Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 57 - Témoignages du 7 décembre 2017 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 14 h 15, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur André Pratte (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Bonjour. Nous sommes ici pour poursuivre notre étude du projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Pour commencer, je vais demander aux honorables sénateurs de se présenter.
Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Les témoins de notre premier groupe nous parviennent tous par vidéoconférence. Nous entendrons M. Jack Mintz, chercheur émérite du recteur, à l’École de politique publique de l’Université de Calgary. Il est très connu et ce n’est pas la première fois qu’il passe devant ce comité. Nous entendrons aussi Hugh Neilson, directeur, Kingston Ross Pasnak LLP, et Peter Weissman, associé chez Cadesky and Associates.
Je crois que chaque témoin a préparé une déclaration liminaire de cinq à sept minutes. Ces présentations seront suivies des questions des sénateurs. Nous allons commencer par M. Mintz. Monsieur Mintz, nous vous écoutons.
Jack Mintz, chercheur émérite du recteur, École de politique publique de l’Université de Calgary, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de me retrouver une fois encore devant ce comité. Je veux vous faire part de mes observations au sujet du budget visé par la présente séance. J’ai cru qu’il serait probablement approprié de dire quelques mots au sujet d’un poste particulier. Selon moi, lorsque l’on examine les dispositions de près, les postes budgétaires n’ont pas une incidence énorme sur les revenus. Je veux plutôt parler de certains enjeux généraux qui, selon moi, méritent notre attention, ce qui laissera du temps pour les questions.
L’un des sujets que je souhaite aborder, c’est celui du gaz et du pétrole. Il y a eu des changements en ce qui concerne la façon de traiter l’exploration et le développement. Selon moi, ces changements sont appropriés. Je ne suis pas contre le principe de pouvoir amortir les dépenses engagées pour une exploration réussie. Je crois que cela est tout à fait approprié pour le pétrole, le gaz et l’extraction minière, devrais-je préciser. C’est une autre modification qui aurait une incidence sur le taux d’imposition effectif sur le capital.
Mon collègue et moi avons écrit un article à ce sujet — dans lequel nous faisons le point sur les modifications de 2017 —, et nous sommes d’avis que les répercussions de ces modifications sont relativement modestes. L’augmentation du taux effectif marginal d’imposition pour les investissements pétroliers et gaziers n’est que de 0,3 point de pourcentage. Ce n’est pas ce que je qualifierais d’« énorme » comme incidence. Ce n’est qu’une modification qui s’ajoute à d’autres types de modifications qui touchent au système.
Bref, à mon avis, il s’agit d’une modification appropriée qui ne fera pas beaucoup de tort en elle-même, mais je crois que nous devons prendre du recul et nous interroger sur les raisons qui nous poussent à augmenter le taux d’imposition effectif de cette industrie particulière, nommément le secteur des ressources minières, pétrolières et gazières. Étant donné la réforme fiscale majeure en cours aux États-Unis, ces augmentations vont devenir très problématiques pour le Canada, puisqu’elles nous feront perdre l’avantage fiscal que nous offrons aux entreprises. Ce n’est pas encore certain que cette réforme va passer, mais je crois que le degré de certitude est plus élevé maintenant qu’il y a un mois.
Cela soulève une question plus fondamentale : qu’essayons-nous d’accomplir avec notre régime fiscal? Non seulement devons-nous nous soucier de la question de la compétitivité, mais nous devons commencer à parler de réforme fiscale ainsi que d’idéaux et d’objectifs plus vastes que ceux qui nous occupent maintenant. Les enjeux qui reviennent le plus souvent sont que la conformité et les charges administratives devraient être gardées à leur minimum, au même titre que l’incidence économique et les coûts associés à l’impôt, surtout si ces charges créent des distorsions dans l’économie et qu’elles ont une incidence sur la croissance.
Un troisième aspect est l’équité du régime fiscal. Bien sûr, le régime doit être équitable verticalement — il faut s’assurer que les gens qui disposent de plus de ressources paient plus d’impôt que ceux qui en ont moins —, mais il doit aussi l’être horizontalement, car nous devons nous assurer que les gens qui ont des ressources similaires sont imposés à la même hauteur.
Lorsque nous parlons des impôts et de la réforme fiscale, nous devons revenir à ces objectifs, et ce n’est pas ce que nous faisons présentement.
Selon moi, ce qu’il faudrait au pays, c’est un autre type de commission ou un groupe d’experts qui aurait pour mission d’examiner le régime fiscal. Certaines des modifications apportées dernièrement se sont traduites par une plus grande iniquité et par une augmentation du coût économique pour le système. Ces contradictions vont maintenant être exacerbées par la réforme fiscale américaine, réforme qui placera désormais le Canada dans une position particulièrement désavantageuse sur le plan de la compétitivité.
Je vais m’arrêter là. Ce sont les observations dont je voulais vous faire part.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Merci, monsieur Mintz.
Monsieur Neilson, veuillez commencer votre exposé.
Hugh Neilson, directeur, Kingston Ross Pasnak LLP, à titre personnel : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Merci de l’occasion que vous me donnez de m’adresser au comité.
Permettez-moi de vous dire un mot à mon sujet. J’exerce la profession de comptable depuis 30 ans. Je me spécialise dans l’impôt des petites entreprises et des propriétaires de ces entreprises. Je suis aussi très engagé dans le processus d’éducation permanente pour notre profession. Je siège au conseil des éditeurs de Video Tax News, une entreprise qui produit des nouvelles en matière de fiscalité à l’intention des comptables et des spécialistes en déclarations de revenus de l’ensemble du pays. Sachez d’ailleurs que je vous parviens d’un séminaire de trois jours qui fait le point sur les derniers développements en matière de fiscalité. Je remercie votre personnel d’avoir rendu cela non seulement possible, mais aussi très facile et indolore.
Le projet de loi C-63 met en œuvre une vaste gamme de mesures visant l’impôt sur le revenu. Certaines sont issues du budget de 2017 et d’autres avaient déjà été annoncées. Le projet de loi comprend aussi un certain nombre de mesures qui ne concernent pas l’impôt sur le revenu.
Mes observations se borneront à trois des mesures qui concernent l’impôt sur le revenu.
Pour moi, la diversité des enjeux abordés dans ce projet de loi rend compte du rythme rapide des modifications qui sont apportées au régime fiscal et de la complexification inexorable de ce régime. Cette situation étaye la position des personnes et des organisations qui, comme moi et M. Mintz il y a un instant, croient que notre régime fiscal devrait être revu de fond en comble. Un exemple de cela, ce sont les modifications apportées aux règles qui exemptent d’impôt les gains réalisés sur une résidence principale. Les modifications les plus particulières n’ont fait l’objet que d’un examen limité. Nous pouvons donc nous attendre à ce qu’elles aient des conséquences inattendues sur certains Canadiens qu’elles n’ont jamais eu l’intention de cibler.
De façon plus générale, ces propositions ont été annoncées le 3 octobre 2016, et elles devaient s’appliquer à l’année d’imposition 2016. Il a donc fallu apporter très rapidement des modifications à des interprétations et des pratiques administratives de longue date de l’Agence du revenu du Canada. Une modification qui avait pour but d’éviter l’augmentation du fardeau administratif contenait malheureusement un défaut technique. L’Agence du revenu du Canada a dû déployer des efforts considérables pour régler ce problème, une situation que les délais en jeu n’ont pas manqué de compliquer. Il semble que l’entrée en vigueur de ces propositions visant à modifier des pratiques vieilles de 40 ans aurait pu être retardée d’un an pour permettre à l’agence d’examiner les modifications administratives en cause, attendu qu’il aura fallu autant de temps à ces modifications pour suivre leur cours sur le plan législatif.
Beaucoup de mesures contenues dans le projet de loi C-63 portent sur des dispositions anti-évitement, et elles tiennent compte du besoin de répondre à des problèmes qui surgissent rapidement. Sauf que ces modifications rapides ont souvent des effets collatéraux imprévus. Ainsi, le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui du revenu de société coopérative déterminé, une disposition conçue pour alléger l’effet des modifications complexes et onéreuses apportées dans le budget de 2016 à la déduction accordée aux petites entreprises. La complexité excessive et l’application globale de ces dispositions ont été débattues par votre comité il y a un an.
Bien sûr, tous les allègements possibles sont les bienvenus, mais ces propositions ne remédient pas aux nombreux effets collatéraux qu’on n’attendait pas. Elles ne touchent que le secteur de l’agriculture et le secteur des pêches. Or, même à l’intérieur de cette mince portée, elles sont extrêmement limitées. Par exemple, la Commission canadienne du blé ne satisfait pas aux définitions nécessaires pour être en mesure d’apporter un allègement aux agriculteurs qui lui vendent leurs récoltes. Ces propositions compliquent ces règles plutôt que de les simplifier. Il nous faut un examen beaucoup plus approfondi pour alléger la portée indue et la complexité extrême de ces dispositions. Les petites entreprises et ceux qui les conseillent réclament désespérément cet examen; c’est un besoin urgent.
Beaucoup d’autres modifications apportées ces dernières années donnent lieu à des problèmes semblables, et je n’ai aucun doute que de nombreuses autres modifications apportées en dehors de mon champ d’expertise — l’impôt des petites entreprises — engendrent des problèmes similaires.
Le dernier élément dont je voulais parler en est un qui a reçu beaucoup plus d’attention. Il s’agit de la comptabilité fondée sur la facturation, ou le report des travaux en cours d’un professionnel. Notre loi actuelle permet à six professions d’ignorer la valeur des travaux en cours. Aux fins d’impôt, cette valeur en fin d’exercice est évaluée à zéro. Avec ces modifications, la valeur des travaux en cours serait établie en fonction du coût moindre et de la juste valeur marchande, comme pour l’inventaire des biens durables ou à peu près.
J’ai pris part à la soumission des propositions qui ont été soumises au Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et des Comptables professionnels agréés du Canada. Hormis la période de mise en œuvre graduelle qui a été prolongée de deux à cinq ans, les préoccupations importantes exprimées par l’intermédiaire de ces propositions ne semblent pas avoir été prises en compte.
Selon notre loi actuelle, la valeur des travaux en cours correspond au montant que nous pouvons vraisemblablement espérer recevoir à une date ultérieure. Ce montant comprend une marge de profit, alors il serait étonnant que les contribuables optent en grand nombre pour cette approche. La loi ne fournit aucune explication pour déterminer le coût des travaux en cours. Selon mon expérience, la valeur des travaux en cours signalée dans la plupart des rapports financiers des professions concernées correspond à un montant de facturation ultérieure ou à zéro, ce qui nous montre que la détermination du coût des travaux en cours n’obéit à aucun principe commun convenu qui pourrait avoir été mis de l’avant par notre profession.
Les directives de l’Agence du revenu du Canada sur l’établissement du coût — soit le document le plus récent — datent de 1999. Même ces instructions sont très larges, très générales, et elles ne lient ni les contribuables ni l’agence elle-même. Elles sont même antérieures à la venue des ordres professionnels dans la plupart des provinces, alors elles ne remédient pas aux problèmes soulevés par ces entités. Nous avions proposé l’établissement de lignes directrices enchâssées dans la loi, susceptibles d’offrir une certitude souhaitable et de réduire l’ampleur des règlements de différends à venir et les coûts connexes, y compris les poursuites devant nos cours de l’impôt, qui souffrent déjà d’un arriéré considérable.
Des préoccupations au sujet des accords de paiement d’honoraires conditionnels ont été soulevées. C’est quelque chose qui touche surtout la profession juridique. L’agence du revenu du Canada a tenté de remédier à cela avec une Foire aux questions où l’on expliquait que les travaux en cours n’avaient aucune valeur. Ceci ne semble pas conforme à la loi, et aucune justification n’est fournie pour étayer cette conclusion. À mon avis, si c’est le résultat que l’on espère, cela devrait être enchâssé dans la loi. Si ce n’est pas le résultat souhaité, c’est quelque chose qui devrait être clairement établi, et les implications devraient être examinées avec soin afin d’éviter les conséquences ultérieures imprévues. L’Association du Barreau canadien a soulevé un certain nombre de préoccupations à cet égard.
Enfin, sur le plan pratique, la question des travaux en cours pour certains professionnels est un problème qui se pose surtout aux comptables et aux avocats, et non aux quatre autres professions visées. Une attente minimale réaliste pourrait réduire le fardeau administratif des organisations qui ont peu de travaux en cours. Un exemple de cela serait les médecins qui facturent les autorités provinciales en matière de santé sur une base régulière et qui ont, par conséquent, très peu de travaux en cours à reporter, mais qui doivent néanmoins obéir aux mêmes règles que les organisations qui en ont beaucoup, un problème que le ministère des Finances semble bien déterminé à régler.
Maintenant que ces questions ont été portées à votre attention, je serai heureux de répondre à vos questions.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Merci, monsieur Neilson. Monsieur Weissman, vous avez la parole.
Peter Weissman, associé, Cadesky and Associates, à titre personnel : Merci. Monsieur le président, distingués sénateurs, merci de m’avoir invité à vous adresser la parole aujourd’hui. Je suis comptable professionnel agréé et fiscaliste. Je travaille dans le domaine des impôts depuis 29 ans. Je traite souvent avec l’Agence du revenu du Canada. Je fais beaucoup de planification pour mes clients, dont bon nombre sont des petites entreprises. Le 18 juillet dernier, le monde a assurément changé et il est devenu un endroit beaucoup plus compliqué et beaucoup plus stressant pour les entreprises, les représentants du gouvernement et les professionnels.
Je vais tenter d’éviter de revenir sur les discussions que vous avez sûrement eues avec d’autres avant moi. Certaines des observations que je vais faire doivent simplement être recadrées dans le contexte de l’environnement fiscal actuel, c’est-à-dire un environnement agressant et subjectif. Il s’agit d’un système qui diabolise ceux qui, à mon sens, constituent l’épine dorsale de la société canadienne.
La situation actuelle en matière d’impôt et nos relations avec le gouvernement sont très étranges. Je vais me contenter aujourd’hui de parler des propositions sur les travaux en cours dont M. Neilson vient tout juste de parler, et je vais formuler une observation sur les propositions concernant l’exemption pour résidence principale.
Nous avons affaire à un gouvernement qui semble croire qu’il y a beaucoup d’argent à faire à resserrer les règles d’imposition des entreprises, et que les travaux en cours sont l’un des aspects qu’il devrait exploiter pour y arriver.
Ces propositions ont été faites avant celles du 18 juillet. Jusqu’à cette date, un certain nombre de modifications ont été proposées pour serrer la vis aux petites entreprises, notamment dans le domaine des travaux en cours. Toutes ces propositions étaient gérables en elles-mêmes. Dans le domaine de l’impôt, les choses évoluent. Nous n’aimons pas toujours les changements, mais le gouvernement a le droit d’augmenter ses revenus de façon juste et équitable.
Donc, en elles-mêmes, ces propositions sur les travaux en cours sont équitables, même si je ne suis pas nécessairement d’accord. Cet aspect du régime fiscal a été sondé en 1981. La question des travaux en cours ne concerne pas l’augmentation des revenus; c’est une question de planification. Il s’agit en effet d’un report. Donc, en jouant là-dessus, le gouvernement n’augmente pas ses revenus, il ne fait que les précipiter. Or, pour les professionnels et les personnes que ces propositions visent, cela devient un problème de liquidités.
Rapidement, si vous me le permettez — je regarde le temps filer —, et au cas où vous ne seriez pas au courant, ce qui arrive avec les travaux en cours, c’est que lorsque nous facturons nos services à l’heure, ces montants se retrouvent dans les travaux en cours. Or, nous ne pouvons pas nécessairement facturer ces montants. Lorsque nous avons terminé temporairement avec un client, nous calculons le temps que nous avons passé avec lui, nous évaluons ce qui devra être facturé, nous prenons des arrangements avec lui et nous lui envoyons la facture convenue.
À la fin de l’exercice, nous nous retrouvons avec une grande quantité d’argent mobilisée au titre des travaux en cours, mais qui ne rend pas nécessairement compte des revenus que nous allons recevoir réellement. C’est pour cette raison que les règles actuelles sur les travaux en cours nous permettent de ne pas tenir compte de ce montant dans le calcul du revenu imposable.
Les règles proposées stipulent que le fisc laisse tomber cette disposition, et que les travaux en cours soient inclus dans le calcul du revenu. Initialement, une période de transition de deux ans avait été prévue pour la mise en œuvre de ces propositions, mais le comité mixte dont M. Neilson a fait partie a soumis un mémoire où il recommandait que cette période de transition soit portée à cinq ans. Nous sommes heureux que cet accommodement ait été consenti.
Sauf que la réalité, c’est que ces règles ouvrent la porte à la présence d’une subjectivité accrue dans notre loi. J’ai critiqué farouchement le test de vraisemblance mis de l’avant dans les propositions du 18 juillet, surtout à cause de la subjectivité. La subjectivité aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu doit être maintenue à son minimum. Comme M. Mintz l’a mentionné, il serait peut-être approprié de revoir de fond en comble notre régime d’impôt sur le revenu, mais ce n’est pas ce dont il est question aujourd’hui. Du reste, je sais pertinemment que c’est une possibilité qu’on ne peut pas envisager à court terme.
À l’heure actuelle, nous ne faisons qu’ajouter des pansements sur d’autres pansements. La loi n’est composée que de remèdes à divers problèmes, et cette modification concernant le travail en cours n’est même pas un remède à mon avis. On ajoute simplement un pansement sur le pansement existant. Les propositions touchant le travail en cours ont un caractère subjectif, car je dois maintenant évaluer mon travail en cours au prix coûtant. Je suis comptable, et si vous mettez cinq comptables dans une salle et leur demandez comment vous évaluez le coût du travail en cours, vous obtiendrez 11 réponses différentes.
C’est très difficile à faire et c’est très subjectif. Dans le monde de l’impôt, comme vous le savez, le contribuable est coupable jusqu’à preuve du contraire. Même si un contribuable a fait ses calculs de bonne foi, l’ARC peut revendiquer autre chose, et il en résulte une contestation. Les règles fiscales ouvrent de plus en plus la porte — je n’aime pas utiliser ce terme — aux contestations et aux litiges. Et nos cours de l’impôt sont sans ressources.
Cela ralentit les choses, et je pense que, en ajoutant des règles qui laissent une place croissante à la subjectivité, on fait une grave erreur, et je ne vois pas pourquoi on est si pressé de les mettre en application, en particulier ces mesures, puisqu’elles ne génèrent pas de recettes.
Mon dernier point concerne les propositions relatives à l’exemption pour résidence principale. On élimine ainsi la possibilité qu’aurait le bénéficiaire d’une fiducie entre vifs, dans la plupart des cas, ou d’une fiducie testamentaire, dans de nombreux cas, de se prévaloir de l’exemption pour résidence principale s’il habite une maison dont la fiducie est propriétaire.
Il peut y avoir de bonnes raisons pour cela. On a proposé un amendement afin de créer une exemption dans le cas d’une fiducie testamentaire. Si une personne décède et lègue une maison à un enfant admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées, les nouvelles règles touchant la résidence principale ne s’appliqueront pas à cette fiducie spéciale, et c’est une bonne chose.
Ce dont on ne tient pas compte, toutefois, c’est que, dans la plupart des scénarios où il y a des besoins spéciaux, les fiducies sont mises sur pied du vivant de la personne, non pas lorsque le parent — à titre d’exemple — décède. En tant que parent, si j’avais un enfant qui ne pouvait pas gérer seul des biens, je créerais une fiducie et j’achèterais une maison par l’entremise de celle-ci du vivant de mon enfant.
Je sais qu’ils ont quelqu’un qui s’occupe de la maison et un endroit où habiter, mais parce que cette fiducie a été créée de mon vivant, elle ne sera pas considérée de la même façon que si elle avait été créée dans mon testament. Ce n’est pas logique.
Je vais écrire au ministère des Finances à ce sujet, et on va peut-être corriger cela. Je n’en suis pas sûr. À l’heure actuelle, il est très difficile de prévoir ce que le ministère des Finances pense.
Sur ce, encore une fois, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de témoigner, et je serai heureux de répondre à vos questions si je le peux.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Merci, monsieur Weissman.
La sénatrice Eaton : Merci. Monsieur Mintz, je suis heureuse de vous revoir.
Il se peut que vous ne soyez pas au courant, mais le comité est allé d’ouest en est pour savoir ce que les gens pensaient des propositions du ministre Morneau concernant les échappatoires fiscales. Nous avons tenu beaucoup d’audiences au sujet du budget, et une des choses qui m’ont frappée depuis le 28 juillet — et vous en avez parlé —, c’est que nous continuons d’entendre les représentants du ministère des Finances parler d’équité fiscale, mais que personne ne semble parler de notre compétitivité fiscale au sein du G7 et de l’OCDE.
Après 12 ou 16 heures d’audience sur le budget, il semble qu’il y ait des petits impôts ici et là. Ce sont toujours des petits impôts et c’est un peu insidieux.
Quelles répercussions croyez-vous que tous ces petits impôts vont avoir à long terme sur notre compétitivité fiscale dans le monde?
M. Mintz : Je vous remercie de la question. J’espère que vous m’entendez bien. Il semblait y avoir des problèmes.
J’aimerais commencer par revenir sur un commentaire que j’ai fait au début de mon exposé, à savoir qu’on ne peut jamais faire une réforme fiscale et des changements fiscaux à partir d’un seul objectif. On ne peut pas, par exemple, viser l’équité fiscale verticale, ou simplement tenter de modifier les règles de l’impôt de façon à ce que les gens au revenu élevé paient davantage que les autres. Je pense que c’est une grave erreur de baser une réforme fiscale sur l’équité, car d’autres objectifs sont aussi importants.
À titre d’exemple, au sujet de l’impôt des petites entreprises, on a mentionné que les professionnels pouvaient gagner un revenu comme travailleurs autonomes et payer de l’impôt sur ce revenu, puis le placer dans une société privée. Il peut être avantageux pour eux de s’incorporer, car ils obtiennent initialement un taux d’imposition plus faible, mais plus tard, ils paient le plein montant d’impôt. En fait, les taux d’imposition sur le revenu passif sont relativement élevés pour les avoirs d’une société, mais cela présente certains avantages, en particulier si les avoirs sont détenus pendant un certain temps.
Il s’agissait apparemment d’un problème d’équité. Toutefois, nous devrons maintenant nous pencher sur les règles régissant le revenu passif qui s’appliquent principalement aux gens qui ont un revenu élevé et qui cherchent maintenant à transférer leurs avoirs à l’extérieur du Canada. Je peux vous dire que c’est ce qui se passe partout au pays, car beaucoup de gens examinent les règles et leur incidence pour eux.
C’est bien beau. Les règles sur le revenu passif ne produiront sans doute pas beaucoup de recettes pour le gouvernement fédéral, mais elles créeront beaucoup de tort à l’économie canadienne, car les gens vont placer leur argent ailleurs dans le monde.
Je ne qualifierais pas vraiment cela de réforme fiscale intelligente, car on ne tient pas compte de tous les objectifs. La compétitivité doit faire partie de l’équation.
Nous faisons des analyses constantes pour évaluer les effets des changements aux États-Unis sur les petites et grandes entreprises, et je peux vous dire que les taux d’imposition des petites entreprises et des entrepreneurs au Canada ne sont pas compétitifs. En fait, la France est le seul pays qui fait pire que nous. Si on regarde les changements qui seront d’abord apportés sur ce qu’on appelle le revenu d’entreprise gagné au sein d’une société ou d’une entité, leurs taux d’imposition réels sur les capitaux investis par un entrepreneur seront beaucoup plus bas qu’au Canada.
Donc, si je suis un investisseur en capital de risque, les États-Unis seraient plus attrayants pour moi du point de vue de l’impôt. C’est le cas pour les petites entreprises.
Du côté des grandes entreprises, les réformes aux États-Unis vont mener à un taux d’imposition réel sur les nouveaux investissements plus faible qu’au Canada — les projets de loi de la Chambre et du Sénat sont similaires. Nous aurons donc perdu notre avantage fiscal pour les entreprises qui nous permettait d’attirer des investissements au pays.
C’est pourquoi nous devons nous inquiéter, et nous devons procéder à une réforme fiscale qui prendra en considération les changements aux États-Unis. La compétitivité de l’économie canadienne est une question qui préoccupe grandement le ministère des Finances.
La sénatrice Eaton : Pourquoi les gouvernements sont-ils réticents à l’idée de diminuer l’impôt sur le revenu et d’augmenter la TVA? Ne serait-ce pas une façon beaucoup plus juste et facile d’obtenir des recettes?
M. Mintz : Il pourrait y avoir en effet quelques avantages économiques à passer de l’impôt sur le revenu à la TPS pour réduire les distorsions dans le régime fiscal et pour réduire également — mais je ne suis pas sûr de combien — les coûts liés à la conformité. Du point de vue de l’équité, toutefois, c’est un peu moins clair. Comme nous le savons, ce sont les groupes à faible revenu, et non pas ceux à revenu élevé, qui sont les plus touchés par les taxes sur la valeur ajoutée, comme par toutes les taxes de vente, car ils dépensent une part plus importante de leur revenu sur les produits de consommation que ceux qui ont un revenu élevé.
Même s’il était justifié, pour des raisons économiques, de passer du revenu à plus de TPS, il faudrait faire d’autres ajustements si on voulait s’assurer que les Canadiens à faible revenu ne sont pas trop pénalisés. On pourrait par exemple augmenter le crédit d’impôt pour les personnes à faible revenu, ou trouver un autre moyen de compensation. En Alberta, par exemple, je me suis prononcé en faveur — et ma tête n’a pas encore été mise à prix pour cela — d’instaurer une TVH et d’utiliser l’argent pour réduire l’impôt des entreprises et des particuliers. Nous avons en fait proposé une solution qui serait neutre du point de vue de la répartition, et je soutiens que ce serait avantageux pour l’économie albertaine.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Ma question porte expressément sur le projet de loi C-63. Je m’attendais à ce que ce projet de loi contienne à la fois des baisses et des hausses d’impôt. Les représentants du gouvernement viennent témoigner quand on examine les sections les unes après les autres, et je leur ai demandé si ces mesures allaient faire en sorte d’augmenter ou de diminuer les recettes du gouvernement fédéral. Ils ne nous donnent pas toujours une réponse claire, mais nous avons appris que les taxes sur la marijuana accroîtront les recettes du gouvernement fédéral. Certains d’entre vous ont parlé du « travail en cours », la valeur en argent n’augmentera pas, mais le gouvernement recevra son dû plus rapidement.
Lorsque les représentants du gouvernement sont venus nous parler du pétrole et du gaz, et je sais que M. Mintz en a parlé, ils ont mentionné que certaines dépenses qui pouvaient être déduites à 100 p. 100 ne pourront plus l’être qu’à 30 p. 100 par année. Cela aura donc une incidence positive sur les coffres du gouvernement.
Nous avions des représentants du gouvernement ce matin, et ils ont parlé des taxes d’accise sur le concentré de bière. Ils craignent que le concentré de bière ne soit taxé doublement, alors je pensais que cela allait avoir un impact négatif sur les recettes du gouvernement, mais ils nous ont dit que, non, cela n’aurait aucun impact sur les recettes du gouvernement.
Chacun de vous a pris connaissance du projet de loi C-63 dans son intégralité. Toutes les mesures visent à augmenter les impôts. Avez-vous vu des mesures qui réduiront les recettes du gouvernement, ou auront-elles toutes pour effet de les augmenter?
M. Weissman : Je vous remercie de la question. Je vais me concentrer sur les dispositions concernant le travail en cours. Ces dispositions, et je ne suis pas certain d’utiliser le bon terme… Mais je vais dire qu’elles auront un effet « négatif » sur les recettes. Elles ne feront pas augmenter les recettes, mais elles accéléreront leur perception. Elles feront également augmenter le coût de la conformité, non seulement pour les contribuables, mais aussi pour le gouvernement. Elles feront également augmenter le coût des litiges pour le gouvernement.
Je n’ai pas fait le calcul, et j’ai l’impression que le gouvernement ne l’a pas fait non plus, mais j’ai l’impression que ce changement sera coûteux, et non pas générateur de recettes.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il d’autres dispositions qui entraîneront une diminution des recettes pour le gouvernement?
M. Weissman : Je me suis penché uniquement sur l’exemption pour résidence principale, la disposition concernant les régimes enregistrés d’épargne-études, et la disposition concernant le travail en cours, alors je n’ai rien vu d’autre.
La sénatrice Marshall : Monsieur Mintz?
M. Mintz : J’ai jeté un coup d’œil rapide à toutes les dispositions, et elles sont nombreuses. Je dirais que la plupart vont faire croître les recettes. Il se peut que certaines aient l’effet contraire, mais il faudrait que j’examine mieux les chiffres. Il y a par exemple la disposition qui concerne l’utilisation par les caisses de crédit d’une formule de répartition similaire à celle des banques. Je ne sais pas si cela se traduira par une augmentation ou une baisse des recettes. Il se pourrait que cela ne change pas grand-chose.
La plupart n’auront qu’une incidence relativement minime. Je n’ai rien vu qui entraînerait des retombées de milliards et de milliards de dollars.
Je pense que vous soulevez un bon point, sénatrice. Ce qu’on voit habituellement, ce sont des modifications aux lois pour augmenter les recettes en général, ou des nouvelles méthodes de vérification qui mèneront à une nouvelle hausse des recettes. C’est ce qui correspond certainement à une partie importante des changements qui sont faits.
M. Neilson : Je suis d’accord avec les commentaires. Je ne vois rien dans le projet de loi qui viserait à remettre de l’argent dans les poches des contribuables et à réduire la part qui va dans les coffres du gouvernement.
Je suis tout à fait d’accord avec M. Weissman qu’il y aura pour le gouvernement plus de recettes et plus de contestations, et qu’au total, ce sera probablement plus négatif que positif. Ce ne sera pas avantageux pour les contribuables. Ce sera avantageux pour les avocats en fiscalité.
M. Mintz a parlé des règles concernant les caisses de crédit. Je ne connais pas très bien ces règles, mais si je comprends bien, il est question de répartition du revenu entre les provinces, alors il ne devrait pas y avoir de répercussions sur le gouvernement fédéral puisqu’il y aura redistribution des revenus entre les provinces.
Je pense que cela met en lumière une question importante qui a surgi au cours des derniers mois et des dernières années. On entend constamment parler d’« équité fiscale », mais pas de « réductions d’impôts » parce qu’on en paie trop. Tout ce qu’on entend dire c’est que ce n’est pas juste, et qu’il faut relever l’impôt au niveau le plus élevé. Malheureusement, ce sont les coûts de la conformité qui grimpent, et ceux de l’ARC.
Peter et moi pouvons vous dire : « C’est une très bonne chose pour nous, car nous conseillons les contribuables sur ces règles. » J’oserais dire que lorsque nous, c’est-à-dire nos collègues et les avocats fiscaux, venons témoigner et publions des articles pour réclamer à grands cris qu’on réduise la complexité des règles, nous mordons en quelque sorte la main qui nous nourrit. On devrait peut-être examiner cela d’un peu plus près. Si nous pensons que le système est trop compliqué et qu’il nous nourrit trop bien, que pense le reste de la communauté des gens d’affaires?
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Monsieur Neilson, vous avez parlé beaucoup de l’imposition fondée sur la facturation. Je veux être certain d’avoir bien compris ce que vous avez dit. Êtes-vous d’accord avec son abandon, mais vous n’êtes pas d’accord avec la façon de faire, ou n’êtes-vous pas d’accord du tout avec l’idée, avec le changement proposé?
M. Neilson : Je dirais que je ne suis pas d’accord ou en désaccord avec le retrait du report. Je pense que c’est conforme à ce qui a été fait dans beaucoup d’autres cas. De prime abord, c’est intéressant. Il n’y a pas d’autre inventaire qui peut être payé et déduit, je pense, à part dans le secteur agricole.
Je me demande toutefois si les avantages fiscaux sont suffisants pour justifier la complexité que cela créera. Comme M. Weissman, je suis conscient que le gouvernement a le droit et la responsabilité de changer les règles. On s’est penché sur cette question lors de la réforme fiscale en 1972, et à nouveau en 1981, et dans les deux cas, on en est venu à la conclusion que la complexité liée à l’imposition des travaux en cours et au report dépassait largement les avantages qu’on pouvait en retirer, alors je me demande ce qui a changé dans les décennies qui ont suivi pour rendre la complexité gérable et les recettes intéressantes.
Mon autre question est la suivante : j’étais au huis clos du budget, et les représentants du gouvernement ont avoué très franchement qu’ils ne savaient pas comment le coût des travaux en cours sera établi. Mais ils savent combien d’impôts cette mesure rapportera? Comment peuvent-ils le savoir sans connaître le montant des revenus touchés?
Je dirais donc que je suis pour le retrait de l’exemption, mais je pense que la complexité que cela créera fera en sorte que ce sera beaucoup plus coûteux que ce que cela vaut pour générer ces recettes. Si on décide d’aller de l’avant, je préférerais qu’il y ait des façons claires de déterminer le coût du travail en cours, qu’on nous dise voici comment déterminer le coût, ou encore que si nous l’établissons, qu’il n’y ait pas de contestation. Beaucoup de contribuables se diront alors qu’ils savent ce qu’ils doivent payer, et qu’ils sont honnêtes avec l’approche, même s’ils paient peut-être un peu plus qu’ils le devraient. J’espère que cela répond à votre question.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Malheureusement, le son n’est pas très bon. Si ma mémoire est bonne, nous avons demandé hier ou avant-hier aux fonctionnaires des Finances combien de revenus cette mesure générerait. Était-ce 350 millions de dollars?
La sénatrice Marshall : Il me semble que la conclusion, c’était qu’il n’y aurait aucune incidence au final sur les revenus du gouvernement. Le gouvernement recevrait les fonds plus tôt, donc l’avantage est la valeur temporelle de l’argent.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : D’accord, c’est cela. Donc à long terme, il n’y aurait pas de revenus additionnels. Il y aurait une petite hausse les deux ou trois premières années, parce que le report serait éliminé, mais cela ne comporterait aucun avantage sur le plan des revenus.
La sénatrice Andreychuk : Je vous remercie tous trois d’être ici aujourd’hui pour nous parler des détails de ce projet de loi.
J’ai une question à poser à M. Neilson. Vous étiez présent au huis clos. Pour quelles raisons veulent-ils modifier la règle sur le TEC, se débarrasser du report? Vous ont-ils donné une raison à cela? Vous affirmez qu’ils recevront l’argent plus tôt pendant quelques années, après quoi il n’y aura plus d’incidence. Que vous ont dit les fonctionnaires du ministère des Finances pour justifier cela? Pourquoi veulent-ils perturber une chose qui ne leur procurera aucun avantage sur le plan des coûts, sauf à court terme?
M. Neilson : Aucune raison ne nous a été donnée à huis clos, et habituellement, on ne nous donne aucune raison lors du huis clos. Si je devais essayer de deviner, je vous dirais que le budget comprend une série de changements fiscaux mineurs qui découlent simplement d’une révision des dépenses fiscales, que ces éléments varient de la norme habituelle et que la réduction du TEC entre dans cette catégorie du point de vue du ministère. Comme je l’ai dit, nous évaluons les coûts de l’inventaire physique et n’autorisons aucune déduction de dépenses jusqu’à ce que les revenus associés soient reçus, et je pense que c’est la raison pour laquelle cette règle est éliminée. Je pense que le problème, comme M. Weissman l’a laissé entendre et comme je l’ai déjà expliqué un peu, c’est qu’il est beaucoup plus difficile d’évaluer les coûts associés à un dossier en cours, à un litige en cours ou à une procédure médicale en cours que d’estimer le coût d’un widget en cours de développement. Bref, le ministère des Finances ne nous donne pas beaucoup d’explications, mais je serais porté à dire que c’est une faiblesse du système. C’est une chose si je ne sais pas pourquoi ce changement est apporté. C’en est une autre si nos députés et nos sénateurs, qui doivent prendre des décisions sur ces propositions, ne savent pas pourquoi ces changements sont proposés.
La sénatrice Andreychuk : Monsieur Weissman, dans le même esprit, vous avez parlé du caractère raisonnable. Comment évalueront-ils la valeur du travail en cours? Pour avoir déjà exercé le droit, je sais que beaucoup d’avocats facturent et consignent leurs heures maintenant, comme vous le dites. Nous ne le faisions pas auparavant, mais nous le faisons certainement maintenant. Quoi qu’il en soit, à la fin, on détermine ce qui est juste pour le client, peut-être pour des raisons intéressées, si on veut garder un client ou un groupe de clients, par exemple, ou simplement parce que le professionnel détermine en rétrospective la valeur du travail. Bref, les honoraires exigés au final peuvent être inférieurs au total des heures facturables, ou ce peut être une autre façon de calculer à combien s’élèvera la facture finale.
Le critère du caractère raisonnable vous portera-t-il à avoir une discussion avec les gens de l’ARC parce que ce serait injuste? Est-ce ce qu’ils vous ont dit sur le travail en cours? Vous affirmez qu’en éliminant la règle sur le travail en cours, ils appliqueront le critère du caractère raisonnable. Ai-je bien compris ce que vous avez dit?
M. Weissman : Je vous ai peut-être embrouillés avec mes observations sur le critère du caractère raisonnable. Je faisais référence en passant aux propositions sur le fractionnement du revenu, auxquelles s’applique le critère du caractère raisonnable, qui reste subjectif et qui risque d’engendrer beaucoup de poursuites pour très peu de gains. Je parlais du critère du caractère raisonnable en général pour souligner la subjectivité des règles concernant l’impôt sur le revenu qu’on trouve dans diverses propositions.
On trouve la même subjectivité dans la règle sur le travail en cours. Vous avez tout à fait raison. Je regarde ce qu’il en est à la fin d’un engagement; je regarde mon TEC. Ce n’est qu’un moyen de juger de la valeur de mon travail pour le client, et dans bien des cas, je ne pourrai peut-être rien facturer pour un TEC s’il n’y a pas de transaction au final ou si les règles changent en cours de route, pour une raison ou une autre. Cette règle nous oblige à viser le prix le plus bas pour déterminer la juste valeur marchande d’un TEC. L’évaluation de notre juste valeur marchande est très subjective, parce que tout dépend de l’évolution du dossier. Un millier d’heures a été réservé pour un travail. Qu’est-ce que je pense pouvoir accomplir? Ce n’est que spéculations tant que je ne préparerai pas la facture finale à soumettre à mon client. On prend le coût le plus bas. Comme je l’ai déjà dit et comme vous l’avez mentionné, il est beaucoup plus facile de calculer le coût réel d’un bien tangible que d’évaluer le coût de quelque chose d’intangible.
Nos ressources, notre capital, c’est notre personnel, et nous lui versons une rémunération, mais les heures de nos employés ne sont pas toutes facturables. Cela ne signifie pas que ce temps n’est pas productif, si bien que je dois me demander quel est le coût d’une heure de travail pour le TEC. Se limite-t-il aux salaires? Comprend-il les salaires au complet, une partie des salaires ou une proportion des heures facturables, comparativement au nombre d’heures total travaillées dans l’année? Que fais-je des frais généraux? Est-ce qu’un adjoint administratif participe au TEC et si oui, dans quelle proportion? Il n’est pas possible de calculer les coûts avec exactitude. Tout dépend des hypothèses qu’on fait, et l’on tentera d’adopter des politiques ou des approches raisonnables. Ce ne sont pas des choses objectives ni vérifiables. C’est encore et toujours le problème de la subjectivité.
La sénatrice Andreychuk : Merci. Cela aide.
Le sénateur Marwah : Ma question s’adresse à l’ensemble des témoins. Pour répondre à la question de la sénatrice Andreychuk, les fonctionnaires du ministère nous ont dit hier que si certaines professions étaient exemptées de la comptabilité fondée sur la facturation depuis 1981, c’est que, à l’époque, les avocats, les médecins et les autres professionnels du même type ne pouvaient pas s’incorporer ni avoir accès à la déduction pour petite entreprise. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Du coup, ces professions ne subissent plus le désavantage qui les frappait auparavant et devraient être assujetties aux mêmes règles que toutes les autres professions. Les autres professionnels, comme les ingénieurs et les architectes, les suivent depuis 25 ans. Expliquez-moi pourquoi vous devriez continuer de profiter de ces avantages, et pourquoi vous ne devriez pas être assujettis aux mêmes règles que tous les autres. Pourquoi devriez-vous continuer de bénéficier d’un avantage auquel personne d’autre n’a droit.
M. Mintz : C’est avec plaisir que j’aimerais briser la glace, après quoi mes collègues voudront peut-être ajouter autre chose.
Il y a toujours des compromis à faire en politique fiscale. Effectivement, si ces personnes sont capables de s’organiser, peu importe que cela passe ou non par l’incorporation. Si nous devons être imposés selon la comptabilité d’exercice, nous devrons passer à la comptabilité d’exercice pour tout le reste. Peu importe qu’on soit incorporé ou non. À mon avis, cela ne change rien.
Parfois, quand on examine le cas de certains types d’entreprises, des petites entreprises en particulier, on peut voir les choses sous un autre angle en raison de la complexité que cela représente pour elles, particulièrement lorsque leurs transactions n’ont pas vraiment de valeur commerciale, lorsqu’il n’y a pas de valeur observée et qu’il y a toute la complexité qui s’ensuit.
Il est intéressant de souligner que, aux États-Unis, selon les projets de loi de réforme fiscale soumis au Sénat et à la Chambre des représentants, on s’apprête à imposer plutôt la comptabilité de caisse aux petites entreprises de moins de 20 millions de dollars environ. Je ne me rappelle plus tous les détails, mais le fin mot de l’histoire, c’est qu’ils ont décidé de simplifier les choses pour ces entreprises compte tenu de toute la complexité que cela représente. Au Canada, les agriculteurs et les pêcheurs utilisent la comptabilité de caisse depuis longtemps, et cela n’a pas changé. C’est donc une question de choix, selon le degré de complexité qu’on veut imposer aux entreprises, parce que les méthodes de comptabilité d’exercice peuvent être difficiles à appliquer.
Le sénateur Marwah : D’après une autre réponse que j’ai entendue, comme vous le savez, le TEC correspond au travail en cours et suit la loi des coûts ou du marché. Je serais porté à croire que bon nombre des professions touchées, comme celles des comptables et des avocats, maîtrisent mieux leurs coûts que toute autre profession que je connaisse. Vous gérez vos coûts aux 10 ou 15 minutes près, contrairement à ce que ferait un ingénieur ou un architecte. Les ingénieurs et les architectes ont le même genre de problèmes, mais ils se prêtent à ces règles sans rechigner depuis 25 ans, et vous me dites que vous ne pouvez pas mesurer vos coûts? Je trouve cela très difficile à croire.
M. Weissman : Je peux peut-être répondre à cette question. Vous avez raison : nous pouvons calculer nos coûts. Cela fait partie de ce que nous faisons en tant que comptables, mais je peux vous garantir, comme je l’ai dit dans mon exposé, que si vous placez cinq comptables dans la même pièce, puis que vous leur demandez d’évaluer les coûts d’un TEC, vous obtiendrez 11 réponses différentes. Là est le problème. On essaie d’évaluer les coûts de quelque chose d’intangible. L’idée conceptuelle ou théorique d’une formule d’imposition universelle, puis de la modification de la règle du TEC pour l’harmoniser à la formule d’imposition qui s’applique à toutes les autres formes d’entreprises est bien belle, mais elle ne peut pas s’appliquer dans la pratique, parce que nous nous trouvons à accorder une valeur à une chose dont on ne peut pas vraiment évaluer le coût. On peut en estimer un, mais jamais avec certitude.
Lorsque vient le temps de toucher des revenus et de payer de l’impôt sur le revenu, la certitude est un élément très important parce que si l’on se trompe, quelqu’un va perdre son emploi et il faudra payer pour plus tard. On enlève toute prévisibilité au chapitre des revenus quand on doit payer ses impôts en fonction du coût réel. L’impôt est en fait un frais d’exploitation.
Je pense que dans un monde idéal, tout le monde serait imposé de la même façon. Je sais que nos coûts seraient très différents si vous demandiez à cinq comptables différents de déterminer le coût du travail effectué à ce jour, et je ne vois aucun avantage fiscal à obliger les gens à se livrer à cet exercice. Je ne le vois que comme une nuisance pour les contribuables. Je n’y vois que des coûts administratifs supplémentaires.
M. Neilson : M. Weissman a mentionné les différences de coûts. Je peux vous en donner un exemple tout simple. Supposons qu’on ait un employé qui doive travailler 2 000 heures par année. On s’attend à ce que 1 200 heures au total soient facturables aux clients, même si dans les faits, l’employé fera du temps supplémentaire et travaillera 2 200 heures cette année-là. Donc quand il consacre une heure à un dossier, le coût en est-il d’une sur 2 200? Faut-il le diviser par le nombre d’heures de travail annuel total? Faut-il plutôt évaluer la valeur du travail sur une base 1/2 000? Ou serait-ce encore 1/1 200 parce que toutes ces heures supplémentaires contribuent à l’aptitude du cabinet à faire du travail facturable? Ce sont des différences importantes à prendre en considération lorsqu’on évalue le TEC. Franchement, le choix qu’on fera ne m’importe pas vraiment, tant qu’il y a de la certitude et qu’on ne doit pas dépenser une fortune en frais judiciaires pour déterminer ce qu’il signifie.
Il y a ensuite un problème qui s’ajoute si M. Weissman ou moi devenons partenaires de nos entreprises, propriétaires de nos entreprises. Combien notre temps coûterait-il? Ne vaudra-t-il rien parce qu’il sera inclus dans les profits selon les principes comptables généraux? Et si nous étions incorporés? Devrons-nous absorber les coûts des salaires que nous déciderons unilatéralement de nous payer depuis les coffres de notre entreprise et que nous affecterons à nos dépenses? Nous pouvons manipuler les chiffres sur l’ampleur du travail en cours puisque nous pouvons choisir les salaires que nous voulons nous payer.
Je ne crois pas que nous nous opposions à cette idée tellement parce que nous ne pensons pas devoir être imposés en fonction de la comptabilité d’exercice comme les autres entreprises, mais plutôt parce que nous nous demandons comment nous pouvons le faire efficacement, sans engloutir trop de ressources dans la tenue de livres ni assumer de fardeau administratif supplémentaire. Je peux vous dire que j’ai travaillé pour divers cabinets de comptabilité au fil du temps et que bien souvent, les comptables n’arrivent pas à s’entendre sur le fait qu’ils ont réalisé un profit ou encaissé une perte dans certains dossiers parce qu’ils ne s’entendent pas sur les coûts.
Si nous avions de la certitude, nous n’aurions pas besoin d’investir en frais judiciaires, en vérifications de l’ARC, en gestion de litiges avec l’ARC ou le ministère de la Justice pour déterminer ce qui sera imposé maintenant ou ce qui sera imposé plus tard. Je pense que c’est la plus grande préoccupation que suscitent les propositions sur le TEC.
Le sénateur Marwah : Comment les autres professionnels s’organisent-ils? Les architectes sont des gens d’affaires en grande partie comme les avocats ou les médecins. Ils trouvent pourtant volontiers des solutions aux problèmes que vous éprouvez. Je n’ai jamais entendu parler de frais excessifs de litiges ou de conformité de leur part. Ils fonctionnent ainsi depuis 25 ans. Nous avons donc une longue expérience pratique et empirique sur laquelle nous fonder. Comment ces autres professionnels ont-ils fait pour survivre pendant 25 ans? Je ne les ai jamais entendus se plaindre de coûts de conformité excessifs. Comment font-ils? Il y a beaucoup de données probantes qui montrent que d’autres professionnels y arrivent. Pourquoi n’y aurait-il pas d’exemption pour ces autres professionnels? Je ne comprends pas comment il se fait que les architectes arrivent à se débrouiller depuis 25 ans.
M. Neilson : Je pense que c’est beaucoup comme pour les entrepreneurs en construction. Je pense qu’il est beaucoup plus facile pour eux de déterminer en début de projet combien de temps ils devront y investir. Quant à moi, lorsque le professionnel est un avocat, je dois d’abord comprendre ce que le dossier comprend. Quand on ouvre un dossier, on ne sait pas d’emblée si l’on pourra obtenir un règlement rapide avec l’autre partie. Y aura-t-il une tenue de livres serrée, d’excellents états financiers ou une déclaration de revenus sans aucun commentaire à l’Agence du revenu du Canada? Ou y aura-t-il beaucoup d’autres problèmes qui surgiront en cours de route?
Je pense que les ingénieurs et les architectes sont très souvent capables de prévoir leurs coûts de facturation dès le début, de fournir une ventilation de coûts précise, alors que je ne peux que dire si j’en suis à 20 p. 100, à 40 p. 100 ou à 60 p. 100 d’avancement dans un dossier. L’avocat ne peut pas savoir si tel ou tel projet lui prendra deux heures de discussion avec l’autre partie pour obtenir un règlement ou 200 heures de préparation en coûts judiciaires, ce qui complique assurément beaucoup les choses pour nous.
De plus, je doute fort que les architectes, les ingénieurs, les petits entrepreneurs, les peintres et tous les autres que vous me citez en exemple aient des TEC qui changent beaucoup en cours de route, et je ne crois pas que l’ARC ne leur accorde beaucoup d’attention lorsqu’il est difficile de calculer les coûts d’un TEC. Si notre système est tel que l’ARC regarde ailleurs, nous avons un véritable problème, à mon avis.
M. Weissman : Dans son mémoire, le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et des Comptables professionnels agréés du Canada recommande la mise en place d’un critère de minimis parallèlement à ces dispositions si le gouvernement souhaite les mettre en œuvre. C’est que les grandes entreprises tiennent une comptabilité plus détaillée que les petites. Je peux vous dire que je ne connais pas le coût d’une heure de travail dans mon cabinet. Les grands cabinets ont des indicateurs de mesure qu’ils utilisent. Ce comité a recommandé la mise en place d’un critère de minimis, et je ne sais pas à combien serait fixé le seuil, mais en deçà d’un certain seuil, ces nouvelles règles ne s’appliqueraient pas. Cette proposition n’a pas été retenue, de sorte que cette nouvelle règle s’applique à tous ces professionnels, quelle que soit la taille de l’entreprise, mais la subjectivité et les coûts auront des conséquences différentes sur les entreprises selon leur taille.
Le sénateur Marwah : Merci.
Le vice-président (le sénateur Pratte) : Merci infiniment. Il n’y a pas d’autres questions, sénateurs?
Je tiens à remercier les témoins de leur comparution d’aujourd’hui. C’était très utile.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada. Il arrivera sous peu. Nous recevons également Vicky Smallman, directrice nationale, Condition féminine et droits de la personne. Nous accueillons enfin Michael McDonald, directeur général de l’Alliance canadienne des associations étudiantes. Merci beaucoup, monsieur McDonald, et mesdames et messieurs du Congrès du travail du Canada, d’avoir accepté notre invitation à venir vous exprimer sur le projet de loi C-63.
On m’informe que M. McDonald nous présentera son exposé en premier, puis qu’il sera suivi des représentants du CTC.
Michael McDonald, directeur général, Alliance canadienne des associations étudiantes : Bonjour, monsieur le président, distingués sénateurs, mesdames et messieurs les autres témoins et les journalistes.
L’Alliance canadienne des associations étudiantes est une organisation non partisane qui représente 22 associations étudiantes des universités canadiennes, de premier cycle et des cycles supérieurs, ainsi que des écoles polytechniques du Canada. Nous défendons leurs intérêts auprès du gouvernement fédéral, de façon non partisane, afin de réclamer un système d’éducation postsecondaire qui soit accessible, abordable et de haute qualité.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à nous exprimer sur le projet de loi C-63 aujourd’hui, et de manière générale, l’ACAE est très heureuse de bon nombre des éléments contenus dans ce projet de loi. Nous sommes particulièrement ravis de voir les nouveaux mécanismes d’aide offerts aux apprenants autochtones et inuits, l’accès accru aux bourses pour les étudiants ayant des personnes à charge et les étudiants à temps partiel, ainsi que les nouvelles règles sur les stages non rémunérés.
Pendant le temps qu’il me reste, je vous parlerai d’abord et avant tout de la proposition de limiter les stages non rémunérés, une mesure contenue dans ce projet de loi. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’efforts plus larges visant à faire des milieux de travail canadiens des lieux plus modernes, inclusifs et efficaces.
Nous nous réjouissons notamment du cadre annoncé il y a à peine un mois pour combattre le harcèlement et la violence sexuelle dans la fonction publique et les domaines de réglementation fédérale. Des dizaines de milliers d’étudiants occupent des emplois au gouvernement fédéral et dans les secteurs de réglementation fédérale chaque année. Ils méritent le même respect que leurs collègues et ont besoin de lieux de travail sûrs pour pouvoir s’épanouir.
Pour la même raison, nous appuyons les modifications proposées dans le projet de loi C-63 afin d’interdire les stages non rémunérés. L’ACAE croit fermement que tous les étudiants devraient avoir l’occasion d’acquérir de l’expérience de travail de qualité et de participer à des projets de recherche dans le cadre de programmes coop afin de toucher un meilleur salaire et d’occuper un meilleur emploi après leur graduation. En général, les étudiants sondés ayant participé à des programmes coopératifs pendant leurs études attribuent une cote d’appréciation supérieure à leur expérience d’éducation postsecondaire que les autres. Les employeurs ont également en haute estime les diplômés qui ont eu la chance de participer à des programmes coopératifs.
Si nous savons que les étudiants comme les employeurs ont fort à gagner d’une expérience de travail de qualité, nous savons que le travail non rémunéré n’aide pas. Une étude réalisée aux États-Unis montre que les diplômés ayant eu l’occasion de faire un stage rémunéré sont beaucoup plus nombreux à trouver un emploi après leur graduation que ceux qui ont effectué des stages non rémunérés. En fait, l’expérience non rémunérée n’améliore pratiquement pas les possibilités d’emploi d’un étudiant. Une étude récente menée par l’Association des stagiaires canadiens a dressé exactement les mêmes constats. L’explication probable en est assez simple. Quand l’employeur s’investit dans l’expérience, il accorde beaucoup plus d’attention à l’étudiant, lui confie de plus grandes responsabilités et lui ouvre plus de portes.
Au bout du compte, nous voudrions que tous les stages et stages coop soient rémunérés. Nous considérons toutefois que le fait de rétribuer les stagiaires sous la forme de crédits universitaires est mieux que rien et qu’il s’agit d’un élément que nous pouvons accepter dans ce projet de loi.
Le projet de loi C-63 propose de mettre fin aux stages non rémunérés dans les secteurs sous réglementation fédérale, à l’exception de ceux qui s’inscrivent dans un programme d’éducation. Nous appuyons cette proposition, que nous considérons comme une mesure importante qui favorise l’expérience de travail de grande qualité et protège les jeunes travailleurs.
Nous admettons que, à l’instar des stages rémunérés, les expériences de travail s’inscrivant dans des programmes officiels d’éducation postsecondaire sont généralement de qualité supérieure. Nous soutenons également la promesse faite dans le budget de 2017 de veiller à ce que tous les stagiaires, y compris ceux qui travaillent pour obtenir des crédits dans le cadre de programmes universitaires officiels, bénéficient des mesures de protection habituelles de la main-d’œuvre.
Malgré ces mesures importantes, nous continuons de nous préoccuper du fait que les stages non rémunérés sont encore excessivement prévalents dans les domaines en dehors des secteurs sous réglementation fédérale, et nous considérons particulièrement troublant qu’il s’agisse souvent de milieux de travail fortement axés sur la répartition des tâches selon le sexe où on s’attend souvent à ce que les femmes acceptent des expériences de travail non payées. Il importe également de souligner que les étudiants issus de milieux à faible revenu ont moins de marge de manœuvre pour accepter ce genre d’occasions et se voient ainsi exclus de certains cheminements qui exigent des stages non rémunérés.
Même si nous sommes satisfaits des mesures prises dans le budget de 2017 pour protéger les stagiaires, nous continuerons de préconiser les investissements fédéraux pour qu’il y ait davantage de possibilités d’emploi rémunéré. Voilà pourquoi nous appuyons sans réserve les 10 000 nouvelles occasions de placement professionnel annoncées dans le budget de 2016 et les programmes visant à offrir des stages rémunérés aux groupes sous-représentés. Nous voyons particulièrement d’un bon œil l’inclusion des femmes en science, en technologie, en ingénierie et en mathématiques, des étudiants autochtones, des personnes ayant un handicap et des nouveaux arrivants. Il s’agit, selon nous, d’un modèle solide visant à favoriser la transition entre les études et le monde du travail, un élément sur lequel le gouvernement doit mettre énormément l’accent.
Nous proposons également que le programme d’emplois d’été du Canada soit élargi afin d’offrir des occasions d’emploi sur le terrain à l’année au cours des études en permettant aux étudiants de travailler à temps partiel pendant les sessions.
En outre, je m’en voudrais de ne pas souligner que nous nous réjouissons du financement accru accordé à Mitacs, considérant qu’il s’agit là d’une autre initiative qui offre aux étudiants des cycles supérieurs et aux doctorants des occasions d’emploi dans des domaines du secteur privé. À notre avis, il serait particulièrement bénéfique d’offrir de telles occasions aux étudiants des collèges.
Nous continuerons de soutenir, comme toujours, les expériences de travail rémunérées de grande qualité. Nous appuyons donc les modifications que prévoit le projet de loi C-63.
Merci à tous. Je répondrai à vos questions avec grand plaisir.
Le président : Merci, monsieur McDonald.
Madame Smallman, comment voulez-vous que nous procédions?
Vicky Smallman, directrice nationale, Service de la Condition féminine et droits de la personne, Congrès du travail du Canada : Je pourrais faire l’exposé en l’absence de M. Yussuff. Il devrait arriver incessamment, mais j’ignore où il en est au chapitre de la sécurité. Je serais ravie de faire l’exposé, et il sera certainement ici pour répondre aux questions. Je vous présente toutes mes excuses pour ce retard imprévu.
Le président : Veuillez faire votre exposé, après quoi nous poserons des questions.
Mme Smallman : Bonjour, monsieur le président et distingués membres du comité. Je suis enchantée de témoigner au nom du Congrès du travail du Canada, lequel constitue, vous le savez, la voix nationale des travailleurs canadiens qui représente ses syndicats affiliés, ainsi que des fédérations de travailleurs, des conseils du travail et des travailleurs de tous les secteurs de l’économie et de toutes les régions du pays.
C’est avec plaisir que nous comparaissons au sujet de ce projet de loi. Nous traiterons principalement aujourd’hui de la position du CTC dans deux domaines, soit les congés pour violence familiale et les modifications à la partie III du Code canadien du travail.
Depuis des années, le CTC et le mouvement des travailleurs affirment que la violence doit être considérée comme un problème en milieu de travail. Le CTC est un ardent défenseur des mesures de protection et du soutien en milieu de travail destinés aux victimes de violence familiale.
Le projet de loi C-63 prévoit l’instauration d’un nouveau congé non payé permettant aux personnes victimes de violence familiale de prendre congé pour composer avec les effets de cette violence et prendre des mesures pour résoudre le problème. Malheureusement, il ne fournit pas le soutien et la protection de l’emploi dont ont besoin ces victimes.
Il est essentiel d’offrir un congé payé désigné pour aider les survivants à conserver leur emploi et leur sécurité économique. L’emploi est un élément essentiel pour quitter une relation violente. En offrant un congé payé prévu à cette fin, on offre aux travailleurs les congés et la protection de l’emploi dont ils ont besoin pour faire ce qu’ils doivent faire afin d’assurer leur sécurité et celle de ses enfants et de leur famille. Que ce soit pour obtenir des services de counseling, ouvrir un nouveau compte de banque ou rencontrer des avocats ou la police, les gens ont besoin de temps pour entreprendre ces démarches pendant les heures normales de travail. Cette mesure leur offre également la sécurité financière nécessaire pour quitter une relation violente et trouver un endroit sûr, une entreprise qui peut s’avérer très onéreuse.
Le congé payé est également important en raison de la dynamique de pouvoir et de contrôle qui teinte les relations violentes. Les recherches montrent que dans plus de 90 p. 100 des affaires de violence familiale, le contrôle financier de l’agresseur sur le survivant pose un problème. Si, en prenant des congés non payés, la victime ramène un chèque de paie moins élevé que ce à quoi l’agresseur s’attend, cela peut avoir de graves conséquences sur elle. Le fait de ne pas offrir de congé payé pourrait avoir comme résultat imprévu d’accroître le risque pour les travailleurs et de créer de nouveaux obstacles pour la victime.
Nous nous préoccupons également de la disposition d’exception. Nous comprenons que l’objectif consiste ici à garantir que le congé soit réservé aux victimes de violence familiale et non aux agresseurs. Cependant, cette disposition pourrait créer des obstacles pour les victimes qui finissent par être elles-mêmes accusées. Cela peut survenir quand elles répliquent ou tiennent tête à leur agresseur ou lorsque la police dépose des chefs d’accusation doubles, ce qui arrive assez fréquemment. À notre avis, le fait d’employer le mot « victime » devrait suffire à empêcher les agresseurs à se prévaloir du congé.
Personne ne devrait devoir choisir entre la violence et un chèque de paie. Nous demandons donc instamment au comité de veiller à ce que les 10 jours de congé pour violence familiale soient payés et de porter soigneusement attention aux obstacles potentiels créés par les détails de cette disposition.
Maintenant, en ce qui concerne la partie III du Code canadien du travail, le projet de loi C-63 contient plusieurs autres modifications importantes aux normes fédérales du travail, créant notamment un congé d’une durée maximale de trois jours pour obligations familiales.
Il y a plus de 10 ans, le rapport de la commission Arthurs a recommandé d’offrir 10 jours de congé non payés par année pour obligations familiales. À l’époque, le CTC avait fait valoir que ces 10 jours devraient être payés. La plupart des travailleurs jugeraient insuffisant le fait d’avoir un maximum de trois jours de congé pour s’acquitter de leurs responsabilités familiales. De toute façon, la réglementation devrait donner de la famille une définition aussi vaste que possible et non moins large aux fins de prestations de soignant.
Le projet de loi C-63 annule également les efforts que le gouvernement précédent avait déployés pour enchâsser les stages non rémunérés en dehors des programmes d’éducation approuvés, modifications que nous voyons d’un bon œil.
Le projet de loi accorde en outre un droit restreint de refuser les heures supplémentaires au motif de responsabilités familiales. Ces deux modifications aux dispositions relatives aux heures supplémentaires cadrent avec ce que le CTC et ses syndicats affiliés avaient appuyé en 2009 en réaction aux recommandations de la commission Arthurs. Nous recommandons l’élimination de la limite sur le droit de refuser les heures supplémentaires quand cela risque de nuire au déroulement normal des activités de l’employeur.
Enfin, un mot sur le processus. Le printemps dernier, les responsables du programme de travail ont entrepris une consultation élargie sur la recommandation du rapport Arthurs et ses propositions pour renforcer le respect et l’application des droits de la partie III. Mais, dans le même temps, le gouvernement réalisait des modifications importantes et d’une grande portée, sans faire de consultation générale, en créant notamment un nouveau mécanisme de traitement des plaintes contre les représailles des employeurs et en modifiant les dispositions d’exécution des parties II et III du code. Les syndicats n’ont pas non plus été prévenus ni consultés à l’égard des modifications des dispositions concernant les heures supplémentaires dans le projet de loi C-63. Nous continuons de préférer une discussion intégrée et exhaustive sur le renforcement des normes fédérales du travail et la mise en place d’un régime efficace de respect et d’application du code.
Merci. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, monsieur McDonald. Je vous avoue que, personnellement, je ne suis pas entichée des stages non rémunérés. Je suis donc d’accord avec vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion, je crois, à une étude américaine. Y en a-t-il une canadienne?
M. McDonald : Oui. La première étude était celle de l’association nationale des collèges et des employeurs des États-Unis. Sa méthodologie a été suivie par l’Association canadienne des stagiaires, qui a trouvé des résultats très semblables dans le contexte canadien. L’étude canadienne n’avait pas la même envergure et n’a pas permis de prélever un échantillon d’une taille suffisante, mais elle a présenté des résultats semblables.
La sénatrice Marshall : Avez-vous une idée des proportions respectives des postes rémunérés et non rémunérés? S’équivalent-elles?
M. McDonald : Pour le Canada, nous n’avons pas les chiffres actuellement. Je peux les trouver. Je n’ai pas une ventilation précise du nombre de postes non rémunérés par rapport à ceux qui le sont.
La sénatrice Marshall : Avez-vous dit que les femmes étaient surtout représentées dans les stages non rémunérés?
M. McDonald : L’Association canadienne des stagiaires a constaté qu’environ 77 p. 100 des postes non rémunérés de stagiaire étaient occupés par des femmes, le reste, 23 p. 100, par des hommes.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il une explication? Je pourrais me tromper, mais j’ai cru que, dans certaines universités, le domaine du travail social est habituellement à prédominance féminine et que, dans certains cas, les stages doivent obligatoirement ne pas être rémunérés. Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet? Est-ce que ça ne fausse pas un peu les statistiques?
M. McDonald : Pour la non-rémunération, oui. L’un des principaux facteurs est que dans des domaines depuis longtemps à prédominance féminine, comme l’alimentation, le travail social et les sciences infirmières, on s’attend souvent à la prestation d’un travail non rémunéré avant la fin des programmes d’études, tandis que dans ceux à prédominance masculine, comme le génie, on n’offre pas en général de stages non rémunérés.
La sénatrice Marshall : Vous avez raison. A-t-on pris des mesures pour changer ça?
M. McDonald : Voilà une question incroyablement importante, qui mérite un redoublement d’efforts. Nous appuyons vivement la rémunération de toutes les formes de travail, particulièrement si elles sont offertes par l’entremise de l’État. Les programmes d’études combinées à des stages de travail, annoncés en août dernier, sont un bon point de départ vers ce programme. Cependant, il reste encore un problème urgent à régler.
La sénatrice Marshall : L’objectif est la rémunération de tous les stages.
M. McDonald : Ce serait notre idéal.
La sénatrice Marshall : Le mien aussi.
J’ai une question sur le congé pour motif de violence familiale. Pourriez-vous nous donner votre opinion sur les entraves que doit affronter une personne qui veut s’en prévaloir? Il y a des enjeux comme la protection des renseignements personnels, et nous savons que les victimes de violence familiale éprouvent de l’embarras ou de la honte à cause de leur situation personnelle. Pourriez-vous nous parler seulement des obstacles qu’elles doivent vaincre?
Mme Smallman : Nous sommes mobilisés dans cette campagne pour le congé payé pour motif de violence familiale depuis quelque temps et, dans notre démarche, nous nous sommes inspirés du travail des syndicats australiens. Ils négocient depuis un certain nombre d’années, maintenant, un congé payé pour motif de violence familiale et d’autres formes d’aide en milieu de travail.
Nous avons entrepris notre initiative par un travail de recherche. Nous avons une étude faite auprès des travailleuses canadiennes, qui sera la plus importante sur toutes les formes de violence contre les femmes depuis 1993, et nous avons constaté qu’elles étaient vraiment répandues. Mais nous insistons pour obtenir ce congé parce que les victimes en ont besoin.
Dans les endroits où ces congés payés existent, ils se doublent de politiques en milieu de travail qui concilient la protection de la vie privée et la sécurité, ce qui donne aux demandeurs une idée de la façon de s’y prendre s’ils veulent se prévaloir de ces congés. Les tiers sont mis au courant uniquement s’il est indispensable pour eux de l’être. Par exemple, si la personne participe à une opération de planification de la sécurité en sus de prendre des journées de congé rémunéré, seules les personnes qui ont vraiment besoin de connaître cette partie de son vécu en seraient informées. Les employeurs qui administrent ces modalités ne signalent par la suite aucun problème grave concernant la confidentialité ou la protection des renseignements personnels. Dans une étude réalisée sur les employeurs australiens qui administraient ces modalités, l’une des questions portait sur cet aspect, ainsi que sur la fréquence des demandes de congé, les coûts qu’elles engendraient et ainsi de suite. Il s’agissait de savoir si la confidentialité avait posé des problèmes, ce qui n’avait pas été le cas.
En complément de ce travail, nous avons formé nos délégués syndicaux ainsi que nos représentants dans les comités de santé et de sécurité pour qu’ils reconnaissent les situations de violence familiale et qu’ils y réagissent pour appuyer les demandes des victimes dans leurs relations avec leurs employeurs. En Ontario, où les employeurs sont déjà chargés de la mise en place de politiques en milieu de travail et de la sécurité de leurs employés, les politiques de santé et de sécurité sur ces problèmes sont rédigées de façon claire.
La sénatrice Marshall : Non seulement le congé est-il offert, mais il existe presque un programme pour aider à reconnaître les situations où il pourrait y avoir de la violence familiale?
Mme Smallman : Vrai, et nous recommanderions une formation pour les représentants des travailleurs, les surveillants et les gestionnaires, pour qu’ils puissent mieux réagir au problème de la violence familiale au travail. En Ontario et ailleurs, on offre déjà divers programmes de formation.
La sénatrice Marshall : En offrant ce congé pour motif de violence familiale, quel est l’objectif final? Assurer la stabilité de la famille ou mettre fin à la situation de la victime? Est-ce que vous vous mêlez de ce problème?
Mme Smallman : Idéalement, c’est vraiment à la personne concernée, victime de violence familiale, de décider ce qui est le mieux pour elle. Comme nous le savons, certaines victimes peuvent avoir besoin de plus de sept tentatives pour sortir d’une relation marquée par la violence et elles savent que le moment du départ est effectivement celui qui pose le plus de risques. L’initiative leur appartient. L’obtention du congé ne devrait jamais dépendre de décisions comme un départ ou l’obtention d’une ordonnance d’interdiction de communiquer, décisions qui risquent d’aggraver le risque pour la victime.
L’objectif est d’accorder à la victime du temps, pendant la journée de travail, pour s’occuper de choses nécessaires. Il ne s’agit pas nécessairement de longs congés. Une demi-journée, ici, pour rencontrer un avocat, une autre demi-journée ou une journée, là, pour s’occuper d’opérations bancaires, trouver un nouveau logement ou obtenir un nouveau service de garderie, détails qu’elles doivent régler, mais à l’insu de leur agresseur. Ça leur procure un coussin de sécurité sans avoir le sentiment de devoir s’éclipser du travail. Nous savons déjà que l’absentéisme est un vrai problème pour ces victimes, et qu’il met leur emploi en péril. Voilà certains constats de notre recherche. Nous voulons nous assurer que nous procurons aux victimes un moyen de prendre les décisions nécessaires, quelles qu’elles soient.
Le président : Chers collègues, nous devons aller voter. Je n’accepterai donc d’entendre qu’une seule question de plus avant de suspendre la séance. Vos exposés figurent dans le compte rendu. Nous savons donc exactement ce que vous nous avez dit. Nous vous remercions, mais ainsi va la démocratie. Nous devons aller voter. Si nous vous donnons la possibilité de formuler une conclusion, que diriez-vous?
Mme Smallman : J’ai besoin d’un moment.
Le président : Monsieur McDonald?
M. McDonald : Très rapidement, oui.
Quand nous établissons la valeur du travail des nouveaux, il est particulièrement important pour eux de comprendre que c’est une rémunération en argent. Il leur est particulièrement nocif de leur dire que leur travail ne possède pas nécessairement de valeur. Du point de vue de la négociation à long terme des conditions de travail, ils ont le plus de difficulté à comprendre que tout genre de travail qu’ils faisaient ne valait rien.
Nous croyons aussi que cette pratique nuit aux employeurs parce que, manifestement, dans beaucoup de cas, c’est un mécanisme facilitant l’intégration des nouveaux employés. Dans de nombreuses entreprises, l’embauche est devenue difficile, et si elles persistent dans cette habitude, elles s’en servent malheureusement pour ne pas innover dans leurs pratiques d’intégration, et c’est problématique.
Mme Smallman : J’ajouterais seulement que ce ne serait pas la première province au Canada à avoir des congés payés pour motif de violence familiale. En fait, le Manitoba a été le pionnier, en 2016, et il accorde cinq journées payées, tandis que l’Ontario, il y a à peine quelques semaines, a accordé cinq journées payées et des journées supplémentaires non payées, après, ce qui nous amène à inciter l’administration fédérale à les rattraper et à montrer la voie à suivre.
Le président : Chers collègues, notre prochaine séance sur la question aura lieu demain matin à 9 heures, dans la pièce 160-S, de l’édifice du Centre.
Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie.
(La séance est levée.)