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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 65 - Témoignages du 3 mai 2018


OTTAWA, le jeudi 3 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 13 h 33, pour poursuivre l’étude de la teneur complète du projet de loi

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, honorables sénatrices, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je voudrais également souhaiter la bienvenue à toutes les personnes présentes dans la salle ainsi qu’aux membres du public qui pourraient nous écouter à la télévision ou en ligne. Je m’appelle Percy Mockler. Je représente le Nouveau-Brunswick au Sénat, et je suis président du comité.

Maintenant, honorables sénateurs, je voudrais vous demander de vous présenter.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Je vous remercie.

Nous poursuivons cet après-midi notre étude de la teneur du projet de loi C-74 de concert avec des fonctionnaires de Finances Canada et d’autres ministères. Le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, est ce qu’on appelle un projet de loi d’exécution du budget.

Nous nous concentrerons aujourd’hui sur les sections de la partie 6 qui ont été renvoyées à notre comité, à savoir les sections 1, 3, 10, 11, 13, 14, 17 et 18. Comme vous le savez, les autres sections de la partie 6 ont été renvoyées pour étude préliminaire à sept autres comités sénatoriaux.

Pour entreprendre l’étude de la section 1 de la partie 6 portant sur la Loi sur la gestion des finances publiques, nous accueillons, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Sonya Read, directrice principale, Politique numérique. Madame Read, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Nous vous sommes reconnaissants de bien vouloir nous faire part de vos renseignements et observations.

Nous accueillons également, de Finances Canada, Marie-Josée Lambert, directrice, Société d’État et monnaie, Direction de la politique du secteur financier.

Je vous remercie toutes deux d’avoir accepté de comparaître devant le comité et de nous faire profiter de vos renseignements et observations.

Honorables sénateurs, nous allons demander à Mme Read et Mme Lambert de nous présenter de brefs exposés, puis de répondre aux questions des sénateurs. Ensuite, d’autres fonctionnaires nous donneront des détails sur la section 3, après que nous en aurons fini avec la section 1. Nous continuerons ainsi jusqu’à la section 18.

Nous en sommes donc à la section 1. Madame Read et madame Lambert, la parole est à vous.

[Français]

Sonya Read, directrice principale, Politique numérique, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci. Cette proposition vise à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques pour officialiser le rôle de dirigeant principal de l’information du Canada.

[Traduction]

Pour reconnaître l’importance fondamentale de la gestion de l’information et des technologies de l’information dans les opérations du gouvernement et l’amélioration constante des services offerts, cette section appuie une gouvernance pangouvernementale renforcée, de la même façon que la fonction de contrôleur général a appuyé la gestion financière et la fonction de dirigeant principal des ressources humaines l’a fait en matière de gestion des ressources humaines.

Les modifications proposées créent le poste de dirigeant principal de l’information du Canada, qui aura le statut d’administrateur général au Secrétariat du Conseil du Trésor, et autorisent le Conseil du Trésor à lui déléguer des pouvoirs et des attributions. On s’attend à ce que ces modifications favorisent l’amélioration de la gestion générale des technologies de l’information partout dans l’administration fédérale et appuient une meilleure mise en œuvre des projets fondés sur ces technologies.

Le président : Je vous remercie.

À vous, madame Lambert.

[Français]

Marie-Josée Lambert, directrice, Société d’État et monnaie, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Les modifications législatives proposées sont de nature technique et n’auront pas d’incidence sur la dette du gouvernement ou sur son déficit. Le gouvernement propose des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques afin de veiller à ce que les sociétés d’État soient en mesure de mettre en place les modifications comptables associées à la nouvelle norme internationale d’information financière, l’IFRS 16, pour les contrats de location sans excéder leur pouvoir législatif ou leur limite d’emprunt.

[Traduction]

Ces modifications législatives permettront aux sociétés d’État sans pouvoir d’emprunt de conclure des contrats de location dans le cadre de leurs opérations courantes. Elles auront besoin de l’approbation du ministre des Finances avant de signer un bail allant au-delà d’un certain seuil. Les limites d’emprunt fixées dans la loi excluent les baux. Je vous remercie.

La sénatrice Marshall : J’ai quelques questions à poser au sujet du poste de dirigeant principal de l’information. N’y a-t-il pas déjà un dirigeant principal de l’information? Nous faisons actuellement une étude de Phénix et avons constaté que certains des documents qui nous ont été fournis mentionnent un dirigeant principal de l’information. Y en a-t-il un déjà?

Mme Read : Oui, il y a un dirigeant principal de l’information au Conseil du Trésor. Les modifications législatives proposées ne font que rendre officielle cette fonction dans la Loi sur la gestion des finances publiques, à l’instar des fonctions de contrôleur général et de dirigeant principal des ressources humaines. Elles permettent au Conseil du Trésor de déléguer des pouvoirs au dirigeant principal de l’information.

La sénatrice Marshall : Est-ce que le titulaire actuel du poste sera maintenu dans ses fonctions une fois que la Loi sur la gestion des finances publiques aura été modifiée?

Mme Read : Je crois que c’est une décision faisant partie du processus de nomination.

La sénatrice Marshall : La documentation que nous avons reçue dit qu’il s’agira d’un poste supérieur dont le titulaire sera chargé de la gestion de l’information et des technologies de l’information. Ces attributions s’étendent-elles à des systèmes tels que Phénix et Services partagés, qui ont connu des problèmes dans les deux dernières années?

Mme Read : Oui. L’un des premiers rapports à le proposer est celui de l’examen indépendant de Services partagés Canada, qui avait eu lieu en 2016. Le motif invoqué est qu’un leadership renforcé contribuerait à une meilleure mise en œuvre des projets futurs dans le domaine des technologies de l’information.

La sénatrice Marshall : Il s’agirait donc d’un poste au niveau de sous-ministre, qui serait l’équivalent de celui de dirigeant principal des ressources humaines. Est-ce exact?

Mme Read : Oui, il serait au même niveau que le dirigeant principal des ressources humaines et le contrôleur général, avec statut d’administrateur général.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

Le sénateur Pratte : J’aimerais poursuivre dans la même veine. Quels pouvoirs seraient conférés au dirigeant principal de l’information à l’égard de Services partagés Canada?

Mme Read : Services partagés Canada est responsable de l’établissement d’infrastructures et de services en technologies de l’information. Le dirigeant principal de l’information est chargé d’appuyer le Conseil du Trésor dans la définition des priorités d’investissement et de donner des conseils, notamment en matière de normalisation des technologies de l’information et de gestion de l’information.

Le sénateur Pratte : À ma connaissance, Services partagés Canada a pour rôle d’encourager les ministères à adopter une approche uniforme de la technologie. Est-ce bien cela, du moins en partie?

Mme Read : Il s’agissait de regrouper beaucoup d’aspects de la technologie liés à l’infrastructure, de même que les centres de données. Toutefois, les applications qui tournent sur les grands ordinateurs, les logiciels ainsi que les investissements en programmes et en services relèvent toujours des ministères. Le rôle du dirigeant principal de l’information est d’aider à définir l’ordre de priorité de ces genres d’investissements et de contribuer à la normalisation dans l’administration fédérale.

Le sénateur Pratte : Est-ce que le dirigeant principal de l’information aura des employés? J’imagine que ce sera le cas.

Mme Read : Il y a déjà une Direction du dirigeant principal de l’information au Secrétariat du Conseil du Trésor.

Le sénateur Pratte : Compte-t-elle un important effectif?

Mme Read : Je ne connais pas l’effectif exact, mais je peux vous transmettre ce renseignement.

Le sénateur Pratte : Je vous en serais reconnaissant. Merci.

Le président : Les sénateurs ont-ils d’autres questions à poser?

[Français]

La sénatrice Moncion : Pourriez-vous nous parler un peu plus des impacts que l’IFRS 16 aura sur les états financiers du gouvernement?

Mme Lambert : Les changements sont de nature technique et n’auront aucune incidence sur la dette du gouvernement ou sur son déficit.

La sénatrice Moncion : De quelle façon allons-nous les voir à l’intérieur des états financiers?

Mme Lambert : C’est simplement une façon de catégoriser les baux de location des sociétés d’État. Cela n’affecte pas les états financiers du gouvernement.

La sénatrice Moncion : Il n’y a donc aucune incidence monétaire...

Mme Lambert : Non.

La sénatrice Moncion : ...parce que j’ai vécu d’autres IFRS qui ont eu de très grandes conséquences financières.

Mme Lambert : Dans ce cas-ci, il n’y en aura pas. Ce qu’on propose de faire, c’est d’ajuster légèrement les lois qui touchent les sociétés d’État afin que l’IFRS 16 ne nuise pas à leurs opérations quotidiennes, mais cela n’affecte aucunement les états financiers du gouvernement.

La sénatrice Moncion : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Je voudrais revenir sur la question du dirigeant principal de l’information. Nous sommes censés examiner minutieusement ces dispositions, mais les définitions et les opérations sont vraiment déroutantes. Je croyais comprendre ce qui se passait. J’avais l’impression qu’il y avait une certaine forme de coordination. Toutefois, vous dites qu’il y a encore des différences entre les ministères. J’imagine qu’ils exploiteront encore des systèmes. Dans ce cas, que fait le dirigeant principal de l’information? Doit-il s’assurer que le matériel utilisé est le même? Est-ce cela qu’il faut normaliser? Que fera-t-il qui puisse renforcer la cybersécurité, et cetera, s’il ne s’occupe ni des programmes ni de ce que font les ministères? Quel est donc son rôle?

Mme Read : Le dirigeant principal de l’information s’occupe de l’élaboration de normes relativement aux technologies et aux applications liées aux processus opérationnels. Cela aurait des incidences sur certaines décisions prises dans les ministères au sujet de la conformité avec ces normes. Son action favoriserait une meilleure connectivité entre les ministères ainsi que de plus grandes économies d’échelle grâce à la normalisation dans l’ensemble de l’administration fédérale, lorsqu’elle est possible. La normalisation ne se fera pas à 100 p. 100, mais je crois que l’idée est de promouvoir l’intégration, l’échange d’information et un meilleur alignement des investissements ministériels sur les priorités du gouvernement du Canada.

La sénatrice Andreychuk : Mais qu’est-ce que ce dirigeant principal a à voir avec l’élaboration de politiques sur l’échange d’information? En rétrospective, on se rend compte que la plupart des problèmes de sécurité sont dus au fait qu’on n’a pas fait les liens néca ‘a voiessaires, qu’on n’a pas fait les échanges d’information voulus et qu’on a travaillé sur des systèmes différents, même dans le système de justice pénale, lorsqu’une concertation est nécessaire entre les autorités fédérales et les provinces.

Le dirigeant principal de l’information est-il chargé d’une façon quelconque de cette coordination des politiques destinée à prévenir les lacunes ou bien son rôle est-il strictement limité au matériel?

Mme Read : La Direction du dirigeant principal de l’information est maintenant responsable de la politique des technologies de l’information et de la gestion de l’information au sein du gouvernement du Canada, autrement dit des politiques administratives du Conseil du Trésor. Il s’occupe aussi de la politique sur la sécurité, de la politique sur la protection de la vie privée et de l’accès à l’information. Il a donc des fonctions ayant trait aux politiques et à la coordination dans le cadre de la normalisation de la gestion des données et de la gestion de l’information, ainsi qu’à l’interopérabilité des données.

Il a aussi un rôle touchant la cybersécurité, de concert avec le Centre de la sécurité des télécommunications et Services partagés Canada.

La sénatrice Andreychuk : De qui relève le dirigeant principal de l’information?

Mme Read : Il rendra compte de ses activités au président du Conseil du Trésor par l’entremise du secrétaire du Conseil du Trésor.

La sénatrice Andreychuk : Par l’entremise du secrétaire?

Mme Read : Oui.

La sénatrice Marshall : Je ne suis pas trop sûre de comprendre. Si le dirigeant principal de l’information a un statut de sous-ministre, va-t-il rendre compte de son activité par l’entremise du secrétaire du Conseil du Trésor, qui est du même niveau?

Mme Read : Ce serait la même chose que pour le contrôleur général et le dirigeant principal des ressources humaines au Secrétariat du Conseil du Trésor.

La sénatrice Marshall : Relèvent-ils aussi du secrétaire?

Mme Read : Oui, le secrétaire est responsable de la coordination des opérations du Secrétariat du Conseil du Trésor.

La sénatrice Marshall : J’ai mentionné le fait que notre comité examine le système Phénix. Nous avons reçu beaucoup de documentation à son sujet. J’ai lu un document qui critiquait plus ou moins le dirigeant principal de l’information parce qu’il ne s’occupait pas suffisamment de Phénix. C’est pour cette raison que j’ai demandé si le poste existait déjà.

Je reprends donc la question que j’ai posée plus tôt. Dans quelle mesure le titulaire de ce poste s’occupe-t-il de l’élaboration de ces grands systèmes? Est-ce une simple question de politique, ou bien participe-t-il activement en veillant à ce que le projet progresse dans la bonne direction? Quel serait le rôle du titulaire? Éclairez-moi, je vous prie.

Mme Read : Le rôle serait renforcé, je pense. Le titulaire serait en contact avec les ministères assez tôt dans le processus d’élaboration des projets de TI.

La sénatrice Marshall : Ainsi, il participerait vraiment?

Mme Read : Oui. Le rôle serait renforcé au chapitre de la participation, de la supervision et de l’orientation de ces grands projets.

La sénatrice Marshall : D’accord. C’est à cela que je m’attendais. Merci beaucoup.

Le président : Madame Read et madame Lambert, merci beaucoup pour ces exposés.

Nous passons maintenant à l’onglet 3 du classeur. C’est la section 3 concernant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je demande aux personnes suivantes de venir s’asseoir à la table : de Santé Canada, Gigi Mandy, directrice exécutive, Direction générale de la politique stratégique, Division de la Loi canadienne sur la santé et, de Finances Canada, Galen Countryman, directeur, Division de la politique sociale, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale.

Je vous remercie tous deux de votre présence. Je demande à Mme Mandy de présenter ses observations. M. Countryman suivra.

Gigi Mandy, directrice exécutive, Direction générale de la politique stratégique, Division de la Loi canadienne sur la santé, Santé Canada : En fait, c’est M. Countryman qui présentera tout l’exposé préliminaire.

Le président : D’accord. Monsieur Countryman, la parole est à vous.

Galen Countryman, directeur général, Division de la politique sociale, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances Canada : Je vous remercie. Je vais commencer par corriger le titre de mon poste. Il semble bien que les listes des Services d’annuaires gouvernementaux ne soient pas à jour. Je suis en fait directeur général de la Division des relations fédérales-provinciales à la Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale de Finances Canada.

Cela dit, je suis heureux de comparaître aujourd’hui pour vous parler des deux volets de la section 3 de la partie 6 du projet de loi C-74.

Le premier volet comprend des dispositions de renouvellement de la péréquation et de la formule de financement des territoires pour les cinq prochaines années. Le second inscrit dans la loi une nouvelle politique de remboursement des déductions du Transfert canadien en matière de santé effectuées en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur la santé relatives à la surfacturation et aux frais modérateurs.

Le pouvoir ministériel de versement des paiements de la péréquation et de la formule de financement des territoires arrive à expiration le 31 mars 2019. Le projet de loi propose de reconduire les deux programmes pour une période de cinq ans allant du 1er avril 2019 au 31 mars 2024.

[Français]

La péréquation est le principal programme de transfert du gouvernement du Canada visant à réduire les disparités fiscales entre les provinces. La péréquation permet aux gouvernements provinciaux moins prospères d’offrir à leurs résidents des services publics qui sont raisonnablement comparables à ceux des autres provinces à des niveaux d’imposition relativement comparables.

De même, la formule de financement des territoires prévoit un financement pour permettre aux gouvernements territoriaux d’offrir une gamme de services publics comparables à ceux offerts par les gouvernements provinciaux à des niveaux d’imposition comparables, compte tenu des coûts plus élevés de la prestation de programmes et de services dans le Nord.

[Traduction]

Après avoir consulté les gouvernements provinciaux et territoriaux, le gouvernement propose de reconduire la formule de financement des territoires pour une période de cinq ans commençant le 1er avril 2019. Des modifications techniques seront apportées par voie réglementaire pour améliorer la précision et l’efficacité du calcul des montants dus.

Le gouvernement propose également de verser un paiement annuel de transition au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest pendant la même période afin de compenser les effets négatifs prévus des changements apportés à la formule de financement des territoires.

En ce qui concerne la politique de remboursement, le gouvernement propose de modifier la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces pour autoriser le remboursement de montants déduits du Transfert canadien en matière de santé d’une province ou d’un territoire, conformément aux directives de la ministre de la Santé, par suite de violations des dispositions de la Loi canadienne sur la santé liées à la surfacturation et aux frais modérateurs.

En vertu de la loi actuelle, la ministre de la Santé peut demander au ministre des Finances de déduire certains montants du Transfert canadien en matière de santé d’une province ou d’un territoire qui permet la surfacturation et les frais modérateurs dans la prestation de soins de santé publique. Cette modification permettra à la ministre de la Santé d’ordonner le remboursement de la déduction effectuée sur le TCS lorsqu’une province ou un territoire a pris des mesures pour aligner son système public de soins de santé sur les principes de la Loi canadienne sur la santé. Les dispositions proposées représentent un incitatif fiscal pour les administrations qui ont adopté les mesures nécessaires afin de régler des problèmes de non-conformité.

Ma collègue et moi serons maintenant heureux de répondre aux questions.

Le président : Merci. Avant de donner la parole à la sénatrice Marshall, je voudrais demander à la sénatrice Jaffer et à la sénatrice Cools de se présenter.

La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le président. Je suis Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Cools : Bonjour. Je suis Anne Cools, sénatrice de Toronto. Je m’excuse d’être un peu en retard. Je suis très occupée, beaucoup trop occupée.

La sénatrice Marshall : Je remercie les témoins de leur présence au comité.

D’après les notes d’information que nous avons reçues, il y a eu des consultations avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Cela signifie-t-il que toutes les provinces ont accepté les changements, ou simplement que des consultations ont eu lieu et que leur agrément n’est pas vraiment nécessaire?

M. Countryman : C’est une bonne question. Oui, nous avons eu des consultations au niveau des fonctionnaires pendant un certain nombre d’années, lors de l’élaboration des modifications techniques que nous proposerons par voie réglementaire. Les changements ont fait l’objet de discussions au niveau ministériel à la réunion fédérale-provinciale des ministres des Finances de décembre 2017.

Je dirais que les provinces et les territoires n’ont pas formulé d’objections aux modifications techniques proposées.

La sénatrice Marshall : Les modifications sont-elles toutes favorables aux provinces ou bien ont-elles des effets variés?

M. Countryman : Les effets seraient variés. Le programme de la péréquation a une enveloppe fixe qui augmente avec le produit intérieur brut, mais l’enveloppe est fixe au total. Quand on apporte de petits rajustements aux éléments de la formule de péréquation, la part d’une province peut augmenter tandis que celle d’une autre diminue. Les effets sont donc variés selon la province.

La tendance générale est que l’Ontario reçoit de moins en moins de paiements de péréquation. Quand on combine ce facteur à la croissance du programme, il est difficile de dire si, dans l’ensemble, une province verra ses paiements augmenter ou diminuer d’une année à l’autre.

La sénatrice Marshall : Je représente Terre-Neuve-et-Labrador. Pouvez-vous me dire quels seront les effets sur cette province?

M. Countryman : À l’heure actuelle, Terre-Neuve-et-Labrador ne reçoit pas de paiements de péréquation.

La sénatrice Marshall : C’est exact.

M. Countryman : Avec ces modifications, nous ne prévoyons pas de changement de la situation de la province.

La sénatrice Marshall : Elle ne subira donc aucun effet?

M. Countryman : Non, les modifications ne changeront rien au fait que Terre-Neuve-et-Labrador ne reçoit aujourd’hui aucun paiement de péréquation.

La sénatrice Marshall : D’accord. Merci beaucoup.

Le sénateur Pratte : Au chapitre de la péréquation, les territoires recevront des paiements de transition parce que la péréquation représente une importante part de leur budget. Je crois que c’est le motif des modifications.

Pourriez-vous fournir au comité un relevé des effets des modifications techniques sur les provinces?

M. Countryman : Cela pourrait être difficile. Bien entendu, nous avons établi des estimations de ces effets en fonction des données actuelles. Ces modifications n’entreront pas en vigueur avant l’exercice 2019-2020. Par conséquent, nous ne connaîtrons pas les effets précis sur les provinces avant d’avoir les données et d’avoir fait les calculs pour cet exercice.

Le sénateur Pratte : Mais vous les connaissez déjà, parce que la péréquation ne constitue pas une très grande part de leur budget.

M. Countryman : Oui, nous savons cela. Comme je l’ai dit, nous avons évidemment fait des estimations. Je peux vous fournir les résultats de nos calculs pour l’exercice, mais il ne s’agira que de chiffres estimatifs. Ce ne seront pas les effets réels.

Le sénateur Pratte : Cela nous serait quand même utile. Je vous remercie.

Au sujet du Transfert canadien en matière de santé, il y a eu des cas où le Canada a déduit des montants parce que certaines provinces ont permis la surfacturation. Dans le passé, y a-t-il eu des cas où le gouvernement a décidé de rembourser les provinces en cause une fois qu’elles ont cessé de le faire?

Mme Mandy : Oui, cela est déjà arrivé. Des sanctions avaient été prises contre le Québec pendant les deux derniers exercices à cause de la surfacturation et des frais modérateurs. Les déductions s’étaient alors élevées à environ 10 millions de dollars. Une fois au courant des faits, la ministre fédérale de la Santé a été obligée d’ordonner un prélèvement sur le Transfert canadien en matière de santé.

Toutefois, comme les déductions sont effectuées à l’égard de faits remontant à deux ans plus tôt, le Québec avait déjà pris des mesures correctives et éliminé les frais en cause lorsque la déduction a été faite. Compte tenu de la situation, les montants déduits ont été remboursés à la province.

Cela s’est produit deux années de suite. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous proposons de prévoir officiellement ce remboursement dans la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces : lorsqu’une province prend des mesures correctives, elle peut être remboursée. Je dois dire que, dans le cas des remboursements accordés au Québec, il a fallu recourir à un autre mécanisme.

Le sénateur Pratte : Vous rendez donc officielle une chose qui est déjà faite.

Mme Mandy : C’est exact.

Le sénateur Pratte : Rien n’a changé à l’article 25. La réduction du paiement de transfert demeure facultative pour le gouvernement fédéral. Il n’est pas obligé d’agir dans ce cas.

Mme Mandy : C’est exact. Le ministre des Finances réduit les paiements sur réception d’un certificat de la ministre de la Santé lui demandant de le faire.

Le sénateur Pratte : Le mot clé reste donc « peut ». La ministre peut réduire les paiements.

M. Countryman : Je ne me souviens pas du libellé exact, mais je ne crois pas qu’il ait été modifié. Les dispositions de la loi concernant les déductions sont restées les mêmes.

La sénatrice Jaffer : Ces modifications techniques ont-elles fait l’objet de consultations avec les provinces?

M. Countryman : Nous avons tenu des consultations avec les fonctionnaires provinciaux sur toutes ces modifications techniques.

La sénatrice Jaffer : Avez-vous reçu des réactions officielles des provinces?

M. Countryman : Nous avons reçu des réactions à toutes les modifications techniques nous disant si les provinces les appuyaient ou si elles n’y voyaient pas d’inconvénients. À la réunion des ministres des Finances, les quatre changements proposés n’ont pas suscité de préoccupations importantes.

La sénatrice Jaffer : Y a-t-il une province qui ne se conforme pas aux dispositions relatives au Transfert canadien en matière de santé?

Mme Mandy : Il y a toujours des questions qui se posent. Il est parfois facile de les régler sans recourir à des déductions. L’année dernière, des montants ont été prélevés sur le transfert de deux provinces qui ne s’étaient pas parfaitement conformées aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

La sénatrice Jaffer : Avez-vous réussi à régler les problèmes?

Mme Mandy : Nous l’avons fait dans le cas d’une province, et nous sommes en bonne voie de le faire dans le cas de l’autre.

La sénatrice Jaffer : Grâce à cette modification, vous pourrez rembourser la province plus tard.

Mme Mandy : C’est exact. Une fois que la province a pris des mesures correctives pour éliminer le problème qui a entraîné la déduction, elle reçoit un remboursement.

La sénatrice Jaffer : Cela est-il limité à l’exercice courant, ou bien peut-on le faire plus tard?

Mme Mandy : Cela peut se faire dans l’exercice au cours duquel la déduction a été effectuée ou dans les deux exercices suivants.

Le président : Je vous remercie, monsieur Countryman et madame Mandy.

Sénateurs, nous allons maintenant inviter M. Christian Sylvain à nous parler de la section 10, articles 250 à 256, concernant les Instituts de recherche en santé du Canada. C’est à l’onglet 10.

[Français]

Christian Sylvain est directeur général, Affaires générales et gouvernementales.

Christian Sylvain, directeur général, Affaires générales et gouvernementales, Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) : Nous n’avons qu’un seul représentant aujourd’hui.

Le président : Monsieur Sylvain, la parole est à vous.

M. Sylvain : Je serai assez bref. Pour ceux qui connaissent moins les Instituts de recherche en santé du Canada, comme le nom l’indique, il s’agit d’un organisme fédéral qui finance la recherche dans les universités et les hôpitaux universitaires du Canada. C’est une agence gouvernementale. Elle est dotée d’un budget de 1,1 milliard de dollars par année.

[Traduction]

Trois modifications de la Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada sont proposées dans le projet de loi C-74. Je vais vous les décrire très brièvement.

La première établit une nette distinction entre les rôles du président et du président du conseil d’administration. À l’heure actuelle, les deux fonctions sont combinées et sont remplies par la même personne. Je parle des articles 250 et 251 de la loi.

La deuxième modification vise à simplifier la description des attributions du conseil en matière de définition des politiques et à préciser à qui certains pouvoirs du conseil d’administration peuvent être délégués. Ce sont les articles 253, 254 et 255.

La troisième modification vise à faciliter la compréhension de la version française de la loi. Le mot « président » est utilisé pour désigner tant le premier dirigeant que le président du conseil d’administration. Il fallait donc préciser le sens de la version française de la loi. Cela est réalisé dans les articles 252 et 256.

Je crois que ces changements contribueront à l’amélioration et à la modernisation de la gouvernance des IRSC. Je serais maintenant heureux de répondre à des questions concernant ces modifications.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie. Quel poste deviendra vacant?

M. Sylvain : Le poste de président du conseil d’administration est actuellement vacant. C’est le nouveau poste qui doit être créé. À l’heure actuelle, le président des IRSC est à la fois premier dirigeant et président du conseil d’administration.

La sénatrice Marshall : Le président garde les fonctions de premier dirigeant. Ainsi, vous êtes à la recherche d’un nouveau président du conseil d’administration?

M. Sylvain : C’est exact.

La sénatrice Marshall : C’est ce que je voulais savoir. Je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : La sénatrice Marshall a posé cette question. Si j’ai bien compris, le projet de loi vise à séparer les fonctions de président des Instituts de recherche en santé du Canada de celles de président du conseil d’administration. Ce changement aurait-il des effets sur la rémunération? Pourquoi le fait-on?

M. Sylvain : Lorsque les IRSC ont été créés en 2000, les deux rôles avaient été combinés pour aider le dirigeant de l’organisation, qui était nouveau à l’époque, à agir efficacement au sein de la grande communauté des chercheurs en santé du Canada. En 2018, on estime qu’il ne convient plus d’avoir un premier dirigeant qui n’a de comptes à rendre qu’à lui-même à titre de président du conseil d’administration. Nous avons donc séparé les deux fonctions pour nous aligner sur les pratiques exemplaires des agences du secteur public et d’autres organismes.

La sénatrice Jaffer : Les fonctions prévues à l’article 14 prévoient-elles un plus grand rôle en matière de définition des politiques?

M. Sylvain : Non, c’est juste que le mot « politiques » apparaissait deux fois à l’article 14, aux alinéas a) et g), ce qui pouvait occasionner une certaine confusion. Les deux dispositions ont été combinées, dans le but de simplifier le libellé, afin d’autoriser le conseil d’administration à s’occuper de toutes les politiques produites par les instituts.

La sénatrice Jaffer : Les nominations sont faites par…

M. Sylvain : Parlez-vous de la nomination du président du conseil d’administration? Elle relève du gouverneur en conseil.

La sénatrice Andreychuk : Vous séparez les deux fonctions. Le gouvernement fait les nominations et assure le financement. Je crois qu’il y a aussi des sources de financement extérieures, mais je n’en suis pas tout à fait sûre. Établissent-ils leurs propres politiques? Une fois les fonctions séparées, qui prendra l’initiative des recherches? Les recherches à effectuer et les méthodes correspondantes sont-elles choisies indépendamment du gouvernement?

M. Sylvain : Toutes les recherches financées par les instituts sont choisies par des pairs. Autrement dit, d’autres scientifiques du pays recommandent aux instituts les études à financer. Les membres du conseil d’administration n’ont accès ni à ces renseignements ni aux décisions prises. Le gouverneur en conseil définit la stratégie générale de l’organisation et veille à une supervision adéquate de ses activités.

Le cumul actuel des deux fonctions permet au premier dirigeant de l’organisation d’être aussi le président du conseil d’administration, ce qui affaiblit ce rôle de supervision dans le mode moderne de gouvernance que nous souhaitons voir en 2018. C’est le motif de la séparation recommandée.

La sénatrice Andreychuk : Ma question était la suivante : le gouvernement a-t-il son mot à dire sur l’orientation de l’organisation, ou bien y a-t-il des règles à suivre à cet égard? Je comprends bien qu’il y a des évaluations par les pairs et ainsi de suite, mais la décision de financer une recherche est-elle prise en toute indépendance par rapport au gouvernement?

M. Sylvain : Je dirais que les décisions sont absolument indépendantes de la volonté du gouvernement. Cela n’empêche pas l’organisation de chercher des moyens de contrôler la capacité de la communauté des chercheurs de servir l’intérêt public grâce à des arrangements avec un organisme gouvernemental.

Je vais vous donner un exemple. Nous savons que beaucoup d’anciens combattants souffrent du trouble de stress post-traumatique. Nous travaillons donc de concert avec Anciens Combattants Canada pour essayer d’orienter nos capacités de recherche dans cette direction. Cela ne signifie pas que des politiciens nous ont demandé de le faire, même s’il y a un lien à cet égard. De toute façon, toutes les décisions prises par les IRSC sont indépendantes du gouvernement et de la ministre de la Santé, par l’entremise de laquelle nous rendons compte de nos activités au Parlement.

[Français]

La sénatrice Moncion : J’ai cherché sur le site pour savoir combien de personnes siégeaient au conseil d’administration.

M. Sylvain : Il y en a 18.

La sénatrice Moncion : Votre directeur général était aussi président et chef de la direction?

M. Sylvain : Exactement.

La sénatrice Moncion : Il occupe maintenant le poste de chef de la direction, et vous cherchez un président. Est-ce que le poste de président est rémunéré?

M. Sylvain : Le président du conseil d’administration n’est pas rémunéré.

Le président : Merci, monsieur sylvain.

J’invite maintenant Mme Jeannine Ritchot à prendre place.

[Traduction]

Du Secrétariat du Conseil du Trésor, nous avons Jeannine Ritchot, directrice exécutive, Coopération en matière de réglementation, Secrétariat des affaires réglementaires.

Honorables sénateurs, Mme Ritchot va nous donner des explications au sujet de l’onglet 11, concernant la section 11, relative à la Loi sur la réduction de la paperasse, articles 257 à 264.

[Français]

Madame Ritchot, la parole est à vous.

Jeannine Ritchot, directrice exécutive, Coopération en matière de réglementation, Secrétariat des Affaires réglementaires, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, monsieur le président. Je peux vous dire qu’il y a 20 ans, j’étais page, ici au Sénat. C’est un grand plaisir pour moi d’être de retour dans la magnifique salle des Peuples autochtones.

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la Loi sur la réduction de la paperasse, dont le but est de contrôler le fardeau administratif des entreprises du Canada. Cette loi, mise en œuvre en 2015, applique une règle que nous appelons la règle du « un pour un ».

[Traduction]

En anglais, c’est la règle du « one-for-one ».

Cette règle a deux aspects, conçus tous deux pour réduire le fardeau administratif. Le premier aspect, c’est que chaque fois qu’un organisme de réglementation adopte un règlement imposant une charge administrative, c’est-à-dire de la paperasse pour les petites entreprises, il doit en éliminer un autre. Autrement dit, chaque fois qu’un organisme adopte un nouveau règlement, il doit supprimer un autre de ses propres règlements et alléger d’autant le fardeau administratif de l’ensemble de son stock réglementaire. Il doit donc à la fois supprimer un titre et réduire la charge administrative qui occasionne des frais.

[Français]

Depuis 2015, nous avons vu une réduction du fardeau administratif de 30,1 millions de dollars et nous avons retiré 120 règlements de la réglementation canadienne.

[Traduction]

Ces mesures ont eu des effets sensibles sur les petites entreprises.

À l’heure actuelle, la loi ne s’applique qu’aux règlements adoptés au Canada. Toutefois, le gouvernement a mis en place des initiatives officielles de coopération réglementaire avec un certain nombre de partenaires commerciaux, dont les États-Unis. Nous avons en outre une initiative de coopération réglementaire avec l’Europe dans le cadre de l’AECG et une autre avec les provinces et les territoires en vertu de l’Accord de libre-échange canadien.

Les modifications proposées permettraient aux organismes de réglementation canadiens de prendre en compte toute réduction du fardeau administratif des entreprises canadiennes résultant de modifications réglementaires faites par une autre autorité dans le cadre d’une entente de coopération réglementaire. L’objectif réel de cette initiative est d’encourager les ministères à rechercher les occasions de coopération dans ce domaine.

Je vais m’en tenir à cela en attendant les questions des sénateurs.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Marshall : Je vais commencer par la règle du « un pour un ». Elle dépend en réalité du degré de complexité de chaque règlement, n’est-ce pas? Il est possible qu’on puisse éliminer un règlement très simple pour le remplacer par un autre beaucoup plus complexe. Cela est-il possible?

Mme Ritchot : C’est pour cette raison que la règle du « un pour un » comporte deux aspects. Il y a d’abord le titre : dans ce cas, la complexité du règlement importe peu; il suffit de démontrer qu’on a éliminé un titre avant de le remplacer par un autre. Il arrive souvent que les ministères se débarrassent ainsi de règlements qui ne servent plus parce qu’ils sont désuets et inefficaces.

Le second aspect est là pour prévenir le cas que vous venez d’évoquer. Il faut en effet quantifier le fardeau administratif introduit par un nouveau règlement, puis en éliminer un représentant une charge administrative équivalente.

Nous utilisons une méthodologie normalisée de calcul des coûts. Tous les ministères s’en servent, et elle est reconnue à l’échelle internationale. Cela permet d’assurer une certaine équité.

La sénatrice Marshall : Je trouve le chiffre de 30,1 millions de dollars un peu faible. Une réduction de 30 millions par rapport à tous les règlements que le gouvernement fédéral impose aux entreprises et aux particuliers me semble relativement négligeable.

Mme Ritchot : Cela ne tient compte que du fardeau administratif. C’est une nuance importante. Il y a aussi le fardeau de la conformité, qui comprend le coût des inspections, comme celui qui est assumé chaque fois que Santé Canada inspecte un établissement de fabrication de médicaments. Ces inspections entraînent d’importants frais pour les entreprises, mais ce sont des frais de conformité.

[Français]

En français, il s’agit de la « réduction de la paperasse »...

[Traduction]

En anglais, on parle de « red tape reduction », mais cela ne s’applique qu’à la paperasse. Par conséquent, les 30 millions ne concernent que les réductions réalisées sur les documents et les formulaires à remplir.

Nous cherchons évidemment des moyens d’améliorer la règle du « un pour un ». Il y aura un examen obligatoire de la Loi sur la réduction de la paperasse en 2020. Ce sera pour nous l’occasion de trouver des moyens de la renforcer et de l’améliorer.

La sénatrice Marshall : Cette information, qui comprend tant la réduction nette du nombre de règlements que la valeur en dollars de la réduction du fardeau administratif, fait l’objet de rapports. Qui en vérifie l’exactitude?

Mme Ritchot : Nous le faisons au Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Secteur des Affaires réglementaires fait une analyse critique du travail du ministère auteur de la réglementation. Lorsque le ministère produit une analyse coûts-avantages, il bénéficie de l’aide de notre centre d’expertise qui aide les organismes fédéraux à s’y prendre de la bonne façon et à appliquer correctement la méthodologie de calcul des coûts, mais qui fait en même temps un examen critique de leur travail. Un compte rendu de l’application de la règle du « un pour un » et de tout le reste paraît dans le résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagne le projet de règlement, et le tout est soumis à un examen public. Par conséquent, cela se fait d’une manière très transparente et très ouverte. Ensuite, le président du Conseil du Trésor présente au Parlement un rapport annuel sur les économies réalisées et le nouveau fardeau administratif introduit.

La sénatrice Marshall : Le rapport au Parlement donne-t-il la liste des règlements éliminés et des nouveaux règlements qui les ont remplacés?

Mme Ritchot : Oui.

La sénatrice Marshall : Dans nos notes d’information, nous avons la question suivante :

Les intervenants ont-ils été consultés?

Les intervenants du monde des affaires (par exemple la Chambre de commerce, Manufacturiers et Exportateurs du Canada et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante) n’ont fait part d’aucune préoccupation importante […]

Mais on n’a pas l’impression, par ailleurs, qu’ils ont montré beaucoup d’enthousiasme.

Mme Ritchot : Certains intervenants, comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui représente les entreprises les plus petites, ont souvent exprimé des préoccupations parce qu’ils auraient souhaité que la règle du « un pour un » aille plus loin. Par exemple, nous avons parlé tout à l’heure du fardeau administratif par rapport au fardeau de conformité. Quand nous reverrons la règle en 2020, nous aurons la possibilité de faire une étude approfondie de ces questions.

D’autres intervenants, comme la Chambre de commerce, sont plus enthousiastes parce qu’ils sont très favorables à la coopération réglementaire. En définitive, cette coopération réduit effectivement le fardeau des entreprises. Si on a un marché commun, mais deux ensembles de règlements — un pour le Canada et un autre pour les États-Unis dans le cas de l’agrément des médicaments, par exemple —, le fardeau administratif des entreprises peut être très lourd. Nous avons pris des mesures pour que chacun comprenne bien que la coopération réglementaire constitue toujours un moyen de réduire les exigences qui ne sont pas nécessaires ou qui font double emploi.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

La sénatrice Jaffer : Nous sommes heureux de vous revoir au Sénat. Il sera intéressant de vous entendre parler des changements que vous avez constatés. Quoi qu’il en soit, vous êtes toujours la bienvenue ici.

J’aimerais que vous nous donniez un exemple de la façon dont ces modifications seront appliquées.

Mme Ritchot : Je prendrai l’exemple du Conseil de coopération en matière de réglementation Canada-États-Unis, parce qu’il s’agit de notre initiative officielle de coopération réglementaire la plus ancienne. Les organismes de réglementation des deux pays sont informés par les intervenants des domaines où la réglementation leur crée des difficultés à cause de l’existence de deux ensembles distincts de règles régissant le même marché, ce qui occasionne des coûts excessifs pour les entreprises des deux pays.

Prenons l’exemple d’une chose qui se passe à la frontière et qui impose de remplir des formules, tant au Canada qu’aux États-Unis. Si le Canada adopte une modification qui supprime l’obligation de remplir les formules canadiennes, il aura réduit le fardeau administratif et pourra compter cela dans le cadre de la règle du « un pour un ». Si les États-Unis font la même chose, le fardeau administratif est réduit pour les entreprises canadiennes qui n’ont plus à remplir les formules américaines, mais cela ne peut pas être pris en compte au Canada.

Les modifications proposées dans le projet de loi nous permettraient de le faire si l’initiative américaine a permis de réduire les coûts administratifs à la frontière — mettons — de 50 millions de dollars par an pour les entreprises canadiennes. Ce chiffre est très élevé, mais supposons que l’initiative permette à l’économie canadienne d’épargner 50 millions. Dans ce cas, les organismes de réglementation canadiens peuvent inscrire ce montant dans leurs réserves. Par la suite, s’ils adoptent, dans un autre domaine, un règlement qui impose un fardeau administratif, ils pourront utiliser le montant placé dans les réserves. Voilà comment cela fonctionne en pratique, mais seulement si les deux administrations ont une entente de coopération réglementaire.

La sénatrice Jaffer : Nous avons parcouru le pays, et la plainte que nous entendons constamment concerne la charge imposée par la paperasse que les entreprises sont de plus en plus tenues de remplir. J’ai été très déçue l’autre jour lorsque j’ai entendu des représentants du ministère des Finances parler de tous les autres papiers qu’il y a maintenant à remplir. Les mesures proposées constituent un bon premier pas, mais savez-vous si elles réduisent vraiment la quantité de paperasse nécessaire? Dans quelle mesure ces modifications seront-elles efficaces?

Mme Ritchot : Je ne suis pas sûre de pouvoir citer des chiffres, mais je peux vous donner un exemple des avantages de la coopération réglementaire que nous avons pu constater. Je vous transmettrai les quelques chiffres exacts dont nous disposons. Malheureusement, je ne les ai pas tout de suite, mais je les communiquerai à la greffière du comité.

Il y a quelques années, Santé Canada et la Food and Drug Administration des États-Unis ont travaillé ensemble sur le portail commun de demandes électroniques relatives aux médicaments. Cela a permis d’établir une base de données électronique commune. Auparavant, les fabricants de produits pharmaceutiques devaient présenter des demandes distinctes à la FDA des États-Unis et à Santé Canada, ce qui était extrêmement lourd. Les demandes des deux pays présentaient des différences mineures, de sorte qu’il fallait toujours modifier les demandes selon le pays destinataire. Tant Santé Canada que la FDA se sont rendu compte que les demandes étaient similaires et ont décidé de créer un portail commun permettant aux sociétés des deux pays de présenter une seule demande aux deux organismes. C’est ce qui se produit actuellement. Les fabricants n’ont plus à présenter des demandes distinctes. Ils présentent une seule demande par l’entremise du portail, et cela suffit.

Je n’ai pas les nombres exacts, mais nous avons calculé la réduction du fardeau administratif des fabricants de produits pharmaceutiques découlant de cette initiative. J’ai un certain nombre d’exemples que je peux vous donner pour illustrer les premiers résultats positifs de la coopération réglementaire que nous avons pu constater.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup.

La sénatrice Andreychuk : Mes questions font suite à celle de la sénatrice Jaffer. Je comprends que vous accumulez des crédits en cas de coopération avec un autre pays. Vous avez parlé d’économies annuelles de 30 millions de dollars attribuables à la réduction du fardeau administratif. Est-ce qu’une part de ce montant est due à des accords de coopération ou bien s’agit-il entièrement d’économies réalisées au Canada?

Mme Ritchot : Les économies de 30 millions sont entièrement intérieures. Les modifications proposées nous permettraient, à l’avenir, de compter les réductions du fardeau administratif attribuables à des changements de la réglementation d’une autre administration.

La sénatrice Andreychuk : Je trouve que c’est une bonne initiative, mais elle ne peut avoir que des effets mineurs. Ce sont tous les nouveaux règlements qui nous inquiètent. Si nous réduisons le fardeau administratif d’un côté, nous l’augmentons constamment de l’autre, parce que nous avons de nouveaux programmes et, d’après ce qu’on nous dit, chacun fait l’objet de règlements. Avez-vous vraiment une idée de la charge réglementaire des entreprises? Est-ce là un véritable exemple de réussite ou bien une réalisation mineure?

Mme Ritchot : Nous n’avons jamais réussi à quantifier pleinement le fardeau existant du stock réglementaire. En toute franchise, sénatrice, ce serait là une tâche monumentale qui nécessiterait d’énormes ressources.

Nous avions établi à zéro la ligne de base lorsque la règle a été mise en vigueur en 2015. Depuis, nous avons tenu le compte. Toutefois, pour répondre à la question de savoir si nous connaissons le coût total du système réglementaire du Canada, je dois dire que nous ne pouvons malheureusement pas le mesurer.

Ce n’est là qu’un élément d’un important programme de réforme réglementaire qui est actuellement en cours. Dans le budget de 2018, le gouvernement a annoncé, à part les modifications législatives que nous examinons maintenant, qu’il y aurait trois autres éléments de réforme visant à simplifier le système.

Le premier consiste à élaborer une plateforme électronique permettant de tenir des consultations d’une façon plus moderne et plus transparente.

Le deuxième est de mettre en place un mécanisme intérieur de coopération réglementaire avec les provinces et les territoires, dans le cadre de l’Accord de libre-échange canadien.

Le troisième élément, qui devrait être le plus intéressant, est le financement d’un examen de l’ensemble des règlements dans trois secteurs clés : l’aquaculture, l’agriculture et l’agroalimentaire, la santé et les biosciences ainsi que les transports et l’infrastructure. Dans le cadre de ces examens, nous nous attendons à étudier l’efficacité des cadres réglementaires existants pour déterminer ce qu’il conviendrait d’éliminer et à chercher des moyens de travailler d’une manière plus efficace et plus souple.

Je dirais que ce que nous faisons est un très important exemple de réussite, mais ce n’est qu’un élément d’un important programme de réforme réglementaire destiné à créer un cadre plus léger pour les petites entreprises qui, comme vous le savez, ressentent fortement le poids de la réglementation.

La sénatrice Andreychuk : C’est parce que nous ajoutons des éléments qui imposent aux entreprises des démarches plus complexes, qu’il s’agisse du régime fiscal, des demandes de subventions ou des opérations commerciales ordinaires et qui touchent aussi les provinces et les municipalités.

Mme Ritchot : Absolument. Malheureusement, nous ne pouvons agir qu’au seul niveau fédéral. Bien entendu, il y a aussi les provinces et les municipalités.

[Français]

Le président : Sur ce, madame Ritchot, je dois vous remercier de votre présentation. Aucun parlementaire ne peut être gêné de votre présentation et de l’information que vous nous avez donnée, surtout compte tenu de votre carrière comme page.

Nous vous remercions beaucoup de votre présentation, et je vous souhaite bonne chance dans votre carrière.

Mme Ritchot : Merci. Je vous suis reconnaissante de m’avoir donné cette occasion.

[Traduction]

Le président : Les témoins suivants qui comparaissent devant le comité sont M. Pirthipal Singh et Mme Julie Lalonde-Goldenberg. Ils nous expliqueront ce qui figure à l’onglet 13, c’est-à-dire la section 13, articles 268 à 283, concernant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[Français]

M. Singh est directeur des Partenariats de premier palier et des services offerts aux partenaires fédéraux, Développement et gestion des partenariats. Merci de votre présence. Également d’Emploi et Développement social Canada, nous recevons Mme Julie Lalonde-Goldenberg, directrice générale, Développement et Gestion des Partenariats.

[Traduction]

Je vous remercie de votre présence au comité. On m’a dit que vous avez un exposé à présenter. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

[Français]

Je vous en prie, la parole est à vous.

Julie Lalonde-Goldenberg, directrice générale, Développement et Gestion des Partenariats, Emploi et Développement social Canada : Je remercie le comité de nous recevoir aujourd’hui. Comme vous l’avez mentionné, nous sommes ici pour parler des modifications à apporter à notre loi ministérielle.

[Traduction]

Nous sommes ici aujourd’hui pour vous parler des modifications proposées de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et de mesures destinées à appuyer l’engagement pris dans le budget d’améliorer les services offerts au public et aux partenaires, y compris les services électroniques.

Comme vous le savez sans doute, le ministère de l’Emploi et du Développement social est chargé de la mise en œuvre de différents programmes sociaux et d’emploi, dont le Régime de pensions du Canada, l’assurance-emploi et la Sécurité de la vieillesse. Le ministère dispose d’un important réseau de prestation de services en ligne, par téléphone et en personne. Le réseau comprend quelque 550 points de service où les citoyens peuvent se présenter en personne partout dans le pays.

Comme dans le cas des autres organismes fédéraux, le mandat du ministère lui permet de mettre en œuvre ses programmes. Beaucoup d’infrastructures ont été créées à cette fin.

Au fil des ans, le ministère a conclu des partenariats avec d’autres organismes fédéraux et d’autres administrations qui souhaitaient profiter de notre expérience et de notre infrastructure de prestation de services pour mettre en œuvre leurs propres programmes. Le ministère n’a cependant pas des pouvoirs précis lui permettant de le faire, de sorte que, chaque fois qu’un partenariat est formé, des pouvoirs particuliers sont prévus au cas par cas. Cette décision administrative occasionne des délais et nous empêche parfois de servir rapidement des partenaires qui veulent profiter de nos locaux ou de notre infrastructure de prestation de services pour prendre des mesures urgentes, par exemple en cas d’incendie ou d’inondation.

En ce qui concerne les pouvoirs particuliers que nous avons obtenus au fil des ans, je peux penser au mandat que nous avons reçu en 2006 pour mettre en place le centre d’appel 1-800 O-Canada, que vous connaissez probablement et, plus récemment, à la livraison des passeports dans nos locaux, parallèlement à leur livraison aux bureaux des passeports. De plus, nous sommes maintenant responsables de Canada.ca et de l’infrastructure faisant partie de ce service en ligne.

Comme je l’ai mentionné, l’approche au cas par cas nous a empêchés d’offrir de meilleurs services aux Canadiens en ne nous permettant pas de réagir d’une manière aussi rapide ou aussi proactive que nous l’aurions voulu dans le cadre de nos partenariats. Les modifications proposées visent à élargir le mandat du ministère afin d’y inclure la prestation de services et la formation de partenariats permettant d’offrir des services au nom de nos partenaires.

Il s’agit de contribuer à la prestation des services d’autres ministères et organismes, de prendre des mesures en ligne pour leur compte et aussi d’utiliser nos locaux pour des choses telles que des audiences d’appel, des entrevues, et cetera

Les partenaires envisagés sont d’autres organismes fédéraux, les provinces, les territoires et certaines organisations autochtones. Les modifications proposées nous permettraient aussi de recouvrer les dépenses que le ministère engagerait pour la prestation de services au nom de nos partenaires.

Les modifications garantissent en outre la sauvegarde des renseignements personnels et précisent les responsabilités des différents intervenants relativement aux renseignements personnels recueillis au cours de la prestation des services. Notre ministère, EDSC, serait habilité à recueillir les renseignements personnels nécessaires pour offrir les services en cause et à les restituer aux partenaires concernés, mais ne serait autorisé à les utiliser à aucune autre fin. Il y a donc des dispositions claires de protection des renseignements personnels.

Les modifications permettent aussi au ministère de fournir ses services, y compris ceux des partenaires, par des moyens électroniques, ce qui n’est pas prévu dans les dispositions actuelles.

Enfin, elles donneraient à EDSC la possibilité d’utiliser le numéro d’entreprise de l’ARC dans ses rapports avec ses clients.

C’est essentiellement l’objet des dispositions figurant dans le projet de loi. Ces dispositions sont de nature administrative. Beaucoup de nos partenaires croient que nous sommes déjà investis des pouvoirs proposés. Je dois noter que les modifications ne prévoient aucun financement. Elles ne traitent que du pouvoir de prestation de ces services. Il ne nous appartient pas de dire que tous les partenaires doivent utiliser les services d’EDSC ou de Service Canada. Les modifications nous permettent simplement d’offrir des services quand des partenaires souhaitent profiter de notre infrastructure.

Les partenaires conservent la responsabilité de leurs programmes. Par exemple, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada demeure responsable du programme des passeports. EDSC met en œuvre ce service selon les modalités définies par le partenaire, qui est responsable des règles à appliquer, des questions d’identité et des documents qu’il nous demande de recueillir. Notre rôle est donc de nature administrative et ne diminue en rien la responsabilité des partenaires quant à la façon dont ils doivent s’acquitter de leur mandat.

On nous a demandé si ces pouvoirs sont liés à n’importe quelle autre initiative budgétaire. Il n’y a pas de lien spécifique : les pouvoirs permettent simplement au ministère de former des partenariats qui faciliteront la mise en œuvre d’autres initiatives, comme l’amélioration de l’accès aux services pour les collectivités autochtones du Nord. Cela peut nous imposer de conclure des partenariats avec les provinces, les territoires et d’autres organismes fédéraux. Les modifications proposées nous donnent le pouvoir de le faire.

Je m’arrête là pour vous laisser poser des questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Je n’ai pas bien compris l’objet des modifications. Votre ministère sera-t-il chargé de communiquer des renseignements personnels à d’autres organismes pour qu’ils puissent offrir des services en son nom? Est-ce l’un des objets de ces modifications?

Mme Lalonde-Goldenberg : Non. Ces dispositions ont pour but de permettre au ministère d’offrir des services au nom de partenaires. Par conséquent, lorsque je parle de renseignements personnels, les modifications proposées visent à préciser que lorsque nous offrons des services pour le compte d’un autre ministère…

La sénatrice Marshall : Lorsque votre ministère offre des services à un autre ministère?

Mme Lalonde-Goldenberg : Oui. Nous avons le pouvoir de recueillir les renseignements parce que nous sommes autorisés à donner les services. Lorsque nous les restituons au ministère en cause, nous ne pouvons les utiliser à aucune autre fin. Par conséquent, le texte établit clairement…

La sénatrice Marshall : Il s’agit donc d’un échange de renseignements personnels entre ministères pour que l’un puisse offrir des services au nom de l’autre.

Mme Lalonde-Goldenberg : Exactement.

La sénatrice Marshall : Dans votre exposé préliminaire, vous avez parlé du gouvernement fédéral, puis des provinces, des territoires, d’autres gouvernements et aussi d’organisations autochtones. Nos notes d’information mentionnent également des organismes publics ou à but non lucratif. De quels organismes à but non lucratif s’agirait-il?

Mme Lalonde-Goldenberg : Ce sont des organismes à but non lucratif qui offrent des services au nom de partenaires fédéraux, provinciaux ou territoriaux avec lesquels nous avons des ententes de partenariat.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous me citer quelques-uns de ces organismes? Pouvez-vous me donner un exemple pour que je puisse correctement interpréter ces dispositions législatives?

Pirthipal Singh, directeur, Partenariats de premier palier et des services offerts aux partenaires fédéraux, Développement et gestion des partenariats, Emploi et Développement social Canada : Il n’y a pas d’exemples précis. Les modifications prévoient que des entités pourraient être créées à l’avenir et que nous pourrions compter sur elles pour offrir des services combinés au nom tant des provinces que des organismes fédéraux.

Bref, il n’y a pas d’exemples précis pour le moment. Les modifications prévoient simplement des moyens futurs de prestation de services.

La sénatrice Marshall : Ainsi, si ces modifications sont adoptées, elles permettraient à votre ministère de communiquer des renseignements personnels confidentiels à un organisme à but non lucratif avec lequel vous auriez conclu un arrangement afin qu’il puisse offrir des services pour votre compte?

M. Singh : Un organisme à but non lucratif pourrait, par exemple, approcher le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires pour leur dire qu’il peut toucher plus efficacement certaines populations. Dans ce cas, les ministères pourraient accepter la proposition et nous demander de les aider à l’égard d’une petite partie des services qu’ils ont le mandat de fournir.

La sénatrice Marshall : Ainsi, il pourrait s’agir d’un organisme qui s’occupe d’aînés qui ne recevraient pas les prestations auxquelles ils ont droit. Vous pourriez alors déléguer certains pouvoirs à cet organisme.

M. Singh : Exactement.

La sénatrice Marshall : D’après nos notes d’information, ces dispositions ont été communiquées au commissaire à la protection de la vie privée. Pouvez-vous nous parler de sa réaction? Nos notes disent que le commissariat a été consulté au cours de la rédaction du projet de loi. Pouvez-vous nous parler de ce que le commissaire à la protection de la vie privée a eu à dire au sujet de ces mesures législatives?

Mme Lalonde-Goldenberg : Bien sûr.

Je voudrais simplement préciser, au sujet de l’échange que nous venons d’avoir, que nous parlons de services qu’EDSC fournirait au nom d’un partenaire. Le partenaire nous demanderait donc de nous occuper d’une partie des fonctions dont il est responsable, par exemple de recevoir dans nos locaux des demandes qui lui sont adressées.

La sénatrice Marshall : Qui serait ce partenaire? Donnez-moi un exemple.

Mme Lalonde-Goldenberg : Il pourrait s’agir d’Anciens Combattants Canada. Le ministère a un nouveau programme pour lequel les gens doivent présenter des demandes. Comme nous avons des bureaux partout dans le pays, nous pourrions dire : « Oui, vos clients peuvent remettre à notre bureau la formule de demande que vous avez créée. Nous nous assurerons qu’elle est accompagnée de tous les documents nécessaires, puis nous vous la transmettrons pour que vous puissiez la traiter et déterminer si le client est admissible. » C’est en cela que consisterait le partenariat de prestation de services.

Les renseignements auxquels nous aurions alors accès seraient envoyés à Anciens Combattants Canada. Les modifications proposées nous permettraient de recueillir ces renseignements aux fins de la prestation des services, puis de les communiquer à Anciens Combattants Canada, qui en est propriétaire. Les modifications précisent aussi que nous ne pouvons pas utiliser ces renseignements à d’autres fins.

Lorsque nous avons consulté le Commissariat à la protection de la vie privée au sujet du projet de loi, il s’est montré favorable aux dispositions de protection des renseignements personnels prévoyant que notre ministère n’utiliserait les renseignements à aucune autre fin.

La sénatrice Marshall : Par contre, les exemples que vous donnez portent sur des ministères fédéraux. Nos notes d’information parlent d’organismes à but non lucratif. C’est à ce sujet que je m’inquiète.

Mme Lalonde-Goldenberg : Les organismes à but non lucratif agiraient au nom des partenaires. C’est ce que prévoit le projet de loi. Si une entité provinciale qui nous demande d’offrir un service en son nom souhaite nous voir collaborer avec un tel organisme parce qu’elle est en rapport avec lui, nous serions autorisés à le faire.

La sénatrice Marshall : Eh bien, cela suscite des préoccupations. Quand on parle de communiquer des renseignements personnels, on est fondé à se poser des questions. Quand on y pense d’un point de vue personnel, veut-on vraiment voir des renseignements personnels aller d’un point à… Mais pouvez-vous me dire où exactement iraient ces renseignements?

De toute façon, je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : Merci de votre présence au comité.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez eu l’impression que le ministère avait besoin de plus de pouvoirs?

Mme Lalonde-Goldenberg : Oui. Je vous ai parlé du réseau de points de service de notre ministère. EDSC est l’un des rares organismes fédéraux qui sont présents partout dans le pays pour servir les Canadiens.

Je vais vous donner un autre exemple. Les services d’immigration sont en train d’adopter une série de caractéristiques biométriques à l’intention des résidents temporaires et permanents du Canada. Ils ont besoin de recueillir de l’information biométrique à cette fin, et cela ne peut se faire qu’en personne. Notre réseau est le seul qui puisse s’en charger. Ainsi le ministère de l’Immigration n’a pas à créer des bureaux partout dans le pays pour obtenir les renseignements nécessaires. Voilà un exemple.

Comme je l’ai mentionné, nous sommes également présents en ligne. Notre ministère s’occupe du site Canada.ca qui contient une foule de renseignements sur les ministères et organismes fédéraux. Nous développons notre capacité d’agir en ligne. Nos partenaires n’ont donc pas besoin de développer les mêmes capacités puisqu’ils peuvent recourir aux nôtres en payant notre coût marginal.

C’est le genre de choses que nous voulons pouvoir faire. Lors de la mise en place de nouveaux programmes, les modifications proposées nous permettraient de former un partenariat avec l’organisme responsable s’il peut être avantageux pour les clients du programme d’utiliser nos services et notre infrastructure.

La sénatrice Jaffer : Avec des ressources accrues et l’expansion que vous envisagez, votre ministère pourra-t-il augmenter ses services bilingues?

Mme Lalonde-Goldenberg : Ce serait possible. Nous avons de nombreux bureaux bilingues dans le pays, de sorte que nos partenaires pourraient profiter de notre expérience et de notre expertise pour offrir des services bilingues là où ils n’auraient pas eux-mêmes les moyens de le faire.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Pratte : Si je comprends bien, essentiellement, ces amendements officialisent une chose qui se faisait déjà d’une certaine façon, non? Parce qu’il y avait déjà des partenariats. Il s’agit simplement d’insérer dans la loi ce qui existait déjà?

Mme Lalonde-Goldenberg : Il s’agit de codifier des autorités que nous obtenions au cas par cas. Donc, nous voulons légiférer des autorités afin d’offrir des services qu’il fallait traiter au cas par cas auparavant pour en obtenir les autorités. Il n’était pas inscrit dans le mandat de notre ministère d’avoir l’autorité de livrer ces services, mais, comme je l’ai expliqué, nous avons établi plusieurs partenariats au cas par cas. Donc, cela nous donne la flexibilité de faire ces partenariats de façon plus fluide.

Le sénateur Pratte : J’aimerais parler de la question du recouvrement des coûts. J’aimerais savoir comment cela fonctionne exactement, parce que je suis sûr que pour maintenir une infrastructure de bon calibre, par exemple en ce qui a trait à votre site web, vous devez faire chaque année des investissements, et ainsi de suite. Comment est-ce que vous calculez les coûts que vous demandez à vos partenaires pour leur offrir le service? Est-ce que vous incluez dans votre prix une partie de ce que vous devez investir pour maintenir vos infrastructures? Comment est-ce que vous calculez cela?

Mme Lalonde-Goldenberg : En ce moment, il y a une formule pour déterminer les coûts d’un partenariat qui inclut les coûts directs et les coûts de développement du partenariat. Pour l’avenir, on travaille sur un modèle qui sera un peu plus inclusif et qui couvrira les coûts d’investissements d’une façon partagée. Il faut comprendre que, en comparaison des services offerts par le ministère, les nouveaux services de partenariat ne représentent qu’une petite partie. Le modèle qui sera établi lorsque les autorités seront en place inclura les coûts additionnels liés à la prestation des services. Il faudra également déterminer quelle portion des coûts d’investissement à long terme les partenaires devront couvrir.

Le sénateur Pratte : Le modèle financier n’est-il pas tout à fait déterminé?

Mme Lalonde-Goldenberg : Exactement. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour l’étoffer avant de former de nouveaux partenariats.

Le sénateur Pratte : D’accord. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci, pour l’information que vous nous avez présentée.

Nous passons maintenant à la section 14.

La sénatrice Marshall : Puis-je mentionner quelque chose? Je m’inquiète toujours quand on parle de déplacer du personnel ou de communiquer des renseignements personnels. Le ministère a jugé bon de consulter le Commissariat à la protection de la vie privée. Pouvons-nous, de notre côté, demander à notre comité de direction d’envisager de convoquer le commissaire à la protection de la vie privée comme témoin?

Je sais qu’il y a des gens qui croient que la communication de renseignements personnels n’est pas un problème. L’information est communiquée et chacun la garde pour soi. Toutefois, si le ministère a jugé qu’il convenait de consulter le commissaire à la protection de la vie privée sur ce qu’il souhaitait faire, je crois qu’il serait intéressant pour nous de connaître le point de vue du commissaire. Le comité de direction peut-il étudier la question?

Le président : Oui. Le comité de direction tiendra une réunion la semaine prochaine. Cette question sera inscrite à l’ordre du jour.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie.

Le président : Sur ce, merci, madame Lalonde-Goldenberg et monsieur Singh.

La section 14, articles 284 à 296, figure à l’onglet 14. Deux représentants d’Emploi et Développement social Canada vont nous en parler : Andrew Brown, directeur général par intérim, Politique de l’assurance-emploi, et Cara Scales, directrice, Initiatives et analyse de politiques, Politique de l’assurance-emploi.

Je vous remercie tous deux d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le comité pour nous parler des modifications prévues dans la section 14.

La parole est à vous.

Andrew Brown, directeur général par intérim, Politique de l’assurance-emploi, Emploi et Développement social Canada : Merci, monsieur le président. Bon après-midi, honorables sénateurs. Je suis heureux de cette occasion de vous parler des modifications à la Loi sur l’assurance-emploi proposées dans le projet de loi C-74.

[Français]

Comme vous le savez peut-être, le régime de l’assurance-emploi est le plus important programme du marché du travail au Canada. Il offre un soutien aux revenus temporaires des travailleurs ayant perdu leur emploi, soit les prestations régulières, et dans des circonstances précises qui peuvent survenir au cours de la carrière d’une personne, soit les prestations spéciales de l’assurance-emploi.

Je suis ici pour vous parler des modifications proposées à la Loi sur l’assurance-emploi qui déterminent la façon dont les prestations sont adaptées lorsqu’un travailleur gagne un revenu tout en touchant des prestations d’assurance-emploi.

[Traduction]

Autrement, ce sont les dispositions concernant le travail en période de prestations.

[Français]

Il s’agit de dispositions visant le travail pendant une période de prestation. Les dispositions ont pour but d’encourager les prestataires à accepter du travail alors qu’ils touchent des prestations.

[Traduction]

Chaque année, près de 800 000 prestataires d’assurance-emploi travaillent pendant qu’ils reçoivent des prestations. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de travailler au moins une semaine pendant leur période de prestations.

Les dispositions législatives actuelles remontent à 1971. Au cours des 12 dernières années, une série de projets pilotes ont permis de mettre à l’épreuve différentes approches de rajustement des prestations des personnes qui gagnent un certain revenu pendant qu’elles reçoivent des prestations d’assurance-emploi.

Le budget de 2018 propose de rendre permanente l’une de ces approches. Tout d’abord, les modifications proposées dans le budget rendraient permanente la règle par défaut du projet pilote actuel. D’après cette règle, les travailleurs gardent toute la rémunération gagnée, mais leurs prestations sont réduites de 50 p. 100 de cette rémunération jusqu’à concurrence de 90 p. 100 de leur rémunération antérieure.

Deuxièmement, les dispositions proposées dans le budget de 2018 permettraient aux prestataires qui ont opté pour l’autre méthode de traitement de la rémunération de conserver cette méthode pour une période limitée. Cette période de trois ans laisserait aux membres de ce petit groupe de prestataires — représentant environ 0,5 p. 100 du nombre total de personnes qui travaillent tout en recevant des prestations — le temps de s’adapter à la règle permanente de 50 p. 100.

Le troisième changement proposé étendrait pour la première fois les règles applicables au travail en période de prestations aux bénéficiaires des prestations de maternité et de maladie. Ces dispositions n’ont pas pour objet d’encourager le travail. Elles ont plutôt pour but de permettre aux travailleurs de bénéficier du même traitement que d’autres prestataires s’ils décident d’échelonner leur retour au travail, ce qui leur donnerait la possibilité de garder une partie de leur rémunération.

Enfin, il y a quelques modifications techniques destinées à s’assurer que le changement des règles applicables au travail en période de prestations n’entraîne pas de conséquences imprévues dans d’autres aspects du programme, comme la période de carence et le Programme de réduction du taux de cotisation de l’assurance-emploi.

Comme on peut le voir dans le budget, ces mesures ont un coût estimatif de 351,9 millions de dollars sur cinq ans, à partir de 2018-2019, puis un coût annuel de 80,1 millions. Elle devrait entrer en vigueur le 12 août 2018 afin d’éviter de perturber l’application des anciennes règles dans le cadre d’un projet pilote qui prend fin le 11 août de cette année.

Il n’y a pas eu de réactions importantes de la part des intervenants lors de l’annonce de cette mesure particulière dans le budget. Cela n’est pas surprenant parce qu’il s’agit essentiellement du maintien par voie législative de mesures actuellement appliquées en vertu d’un règlement. Le Syndicat canadien de la fonction publique a fait savoir qu’il était heureux de l’extension des règles applicables au travail en période de prestations aux bénéficiaires de prestations de maternité et de maladie.

Je vais m’arrêter là pour donner aux sénateurs la possibilité de poser des questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

Quel est l’objectif de ces mesures? Souhaitez-vous encourager la participation au marché du travail? Est-ce là le principal objectif?

M. Brown : Oui. Depuis le tout début de l’assurance-emploi, il y a eu des règles pour encourager les prestataires qui avaient perdu leur emploi à accepter du travail. Différentes règles avaient été mises en œuvre pour permettre aux gens de recevoir à la fois une rémunération et une partie de leurs prestations d’assurance-emploi.

Au cours des 12 dernières années, le ministère a réalisé des projets pilotes pour déterminer l’approche qui semble inciter le plus les gens à maintenir leur participation à la population active, c’est-à-dire à essayer de trouver du travail même s’ils reçoivent des prestations d’assurance-emploi.

La sénatrice Marshall : Les prestataires peuvent-ils passer d’une option à l’autre à leur gré?

M. Brown : Non, ils doivent faire un choix entre les deux options. Ainsi, le projet pilote actuel étant en place, nous appliquons l’option par défaut, c’est-à-dire la règle de 50 p. 100. Elle a l’avantage d’assurer un plus grand revenu total quand on gagne une rémunération. Si un travailleur gagne 200 $ par semaine, ses prestations d’assurance-emploi ne seront réduites que de 100 $. Il y a donc une incitation constante à accepter du travail.

Aux termes de ce que nous appelons l’autre règle, le prestataire peut gagner n’importe quel montant en deçà d’un certain seuil sans réduction de ses prestations. Au-delà du seuil, la réduction est égale au montant excédentaire de la rémunération. À partir de ce point, si on continue à travailler, le revenu total ne change pas, toute rémunération supplémentaire, qu’il s’agisse de 50 $, 100 $ ou 150 $, est intégralement déduite des prestations.

La sénatrice Marshall : Si les gens ont le choix, pour laquelle des deux options optent-ils le plus souvent?

M. Brown : Chacun a la possibilité de choisir, et l’option choisie s’applique à toute la demande d’assurance-emploi. Nous encourageons donc les gens à faire leur choix à la fin de la période de validité de leur demande, car, une fois le choix fait, ils ne peuvent plus changer d’avis. Cela permet aux prestataires de déterminer par eux-mêmes laquelle des options est la plus avantageuse. Nous les encourageons donc à attendre la fin de la période.

Indépendamment de cette possibilité de choisir, nous constatons, dans le cadre du projet pilote actuel, que 99,5 p. 100 des gens s’en tiennent à l’option par défaut. Seuls 0,5 p. 100 des gens choisissent l’autre option.

Les règles permettent de maintenir cette proportion. Les personnes qui optent pour l’autre option dans le cadre du projet pilote actuel de deux ans peuvent continuer à le faire pendant trois ans. C’est la disposition de maintien des droits acquis.

Le sénateur Pratte : Puisque vous avez décidé de rendre permanente la règle appliquée dans le cadre du projet pilote, croyez-vous que vous avez trouvé la formule parfaite?

M. Brown : Je n’aurais pas l’audace de dire que nous avons trouvé la formule parfaite. Je dirais seulement que nous avons tiré des enseignements des projets pilotes réalisés dans les 12 dernières années et que nous croyons que c’est une approche utile pour encourager le travail.

Au cours de cette période, nous avons eu plusieurs projets pilotes différents. Certains étaient régionaux et ne s’appliquaient donc pas à l’ensemble du pays. Les plus récents étaient d’envergure nationale, tout comme le régime que nous proposons.

J’ai également mentionné que, dans le projet pilote actuel, c’est soit la règle de 50 p. 100 qui s’applique soit la règle du seuil au-delà duquel la déduction est de 100 p. 100. Une grande part de notre analyse était centrée sur ce projet parce que nous voulions déterminer laquelle des deux options était préférable comme moyen d’inciter les gens à travailler. Je dirais que, d’une façon générale, notre conclusion appuie l’option de 50 p. 100. C’est la raison pour laquelle elle est proposée.

Le sénateur Pratte : Disposez-vous d’indices ou de données établissant que le programme donne des résultats, c’est-à-dire encourage les gens à trouver un emploi et à maintenir leur participation au marché du travail?

Cara Scales, directrice, Initiatives et analyse de politiques, Politique de l’assurance-emploi, Emploi et Développement social Canada : Nous disposons de preuves. Nous rendons compte des résultats de ces règles dans notre Rapport annuel de contrôle et d’évaluation de l’assurance-emploi, qui est présenté au Parlement.

Le sénateur Pratte : Ces données indiquent que les projets pilotes produisent des résultats?

Mme Scales : Oui, c’est exact.

Le sénateur Pratte : Nous connaissons une période de très bas chômage. Les gens trouvent très facilement du travail. Disposez-vous d’indices établissant que les tendances que vous notez dans ces données vont au-delà du fait que le taux de chômage est extrêmement bas?

M. Brown : Il y a peut-être une chose que je devrais ajouter au sujet de l’efficacité. Dans le cas des dispositions concernant le travail en période de prestations, nous savons qu’environ 50 p. 100 des prestataires travaillent pendant qu’ils reçoivent des prestations. Nous avons cherché à savoir s’ils travaillent pour le même employeur ou pour un nouvel employeur. Nous avons pu constater que parmi les prestataires qui travaillent, 16 p. 100 ont trouvé un nouvel emploi en essayant — pour ainsi dire — un travail tout en recevant leurs prestations.

Les travailleurs ont des circonstances très différentes. L’idée est de les encourager à essayer un nouveau travail, qui peut devenir un emploi permanent. Nous savons que beaucoup de travailleurs le font. Entretemps, la règle de 50 p. 100 permet à la fois de leur assurer un revenu supplémentaire et de réduire les déboursés du Compte des opérations de l’assurance-emploi. Par exemple, si un travailleur a gagné 400 $ et que, en conséquence de la règle de 50 p. 100, ses prestations sont réduites de 200 $, ces 200 $ restent dans le Compte des opérations de l’assurance-emploi. Bref, lorsque nous encourageons les gens à travailler, ils en profitent eux-mêmes, et le programme en profite aussi.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie.

La sénatrice Andreychuk : Je ne connais pas très bien l’assurance-emploi, mais je connais bien les caractéristiques des programmes d’aide sociale dont on se sert pour inciter les assistés sociaux à faire la transition vers un emploi rémunéré. La clientèle de l’assurance-emploi est quelque peu différente de celle de l’aide sociale.

Vous avez dit que vous avez choisi ce modèle parce qu’il est plus susceptible d’inciter les gens à trouver du travail. Est-ce là ce que vous cherchez? C’est parce que l’« incitation au travail » est une expression lourde de sens. De quel genre d’incitation s’agit-il? Sur quels principes repose-t-elle? Êtes-vous d’avis que les gens se trouvent pris au piège de l’assurance-emploi et sont incapables d’en sortir? Ou bien dites-vous qu’ils profitent des prestations pendant assez longtemps avant de commencer à chercher du travail? Quelle est la politique publique sur laquelle s’appuie l’« incitation au travail »?

M. Brown : Je vais juste rappeler l’objectif général du programme d’assurance-emploi : il vise à assurer l’efficacité du marché du travail. Il a pour but d’offrir aux Canadiens un soutien du revenu lorsqu’ils perdent leur emploi ou sont en congé de maternité, en congé parental ou en congé de maladie. Grâce à la deuxième partie du programme dont s’occupent les provinces et les territoires, l’assurance-emploi aide les travailleurs en leur donnant une formation axée sur les compétences et en leur fournissant les moyens de chercher un nouvel emploi et de réintégrer le marché du travail. C’est vraiment là l’objectif de tout le programme.

À mon avis, les mesures concernant le travail en période de prestations sont compatibles avec cet objectif. Elles encouragent les gens à chercher du travail même lorsqu’ils sont admissibles aux prestations d’assurance-emploi.

Il y a une deuxième chose que je voudrais dire au sujet de l’incitation au travail. Examinons ce qui se passe dans le cas des prestations de chômage, que nous appelons prestations régulières d’assurance-emploi. Nous savons qu’environ 65 p. 100 des Canadiens qui reçoivent ces prestations régulières recommencent à travailler ou trouver un emploi, parfois avant l’expiration de leur période de prestations. Nous le savons parce que, dans une proportion assez élevée, les prestataires de l’assurance-emploi recommencent à travailler sans aller jusqu’au bout de cette période.

J’ai parlé d’« incitation au travail », mais je dirais que c’est plutôt un encouragement. Prenons le cas d’une personne qui décide d’essayer un emploi et qui, l’ayant obtenu, gagne 500 $ par semaine. En l’absence des règles relatives au travail en période de prestations, cette personne verrait ses prestations amputées de 500 $. Le programme a donc pour but d’éviter cette conséquence si l’intéressé ne gagne que 500 $.

C’est une mesure destinée à encourager les gens à accepter un emploi parce que leurs prestations ne seraient pas réduites du plein montant de leur rémunération. En effet, nous avons maintenant la règle de 50 p. 100.

Il y a eu dans le passé toute une série de règles différentes fondées sur diverses approches. En fait, la règle qui figure dans la loi depuis 1971 — et qui n’est pas appliquée depuis une douzaine d’années — permet aux prestataires de gagner environ 50 $ sans pénalité, après quoi les prestations sont réduites de 100 p. 100 de la rémunération excédentaire. Le programme actuel représente un progrès par rapport à cette situation.

Je ne dirais pas que les nouvelles dispositions proposées concernant le travail en période de prestations resteront à jamais dans la loi, mais il faut reconnaître que la formule a fait l’objet de projets pilotes pendant une longue période et qu’il est maintenant temps de l’adopter en permanence plutôt que de continuer à l’essayer.

La sénatrice Andreychuk : Du point de vue du salarié qui s’inscrit à l’assurance-emploi, l’important, c’est le montant dont il dispose pour vivre. Dites-vous que beaucoup de gens ont préféré le modèle que vous proposez à d’autres modèles, ou bien est-ce une décision de politique publique que cette formule est la meilleure à appliquer partout dans le pays dans l’intérêt public? Autrement dit, la décision se fonde-t-elle sur l’intérêt public ou sur les personnes qui doivent recourir à l’assurance-emploi?

M. Brown : Je dirais qu’elle se fonde sur l’objectif de participation au marché du travail, c’est-à-dire l’objectif du programme d’assurance-emploi. C’est à cet égard que nous avons constaté que la règle de 50 p. 100 semble être la meilleure à appliquer.

La sénatrice Andreychuk : Avant d’en arriver à cette recommandation, quelles consultations avez-vous tenues avec les provinces qui s’occupent de création d’emplois, et cetera, ainsi qu’avec les prestataires eux-mêmes? Y a-t-il un processus de consultation extérieur à l’administration qui ait servi à cette fin?

M. Brown : Il y a eu des consultations — que je qualifierais d’informelles — avec les entreprises et les intervenants du monde syndical. Elles ont été faites par le commissaire de l’AE pour les travailleurs et travailleuses et par la commissaire de l’AE pour les employeurs. Les ministères ont participé aux séances dirigées par les commissaires et ont fourni du soutien à cet égard. L’information qui en a découlé a été prise en compte avant l’élaboration des modifications législatives proposées.

La sénatrice Andreychuk : Ces commissaires relèvent-ils des provinces?

M. Brown : Ils sont nommés par le gouverneur en conseil pour représenter le point de vue des travailleurs et des employeurs, qui financent le Compte des opérations de l’assurance-emploi.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit qu’il s’agit d’entreprises et d’intervenants. Est-ce que des prestataires de l’assurance-emploi ont participé à ces consultations ou à des consultations distinctes ou bien n’ont-ils pas participé du tout?

M. Brown : Il y a eu des consultations informelles distinctes. Le commissaire des travailleurs et travailleuses a tenu deux réunions, l’une à Ottawa et l’autre à Montréal. La commissaire des employeurs a également tenu une réunion distincte. Le ministère a donné du soutien dans tous les cas et a recueilli l’information qui a découlé des réunions pour en faire part à la ministre dans le cadre du processus de décision.

La sénatrice Andreychuk : Pouvons-nous voir ces rapports?

M. Brown : J’ai parlé de ces consultations parce que j’étais présent aux réunions, mais elles étaient dirigées par les commissaires de l’assurance-emploi. Je ne veux pas parler en leur nom, mais je ne suis pas sûr que les réunions aient donné lieu à des rapports écrits.

La sénatrice Andreychuk : Ce sont les deux seules réunions qui ont eu lieu?

M. Brown : Ce sont les seules réunions auxquelles je peux penser qui étaient particulièrement axées sur les dispositions relatives au travail en période de prestations.

La sénatrice Andreychuk : Je vous remercie.

Le président : Merci. Je crois, honorables sénateurs, que nous avons bien examiné ces dispositions.

Monsieur Brown et madame Scales, nous vous sommes très reconnaissants.

Nous allons maintenant passer à l’onglet 17, concernant la section 17. Nous accueillons à cette fin, de Diversification de l’économie de l’Ouest Canada, M. David Dewar, directeur, Politique stratégique et Affaires gouvernementales, Politiques et Orientation.

Monsieur Dewar, on m’a dit que vous avez un exposé à présenter. Ensuite, les membres du comité auront des questions à vous poser.

David Dewar, directeur, Politique stratégique et Affaires gouvernementales, Politiques et Orientation stratégique, Diversification de l’économie de l’Ouest Canada : Diversification de l’économie de l’Ouest Canada est une agence de développement régional relevant du portefeuille de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Nous avons pour mandat de promouvoir le développement et la diversification de l’économie de l’Ouest canadien, c’est-à-dire des quatre provinces de l’Ouest.

Dans le cadre du projet de loi d’exécution du budget, nous voudrions apporter une modification mineure à notre loi organique, la Loi sur la diversification de l’économie de l’Ouest canadien. Cette loi impose actuellement au ministre d’obtenir l’approbation du gouverneur en conseil — essentiellement du Cabinet et de la gouverneure générale — avant que Diversification de l’économie de l’Ouest puisse conclure des accords avec les gouvernements provinciaux. Cette exigence peut ajouter des mois à la durée du processus, ce qui peut retarder la mise en œuvre des initiatives de l’agence ainsi que des provinces partenaires. Nous proposons de modifier la Loi sur la diversification de l’économie de l’Ouest canadien pour supprimer cette exigence. Ainsi, l’agence pourra réagir plus rapidement aux occasions qui se présentent et pourra mieux collaborer avec les provinces dans les domaines d’intérêt commun.

Je vous remercie. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

Le projet de loi C-24 est actuellement au Sénat, attendant l’étape de la troisième lecture. Ce projet de loi élimine le poste de ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest. Qu’arrivera-t-il donc? Faudra-t-il apporter une autre modification? Une fois le projet de loi C-24 adopté, il n’y aura plus de ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest. Je crois qu’il n’y aura plus que le ministre de l’Innovation, M. Bains.

M. Dewar : C’est exact. Le ministre Bains est responsable de Diversification de l’économie de l’Ouest Canada.

La sénatrice Marshall : Les modifications proposées ici recommandent de supprimer l’exigence d’approbation par le gouverneur en conseil. Toutefois, s’il n’y a plus de ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest…

M. Dewar : Il s’agirait alors du ministre Bains en sa qualité de ministre responsable de Diversification de l’économie de l’Ouest Canada. Lorsqu’il souhaite conclure un accord avec une province dans un domaine d’intérêt commun, cette modification proposée dans le projet de loi d’exécution du budget ne fait que l’exempter de l’obligation d’obtenir l’approbation du gouverneur en conseil.

La sénatrice Marshall : Comptez-vous changer le titre « ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest »? Ce n’est pas le bon ministre. Ce sera bientôt le ministre de l’Innovation.

M. Dewar : C’est une bonne question, sénatrice. Il faudra que j’aille aux renseignements pour pouvoir vous donner une réponse.

La sénatrice Andreychuk : Pourquoi faut-il que ce soit le ministre responsable de Diversification de l’économie de l’Ouest? Nous savons que c’est le ministre Bains. J’ai des observations à formuler au sujet de la transition et de ses effets sur la Saskatchewan, mais c’est une autre histoire.

C’est peut-être le ministre de l’Innovation, mais ce sera peut-être quelqu’un d’autre demain. Si c’est le ministre de qui relève l’agence, pourquoi ne dit-on pas simplement le ministre responsable?

M. Dewar : Sénatrice, si j’avais été avocat, j’aurais probablement eu une bonne réponse juridique à vous donner, mais ce n’est pas le cas.

La sénatrice Andreychuk : Vous voudrez peut-être aller aux renseignements et nous communiquer une réponse plus tard.

Le président : Monsieur Dewar, nous communiquerez-vous des renseignements plus tard à ce sujet?

M. Dewar : Oui, sénateur.

La sénatrice Moncion : Je suis curieuse de connaître le budget dont vous disposez.

M. Dewar : Oui. Dans le Budget principal des dépenses, des crédits d’environ 150 millions de dollars sont prévus pour l’exercice 2018-2019.

La sénatrice Moncion : Y a-t-il un programme équivalent pour l’Est ou pour d’autres régions?

M. Dewar : Oui. Nous avons des agences de développement régional couvrant l’ensemble du pays. Il y a aussi l’Agence de développement économique pour les régions du Québec.

La sénatrice Moncion : Et pour l’Ontario?

M. Dewar : Il y en a deux pour l’Ontario, une pour le nord et l’autre pour le sud de la province.

[Français]

Le président : Vous avez aussi l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, l’APECA?

[Traduction]

M. Dewar : L’Agence de promotion économique du Canada atlantique, c’est exact.

[Français]

Le président : Sur ce, monsieur Dewar, nous vous remercions de votre présentation.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : C’était une question complémentaire. Puis-je poser une question?

Le président : Je vous en prie, sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Andreychuk : Est-ce que ces modifications changent d’une façon quelconque les attributions du ministre? Du côté des participants provinciaux, y a-t-il un changement quelconque des pouvoirs discrétionnaires, des responsabilités et des procédures figurant dans la présente loi? Les nouvelles dispositions ne les changent pas?

M. Dewar : Pas du tout.

La sénatrice Andreychuk : Ainsi, tout restera tel quel et il ne s’agit que de préciser qui est responsable?

M. Dewar : Il s’agit de déterminer si le ministre est autorisé à conclure des ententes avec les provinces de sa propre initiative, sans obtenir l’approbation préalable du gouverneur en conseil. À mon avis, c’est vraiment une modification administrative mineure.

La sénatrice Andreychuk : Ce sera le cas si votre réponse est exacte et si vous nous communiquez les renseignements demandés.

M. Dewar : Oui, sénatrice, nous le ferons.

Le président : Merci, monsieur Dewar.

Nous passons maintenant à l’onglet 18. Nous entendrons à cet effet, du Bureau du Conseil privé, Mme Selena Beattie et Mme Anne Burgess. La section a pour titre « Loi sur le Parlement du Canada », article 360. Merci, mesdames Beattie et Burgess, de votre présence au comité. Je vous prie de présenter vos observations, après quoi nous aurons des questions à vous poser.

[Français]

Selena Beattie, directrice des opérations, Affaires du cabinet, Législation et planification parlementaire, Bureau du Conseil privé : Merci, monsieur le président. Comme vous le savez sans doute, il n’existe actuellement aucune loi ou politique sur les congés parentaux pour les parlementaires. Les parlementaires ne cotisent pas à l’assurance-emploi et n’ont pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi parentales ou de maternité.

[Traduction]

Ainsi, sénateurs, vous ne cotisez pas à l’assurance-emploi, pas plus que vos homologues de la Chambre des communes. Vous n’avez donc pas accès aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l’assurance-emploi.

De plus, comme vous le savez sûrement, la Loi sur le Parlement du Canada exige que des déductions soient faites sur votre indemnité de session si vous manquez des séances du Parlement, même si c’est en raison d’un congé de maternité ou d’un congé parental.

Dans le cadre de ses priorités, le gouvernement a cherché à rendre les dispositions régissant les deux Chambres du Parlement un peu plus favorables à la vie familiale. L’une des mesures retenues consiste à permettre aux sénateurs et aux députés d’accéder au congé de maternité et au congé parental.

En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, il y a trois raisons pour lesquelles aucune déduction n’est faite sur l’indemnité de session d’un parlementaire en cas d’absence. Premièrement, si le Sénat ou la Chambre ne siège pas le jour de l’absence. Autrement dit, le traitement ne diminue que si vous manquez un jour de séance. Les deux autres raisons sont les absences attribuables à un engagement public ou officiel ou à une maladie. Aucune de ces raisons ne se prête au congé de maternité ou au congé parental.

Il est donc proposé de modifier la Loi sur le Parlement du Canada pour permettre au Sénat et à la Chambre des communes d’adopter des dispositions relatives au congé de maternité et au congé parental à l’intention de leurs propres membres.

La Loi sur le Parlement du Canada permet actuellement au Sénat et à la Chambre des communes de prendre des règlements touchant leurs propres membres. La plupart du temps, lorsque nous parlons de règlements, les gens pensent à des documents adoptés par le gouverneur en conseil et qui s’appliquent à l’ensemble de la population. Toutefois, la Loi sur le Parlement du Canada contient une disposition qui permet au Sénat d’adopter un règlement destiné à rendre plus sévères les règles régissant les déductions faites en cas d’absence des sénateurs. La Chambre des communes a la même possibilité.

Se basant sur ce modèle, le projet de loi d’exécution du budget propose de créer un pouvoir réglementaire analogue qui permettrait au Sénat et à la Chambre des communes d’établir des programmes ou des initiatives de congé de maternité et de congé parental pour leurs propres membres. Les paramètres de ces programmes ou initiatives seraient définis par le Sénat pour les sénateurs et par la Chambre des communes pour les députés.

Les règlements prendraient la forme d’ordres du Sénat ou de la Chambre des communes, ordres qui seraient adoptés conformément aux règles de chacune des deux Chambres. Ainsi, chaque Chambre établirait les règles s’appliquant à ses propres membres et aurait donc la possibilité de décider des détails de l’application : nombre de jours de congé, pourcentage du traitement, et cetera. Ces détails seraient arrêtés dans les règlements.

J’ajouterai enfin que le pouvoir de prendre des règlements permettrait au Sénat et à la Chambre des communes d’établir des dispositions distinctes définissant l’équivalent du congé de maternité, par exemple en déterminant les effets de la grossesse sur la personne enceinte, qui est habituellement une femme — dans la mesure où on peut le dire ces temps-ci, c’est encore une femme — ainsi que l’équivalent du congé parental. Bref, cela s’appliquerait à n’importe quel parent, qu’il s’agisse d’un parent biologique ou d’un parent adoptif.

Nous serons maintenant heureuses de répondre à vos questions.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Je n’ai qu’une seule question.

Vous avez parlé de règlements. Quel est le processus à suivre? Reviendront-ils au Sénat et à la Chambre des communes pour approbation? Faudra-t-il former un comité? Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?

Mme Beattie : Le Sénat et la Chambre des communes appliquent leurs propres règles pour adopter des ordres. Je peux vous parler de l’exemple que nous avons dans le cadre du pouvoir réglementaire existant.

Le Sénat l’a fait deux fois par le passé, en 1998. Dans les deux cas, l’équivalent de l’actuel Comité du Règlement avait produit un rapport que le Sénat a adopté et qui a constitué un ordre. C’est ainsi que s’est exercé le pouvoir réglementaire dans le passé. Nous n’avons que ces deux exemples de 1998 pour le Sénat. Le pouvoir réglementaire proposé est conçu sur le même modèle. L’élaboration des règlements ou des dispositions prévues dans l’ordre se ferait conformément aux règles du Sénat.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez parlé de deux exemples de 1998 relatifs au Sénat.

Mme Beattie : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Je crois que, dans ces cas, le Sénat avait utilisé ce qui est actuellement notre Comité de la régie interne pour établir des règles conformément au…

Mme Beattie : La disposition similaire. C’est exact.

La sénatrice Andreychuk : Oui, dans le cadre de la Loi sur le Parlement du Canada. Vous avez mentionné que cette loi prévoit trois moyens d’établir des règlements aux termes du Comité de la régie interne. Duquel de ces trois parlons-nous?

Mme Beattie : Permettez-moi de donner quelques éclaircissements à ce sujet. La Loi sur le Parlement du Canada ne contient actuellement qu’une seule disposition permettant de prendre des règlements, qui a servi deux fois dans le passé. L’article 59 actuel définit le pouvoir du Sénat et de la Chambre des communes de prendre des règlements concernant l’indemnité de session. Le Sénat a utilisé cet article deux fois en 1998. Le premier cas traitait de la déduction imposée si un membre est suspendu, et le second visait à porter à 250 $ par jour la pénalité imposée en cas d’absence d’un sénateur, au lieu des 120 $ prévus, je crois, dans la Loi sur le Parlement du Canada. Dans les deux cas, le Sénat avait adopté un ordre après avoir reçu un rapport du Comité du Règlement.

La sénatrice Andreychuk : Pour revenir à votre autre point, vous avez dit que la Loi sur le Parlement du Canada permet actuellement à la Chambre des communes ou au Sénat de prendre des règlements, mais que ce pouvoir est limité à trois…

Mme Beattie : C’est exact. L’article 57 établit la déduction pour absence. La Loi sur le Parlement du Canada prévoit trois cas d’exemption de la déduction. Je vais vous lire le texte correspondant de la loi : si le parlementaire n’a pas assisté à une séance de la Chambre dont il fait partie en raison d’un engagement public ou officiel. Par conséquent, une absence occasionnée par des affaires officielles n’est pas sanctionnée. Il y a aussi le cas où il n’y a pas de séance pour cause d’ajournement. On ne peut donc pas être considéré absent un jour où il n’y a pas eu de séance. Le troisième cas porte sur l’absence pour cause de maladie.

La sénatrice Andreychuk : Les nouvelles dispositions ajouteraient donc un quatrième cas?

Mme Beattie : Non, il n’y aurait pas de quatrième cas dans la loi même. Les nouvelles dispositions permettraient au Sénat de prendre un règlement établissant un congé de maternité et un congé parental. Nous procédons d’une façon un peu différente parce que nous voulons que le Sénat et la Chambre des communes aient chacun le temps de définir les paramètres de son régime. Si on se limitait à ajouter un quatrième motif, vous comprendrez qu’il faudrait du temps pour en arriver à un consensus et adopter un ordre tant au Sénat qu’à la Chambre des communes. Quel serait le nombre convenu de jours de congés? Quel serait le niveau convenu de rémunération, 100 p. 100 du revenu ou une proportion moindre? Il serait nécessaire que les sénateurs et les députés s’entendent sur les modalités relatives à leurs propres membres.

Si on modifiait l’actuelle Loi sur le Parlement du Canada pour ajouter immédiatement un quatrième motif, avant que les sénateurs et les députés n’aient eu le temps d’étudier les règlements, il faudrait prévoir un nombre illimité de jours et 100 p. 100 du revenu jusqu’à ce que le Sénat et la Chambre des communes s’organisent pour adopter leurs règlements.

Il y aurait aussi à prévoir un ordonnancement plutôt complexe pour la mise en vigueur des dispositions. En prévoyant plutôt un pouvoir distinct permettant au Sénat et à la Chambre des communes d’établir leurs propres règlements, nous laissons aux sénateurs et aux députés la possibilité de décider en premier des paramètres de leur régime de congé de maternité et de congé parental et des modalités d’entrée en vigueur. Ainsi, nous évitons d’établir les congés avant que les paramètres ne soient arrêtés par le Sénat et la Chambre des communes.

La sénatrice Andreychuk : Il s’agirait donc d’un nouveau pouvoir permettant à la Chambre de se gouverner elle-même en matière de congé de maternité et de congé parental?

Mme Beattie : C’est exact : un nouveau pouvoir pour chaque Chambre à l’intention de ses propres membres.

La sénatrice Andreychuk : Vous dites donc que ce n’est pas un pouvoir que le Sénat et la Chambre des communes auraient pu s’attribuer aujourd’hui de leur propre initiative. Des mesures législatives sont nécessaires.

Mme Beattie : C’est bien cela. La Loi sur le Parlement du Canada ne permet pas actuellement au Sénat et à la Chambre des communes de prendre une telle décision.

La sénatrice Andreychuk : La Loi sur le Parlement du Canada est très rigoureuse.

Mme Beattie : C’est exact.

Le président : Merci, sénatrice Andreychuk.

Mesdames Beattie et Burgess, merci de votre comparution devant le comité.

Mesdaes et messieurs les sénateurs, cela met fin à nos discussions avec les fonctionnaires dans le cadre de l’étude préliminaire que nous devions mener aux termes de l’ordre de renvoi du Sénat.

(La séance est levée.)

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