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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 65 - Témoignages du 1er mai 2018 (séance du matin)


OTTAWA, le mardi 1er mai 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 9 h 45, pour étudier la teneur complète de ce projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick, président du comité. Je veux souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes dans la salle ainsi qu’aux personnes de partout au pays qui pourraient être en train de nous regarder à la télévision ou en ligne, sur le site web du Sénat, à sencanada.ca.

Je voudrais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par la gauche.

La sénatrice Jaffer : Je m’appelle Mobina Jaffer, et je suis de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l’Alberta.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.

La sénatrice Cools : Anne Cools, sénatrice de Toronto.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, aujourd’hui, nous commençons notre étude du projet de loi C-74, munis de toutes nos reliures, fiches de renseignements et questions. Ce projet de loi nous a été renvoyé par le Sénat du Canada mardi dernier, le 24 avril. Le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, est ce que nous appelons la Loi d’exécution du budget.

[Français]

L’étude de ce type de législation s’inscrit au cœur même du mandat confié au Comité sénatorial permanent des finances nationales par le Sénat du Canada.

[Traduction]

Afin de commencer notre examen et de passer en revue le projet de loi en entier, nous recevons un certain nombre de représentants du ministère des Finances. Les trois que je présenterai officiellement et leurs adjoints, qui se trouvent à l’arrière, seront disponibles pour répondre aux questions des sénateurs.

Le premier est Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt. Je vous remercie, monsieur McGowan, de comparaître devant nous.

[Français]

J’aimerais aussi vous présenter M. Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, Finances Canada.

Merci d’être parmi nous aujourd’hui.

[Traduction]

Nous accueillons également Maude Lavoie, directrice générale, Division de l’impôt des entreprises, Direction de la politique de l’impôt. Merci d’être ici pour nous faire part de vos commentaires.

Je voudrais remercier tous les représentants d’être prêts à nous aider à procéder au meilleur examen possible du projet de loi C-74. Ce que nous attendons de vous, maintenant, c’est que vous fassiez un survol des mesures prévues dans le projet de loi et que vous les expliquez. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous voudrions profiter de l’occasion pour poser des questions quand vous aurez terminé vos explications.

Mesdames et messieurs les sénateurs, dans le but d’acquérir une pleine compréhension du projet de loi C-74, nous allons procéder ainsi : dans votre reliure, rendez-vous à l’onglet A, dispositions 2 à 46, partie 1, qui s’intitule « Partie 1 : Modification de la Loi de l’impôt sur le revenu et de textes connexes ».

Je veux demander à M. McGowan de présenter son exposé sur l’onglet A, dispositions 2 à 46, et de nous fournir les renseignements nécessaires. Monsieur McGowan, veuillez prendre la parole.

Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je présenterai un aperçu de la partie 1 du projet de loi, qui porte sur les modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu. Je procéderai selon l’ordre dans lequel les mesures figurent dans le projet de loi. Comme la Loi de l’impôt sur le revenu est une loi complexe, un grand nombre des mesures modifient des articles différents de cette loi et se retrouvent dans le projet de loi dans un ordre non séquentiel, et un grand nombre porte sur de multiples dispositions. Je procéderai en fonction de l’ordre dans lequel elles figurent dans le projet de loi.

La première mesure est liée à la pension à vie. Elle prévoit le traitement fiscal approprié des trois nouvelles prestations de pension à vie, soit l’indemnité pour douleur et souffrance et l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance, qui seront libres d’impôt, et la prestation de remplacement du revenu.

Ensuite, le projet de loi garantit que le nouveau Programme de subvention commémoratif pour les premiers répondants sera libre d’impôt. Ce programme commencera en 2018-2019 et fournira du soutien aux familles de premiers répondants, comme les agents de police et les pompiers, qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.

La prochaine mesure porte sur la réduction du taux d’imposition des petites entreprises. Le taux d’imposition applicable aux petites entreprises admissibles ou au revenu d’une entreprise exploitée activement par une société privée sous contrôle canadien, jusqu’à concurrence de 500 000 $, sera réduit. Avant le projet de loi, il était de 10,5 p. 100. Le projet de loi le fera passer à 10 p. 100 dès le 1er janvier 2018 et, enfin, à 9 p. 100 à compter du 1er janvier 2019.

Ensuite, le projet de loi contient également des modifications relatives à la détention de placements passifs dans une société privée. Cette mesure contient deux sous-mesures. La première limite la capacité des petites sociétés privées sous contrôle canadien détenant d’importants placements passifs d’accéder à ce taux d’imposition inférieur réservé aux petites entreprises. L’accès à la déduction et au taux d’imposition inférieur offerts aux petites entreprises sera réduit en fonction de la somme du revenu passif excédant 50 000 $ dans la société.

La deuxième mesure prévoit que les sociétés privées ne pourront plus obtenir de remboursement des impôts payés sur un revenu de placement tout en payant des dividendes qui sont admissibles au crédit d’impôt bonifié pour dividendes. Cette mesure assure une meilleure cohérence avec le système fiscal en ce qui a trait au revenu tiré de placements passifs et d’entreprises exploitées activement.

La prochaine mesure concerne la répartition du revenu. Elle a pour but d’empêcher une personne touchant un revenu relativement élevé de transférer une part de son revenu à un membre de sa famille touchant un revenu inférieur pour ainsi réduire ses impôts en profitant du taux d’imposition marginal moins élevé du membre de sa parenté.

La mesure suivante prévoit un allégement fiscal supplémentaire destiné aux membres des Forces armées canadiennes. Elle étend une déduction actuellement offerte au personnel des Forces armées canadiennes et aux agents de police déployés à l’étranger dans le cadre de missions opérationnelles. La mesure élimine l’exigence qu’une note de risque particulière soit attribuée à la mission étrangère pour que la prestation soit accessible. Elle augmente également la déduction ou l’exemption effective jusqu’au niveau de la paie d’un lieutenant-colonel.

Le projet de loi instaure également l’Allocation canadienne pour les travailleurs, crédit d’impôt remboursable qui s’ajoute à la rémunération des travailleurs à faible revenu. Cette allocation remplace l’actuelle Prestation fiscale pour le revenu de travail. Elle allonge la liste des dépenses admissibles aux fins du crédit d’impôt pour frais médicaux afin qu’elle comprenne les dépenses associées aux animaux de service pour les personnes atteintes de déficience cognitive grave. Par exemple, cette catégorie pourrait comprendre les chiens d’assistance pour personnes atteintes d’un trouble de stress post-traumatique.

Le projet de loi rapproche également de deux ans l’indexation de l’Allocation canadienne pour enfants, de sorte qu’elle commencera à être indexée en juillet 2018 afin que l’on puisse s’assurer que sa valeur sera maintenue.

Il prolonge d’une année le crédit d’impôt pour exploration minière, qui est un crédit d’impôt de 15 p. 100 visant à appuyer la recherche de minerais par les sociétés au Canada. Il repousse jusqu’à la fin de 2023 le retrait d’une mesure temporaire qui permet à un membre de la famille admissible — il pourrait s’agir d’un parent, d’un époux ou d’un conjoint de fait — de devenir titulaire du régime enregistré d’épargne-invalidité d’un adulte dont on doute de la capacité de conclure un contrat.

Le projet contient deux mesures relatives aux activités caritatives. La première concerne l’impôt de révocation de 100 p. 100 lorsque le statut caritatif d’un organisme est révoqué. Lorsque cela se produit, l’impôt de révocation de 100 p. 100, fondé sur la valeur des actifs de l’organisme, peut être réduit lorsque l’organisme de bienfaisance effectue des dons à ce qu’on appelle des bénéficiaires admissibles, qui, en général, sont d’autres organismes de bienfaisance indépendants. Cette mesure ajouterait des municipalités, au cas par cas, à la liste des bénéficiaires admissibles aux fins de la réduction de l’impôt de révocation. Elle éliminerait également un chevauchement sur le plan des règles en ce qui a trait à certaines universités situées à l’étranger, dont le corps étudiant comprend habituellement des étudiants canadiens. Ces universités peuvent être qualifiées de bénéficiaires aux fins du crédit d’impôt pour don de bienfaisance, mais elles doivent actuellement être à la fois prévues dans les règlements et inscrites auprès de l’Agence du revenu du Canada. Cette dernière exigence a été instaurée relativement récemment. Le projet de loi réduirait ce chevauchement et n’exigerait que l’enregistrement auprès de l’Agence du revenu du Canada.

Ensuite, il y a deux mesures relatives aux prestations pour enfants. La première porte sur l’accès aux données. En 2016, le gouvernement a instauré la nouvelle Allocation canadienne pour enfants, qui a remplacé, entre autres, le Supplément de la prestation nationale pour enfants. Les renseignements relatifs à ce supplément ont été communiqués aux provinces aux seules fins de l’administration de leur régime de paiement d’assistance sociale. Cette mesure permettrait l’échange de renseignements relatifs à l’Allocation canadienne pour enfants dans le même but.

La deuxième mesure étend de façon rétroactive l’admissibilité à l’ancien système de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, du Supplément de la prestation nationale pour enfants et de la Prestation universelle pour la garde d’enfants, qui ont été remplacés par l’Allocation nationale pour enfants, aux personnes nées à l’étranger qui sont des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens, qui résident légalement au Canada et qui ont des enfants nés au pays, de sorte que ces personnes, lesquelles n’étaient pas admissibles à l’ancien système de prestations fiscales, mais qui sont admissibles à l’Allocation canadienne pour enfants depuis son instauration, deviennent rétroactivement admissibles à l’ancien système de prestations pour enfants jusqu’en 2005.

Enfin, le projet de loi prolongerait de cinq ans l’admissibilité au taux bonifié de 50 p. 100 de déduction pour amortissement liée à l’équipement utilisé dans le cadre de certains projets d’énergie propre, et cette mesure s’appliquera aux biens acquis avant 2025.

Il s’agissait d’un résumé de chacune des mesures prévues dans la partie 1 du projet de loi.

Le président : Voilà qui conclut l’explication de la partie 1. Le président cède la parole à la sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall : Je vais commencer au début, dans le même ordre.

En ce qui concerne la pension à vie, vous n’avez pas mentionné la prestation pour services d’aidant. Cette prestation appartient-elle à l’une des catégories dont vous avez parlé, dans le cadre de la nouvelle prestation pour aidants? Je pense que les aidants ont droit à un montant X par mois.

M. McGowan : Cette prestation ne fait pas partie des modifications au titre de la pension à vie. Les trois prestations touchées sont l’indemnité pour douleur et souffrance et l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance, qui seront libres d’impôt, et la prestation de remplacement du revenu, qui sera imposable essentiellement de la même manière que le revenu qu’elle remplace. Avant l’âge de la retraite, par exemple, la mesure vous donne une marge pour cotiser à un REER; après l’âge de la retraite, elle garantit que les règles relatives au fractionnement du revenu de pension seront accessibles. Voilà ce que j’entendais par « traitement fiscal approprié ».

La sénatrice Marshall : Alors, la prestation pour services d’aidant doit déjà être incluse en tant qu’indemnité non remboursable, je suppose. Le savez-vous?

M. McGowan : Je ne puis l’affirmer avec certitude. Je pense connaître la réponse.

La sénatrice Marshall : J’ai lu quelque chose au sujet des services d’aidant dans l’une de nos notes documentaires.

Quant à la réduction du taux d’imposition des petites entreprises, vous avez mentionné le facteur de majoration des dividendes et le crédit d’impôt pour dividendes. Vous avez donné des chiffres. Je ne les ai pas saisis. Pouvez-vous me dire quel est le facteur de majoration des dividendes? Ce facteur a été réduit, n’est-ce pas?

Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Essentiellement, l’idée est que l’imposition des dividendes à l’échelon personnel reflète essentiellement l’imposition à l’échelon de l’entreprise, alors les impôts qui, on le suppose, ont été payés. Actuellement, le facteur de majoration des dividendes est de 17 p. 100. Il passera à 16 p. 100 à compter de 2018, et le crédit d’impôt pour dividendes passera à 10 p. 100.

La sénatrice Marshall : Alors, ce crédit d’impôt sera maintenant de 10 p. 100. Quel est le taux précédent?

M. Leblanc : Actuellement, il est de 10,5 p. 100, tout comme celui des petites entreprises.

En 2019, les taux changeront encore une fois. Le facteur de majoration sera de 15 p. 100, et le taux du crédit d’impôt pour dividendes sera de 9 p. 100; encore une fois, il sera harmonisé avec le nouveau taux d’imposition qui s’appliquera aux petites entreprises.

La sénatrice Marshall : Cette mesure sera-t-elle neutre sur le plan fiscal pour le gouvernement? Cela sonne bien, des réductions, mais, si l’on prend en considération l’effet conjugué des deux, la mesure sera-t-elle neutre sur le plan fiscal pour le gouvernement?

Maude Lavoie, directrice, Division de l’impôt des entreprises, ministère des Finances Canada : La réduction du taux d’imposition des petites entreprises, y compris son incidence sur l’imposition du revenu des particuliers — alors, le facteur de majoration et le crédit d’impôt pour dividendes —, devrait coûter au gouvernement 2,9 milliards de dollars sur les six prochains exercices.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous répartir la réduction du taux des petites entreprises et me dire si l’effet conjugué du facteur de majoration des dividendes et du crédit d’impôt pour dividendes entraînera davantage de recettes pour le gouvernement?

Mme Lavoie : Ces deux facteurs conjugués coûteront au gouvernement 2,9 milliards de dollars pour les six prochains exercices.

La sénatrice Marshall : Je suis surprise.

M. Leblanc : Madame la sénatrice, il faut se dire que les entreprises ne versent pas l’ensemble de leurs revenus. Si 100 p. 100 de leur revenu était versé, on se rapprocherait peut-être de la neutralité fiscale, mais, comme elles en conservent une bonne partie et que c’est le but du taux préférentiel…

La sénatrice Marshall : D’accord. Merci.

Vous avez mentionné les revenus de placement passif et les impôts remboursables, et certains d’entre eux ne seront plus remboursables. Ce sera le cas si le revenu passif est supérieur à 50 000 $; pouvez-vous expliquer cette mesure encore une fois? Selon la proposition initiale, on dirait qu’il s’agit d’une double imposition, qu’une partie du revenu sera imposée à un taux supérieur à 70 p. 100. Cela se produira encore dans certains cas, n’est-ce pas?

M. McGowan : Deux mesures sont liées aux revenus privés ou aux revenus passifs dans une société privée, et il peut être très facile de fusionner les deux.

J’aborderai d’abord la déduction pour petite entreprise. C’est celle qui s’assortit du seuil de revenu passif de 50 000 $. Le projet de loi réduit l’accès à cette déduction, qui est le mécanisme qui fournit le taux d’imposition inférieur sur le revenu des petites entreprises allant jusqu’à 500 000 $. La mesure est fondée sur le montant du revenu passif dans la société excédant 50 000 $ et s’applique à un taux progressif, alors l’accès à la déduction pour petite entreprise sera pleinement éliminé à 150 000 $ de revenu passif. Si on suppose que le rendement est de 5 p. 100, le seuil de 50 000 $ représente des actifs de 1 million de dollars.

Cette mesure ressemble à une règle existante, qui réduit l’accès à la déduction pour petite entreprise en fonction de la taille des sociétés privées sous contrôle canadien. Elle est destinée aux petites entreprises. Si vous détenez un capital imposable utilisé au Canada dépassant 10 millions de dollars, l’accès à cette déduction commence à diminuer, jusqu’à être complètement éliminée à 15 millions de dollars.

Cette règle ajoutera une limite parallèle. Elles ne s’appliquent pas cumulativement. La plus importante des deux réductions s’appliquera, de sorte que l’on ne se verra pas imposer une réduction pour le revenu passif en plus d’une autre pour le capital imposable. Ce sera la réduction la plus importante. La mesure s’appuie sur un mécanisme existant dans les règles fiscales. Toutefois, elle s’applique au revenu passif touché dans les sociétés privées sous contrôle canadien et a un impact sur l’accès à la déduction pour petite entreprise. Elle est distincte de la mesure fiscale qui s’applique à l’égard des impôts remboursables.

La sénatrice Marshall : Je m’intéresse aux impôts remboursables.

M. McGowan : La mesure relative aux impôts remboursables harmonise mieux le système fiscal qui s’applique à l’égard de l’imposition des revenus de placement avec celui qui s’applique à l’égard du revenu des entreprises exploitées activement et des crédits. En outre, elle corrige un peu une lacune technique que comportaient les règles. Je m’excuse à l’avance, car c’est technique, même dans le contexte des règles fiscales.

Quand on touche un revenu dans une société privée, de façon très générale, il peut être imposé à un taux élevé— le taux général d’imposition du revenu est d’environ 15 p. 100 — ou à un taux inférieur. Si votre revenu est imposé à un taux élevé, le mécanisme du crédit d’impôt pour dividendes veut que, lorsque vous versez un dividende, cela vous procure un crédit pour l’impôt qui est présumé avoir été payé par la société. Si vous payez un impôt des sociétés élevé, vous devriez obtenir un crédit d’impôt bonifié pour dividendes reflétant le taux d’imposition élevé que vous avez payé. De même, si votre taux d’imposition des sociétés est peu élevé, vous devriez obtenir le crédit d’impôt non bonifié pour dividendes.

Quand cette mesure est combinée à nos règles fiscales relatives aux impôts remboursables sur le revenu de placement, elle produit un drôle de résultat, où vous pouvez vous faire rembourser un impôt payé sur un revenu de placement touché dans une société privée. Il s’agit d’un impôt remboursable supplémentaire qui s’ajoute à l’impôt des sociétés et qui porte le taux d’imposition total à l’intérieur d’une société à peu près au taux d’imposition maximal, et il élimine tout avantage lié au fait de transférer un portefeuille de placements passifs à une société afin d’accéder à un taux d’imposition inférieur. On pourrait croire que le résultat est le même, qu’on touche les revenus directement ou par l’entremise d’une société. Toutefois, lorsqu’un dividende est versé aux actionnaires, cet impôt supplémentaire peut être remboursé.

Cette mesure empêche le remboursement d’un impôt sur un revenu de placement qui, une fois remboursé, entraîne un taux d’imposition inférieur pour la société. Elle empêche ce remboursement lorsque le crédit d’impôt pour dividendes admissible vous donne droit à un crédit d’impôt qui vise les sociétés assujetties à des taux d’imposition élevés. En termes très simples, elle garantit que, si vous payez un impôt des sociétés élevé, vous obtenez un crédit pour ce taux élevé et que, si vous payez des taux d’imposition inférieurs, vous n’en obtenez pas.

La sénatrice Marshall : Toutefois, même selon votre explication, il me semble encore que, dans le contexte des propos que vous avez tenus initialement, certains de ces impôts remboursables ne le seront plus, alors il ne s’agit pas réellement d’impôts remboursables.

M. McGowan : Les impôts remboursables continueront de l’être.

La sénatrice Marshall : Tous, ou bien y aura-t-il des cas où ils ne le seront pas?

M. McGowan : Je veux que ce soit clair. La question pourrait être interprétée de deux manières.

Actuellement, les sociétés disposent de ce qu’on appelle l’« impôt en main remboursable au titre de dividendes », c’est-à-dire l’impôt remboursable qu’elles ont payé et qui peut être remboursé au moment du paiement. Une question est de savoir ce qui arrive à cet ensemble existant d’impôts remboursables. Il n’est pas perdu. Des règles de transition visent à garantir qu’il n’est pas perdu.

Toutefois, les nouvelles règles ont instauré deux nouvelles catégories d’impôt remboursable. L’une est ce qu’on appelle l’impôt en main admissible remboursable au titre de dividendes, et l’autre est l’impôt en main non admissible remboursable au titre de dividendes. Ces impôts peuvent être remboursés, ou pas, selon le type de dividendes que vous versez et le type de revenus utilisés pour les payer.

Les règles de transition garantissent que l’ensemble existant d’impôts en main remboursables au titre de dividendes est transféré dans la catégorie appropriée aux fins de ces deux nouveaux types de comptes d’impôt remboursable. Toutefois, dorénavant, il y aura un nouveau régime comportant deux types d’impôt remboursable. Alors, ils ne sont pas perdus; ils sont simplement différents.

La sénatrice Marshall : Où vais-je pouvoir trouver des exemples? Le gouvernement présentera-t-il sur son site web des exemples de ce que signifieront les modifications, en faisant la comparaison des règles actuelles et de ce qu’elles seront, une fois que le projet de loi aura été adopté?

Si vous pouviez en donner des nouvelles à la greffière, ce serait bien.

M. McGowan : Je sais que nous avons des exemples. J’essaie seulement de me souvenir des meilleurs.

Le président : Monsieur McGowan, si vous pouviez fournir à la greffière les renseignements concernant les questions posées par la sénatrice Marshall le plus rapidement possible après la séance, s’il vous plaît.

Le sénateur Pratte : Concernant la pension à vie, elle remplace le programme relatif au montant forfaitaire, si je ne me trompe pas.

M. Leblanc : Oui, c’est notre interprétation.

Le sénateur Pratte : L’indemnisation pour souffrance et douleur va jusqu’à 1 550 $. Avons-nous la moindre idée du montant auquel s’établira le paiement moyen?

M. Leblanc : Je vous recommanderais de vous adresser aux responsables d’Anciens Combattants Canada pour vous assurer d’obtenir les bons renseignements.

Le sénateur Pratte : D’accord.

Quel est le coût attendu de cette mesure ou de ces mesures?

M. Leblanc : Nous pouvons le trouver ici, dans le budget. Compte tenu de ces prestations, de leur modification ou de leurs divers types, notre rôle consiste principalement à expliquer comment chacune devrait être imposée. En ce qui concerne les prestations en soi, simplement pour nous assurer que vous obtenez les meilleurs renseignements, nous nous en remettons à d’autres.

Le sénateur Pratte : Savez-vous si le coût augmentera comparativement à celui du programme actuel? Pourriez-vous nous fournir cette information?

M. Leblanc : Il vaut probablement mieux que nous trouvions les personnes qui peuvent vous donner la bonne réponse et que nous leur posions la question. Nous ne sommes tout simplement pas les experts en ce qui concerne cette mesure, à part pour ce qui est d’assurer le bon traitement fiscal.

M. McGowan : Exact. Les mesures prévues dans le projet de loi garantissent le bon traitement fiscal, mais je crois, quoique je n’en suis pas tout à fait certain…

Le sénateur Pratte : Le traitement fiscal approprié des mesures?

M. McGowan : Exact, les trois prestations. Selon moi, les mesures relatives au versement des prestations sont contenues ailleurs dans le projet de loi. Il faudrait que je vérifie.

Le président : Monsieur McGowan, avez-vous des responsables derrière vous qui peuvent répondre à cette question?

Le sénateur Pratte : Ce sont les représentants d’Anciens Combattants Canada qui pourraient le mieux répondre à ces questions n’est-ce pas?

M. Leblanc : Oui. Nous allons nous assurer de leur transmettre les questions.

Le président : De leur transmettre les questions et de nous fournir les réponses.

La sénatrice Eaton : Je veux aborder la disposition concernant la répartition du revenu.

Quand nous avons parcouru le pays pour tenir des séances sur certaines de ces parties, nous avons entendu le témoignage de beaucoup de gens du milieu agricole. L’agriculture est-elle exemptée des dispositions relatives à la répartition du revenu?

M. McGowan : Non, des exemptions précises sont prévues, en ce qui a trait aux entreprises agricoles, mais il y a un certain nombre d’exclusions qui, d’après nos attentes habituelles, s’appliqueront dans le contexte agricole.

La sénatrice Eaton : Oui. Il y a des précisions, je suppose.

Le budget instaurera-t-il un critère relatif au caractère raisonnable, lequel — je pense — a été soulevé plusieurs fois par d’autres représentants?

M. McGowan : Oui. Je serais heureux d’expliquer la règle de base en plus de formuler un commentaire sur certaines des précisions et des améliorations qui été apportées depuis la publication de la version de juillet 2017.

À la base des règles, il y a — comme vous l’avez dit — un critère relatif au caractère raisonnable.

La sénatrice Eaton : Plusieurs agriculteurs se sont mis à rire à l’idée que leur épouse ou leur enfant remplisse une feuille de temps en rentrant, après être allé nourrir les poulets ou traire les vaches. Il serait intéressant de voir comment cette disposition sera mise en œuvre. S’agit-il de documents ponctuels ou quotidiens, que les agriculteurs doivent envoyer avec leur déclaration de revenus? Comment cette mesure fonctionne-t-elle?

M. McGowan : Les règles comportent un certain nombre de volets. Simplement pour expliquer, d’un point de vue mécanique, la façon dont on pourrait appliquer la règle, son fonctionnement effectif est que, si l’impôt sur le revenu fractionné s’applique, il l’assujettit au taux d’imposition marginal le plus élevé, ce qui a pour but d’éliminer tout avantage lié au fractionnement et au transfert du revenu du contribuable assujetti au taux le plus élevé au contribuable assujetti à un taux inférieur. La mesure s’applique à l’égard de ce qu’on appelle le revenu fractionné, alors, les dividendes et les intérêts — des choses de ce genre — qui peuvent être transférés à une personne touchant un revenu inférieur.

Comme vous l’avez dit, un critère relatif au caractère raisonnable est à la base de cette mesure, et il s’agit d’une exclusion. Alors, l’impôt sur le revenu fractionné — ou IRF, comme nous l’appelons — ne s’appliquera pas dans la mesure où la somme que reçoit la personne est raisonnable.

J’aurais dû mentionner le fait que, pour que la règle s’applique, il doit y avoir une entreprise à partir de laquelle le revenu est transféré, et un membre de votre parenté doit participer aux activités de l’entreprise. Si aucun membre de votre parenté ne participe aux activités de votre entreprise, la mesure ne peut tout simplement s’appliquer à l’entreprise.

Si des membres de votre famille participent aux activités de votre entreprise et que vous touchez un revenu passif, un critère relatif au caractère raisonnable s’applique.

L’une des choses que nous avons entendues dans le cadre des consultations du mois de juillet, c’est que les contribuables voudraient obtenir une certitude supplémentaire, du point de vue de la façon dont s’applique le critère relatif au caractère raisonnable et de sa signification, éléments que nous avons révisés et clarifiés. Plus particulièrement, nous avons précisé le fait qu’il tient compte de la contribution relative des personnes concernées et qu’il n’exige pas une détermination absolue fondée sur la contribution que vous avez apportée et sur la somme que vous devriez recevoir. Il est fondé davantage sur votre propre contribution relative et sur celle des membres de votre parenté : le fractionnement du revenu est-il raisonnable?

Avant même d’arriver à ce critère, afin que vous puissiez fournir une certitude supplémentaire, on a prévu d’autres exclusions. Le critère du caractère raisonnable examine, essentiellement, vos contributions relatives sur le plan du travail et des capitaux à l’égard de l’entreprise.

Un cadre d’exclusion plus net qu’on a intégré pour offrir une plus grande certitude aux contribuables a trait au travail. Si vous donnez beaucoup de votre temps à une entreprise, vous êtes automatiquement exclu, et on jugerait que cela s’applique lorsque vous avez consacré…

La sénatrice Eaton : Donc, si nous dirigeons une petite entreprise familiale, nous serons exclus. Si nous travaillons tous les deux dans l’entreprise, nous n’avons pas besoin de satisfaire au critère du caractère raisonnable. Est-ce bien ce que vous dites?

M. McGowan : Je devrais ajouter que cela dépend de l’âge. Si vous avez moins de 18 ans, les règles existantes continuent de s’appliquer, donc cette exclusion ne serait pas offerte. Cependant, pour le groupe général des personnes de 25 ans et plus, pour les adultes, vous pourriez être automatiquement exclu si vous avez consacré beaucoup de votre temps au travail. On veut que ce soit un peu général et un peu flexible, mais c’est accompagné d’un critère de ligne de démarcation nette très particulier de 20 heures par semaine pendant toute la partie de l’année où l’entreprise exerce ses activités.

Vous avez posé une question au sujet des entreprises agricoles. Si vous avez une entreprise agricole qui fonctionne seulement pendant une partie de l’année, vous n’auriez donc qu’à satisfaire au critère des 20 heures par semaine pendant cette partie de l’année.

La sénatrice Eaton : Autrement dit, à la fin de l’année, si j’ai une entreprise agricole… J’en connais plusieurs qui emploient leurs enfants. Ils possèdent 3 000, 5 000 et 6 000 acres. Ils exploitent une entreprise laitière, ont quelques bovins de boucherie et vendent du foin à Ocala, en Floride, pour des chevaux de polo. Leur comptable verrait qu’ils contribuent tous, et ils n’auraient qu’une seule chose à faire, et il reviendrait à l’ARC de décider si c’était ou non raisonnable. En d’autres mots, ce n’est pas une chose continue, hebdomadaire.

M. McGowan : Je devrais dire que si vous satisfaites à ce dernier critère axé sur la contribution, les 20 heures par semaine, il n’y a aucun doute quant au caractère raisonnable. C’est en quelque sorte binaire. Vous consacrez 20 heures ou vous ne le faites pas.

L’interaction entre ces deux règles est d’une importance capitale pour comprendre le fonctionnement. Nous avons ces nouveaux critères de ligne de démarcation nette, et ils visent à représenter des cas où on présume que c’est raisonnable. Si vous satisfaites à ces critères de ligne de démarcation nette, vous n’avez pas à vous inquiéter de devoir même examiner le critère du caractère raisonnable. Vous consacrez plus de 20 heures par semaine. L’Agence du revenu du Canada ne va pas venir vous dire : « D’accord, vous avez tous les deux consacré 40 heures par semaine, mais je pense qu’une personne a contribué plus que l’autre, donc nous allons rajuster les impôts. » Cette mesure prévoit une exclusion en fonction de votre contribution de main-d’œuvre avant qu’on doive appliquer le critère du caractère raisonnable.

Cela dit, ce critère existe toujours. Si vous ne respectez pas une des exclusions plus nettes des règles, vous pouvez tout de même être exempté de l’impôt sur le revenu fractionné si ce que vous gagnez est raisonnable.

La sénatrice Eaton : Pouvez-vous nous donner une limite? Qu’est-ce qui est considéré comme raisonnable?

M. McGowan : C’est une détermination factuelle faite au cas par cas, où on examine tous les faits et, en particulier, les contributions relatives des deux personnes. L’Agence du revenu du Canada a publié des lignes directrices sur la façon dont elle appliquerait le critère.

Il n’y a pas de ligne de démarcation nette concernant ce qui est ou non raisonnable. Cette fonction devait faire partie du cadre d’exclusion net. Il y a l’exclusion touchant les entreprises exclues dont nous avons parlé, si vous accumulez, en moyenne, plus de 20 heures par semaine durant l’année ou durant l’une des cinq années précédentes. Si vous avez travaillé pendant 5, 10 ou 15 ans dans une entreprise, avez apporté une contribution de main-d’œuvre et choisissez de prendre votre retraite, ou si vous consacrez moins de 20 heures par semaine, vous continuerez d’être exclu en fonction de l’une des cinq années précédentes des contributions de main-d’œuvre. Cela devrait s’appliquer aux retraités et les aider.

Cela fournit une ligne de démarcation nette, mais le critère général du caractère raisonnable demeure si vous ne la respectez pas. Ce sont deux exclusions qui fonctionnent en parallèle. Ce n’est pas vrai que si vous ne respectez pas une ligne de démarcation nette, vous vous ferez automatiquement prendre. Vous pouvez tout de même démontrer le caractère raisonnable, et c’est de conception générale, donc cela peut s’appliquer dans les bonnes circonstances.

Pour ce qui est de l’autre cadre d’exclusion net, nous avons parlé de l’exclusion concernant le travail; on peut maintenant penser à celle-ci comme celle des capitaux. Cela s’applique lorsque vous détenez plus de 10 p. 100 des actions de la société qui exploite l’entreprise, pourvu que l’entreprise tire moins de 90 p. 100 de son revenu des services. Si l’ensemble de son revenu provient des services, on présume qu’une personne a des besoins en capitaux inférieurs. Et une autre exclusion qui a trait au travail pourrait être accessible dans le cas des entreprises à forte densité de main-d’œuvre.

En ce qui concerne cette exception des « actions exclues », elle s’applique lorsque vous détenez plus de 10 p. 100 des actions et qu’il s’agit presque exclusivement d’entreprises de services. Pour reprendre l’exemple de l’entreprise agricole, si vous avez une ferme qui vend des produits agricoles comme du lait ou quoi que ce soit d’autre, et que deux conjoints détiennent chacun 50 p. 100 ou, respectivement, 89 p. 100 et 11 p. 100 des actions, cette exclusion sera accessible. Dans ce cas, les dividendes reçus par tout conjoint particulier ne seraient pas soumis au critère du caractère raisonnable; vous seriez simplement exclu.

Excusez-moi si j’insiste sur ce point, mais il vaut la peine de répéter que si cette exclusion n’est pas offerte et que vous détenez, disons, moins de 10 p. 100 des actions ou si la société exploite une entreprise de services à 100 p. 100, cela ne veut pas dire que l’impôt sur le revenu fractionné s’applique automatiquement, parce que le critère du caractère raisonnable demeure en arrière-plan pour ceux qui ont 25 ans et plus. Cela vise à réagir aux critiques dont nous avons le plus entendu parler concernant l’absence de certitude liée au critère du caractère raisonnable tout en continuant de maintenir la flexibilité. Cette mesure le fait en fournissant un cadre d’exclusion plus net, mais elle maintient la flexibilité du critère du caractère raisonnable. Même si une ou plusieurs exclusions nettes ne sont pas respectées, vous pouvez toujours vous appuyer sur le critère du caractère raisonnable.

La sénatrice Eaton : Oui, merci. Je suppose que le critère du caractère raisonnable est subjectif. C’est quelqu’un qui est assis à l’ARC qui décide si vous êtes raisonnable ou non. Vous en avez expliqué une bonne partie.

La sénatrice Jaffer : J’aimerais poursuivre sur ce que la sénatrice Eaton demandait. Tous mes collègues le savent, mais juste pour que vous le sachiez, je suis propriétaire d’une ferme. J’aimerais mettre cartes sur table.

Je suis vraiment préoccupée par rapport au caractère raisonnable, parce que c’est subjectif. Vous n’avez pas répondu à la question de la sénatrice Eaton : pourquoi un mari, ou qui que ce soit, doit-il venir inscrire le nombre d’heures qu’il a travaillées. Comment cela fonctionnera-t-il?

Vous avez également utilisé les mots « 20 heures »; comment tiendrez-vous compte de cela? Je sais que 20 heures sont 20 heures, mais l’agriculture est saisonnière; c’est différent. Ce n’est pas 20 heures chaque semaine. Si vous avez des bleuets, ce n’est pas 20 heures par semaine pendant toute l’année. L’autre mot que vous avez utilisé, c’est « relatif ».

Pourriez-vous expliquer tout cela?

M. McGowan : Oui, j’en serais heureux.

Lorsque nous parlions des feuilles de temps, nous pensions à l’exclusion fondée sur le nombre d’heures. Il y a une exclusion nette précise de l’impôt sur le revenu fractionné si vous consacrez beaucoup de temps à une entreprise. Cela pourrait être moins de 20 heures par semaine, pourvu que ce soit significatif. Toutefois, il y a une règle de démarcation nette selon laquelle on considérera cela comme ayant été respecté si vous consacrez plus de 20 heures par semaine tout au long de la partie de l’année durant laquelle l’entreprise est exploitée.

Dans une entreprise agricole ou une entreprise saisonnière… Je ne veux certainement pas laisser entendre que toutes les activités agricoles sont saisonnières. Pour les exploitants de ferme laitière…

La sénatrice Jaffer : Et pour les producteurs d’œufs, et cetera.

M. McGowan : Exactement. Mais pour les entreprises saisonnières, c’est seulement durant la partie de l’année où l’entreprise est exploitée. Si vous atteignez ce seuil de 20 heures par semaine durant l’année ou durant l’une des cinq années précédentes, vous avez la certitude que, sans égard au caractère raisonnable ou à quoi que ce soit du genre, vous êtes exclu de l’impôt sur le revenu fractionné. Cela pourrait nécessiter un certain type de contrôle du temps. Cela pourrait probablement constituer une pratique exemplaire pour ce qui est de le prouver à l’Agence du revenu du Canada.

En principe, c’est semblable à l’exigence qui existe actuellement pour les employés, si vous versez un salaire à votre employé. Si vous versez un salaire à votre enfant pour qu’il travaille dans l’entreprise, celui-ci sera déductible uniquement dans la mesure où il est raisonnable. Souvent, vous faites le suivi du temps.

Si l’exclusion sur laquelle vous choisissez de vous fonder repose sur les 20 heures par semaine, alors ce serait raisonnable de faire le suivi du nombre d’heures travaillées, même si ça ne figure pas dans la législation; c’est déterminé lorsque vous traitez avec l’Agence du revenu du Canada.

Il importe cependant de se rappeler qu’il y a d’autres exclusions. J’ai mentionné le contexte agricole. Ce n’est pas une entreprise de services. Si chaque époux possède plus de 10 p. 100 des actions de l’entreprise, une autre exclusion s’applique automatiquement. Encore une fois, vous n’avez pas à vous en remettre au critère du caractère raisonnable.

Si vous vous fondez sur le critère du caractère raisonnable — et j’en viens à la partie de votre question concernant l’emploi du mot « relatif » —, il y a une exclusion fourre-tout plus générale où l’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliquera pas si ce que vous recevez est raisonnable. C’est raisonnable au regard des contributions relatives de vous-mêmes et — je parlerai de façon générale — de votre travail relatif dans l’entreprise. Cela pourrait être un conjoint ou un parent, par exemple.

Un commentaire que nous avons entendu dans le cadre des consultations, c’est que lorsque nous avons parlé du critère du caractère raisonnable, du rendement raisonnable, cela supposait un certain type de rendement objectif. Si je consacre 20 ou 25 heures par semaine, l’Agence du revenu du Canada viendrait examiner la valeur de nos compétences et ce que nous pourrions obtenir dans le marché ouvert et ferait peut-être une analyse des prix de transfert, que vous voyez dans le contexte de la fiscalité internationale. Vous devez déterminer ce qu’une personne indépendante aurait payé pour ces services.

Cela a également entraîné des préoccupations concernant les périodes où vous avez des rendements anormaux ou des rendements qui sont supérieurs à la normale. Si vous vendez votre entreprise ou obtenez un bénéfice exceptionnel — vous trouvez du pétrole sur votre propriété ou quelque chose du genre — qui dépasse ce qu’une personne vous paierait pour votre travail, on a soulevé la préoccupation concernant la façon dont on s’en occupe : l’impôt sur le revenu fractionné va-t-il toujours s’appliquer?

Nous nous efforçons de clarifier qu’il ne s’agit pas d’une détermination objective de la valeur de votre travail ou du rendement que vous obtiendrez sur votre capital. Si vous investissez 100 000 $ en actions ordinaires, le gouvernement n’a pas à déterminer ce qui est un rendement raisonnable pour des actions ordinaires ou des investissements en capitaux dans le contexte d’une entreprise. Il examine plutôt vos contributions relatives. Donc, si Pierre et moi étions dans la même famille, travaillions tous deux dans une entreprise et la vendions ou obtenions un rendement gigantesque qui était supérieur à ce que nous aurions pu prévoir… On ne cherche pas à obtenir un nombre absolu de ce qui est raisonnable. On dit seulement : « Eh bien, vous avez apporté des contributions relativement égales, et vous pouvez donc tirer un revenu relativement égal. » Cela ne nécessite pas une détermination plus complexe qui est axée sur les prix de transfert, qui peut souvent se révéler compliquée et prendre du temps dans le contexte de la fiscalité des sociétés internationales et multinationales. On examine surtout ce que vous mettez dans l’entreprise en ce qui concerne le travail et les capitaux et ce que vos parents ont mis dans l’entreprise en matière de travail et de capitaux, puis on examine les divisions du revenu que vous avez tiré de l’entreprise et si cela peut être considéré comme raisonnable.

Cela réduit le fardeau en matière de respect de la loi par rapport à l’analyse des prix de transfert exigée, qui préoccupait les contribuables. Cela offre aussi la possibilité de rendements « super normaux » et du traitement fiscal approprié dans ces cas.

De plus, si vous avez, disons, deux personnes de la même famille qui travaillent dans une entreprise ou pour une entreprise et qu’aucune d’entre elles ne contribue beaucoup — disons qu’elles ont reçu des actions ou en ont hérité —, c’est très bien, parce qu’elles ont apporté des contributions semblables à l’égard de l’entreprise. On regarde comment vous découpez la tarte, non pas sa taille.

Un dernier avantage lié à l’utilisation de ce concept, c’est qu’il s’aligne plus étroitement sur une règle existante au paragraphe 103(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’applique dans le contexte des partenariats. Dans le contexte des partenariats, il existe déjà depuis de nombreuses années une règle qui a trait à la ventilation des revenus et d’autres montants d’impôt d’un partenariat pour que l’on puisse voir s’ils sont affectés raisonnablement aux partenaires en fonction de leurs contributions en travail et en capitaux. Cette règle harmonise de plus près les règles de l’impôt sur le revenu fractionné avec les règles existantes qui s’appliquent au contexte des partenariats au sein desquels les contribuables vivent et travaillent depuis un certain nombre d’années.

La sénatrice Jaffer : Je sais qu’il est trop tard en ce qui a trait à la question du fractionnement de revenu, mais une des choses que nous avons entendues partout au pays était la suivante : avez-vous effectué une analyse sexospécifique? Qu’est-il arrivé au programme féministe du gouvernement, parce que l’on présume qu’une personne est le principal salarié et que l’autre est la personne qui contribue? Pour de nombreux couples du secteur agricole, les contributions sont égales. Une des choses que des propriétaires agricoles m’ont beaucoup dites d’où je viens, en Colombie-Britannique, c’est que ce n’est pas « lui » qui fait les choses et « elle » qui aide. Ce sont les deux qui font les choses. Comment allez-vous prendre tout cela en considération?

Je vous parle en tout respect. Je ne veux pas être impolie, mais les agriculteurs ont beaucoup de choses à faire. Évidemment, maintenant, vous les obligerez à tenir à jour plus de documents. C’est une frustration pour les agriculteurs. Bon, je l’ai dit.

Comment avez-vous appliqué l’analyse sexospécifique au fractionnement du revenu?

M. McGowan : Oui, nous avons bel et bien effectué une analyse sexospécifique.

La sénatrice Jaffer : Sommes-nous en mesure de la voir?

M. McGowan : Oui. On l’a incluse dans le Document d’information technique sur les mesures relatives à la répartition du revenu qui est paru en décembre.

La sénatrice Jaffer : Pourriez-vous en donner une copie à la greffière?

M. McGowan : Absolument. Vous verrez les conclusions de l’analyse sexospécifique dans ce document.

Nous en avons bel et bien fait une. C’est une analyse sexospécifique avancée. Ce n’est pas une chose simple, du type bon ou mauvais. Il y a assurément des nuances. Par exemple, si vous transférez un revenu à une personne qui gagne moins — et les règles ne présument pas du sexe de la personne qui gagne moins, même si nous pouvons examiner les données et dire que, plus souvent, c’est un cas plutôt que l’autre. Donc, les règles sont silencieuses par rapport au sexe dont il pourrait s’agir. Toutefois, si vous transférez un revenu à une personne qui gagne moins, par exemple, et que le contribuable cesse de le faire parce qu’un avantage fiscal est retiré, cela aurait pour effet de réduire un obstacle à l’intégration sur le marché du travail pour cette personne qui gagne moins. Plutôt que d’être imposé à un taux supérieur fondé sur le revenu s’il entrait sur le marché du travail, en raison de tout le revenu fractionné qui lui avait été transféré, il serait imposé à un taux marginal bien supérieur. Il y a donc un obstacle moindre à l’intégration sur le marché du travail pour la personne qui gagne moins.

Par ailleurs — et c’est une analyse nuancée —, dans la mesure où le revenu est en réalité transféré à cette personne et pas simplement sur papier et qu’il retourne dans le compte bancaire de la personne qui gagne plus, on se pose des questions économiques au sujet de l’indépendance économique et d’autres choses du genre. Tout cela pour dire que ce n’est pas simplement bon ou mauvais; c’est nuancé. Je crois que nous avons fait une analyse sexospécifique exhaustive sur la question. Vous pouvez voir les conclusions dans cette publication de décembre qui est parue en même temps que les révisions.

La sénatrice Jaffer : Si vous la fournissez à la greffière, elle nous la transmettra.

Le président : Pourriez-vous fournir cette information à la greffière? Je vous remercie.

La sénatrice Andreychuk : Je vais revenir sur ce dont parlaient la sénatrice Eaton et la sénatrice Jaffer.

Vous me dites maintenant que vous essayez de comprendre ce qui se passe au chapitre du fractionnement du revenu pour mieux examiner ce que sont les partenariats, le travail et les capitaux. Pourquoi?

Avant, j’aimerais dire que lorsqu’on a mis en place une bonne partie de ces dispositions à la fin des années 1970 et 1980, c’était pour faire reconnaître que les entreprises ne sont pas toutes pareilles. La discussion avait trait aux fermes familiales : le maintien de la ferme, la capacité de travailler comme unité. C’était un exercice d’enseignement pour les enfants. Il s’agissait de comprendre la crise que traversent habituellement les agriculteurs. Vous pouvez planifier votre semaine, mais les choses ne se passent pas ainsi. S’il pleut, vous êtes victimes de la pluie. Si l’un de vous tombe malade, quelqu’un d’autre doit le remplacer. Je me rappelle même les jours où des enfants étaient retenus pour aider et n’allaient pas à l’école. Donc, nous tentions d’encourager les enfants à aller à l’école et de ne pas faire cela.

Pourquoi s’efforce-t-on de former des sortes de partenariats plutôt que de reconnaître le caractère unique des petites entreprises, qui sont habituellement lancées par des familles et leur appartiennent? Elles veulent les céder. Qu’est-ce qui explique l’orientation différente?

M. McGowan : Je ne pense pas que l’intention qui sous-tend les règles initiales était nécessairement de les harmoniser avec le partenariat. Je pense plutôt qu’un des objectifs des révisions apportées au critère du caractère raisonnable en réaction à la proposition de juillet 2017 était de les harmoniser plus étroitement avec les règles s’appliquant aux partenariats et de fournir une certitude supplémentaire aux contribuables, parce que cela s’apparenterait à un système qui est en place depuis des années, a été administré et dont les gens connaissaient le fonctionnement. Donc, cela permettrait d’atténuer une partie de l’incertitude.

L’idée générale qui sous-tend les propositions sur le fractionnement du revenu, qui s’appuie sur l’impôt sur le revenu fractionné figurant à l’article 120.4 qui a été présenté, je pense, vers l’année 2000, vise à réagir à une situation où une personne qui gagne plus d’argent transfère en réalité son revenu à la personne qui gagne moins afin de pouvoir profiter des différences dans leur taux d’imposition marginal et d’atteindre une réduction globale des impôts qui est injuste par rapport à une personne qui n’a pas accès à ces possibilités de transfert. Les employés ne peuvent pas le faire; les salariés à revenu unique ne peuvent pas le faire.

En ce qui concerne les origines de cette mesure, cela remonte à bien loin. Vous pouvez remonter à la Commission d’enquête Carter sur la fiscalité. Elle avait étudié une des caractéristiques fondamentales de notre système d’imposition : quelle est l’unité de base appropriée pour l’imposition? Est-ce le particulier ou la famille? Notre système d’imposition en général — évidemment, il y a des exclusions — se tourne vers le particulier. Si vous avez un particulier qui gagne un revenu élevé par rapport à un autre qui gagne la même somme d’argent, l’idée générale, c’est qu’ils devraient payer sensiblement le même montant d’impôt. Ce transfert du revenu, qui n’est pas offert aux employés ou aux particuliers à revenu unique, à un conjoint qui gagne moins ou à n’importe quel nombre d’enfants adultes que vous avez, est injuste lorsque vous faites la comparaison entre des personnes dans des situations comparables.

Il s’agit davantage de la genèse, par rapport à une idée selon laquelle les règles en matière de partenariat sont si formidables que nous devrions les appliquer dans le contexte des sociétés. L’examen des règles touchant les partenariats a guidé notre conception de l’impôt sur le revenu fractionné, mais ce n’était pas le principal motif.

La sénatrice Andreychuk : Donc, on insiste toujours pour faire des employés les égaux des petites entreprises.

M. McGowan : Pas les égaux, mais on souhaite plutôt avoir…

La sénatrice Andreychuk : Je pense que le mot, c’était « plus proche ».

La sénatrice Cools : Semblables; la même chose; équivalents.

M. McGowan : Eh bien, on ne veut pas qu’ils soient équivalents. Évidemment, ils sont très différents. Si vous avez un employé qui gagne un revenu, il est imposé en fonction de ce revenu. Il y a un ensemble de règles dans la Loi de l’impôt qui procurent — je ne veux pas dire des avantages, parce que cela sous-entend un certain type d’injustice de par sa conception. Ce projet de loi prévoit des taux d’imposition inférieurs pour les sociétés et les entreprises. En outre, un certain nombre de déductions offertes aux entreprises ne sont pas offertes aux employés. Donc, il n’y a assurément aucune tentative d’harmoniser l’imposition des employés et des entreprises; le mode est simplement différent.

Vous pouvez aussi voir que le projet de loi réduit le taux d’imposition des petites entreprises, le faisant passer de 10,5 à 9 p. 100, ce qui accroît l’avantage qui consiste à avoir des sociétés privées sous contrôle canadien et à gérer votre entreprise par l’intermédiaire de celles-ci, ce qui permet de retenir davantage de capitaux dans la société pour l’aider à croître, chose qui est évidemment différente chez une personne qui gagne un revenu d’emploi.

Vous pouvez plutôt examiner le cas d’une personne qui gagne, disons, un demi-million de dollars et paie un certain montant d’impôt sur cette somme. Disons que cette personne gagne un revenu unique, n’a personne à qui le transférer, par rapport à une personne qui peut fractionner le revenu en le transférant à son conjoint qui ne travaille pas ou à ses enfants d’âge adulte. Cela entraîne des conséquences fiscales très différentes, quand, en réalité, dans les deux cas, vous avez la même personne qui reçoit la même rémunération pour ses services.

La sénatrice Andreychuk : C’est une expression intéressante, transférer le revenu, plutôt que de vous prévaloir du programme fiscal légitime.

Vous pouvez utiliser des mots comme « relatif », « important », « raisonnable », et cetera. Au bout du compte, tout relèvera du pouvoir discrétionnaire d’une certaine personne de l’ARC. Ces personnes sont-elles formées pour comprendre cela?

Ce que je comprends, c’est que si vous essayez de leur téléphoner, si vous êtes comptable... C’est ce qu’on m’a dit. Si je ne le comprends pas, je dois téléphoner à l’ARC, et on ne peut me donner la réponse sur le terrain. Les formez-vous pour qu’ils comprennent cela? Car, bien franchement, j’échouerais au test avec tout ce que vous m’avez dit aujourd’hui, et c’est probablement raisonnable, parce que je ne suis pas comptable. Mais je veux que les agriculteurs sachent ce qui leur arrive et je veux que les petites entreprises sachent cela, parce que cette anxiété liée au fait de ne pas savoir n’est pas utile, ni pour le gouvernement ni pour les petites entreprises.

Dans ce domaine, comment faites-vous une description de tâche dans une ferme familiale? Je peux décider d’aller sur le tracteur, et mon époux peut rester à l’intérieur, préparer le repas et aller conduire les enfants à l’école. C’est une entreprise conjointe que de faire fonctionner l’unité familiale, l’unité agricole. Et ce n’est pas saisonnier. La plupart des agriculteurs prennent des pauses — ils y ont droit —, mais il se passe toujours quelque chose sur la ferme. Ce ne sont pas seulement des récoltes et des semailles.

Qui va faire ces évaluations pour aider les agriculteurs à documenter une description de tâche? Vont-ils tenir des grands livres? C’est la question qu’on continue de me poser. Parce que cela n’a pas été prévu. Cela semble maintenant l’être.

M. McGowan : Merci de poser la question. Je vais essayer de passer en revue les points, mais si j’oublie quelque chose, veuillez me le rappeler.

Vous avez parlé au début d’un certain nombre de conditions générales, un critère lié au caractère raisonnable.

La sénatrice Andreychuk : Des termes discrétionnaires qui seraient définis par l’ARC.

M. McGowan : C’est exact. Donc, ce sont des termes généraux. « Vos contributions relatives peuvent-elles être raisonnables? Avez-vous apporté une contribution importante à l’entreprise? » Assurément, dans le contexte de la publication de juillet, nous avons entendu un certain nombre de commentaires et de préoccupations quant au fait de savoir si quelque chose serait raisonnable et relèverait du pouvoir discrétionnaire de l’ARC. Nous avons apporté un certain nombre d’améliorations aux règles dans une tentative de réagir à cette préoccupation, mais nous avons conservé une partie du langage flexible et plus général dans un but, je crois, très important.

Ce que nous avons fait, c’est mieux harmoniser les règles qui existaient depuis des années. Pour ce qui est des partenariats, nous en avions discuté, alors nous étions en terrain plus familier. Cependant, ce qui était plus important, c’est que nous avons misé sur des exclusions précises, et si les gens les respectent — s’ils travaillent 20 heures par semaine ou s’ils détiennent plus de 10 p. 100 des actions d’une société admissible —, alors, automatiquement, les règles ne s’appliquent pas. Il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire. Il n’y a pas de critère de raisonnabilité. Il n’est pas nécessaire de regarder les contributions relatives des membres de votre famille ou les descriptions de travail. L’impôt sur le revenu fractionné ne s’applique tout simplement pas pour les personnes qui respectent ces seuils précis.

Cependant, bien sûr, il existera des situations où on ne respecte pas ces seuils très clairs. Disons qu’une personne travaille 15 heures par semaine, mais que sa participation est tout de même importante et qu’elle offre tout de même beaucoup du point de vue de la main-d’œuvre ou des capitaux au sein de l’entreprise, eh bien, dans ces cas, nous avons pensé qu’il était important d’utiliser aussi un libellé plus général. Si une personne a participé de façon importante du point de vue de la main-d’œuvre — même si ce n’est pas 20 heures par semaine —, elle peut tout de même être exclue. Si son rendement est raisonnable — même si ni l’une ni l’autre des parts exclues ou des entreprises exclues ne s’applique —, elle peut tout de même bénéficier des exclusions.

On a donc à la fois l’avantage d’un critère précis visant clairement les personnes qui consacrent un certain nombre d’heures de travail ou qui possèdent un certain pourcentage du capital-actions. Cependant, si on prend le cas d’une ferme qui compte deux actionnaires à parts égales, dans le cas de cette exploitation agricole, l’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliquerait pas parce que la personne a vraisemblablement respecté l’exclusion liée aux actions exclues. Il y a plusieurs mesures et, selon moi, il faut les évaluer ensemble et en contexte.

Pour terminer, vous avez posé une question sur l’Agence du revenu du Canada. On parle là de lignes directrices claires. Il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire. Si les exclusions s’appliquent, alors aucun vérificateur de l’ARC ne peut évaluer le caractère raisonnable.

Un tel cadre constitue aussi un avantage secondaire. Au cours de la période de consultation, nous avons entendu la préoccupation de deux époux qui participaient chacun à leur façon à une entreprise. Pour reprendre cet exemple, il y avait, d’un côté, un médecin, et de l’autre, la personne responsable de la réception. Les deux travaillaient à temps plein pour l’entreprise ou, autrement dit, une personne s’occupe plutôt de la gestion d’arrière-guichet, et l’autre, plutôt des interactions avec les clients. Si les deux respectent le critère de l’entreprise exclue — ils travaillent tous les deux à temps plein, soit plus de 20 heures par semaine —, alors l’ARC n’évaluera pas les contributions relatives de l’un et l’autre. Ils sont tout simplement exclus.

L’Agence du revenu du Canada a produit des directives sur la façon dont les règles doivent être appliquées. Nous avons travaillé en collaboration avec elle à l’élaboration de ces lignes directrices. Elle continue de discuter avec les intervenants et de produire plus d’interprétations techniques. Comme je l’ai dit, les règles sont un peu plus harmonisées avec le régime fiscal actuel, et on profitera donc d’une certitude accrue à l’avenir.

La sénatrice Andreychuk : Pourquoi avoir choisi 24 ans?

M. McGowan : Il y a essentiellement trois catégories — peut-être quatre —, en ce qui a trait à l’impôt sur le revenu fractionné. Les règles actuelles qui ont été mises en place vers l’année 2000 s’appliquaient aux personnes âgées de moins de 18 ans. Pendant de nombreuses années, on a appelé communément ces mesures l’« impôt sur le revenu fractionné avec des mineurs », et ces mesures sont en grande partie préservées par ces modifications.

On ajoute deux ensembles de règles différents pour les personnes âgées de 18 à 24 ans et celles qui ont 25 ans et plus. Je vais réunir tous ceux qui sont âgés de 25 ans et plus dans la même catégorie, mais il y a une exclusion spéciale qui vise à reproduire les règles liées au fractionnement du revenu de pension. Ces règles peuvent s’appliquer aux personnes plus âgées, mais il y a donc en gros deux catégories supplémentaires, les 18 à 24 ans et les 25 ans et plus. Pour ce qui est des 18 à 24 ans, il s’agit d’une catégorie intermédiaire entre les mineurs et les plus vieux. On présume que tout revenu passif qu’ils gagnent est un revenu détourné assujetti à l’impôt sur le revenu fractionné avec des mineurs, et il en est ainsi conformément aux règles qui figurent actuellement dans la loi.

Les 18 à 24 ans sont ceux qui se trouvent entre les mineurs et les 25 ans et plus, et on présume qu’ils ont une pleine indépendance économique. L’exemple classique pourrait être un étudiant de niveau universitaire. Un arrangement fiscal qu’on voit souvent — et les données sont reflétées dans le texte du budget —, c’est le fait que, dès qu’une personne a 18 ans, elle commence à recevoir beaucoup plus de dividendes pendant qu’elle fréquente l’université. Il arrive couramment qu’un parent professionnel, comme un avocat, conserve des revenus dans une société et commence à verser des revenus à son enfant majeur.

Par conséquent, la catégorie des 18 à 24 ans est visée par beaucoup d’exclusions. Il n’y en a pas autant que pour les moins de 18 ans, mais les règles ne prévoient pas l’ensemble des exclusions auxquelles ont accès ceux qui ont plus de 25 ans, reflétant ainsi les différences présumées en ce qui concerne l’indépendance économique entre ces deux catégories.

Il s’agit, en quelque sorte, d’un point intermédiaire entre les 25 ans et plus et les 18 ans et moins.

Le président : Il y a un peu de confusion entre les catégories des moins de 18 ans, des 18 à 24 ans et des 25 ans et plus. Pouvez-vous nous fournir la nomenclature exacte utilisée dans le processus budgétaire et par l’ARC?

M. McGowan : L’impôt sur le revenu fractionné comporte un certain nombre d’exclusions — et je crois que toutes ces exclusions figurent dans la définition de revenu exonéré —, mais il y a donc une série d’exclusions liées à l’impôt sur le revenu fractionné. Certaines de ces exclusions s’appliquent seulement à certains groupes d’âge, et c’est donc là que vous trouverez l’information.

Prenons l’exemple de l’exclusion des actions exclues pour les personnes qui détiennent plus de 10 p. 100 d’une société. Cette exclusion est accessible aux personnes âgées de 25 ans et plus. Il y a une exclusion supplémentaire concernant l’apport de capitaux indépendants qui s’applique aux personnes âgées de 18 à 24 ans. Par conséquent, dans les règles et dans la liste des exclusions liées au revenu exclu, il y a tout simplement différentes exclusions qui s’appliquent selon l’âge de la personne.

Le président : Où pouvons-nous trouver cette information? Pouvez-vous fournir ces renseignements à la greffière? Je crois que c’est pertinent. Je ne veux pas qu’on reste dans une zone grise.

M. McGowan : C’est à l’article 13 du projet de loi. C’est dans la définition de « montant exclu ». Vous pouvez voir, au début, que chaque paragraphe concerne essentiellement une exclusion différente selon l’âge.

Le président : Monsieur McGowan, pouvez-vous préciser l’article où on peut trouver tout cela dans le projet de loi?

M. McGowan : Dans le projet de loi, c’est le paragraphe 13(1). Dans la Loi de l’impôt sur le revenu, ce serait le paragraphe 120.4(1), la définition de « montant exclu ». Cette définition contient la liste des exclusions de l’impôt sur le revenu fractionné, et certaines exclusions s’appliquent en fonction de l’âge de la personne.

Le président : Merci de cette précision. S’il y a d’autres questions, nous vous reviendrons sur cet aspect précis.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur McGowan, et merci, chers collègues. Je dois dire que, après les séances d’information d’hier et d’aujourd’hui, et malgré vos vaillants efforts, je suis encore perplexe au sujet de deux ou trois choses. Je me demande si ma confusion vient du fait que je compare des pommes à des oranges.

L’une des choses qui m’ont amené à comparer des pommes avec des oranges, relativement à la question du fractionnement du revenu, c’est que vous avez mentionné, en passant, le paiement du revenu passif. Il y a deux façons de sortir de l’argent d’une SPCC : au moyen de dividendes ou au moyen d’un salaire. Les revenus passifs peuvent ressembler à des dividendes; c’est comme un salaire pour lequel on ne travaille pas.

C’est ici que la confusion commence, pour moi, et je crois que c’est aussi la source de la confusion que certains d’entre nous ressentent. Je dis qu’on peut payer des dividendes à une personne qui le mérite parce qu’elle a travaillé fort pour bâtir l’entreprise ou parce qu’elle a fourni des capitaux.

On peut bien verser un salaire à quelqu’un qui ne travaille pas, comme une personne à Harvard, alors que l’entreprise est située à Edmonton. Il peut être utile de verser un salaire à un enfant de 18 ans, mais il ne serait pas approprié de le faire.

On peut verser un salaire à quelqu’un qui travaille réellement, ce que personne ne conteste, et on peut verser des dividendes à quelqu’un s’il travaille vraiment pour l’entreprise — un salaire — ou à quelqu’un qui a contribué raisonnablement au moyen d’un investissement.

Est-ce que c’est bien ça? Il me semble qu’il s’agit en fait de trouver la personne qui a investi de façon raisonnable et concrète. Cette personne pourrait être payée, même si elle ne travaille plus jamais; une personne qui a travaillé pendant 10 ans pour bâtir une entreprise et qui, à 65 ans, ne veut plus travailler, pourrait très bien être payée, et ce, de façon tout à fait légitime. Ce peut être aussi mon fils de 16 ans qui travaille vraiment. Ce sont là trois choses qu’on ne conteste pas, mais de quelle façon tout ça s’intègre-t-il à ce que vous dites sur les revenus passifs?

Je crois avoir presque compris, ne me décevez pas.

M. McGowan : En fait, vous avez plutôt raison. C’est un excellent point, et c’est quelque chose que j’ai dit tantôt. Vous avez tout à fait raison. Il y a différentes façons de sortir de l’argent d’une société. On peut le faire sous forme de dividendes ou de salaire.

Si on retire l’argent sous forme de salaire, il y a un ensemble de règles claires et de longue date dans la loi sur l’impôt qui précisent qu’on peut seulement obtenir une déduction pour des dépenses salariales raisonnables payées à un enfant, qu’il soit à Harvard ou ailleurs. Ces règles étaient là avant même que j’exerce ma profession.

On n’obtient des déductions que dans la mesure où elles sont raisonnables, et cette limite est importante, d’abord, parce qu’elle nous rappelle que la façon la plus facile d’éviter de payer de l’impôt sur un revenu fractionné consiste à verser un salaire : si c’est de cette façon qu’on retire des revenus de son entreprise et qu’on paie nos enfants, l’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliquera tout simplement pas parce que personne n’aura reçu de dividende ou aucun de ces autres types de revenu passif…

Le sénateur Mitchell : Mais il faut que les gens travaillent. On ne peut pas tout simplement les payer s’ils ne travaillent pas.

M. McGowan : C’est exact. Il y a cette restriction; c’est la raison pour laquelle des gens ont procédé à une planification fiscale qui faisait en sorte que, s’ils avaient un enfant qui étudie à Harvard et qui a plus de 18 ans et qu’ils voulaient lui verser un revenu tiré de l’entreprise, et bénéficier d’importantes économies fiscales, il était possible de verser des dividendes, qui, avant l’introduction de l’impôt sur le revenu fractionné, n’étaient pas assujettis à un critère de raisonnabilité.

Oui, vous avez tout à fait raison. Vous pouvez prendre l’argent sous forme de salaire. C’est la façon la plus simple et, j’imagine, la plus courante d’éviter l’impôt sur le revenu fractionné. Si on paie un salaire, il doit être raisonnable.

Si une personne décide plutôt de verser des dividendes ou des intérêts, même les intérêts doivent être raisonnables pour être déductibles. Cependant, si une personne verse plus de revenus passifs, alors l’impôt sur le revenu fractionné peut s’appliquer.

Le sénateur Mitchell : Donc, si une personne travaille vraiment, je peux la payer sans problème. Si vous payez vraiment des dividendes ou que vous avez vraiment fait un investissement, je peux vous verser des dividendes en conséquence. En outre, si vous avez vraiment fourni un apport de compétences dans l’entreprise il y a un certain temps pour bel et bien créer des actifs, je peux vous payer pour ça. C’est là où on en vient à ceux qui ont moins de 18 ans. Il est peu susceptible que ces personnes aient investi de l’argent dans l’entreprise. De 18 à 24 ans, c’est un peu plus probable, mais pas complètement, alors les règles sont un peu moins restrictives. Après l’âge de 24 ans, il pourrait vraiment y avoir de l’argent versé dans l’entreprise, et il est donc possible pour des personnes de toucher un revenu s’ils détiennent plus de 10 p. 100.

M. McGowan : Oui.

Le sénateur Mitchell : Ma prochaine question est liée à une confusion similaire, mais je crois que c’est tout simplement un problème terminologique. Il s’agit de l’équilibre entre les dividendes bonifiés et le crédit d’impôt réduit pour dividendes selon l’impôt payé au sein de la SPCC. J’imagine qu’on tourne encore ici autour de la question du revenu passif, parce que, si j’ai un revenu passif, je paie moins d’impôts. Si j’ai un revenu qui n’est pas passif, je paie plus d’impôts. C’est rajusté en conséquence lorsque je verse les dividendes en fonction du crédit d’impôt bonifié pour dividendes ou du crédit d’impôt réduit pour dividendes.

Là où je n’ai pas compris, c’est lorsque vous avez commencé à parler d’impôt remboursable. J’ai l’impression qu’il existe actuellement deux types d’impôt remboursable. D’un côté, il y a l’impôt remboursable lorsque je le paie; tout ça est versé dans un fonds commun et je le récupère dans certaines circonstances. L’autre type d’impôt, c’est un impôt où je n’ai pas gagné de revenu, mais même si je ne reçois pas de remboursement d’impôt, on me paie un impôt. C’est ce qu’on appelle un impôt remboursable, et c’est ce qui se passe avec la prestation pour enfants, par exemple.

Dans ce cas-ci, vous parliez du premier impôt remboursable. Pour une raison ou pour une autre, j’ai payé des impôts et je les récupère, maintenant, quand je paie. Je pensais que ce n’était pas une règle d’application générale. Je pensais qu’il y avait de tels impôts remboursables dans des cas très précis, qui concernaient des excédents de pensions, des fonds collectifs et ce genre de choses. Ai-je raison?

M. McGowan : Vous avez tout à fait raison. La terminologie est un peu confuse. J’admets que, moi-même, en tant qu’avocat fiscaliste ayant de l’expérience en fiscalité des sociétés et en fiscalité internationale, lorsque je suis arrivé au ministère des Finances, j’ai été dérouté par les différents types. L’Allocation canadienne pour enfants est considérée comme un excédent de perception d’impôts. La nouvelle Allocation canadienne pour les travailleurs est un impôt remboursable. On parle ainsi d’« impôt en main remboursable au titre de dividendes » et des impôts au titre de la partie IV, et il y a d’autres impôts remboursables dans le contexte des sociétés où une personne peut payer un impôt et le recevoir par la suite. Oui, malheureusement, certains termes se ressemblent, ce qui peut porter à confusion. Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Mitchell : C’est en cause dans le rajustement du crédit d’impôt bonifié pour dividendes et du crédit d’impôt pour dividendes normal?

M. McGowan : Exactement. Selon les règles, une société privée paie un impôt remboursable sur ses revenus de placement totaux. L’idée, de façon générale, c’est de fournir plus d’impôt remboursable afin d’éviter un possible avantage lié au report, lorsqu’on gagne de l’argent dans une société plutôt qu’en tant que particulier.

Il y a ensuite un impôt similaire au titre de la partie IV de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il est question ici de règles sur les dividendes inter-sociétés. Si une société bénéficie d’un tel impôt remboursable et qu’elle paie des dividendes à une autre société, elle peut obtenir un remboursement des impôts remboursables payés dans la société affichant un revenu inférieur. Cependant, ces dividendes versés à la deuxième société peuvent être assujettis à l’impôt au titre de la partie IV afin de prévenir, encore une fois, un avantage lié au report d’impôt. Dans ce contexte, il y a deux ou trois types différents d’impôt remboursable sur les sociétés.

Le sénateur Mitchell : Je comprends. Merci.

Le président : Demain soir, nous recevons des comptables, et il ne fait aucun doute, monsieur McGowan, qu’ils vous écoutent, vous et les représentants des Finances. Ils vont nous donner des exemples demain, et vous pourrez écouter ce qu’ils ont à dire sur les répercussions. Tout ça va probablement embrouiller le sénateur que je suis.

La sénatrice Cools : Monsieur le président, je ne serai pas ici à l’automne. Je propose que le comité entreprenne une étude complète et exhaustive de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je crois qu’il est grand temps qu’on le fasse.

Merci beaucoup d’être là, monsieur McGowan, monsieur Leblanc et madame Lavoie. Je vous ai écoutés assez attentivement, et je me suis rappelé l’œuvre de Mark Twain. Je suis sûre que vous connaissez son travail, Les Aventures de Huckleberry Finn et Les aventures de Tom Sawyer. Dans l’un de ces romans, il y a une petite fille noire, une esclave ou je ne sais trop. Quelqu’un tentait de découvrir qui elle était et d’où elle venait et elle a levé les yeux et a dit qu’elle avait grandi toute seule. J’ai l’impression que l’ARC a fait la même chose. Je suis désolée, mais ça m’est venu à l’esprit. C’est un très beau passage dans ces livres. Je les ai tous lus quand j’étais petite.

J’aimerais parler, si vous me le permettez, de quelque chose que je décrirais comme une question ou un enjeu moral, peut-être même une question ou un dilemme moral.

Je vous écoute depuis un certain temps, et j’ai l’impression que l’ARC ne fait que prendre de l’expansion lorsqu’elle en ressent le besoin. Elle prend de l’expansion dans certains secteurs, au besoin. Je vous ai assez bien écoutés. Vous avez utilisé les mots « raisonnable » et « raisonnabilité », mais de quelle façon définit-on ces termes, et qui crée les définitions?

Nous aimons tous penser que nous sommes des gens raisonnables, mais la vraie question morale que vous vous posez tout le temps dans vos observations est la suivante : quelles sont les limites à ce que les gouvernements prennent de l’argent dans les poches des gens? Quelle est la limite imposée aux gouvernements, et de quelle façon cette norme est-elle établie? Qui l’établit?

Parfois, c’est comme si ces personnes étaient les observateurs des deniers publics et il y a quelqu’un qui est là, qui regarde, qui jette un coup d’œil et qui est tout le temps en train de lire, d’étudier et qui dit : « Je crois qu’on peut imposer une taxe, ici, ou augmenter les montants, là » et ainsi de suite. J’ai toujours eu l’impression qu’il y a là un grand dieu du soleil ou de l’environnement ou je ne sais trop quoi qui agit de la sorte.

Je me demande si vous pourriez m’aider à comprendre et à saisir tout cela. La Loi de l’impôt sur le revenu a tout simplement grossi comme par enchantement.

M. McGowan : La Loi de l’impôt sur le revenu est bien sûr devenue plus étoffée. J’ai une copie sur mon bureau de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu de 1917. C’est un document beaucoup plus mince.

La sénatrice Cools : C’est exact. Lorsqu’on l’a adoptée, c’était censé être une mesure temporaire pour soutenir l’effort de guerre, mais on ne l’a jamais retirée par la suite.

Le président : Pouvez-vous préciser votre réponse à la question, s’il vous plaît?

M. McGowan : C’est tout à fait exact.

Pour ce qui est des taux et des limites d’imposition, elles sont établies par le Parlement. Pour les particuliers, nous avons un taux marginal de 33 p. 100.

Pour ce qui est du régime fiscal, je peux vous donner quelques exemples. C’est ce que nous constatons dans bon nombre des modifications proposées dans le projet de loi, des tentatives d’utiliser des mécanismes internes, et, je l’avoue, un peu complexes, de la Loi de l’impôt sur le revenu pour imposer des limites et prévoir des conséquences fiscales appropriées. Nous avons parlé tantôt de la réduction du taux d’imposition des petites entreprises, qui passe à 9 p. 100, ce qui entraîne des modifications subséquentes aux mécanismes de majoration des dividendes et aux crédits d’impôt connexes. L’objectif, ici, c’est de limiter l’impôt de façon à ce qu’on ne paie pas deux fois de l’impôt sur le même revenu. Les gens paient à peu près le même montant d’impôts, qu’ils gagnent leur revenu directement ou par l’intermédiaire d’une société.

Dans le cadre du mécanisme de majoration des dividendes et du crédit d’impôt qui accompagne la réduction du taux d’imposition des petites entreprises, une société paie un impôt des sociétés plus bas. Lorsqu’un dividende est versé à un actionnaire précis, le revenu de cet actionnaire est augmenté théoriquement, puis un crédit lui est accordé pour compenser l’impôt payé par la société. Ce mécanisme permet, essentiellement, de limiter les inégalités ou d’aider à s’assurer que, au bout du compte, l’impôt payé est le même, que l’argent soit gagné directement ou par l’intermédiaire d’une société. On procède ainsi — comme on le fait dans d’autres administrations — afin qu’il n’y ait pas de multiples niveaux d’imposition.

Il y a un certain nombre de mécanismes dans la loi visant à fournir des limites claires. Au bout du compte, toutefois, c’est quelque chose qui est établi par le législateur.

La sénatrice Cools : Bien sûr.

M. Leblanc : J’ai une brève observation à faire. Au fil du temps, si l’on considère les recettes fédérales totales en tant que pourcentage du PIB, cela fait longtemps qu’elles n’ont pas augmenté. Il y a eu une diminution de 1 ou 2 p. 100 du PIB au début des années 2000. Il y a une autre diminution au milieu des années 2000. Depuis, c’est assez constant. La part du gouvernement fédéral — ce qu’il retire, si vous voulez — en tant que pourcentage du PIB n’a pas vraiment changé.

La sénatrice Cools : Tout cela m’intéresse, parce que je sais que personne ne s’occupe de ses impôts lui-même. Cependant, il y a 20 ans, tous ceux que je connaissais faisaient cela eux-mêmes.

J’ai remarqué aussi la prolifération d’entreprises qui offrent leurs services aux Canadiens. On entend des publicités de diverses entreprises.

Cependant, le régime ou le système de l’impôt sur le revenu est devenu plus complexe, et les Canadiens s’en remettent maintenant à ces entreprises. C’est une dépense pour certaines personnes qui ne gagnent pas beaucoup d’argent, qui doivent payer 500 $ ou je ne sais combien, à l’une de ces entreprises pour qu’elle fasse leurs impôts.

Quelqu’un s’intéresse-t-il à cette situation, tandis que le système devient de plus en plus complexe? Quelqu’un se dit-il : « Pourquoi les gens doivent-ils payer de l’argent pour faire faire leur déclaration de revenus? »

M. Leblanc : Merci de la question. Vous avez soulevé une préoccupation importante. Notre cadre général lorsqu’on réfléchit aux mesures fiscales, c’est l’impact en ce qui concerne l’équité et l’égalité, les répercussions sur l’efficience économique ou la compétitivité. Bien sûr, quelle que soit la mesure fiscale, nous réfléchissons à son incidence sur la complexité générale du système fiscal, c’est-à-dire tant du côté du fardeau de conformité pour les particuliers ou les entreprises que du fardeau administratif pour le gouvernement. C’est assurément quelque chose dont on tient compte.

Vous avez mentionné le fardeau précis des personnes à faible revenu. Dans le budget de 2018, en nous appuyant sur une mesure du budget de 2016, nous avons prévu une importante expansion du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt. Ce programme s’appuie sur des bénévoles de partout au Canada qui aident les personnes à faible revenu à remplir leur déclaration de revenus gratuitement. On ne vise pas tout le monde, mais c’est une initiative importante.

Le président : Nous étudions avec diligence les articles 2 à 46 de l’onglet A de la partie 1 du projet de loi. Avant de partir, nous pourrions peut-être terminer la partie 1, afin que, cet après-midi, nous puissions commencer l’onglet F de la partie 6.

La sénatrice Marshall : J’en reviens aux impôts remboursables. Je ne veux pas entamer une longue discussion comme nous l’avons fait plus tôt, parce que je sais que le président m’interrompra. Cependant, dans les renseignements supplémentaires, il est indiqué, relativement au revenu d’investissement passif, sous la rubrique des impôts remboursables applicables au revenu de placement, que le gouvernement générera 1 milliard de dollars de plus sur cinq ans. Pouvez-vous nous dire quels changements ont été apportés pour que le gouvernement puisse générer ce milliard de dollars supplémentaire?

M. McGowan : Pour dire les choses simplement, ce changement relatif au paiement de dividendes admissibles pour le crédit d’impôt bonifié pour dividendes empêche les gens d’obtenir un impôt remboursable sur des revenus de placement. Les sociétés privées ne seront plus en mesure d’obtenir des remboursements d’impôt sur le revenu de placement tout en versant des dividendes admissibles au crédit d’impôt bonifié pour dividendes.

La sénatrice Marshall : Ces impôts remboursables ne seront pas remboursés? Est-ce, essentiellement, ce dont il s’agit?

M. McGowan : Le compte d’impôt remboursable demeure. Les sociétés peuvent être remboursées concernant le paiement de dividendes non admissibles.

La sénatrice Marshall : C’est possible, mais le gouvernement s’attend à ce que ce ne soit pas le cas.

M. McGowan : Ce n’est pas que ce sera bloqué de façon permanente ni que tout cela ne sera jamais récupéré, on tente plutôt de s’assurer que les sociétés ne peuvent pas obtenir le crédit bonifié en même temps.

La sénatrice Marshall : Vous dites donc qu’il s’agit d’une différence dans le temps, les sociétés vont présenter leur déclaration maintenant, mais les paiements se feront dans 10 ans? J’essaie de comprendre s’il s’agit d’impôts remboursables qui ne seront jamais remboursés.

Mme Lavoie : L’impôt remboursable continuera d’être remboursé.

Le changement fait en sorte que, lorsqu’on verse des dividendes admissibles, l’impôt remboursable ne pourra pas être récupéré à ce moment-là. On s’attend à ce que les sociétés choisissent de verser des dividendes non admissibles afin qu’elles puissent obtenir leur remboursement d’impôt, ce qui signifie qu’elles bénéficieront d’un traitement fiscal préférentiel.

Les répercussions que vous constatez, là, dans le tableau à l’annexe, ce sont principalement des répercussions sur les revenus du gouvernement au niveau des particuliers. À la réception de dividendes non admissibles, les actionnaires auront accès à un crédit d’impôt réduit pour dividendes comparativement à ce à quoi ils auraient eu droit s’il s’agissait de dividendes admissibles. Par conséquent, il y aura une augmentation de l’impôt perçu sur les dividendes au niveau des actionnaires. L’incidence prévue de tout cela est telle que vous pouvez le voir dans le tableau.

Toutefois, au sein de la société, le remboursement sera encore disponible. On s’attend à ce que les sociétés modifient leur comportement et versent plus de dividendes non admissibles afin d’avoir accès à leur remboursement, si elles ont un solde disponible.

La sénatrice Marshall : D’accord, merci.

Lorsqu’on parle des personnes qui investissent dans une entreprise, qui obtiennent des dividendes — et que les fonds obtenus seraient considérés comme des dividendes —, l’ARC n’évalue-t-elle pas la situation pour déterminer si la personne s’est vue donner de l’argent pour acheter des actions? Y a-t-il une différence en fonction de la source des fonds pour acheter les parts? Si un enfant investit dans votre entreprise et qu’il verse 100 000 $ dans l’entreprise de façon à pouvoir toucher des dividendes, l’ARC ne regarde-t-elle pas pour déterminer de quelle façon le jeune a obtenu l’argent pour obtenir les parts afin de déterminer s’il s’agit d’une transaction de bonne foi et si l’argent ne vient pas plutôt des parents?

M. McGowan : La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit un ensemble distinct de règles d’attribution qui tiennent compte de ce genre de considérations. Cependant, ces mesures sont distinctes de la mesure liée à l’impôt remboursable dans le projet de loi.

La sénatrice Marshall : Oui, je sais. D’accord.

Mon dernier commentaire, c’est celui que j’ai déjà soulevé au sujet des anciens combattants. Dans une note d’information que nous avons obtenue, il était question de l’allocation de reconnaissance pour aidants et il était indiqué que les prestations n’étaient pas imposables.

Pouvez-vous vérifier tout ça et nous le faire savoir? J’essaie de voir qui a préparé cette note d’information. C’est la Bibliothèque du Parlement.

M. Leblanc : Merci de la question, madame la sénatrice. Nous allons procéder à des vérifications. L’allocation de reconnaissance pour aidants était une mesure prise dans le budget de 2017, alors nous n’avons pas l’information ici. Nous ferons un suivi.

La sénatrice Marshall : Merci.

La sénatrice Jaffer : Je sais que le président vous remerciera, mais vous trois défendez quelque chose de difficile, et je respecte ce que vous faites. Nos déclarations ne s’adressent pas à vous. Vous ne faites que votre travail, mais c’est très frustrant pour nous et pour les gens que nous représentons. Vous dites que c’est complexe, mais qu’est-ce qui arrive aux gens qui ne baignent pas là-dedans? Vous vous y intéressez tout le temps.

Vous n’avez pas à réagir à ce commentaire.

Je veux obtenir une précision de votre part. Je n’ai pas très bien compris ce dont vous parliez lorsque vous mentionniez les gens qui n’ont pas le droit de vivre ici — si je vous ai bien compris — et qui obtiennent l’allocation pour enfants. Pouvez-vous m’expliquer tout ça à nouveau, s’il vous plaît? Qu’avez-vous dit?

M. Leblanc : Essentiellement, il y a une disposition. En général… Prenons l’Allocation canadienne pour enfants ou d’autres prestations similaires. Dans le cas de l’Allocation canadienne pour enfants, les critères d’admissibilité sont la citoyenneté canadienne, la résidence permanente, le statut de réfugié ou de certains types de personne protégée.

Disons qu’une personne est née à l’étranger, mais qu’elle possède tout de même son statut d’Indien au titre de la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Jaffer : Une personne née à l’étranger qui a le statut d’Indien?

M. Leblanc : Oui. Il y a des collectivités qui chevauchent la frontière, par exemple. Ces personnes ont droit à d’autres types de prestations au sein du système fédéral. Ils peuvent avoir accès à des choses comme l’assurance-emploi.

Essentiellement, nous avons fait en sorte en 2016 que ces personnes puissent être admissibles à l’Allocation canadienne pour enfants. C’est en quelque sorte une mesure corrective. Nous n’avons pas créé une mesure rétroactive pour que ces personnes soient admissibles à l’ancien système de prestation pour enfants. Cette mesure le permet.

La sénatrice Jaffer : Quelle était la raison d’être initiale pour indexer les paiements de l’Allocation canadienne pour enfants à compter de 2020? Pourquoi le gouvernement propose-t-il maintenant de commencer à l’indexer en date de juillet 2018?

M. Leblanc : Lorsque l’Allocation canadienne pour enfants a été présentée, en 2016, c’était un très gros investissement.

La sénatrice Jaffer : Oui, c’est vrai.

M. Leblanc : Il s’agissait également d’une augmentation assez importante des dépenses liées aux prestations pour les familles avec enfants. À ce moment-là, le gouvernement a dit : « D’accord, pour être prudents, nous allons attendre un peu avant de commencer à indexer l’allocation. » Étant donné la vigueur de l’économie, découlant en partie, selon nous, des dépenses de consommation accrues permises, entre autres, grâce à l’Allocation pour enfants, le gouvernement a considéré être en position de l’indexer plus rapidement. Lorsque les paiements pour l’année de prestation 2018-2019 commenceront, en juillet-2018, ils seront indexés à 1,5 p. 100 selon le même système d’indexation que pour le système fiscal.

La sénatrice Jaffer : Les familles ont-elles été consultées? Et quelle sera l’incidence sur les familles de la classe moyenne?

M. Leblanc : Les familles n’ont pas été consultées à proprement parler. Elles vont obtenir plus d’argent, alors nous espérons qu’elles seront heureuses.

Le président : Tandis que nous terminons la partie 1, je donne la parole à la sénatrice Eaton.

La sénatrice Eaton : Je vais passer à la partie 5. Quelle quantité de cannabis consommé au Canada sera…

La sénatrice Moncion : Nous en sommes à la partie 1.

La sénatrice Eaton : Je suis désolée. Dans ce cas-là, je vais réserver cette question.

Le président : Avant de partir, je tiens à vous remercier des renseignements que vous nous avez fournis.

Il y a une question que j’aimerais poser. Elle m’est venue lorsque j’ai entendu M. Leblanc parler de l’incidence sur le PIB. Le ministère a-t-il calculé le coût total de ces mesures? Il y a un coût et des revenus liés à ces mesures. Quels sont les revenus qui entrent, les dépenses et les revenus nets associés à ces mesures qui auront une incidence sur tous les Canadiens?

Si vous ne l’avez pas fait — et je pense aux répercussions, dans ce cas —, nous reprendrons la séance publique cet après-midi à 13 h 30, alors vous pourriez peut-être nous fournir une réponse?

Mme Lavoie : Les estimations des répercussions sur les revenus des mesures — si c’est ce dont vous parlez — figurent dans l’annexe du budget.

Le président : Pour le compte rendu, quels sont les revenus totaux qui entrent, les dépenses totales qui sortent et les revenus nets?

Mme Lavoie : Vous voulez dire pour l’ensemble du gouvernement?

Le président : Oui, de façon générale, pour toutes les mesures fiscales.

Mme Lavoie : C’est aussi dans le budget, alors nous pourrons vous fournir cette information.

Le président : Et vous nous la fournirez cet après-midi?

Mme Lavoie : Oui.

Le président : Merci.

Honorables sénateurs, je vous rappelle que nous allons tenir une deuxième réunion sur le projet de loi C-74 à 13 h 30, dans la salle 257 de l’édifice de l’Est.

(La séance est levée.)

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