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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 59 - Témoignages du 31 janvier 2018


OTTAWA, le mercredi 31 janvier 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général, notamment les comptes publics, les rapports du vérificateur général et les finances publiques (sujets : rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada : les problèmes du système de paye Phénix et les centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à la première réunion en 2018 du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Français]

Je vous souhaite tous la bienvenue. Mon nom est Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

[Traduction]

En tant que président du comité, je tiens à souhaiter la bienvenue, au nom des sénateurs du Comité des finances, à tous ceux présents ici dans la salle et à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne.

Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca, le site web du Sénat du Canada.

[Français]

Je demanderais à tous les sénateurs de se présenter.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Black : Doug Black, de l’Alberta.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

Le président : Merci, honorables sénateurs.

J’aimerais également reconnaître la greffière du comité, Gaëtane Lemay.

[Français]

Je vous présente également nos deux analystes, Sylvain Fleury et Alex Smith qui, ensemble, soutiennent les travaux de ce comité. Nous vous disons merci.

[Traduction]

Aujourd’hui, honorables sénateurs et Canadiens, nous recevons le vérificateur général du Canada, M. Michael Ferguson. Il fera un exposé sur deux récents rapports qui intéressent le Comité des finances du Sénat du Canada.

J’aimerais dire au vérificateur général, M. Ferguson, qu’il ne fait aucun doute dans mon esprit, et on me l’a dit à maintes reprises, que de nombreuses personnes ont lu ces deux rapports. Le premier porte sur les problèmes et les défis liés au système de paye Phénix. Le deuxième porte sur les centres d’appel de l’Agence du revenu du Canada.

Nous sommes ravis d’accueillir officiellement parmi nous le vérificateur général du Canada, Michael Ferguson. Pour l’aider, il est accompagné de deux autres fonctionnaires.

[Français]

M. Martin Dompierre, directeur principal, et M. Jean Goulet, directeur principal également.

[Traduction]

Monsieur Ferguson, après votre exposé, les sénateurs poseront des questions sur les sujets à l’étude.

Sur ce, je demande au vérificateur général de faire son exposé.

[Français]

Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de nos rapports de l’automne 2017 sur les problèmes liés au système de paie Phénix et sur les centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada. Je vais résumer pour le comité les constatations pertinentes de ces audits. Toutefois, il est important de noter que nos travaux ont pris fin en septembre 2017.

Voyons d’abord notre audit du système de paie Phénix. En 2009, le gouvernement du Canada a entamé la transformation du processus d’administration de la paie de ses 290 000 employés. Cette initiative visait deux projets. L’un consistait à centraliser les services de paie pour 46 ministères et organismes qui employaient environ 70 p. 100 de tous les fonctionnaires fédéraux. L’autre consistait à remplacer le système de paie vieux de 40 ans qui était utilisé par 101 ministères et organismes par un nouveau système appelé Phénix. Depuis le lancement de Phénix en février 2016, il est arrivé souvent que le gouvernement fédéral ne puisse pas payer le bon montant aux fonctionnaires fédéraux ou au bon moment. Nous avons vérifié si Services publics et Approvisionnement Canada avait travaillé avec les ministères et organismes retenus pour régler les problèmes de paie de Phénix de sorte que les employés du gouvernement reçoivent le montant exact de leur paie au bon moment.

[Traduction]

Cet audit est important parce que les problèmes de paye du gouvernement ont une incidence financière sur des dizaines de milliers de fonctionnaires, et le système doit être corrigé.

Nous avons constaté que les problèmes de paye n’ont fait qu’augmenter tout au long de notre audit. Un an et demi après le lancement du système par le gouvernement, le nombre de fonctionnaires en attente du traitement d’une demande d’intervention de paye dépassait les 150 000 dans les 46 ministères et organismes dont les services de paye avaient été centralisés. Ces 150 000 employés attendaient le traitement d’environ 500 000 demandes d’intervention de paye. Ce chiffre exclut les demandes en attente dans les 55 ministères et organismes dont les services de paye n’étaient pas centralisés, et les demandes en attente liées aux conventions collectives récemment signées avec les syndicats de la fonction publique fédérale.

Les problèmes ont tellement augmenté que, à la fin de juin 2017, la valeur des erreurs non corrigées dans la paye des fonctionnaires dépassait plus d’un demi-milliard de dollars. Ce montant englobait les sommes dues à des fonctionnaires qui avaient été sous-payés et les sommes dues à l’État par des fonctionnaires qui avaient été trop payés.

Les ministères et organismes ont fait face à des problèmes depuis le lancement de Phénix. Cependant, il a fallu quatre mois à Services publics et Approvisionnement Canada pour admettre la gravité des problèmes de traitement de la paye. Depuis, le ministère a réagi, mais il n’a mis en place que quelques solutions permanentes. En fait, 16 mois après l’apparition des problèmes, il n’y avait toujours pas de structure de gouvernance en place.

[Français]

À notre avis, la solution aux problèmes de Phénix a deux volets. Il faut d’abord payer aux gens le bon montant au bon moment. Cependant, après cela, il restera du travail à faire pour que le système traite la paie de manière efficiente.

Services publics et Approvisionnement Canada nous a dit qu’il concevait un plan exhaustif avec des données détaillées sur les coûts des mesures visant à régler les problèmes de paie. Cependant, ce plan n’était pas prêt à la fin de notre audit.

Pour appliquer une solution viable, le gouvernement doit déterminer les causes fondamentales des problèmes et s’y attaquer, surveiller de près les mesures pour régler les problèmes et veiller à favoriser une collaboration solide entre Services publics et Approvisionnement Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et les ministères et organismes touchés.

[Traduction]

À notre avis, il faudra des années pour régler les problèmes de paye de Phénix, et cela coûtera plus que les 540 millions de dollars estimés par les organisations du gouvernement. Nous avons constaté que l’État australien du Queensland avait fait face à une situation semblable; il lui a fallu huit ans et plus de 1,2 milliard de dollars pour régler la plupart de ces problèmes.

Parlons maintenant de notre audit des centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada. Ces centres d’appels sont une source importante d’information sur l’impôt pour la population. Nous avons examiné si les centres d’appels de l’agence avaient donné aux Canadiens des renseignements exacts en temps opportun. Nous avons aussi examiné les méthodes de l’agence pour évaluer le rendement de ses centres d’appels et en rendre compte.

Dans l’ensemble, nous avons constaté que l’agence n’avait pas donné des renseignements exacts en temps opportun. L’agence a bloqué 29 millions d’appels, soit plus de la moitié des appels reçus. Elle surveillait le temps d’attente d’un appelant voulant parler à un agent. Si le temps d’attente moyen approchait les deux minutes, l’agence bloquait l’appel, habituellement en activant une tonalité d’occupation, ou en le dirigeant au système de libre-service automatisé.

L’agence nous a dit que les appelants préféraient entendre la tonalité d’occupation ou un message automatisé plutôt qu’attendre plus de deux minutes avant de parler à un agent. Cependant, elle n’a pas sondé les appelants pour confirmer cette hypothèse. Les appelants devaient donc faire en moyenne trois ou quatre tentatives d’appel par semaine, et même après plusieurs tentatives, certains appelants n’arrivaient pas à parler à un agent.

Nos tests ont révélé que le taux d’erreurs des agents était beaucoup plus élevé que celui estimé par l’agence. Les agents des centres d’appels nous ont donné des renseignements inexacts près de 30 p. 100 du temps. Ce pourcentage est semblable aux résultats d’autres évaluations et beaucoup plus haut que le taux d’erreur estimé par l’agence.

[Français]

Nous avons constaté que le système de contrôle de la qualité de l’agence ne testait pas l’exactitude des réponses des agents de manière efficace et que les résultats de ces tests n’étaient donc pas fiables. Dans la plupart des cas, par exemple, les agents savaient que l’appel était surveillé, ce qui a pu les inciter à modifier leur comportement pour améliorer leur rendement.

Enfin, selon l’agence, environ 90 p. 100 des appels avaient pu joindre le système de libre-service automatisé ou un agent. Toutefois, nous avons constaté que le pourcentage ne tenait pas compte des appels bloqués, soit plus de la moitié du volume total d’appels. Si on prend en considération les appels bloqués, seulement 36 p. 100 des appels faits au centre d’appels de l’agence ont été traités par un agent ou le système de libre-service automatisé et ont duré au moins une minute.

Nous sommes heureux d’indiquer que les ministères et organismes visés par ces audits ont accepté toutes nos recommandations et se sont engagés à prendre les mesures qui s’imposent.

Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Ferguson.

[Traduction]

Avant de commencer, j’aimerais demander à deux sénateurs, la sénatrice Andreychuk et le sénateur Neufeld, de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Andreychuk : Je suis désolée d’être arrivée en retard. Il y a beaucoup de neige à l’extérieur. Je suis Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan. Nous ne sommes pas habitués à des chutes de neige de la sorte.

Le sénateur Neufeld : Sénateur Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le président : Merci.

La première intervenante sera la sénatrice Marshall, suivie du sénateur Pratte.

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Ferguson, de votre présence ici ce soir et de votre déclaration liminaire.

Je veux tout d’abord vous poser une question à laquelle je n’ai pas vu de réponse dans votre rapport, mais vous y avez fait allusion dans vos remarques liminaires et dans votre rapport : la structure de gouvernance. Vous dites qu’il n’y a aucune structure de gouvernance en place.

Lorsque j’ai lu votre rapport, j’ai constaté qu’il y a un comité ministériel. Un sous-ministre délégué est responsable des activités pour régler les problèmes de paye. Il y avait aussi un comité interministériel des sous-ministres. Il y a aussi un bureau de gestion de projet et un Bureau du dirigeant principal des ressources humaines et du Conseil du Trésor. Je n’ai pas compris comment ils sont tous reliés, et je ne sais pas s’il y a une personne responsable. Pour tout organisme ou projet, il doit y avoir un PDG. En lisant votre rapport, j’ai eu l’impression que tous ces comités et toutes ces personnes se voient assigner des tâches, mais rien ne les relie.

En bout de ligne, qui est responsable au niveau ministériel et qui est responsable au niveau du gouvernement? Il doit y avoir une personne. L’interprétation que je fais de votre rapport ne peut pas être réelle. On semble aller dans tous les sens.

M. Ferguson : N’oubliez pas qu’ils ont mis en place le système, alors ils ont passé par toutes les étapes de la gestion de projet. C’était un processus échelonné sur sept ans, et ils ont instauré et mis en œuvre le système.

Puis les problèmes ont commencé à se manifester, et il a fallu à Services publics et Approvisionnement Canada, qui était responsable de la mise en œuvre du projet, plusieurs mois avant de se rendre compte qu’il y avait des problèmes. Lorsque le ministère est devenu conscient des problèmes, il ignorait combien de temps il faudrait pour les résoudre.

Personne n’a pris conscience plus tôt qu’une structure de gouvernance devait être mise en place pour régler les problèmes. Là encore, c’était après la mise en œuvre. Ils n’ont pas relevé qu’il y avait des problèmes, qu’il faudrait beaucoup de temps pour les résoudre et qu’il fallait une structure de gouvernance quelconque.

Les divers comités et groupes que vous avez mentionnés se trouvent au paragraphe 88 de notre rapport sur les problèmes de paye de Phénix. C’est fondé sur une annonce faite par le premier ministre en avril 2017. En juin 2017, Services publics et Approvisionnement Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor ont reconnu que la gouvernance pour gérer les problèmes était insuffisante, si bien qu’ils ont annoncé la mise sur pied de ces comités.

Le mois de juin 2017 est également le moment où le travail sur le terrain a pris fin, si bien que nous n’avons pas eu l’occasion de voir ces comités en action. Ils venaient d’être formés.

Le système a été mis en œuvre en février et en avril 2016. C’est en juin 2017 que ces trois groupes différents ont été annoncés pour essayer de fournir une structure de gouvernance, soit plus d’un an plus tard. Nous ne pouvions pas vraiment dire s’ils allaient assurer une gouvernance appropriée ou non car nous ne les avions pas vus en action.

Si nous nous fions à tout ce que nous avons examiné, c’était le ministre de Services publics et Approvisionnement Canada et le sous-ministre qui étaient responsables au niveau ministériel et au niveau du gouvernement.

La sénatrice Marshall : Si ce sont les deux responsables, ce qu’ils font ne fonctionne évidemment pas; ce n’est pas efficace. D’après ce que j’en comprends de mes lectures et de votre rapport, le problème continue de s’aggraver. Les ministères ne semblent pas avoir la situation en main. Il y a deux démarches. Ils doivent résoudre les problèmes de paye et ils doivent également corriger le système.

J’ignore les mesures qui sont prises pour corriger le système. Je pense que quelqu’un y travaille. Nous entendons davantage parler des problèmes de paye individuels, mais ces problèmes semblent empirer. Quand on lit à propos des problèmes de paye individuels, on s’aperçoit qu’ils sont de plus en plus compliqués. Ce n’est pas seulement que les gens ne reçoivent pas les bons montants; les problèmes ont une incidence sur leur indemnité de départ et leur pension. J’ai discuté avec quelques fonctionnaires qui travaillent encore dans la fonction publique et avec quelques retraités, et ils n’ont pas encore reçu leur indemnité de départ. Leurs prestations de retraite ne sont pas calculées correctement. Ils ont tout un problème sur les bras.

En lisant le rapport, j’ai remarqué que dans un certain nombre de vos observations, les gens reçoivent l’explication suivante :

Le plan de travail intégré préliminaire des RH à la paye pour la phase I sera finalisé d’ici décembre 2017.

Avez-vous pris des mesures en ce sens ou savez-vous ce qui se fait? J’essayais de déterminer avant la réunion si les objectifs ont été atteints avant la fin de 2017 car c’était le mois passé. Les échéances n’ont jamais été atteintes. Je croyais que si cette échéance avait été respectée, j’aurais raison d’être optimiste, mais j’ignore ce qu’il en est. Avez-vous pris des mesures pour régler leurs problèmes?

M. Ferguson : Je vais demander à M. Goulet de répondre à cette question.

Jean Goulet, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Non, nous n’avons rien fait à cet égard.

À la fin de notre audit, c’était quelque chose que nous prévoyions faire. À notre connaissance, le plan de travail n’a pas encore été présenté, alors il n’est pas encore terminé. La dernière échéance dont j’ai entendu parler était au printemps. Cependant, nous avons vu une version préliminaire de ce plan de travail. Il est élaboré par une société d’experts-conseils, et il en est question dans le rapport. Autrement…

La sénatrice Marshall : Vous n’avez pas d’opinion sur…

M. Goulet : Non.

M. Ferguson : Sénatrice, si vous le permettez, je suis ravi que vous ayez parlé du processus des RH à la paye comme faisant partie de la solution. Ce pourrait certainement l’être. Il faudrait qu’ils décrivent comment cela fera partie de la solution. Je pense qu’il pourrait également y avoir des risques, car on ne parle pas seulement de corriger les problèmes de paye et le système. On parle aussi d’inclure la gestion intégrée de l’information sur les RH aux renseignements sur la paye, ce qui pourrait compliquer l’ensemble du projet.

Je ne peux pas vous dire si ce serait le cas ou non, mais je pense que l’approche exhaustive dont ils parlent vaut la peine d’être explorée avec le ministère pour déterminer s’ils font plus que seulement essayer de corriger les problèmes qui ont déjà été ciblés.

La sénatrice Marshall : Je suis d’accord avec vous. Ils augmentent les risques. Je sais que lorsque nous avons tenu des audiences avant Noël, les représentants du Conseil du Trésor ont signalé qu’ils étaient en train de mettre au point un système et qu’ils voulaient le relier à Phénix. J’étais horrifiée à l’idée qu’ils allaient ajouter quelque chose au système Phénix.

Ils ajoutent des employés pour travailler au système Phénix, n’est-ce pas? Je ne comprends pas pourquoi, puisqu’ils ont des problèmes avec un système qui ne verse pas les salaires appropriés aux employés et qu’ils éprouvent des problèmes avec le système. Je sais que, d’après votre rapport, au moins un ministère utilise l’ancien système. Je n’ai pas compris pourquoi ils continuent d’embaucher des gens, surtout des étudiants. Vous pourriez utiliser un modèle de paye distinct. Pourquoi font-ils cela? Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

M. Ferguson : Je vais mentionner, sénatrice, que nous avons un autre audit en cours sur le projet Phénix. Dans le cadre de cet audit, ce que nous voulions faire, c’était d’examiner ce qu’ils font pour essayer de corriger le problème, car nous croyons que c’était le moment idéal pour nous de voir s’ils sont sur la bonne voie et d’informer les gens de la situation.

Nous avons un autre audit en cours qui remontera dans le temps et qui se penchera sur les circonstances qui ont donné lieu à cette situation. Nous présenterons un rapport en mai. Nous estimions qu’il était beaucoup plus important d’examiner ces problèmes en premier car ils sont encore en train d’essayer de corriger le système, puis nous reviendrons à l’autre audit qui examinera les circonstances qui ont mené à cette situation.

Nous avons les pièces 1.2 et 1.3 après le paragraphe 30 dans notre rapport qui montrent qu’après la première vague, donc en février, lorsqu’ils ont convoqué un certain nombre de ministères, il y avait des erreurs de paye qui n’avaient pas été traitées. Même entre ce moment et avril, on peut voir une augmentation importante du nombre d’erreurs, mais ils ont quand même décidé de procéder avec la deuxième vague de ministères.

La sénatrice Marshall : J’avais cette question. Je trouvais que c’était étrange. C’est comme s’ils savaient qu’il y avait des problèmes mais qu’ils ont décidé d’aller de l’avant quand même.

M. Ferguson : À partir des renseignements qu’ils avaient et que nous avons recueillis, on pouvait constater qu’ils commençaient à prendre du retard un peu avant la première vague, et ce, même avant la mise en œuvre. Entre les deux vagues, les problèmes se sont accentués, et la situation a empiré davantage après la deuxième vague. Les problèmes étaient évidents.

Le sénateur Pratte : J’aimerais vous interroger brièvement au sujet de ce deuxième audit que vous êtes en train de mener. Vous donne-t-il un aperçu de ce qui se passe actuellement, ou puisque vous n’examinez que le passé, l’audit ne vous donne-t-il pas une idée de ce qui se passe avec le système Phénix en ce moment?

M. Ferguson : Eh bien, le premier — je suppose que cela prêtera un peu à confusion… Le deuxième audit est vraiment celui qui remonte le plus loin dans le passé.

Le sénateur Pratte : Comme les films de la Guerre des étoiles.

M. Ferguson : Oui, exactement. Donc, le deuxième audit, celui que nous menons actuellement, examinera toute la mise en œuvre du projet, jusqu’à ce qu’il soit exécuté.

Une grande partie de l’audit portait sur ce qui a été fait, de la mise en œuvre jusqu’à juin 2017. Nous avons donc examiné ce qui se faisait à ce moment-là. Depuis juin 2017, nous ne nous sommes évidemment pas repenchés là-dessus pour voir ce qui s’est fait au cours des neuf derniers mois. L’audit avait déjà été présenté; il était parfaitement à jour et contenait tout ce qui avait été fait jusqu’à ce moment-là.

Le sénateur Pratte : Je ne comprends pas tout à fait ce qui vous a mené à la conclusion que le projet allait coûter nettement au-delà de 500 millions de dollars et que des années allaient être nécessaires pour régler le problème. Je comprends votre comparaison avec l’Australie, mais pourquoi exactement en êtes-vous venu à ces deux conclusions?

M. Ferguson : La première chose que nous avons faite, c’est un sondage auprès des ministères, y compris Services publics, pour savoir combien d’argent ils dépensaient déjà cette année-là et combien ils allaient en dépenser les années suivantes. C’est ainsi que nous en sommes venus au montant de 540 millions de dollars, ce qui ne va suffire qu’environ deux ans.

Nous avons dit que cela allait coûter beaucoup plus cher et prendre beaucoup plus de temps parce que ces estimations portaient sur ce que les ministères faisaient pour essayer de régler le problème de paye.

L’une des choses dont je ne démords pas dans cet audit, c’est qu’il y a deux aspects à retenir. Les gens doivent être payés le bon montant et à temps, et le système était censé générer des gains d’efficience. Il était censé traiter les transactions de paye de manière plus efficiente. À l’heure actuelle, le système produit non seulement plus d’erreurs que le système vieux de 40 ans qu’il a remplacé, mais il est aussi moins efficient. Une fois que les erreurs seront réglées, ou que la question du traitement sera réglée, et qu’on pourra traiter les transactions de paye dans un délai raisonnable, il faudra tâcher de rendre le système efficient.

À titre d’exemple, à la fin du paragraphe 58 dans notre rapport, il est écrit que les gens du ministère nous ont dit que pour réaliser des gains d’efficience, ils devront améliorer la gouvernance, la fonctionnalité et la performance de Phénix, l’efficience et l’efficacité des processus opérationnels, la qualité des données, la capacité du système et des ressources ainsi que la productivité, et ils devront travailler avec les ministères pour harmoniser les processus de paye actuels avec Phénix.

Pour faire tout cela en plus de corriger les transactions de paye, il faudra plus de temps que la courte période qu’il nous a fallu pour leur demander combien ils allaient dépenser, ce qui n’était que pour une période de trois ans.

Le sénateur Pratte : C’est subjectif, de toute évidence, mais quand vous avez quitté les lieux en juin 2017, aviez-vous l’impression qu’ils étaient sur la bonne voie ou qu’ils étaient encore tous fourvoyés quant à la direction à prendre dans ce dossier?

M. Ferguson : Tout au long de notre audit, jusqu’à la fin, nous avons constaté que les problèmes s’accumulaient, qu’ils empiraient. Je crois que, en tout, seuls deux mois s’étaient écoulés depuis que le Centre des services de paye de Miramichi était en mesure de traiter plus de demandes que celles qu’ils recevaient. Il prenait donc toujours du retard pendant toute cette période.

À la fin de la période d’audit — à vrai dire, avant la fin de l’audit —, on s’est au moins rendu compte qu’on devait mettre en place un plan global ainsi qu’un processus de gouvernance pour surveiller tout cela, ce qui allait tout de même demander un certain temps. Il ne fait donc aucun doute que, à la fin de la période d’audit, en juin 2017, la situation continuait d’empirer. Je ne peux pas dire ce qui est arrivé depuis. Nous pouvons tous lire ce qui se dit dans la presse, mais jusqu’à la fin de notre période d’audit, les problèmes continuaient de s’aggraver.

Le sénateur Pratte : Merci.

La sénatrice Eaton : Merci, messieurs.

Dans votre rapport, vous avez recommandé une analyse approfondie des causes des problèmes de paye, l’élaboration d’une solution durable, l’adoption d’un échéancier pour résoudre les problèmes de paye et la collecte de meilleurs renseignements. Est-ce un plan pour indiquer comment régler le problème?

M. Ferguson : Je ne veux pas essayer de minimiser la quantité de travail qui devra être accomplie pour résoudre la situation. C’est un gros problème qui demandera beaucoup de travail.

Je pense que, juste pour comprendre les causes — nous avons cerné un certain nombre de choses… Le système n’était pas prêt pour gérer la rémunération rétroactive, et le gouvernement fédéral paye beaucoup de monde rétroactivement. Au début, le système ne pouvait pas gérer des choses comme, entre autres, le travail par quarts.

La sénatrice Eaton : Parlez-vous du logiciel proprement dit? La personne qui a conçu le logiciel n’aurait-elle pas vérifié comment le gouvernement paye ses employés?

M. Ferguson : Eh bien, dans ce genre de système, on demande toujours, par exemple, quels sont les processus opérationnels, ce qu’on veut faire. Le logiciel est conçu pour gérer un certain type de transactions. Si ces deux choses ne concordent pas dès le départ, vous devez soit trouver un moyen de les concilier, soit changer l’une des deux.

La sénatrice Eaton : Donc, faut-il les concilier, modifier le système ou changer le type de transactions?

M. Ferguson : Les trois solutions sont possibles. Pour concilier les deux, il faut adapter le système, ce qui coûte cher. C’est difficile à gérer. En revanche, pour essayer de modifier le système, il faut également l’adapter. De plus, il n’est pas toujours facile de changer les processus opérationnels, car il peut être nécessaire d’ouvrir les conventions collectives…

La sénatrice Eaton : Les employés ont l’habitude de procéder de certaines façons.

M. Ferguson : En effet. Par conséquent, les trois solutions comportent des difficultés.

Le problème, c’est qu’avant la mise en œuvre du système, on n’a pas vérifié si les processus et le traitement des demandes dans le système pouvaient concorder.

La sénatrice Eaton : Je suis désolée. Je suis certaine que c’est très simple, mais une organisation comme IBM ne serait pas en partie responsable? Je suppose que vous ne pouvez pas pointer quelqu’un du doigt, mais une organisation comme IBM ne serait pas partiellement responsable parce qu’elle n’a pas vérifié comment le gouvernement paye ses employés, ce qui expliquerait pourquoi le logiciel ne convient pas.

M. Ferguson : Je crois que c’est le ministère qui devra vous donner les détails à ce sujet.

Pour aller au fond des choses, il faut vérifier si le contrat précise ce qu’IBM avait à faire. Si IBM a fait ce qui était indiqué dans le contrat…

La sénatrice Eaton : La société s’en tirerait-elle alors à bon compte?

M. Ferguson : … cela n’est pas de sa faute. C’est alors le ministère qui n’aurait pas vérifié si le contrat précisait ce qu’IBM devait faire.

Vous devriez alors vérifier ce qu’il en est auprès du ministère, mais, à mon avis, cela dépend vraiment de ce que le contrat demandait à IBM de faire.

La sénatrice Eaton : Merci. Cela élimine beaucoup de possibilités.

Le sénateur Black : Messieurs, merci beaucoup d’être ici.

Compte tenu de la nature de mes questions, je précise que je ne souhaite pas tirer sur le messager. Je vous suis très reconnaissant d’avoir présenté ces renseignements, mais je dois dire que, en tant que sénateur, je parle certainement au nom des Canadiens quand je dis que c’est une vraie honte.

J’ai travaillé en tant qu’avocat dans le secteur privé. Pour donner suite aux questions de la sénatrice Eaton, quelqu’un dans l’administration fédérale a-t-il été tenu responsable de ce gâchis?

M. Ferguson : Encore une fois, je crois que c’est une chose que le ministère devra vous expliquer. Je ne suis pas au courant.

Le sénateur Black : Merci beaucoup. Vous ne savez donc pas si quelqu’un a été congédié, comme cela aurait été le cas dans le secteur privé.

M. Ferguson : Non, je n’ai pas ce genre de renseignement.

Le sénateur Black : Je veux également vous parler, comme l’a fait la sénatrice Eaton, des circonstances qui pourraient mener à une poursuite contre le fournisseur.

Je comprends ce que vous venez tout juste de dire à propos des nuances du contrat, mais nous devons reconnaître, en définitive, que le contrat a fondamentalement échoué à offrir le service qui devait être rendu. À première vue, il y a lieu d’intenter une poursuite judiciaire hors du commun.

Savez-vous si le gouvernement a l’intention de poursuivre le fournisseur?

M. Ferguson : Une fois de plus, c’est une question qui devrait être adressée au ministère.

Je ne cherche pas à laisser entendre que le fournisseur n’a pas rendu le service indiqué dans le contrat. C’est une question pour le ministère. C’est peut-être juste le ministère qui n’a pas vérifié si le contrat reflétait ce qu’il voulait vraiment, mais je n’ai pas toute l’information à ce sujet. C’est le ministère qui pourrait vous fournir ces explications.

Le sénateur Black : Mais a priori, j’espère que le ministère et le fournisseur s’attendaient à payer les gens à temps.

M. Ferguson : C’est certainement l’objectif initial du système. Le système devait être plus efficient que le vieux système.

Le sénateur Black : Bien sûr. Et vous avez constaté que ce n’est pas le cas. Cela règle la question.

Peut-on abandonner le système Phénix?

M. Ferguson : Une fois de plus, la décision revient au ministère.

Je vais vous faire part de certaines de mes réserves à ce sujet, ce qui ne signifie pas que c’est nécessairement impossible.

La mise en place du système Phénix s’est faite sur sept ans. S’il existait un système en vente libre qu’on peut tout simplement acheter pour traiter sans problème et en très peu de temps toutes les transactions de paye de l’administration fédérale, je suppose que c’est le système qui aurait été choisi au départ.

Le sénateur Black : Espérons-le.

M. Ferguson : Pour moi, le problème, c’est que même si nous décidions d’emprunter une autre voie, il faudrait des années pour déterminer ce que le système doit accomplir, comment le mettre en place, comment en faire l’essai et comment le faire fonctionner.

Comme nous l’avons dit dans le rapport, 150 000 personnes attendaient que leur demande de paye soit traitée. À mon avis, nous ne pouvons pas lancer un nouveau système alors qu’il y a d’entrée de jeu 150 000 problèmes non réglés. Donc, même si nous prenions cette décision, l’arriéré de problèmes devrait être réglé pour donner une chance équitable au nouveau système.

Qu’ils décident ou non d’opter pour un nouveau système ne change pas le fait qu’ils doivent bien faire fonctionner le système actuel et payer les gens comme il se doit.

Le sénateur Black : Je vais terminer en parlant des victimes de ces problèmes. Êtes-vous satisfait des systèmes ou des processus en place pour s’assurer que personne ne souffre de la négligence du gouvernement?

M. Ferguson : C’est fort probablement une question pour le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui a pris des mesures en ce qui a trait à la façon dont les gens peuvent demander de l’aide en cas de difficultés. On entend certainement toutes sortes d’histoires. Je ne peux pas parler de chacune de ces histoires, mais quand les gens ne sont pas payés le bon montant, les conséquences sont nombreuses.

Le sénateur Black : Bien sûr.

M. Ferguson : Il y a des répercussions sur les prêts d’études, les hypothèques, les pensions et ainsi de suite. Encore une fois, je ne suis pas au courant de toutes les mesures prises pour essayer de redresser les torts causés, mais je pense que c’est une préoccupation valable et légitime.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici pour répondre à certaines de ces questions.

Vous dites que les démarches ont commencé en 2009 et que le système a été lancé en 2016. Est-ce que cela signifie qu’on a commencé à préparer un dossier de propositions en 2009 et qu’il a fallu attendre jusqu’à 2016 — sept ans — pour mettre le processus en branle afin de pouvoir lancer le système? Est-ce que je me trompe?

M. Goulet : Le projet a été officiellement lancé en 2009 au moyen d’une demande de propositions. Un soumissionnaire a été choisi en 2010. La conception du système s’est poursuivie jusqu’en 2012, et sa mise sur pied a commencé la même année et s’est poursuivie jusqu’à son déploiement en 2016.

Le sénateur Neufeld : Avez-vous dans votre organisme des experts du logiciel de paye d’IBM? Est-ce la raison pour laquelle vous étiez sur place, pour aider les gens qui étaient censés le faire fonctionner à comprendre comment procéder? Avez-vous une expertise qui se prête à cela?

M. Ferguson : Je tiens juste à préciser que c’est IBM qui a mis en œuvre le système. Le système de base s’appelle PeopleSoft. C’est un système multifonctions qui peut être acheté. Une fois la mise en œuvre et les modifications faites, quand tout est réuni, on se retrouve alors avec le projet Phénix.

Le logiciel ne provenait donc pas d’IBM. C’était Mes RHGC, et IMB l’a mis en œuvre; c’était son travail.

Nous n’avons aucunement essayé de nous pencher sur tous les détails techniques de la mise en œuvre. Nous voulions déterminer comment le ministère travaillait avec les autres ministères lorsque les problèmes ont surgi, comment il gérait ces problèmes et quelle sorte de structure de gouvernance il mettait en place.

Nous n’essayions pas de faire une sorte d’audit de la structure technique du logiciel. Nous avons essentiellement tenté de gérer une crise. C’est là-dessus que portait l’audit.

Le sénateur Neufeld : Avez-vous décidé de vous rendre sur place et d’examiner le système, ou vous a-t-on demandé de le faire pour déterminer ce qui pouvait être fait?

M. Ferguson : Je vais me fier à ma mémoire. Tout d’abord, nous choisissons toujours ce que nous allons vérifier dans le cadre de l’audit d’un programme gouvernemental. L’ancienne ministre des Services publics et de l’Approvisionnement nous a demandé de nous pencher sur le système Phénix. Si ma mémoire est bonne, c’était surtout pour examiner la mise en œuvre et les problèmes qui s’y rapportaient.

Toutefois, quand nous avons examiné l’ensemble de la situation, nous avons déterminé qu’il serait plus utile de nous pencher sur la façon dont on réglait les problèmes, car c’est ce qui se faisait à ce moment-là. Nous avons décidé d’examiner cette question en premier, et nous nous penchons maintenant sur l’autre question, qui consiste à déterminer quels étaient les problèmes de la mise en œuvre initiale jusqu’à la fin d’avril 2016.

Le sénateur Neufeld : A-t-on réglé tous les cas de personnes sous-payées ou surpayées? Je sais qu’on l’a mentionné, et je suis parfaitement d’accord : il est terrible que des personnes doivent contracter un prêt à la banque à défaut de réussir à être payées par le gouvernement. Je peux vous dire que si c’était dans le secteur privé, les propriétaires concernés seraient probablement déjà en prison. Le gouvernement s’en tire à bon compte pour une raison que j’ignore, je suppose, mais c’est le cas.

Donc, les personnes sous-payées ont-elles été payées, et les personnes surpayées ont-elles remboursé l’argent?

M. Ferguson : Je ne peux pas vous donner le montant. Tout ce que je peux vous dire, c’est « non ». Il y a encore des personnes sous-payées et des personnes surpayées. Je ne sais toutefois pas dans quelle mesure ni quel est le montant. En mars 2017, il était de 520 millions de dollars, pour 100 000 personnes, ce qui revient à une moyenne d’environ 5 000 $ par personne.

Le sénateur Neufeld : Je pense que vous avez dit qu’il faudra peut-être des années pour régler le problème, si l’on fait une comparaison avec l’Australie. Par conséquent, estimez-vous alors qu’il y aura pendant encore six ou huit ans des personnes sous-payées et des personnes surpayées à cause du système que nous avons actuellement?

M. Ferguson : Comme je l’ai dit, c’est la raison pour laquelle il y a deux éléments à la résolution de ce problème. Le premier est d’amener le système au point où les gens peuvent obtenir le paiement de leurs demandes d’ajustement à l’intérieur d’une période raisonnable — 30 jours, par exemple. Ils doivent éliminer l’arriéré, et ils doivent ramener les échéances à 30 ou 45 jours, ou à ce qui est vu comme étant normal.

À ce moment, cependant, vous n’entendrez plus parler des problèmes, peut-être, parce que les gens auront la paye qu’ils sont censés recevoir, mais cela ne peut se produire que si on affecte tellement de personnes et de ressources à cela que le système devient inefficace et bien plus coûteux que l’ancien système. Le deuxième élément est donc d’amener le système à un point où il est efficace. Il faudra des années pour faire tout cela.

J’ose espérer qu’ils arriveront au point où tout le monde peut être payé comme il se doit bien avant l’échéancier établi de huit ans.

Le sénateur Neufeld : J’ai une dernière question. J’ai dans mes notes que votre bureau a recommandé que Services publics et Approvisionnement Canada, de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, les ministères et organismes, réalise une analyse approfondie des causes des problèmes de paye afin de cerner les solutions nécessaires à leur résolution.

Si le système est aussi pourri que cela, pourquoi un ministère a-t-il besoin de se faire dire quelque chose d’aussi simple par le vérificateur général? Sont-ils si incompétents que cela? Ne comprennent-ils pas ce qu’ils doivent faire pour régler la situation? Est-ce qu’il faut que votre ministère intervienne et leur dise : « Il vaudrait mieux que vous mettiez en place un groupe de personnes chargé de trouver comment régler cela »? Je n’arrive pas à y croire, bien franchement.

M. Ferguson : Le problème a commencé en février 2016. Quand la deuxième vague est arrivée, on était en avril 2016. C’est peu de temps après cela que les problèmes sont devenus évidents.

Initialement, Services publics et Approvisionnement Canada est venu dire : « Oui, c’est à cause d’un arriéré dans les demandes de paye qui doivent être traitées, et nous aurons résolu cela d’ici octobre 2016. » Bien sûr, cela ne s’est pas matérialisé, et les problèmes ont continué d’empirer après cela. C’est la raison pour laquelle nous soulignons qu’il leur a fallu un an pour comprendre que c’est un problème à long terme et qu’il va falloir beaucoup de temps et d’efforts pour en venir à bout.

Dans la région du Queensland, en Australie, ils ont eu des problèmes semblables. Ils ont compris qu’ils avaient des problèmes après environ quatre mois, et ils ont commencé dès ce moment-là à mettre en place le type de plan que nous avons décrit. Je pense bien que je vais laisser à Services publics et Approvisionnement Canada le bénéfice du doute et dire que, quand nous sommes intervenus, ils comprenaient qu’ils devaient faire ce genre de choses, mais il leur a fallu trop de temps pour s’en rendre compte.

[Français]

Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre présentation. Nous vivons dans une société moderne et ce gâchis est excessivement gênant. C’est pénalisant pour nos employés. La première question qui me vient en tête a trait aux réponses des ministères, selon votre rapport. On vous informe, entre autres, qu’un plan intégré des ressources à la paie sera élaboré. Un plan a-t-il été promis d’ici la fin décembre 2017? Qui a la responsabilité d’en faire le suivi? A-t-il été déposé? Quel est le plan? Y a-t-il un échéancier?

Avant les Fêtes, nous avons rencontré les gens de SPAC. Nous avions l’impression de flotter dans de la gelée. Il s’agit d’un problème majeur, mais on n’arrive pas à avoir des échéances précises, à déterminer qui a la responsabilité d’assurer les étapes qui doivent nous conduire vers une résolution du problème, on n’arrive pas à savoir clairement qui porte cette responsabilité.

M. Ferguson : Nous avons terminé l’audit en juin 2017. Le ministère nous a dit que le plan serait complété en décembre 2017. C’était après que nous ayons terminé notre travail. Aussi, le ministère a préparé un plan d’action plus précis dans le but de résoudre ces problèmes. Ce plan a été déposé au Comité des comptes publics de la Chambre des communes, et il propose des dates en 2018 et 2019.

Je n’ai aucune information sur les progrès du ministère quant à l’échéance de décembre 2017, mais peut-être que M. Goulet peut vous donner plus de détails.

M. Goulet : À ce stade-ci, on n’a pas beaucoup plus d’information, comme je l’ai indiqué auparavant. Une ébauche préliminaire avait été élaborée, en consultation, mais c’était avant le dépôt de notre rapport au mois de novembre. Depuis, on n’a pas connaissance d’un plan qui aurait été finalisé en décembre 2017. Ce qu’on nous dit, dans le cadre de notre deuxième vérification, c’est que le plan devrait être prêt ce printemps.

Le sénateur Forest : C’est un peu cela que je trouve inacceptable. Vous avez déposé votre rapport en juin, les ministères concernés ont accepté vos recommandations, vous ont dit qu’ils produiraient un plan doté d’une échéance, mais aucun suivi n’a été effectué. Quelqu’un au gouvernement doit mettre son pied à terre à un moment donné. Il faut déterminer qui, au gouvernement, a la responsabilité de s’assurer que les choses sont bien livrées.

Il s’agit d’un problème majeur pour l’ensemble de nos employés, et vous le constatez avec très grande justesse dans votre rapport, mais à partir du moment où le rapport est fait, on baisse la tête, on essuie les mauvais coups. Quelqu’un doit s’assurer qu’il y ait une intervention structurante pour résoudre ce problème.

M. Ferguson : Il est difficile de trouver une façon de cerner les résultats du plan du ministère, parce que les échéances sont à venir. Nous avons indiqué beaucoup de chiffres dans l’audit au sujet des problèmes qui existaient à ce moment-là, et je pense qu’il est possible que le ministère puisse continuer de mettre à jour ces chiffres afin de nous assurer qu’il n’y a pas amplification des problèmes. Peut-être que M. Goulet peut ajouter quelque chose.

M. Goulet : Effectivement, ce serait une bonne idée. Je sais qu’il est un peu plus ouvert à le faire. Une fois par mois, le ministère met à jour un tableau de bord sur son site web, et les chiffres qui y sont présentés semblent plus réalistes que ce qu’on voyait auparavant. D’ailleurs, on en parle dans le rapport. Par contre, je ne peux pas donner d’assurance sur la valeur des chiffres, car on ne les vérifie pas.

Le sénateur Forest : À un moment donné, quelqu’un au gouvernement devra tenir le volant de ce tableau de bord et en faire le suivi, sinon on n’arrivera jamais à régler un problème aussi important.

M. Goulet : Je pourrais peut-être ajouter qu’on fait une deuxième vérification et que cela a pour effet de faire pression auprès du ministère, qui essaie ainsi d’accélérer le processus. Le ministère sait que lorsque le rapport sera déposé, beaucoup de questions vont être posées au sujet de l’avancement du projet.

Le sénateur Forest : Si j’ai bien compris, l’un des éléments de votre deuxième vérification en amont a trait à l’appel d’offres. Effectivement, ce contrat a dû faire l’objet d’un appel d’offres. Si c’est le cas, il doit y avoir un cahier des charges avec des obligations contractuelles.

En amont de ce gâchis, qui porte la responsabilité? Le cahier des charges était-il assez précis? Les besoins ont-ils été mal évalués? Les obligations du contractant ont-elles été mal définies? Allez-vous analyser, en amont du contrat, le cahier des charges, les obligations contractuelles, la façon dont cela a cheminé comme appel d’offres public? On parle d’un appel d’offres de plusieurs millions de dollars, tout de même.

M. Goulet : Tout ce que je peux dire, c’est que ce sont des éléments que nous examinons dans le cadre de notre deuxième vérification.

Le sénateur Forest : Cela va faire l’objet de votre vérification?

M. Goulet : Oui. Pour expliquer l’histoire, si on veut. Cela fait partie de la deuxième vérification.

Le sénateur Forest : Premièrement, pour expliquer l’histoire; deuxièmement, pour savoir qui a la responsabilité de ce gâchis. A-t-on été assez concis dans le cadre du processus d’appel d’offres? L’ARC parlait d’un nouveau centre d’appels centralisé pour les entreprises qui devrait être fonctionnel en juin. J’espère qu’on va tirer des leçons de ce qu’on vit avec Phénix.

M. Ferguson : Notre deuxième audit devrait nous permettre de cerner tous les problèmes rencontrés dans ce projet. Nous allons expliquer tous les problèmes qui existaient lors du projet de mise en œuvre de ce système.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Il se peut que je simplifie trop les choses. Ce n’est pas mon domaine de compétence, mais nous parlons des raisons pour lesquelles ces problèmes ont surgi, et je pense que ce que vous nous avez dit, c’est qu’ils se sont accentués pendant que vous y étiez, ou qu’ils ont pris plus de temps. Ce n’est pas très utile. Je ne cherche pas à distribuer des blâmes, mais à trouver des solutions.

Donc, il y avait un système en place, mais une partie de cela est liée aux personnes qui saisissent les données, à leur degré de compétence et à la mesure dans laquelle les ministères pouvaient s’adapter au changement. N’avez-vous pas regardé s’il y avait eu une période d’essai avant?

Je me souviens d’il y a au moins 20 ans, quand on a essayé d’automatiser la paye, pas au complet, mais en partie, dans un ministère. Ils ont fait des essais. Ils n’ont pas compromis le système en entier. Ils ont compartimenté les choses et ont dit : « Voyons simplement si cela fonctionne. » Devinez quoi? Cela n’a pas fonctionné. L’affaire est tombée à l’eau et ils sont partis.

Pour évaluer ce qui n’a pas fonctionné, il ne faut pas que comprendre la conception du système, pour commencer, mais aussi savoir qui saisissait les données, et savoir s’il y a eu des essais. Avez-vous cherché à savoir s’il y avait eu des tests? Ils ont lancé un appel de propositions. Ils ont tenu de nombreuses réunions, ont choisi un système et ont sauté sur une solution qui n’a pas fonctionné.

M. Ferguson : Tout cela, y compris les essais qu’ils ont faits, fera l’objet d’un deuxième audit dont les résultats seront rendus publics en mai. Je ne peux pas encore parler des détails de cela parce que nous essayons encore avec le ministère de déterminer ce qu’ils ont fait sur tous ces plans. Ce que je peux vous dire, c’est que nous scrutons ce qu’ils ont fait sur le plan des essais et de la mise en œuvre dans le cadre du deuxième audit.

Ce qui s’est produit ici, en fait, c’est qu’après la mise en œuvre et l’apparition des problèmes… N’oublions pas qu’il y avait 46 ministères, que leurs conseillers en rémunération étaient rendus à Miramichi et que cela représentait environ 70 p. 100 des employés du gouvernement. Ce qui s’est produit, c’est que dès le début, comme le montre l’audit, le Centre des services de paye de Miramichi n’arrivait pas à traiter toutes les transactions et a par conséquent pris du retard. Chaque mois, ils recevaient plus de demandes de changements que ce qu’ils pouvaient traiter, alors ils ont continué à prendre du retard, d’un mois à l’autre, faute de pouvoir suivre le rythme. Quand l’arriéré est devenu considérable, ils ne pouvaient même plus répondre aux demandes qui arrivaient d’un mois à l’autre.

Le ministère, comme nous l’avons expliqué dans cet audit, a alors retenu les services d’autres conseillers en rémunération à Miramichi. Il a affecté des conseillers en rémunération aux ministères et s’est mis à faire diverses choses de ce genre, afin de rattraper le retard, mais à la fin de juin 2017, il n’avait toujours pas réussi à rattraper le retard. Il leur faudrait vous expliquer ce qu’ils ont fait depuis.

La sénatrice Andreychuk : Vous n’avez eu aucun indice? Si j’étais à votre place, je voudrais dire : « N’avez-vous pas vu le problème venir? N’avez-vous pas fait des essais? Compte tenu de l’importance du gouvernement du Canada, n’y aurait-il pas un plan B? »

Semble-t-il qu’ils devaient réduire à néant le système antérieur pour lancer le nouveau système, ce qui me porte immédiatement à réfléchir, parce que partout où j’ai été ailleurs, auparavant, il y avait un système de sauvegarde pendant une période donnée, et c’est la raison pour laquelle il y avait des essais servant à voir si cela fonctionnait.

Pour en venir aux conclusions que vous avez présentées, il faut que nous sachions tout cela dans le sillage de votre prochain audit. Encore là, c’est beaucoup de temps qui doit s’écouler alors que le système ne fonctionne pas; s’il y avait eu des essais ou une analyse au début, on aurait peut-être simplement renoncé. C’est ce qui s’est produit avec le système que j’ai connu. Ils ont simplement dit : « Attendez. Nous ne sommes pas prêts. » Cela a été très coûteux, mais jamais dans la même mesure que dans ce cas-ci, parce qu’ils ont continué quand même.

Il me semble que cela devrait faire partie de… Si votre prochaine analyse commence au premier jour, vous devrez revenir sur ce que vous dites maintenant, car je ne suis pas sûre de ce que vous dites si je ne connais pas le contexte.

Est-ce un problème d’appel d’offres? Est-ce un problème de système? Est-ce la saisie? Vous devez commencer à la case départ.

M. Ferguson : Et c’est ce que nous faisons dans le cadre du deuxième audit. Il va englober toutes les choses dont vous avez parlé. Cela ne se limite pas à l’appel d’offres et ce genre de choses. C’est toute la gestion du projet. Il faut établir ce qu’ils ont fait pour veiller à ce que le système soit prêt à fonctionner et que les gens soient prêts aussi. Ce sont toutes les choses que nous explorons dans le cadre du deuxième audit.

Le présent audit n’en a pas traité parce que ces décisions avaient été prises et ne pouvaient être changées. Nous estimions qu’il fallait d’abord nous pencher sur ce qu’ils font maintenant pour régler les problèmes, et ensuite travailler à vous brosser le tableau complet, y compris les décisions prises au sujet des essais.

La sénatrice Andreychuk : Je comprends les problèmes à l’ARC. J’en ai fait l’expérience. Je dois dire que les choses étaient nettement mieux il y a des années, avec le ministère. Vous pouviez parler aux gens. Vous pouviez faire des demandes, et ainsi de suite. Ce n’était pas parfait, mais c’est certainement difficile maintenant, et je reçois beaucoup de plaintes en ce sens.

Nous avons maintenant ajouté à cela la réforme fiscale et avons donné à toutes les entreprises deux semaines pour comprendre les règles. J’ai des échos de la part d’avocats et de comptables. Ils essaient encore de comprendre ce que cela signifie pour toutes les petites et moyennes entreprises. Certaines entreprises pourraient être directement touchées alors que d’autres ne le seraient pas, mais une chose est certaine, tout le monde veut savoir.

Est-ce que le déluge de demandes découlant de cette spectaculaire réforme fiscale va exacerber le problème?

M. Ferguson : Je ne vais parler d’aucune réforme fiscale en particulier. Je crois qu’au cours de l’audit… Et nous avons un graphique au sujet du nombre d’appels sur une période de temps donnée, et d’autres choses de ce genre. Vous pouvez voir qu’au cours des années où d’importants changements ont été apportés aux dispositions fiscales, il y a un changement de volume.

Je ne peux pas parler d’un élément en particulier, mais nous avons constaté dans le passé que les changements apportés aux lois fiscales causent des changements dans le volume d’appels que les centres d’appel reçoivent.

La sénatrice Andreychuk : Allez-vous revenir sur des évaluations de cela?

M. Ferguson : En ce moment, nous n’avons aucun plan à cet égard. Cela fait partie de notre processus normal; nous menons un audit, et quelques années après, nous regardons les audits sur lesquels nous devrions revenir et faisons un suivi pour voir si la situation s’est améliorée.

Je crois que ce cas particulier est un candidat de choix. La possibilité de réussir à parler à quelqu’un dans un centre d’appel était, je crois, de 36 p. 100. Le risque d’obtenir une réponse erronée de la part d’un agent était de 30 p. 100. Je crois que c’est une situation que nous choisirions de revoir en priorité dans quelques années, pour voir s’ils ont réussi à régler la situation. Cependant, ce n’est pas dans les plans pour le moment.

La sénatrice Marshall : Ma question porte sur l’Agence du revenu du Canada.

Dans les résultats, selon les données de l’Agence du revenu du Canada, le taux de succès allait de 87 à 90 p. 100, comme vous l’indiquez dans votre rapport, mais quand vous avez fait les calculs, vous êtes arrivé à la conclusion que le taux de succès indiqué n’aurait pas dû être si élevé; il aurait dû être de 36 p. 100.

Le gouvernement actuel est vraiment axé sur les résultats, et les ministères affichent leurs résultats sur leurs sites web. Qui donc vérifie cette information?

Je trouve assez choquant que l’Agence du revenu du Canada affiche sur son site web un taux de succès de 87 p. 100, alors que vous arrivez ensuite et dites qu’il n’est que de 36 p. 100.

Qui vérifie cette information? Avez-vous une opinion à ce sujet? Toutes ces données sont rendues publiques. De toute évidence, personne ne les vérifie et l’information transmise aux gens n’est pas juste.

M. Ferguson : Je répondrai à votre question en disant que, malheureusement, nous voyons trop souvent cela dans les rapports : des ministères rendent une mesure publique, sans que cette mesure soit mise en contexte.

Ce que nous essayons de faire, c’est amener les ministères à comprendre que lorsqu’ils fournissent des services et mesurent leur rendement, ils doivent adopter le point de vue de la personne qui reçoit le service.

L’une des choses qu’ils mesuraient, à l’Agence du revenu du Canada, pour ensuite en faire rapport, c’était que si votre appel était pris et connecté au système, ils voulaient s’assurer que vous n’attendiez pas plus de deux minutes pour parler à un agent. C’est ce qu’ils mesuraient : le temps d’attente pour parler à un agent.

Dès que l’attente atteignait deux minutes, ou un peu plus de deux minutes, pour pouvoir continuer de dire que les gens n’attendaient pas plus de deux minutes, ils bloquaient les appels. Votre appel ne comptait donc même pas. Ils ont bloqué 29 millions d’appels, ce qui fait que votre appel bloqué n’était même pas inclus dans les statistiques. Ils ont ainsi pu dire que plus de 80 p. 100 des personnes pouvaient joindre un agent en moins de deux minutes, parce qu’ils ne mesuraient que les appels qui se connectaient au système et ne tenaient pas compte des appels qui étaient bloqués.

C’est trop souvent ce que les ministères font; leurs rapports ne couvrent qu’un élément. En fait, nous avons mené un autre audit, il y a environ un an, sur les oppositions en matière d’impôt sur le revenu et la façon dont l’ARC les traitait, et nous avons constaté quelque chose de semblable. Des personnes dont les oppositions en matière d’impôt sur le revenu étaient complexes attendaient 900 jours pour obtenir une réponse.

Nous avons donc vu cela plus d’une fois à l’Agence du revenu du Canada.

Pour revenir à votre question initiale, personne ne vérifie. C’est au ministère de s’occuper de l’assurance de la qualité, puis nous arrivons plus tard et menons des audits sur divers aspects. Nous regardons entre autres la mesure du rendement et les rapports sur le rendement. Malheureusement, nous constatons trop souvent de telles situations.

La sénatrice Marshall : Mais pour ces deux enjeux, Phénix et l’Agence du revenu du Canada, payer les employés est une fonction assez fondamentale, mais on ne le fait pas. Et avoir un système téléphonique décent est une fonction assez fondamentale aussi, pour un fournisseur de services, mais ce n’est pas le cas.

L’autre jour, j’ai lu un article relatant que le ministre du Revenu national avait dit que maintenant, certains contribuables seraient en mesure de faire leur déclaration de revenus par téléphone. Je me dis que le système téléphonique ne fonctionne pas en ce moment, et maintenant, ils vont ajouter au problème. En quoi est-ce utile? D’après votre expérience, comment cela va-t-il fonctionner, si les gens font leur déclaration de revenus par téléphone alors que le système ne fonctionne pas et que les gens ne peuvent joindre l’Agence du revenu du Canada?

M. Ferguson : Nous ne nous sommes pas penchés sur cette partie du système. Nous examinions les cas des gens qui essaient de se connecter au système et des gens qui essaient d’obtenir des réponses.

Ce qu’il faudrait que nous fassions, c’est voir si cela se trouve dans la même infrastructure téléphonique ou dans un système différent; ce genre de choses.

Dans ce cas, ils ont bloqué 29 millions d’appels et vous aviez 36 p. 100 de chance de les joindre, alors ce système ne fonctionnait manifestement pas comme il aurait dû le faire pour les gens qui essayaient d’appeler.

Je ne sais pas ce qu’ils vont faire avec l’autre système, mais pour celui-ci, ils ont du chemin à faire pour l’amener à fonctionner comme il le devrait pour les gens qui ont besoin de réponses à leurs questions. Les gens doivent appeler de nombreuses fois pour réussir à parler à un agent.

L’Agence du revenu du Canada comptait aussi parmi les appels ayant reçu une réponse ceux qui étaient acheminés au système automatisé. Si le système automatisé prenait votre appel, on estimait que vous aviez joint l’agence. Cependant, nous avons constaté qu’un fort pourcentage de ces appels ne franchissaient pas l’étape du menu. Les gens raccrochaient avant.

La sénatrice Marshall : Oui. J’ai moi-même utilisé le système. Vous ne pouvez pas joindre l’Agence du revenu du Canada.

M. Ferguson : Ils estimaient que l’appel avait atteint son but parce qu’il avait été pris en charge par le système automatisé. Ce que nous avons dit, c’est qu’un appel doit avoir duré au moins une minute avec le système automatisé pour qu’on envisage même de conclure qu’il a atteint le but, mais ils comptaient tous les appels qui étaient connectés au système.

Je vais demander à M. Dompierre s’il a quelque chose à ajouter.

Martin Dompierre, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Il y avait aussi les appels faits la nuit. Donc, même si le service était fermé, qu’on appelait, qu’on tombait sur le système automatisé et qu’on raccrochait après 20 secondes, l’agence considérait que l’appel avait été mené à bien. Même durant la fin de semaine, quand ce n’était pas la saison de pointe et qu’aucun service n’était offert, les appels étaient considérés comme ayant été menés à bien.

La sénatrice Marshall : Je pense que tous mes appels seraient tombés dans la catégorie des appels menés à bien.

M. Dompierre : Nous avons estimé qu’il faut une minute. Il faut environ une minute pour écouter le message automatisé et décider de poursuivre en appuyant sur la prochaine touche. Nous avons donc estimé qu’il faut plus d’une minute pour pouvoir raisonnablement dire qu’on a reçu un service, pour décider entre poursuivre ou raccrocher.

La sénatrice Marshall : Pour ce qui est de Phénix, vous avez parlé du montant de 295 millions de dollars que des fonctionnaires doivent au gouvernement alors que le gouvernement affirme devoir 228 millions de dollars à ses employés. À quel point ces chiffres sont-ils bons? Ce ne sont pas les vôtres; ils viennent d’Approvisionnement Canada, n’est-ce pas?

M. Goulet : Nous obtenons l’information auprès du Conseil du Trésor, qui s’est adressé à l’ensemble des 101 ministères. Nous avons répété l’exercice à trois reprises, et nous le faisons encore une fois. Nous faisons donc confiance aux chiffres fournis.

La sénatrice Marshall : Mais à quel point ces chiffres sont-ils fiables s’il y a toutes ces demandes d’intervention de paye qui sont toujours en attente, qui n’ont pas encore été traitées?

M. Goulet : Un ministère est au courant du problème pour ce qui est de ses propres employés. Il peut donc mener une enquête pour vérifier l’information. Il a également recours au système financier, pas seulement à Phénix ou au système de ressources humaines.

La sénatrice Marshall : Cette situation influencera-t-elle votre opinion sur les comptes publics?

M. Ferguson : Ce sont des estimations, mais, comme vous pouvez le voir, dès qu’on parle de paiements en trop ou de paiements insuffisants, et qu’on calcule la différence, on constate que ce n’est pas un montant élevé qui est à même d’influencer notre opinion sur les états financiers. Notre seuil d’importance relative est beaucoup plus élevé, et notre opinion n’a donc pas changé.

Une fois de plus, nous avons fourni en pièce jointe une partie de nos observations concernant notre opinion sur les états financiers. Nous avons mentionné le travail que nous avons dû faire. Au bout du compte, on parle encore d’un grand nombre de personnes touchées, même si les charges salariales dans les états financiers étaient plus ou moins correctes. Ces deux choses peuvent totalement s’annuler, comme vous le savez, mais les charges salariales peuvent être consultées dans les états financiers.

Le sénateur Black : Merci beaucoup du travail que vous avez accompli et merci d’attirer l’attention des gens sur ces questions.

Le comportement de l’ARC est au mieux arrogant et trompeur. Ce que vous nous avez présenté aujourd’hui est tout simplement trompeur, pas de votre part, mais de la part de l’ARC, et nous devrions exiger mieux.

Dans votre témoignage d’aujourd’hui, monsieur, au paragraphe 21, vous dites que l’ARC, dans ce cas-ci, et l’équipe de Phénix se sont engagées à prendre les mesures qui s’imposent. D’après vous, l’ARC s’est donc engagée à prendre les mesures qui s’imposent. Avez-vous confiance en cette affirmation?

M. Ferguson : Eh bien, pour la suite des choses, l’ARC a également préparé un plan d’action qu’elle doit avoir présenté au Comité des comptes publics. C’est en partie pourquoi je suis très heureux de rencontrer votre comité, par exemple, car je pense que la seule façon de s’assurer que les mesures qui s’imposent sont prises, c’est si des comités parlementaires appellent ces ministères pour leur demander de voir les progrès réalisés, de leur montrer qu’ils progressent et de leur présenter des preuves.

Ce ne sera pas fait parce que nous avons réalisé un audit. Ce ne sera pas fait parce qu’on nous le dit. Cela ne se fera que si des comités comme le vôtre surveillent adéquatement ces ministères pour s’assurer qu’ils savent que ces mesures doivent être mises en œuvre pour remédier à la situation.

Le sénateur Black : Merci de toutes ces précisions.

La sénatrice Eaton : Messieurs, les représentants de l’ARC ont comparu devant nous; je pense que c’était avant Noël. Ils ont en quelque sorte torpillé nos questions parce qu’une grande partie des faits que vous soulignez très bien — seul un tiers des appels se traduit par une réponse; les renseignements sont inexacts dans 30 p. 100 des cas… Ils ont juste lu leurs notes d’allocution, nous ont rassurés et ne se sont pas vraiment attaqués à la question. Nous sommes très fiers qu’ils aient reçu plus d’argent pour lutter contre les grandes entreprises ou les personnes qui font de la fraude fiscale, mais ils n’ont pas répondu quand nous leur avons demandé pourquoi ils nous donnaient de mauvaises réponses ou pourquoi ils ne répondaient pas aux appels. C’est vraiment consternant quand je lis votre rapport et l’information.

Comment pouvons-nous faire un suivi? Allez-vous faire un autre audit? Qui exercera des pressions auprès d’eux? Ils comparaissent devant notre comité, mais ils ne répondent pas aux questions. Il ne semble pas y avoir beaucoup de répercussions. Ils obtiennent évidemment plus d’argent pour s’en prendre à des sociétés comme Loblaws dans les Bahamas, mais cela ne remédie pas vraiment à la situation des petits entrepreneurs ou des médecins lorsqu’ils éliminent les nombreuses échappatoires.

Comment pouvons-nous les mettre sur la sellette? Faut-il faire un autre audit? Comment pouvons-nous leur demander de se prendre en main?

M. Ferguson : Je pense que l’audit est une très bonne façon de déterminer s’ils progressent ou non. Nous avons fourni beaucoup d’analyses. Ils ont reçu environ 53 ou 54 millions d’appels et ils en ont bloqué 29 millions. Ils devraient donc pouvoir vous dire combien d’appels ils bloquent actuellement par rapport au nombre d’appels qu’ils reçoivent. Quel est en moyenne le nombre de fois qu’une personne doit appeler au cours d’une semaine? Nous fournissons beaucoup de chiffres.

La sénatrice Eaton : Vont-ils garder ces chiffres ou tout simplement dire que la situation s’est améliorée, qu’ils ont engagé plus de personnes pour répondre aux appels. Comment pouvons-nous leur… Ou alors, avez-vous mis en place des systèmes pour les contraindre à calculer…

M. Ferguson : Nous avons réalisé tout le travail lié à la façon de faire ces calculs. Ils ont toutes les données, et il devrait donc leur être très facile de tout simplement refaire ce genre d’analyses…

La sénatrice Eaton : Et de faire un suivi.

M. Ferguson : … régulièrement et de faire un suivi, en se servant exactement du même genre d’analyse que nous avons réalisé. Ils devraient être en mesure de s’en servir pour montrer aux gens qu’ils progressent.

C’est ce que je ferais à leur place. Je me servirais de tous ces chiffres…

La sénatrice Eaton : Je suis d’accord avec vous, mais je ris parce que je ne suis pas certaine qu’ils se donneront la peine de le faire juste parce que vous avez mis le système en place.

M. Ferguson : C’est ce qu’ils devraient faire selon moi, si je puis dire.

La sénatrice Eaton : Merci. Vous avez répondu avec tact.

M. Ferguson : Je répète que nous leur avons donné des moyens…

La sénatrice Eaton : Les outils.

M. Ferguson : En effet, nous leur avons donné ce qu’il faut pour informer les gens des progrès réalisés. C’est ce qu’ils devraient faire selon moi.

Le sénateur Neufeld : Merci, messieurs. La plupart des questions ont déjà été posées. Ce qui me dérange encore, c’est que, en regardant vos tests visant à déterminer l’exactitude des renseignements — ils étaient inexacts dans une proportion de 30 p. 100, mais ils disent aux publics que le chiffre se situe entre 6 et 20 p. 100 —, je constate que l’ARC n’a répondu qu’à 36 p. 100 des appels reçus à ses centres entre mars 2016 et 2017. L’agence a pourtant rapporté publiquement qu’elle a répondu à 90 p. 100 des appels.

À vrai dire, il est un peu dégoûtant d’avoir une agence du revenu qui donne des renseignements inexacts aux gens dans 30 p. 100 des cas. Je trouve incroyable que des gens pauvres apprennent que leurs impôts sont mal calculés. Ils font ensuite l’objet d’un audit et sont considérés comme de mauvaises personnes, mais rien n’est fait pour changer la situation.

Ils peuvent dire qu’ils répondent à 90 p. 100 des appels. À ma connaissance, il n’y a pas de conséquences. Du moins, je n’ai pas vu dans les journaux à quel endroit quelqu’un a perdu son emploi. Ce que j’ai lu, c’est qu’ils reçoivent de généreuses primes. C’est ce que je vois.

Je fais partie du public. Mon Dieu, c’est incroyable. Ce ne sont peut-être pas les mêmes personnes. Ils ont peut-être renvoyé des gens, et ce sont peut-être de nouveaux employés. J’ai l’impression que ce sont tous les mêmes et que l’ARC continuera de faire une chose aussi répréhensible — mentir à la population, mentir au gouvernement, mentir aux responsables du gouvernement sur les résultats obtenus et ainsi de suite. Ils prennent ensuite leurs primes de 35 000 $ et ils s’en vont en riant. Je souscris en partie à ce qui a été dit.

Comment pouvons-nous mettre fin à cela? Je vous sais gré de dire qu’on devrait continuer de s’adresser au comité. Cela me va, mais le comité ne peut pas leur demander de renvoyer certaines personnes. C’est habituellement ce qui remet les gens sur le droit chemin, ce qui leur fait faire leur travail. Mais personne n’a perdu son emploi.

La population doit voir la même chose et se demander ce que cela signifie. Tout ce qu’il faut faire, c’est aller travailler pour l’ARC. On peut mentir et faire parler les chiffres pour donner une impression de vérité. On obtient ensuite une grosse prime, et personne ne s’en préoccupe.

Devons-nous être saisis de la question et toujours procéder ainsi, comme vous l’avez dit au sujet des comités? Je vous sais gré de dire que les comités doivent s’en occuper, comment peuvent-ils procéder? Leurs maîtres politiques doivent faire quelque chose. Ils devraient peut-être subir des pressions, peu importe de qui il s’agit.

Le président : Quelqu’un a-t-il des commentaires?

Le sénateur Neufeld : Je ne dis pas que c’est une chose nouvelle attribuable aux personnes actuellement en poste. De toute évidence, ce genre de choses se produit probablement depuis longtemps, car elles semblent ancrées dans le système.

M. Ferguson : Si je peux me permettre, je vais juste faire quelques observations.

L’une des choses qui me préoccupent, dans l’ensemble du système, c’est que ce genre de problème de déclaration publique ne se limite pas à celui cerné dans cet audit, comme je l’ai dit plus tôt. Nous avons vu d’autres ministères en faire autant. Ce qui me préoccupe, c’est que les ministères n’apprennent pas des autres audits en se disant que lorsque les auditeurs se présentent, ils examinent les indicateurs de rendement du point de vue du client qui est servi, et qu’il vaut mieux faire attention aux renseignements diffusés. Ils ne semblent pas encore avoir appris cette leçon. Espérons que, à mesure que les ministères commencent à entendre certains de ces commentaires, ils commenceront à apprendre qu’ils doivent mesurer leur rendement du point de vue de la personne qui reçoit le service.

Je voulais également dire, à propos du taux d’erreur de 30 p. 100, que nous n’avons pas pu leur poser de questions très complexes, car il aurait fallu leur donner un numéro d’assurance sociale. Ils auraient aussitôt su que c’était un test.

Nous leur avons donc posé des questions d’ordre général. Nous en avons une à la pièce 2.6, juste au-dessus du paragraphe 2.49 :

J’ai lu quelque part que je dois conserver mes reçus et mes autres documents liés à mon bien de location… Pendant combien de temps dois-je conserver les documents d’achat?

La bonne réponse devrait être « Indéfiniment », ou ils auraient dû transmettre l’appel à un agent d’un échelon supérieur. Dans 66 p. 100 des cas, nous avons reçu une réponse inexacte.

Ils ont non seulement beaucoup de travail à faire pour répondre convenablement aux appels, mais ils en ont aussi beaucoup à faire pour assurer une surveillance et s’assurer d’avoir les bonnes réponses. La plupart des agents — bon nombre d’entre eux — étaient au courant, car l’ARC avait en place un programme d’assurance de la qualité des réponses des agents. Dans bien des cas, ils savaient qu’ils étaient surveillés. Ils reconnaissaient la voix de la personne qui posait les questions, ou le téléphone indiquait que l’appel venait d’un numéro servant à faire des tests; ils connaissaient le numéro. Ils savaient donc que leur réponse était contrôlée.

Quand l’appel est contrôlé, ils sont beaucoup plus susceptibles d’aller chercher la réponse dans leur ordinateur, d’en donner une. Le taux d’exactitude augmente donc tout simplement parce qu’ils savent qu’ils passent un test. C’est la raison pour laquelle l’ARC a répondu que le taux d’erreur était de 5, 6 ou 7 p. 100 alors que, dans les faits, quand on faisait un test et qu’ils ne savaient pas d’où provenait l’appel et qu’ils pensaient que c’était un contribuable, le taux d’erreur était de 30 p. 100. Et nous ne sommes pas les seuls à avoir mesuré un taux d’erreur de 30 p. 100. D’autres personnes qui ont fait un test similaire sont arrivées au même résultat.

Le sénateur Neufeld : Eh bien, c’est très décourageant de savoir que notre système ne fonctionne pas. Il ne fonctionne pas. C’est ainsi. Merci.

Le sénateur Pratte : Avec tout le respect que je lui dois, je suis en désaccord avec la sénatrice Eaton. En fait, les gens de l’ARC n’avaient qu’une réponse à toutes vos questions. Ils ont répondu, mais c’était toujours la même réponse, à savoir que chacun de ces problèmes allait être résolu dès le moment où ils auraient le nouveau système téléphonique magique qu’ils venaient tout juste d’acheter ou qu’ils allaient acheter.

Je vous demande si c’est l’unique problème et si l’installation du nouveau système téléphonique — je crois que c’est au printemps ou à un autre moment — va le régler. Est-ce uniquement un problème de technologie ou est-ce attribuable à un problème plus fondamental?

M. Ferguson : Eh bien, de toute évidence, nous avons cerné un certain nombre de problèmes, notamment pour ce qui est de la formation et de la surveillance des agents dans le but de s’assurer qu’ils répondent de la bonne façon. Une fois de plus, tous les agents étaient très courtois. Il n’y avait pas de problème à cet égard. L’agence doit toutefois veiller à ce que les agents reçoivent la formation dont ils ont besoin.

À la base, pour répondre à votre question, en tant qu’auditeurs, nous attendons toujours d’être sur place et de voir ce qui est fait avant de nous prononcer. C’est bien beau de dire que le nouveau système va régler le problème. Je suppose que nous avons vu d’autres systèmes qui ont échoué à cet égard. Espérons qu’ils seront en mesure, dès le début, de bien vous renseigner sur la façon dont le système a amélioré leur rendement du point de vue de la personne qui appelle.

Le sénateur Pratte : Merci.

La sénatrice Marshall : Dans tous vos rapports, je remarque que l’Agence du revenu du Canada a répondu à vos recommandations, tout comme le ministère pour ce qui est du système Phénix. Cependant, quand j’ai lu les réponses, il m’est parfois arrivé de lever les yeux au ciel parce qu’on dit des choses comme ce qui a été dit au sujet du système téléphonique. Vous dites qu’on doit améliorer l’accès, mentionner aux gens combien de temps ils devront attendre. L’agence est d’accord et dit ensuite que la technologie vieillissante de son centre d’appels ne lui permet pas d’acheminer automatiquement les appels. Toutefois, à la lecture du rapport, on se dit que c’est la responsabilité de l’agence de moderniser le système. Elle est aux prises avec ce problème à défaut de l’avoir modernisé, mais elle donne l’impression que ce n’est pas vraiment sa responsabilité.

Quand vous recevez les réponses à vos recommandations, levez-vous parfois les yeux au ciel, comme moi?

M. Ferguson : Je peux vous dire que, lorsque nous recevons les réponses, nous les examinons et il arrive souvent que nous communiquions de nouveau avec le ministère pour en discuter. Lorsque nous estimons qu’une réponse n’est peut-être pas assez détaillée ou claire, il arrive que le ministère la modifie en fonction de ce que nous suggérons, mais il arrive aussi que non.

La sénatrice Marshall : Et vous inscrivez ensuite la réponse.

M. Ferguson : Nous inscrivons la réponse si c’est ce que souhaite le ministère.

La sénatrice Marshall : Vous allez vous pencher sur la mise en œuvre du système Phénix. Allez-vous auditer le contrat conclu avec IBM?

M. Ferguson : Non, pas le respect, précisément, du contrat. Ça ne concerne pas l’audit.

La sénatrice Marshall : Examinerez-vous les montants qu’il reçoit? IBM est de retour. Il fournit des services supplémentaires. C’est son système. Il vient aussi aider à réparer ce système qui, au départ, n’était pas le bon. Examinerez-vous cet aspect?

M. Ferguson : Je tiens encore à préciser que le système était PeopleSoft, un produit d’Oracle. IBM a été le consultant qui l’a mis en œuvre, qui l’a monté et qui l’a fait démarrer, mais, encore une fois, conformément aux demandes du ministère.

La sénatrice Eaton : Est-ce cependant ce que vous auditez? Ce qu’on lui a demandé de faire, pour voir si ce travail a été bien accompli, que rien n’a été oublié?

M. Goulet : Nous examinons ce qu’il était censé livrer dans les limites du contrat. Cependant, je reviens à ce que la sous-ministre a déclaré au Comité des comptes publics. Qu’IBM n’était qu’un fournisseur de services, mais que la gestion du projet Phénix était entièrement contrôlée par les fonctionnaires.

La sénatrice Eaton : Voilà le problème.

La sénatrice Marshall : D’où vient l’argent pour rémunérer ces employés supplémentaires et payer les honoraires supplémentaires des consultants, tous les coûts supplémentaires? Ces montants sont-ils budgétés?

M. Ferguson : Nous avons découvert que les ministères, y compris celui des Services publics, avaient marqué 540 millions de dollars, dont une partie provenait du financement supplémentaire du centre. Une partie, encore, provenait des budgets des ministères.

À l’origine, on prévoyait des économies de 70 millions de dollars par année, grâce au système. Le Conseil du Trésor a donc décidé de ne pas retirer cet argent des budgets des ministères et de le leur laisser. L’argent avait diverses origines, mais c’est quand même 540 millions de dollars qui n’étaient pas censés servir à la rémunération d’employés affectés au traitement des salaires.

[Français]

Le sénateur Forest : Ai-je bien compris que vous allez, dans le cadre du deuxième audit, faire une évaluation du processus d’appels d’offres, c’est-à-dire le cahier des charges et les obligations contractuelles, et voir si les fournisseurs et les compagnies ont répondu aux conditions de l’appel d’offres et s’ils ont assumé pleinement leurs responsabilités?

M. Goulet : On regarde la relation contractuelle entre le ministère et IBM, mais on n’entre pas dans le détail de chaque bien livrable, parce qu’on parle littéralement de milliers de biens livrables.

M. Ferguson : Ce n’est pas un aspect de l’audit d’examiner tout le processus d’appel d’offres.

M. Goulet : Non. Pas le processus d’appel d’offres.

Le sénateur Forest : Les conditions contractuelles qui étaient définies dans le cahier des charges et les obligations.

M. Goulet : Dans le cadre de l’audit, on regarde cela. Cela ne veut pas dire que ce sera rapporté dans le rapport. Comme la sous-ministre l’a mentionné, si l’intégrateur de systèmes était simplement un fournisseur de services, la gestion du projet revient aux fonctionnaires. C’est leur processus de prise de décisions qui devient intéressant pour les besoins de la vérification et non pas la relation contractuelle avec IBM. En fin de compte, le ministère a décidé d’assumer entièrement le risque du projet, si c’est le cas.

Le sénateur Forest : Selon votre expérience, quand on regarde l’appareil fédéral qui compte 300 000 employés... Je suis convaincu qu’une très grande majorité de ceux-ci souhaite offrir un service public de qualité. L’un des éléments qui m’apparaissent fondamentaux, c’est qu’au niveau de la culture organisationnelle, il ne semble pas y avoir de responsabilisation en ce qui concerne le résultat final. En fin de compte, un nouveau ministre a été nommé en raison de problèmes majeurs. Quand on fait des recommandations, c’est comme si on avait de la difficulté à déterminer clairement qui assume la responsabilité de livrer ce résultat.

M. Ferguson : Tous les ministères considèrent le programme du point de vue des citoyens. Bien sûr, nous avons cerné les mêmes types de problèmes dans plusieurs ministères dans le cadre de divers programmes. Notre message à tous les ministères est que, pour chacun de ces programmes, il est important de livrer ces programmes et de les examiner du point de vue des citoyens et des citoyennes afin de comprendre comment ils interagissent avec eux. Ce qui est important, c’est qu’il faut comprendre ces citoyens et tenir compte de leurs expériences.

Le sénateur Forest : Merci beaucoup pour l’ensemble de l’information que vous nous avez transmise. C’est fortement apprécié.

[Traduction]

Le président : Avant de lever la séance, j’ai des questions sur l’Agence du revenu du Canada et Phénix.

Je viens d’une petite ville du Nouveau-Brunswick appelée Saint-Léonard. Quand on n’est pas payé, ses moyens d’existence et sa qualité de vie s’en ressentent. Quantité de gens m’ont dit, pendant des tables rondes, que leur marge de crédit était épuisée, qu’ils étaient retournés, mais en vain, à la banque pour essayer de l’augmenter ou de s’en procurer une autre seulement pour la nourriture ou l’hypothèque. D’autres ont vidé leurs comptes bancaires. D’autres encore ont vu leur père et leur mère débourser de leur poche pour aider leurs frères et sœurs. Des grands-parents m’ont demandé : « Que faites-vous? »

Le sénateur Neufeld a effleuré le sujet. Je tiens à confier au vérificateur général que le secteur privé m’a dit que si ça se passait chez lui, on l’aurait traîné devant les tribunaux et il serait peut-être descendu en flammes dans tout le pays.

Nous le voyons bien.

[Français]

Monsieur Ferguson, il y a 46 ministères qui sont touchés par le centre de paie de Miramichi. Il y a 55 ministères qui utilisent Phénix.

[Traduction]

— chez eux même.

Tout cela a démarré en février 2016. On nous a promis une solution pour octobre 2016, puis juin 2017, puis que tout serait réglé, terminé et résolu en novembre 2017. En ce début février 2018, où en sommes-nous? Nous avons plus de problèmes que de solutions. Beaucoup de pression s’exerce sur nos gens, sur les fonctionnaires fédéraux. Ça représente près de la moitié des effectifs. Pas besoin d’être un génie.

[Français]

Chez nous, 150 000 fonctionnaires fédéraux sur 295 000, c’est environ la moitié des employés.

[Traduction]

C’est environ la moitié de nos employés, des professionnels qui travaillent fort. Il est certain que nous avons des questions dans certains domaines.

Les 55 ministères qui utilisent Phénix et qui commencent à comprendre un peu ce qui se passe ne pourraient-ils pas faire connaître leurs pratiques exemplaires pour que les employés des 46 autres ministères contribuent à leur tour à la solution du problème?

M. Ferguson : Même les 55 ministères ont de la difficulté à assurer la rémunération complète et ponctuelle de leurs employés. Nous en faisons nous-mêmes partie. Certains de nos fonctionnaires sont payés en trop, d’autres ne le sont pas assez. Nous essayons encore de résoudre certains de ces problèmes nous-mêmes, dans notre propre ministère. Bien sûr, nos problèmes sont moins nombreux que dans beaucoup d’autres ministères, mais ils perdurent.

J’ignore si on distingue vraiment les efforts efficaces des ministères et si ces recettes efficaces circulent d’un ministère à l’autre. Encore une fois, je pense que le ministère pourrait vous expliquer ce qu’il fait pour rassembler ce genre de renseignements et les communiquer aux 46 ministères dont Miramichi traite les données ou aux 55 ministères ou d’un groupe à l’autre. D’après moi, il devrait déterminer si quelqu’un a trouvé solution à certains de ces problèmes. Le cas échéant, veille-t-il à informer tous les ministères?

Le président : Compte tenu de votre expérience et de votre aperçu des problèmes qui nous assaillent maintenant, pouvez-vous estimer, à vue de nez, quand ce sera résolu ou nous dire si ça le sera un jour?

M. Ferguson : Encore une fois, si on revient à l’exemple du Queensland, il a fallu beaucoup de temps pour résoudre la plupart de ses problèmes. À propos, le coupable n’y était pas le logiciel PeopleSoft, mais un logiciel différent, qui produisait quand même des problèmes semblables.

Comme je l’ai dit, je pense que le ministère, Services publics, essaie d’abord de rémunérer les fonctionnaires exactement et ponctuellement et de faire traiter les demandes de paye dans un délai raisonnable. Mais pour y parvenir, il ne pourra pas réaliser les économies que le système était censé entraîner. En fait, ses dépenses dans le traitement de la paye excéderont peut-être celles qu’occasionnait l’ancien système.

Il ne faudra pas perdre de vue deux facettes du problème. Il faudra d’abord payer les fonctionnaires ponctuellement et exactement, pour qu’on n’entende plus parler de Phénix, mais ça ne voudra pas dire que le système rendra ce qu’il était d’abord censé livrer.

Le président : D’où ma question : quelle leçon avez-vous tirée de vos rencontres avec les fonctionnaires australiens, que vous recommanderiez aux fournisseurs d’ici?

M. Goulet : Nous avons communiqué ce message au ministère.

Je suis allé en Australie avec l’un de mes directeurs. Les Australiens ont réagi très rapidement et très loin en amont. En moins de quatre mois, avons-nous écrit, ils disposaient d’un plan détaillé. En moins de deux mois, ils avaient complètement saisi les problèmes.

Ils ont appliqué beaucoup de mesures particulières. Par exemple, même si ça n’a pas été immédiat, leur ministère de la Santé a renoncé à tous les excédents de paiement de 200 $ ou moins. Il a ainsi pu réduire considérablement le nombre de demandes d’interventions de paye à traiter et remonter d’autant le moral des employés en détresse, qui en avaient bien besoin.

Le gouvernement s’est officiellement engagé auprès des syndicats à épargner aux fonctionnaires les conséquences financières pénibles, peu importe quand elles surviendraient, tout de suite, après la période de production des déclarations de revenus ou n’importe quand.

Les messages du gouvernement du Queensland à ses fonctionnaires ont été très clairs, un peu plus que ceux du gouvernement canadien.

Le président : Nous vous serons reconnaissants des renseignements que vous nous communiquerez en plus de la réponse à notre question.

Finalement, deux petites questions : croyez-vous que le gouvernement canadien aurait pu éviter certains des problèmes causés par Phénix s’il avait consulté les fonctionnaires australiens?

M. Ferguson : Pour mieux y réfléchir, nous devrons examiner l’ensemble du projet, du début à la mise en œuvre, puis depuis la mise en œuvre. Un facteur décisif, après l’apparition du problème a été que, encore, Services publics et Approvisionnement Canada en a mal jugé l’importance. Au début, il a promis de tout régler avant octobre 2016. Si le ministère l’avait bien jugée plus tôt et s’il avait alors contacté les fonctionnaires du Queensland, peut-être aurait-il commencé plus tôt à préparer un plan plus exhaustif.

Ça ne veut pas dire qu’il aurait résolu le problème en moins de six mois ou d’une année, parce que les problèmes allaient tellement s’accumuler que leur résolution aurait pris beaucoup de temps. Mais, essentiellement, son retard s’est accentué parce qu’il n’en a pas reconnu assez tôt l’importance réelle.

Le président : Donc nous savons que près de la moitié des fonctionnaires fédéraux subissent des conséquences financières et souffrent.

Le comité directeur et tous les sénateurs examineront certainement le problème de Phénix et de l’Agence du revenu du Canada. D’après votre expérience, si nous continuons, pendant un délai raisonnable, d’essayer de nous renseigner sur les causes du problème et de nous demander si on résoudra un jour les problèmes de rémunération de nos employés, qui devrions-nous convoquer pour trouver des réponses?

M. Ferguson : Je pense que les deux ministères nommés dans l’audit étaient Services publics et Approvisionnement Canada, qui était chargé de la mise en œuvre, et le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui participait à la gouvernance. Vous pourriez aussi convoquer l’un des grands ministères ou l’un de ceux qui sont le plus touchés par le problème. Lequel? Je n’en suis pas certain. Nous devrons y réfléchir, mais vous pourriez connaître son opinion sur son expérience et sur les mesures appliquées pour rémunérer exactement ses employés. Quel qu’il soit, il n’était pas responsable du projet ni de la mise en œuvre, mais il pourrait vous éclairer sur les tribulations des ministères qui essaient de résoudre ce genre de problèmes pour leurs employés.

Ce serait mon conseil.

Le président : Merci, monsieur Ferguson.

Avant de terminer, chers collègues, est-ce que la présidence obtient le consensus pour notre recommandation au comité directeur, c’est-à-dire consacrer à la question un nombre raisonnable de séances où nous pourrions convoquer plus de témoins sur Phénix et l’Agence du revenu du Canada?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Je suis d’accord, car c’est une question fort importante. Je crois qu’il serait pertinent d’avoir un complément d’information à la suite du deuxième audit. Ainsi, on aurait un portrait plus global. On pourrait ensuite convoquer les personnes aptes à apporter des solutions et à les mettre en œuvre. Il serait intéressant d’attendre le deuxième audit.

Le président : C’est seulement au mois de mai. On pourrait probablement envisager un avenir rapproché.

[Traduction]

Quand nous aurons le rapport du deuxième audit, nous pourrons réinviter le vérificateur général.

[Français]

Le sénateur Forest : On pourrait alors s’aligner sur le rapport du vérificateur et voir les mesures prises en fonction des recommandations.

Le président : Exactement. Il y aura deux volets.

[Traduction]

On procédera sur deux volets.

Monsieur Ferguson, on m’accusera de faire des commentaires personnels, mais j’ai lu que vous n’étiez pas bilingue. Je dois vous confier quelque chose.

[Français]

C’était beau de vous voir, car, à mon avis, vous êtes parfaitement bilingue. Vous avez fait un beau travail.

[Traduction]

Je vous remercie, vous et votre équipe. Nous aurons sûrement l’occasion de vous convoquer quand nous déblaierons les deux sujets que vous avez cernés ce soir.

(La séance est levée.)

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