Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 63 - Témoignages du 17 avril 2018
OTTAWA, le mardi 17 avril 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur les traitements et apportant une modification corrélative à la Loi sur la gestion des finances publiques, se réunit aujourd’hui, à 9 h 31, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je veux souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne.
J’aimerais maintenant demander à mes collègues sénateurs de se présenter.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, Colombie-Britannique.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Harder : Peter Harder, Ontario.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Ontario.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.
Le président : Nous amorçons ce matin l’étude du projet de loi C-24 qui nous a été renvoyé par le Sénat le mercredi 21 mars 2018.
Le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur les traitements et apportant une modification corrélative à la Loi sur la gestion des finances publiques, a été présenté à la Chambre des communes le 27 septembre 2016 par la leader du gouvernement à la Chambre, l’honorable Bardish Chagger.
Madame la ministre, merci d’avoir accepté notre invitation à venir nous faire part de vos points de vue et commentaires concernant ce projet de loi. Je vous souhaite la bienvenue à notre séance de ce matin.
La ministre est accompagnée de deux représentants du Bureau du Conseil privé. Il s’agit de M. Allen Sutherland, secrétaire adjoint, Appareil gouvernemental, et de Mme Martha Boyle, agente du Conseil privé, Appareil gouvernemental.
Merci encore une fois, madame la ministre, d’avoir accepté notre invitation. Notre greffière m’a indiqué que vous aviez un exposé à nous présenter, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser.
[Français]
Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je vous demanderais de faire votre présentation, qui sera suivie d’une période de questions. Madame la ministre, la parole est à vous.
L’honorable Bardish Chagger, C.P., députée, leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme : Bonjour à tous. Je suis heureuse de comparaître devant votre comité pour parler du projet de loi C-24. Avant de décrire les façons dont le projet de loi modifierait la Loi sur les traitements, j’aimerais d’abord présenter son contexte.
[Traduction]
Je suis ravie d’être ici aujourd’hui. J’apprécie vivement toutes les occasions que j’ai de rencontrer des sénateurs, et je tiens à vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez.
Comme nous avons ici des sénateurs représentant les différentes régions du pays, je veux prendre un moment pour revenir à l’événement tragique survenu en Saskatchewan afin que tous sachent, bien que nos pensées accompagnent les membres de l’équipe touchée et leurs proches. Comme vous avez eu vous-même un impact dans la vie de bon nombre d’entre nous, sachez que nos pensées et nos prières accompagnent les familles éprouvées. Je parle non seulement de celles des 16 jeunes qui nous ont quittés trop rapidement, mais aussi de celles des autres qui doivent se remettre de la tragédie. Nous allons continuer de travailler ensemble pour nous bâtir un avenir meilleur.
C’est d’ailleurs un peu ce que vise ce projet de loi. Les modifications proposées ont pour but de faire entrer la Chambre des communes dans le XXIe siècle. L’établissement du Conseil des ministres est l’une des premières responsabilités dont un nouveau premier ministre doit s’acquitter. Dans les pays dont le système de gouvernement se fonde sur le modèle de Westminster, comme le Canada, la nomination des ministres est une prérogative de la Couronne. Le gouverneur général, sur l’avis du premier ministre, peut nommer n’importe quel nombre de ministres à n’importe quel poste, y compris à des postes dont la loi ne fait pas mention.
Cependant, bien que le gouverneur général puisse nommer un nombre illimité de ministres, ceux-ci peuvent être rémunérés seulement aux termes de la loi. Il s’agit là aussi d’une caractéristique commune des pays dont le système se fonde sur le modèle de Westminster. Le traitement des ministres doit être autorisé par la loi.
Ce qui nous amène à la Loi sur les traitements. Cette loi autorise le paiement à même le Trésor d’un traitement ministériel aux personnes qui ont été nommées aux postes de ministre énumérés dans la loi.
Le Parlement modifie de temps à autre cette liste de postes de ministre en fonction des priorités du gouvernement. La dernière modification de la Loi sur les traitements remonte à 2013. À l’heure actuelle, la Loi sur les traitements prévoit 35 postes de ministre expressément désignés, ce qui inclut le poste de premier ministre.
Lorsque le premier ministre actuel a désigné les membres du Conseil des ministres, cinq postes de ministre qu’il souhaitait voir faire partie du conseil ne figuraient pas dans la Loi sur les traitements.
Il s’agit des postes de ministre de la Francophonie, de ministre des Sciences, de ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, de ministre des Sports et des Personnes handicapées, et de ministre de la Condition féminine.
Le premier ministre voulait confier à ces ministres les dossiers stratégiques et administratifs jugés prioritaires par le gouvernement et les Canadiens dans les sphères de compétence désignées par leurs titres respectifs.
Étant donné que la Loi sur les traitements ne permettait pas au gouvernement de donner suite à ces priorités au moment où il est entré en fonction, les cinq ministres en question ont été nommés en vertu de la Loi sur les départements et ministres d’État. Cette loi permettait aux cinq ministres d’entamer leur travail sans tarder et d’obtenir en application de lois de crédits une rémunération égale à cette versée à leurs collègues en vertu de la Loi sur les traitements, et ce, en attendant que la Loi sur les traitements soit modifiée.
Toutefois, ces ministres ne sont pas des ministres de second plan comme c’est normalement le cas des ministres d’État. Comme tous leurs collègues du Conseil des ministres, ils pilotent les dossiers prioritaires que le premier ministre leur confie dans leurs lettres de mandat publiques. Ils exercent des pouvoirs conférés par la loi et des fonctions qui leur sont confiées directement par voie de décrets. Ils sont en outre responsables de la mise en application de lois et de la mise en œuvre de programmes, et doivent directement rendre des comptes au premier ministre et au Parlement à l’égard des résultats obtenus. Ils sont considérés sur le même pied que les autres membres du Conseil des ministres.
Ces ministres ont été nommés en application de ce qu’autorisait le cadre juridique en place en novembre 2015. Cependant, le titre de ministre d’État ne reflète pas le statut que l’on voulait leur accorder, et le premier ministre s’est engagé à présenter un projet de loi qui corrigerait cette situation.
Le projet de loi C-24 donne donc suite à cet engagement.
Parlons maintenant des modifications que le projet de loi C-24 apporterait à la Loi sur les traitements. Il est proposé de modifier de trois façons la liste des postes de ministre dont le traitement peut être versé à même le Trésor.
On ajouterait d’abord huit postes de ministre à ceux déjà désignés dans la Loi sur les traitements. J’ai nommé cinq de ces postes tout à l’heure. Ils sont déjà occupés par des ministres et remplaceront les postes actuels de ministre d’État. Les trois postes supplémentaires ne sont pas occupés dans le Conseil des ministres actuel et ne portent pas encore de titre. Ces trois postes pourront donc être pourvus à la discrétion du premier ministre actuel et des futurs premiers ministres en fonction des priorités du gouvernement.
La deuxième modification que le projet de loi C-24 apporterait à la liste des postes de ministres figurant dans la Loi sur les traitements serait la suppression des six postes liés au développement régional. Je précise à ce sujet qu’il n’est pas question de supprimer les agences de développement régional; ce sont simplement les postes de ministre qui disparaissent.
Je me permets de le répéter : le projet de loi C-24 ne modifie en rien le statut des agences de développement régional elles-mêmes. Il ne les regroupe pas en un seul et même organisme. Elles continuent plutôt d’exister à titre d’organismes distincts situés dans les régions qu’elles desservent.
Ce projet de loi n’élimine pas non plus l’exigence de surveillance ministérielle. Au sein du présent gouvernement, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique va demeurer le ministre responsable de toutes les agences de développement régional.
La dernière modification que le projet de loi C-24 apporterait à la liste des postes de ministre figurant dans la Loi sur les traitements serait le remplacement du titre de « ministre de l’Infrastructure, des Collectivités et des Affaires intergouvernementales » par celui de « ministre de l’Infrastructure et des Collectivités ». Ce nouveau titre reflète exactement les responsabilités du titulaire de ce poste et le fait que le premier ministre assume les responsabilités relatives aux affaires intergouvernementales. Le titre de ce poste de ministre serait aussi modifié dans la Loi sur la gestion des finances publiques à titre de modification corrélative.
Pour récapituler, le projet de loi C-24 apporterait les trois changements suivants à la liste figurant dans la Loi sur les traitements. Il ajouterait huit postes de ministre, donc cinq sont actuellement occupés et trois ne porteraient aucun titre.
Il supprimerait les six postes liés au développement régional sans modifier le statut des organismes de développement régional. Il supprimerait également la mention « Affaires intergouvernementales » du titre du ministre de l’Infrastructure et des Collectivités.
J’aimerais maintenant parler du cadre que le projet de loi C-24 ajouterait à la Loi sur les traitements pour appuyer les huit nouveaux ministres, étant donné que ce projet de loi ne crée aucun ministère et n’exige la création d’aucun ministère.
Le projet de loi procure plutôt au gouverneur en conseil la souplesse dont il a besoin pour confier à n’importe quel ministère la responsabilité d’appuyer les nouveaux ministres dans l’exercice de certaines ou de toutes leurs responsabilités. Grâce à cette souplesse, les ministres pourront bénéficier de l’expertise et de l’expérience du ministère ou des ministères les mieux placés pour leur offrir un soutien complet et pertinent. Le projet de loi C-24 accordera également aux ministres concernés les pouvoirs dont ils ont besoin en matière de finances et d’approvisionnement pour s’acquitter de leurs responsabilités et rendre compte des résultats qu’ils obtiennent.
Le partage des ressources ministérielles entre plusieurs ministres n’a rien de nouveau. Ainsi, les ministres des Affaires étrangères, du Commerce international et du Développement international et de la Francophonie utilisent tous les ressources et les installations d’un seul et même ministère : Affaires mondiales Canada. De plus, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social et le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail utilisent tous deux les ressources et les installations du ministère de l’Emploi et du Développement social pour s’acquitter de leurs responsabilités. Il s’agit, d’une façon de faire, éprouvée, efficiente et collaborative.
Enfin, j’aimerais aborder la question des coûts liés au projet de loi C-24. Les changements proposés à la Loi sur les traitements ne feront pas augmenter les coûts actuels du Conseil des ministres. Les ministres actuellement nommés à titre de ministres d’État reçoivent un salaire identique à celui de leurs collègues du Conseil des ministres et disposent d’un budget établi en fonction des responsabilités qui leur incombent. Le projet de loi C-24 ne changera rien à cela.
Les ministres reçoivent actuellement une rémunération additionnelle de 82 600 $ par année pour leurs fonctions de ministre. Le projet de loi C-24 ne modifie pas cette rémunération non plus.
Ce qui changera, c’est le nombre de postes de ministre qui pourraient être rémunérés en vertu de la Loi sur les traitements. Ce nombre passerait de 35 à 37, en incluant le poste de premier ministre. Si l’on procède à des nominations à ces deux nouveaux postes de ministre à une date ultérieure, le coût total supplémentaire, selon les traitements prévus à l’heure actuelle, sera de 165 200 $ par année.
Le Conseil des ministres est maintenant composé du premier ministre et de 29 ministres. Sa taille est demeurée inchangée depuis l’assermentation des ministres le 4 novembre 2015. Le projet de loi C-24 hausserait également de deux le nombre de secrétaires parlementaires pouvant être nommés. Ce nombre passerait donc de 35 à 37.
Il y a actuellement 35 secrétaires parlementaires. Ils reçoivent 17 000 $ par année pour les tâches qu’ils accomplissent à ce titre. Si l’on procède à des nominations à ces deux nouveaux postes à une date ultérieure, le coût total supplémentaire, selon la rémunération prévue à l’heure actuelle, sera de 34 000 $ par année.
Je résumerai ainsi mes observations. Grâce à l’ajout de cinq postes portant un titre et de trois postes sans titre à la liste figurant dans la Loi sur les traitements, le projet de loi C-24 donne suite à l’engagement du premier ministre à adopter de nouvelles mesures législatives reflétant la composition de son Conseil des ministres paritaire et offre la souplesse nécessaire pour que le premier ministre actuel et les futurs premiers ministres adaptent leur Conseil des ministres en fonction des priorités du gouvernement. La suppression des postes liés au développement régional compense l’augmentation du nombre de postes de ministres dont le traitement peut être versé à même le Trésor et n’entraîne aucune répercussion sur les agences de développement régional elles-mêmes.
L’établissement d’un cadre pour le soutien que les ministères actuels offriront aux huit nouveaux ministres élimine la nécessité de créer de nouveaux ministères. Ce projet de loi n’entraîne aucun coût supplémentaire pour le Conseil des ministres.
Honorables sénateurs, voilà qui conclut mon allocution préliminaire au sujet du projet de loi C-24. Je vous remercie du temps que vous m’avez consacré. Nous vous avons transmis un document PowerPoint que mes collaborateurs pourraient vous présenter, si vous le désirez.
Le président : Merci, madame la ministre.
Lequel de nos deux autres témoins veut commencer?
Allen Sutherland, secrétaire adjoint, Appareil gouvernemental, Bureau du Conseil privé : Je peux commencer. Il s’agit en fait d’un survol des différents éléments du projet de loi. La ministre vient de vous exposer bon nombre des points dont traite le document PowerPoint. Il y a d’abord le fait que la Loi sur les traitements autorise le paiement, à même le Trésor, d’un salaire de ministre aux personnes nommées à l’un des postes énumérés. C’est donc un projet de loi très simple, clair et ciblé. Comme la ministre l’a mentionné, la liste actuelle comprend le premier ministre et 34 autres postes de ministre pour un total de 35. Le projet de loi porterait ce nombre à 37.
La ministre vous disait aussi en terminant que le projet de loi aurait pour effet de modifier la liste de trois façons et d’établir un cadre législatif afin que les ministres nouvellement ajoutés puissent bénéficier du soutien d’un ministère.
Passons à la diapositive 3. Il est proposé de diviser la Loi sur les traitements en deux parties, alors que ce n’est pas le cas actuellement. La première partie renfermerait les dispositions sur les traitements. La seconde partie porterait sur le soutien à offrir aux ministres.
C’est cette seconde partie qui serait nouvelle. Je rappelle qu’il s’agit de procurer aux ministères la souplesse voulue pour offrir le soutien nécessaire aux nouveaux ministres qui sont nommés.
Il est indiqué à la diapositive 4 que l’on propose, comme la ministre Chagger l’a mentionné, le remplacement du terme « ministre de l’Infrastructure, des Collectivités et des Affaires intergouvernementales » par le terme « ministre de l’Infrastructure et des Collectivités » du fait que le premier ministre a assumé les responsabilités relatives aux affaires intergouvernementales.
Comme la ministre l’a aussi précisé, il est proposé de supprimer les postes liés aux agences de développement régional, mais celles-ci ne seront pas touchées par ce changement. C’est simplement les titres ministériels qui seront modifiés.
À la diapositive 5, le paragraphe 2(3) proposé ajoute huit postes de ministre. Il y a parmi eux les cinq qui vous ont déjà été mentionnés, à savoir ministre de la Francophonie, ministre des Sciences, ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, ministre des Sports et des Personnes handicapées et ministre de la Condition féminine. Les trois autres sont sans titre pour l’instant, ce qui procure toute la flexibilité voulue pour l’avenir. Comme on ajoute huit postes de ministre et que l’on en élimine six, le résultat net est que la taille du Conseil des ministres pourrait passer de 35 à 37 postes. Comme la ministre Chagger l’a souligné, le Conseil des ministres actuel compte 29 postes en plus de celui du premier ministre, ce qui fait que la limite n’est pas atteinte.
À la diapositive 6, il est question du soutien offert aux huit nouveaux ministres ajoutés à la liste de la Loi sur les traitements. Le premier paragraphe indique que le gouverneur en conseil est autorisé à désigner un ou plusieurs ministères pour fournir un soutien à un ministre afin de l’aider à assumer les responsabilités qui lui incombent. C’est encore dans un souci de souplesse. Pour chaque ministre devant assumer certaines responsabilités, il faut trouver le ministère le mieux placé pour lui offrir le soutien nécessaire, et les mesures proposées vous offrent une flexibilité suffisante pour établir le lien entre les deux.
Les ministres sont ainsi autorisés à utiliser les services, les installations et les agents des ministères qui leur sont désignés. Un ministre dont le ministère a été désigné pour offrir un soutien à un autre ministre est autorisé à déléguer à ce dernier des pouvoirs en matière de finances et d’approvisionnement. Il y a aussi des définitions qui sont fournies pour les termes « ministre compétent » et « ministère ».
Il y a ensuite une série de modifications de forme qui sont énumérées.
Le président : Avant de laisser la parole aux sénateurs qui ont des questions à poser, j’aimerais demander aux trois sénateurs qui viennent de se joindre à nous de se présenter, soit la sénatrice Moncion, le sénateur Mitchell et la sénatrice Omidvar.
La sénatrice Moncion : Je me suis déjà présentée, mais je peux le faire encore une fois. Lucie Moncion.
Le sénateur Mitchell : Sénateur Mitchell, Alberta.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, Toronto.
Le président : Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.
La sénatrice Marshall : Merci, madame la ministre, de votre présence aujourd’hui. Bienvenue également à vos collaborateurs.
Vous avez parlé dans vos observations préliminaires de la création d’un nouveau ministère et de trois postes de ministre qui n’avaient pas de titre pour l’instant. Le ministère Services aux Autochtones Canada a été créé après le dépôt de ce projet de loi. Pouvez-vous nous dire en vertu de quelles règles le traitement de la ministre nommée à ce poste sera autorisé?
Mme Chagger : La ministre Bennett a été nommée à titre de ministre des Affaires autochtones et du Nord le 4 novembre 2015. Le fait qu’elle ait été désignée depuis peu comme ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord ne change rien à sa nomination première. Son traitement demeure versé à même le Trésor, conformément à la Loi sur les traitements. La ministre Philpott, qui est ministre des Services aux Autochtones, a été nommée temporairement à titre de ministre d’État et s’est vue confier par décret le mandat d’assister la ministre Bennett, qui demeure responsable du ministère des Affaires autochtones et du Nord. Le paiement du traitement de la ministre Philpott est donc autorisé en vertu de la loi de crédits de ce ministère sous son ancienne appellation.
La décision de dissoudre le ministère des Affaires autochtones et du Nord pour créer deux ministères distincts, mais complémentaires n’a pas encore été prise. Grâce aux dispositions prévues dans le projet de loi C-24, le gouvernement profiterait de la souplesse nécessaire pour utiliser l’un des trois postes n’ayant pas de titre pour le nouveau ministre des Services aux Autochtones.
Nous ajoutons ces trois postes sans titre pour que le gouvernement ait la possibilité de faire le nécessaire lorsque la situation l’exigera. Nous avons ici un exemple d’une telle situation.
La sénatrice Marshall : Le traitement de la ministre de Services aux Autochtones Canada serait donc versé en vertu d’une loi de crédits jusqu’à ce que l’un des trois postes sans titre soit utilisé.
Comment s’y prendrait-on pour créer un nouveau poste de ministre? On indique dans le projet de loi : « trois ministres supplémentaires nommés par commission sous le grand sceau ». Que devrait faire le gouvernement s’il décidait d’assujettir le traitement de cette ministre à la Loi sur les traitements?
Mme Chagger : Comme c’est une question plutôt technique, je vais demander à mes collaborateurs de vous répondre. Je dirais toutefois que le premier ministre en poste peut décider de la composition de son Cabinet. Cela fait partie des situations où intervient la vision du premier ministre pour le pays. Nous devons donner suite aux engagements que nous avons pris, et c’est une manière de le faire.
M. Sutherland : Le premier ministre devrait s’appuyer sur un décret pour lancer le processus, n’est-ce pas?
Martha Boyle, agente du Conseil privé, Appareil gouvernemental, Bureau du Conseil privé : Pour les trois postes n’ayant pas de titre, le premier ministre peut formuler des avis à l’intention du gouverneur général. Il utilise pour ce faire un instrument d’avis, soit une lettre qu’il adresse au gouverneur général. Le premier ministre peut donner au nouveau ministère le titre de son choix, et le gouverneur général donne son aval. Le ministre nommé au poste auparavant sans titre peut dès lors être payé en vertu de la Loi sur les traitements.
Supposons que le premier ministre décide qu’il veut avoir un ministre de l’automobile. Une personne sera nommée au poste qui serait ainsi officiellement créé. On pourrait alors utiliser l’un des postes sans titre pour que le nouveau ministre soit rémunéré en vertu de la Loi sur les traitements.
La sénatrice Marshall : Est-il prévu de modifier à nouveau la loi pour prévoir le traitement additionnel à verser au ministre qui sera nommé à ce nouveau poste?
M. Sutherland : Comme le soulignait Mme Boyle, si le premier ministre souhaitait apporter un changement, il en informerait le gouverneur général au moyen d’un instrument d’avis. C’est tout ce qu’il aurait à faire. Il ne serait pas nécessaire de modifier la loi. C’est pourquoi nous parlons de souplesse grâce à ces trois postes…
La sénatrice Marshall : Mais le salaire serait autorisé par un projet de loi de crédits par opposition à… Il me semble que tous les salaires des ministres sont maintenant autorisés en vertu de la Loi sur les traitements. Il semble qu’un seul ministre ne soit pas visé par la Loi sur les traitements.
M. Sutherland : Le sénateur Harder vient de me chuchoter à l’oreille. Il a raison : si l’on appliquait ce changement — on ne l’a pas fait, mais si c’était le cas —, le nouveau ministre serait payé en vertu de la Loi sur les traitements.
La sénatrice Marshall : Le sénateur Harder présentera peut-être un amendement. Merci beaucoup.
La sénatrice Jaffer : Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence. Sachez que vous êtes toujours la bienvenue au Sénat. Nous sommes heureux de vous recevoir.
J’ai lu vos commentaires et vous avez eu la gentillesse de nous transmettre votre exposé à l’avance. À la page 9, vous dites que « le projet de loi C-24 ajouterait à la Loi sur les traitements pour appuyer les huit nouveaux ministres, étant donné que le projet de loi C-24 ne crée aucun ministère et n’exige la création d’aucun ministère. »
J’ai un problème avec cela. Si je comprends bien, le projet de loi ne crée pas de nouveaux ministères; vous l’avez déjà dit. Cela signifie, par exemple, que la ministre de la Condition féminine relèverait du ministère du Patrimoine. Cela voudrait aussi dire que la ministre de la Condition féminine devrait obtenir la signature de la ministre du Patrimoine pour présenter un mémoire au Cabinet.
Pouvez-vous me confirmer que c’est bel et bien le cas?
Mme Chagger : Avec plaisir. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et de vos bons mots.
En fait, le ministère de la Condition féminine existe. Ainsi, la ministre a un ministère, qu’elle avait même à titre de ministre d’État. Je sais que vous ne faisiez que donner un exemple. Si l’on pense à Affaires mondiales Canada ou à Emploi et Développement social, les ministres se partagent ces ministères, en fonction des responsabilités connexes.
On peut voir la situation de nombreuses façons. Pour moi, l’avantage de ne pas créer de nouveaux ministères, mais d’avoir plusieurs ministres qui travaillent au sein des ministères, c’est de pouvoir adopter une approche pangouvernementale, non seulement en théorie, mais aussi en pratique, lorsque les ministres doivent travailler ensemble. C’est toujours une zone grise. Lorsque les gens travaillent les uns contre les autres, ils ne le font pas dans l’intérêt supérieur du pays. Or, lorsque les ministres travaillent ensemble, que ce soit au sein d’un seul ministère ou de plusieurs ministères, je crois que nous pouvons alors mieux servir les Canadiens.
En ce qui a trait aux responsabilités d’un ministre et au concept de la cosignature ou à l’impression de devoir demander une permission, je peux vous en parler en tant que ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme. Je travaille en étroite collaboration avec le ministre Bains et le ministre Duncan. Je n’ai jamais eu l’impression de devoir demander leur permission. J’ai ma propre lettre de mandat. J’ai des responsabilités. Je présente une demande au ministre des Finances afin de faire partie du budget et d’être considérée au même titre que tous les autres ministres.
C’est peut-être une idée qu’on se fait. Je peux vous dire ce que je ressens et vous parler de mon expérience. Je prends mes propres décisions. Le premier ministre a confiance en moi. Le ministre Bains a pleinement confiance en moi, tout comme j’ai confiance en lui. J’ai ma place à la table du Cabinet où je peux débattre au même titre que tous les autres ministres. C’est pourquoi nous formons un Conseil des ministres paritaire.
Je ne crois pas qu’on doive créer de nouveaux ministères. Les ressources sont amplement suffisantes. Nous devons veiller à les utiliser de manière plus proactive.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre explication, madame la ministre. Elle m’est vraiment utile. Je n’ai peut-être pas bien formulé ma question. Ce ne sont pas tellement les nouveaux ministères qui me préoccupent. Je n’ai pas été claire. Ce que je veux dire, c’est que la ministre du Patrimoine n’a pas besoin de la signature de la ministre de la Condition féminine pour présenter un mémoire au Cabinet, tandis que la ministre de la Condition féminine a besoin d’une cosignature. Est-ce que je me trompe?
Mme Chagger : Je dirais que ce n’est pas obligatoire. Ce n’est pas ce qui se passe dans la pratique.
La sénatrice Eaton : Madame la ministre, j’aimerais que nous parlions des trois ministères sans nom. Je remarque que le premier ministre a fait très attention de créer des ministères à part entière lorsqu’il a nommé la ministre de la Francophonie et le ministre des Sciences. Il a mis de côté les ministres du développement régional très facilement. Ils ne sont plus là et ces nouveaux ministres ont pris leur place, ce qui est tout à fait raisonnable. Les priorités changent.
Pourquoi, au lieu de créer ces trois ministères sans nom — ou deux ministères, puisque nous avons divisé AANC —, les prochains premiers ministres ne réorganiseraient-ils pas tout simplement les priorités, comme l’a fait le premier ministre Trudeau?
Je pense à l’étalement du gouvernement. Si chaque premier ministre disait : « Vous savez quoi? Nous avons besoin de deux ou trois ministres de plus », on se retrouverait avec 40 ou 45 ministres dans le temps de le dire. Je me demande s’il ne serait pas plus simple de créer un nouveau ministère pour la ministre Philpott. Je comprends parfaitement la situation, mais je comprends mal cette idée « d’ouverture », de dire : « Nous allons ajouter deux nouveaux ministères qu’on ne nommera pas, au cas où on en aurait besoin. » Si les priorités changent, alors il y aura d’autres enjeux qui deviendront moins importants et qui pourront être remplacés, comme cela a été le cas pour les ministères du développement régional, qui étaient à une certaine époque considérés comme étant très importants.
Mme Chagger : Je tiens tout d’abord à vous remercier, madame la sénatrice, et à dire que le travail des organismes de développement régional est essentiel. Lorsque le premier ministre Justin Trudeau a dit…
La sénatrice Eaton : Oui, mais ce ne sont plus des ministères. Vous les avez éliminés, selon ce que je comprends.
Mme Chagger : J’aimerais répondre à votre question et à vos commentaires. Les organismes de développement régional continuent d’exister. Le président des ODR a toujours pour tâche de veiller à ce qu’il y ait un responsable pour chaque organisme. Ces gens connaissent très bien les conditions économiques de leur région. Comme les ODR relèvent maintenant du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, ils peuvent collaborer davantage. Nous n’avons pas abandonné les ODR.
La sénatrice Eaton : Ce que je dis, c’est que vous avez réussi à les regrouper afin qu’ils relèvent du ministre de l’Innovation, ce qui est tout à fait raisonnable. La vie change. Je dis juste qu’à l’avenir, si vous voulez créer un autre type de ministère, vous pourriez le faire en révisant vos priorités afin que les ministères qui ne sont plus essentiels soient fusionnés à d’autres pour qu’on puisse en créer de nouveaux.
Mme Chagger : Tous les premiers ministres ont le droit de le faire. En ce qui a trait au choix d’un Conseil des ministres paritaire, il n’empêchera pas les prochains premiers ministres de nommer des ministres d’État.
La sénatrice Eaton : Non, ce qui me préoccupe, c’est l’étalement du gouvernement.
Mme Chagger : Je comprends. Ce ministère est plus petit que ce que nous avons vu par le passé. Cela me préoccupait également, alors j’ai demandé à mon équipe de faire des recherches, de déterminer le nombre de ministres et de ministres d’État nommés par les premiers ministres des gouvernements précédents. Ce ministère est en fait assez petit. C’est pourquoi j’ai dit qu’il n’avait pas bougé depuis notre arrivée au pouvoir, ce qui est inhabituel parce que les ministères tendent habituellement à prendre de l’ampleur. C’est pourquoi on ne planifie pas seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour l’avenir, afin d’avoir une certaine souplesse, et je trouve que c’est tout à fait raisonnable.
La sénatrice Eaton : Merci.
Le sénateur Pratte : Madame la ministre, lorsque le gouvernement a présenté ces changements et que les ministres étaient payés par l’entremise de la Loi sur les crédits, tout allait bien. Pourquoi avez-vous senti le besoin de présenter ce projet de loi? Pourquoi ne pas garder ce système, qui n’est peut-être pas parfaitement clair, mais qui semble assez bien fonctionner? Est-ce que c’était en raison d’une obligation légale ou simplement pour clarifier les choses et les rendre plus transparentes?
Mme Chagger : Merci, monsieur le sénateur. Oui, c’est pour préciser dans la loi ce qui se passe présentement dans la pratique. C’était un engagement du premier ministre. Lorsque nous avons pris le pouvoir, nous avons dit que nous aurions un Conseil des ministres paritaire. Nous avons respecté les règles du jour du mieux que nous le pouvions, mais il est important de refléter ce qui se passe dans la pratique.
Le sénateur Pratte : N’y a-t-il pas un risque, avec les trois ministères sans nom, d’avoir deux catégories de ministres? Par exemple, le ministre de l’automobile dont a parlé Mme Boyle pourrait apparaître et disparaître selon le choix du premier ministre, mais pour retirer le poste de ministre des Finances, par exemple, il faudrait modifier la Loi sur les traitements. Est-ce exact?
Mme Chagger : Vous aurez la possibilité d’agir en fonction des défis ou des occasions du jour. Si vous vous attardez à l’histoire des ministères — ce que j’ai fait —, vous constaterez qu’on y a apporté des changements. Le poste de ministre de la Santé a été ajouté en 1996 seulement, ce qui ne fait pas très longtemps, mais lorsqu’on parle des questions de l’heure, il est important d’avoir la souplesse d’apporter des modifications et de tenir compte des changements et des progrès au pays. Non seulement le projet de loi reflète-t-il les priorités du gouvernement actuel, mais il offre aussi une certaine souplesse. Il permettrait d’aborder la question des ministères à deux niveaux ou des deux catégories distinctes, qui existe déjà. Le premier ministre dit qu’il voudrait un Conseil des ministres paritaire et c’est pourquoi tous les ministres portent ce titre et reçoivent le même salaire depuis le premier jour. Nous voulons juste reconnaître cela de manière officielle dans le projet de loi C-24. Les prochains premiers ministres auront le choix d’établir leur Cabinet comme ils le souhaitent.
Le sénateur Pratte : Ce que je veux dire, c’est qu’avec les trois ministères sans nom, certains titres apparaîtront et disparaîtront tout simplement parce que le premier ministre en aura décidé ainsi. D’autres titres se trouvent dans la loi. Si le gouvernement décide d’éliminer certains ministères ou de les remplacer, il faudra modifier la loi.
Mme Boyle : Pour être claire, la Loi sur les traitements ne crée pas en soi les postes de ministres. Le premier ministre nomme les ministres. Vous avez parlé du ministre des Finances. Son bureau a été créé en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Pour qu’il y ait en poste une personne qui peut exercer toutes les fonctions associées au titre de ministre des Finances en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, le premier ministre doit nommer un ministre des Finances ou modifier la loi. Les propositions de la Loi sur les traitements ne visent pas la création de postes statutaires de manière distincte. C’est à la discrétion du premier ministre, qui peut nommer des ministres ou non, et cela ne change rien à la loi. Vous avez raison, monsieur le sénateur : si le premier ministre choisit de ne pas nommer un ministre des Finances, il devra faire modifier la Loi sur la gestion des finances publiques pour qu’un autre ministre soit responsable de ces attributions. Est-ce que cela vous semble logique?
Le sénateur Pratte : Oui. Merci.
La sénatrice Andreychuk : À ce sujet, ce qui me préoccupe, c’est la responsabilité ministérielle. Nous avions des ministres de second rang et nous savions qu’ils devaient passer par des ministres de premier rang avant de se rendre au premier ministre. Vous dites qu’ils sont tous égaux maintenant. Est-ce qu’ils relèvent directement du premier ministre, donc? Ce serait cela, l’égalité, à mon avis. S’il faut encore passer par un autre ministre, ce n’est pas vraiment l’égalité.
Mme Chagger : Je dirais que oui, en ce sens que chaque ministre a reçu une lettre de mandat publique. Chaque ministre est responsable de remplir le mandat que leur a confié le premier ministre directement. À titre de ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, ma lettre de mandat ne m’a pas été remise par un autre ministre. Je suis responsable de m’acquitter de ce mandat. Par exemple, dans le budget de 2018 — et je vais me faire une petite publicité en même temps —, nous avons pris un engagement important à l’égard de la stratégie d’entrepreneuriat pour les femmes. Je serai responsable de cette stratégie, à titre de ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, et je relève directement du premier ministre.
La sénatrice Andreychuk : Selon ce que je comprends, tous les ministres seront égaux, et recevront leurs instructions et directives du premier ministre?
Mme Chagger : Oui. Chacun d’entre nous reçoit une lettre de mandat publique. C’est la pratique actuelle. C’est ce que nous faisons depuis le jour un. C’est pourquoi nous avons chacun une lettre de mandat. Chaque ministre s’engage à remplir son mandat et nous travaillons parfois avec d’autres ministres au sein de notre ministère ou avec ceux des autres ministères. C’est très important, à mon avis.
La sénatrice Andreychuk : Si je comprends bien, vous avez maintenant le contrôle de ministères à part entière?
Mme Chagger : Oui.
M. Sutherland : C’est actuellement le cas. À titre de ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, Mme Chagger est responsable de certaines organisations. Elle est responsable de Destination Canada, par exemple, et elle profite du soutien du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique également. Elle n’a aucun compte à rendre au ministre Bains.
La Loi sur les traitements inscrit cela dans la loi. C’est la prochaine étape, mais depuis le jour un, tous les ministres payés en vertu de la Loi sur les crédits sont des ministres à part entière. Ils ont tous la même place à la table et font tous partie des discussions. Ils ont des lettres de mandat claires, doivent s’acquitter de responsabilités et livrer des initiatives importantes. Ce qui change, c’est qu’on inscrit cela dans la loi.
La sénatrice Andreychuk : Nous pourrions peut-être parler du ministère que je connais le mieux, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. La ministre du Développement international ne doit pas passer par la ministre des Affaires étrangères d’une quelconque façon. Est-ce exact?
Mme Chagger : C’est exact. La ministre Bibeau travaille avec d’autres ministres au sein de son ministère et d’autres ministères, mais c’est elle qui était responsable de la Politique d’aide internationale féministe, par exemple. Elle a travaillé avec d’autres ministres, députés et parlementaires afin de faire avancer le projet, mais elle en était responsable et oui, elle relevait directement du premier ministre.
La sénatrice Andreychuk : C’est regroupé sous le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui n’existe plus, parce que les ministres relèvent maintenant directement du premier ministre?
Mme Chagger : La lettre de mandat publique a été remise directement à la ministre. À titre de ministère, Affaires mondiales Canada compte trois ministres. Ce grand ministère est composé de trois ministères, si je puis dire.
La sénatrice Andreychuk : Aucun d’eux n’a la priorité sur les deux autres?
Mme Chagger : Je dirais, madame la sénatrice, que cela dépend des intérêts de chacun. C’est comme…
La sénatrice Andreychuk : Je parle de responsabilités juridiques, pas de qui exerce la plus grande influence auprès du premier ministre.
M. Sutherland : En ce qui a trait aux responsabilités juridiques, chaque ministre a des responsabilités juridiques, donc non, ils ne doivent pas rendre des comptes à d’autres ministres. Leurs fonctions sont uniques et distinctes.
La sénatrice Andreychuk : S’il y a des divergences entre la ministre des Affaires étrangères et la ministre du Développement international et que je veux qu’on rende des comptes, je dois m’adresser directement au premier ministre? Est-ce bien ce que j’entends?
Mme Chagger : J’espérerais qu’elles travailleraient ensemble afin d’éviter ces différends.
La sénatrice Andreychuk : Mais si c’était le cas?
Mme Chagger : J’ose espérer que cela n’arrivera pas, et je crois que c’est pour cela que nous avons adopté une approche pangouvernementale.
Tout le monde a son opinion, mais depuis le début, nous… Nous devons mieux travailler ensemble. Dans mon cas, pour tout ce qui touche mon portefeuille, mes collègues préfèrent venir me voir avant de soulever un point devant le Cabinet. Bon nombre des ministres travaillent ensemble à faire avancer la loi pour cette raison : pour veiller à ce que nous travaillions mieux dans ces zones grises.
Le gouvernement ne peut pas fonctionner — comme nous l’avons vu parfois — si un ministre dit une chose et qu’un autre ministre dit le contraire. En regroupant ces ministres, ils travaillent mieux ensemble dans l’intérêt supérieur du pays et c’est notre objectif. C’était malheureux de voir qu’un ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme — un ministre de second rang, comme on les appelle — ne faisait pas partie du processus décisionnel. Nous les intégrons à ce processus. Ils s’assoient à la table du Cabinet. Nous faisons partie du débat et cela nous permet…
La sénatrice Andreychuk : Je comprends ce que vous tentez de faire. Je suis une parlementaire. Je veux qu’on rende des comptes parce que les gens viennent me voir et me parlent de certains problèmes. Je pourrais être optimiste et vous dire que cela n’arrivera jamais, mais je sais qu’il y aura des différends, alors je veux savoir où aller pour qu’ils soient réglés.
Ce que je vous entends dire, c’est que si deux ministres ne s’entendent pas, je pourrais essayer de collaborer, leur dire qu’ils ne parlent pas le même langage et leur demander de préciser leurs propos, mais si je n’obtiens pas les résultats souhaités, je devrai en parler au premier ministre. Est-ce que c’est ce que vous dites? Est-ce la procédure?
Mme Chagger : Je dirais que vous pouvez toujours vous adresser au premier ministre. Vous pouvez collaborer avec les ministres et je crois que le premier ministre devrait être disponible. Le premier ministre actuel est disponible.
La sénatrice Andreychuk : Ce que je veux savoir, c’est ceci : sur le plan juridique, à qui dois-je m’adresser?
Le président : Madame la ministre, croyez-vous avoir répondu à la question?
Mme Chagger : Au meilleur de ma capacité, oui. Je ne peux pas parler de façon hypothétique. Si l’on me donne un bon exemple, monsieur le sénateur, je serai heureuse d’en discuter plus en détail.
Habituellement, selon ce qui se passe, une personne assurera un rôle de leader. Pensons à la Loi sur le cannabis. La ministre de la Santé travaille en collaboration avec la ministre de la Justice et le ministre de la Sécurité publique. Il y a un ministre responsable dans ce dossier; c’est donc habituellement à cette personne qu’on s’adresserait, parce qu’il faut un leader. Ainsi, selon le cas, je pourrais vous dire qui est le ministre responsable.
Je suis aussi leader du gouvernement à la Chambre. Nous veillons toujours à désigner une personne-ressource.
La sénatrice Cools : Je tiens à remercier le témoin de son témoignage et aussi de son enthousiasme, mais l’enthousiasme et la vitalité ne sont pas toujours synonymes de connaissance et d’expérience. Vos propos soulèvent chez moi certaines préoccupations.
J’ai toujours cru que le premier ministre n’était pas un monarque et n’était pas le souverain. J’ai toujours cru qu’il était primus inter pares, le premier parmi ses pairs, et vous ne cessez de dire que le premier ministre nomme les ministres. J’ai toujours cru que c’était le gouverneur général de Sa Majesté qui se chargeait de la nomination et non le premier ministre. Il fait des choix et présente ses recommandations.
Nous ne sommes pas de la même génération et ces enjeux me tiennent vraiment à cœur parce que je crois sincèrement que si le Canada a connu un tel succès au fil des années, c’est précisément parce que les Pères de la Confédération ont créé une Constitution assez solide, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, dont la longévité et la continuité témoignent de sa réussite et de celle du Canada.
Je considère la Loi sur les traitements comme un document très sérieux, de l’ordre de la Loi sur les juges, mais l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ne contient pas de disposition qui veut que le salaire des ministres de la Couronne soit fixé et payé comme c’est le cas pour les juges. C’est pour cela que nous avons la Loi sur les juges.
Au fil du temps, quelqu’un a eu la brillante idée de créer la Loi sur les traitements pour les ministres. Vos propos déclenchent de nombreux signaux d’alarme chez moi, parce que vous parlez de façon désinvolte et que vous évoquez ce que vous considérez être des faits bien connus. Vous savez à quel ministre vous devez vous adresser, mais nous ne le savons pas. C’est un secret et les secrets doivent être partagés.
Le président : Avez-vous une question?
La sénatrice Cools : Oui. Qui prend les décisions et qui découvre les principes qui devraient être utilisés dans le cadre de la prise de décisions?
Mme Chagger : Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à m’excuser de vous avoir alarmée. Votre expérience à titre de plus ancienne membre du Sénat est impressionnante, alors je prends vos propos très au sérieux. Mon intention n’était pas de prendre la loi à la légère. La loi est sérieuse. Je suis tout à fait du même avis et c’est pourquoi j’ai voulu être ici en personne. C’est aussi pourquoi je suis accompagnée d’autres représentants, qui peuvent aborder les détails techniques de manière appropriée.
Vous avez tout à fait raison : le premier ministre ne nomme pas les ministres, mais il les choisit. Je devrais faire plus attention aux mots que j’utilise. Je vous entends haut et fort.
Pour répondre à votre question au meilleur de mes capacités, je dirais que le premier ministre reçoit un mandat et qu’il — ce sera peut-être « elle », un jour — veut faire avancer certaines questions prioritaires; c’est ce que nous voulons refléter dans la Loi sur les traitements : que le premier ministre croit en un Conseil des ministres paritaire et qu’il veut veiller à ce que tous les ministères soient égaux. Nous voulons seulement officialiser ce que nous pratiquons depuis le premier jour.
Encore une fois, le premier ministre ferait ses choix et enverrait une lettre à Son Excellence ou à son représentant. Ce serait la manière appropriée de procéder.
La sénatrice Cools : Il n’a pas de représentant, soit dit en passant.
Mme Chagger : Excusez-moi, le gouverneur général.
Le président : Madame la ministre, nous vous remercions d’être ici et de nous transmettre vos commentaires et votre vision au sujet du projet de loi C-24. Avez-vous des observations finales à formuler?
Mme Chagger : Je tiens simplement à vous remercier. Si vous avez des questions ou si vous souhaitez obtenir d’autres renseignements, n’hésitez pas à nous le faire savoir. Mon équipe et mes représentants sont là pour vous. Sachez que, même si je ne suis pas assise physiquement à la table, je demeure toujours à votre entière disposition.
Merci.
Le président : Merci, madame la ministre.
Plaît-il aux sénateurs de procéder à une étude article par article du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur les traitements et apportant une modification corrélative à la Loi sur la gestion des finances publiques?
Des voix : D’accord.
Le président : Est-il convenu de reporter l’étude du titre?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : Avec dissidence.
Le président : L’article 2 est-il adopté avec dissidence?
Le sénateur Neufeld : Avec dissidence, oui.
Le président : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté.
L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 5 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 6 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Honorables sénateurs, le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le projet de loi, tel qu’il a été approuvé, avec dissidence, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Ainsi, êtes-vous d’accord pour que je fasse rapport du projet de loi, adopté avec dissidence, au Sénat cet après-midi?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci.
(La séance est levée.)