aux règlements existants émis par le gouverneur en conseil. Les modifications doivent avoir comme objectif de maintenir l’harmonisation entre les administrations.

Ensuite, la LEE serait modifiée de façon à habiliter le gouverneur en conseil à incorporer par renvoi des documents de normes techniques afin d’assurer l’harmonisation avec les autres administrations.

La troisième modification proposée concerne l’abrogation de l’article 26 de la LEE. Cet article, qui exige que les règlements soient publiés au préalable dans la partie I de la Gazette du Canada, est redondant puisqu’il s’agit également d’une directive du Conseil du Trésor.

Ces modifications de la LEE fourniront au gouvernement du Canada de nouveaux outils qui lui permettront d’harmoniser les normes à l’échelle du pays et de veiller à ce que le Canada s’aligne sur ses plus importants partenaires commerciaux.

Je vais maintenant passer aux modifications corrélatives. Ces modifications visent la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement. Elles remplacent les mentions à l’Accord sur le commerce intérieur par des mentions du nouvel ALEC.

La section prévoit aussi l’abrogation de la Loi sur le marquage des bois, la LMB. La LMB est une loi fédérale désuète datant de 1870 qui ne s’applique qu’à trois provinces: l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick. Cette loi exige que les personnes engagées dans des activités de flottage de bois sur les eaux internes de ces provinces marquent chaque bille d’une marque enregistrée. Il s’agit donc d’une loi intrinsèquement diffamatoire, ce qui va à l’encontre de l’exigence de traitement non discriminatoire prévue dans l’ALEC.

Une consultation officielle a été menée sur l’abrogation de la LMB, et tous les intervenants qui ont présenté des commentaires ont soutenu l’abrogation proposée. Personne ne s’attend à ce que cela ait un impact défavorable.

Afin d’assurer une continuité, la section 10 de la partie 5 sera réputée entrer en vigueur le 1er juillet 2017, date d’entrée en vigueur de l’ALEC.

Pour conclure, les modifications législatives proposées dans la section 10 de la partie 5 ne soulèvent aucune controverse, puisque toutes les modifications importantes concernant directement l’ALEC ont déjà été acceptées par les provinces et les territoires pendant le processus de négociation. En outre, pour ce qui est des modifications de la LEE, les provinces et les intervenants de l’industrie ont déjà été consultés et étaient tous largement en faveur.

La sénatrice Marshall : Je vais m’adresser d’abord à M. Giles.

Je trouve étrange que ces modifications visent les organisations sous réglementation fédérale, mais pas la fonction publique fédérale. Si je me souviens bien, je crois qu’il y avait des modifications proposées dans le budget de l’année dernière, ou peut-être celui d’avant. On proposait d’allonger le congé de maternité à 18 mois. Là aussi, cela s’appliquait aux organisations sous réglementation fédérale.

Pourquoi ne s’appliquent-elles pas? C’est comme si le gouvernement fédéral disait: « cela s’appliquera à vous, à vous et à vous, mais pas à moi. » Pourquoi est-ce que c’est organisé comme ça?

M. Giles : Cela fait des décennies que les relations de travail au sein du gouvernement fédéral sont encadrées par deux textes de loi distincts. Le Code canadien du travail s’applique à tout ce qu’on appelle le secteur privé, y compris les sociétés de la Couronne. La Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral s’applique au secteur public.

La logique de tout cela remonte à la fin des années 1960. La première loi sur le travail adoptée au Canada ne couvrait pas du tout le secteur public. Ce n’est que dans les années 1960 et au début des années 1970 que l’on a commencé à couvrir les fonctionnaires du gouvernement fédéral et des provinces. On avait pensé à l’époque qu’il fallait un régime de relations de travail différent pour ces personnes, étant donné la position particulière des fonctionnaires qui négociaient avec le gouvernement lui-même. C’est pour cette raison qu’il y a deux sortes de lois.

De manière générale, il y a beaucoup de correspondances entre ces deux lois. Étant donné l’ampleur des négociations collectives et de la couverture des conventions collectives du secteur public, on y compte bien moins d’employés non syndiqués; dans le secteur privé, par contre, le nombre d’employés non syndiqués est bien plus élevé. C'est pour cette raison que le Code canadien du travail qui les couvre a été élaboré de cette manière.

S’il n’y a pas de normes du travail correspondantes pour les fonctionnaires, c’est que 80 p. 100 d’entre eux environ sont couverts par une convention collective.

La sénatrice Marshall : Quels sont les projets à long terme, dans ce cas? Cela s’applique aux organismes sous réglementation fédérale, mais quel pourcentage des travailleurs du Canada travaillent pour un organisme sous réglementation fédérale? Quel pourcentage des travailleurs seront couverts par cette nouvelle loi?

M. Giles : Le pourcentage se situe entre 6 et 8 p. 100. Cela concerne 900 000 employés travaillant pour quelque 18 000 entreprises au Canada.

La sénatrice Marshall : J’ai mal entendu le pourcentage.

M. Giles : Le pourcentage des employés couverts sera de 8 p. 100.

La sénatrice Marshall : Si la loi ne couvrira que 8 p. 100 des employés, quels sont les projets à long terme? Qu’allez-vous faire pour l’autre tranche de 92 p. 100?

M. Giles : Cela relève de la compétence des provinces.

En ce qui concerne les modalités de travail flexible, par exemple, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail a déjà commencé à discuter avec ses homologues des provinces, non pas pour faire pression sur eux, mais pour montrer ce que le gouvernement fédéral est en train de faire.

L’Ontario a emprunté la même voie. C’est un peu une tradition, au Canada; lorsqu’une administration innove, les autres la regardent faire un certain temps. Si les résultats sont satisfaisants, elles emboîtent le pas.

La sénatrice Marshall : Est-il prévu qu’un jour, cela s’étendrait aux petites entreprises? Vous attendez-vous à ce que tous les travailleurs soient couverts par une loi de ce type?

M. Giles : Je crois que c’est à cela qu’on aspire. Je ne dirais pas que c’est l’intention du gouvernement fédéral, puisqu’il n’a pas le pouvoir d’imposer cela au-delà de sa propre sphère de compétence constitutionnelle, mais on peut à juste titre dire que le gouvernement fédéral a le profond désir que les provinces fassent la même chose.

La sénatrice Marshall : Vous avez parlé des stages non rémunérés; parliez-vous des stages offerts par tous les organismes ou seulement par les organismes sous réglementation fédérale?

M. Giles : Seulement les organismes sous réglementation fédérale, ici aussi. De nombreuses provinces ont établi leurs propres règles concernant les stages. Ce n’est pas exactement ce que nous proposons. Certaines règles sont semblables, d’autres sont différentes, mais la plupart d’entre elles visent d’une façon ou d’une autre à régler le problème.

La sénatrice Marshall : J’imagine que votre intention est pour ainsi dire d’offrir un modèle. Il est à espérer que tout le monde le suivra.

M. Giles : Je ne sais pas si les provinces sont nombreuses à nous écouter, ce soir, mais d’une certaine manière nous aimons montrer au pays la voie à suivre dans ces dossiers.

Le sénateur Pratte : J’aimerais parler du paragraphe 174(1), qui porte sur la rémunération des heures supplémentaires et des congés compensatoires, les cas où un employeur peut refuser de faire des heures supplémentaires et sur les exceptions.

Je me demandais tout simplement dans quels cas un employé peut refuser, par exemple, lorsqu’il a pris les moyens raisonnables pour s’assurer qu’il n’y a aucune autre façon de s’acquitter de ses obligations familiales de le faire pendant la période où on lui demande de faire des heures supplémentaires. Les exceptions, évidemment, sont les cas où il existe une menace pour la vie ou une menace de dommages à des biens ou de perte de biens.

J’aimerais tout simplement savoir dans quelle situation se retrouverait cet employé, sur le plan juridique, s’il a cherché un autre moyen de s’acquitter de ses obligations familiales, mais n'a pas trouvé de solutions, par exemple, s’il n’a trouvé personne pour s’occuper des enfants, et que, en même temps, l’employeur estime qu’il existe une menace pour la vie.

C’est un problème quasiment insoluble. Qu’arrivera-t-il à cet employé? Il doit prendre soin d’un enfant, mais il ne trouve personne pour s’en occuper, et son employeur lui demande de faire des heures supplémentaires parce qu’il existe une menace de dommage à des biens. Qu’arrive-t-il, sur le plan juridique? Qu’est-ce que l’employé peut faire?

M. Giles : Je dirais pour commencer que, si cette éventualité improbable se réalisait, dans la plupart des cas le lieu de travail trouverait une solution pratique, et il n’y aurait pas de problème.

Dans un très petit nombre de cas, peut-être, ou dans ce cas en particulier, si l’employeur pouvait prouver qu’il existait réellement une menace pour la vie, dans le cas par exemple des contrôleurs aériens de Nav Canada, et qu’il fallait diriger les avions, l’employeur aurait au bout du compte le droit de dire: « Je suis désolé, mais vous devez rester ici et travailler. » Il est permis d’espérer que la plupart des employeurs avisés et les syndicats avec lesquels ils travaillent trouveraient dans ce cas une solution.

Le sénateur Pratte : J’ai vu dans le projet de loi diverses dispositions portant sur les cas où un employé qui est en congé interrompt son congé et prend plutôt un congé de maladie, par exemple, puis retourne en congé. Je parle par exemple du paragraphe 239(1.1), qui était déjà dans la loi. Il y a une chose qui m'a sauté aux yeux. C’est déjà dans la loi, mais j'aimerais avoir des explications supplémentaires.

Dans le Code canadien du travail actuel, par exemple, si un employé prend un congé de maladie, revient au travail et a besoin de modifier ses modalités de travail en raison de sa maladie, et ainsi de suite, l’employeur peut l’affecter à un poste différent en raison de son état de santé. Il est bien dit « peut affecter », non pas « doit affecter » ou « affectera ». Est-ce que cette exigence n’est pas un peu faible? L’employeur peut affecter, ce qui fait que l’employeur a le choix, malgré que l’état de santé de l’employé pourrait l’exiger.

M. Giles : Je crois qu’il faudrait établir une distinction entre les différentes possibilités.

Si l’employé qui revient au travail a un problème de santé quelconque que l’on pourrait assimiler à un handicap, alors les lois sur les droits de la personne obligent l’employeur à lui proposer des mesures d’adaptation, n'est-ce pas? Ce serait là l’un des rares cas où il s’agirait non pas d’un handicap, mais de quelque chose d’autre.

L’utilisation du mot « peut », dans cette disposition — et il figure ailleurs dans différentes dispositions du code —, sert ici aussi, comme je l’ai dit plus tôt, à établir un équilibre entre le fait d’assurer un certain ensemble de droits, mais aussi de fournir aux employeurs une certaine marge de manœuvre dans la gestion de leur entreprise. Il est toujours difficile de trouver exactement ce juste équilibre.

Comme je l’ai dit plus tôt, dans la plupart des cas, on trouve une solution pratique. En réalité, la loi sert simplement de filet de sécurité, pour le cas où il est impossible d’arriver à une solution raisonnée. Nous ne recevons vraiment pas beaucoup de plaintes relativement à cette disposition particulière.

La sénatrice Eaton : À combien se chiffreront à votre avis ces changements?

M. Giles : Nous avons étudié la question, en fait, puisque chaque fois que nous modifions les normes du travail, nous devons nous arrêter pour analyser leurs répercussions sur les employeurs. Il n’y a rien ici qui donnerait à penser qu’il y aurait des coûts importants pour les employeurs, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, de nombreux employés qui travaillent pour une entreprise sous réglementation fédérale sont syndiqués et couverts par une convention collective assortie de normes bien plus sévères que ce que nous proposons aujourd'hui. Ces employeurs ne seront pas du tout touchés.

Nous sommes tombés sur une question intéressante : qu’en sera-t-il des stagiaires non rémunérés? Est-ce qu’un problème se posera? Nous avons fait une enquête auprès d’employés fédéraux, en 2015, et constaté que sur les 10 000 stagiaires employés par le gouvernement en 2015, la grande majorité, soit quelque 8 000 d’entre eux, était déjà rémunérée. Le nombre de stagiaires non rémunérés est en fait assez petit.

Une phrase de la ministre m’est revenue à l’esprit : « Qu'en sera-t-il des autres? » Nous avons fait un calcul et constaté que les employeurs qui emploient déjà des stagiaires non rémunérés voulaient toujours employer des stagiaires, mais en les rémunérant, pour des stages qui durent en général trois ou quatre mois, il leur en coûterait de 6 000 à 8 000 $; pour la plupart des entreprises sous réglementation fédérale, ce montant n'est pas très important.

La sénatrice Eaton : Puis-je poser une question en demandant aux témoins de m’envoyer leur réponse par écrit?

Le président : Je vous en prie.

La sénatrice Eaton : Dans quelle mesure le Canada est-il compétitif par rapport aux autres pays du G7 pour ce qui concerne les codes du travail? Sommes-nous d’avant-garde, dans la moyenne ou en retard?

M. Giles : Combien de temps avons-nous pour répondre à cette question?

Le président : Serait-il possible, monsieur Giles, de réfléchir à la question et de nous envoyer une réponse par écrit, s’il vous plaît?

M. Giles : Oui, bien sûr, mais j’aimerais poser une question à la sénatrice. Que voulez-vous dire par compétitif?

La sénatrice Eaton : Est-ce que cela fait du Canada un pays plus compétitif ou moins compétitif pour ceux qui veulent lancer une entreprise? Est-ce que les codes du travail des autres pays du G7 offrent la même souplesse?

M. Giles : D’accord.

Le président : Est-ce que la question est plus claire ainsi?

M. Giles : Oui.

[Français]

Le sénateur Forest : Je crois que ce sont des modifications pertinentes. Toutefois, je suis particulièrement sensible à la question des stages. J’ai fait un stage de huit mois à Rimouski et, après y avoir passé 40 ans de ma vie, je peux dire que cela a eu un impact majeur sur mon parcours professionnel. Ce stage, je l’ai fait dans le cadre de ma formation universitaire.

Lorsqu’on fait un stage, en général, c'est pour acquérir des connaissances et de l'expérience, et il y a toujours une notion de supervision. À la lecture de vos six critères, je constate que l'un d'eux soustrait l’entreprise à l'obligation de rémunérer le stagiaire, dans le cas où il y a une supervision de la part de l’employeur. Lorsque je lis cela, c’est comme si la rémunération du stagiaire devenait automatiquement impossible, parce que dans le cadre d'un stage, puisqu’il est question d'acquérir des connaissances et de l'expérience, cela implique forcément une supervision de la part de l’employeur. À mon avis, ce critère rend caduque la modification.

M. Fertuck : Les six critères dont vous parlez sont les six critères qu’on propose d’éliminer de la loi. C'est l'exemption qui reste sur la base des six critères, y compris le fait que le stagiaire est supervisé convenablement. La proposition, c’est d’écarter cet aspect.

Le sénateur Forest : J’étais totalement dans l’erreur. J’ai mal interprété votre phrase en français. Donc, les stages sont soustraits de l’application dans la mesure où il y a les six critères. La traduction française ne donnait pas le vrai sens de la modification.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : J’aimerais poursuivre sur le même sujet. Vous avez dressé la liste du genre d’entreprises qui sont sous réglementation fédérale. J’ai fait part à la ministre de mes préoccupations touchant les activités et les problèmes des petites et moyennes entreprises. Bien sûr, de nombreuses PME sont sous réglementation provinciale.

Combien d’entreprises sous réglementation fédérale classeriez-vous parmi les PME? Dans votre liste, vous n’avez parlé que des grandes entreprises. Nous savons qu’elles sont souvent sous réglementation fédérale, mais en existe-t-il de petites?

M. Giles : Je n’ai pas les chiffres sous la main, mais je dirais que la plupart des 18 000 employeurs des entreprises sous réglementation fédérale sont en fait de petites ou moyennes entreprises. Elles n’emploient qu’une très faible proportion des employés, puisque, comme vous le comprenez certainement, les banques, les compagnies aériennes et toutes ces entreprises en emploient la plus grande partie. La plupart des petites et moyennes entreprises travaillent dans le secteur du camionnage, un des secteurs sous réglementation fédérale formés surtout de petites organisations.

Il y a toute une gamme d’autres secteurs, par exemple les stations radiophoniques. Les stations radiophoniques locales sont très souvent de petites entreprises.

Si vous voulez les chiffres exacts, nous pouvons sans problème vous les faire parvenir, par secteur, et vous pourrez ainsi voir dans quels secteurs ils se retrouvent.

La sénatrice Andreychuk : Je l’apprécierais. Quand vous parlez de souplesse et d’accommodement, tout cela dépend beaucoup de la capacité de l'entreprise de s’adapter, et ça dépend aussi beaucoup des employés. Espérons que ces aspects ont fait l’objet d’une discussion.

De manière générale, je constate que les petites entreprises sont souvent mieux disposées à prendre des mesures d’adaptation, étant donné qu’elles connaissent bien les employés, mais la loi, quand elle sera adoptée, devra être respectée. Et ce qui me préoccupe, c’est que la décision ne soit pas fondée sur les relations de travail dans des petites et moyennes entreprises. Elle sera fondée sur la loi.

J’ai fait part de mes commentaires à la ministre, et, comme il est tard, je ne les répéterai pas.

M. Giles : Si vous me permettez d’ajouter une chose; en effet, j’ai entendu votre commentaire, hier, et ça m’a fait réfléchir. Je me souviens que, dans le cadre des consultations sur ce sujet, le ministre précédent avait alors organisé des tables rondes. J’ai participé à une de ces tables rondes, à Winnipeg, avec toute une gamme d’autres organisations. Les petites organisations ont dit exactement ce que vous venez de dire. Elles ont dit: « Nous ne prévoyons pas avoir beaucoup de problèmes, puisque nous sommes déjà assez souples sur cette question. Nous nous connaissons tous. Nous savons ce que vivent les autres, alors nous faisons notre part, nous échangeons constamment des quarts de travail. »

Les grandes organisations qui participaient à cette table ronde, peut-être en raison du fait que plus on grandit, plus on devient impersonnel, s’inquiétaient davantage que les petites.

La sénatrice Andreychuk : Dès la mise en œuvre de la loi, cependant, la dynamique change. C’est ce que je voulais dire.

Le président : Sénateurs, j’ai quelques points d’information à donner, après quoi je lèverai la séance.

D’abord et avant tout, à titre de président et au nom du comité, je tiens à remercier tous les hauts fonctionnaires qui ont comparu aujourd'hui et hier et ceux que nous allons accueillir demain, puisque le comité poursuit son étude sur le projet de loi C-63.

Je remercie les hauts fonctionnaires présents cet après-midi, et vous passerez mon message. Merci de nous avoir fait profiter de votre expertise. Merci d’avoir été clairs et merci aussi de votre professionnalisme, aujourd'hui comme toujours.

Honorables sénateurs, nous terminerons demain les parties 3 et 4. Le comité directeur voulait rappeler aux sénateurs présents aujourd'hui que, pour les parties 3 et 4, nous pourrons accueillir les hauts fonctionnaires entre 10 h 15 et 11 h 15, dans la mesure du possible, dans la salle 705 de l’édifice Victoria. Il sera question de la taxe d’accise et des arrangements financiers entre les gouvernements fédéral et provinciaux pour le cannabis.

Demain matin, nous commencerons nos travaux dans la salle 2 de l’édifice Victoria, entre 8 heures et 10 heures. Ensuite, à 10 heures, nous passerons à la salle 705 pour y accueillir les fonctionnaires et discuter des parties 3 et 4.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le président : Je remercie encore une fois les hauts fonctionnaires.

(La séance est levée.)

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