Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 66 - Témoignages du 9 mai 201
OTTAWA, le mercredi 9 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 h 31, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je souhaite également la bienvenue à toutes les personnes dans la salle et aux gens de partout au pays, qui nous regardent à la télévision ou en ligne, par l’entremise du site web sencanada.ca.
Je m’appelle Percy Mockler; je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Merci, sénateurs.
[Français]
J’aimerais profiter de l’occasion pour vous présenter notre greffière, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que nos deux analystes, Sylvain Fleury et Alex Smith, qui font équipe avec le comité.
Je me permets, honorables sénateurs et sénatrices, de vous présenter, de la France, Mme Delphine Bert, administratrice de la Commission des finances du Sénat français. Mme Bert est secrétaire de l’Association France-Canada. Je vous souhaite la bienvenue au Canada. Vous êtes chez vous chez nous. De plus, nous vous remercions d’avoir accepté d’assister à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Cet après-midi, nous poursuivons notre étude sur la teneur complète du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, que nous avons entamée la semaine dernière, en vertu de la loi d’exécution du budget.
[Français]
Aujourd’hui, nous allons nous attarder à trois différentes parties du projet de loi C-74.
[Traduction]
Pour parler de l’élargissement des dépenses admissibles au crédit d’impôt pour les frais médicaux qui couvriraient dorénavant les frais d’utilisation d’un animal spécialement dressé, nous recevons Medric Cousineau, qui est cofondateur de Paws Fur Thought. Monsieur Cousineau, nous vous remercions d’être ici aujourd’hui et de partager vos opinions, vos commentaires et vos recommandations avec le comité sénatorial des finances.
Ensuite, nous recevrons Rob Cunningham, qui est analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer, qui nous parlera de la partie 2 du projet de loi, qui porte sur des changements proposés au droit d’accise sur les produits du tabac. Monsieur Cunningham, nous vous remercions de témoigner devant le comité des finances.
Finalement, pour discuter des changements proposés à la Loi sur l’assurance-emploi visant à réviser le traitement de la rémunération revue par les prestataires pendant qu’ils reçoivent des prestations — on vise ici la section 4 de la partie 6 du projet de loi — nous recevons M. Bill Morris, qui est directeur national de United Way Centraide Canada. Nous vous remercions de votre présence.
Je demanderais maintenant aux témoins de faire leur déclaration préliminaire, à commencer par M. Cousineau. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
[Français]
Monsieur Cousineau, la parole est à vous, s’il vous plaît.
[Traduction]
Medric Cousineau, cofondateur, Paws Fur Thought : Honorables sénateurs, en mon nom personnel et au nom de tous les Canadiens aux prises avec des problèmes de santé mentale, je vous dis merci.
Certains d’entre vous ont peut-être entendu parler de mon témoignage au sujet du 1,23 $, que j’ai présenté devant l’autre endroit le 30 avril. Pour ceux d’entre vous qui ne seraient pas au courant, après l’annonce du budget, les médias m’ont demandé ce que signifiait pour moi, sur le plan financier, la disposition du projet de loi C-74 sur le CIFM. J’ai répondu que cela représentait environ 37,50 $ par mois. Ils n’en revenaient pas d’apprendre que je m’étais battu pendant cinq ans et demi pour ce qui représente 1,23 $ par jour pour moi. Mais mon combat, je ne l’ai pas fait pour moi, et je ne l’ai certainement pas fait pour une poignée de monnaie, qui ne payerait même pas un petit café.
Ce combat est pour l’égalité et les droits de la personne. En termes simples, les maîtres de chiens d’assistance ayant des troubles de santé mentale étaient traités différemment en vertu de la loi et étaient victimes de discrimination en raison de la nature de leur déficience.
Mon chien d’assistance, Thai, m’a sauvé la vie. Sans lui, je ne serais pas ici aujourd’hui, à témoigner devant vous ou sur cette planète. La semaine dernière, Paws Fur Thought, l’organisation que j’ai cofondée avec ma femme pour amasser des fonds et pour défendre le droit des anciens combattants et des premiers répondants d’obtenir un chien d’assistance, a donné un 101e, un 102e et un 103e chien à des gens qui en avaient besoin et a organisé une formation de recyclage et de renouvellement de la certification à 13 autres équipes. Lors de la cérémonie de remise des diplômes, les histoires personnelles qui ont été racontées nous ont tous beaucoup émus. Je crois que notre raison d’être peut se résumer à une histoire touchante. L’un de nos clients avait tenté de s’enlever la vie. Il s’est réveillé dans la salle d’urgence en se disant qu’il n’était même pas capable de réussir cela. Paws Fur Thought l’a pris en charge, lui a trouvé un chien, et aujourd’hui, la mort n’est plus une option pour lui.
Lorsque vous adopterez la disposition du projet de loi C-74 sur le CIFM — et je suis certain que vous allez l’adopter —, vous franchirez une étape importante pour veiller à ce que les Canadiens sachent que vous protégerez nos droits fondamentaux et que pour vous, l’égalité est un fait et non un concept. On ne le dira jamais assez : les chiens d’assistance changent la vie des personnes qui ont une incapacité.
Si vous dépensez 250 $ par mois pour prendre soin de votre chien d’assistance, cela fait un total de 3 000 $ par année. Le CIFM de 15 p. 100 donne lieu à un crédit d’impôt de 450 $ ou de 1,23 $ par jour. Mais ne tombez pas dans le piège en associant l’égalité à des normes et à des études d’efficacité. Aucun autre chien d’assistance visé par le CIFM n’a été assujetti à de telles normes. À la suite de mon témoignage précédent, j’ai rencontré le ministre O’Regan et son personnel pour parler de ces enjeux.
Vous m’avez invité à témoigner devant vous pendant la Semaine de la santé mentale : ce n’est pas rien pour moi. Pour vous, Thai est un beau labrador blond. Pour moi, c’est une meilleure amie et une confidente. Elle est aussi mon aide médicale. Elle intervient quand j’ai des terreurs nocturnes, des crises de panique et des crises d’anxiété, elle m’aide à gérer mon agoraphobie et elle m’aide avec mes épisodes de dissociation, entre autres choses, ce qu’aucun autre fournisseur de soins de santé mentale n’a réussi à faire. Jamais, en plusieurs décennies, un professionnel de la santé mentale n’est venu chez moi, à 4 h 30, pour me réveiller alors que j’avais des terreurs nocturnes et pour me rassurer, pour me dire que tout irait bien… Pas une seule fois.
Or, si la communauté médicale avait accès à une thérapie ou une drogue qui pouvait réduire les symptômes du TSPT, réduire l’indice de dépression, améliorer la qualité de vie et la qualité du sommeil, et accroître l’efficacité — et ce après six mois seulement —, elle y aurait recours sans hésitation. Cette thérapie existe, mais la communauté refuse de la reconnaître.
Ce que je viens de vous présenter, ce sont les résultats préliminaires d’une étude d’efficacité d’ACC présentée en septembre dernier, mais il ne s’est toujours rien passé depuis. Le médecin-hygiéniste en chef d’ACC n’a même pas pris la peine de me demander comment nous arrivions à de tels résultats positifs. J’ai placé la moitié des chiens visés par l’étude d’efficacité en question, alors c’est à se demander pourquoi certains ministères tardent à prendre des engagements à cet égard.
Pour ceux d’entre nous qui vivent avec cette horrible stigmatisation, le mot « psychiatrique » — l’étiquette en soi — est traumatisant. Imaginez un agent principal de la santé mentale du MDN dire : « Donnez-leur un chiot; un poney, du cannabis… Problème de TSPT réglé. » C’est à cela que nous sommes confrontés. Mais cette personne aurait raison. Les modalités de rechange comme les chiens d’assistance et l’équithérapie doivent être envisagées, parce que les traitements qu’on cautionne présentent un taux de résistance de 50 p. 100 et qu’on n’a aucune idée du taux de récidive, même si l’on dépense 1 000 $ par jour par patient dans les centres de désintoxication pour traiter le TSPT.
Paws Fur Thought participe à l’établissement des normes relatives aux chiens d’assistance, des normes en matière d’efficacité et des initiatives en matière de santé mentale, et ma femme et moi sommes très fiers du travail que nous avons accompli dans ce domaine. Il y a deux semaines, nous avons contribué au partenariat stratégique entre Wounded Warriors Canada et la Direction provinciale de l’Ontario de la Légion royale canadienne, qui a donné lieu au plus grand don à un programme de chiens d’assistance pour les anciens combattants de l’histoire du Canada. Nous y sommes parvenus grâce à l’énorme appui de la population et sans un sou du gouvernement. Nous avons réussi à accomplir ce que le gouvernement du Canada et surtout ACC et le MDN n’ont pas réussi à faire.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je parle de toutes ces choses, et quel est le lien avec le CIFM. Pendant cinq ans et demi, ACC a dit au comité qu’aucune étude d’efficacité ne démontrait l’utilité des chiens d’assistance pour les personnes souffrant du TSPT. Ils ne se sont jamais posé la question suivante : « Est-ce qu’on a exigé de telles études d’efficacité pour les autres chiens d’assistance? »
Lorsque vous adopterez la disposition du projet de loi C-74 sur le CIFM, alors nous serons sur la bonne voie afin de mettre un terme à la stigmatisation. En aucune circonstance ne devrait-on discuter des conséquences financières de l’égalité. On obtient l’égalité, et les conséquences financières sont purement corrélatives. L’important n’a jamais été le montant de 1,23 $.
Merci beaucoup.
Rob Cunningham, analyste principal des politiques, Société canadienne du cancer : Merci, monsieur le président. Merci de me donner la chance de témoigner devant vous.
Mon témoignage portera sur les articles 47 à 67 de la partie 2 du projet de loi visant une augmentation de la taxe sur le tabac de 1 $ par cartouche de cigarettes et une modification de l’indexation en fonction du coût de la vie, afin qu’elle soit faite chaque année plutôt qu’à tous les cinq ans. Nous nous réjouissons de ces mesures et nous exhortons tous les membres du comité à appuyer ces dispositions. Les produits du tabac demeurent la principale cause de maladie et de décès évitables au Canada. Ils tuent 45 000 Canadiens par année et sont la cause d’environ 30 p. 100 de tous les décès attribuables au cancer.
De plus, nous sommes très favorables aux dispositions budgétaires qui prévoient un investissement accru dans la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. Il s’agit d’un élément essentiel des efforts déployés en vue de réduire la consommation du tabac à moins de 5 p. 100 d’ici 2035. Aujourd’hui, encore plus de 5 millions de Canadiens fument, ce qui représente 17 p. 100 de la population. Des adolescents commencent à fumer chaque mois. Nous avons réalisé des progrès considérables, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
Le projet de loi S-5 et le règlement à venir sur les emballages neutres et uniformisés complètent les mesures budgétaires relatives aux taxes sur le tabac et au financement de la stratégie. En ce qui a trait au projet de loi S-5, nous exhortons tous les sénateurs à appuyer les amendements proposés par la Chambre des communes, que doit étudier le Sénat. Ces amendements ont été approuvés par le comité permanent de la santé et par tous les partis.
L’augmentation des taxes sur le tabac représente la stratégie la plus efficace pour réduire la consommation de tabac, surtout chez les jeunes, dont le revenu disponible est moins élevé. La Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la Santé, de nombreuses études canadiennes et étrangères, les gouvernements provinciaux et territoriaux, de même que tous les gouvernements fédéraux ont reconnu que l’augmentation des taxes réduisait la consommation du tabac. L’augmentation des taxes sur le tabac est une solution gagnant-gagnant : elle profite à la santé publique et génère des revenus publics. Le budget prévoit une augmentation des revenus de 375 millions de dollars au cours du présent exercice seulement, en raison de ces changements.
L’indexation des taxes sur le tabac en fonction du coût de la vie a été présentée pour la première fois dans le budget fédéral de 2014 du ministre des Finances de l’époque, Jim Flaherty. La mesure budgétaire visait une indexation quinquennale, ce qui signifiait que le premier rajustement en fonction de l’inflation aurait été fait en 2019. L’indexation permet de veiller à ce que les taux de taxation du tabac demeurent les mêmes après l’inflation. Avant le budget de 2014, les taux de taxation du tabac n’avaient pas changé en 12 ans, depuis 2002. Ainsi, leur incidence s’était affaiblie en raison de l’inflation, ce qui nuisait à l’atteinte des objectifs de réduire le tabagisme et d’augmenter les revenus du gouvernement.
Dans le cadre des consultations prébudgétaires, Imperial Tobacco Canada Limitée a recommandé au comité permanent des finances que l’indexation se fasse annuellement plutôt qu’à tous les cinq ans.
Les lignes directrices du traité international sur le tabac, la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, reconnaissent que la valeur réelle d’une taxe sur le tabac après inflation s’affaiblira à moins qu’elle augmente de façon régulière en fonction de l’inflation. Les lignes directrices recommandent de contrôler, d’augmenter ou de rajuster les taux de taxation selon une base régulière, peut-être de façon annuelle, en tenant compte de l’inflation. De plus, le Manuel technique sur l’administration des taxes sur le tabac de l’Organisation mondiale de la Santé recommande de rajuster automatiquement les taxes sur le tabac en fonction de l’inflation.
Les taxes fédérales sur le tabac sont plus efficaces que les taxes provinciales pour réduire la contrebande, puisqu’elles s’appliquent aussi aux réserves. Les taux sont les mêmes dans les réserves qu’en dehors des réserves. La contrebande donnant lieu au non-paiement des taxes est beaucoup plus faible à l’échelon fédéral qu’à l’échelon provincial.
J’inviterais les membres du comité à regarder les documents que nous vous avons transmis. Le premier graphique compare les taux de taxation provinciaux et territoriaux. On peut voir que l’Ontario et le Québec présentent les plus faibles taux de taxation du Canada, mais les plus hauts taux de contrebande. Dans l’Ouest canadien et dans les provinces atlantiques, les taux de taxation du tabac sont beaucoup plus élevés, mais les taux de contrebande sont beaucoup plus faibles. Cela peut sembler paradoxal. Au Canada, le taux de contrebande n’est pas lié au taux de taxation, parce qu’on voit que les provinces de l’Ouest ont su maintenir de très faibles taux de contrebande. C’est plutôt la proximité des fabricants illégaux dans les réserves de l’Ontario et du Québec qui est en cause.
Le graphique de la page suivante montre les tendances relatives aux recettes provenant de la taxe sur le tabac, sans tenir compte de la TPS, de la TVH et de la TVP. On voit que même si les taux de tabagisme baissent, les recettes provenant de la taxe sur le tabac sont élevées, alors on atteint cet objectif, soit de 8,4 millions pour l’exercice 2017.
Le graphique suivant montre les tendances à long terme relative à la prévalence du tabagisme chez les Canadiens de 15 ans et plus. Nous progressons : la prévalence du tabagisme diminue toujours. Elle est maintenant à 17 p. 100.
Le graphique suivant montre un déclin important du tabagisme chez les jeunes de 15 à 19 ans, ce qui est encourageant, mais c’est tout de même 10 p. 100. Nous voulons que ce taux soit à zéro. En fait, nous voulons qu’éventuellement, plus personne ne fume au Canada.
Sur le graphique suivant, le bleu montre que les fabricants de tabac ont augmenté leurs prix de façon drastique au cours des dernières années. Ainsi, leurs revenus ont augmenté de 1 milliard de dollars, et le gouvernement aurait pu bénéficier de ces revenus s’il avait augmenté les taxes sur le tabac. C’est un peu injuste que les fabricants de tabac puissent augmenter leurs prix, mais que les gouvernements ne puissent pas augmenter leurs taxes.
Notre document contient d’autres graphiques que je pourrai expliquer au fil de vos questions.
Nous remercions le gouvernement fédéral de présenter ces nouvelles mesures et nous sommes heureux de voir l’appui de tous les partis à cet égard. Nous remercions le Sénat pour son travail sur la lutte contre le tabac, qu’il mène depuis de nombreuses années. Nous nous réjouissons à l’idée que d’autres progrès seront réalisés dans ce domaine. Merci.
Bill Morris, directeur national, United Way Centraide Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant vous. La mission du mouvement Centraide est de mobiliser notre capacité collective d’améliorer des vies et de renforcer les collectivités. Nous le faisons par l’entremise de divers partenariats avec des particuliers, des entreprises, des syndicats, des organismes de prestation de services et les gouvernements. Centraide est présent dans plus de 100 collectivités du Canada. Nos campagnes de financement locales nous permettent de recueillir environ 500 millions de dollars par année, qui sont réinvestis afin de renforcer la collectivité et d’améliorer des vies.
Notre objectif est de sortir les gens de la pauvreté, d’aider les enfants à réaliser leur plein potentiel et de bâtir des collectivités fortes et en santé.
Pour sortir les gens de la pauvreté, nous faisons la promotion de trois objectifs : la sécurité alimentaire, la stabilité du logement et la sécurité du revenu. En tant qu’organisme qui tente de trouver des solutions et d’avoir une incidence dans les collectivités, nous nous centrons aussi sur la recherche sur les conditions sociales. Au cours des dernières années, une partie de cette recherche portait sur la nature changeante de l’emploi et du revenu. Nous nous sommes surtout centrés sur la région du Golden Horseshoe, mais je crois que les résultats sont applicables à l’ensemble du Canada. Je crois que les gens connaissent bien ces résultats, puisqu’il s’agit de tendances mondiales.
Le nombre d’emplois précaires augmente. De plus en plus, les gens combinent les emplois à temps partiel, les contrats et le travail dans des milieux non traditionnels. Certains d’entre vous ont peut-être utilisé l’application Uber pour se rendre ici aujourd’hui ou à d’autres moments. C’est un exemple des façons non traditionnelles dont les gens gagnent leur vie.
La souplesse que l’on exige dans nos milieux de travail et sur le marché du travail a des conséquences. Moins de gens ont un fonds de pension et des avantages sociaux, et les emplois et les revenus sont beaucoup moins stables. Le résultat, en combinant cela à l’augmentation de la dette à la consommation, c’est que beaucoup plus de gens vivent d’un chèque de paie à l’autre, notamment les gens que nous cherchons à aider avec nos investissements. Cela se traduit par une augmentation de la clientèle des banques alimentaires et d’autres organismes qui viennent en aide aux gens qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins de base. On le constate aussi dans l’augmentation de l’instabilité du logement et de l’itinérance. Vous en avez peut-être fait l’expérience vous-même avec vos enfants, par les phénomènes des « enfants boomerang » et de l’hospitalité temporaire. Ce sont toutes des conséquences des conditions précaires du marché du travail.
En ce qui concerne les changements proposés, nous nous réjouissons de voir que l’on tente d’adapter le régime d’assurance-emploi à la nature changeante du marché du travail et des revenus, afin d’en accroître la souplesse. Les modifications mises en place découlent d’un projet pilote lancé en 2005. Nous nous réjouissons de voir que les modifications visent maintenant à intégrer ce programme pilote dans la loi elle-même plutôt que dans la réglementation.
Nous sommes aussi heureux de l’élargissement des critères d’admissibilité de l’ancien programme pilote de façon à accroître le nombre de travailleurs visés. Nous sommes très satisfaits des changements qui offrent une marge de manœuvre en donnant aux travailleurs sans emploi deux formules distinctes pour les demandes de prestations.
Nous nous interrogeons toutefois sur la pertinence de passer graduellement à une formule unique, ce qui éliminerait cette marge de manœuvre. Lorsque nous avons examiné les données, qui sont difficiles à trouver puisque nous n’avons rien trouvé qui démontre que le programme pilote ait été étudié... Les informations limitées que nous avons réussi à trouver, qui se résument au témoignage de l’ancien sous-ministre devant le comité HUMA, semblent indiquer que l’ancienne méthode selon laquelle les travailleurs pouvaient garder les premiers 75 $ a surtout aidé les personnes à plus faible revenu. Or, c’est justement ce qui sera éliminé graduellement. Nous nous interrogeons sur la sagesse de cette décision et sur le passage à un mode de calcul unique pour les nouveaux changements.
Cela dit, nous appuyons cette mesure ainsi que d’autres changements qui augmentent la souplesse, qui tiennent compte des conditions changeantes du marché du travail avec lesquelles les gens doivent composer et des difficultés que cela entraîne sur le plan de l’instabilité des revenus, et qui rendent le régime d’assurance-emploi plus conforme à la réalité du marché du travail. À Centraide, nous ne prétendons pas être des spécialistes des règlements en matière d’assurance-emploi, mais nous envoyons les effets sur le plan des besoins dans la communauté, en particulier l’augmentation de la demande d’aide visant à satisfaire aux besoins fondamentaux. Lorsque les gens n’arrivent pas à satisfaire à ces besoins, cela a un effet d’entraînement. Nous appuyons ces changements, et nous espérons qu’ils favoriseront la résilience chez un plus grand nombre de gens et qu’ils inciteront les gens à rester davantage sur le marché du travail qu’ils l’auraient fait autrement. Merci.
Le président : Merci.
La sénatrice Marshall : Merci à tous de vos exposés. Je vais poser mes questions dans l’ordre dans lequel vous avez témoigné. Je commence par M. Cousineau.
Je vous remercie de votre exposé. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre organisme et sur votre nombre de membres? Dressez-vous les animaux d’assistance? Pourriez-vous nous donner plus de renseignements sur votre organisme? J’aurai ensuite des questions complémentaires.
M. Cousineau : Au début, nous nous chargions surtout de collecte de fonds et de défense des droits. Paws Fur Thought a collaboré avec diverses écoles pour favoriser le jumelage avec les anciens combattants et les premiers répondants qui en ont besoin.
En février dernier, j’ai joué le rôle de celui qu’on appelle le « Dog Father » avec Wounded Warriors Canada. J’ai étendu les activités de Paws Fur Thought dans huit écoles dans l’ensemble du pays, et j’espère porter ce total à neuf écoles d’ici la mi-juin.
La sénatrice Marshall : Donc, combien d’anciens combattants avez-vous aidés? Combien d’animaux d’assistance avez-vous utilisés?
M. Cousineau : Nous sommes rendus à 103 en cinq ans avec Paws Fur Thought, je suis fier de souligner que c’est 103 de plus qu’avant.
La sénatrice Marshall : Habituellement, on ne pense qu’aux chiens lorsqu’il est question d’animaux d’assistance. Est-ce uniquement des chiens, ou y a-t-il d’autres animaux?
M. Cousineau : L’adoption de l’Americans with Disabilities Act aux États-Unis, il y a 20 ans, a mené à toutes sortes d’aberrations pendant un certain temps; on avait recours à des singes et à des chevaux miniatures. Vous avez probablement vu récemment dans les médias des reportages peu flatteurs concernant des hamsters, des paons, des cochons, et cetera. Aux fins de notre discussion, nous dirons qu’un animal d’assistance est un chien de service entraîné à des tâches précises pour atténuer l’incapacité de son maître.
La sénatrice Marshall : Votre organisation s’occupe-t-elle du dressage des chiens?
M. Cousineau : Le dressage ne relève pas de nous, mais des spécialistes avec lesquels nous avons établi des partenariats. Nous nous occupons de financement et de défense des droits. Certaines écoles avec lesquelles nous travaillons... L’une d’entre elles célèbre son 25e anniversaire cette année, et une autre a été fondée il y a 21 ans.
La sénatrice Marshall : Nous avons eu l’occasion de discuter avant le début de la réunion. Y a-t-il des normes pour les animaux d’assistance? Ces normes varient-elles d’une école de dressage à l’autre?
M. Cousineau : Elles varient en effet d’une école à l’autre. Deux organisations internationales, Assistance Dogs International et l’International Guide Dog Federation, ont publié des normes. Les gouvernements de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ont publié des normes. Ma femme et moi avons joué un rôle pour l’entrée en vigueur d’une loi sur les chiens d’assistance en Nouvelle-Écosse, tandis qu’en Colombie-Britannique, il semble que la réglementation sera promulguée le mois prochain.
Il n’y a pas d’accord interprovincial de réciprocité, ce qui signifie, par exemple, que si vous êtes titulaire d’un permis de conduire ici en Ontario, vous pouvez aller en Alberta et conduire un véhicule sans avoir à passer un examen. Toutefois, selon les règles actuelles du monde des chiens d’assistance, le maître qui s’établit dans une province doit obtenir une attestation pour son chien auprès d’un organisme d’évaluation. Cela n’a aucun sens.
La sénatrice Marshall : Je crois comprendre, d’après votre exposé, que vous êtes favorable aux modifications proposées.
M. Cousineau : Absolument.
La sénatrice Marshall : Mais vous avez indiqué avoir rencontré le ministre O’Regan. J’avais cru comprendre que vous appuyez les amendements, mais que vous aimeriez qu’il y en ait plus.
M. Cousineau : Tout à fait. Vous avez soulevé un point important. Vous savez, il nous a fallu cinq ans et demi pour obtenir une reconnaissance d’une ligne disant : « Nous ne ferons pas de discrimination fondée sur la déficience. » Cela n’aurait jamais dû prendre cinq ans et demi.
Il subsiste des enjeux sur la question de la recherche continue. Nous n’avons aucun plan stratégique à long terme concernant la courbe de l’offre et la demande, qui est totalement inversée. Donc, aucun plan à long terme n’a encore été mis en place et, malheureusement, les gens qui conseillent le ministre sur les questions médicales n’ont pas été à la hauteur.
La sénatrice Marshall : Vous considérez donc que les mesures devraient être plus rigoureuses?
M. Cousineau : Les résultats sont quantifiables, en fait. On nous a demandé d’étudier l’efficacité, et nous avons des données à cet égard. De leur côté, ils ne peuvent même pas fournir des preuves pour les taux de récidive malgré des mesures auxquelles ils consacrent des centaines de milliers, voire des millions de dollars. Cela n’a aucun sens. Il est temps qu’ils se manifestent et qu’ils agissent.
La sénatrice Marshall : Monsieur Cunningham, en ce qui concerne le tabac, je crois comprendre, d’après votre exposé, que vous êtes d’accord avec les modifications proposées dans le projet de loi d’exécution du budget, mais que vous aimeriez en voir plus.
M. Cunningham : Nous appuyons les mesures du projet de loi, mais il faut des efforts continus pour pouvoir poursuivre les progrès.
La sénatrice Marshall : Aimeriez-vous que cela comprenne une mesure annuelle, comme une taxe ascenseur ou quelque chose du genre?
M. Cunningham : Une augmentation de la taxe d’accise fédérale sur le tabac et des taxes provinciales est possible, de sorte qu’il y aura une indexation sur l’inflation. Toutefois, pour revenir aux taux de 1991, avec l’inflation, il faudrait une augmentation supplémentaire de 8 $ à l’échelle fédérale pour revenir aux taux antérieurs, après inflation.
La sénatrice Marshall : Monsieur Morris, la semaine dernière, nous avons accueilli le directeur général par intérim de la Direction de la politique de l’assurance-emploi à Emploi et Développement social Canada. Il est venu parler des politiques d’assurance-emploi. Il a indiqué que les demandeurs ont deux options s’ils gagnent un revenu pendant la période de prestations.
Il a indiqué que sans égard à la possibilité de participer au projet pilote actuel, constate que 99,5 p. 100 des gens utilisent l’option par défaut et que seulement 0,5 p. 100 choisissent l’autre option.
M. Morris : Je dirais seulement que je n’avais pas ces chiffres et que je vous remercie de m’en informer.
La seule information que j’ai pu trouver concernant les effets, un des aspects qu’il faut examiner du côté de la demande, ce sont les propos tenus par l’ancien sous-ministre dans son témoignage au comité HUMA. Il semble laisser entendre que cela avait eu un effet plus important pour les personnes à faible revenu, donc pour la partie qui sera éliminée graduellement d’ici 2022. C’était ma seule préoccupation. Pour le reste, nous avons appuyé les modifications proposées.
La sénatrice Marshall : Très bien. Merci beaucoup.
Le sénateur Pratte : Monsieur Cunningham, vous n’avez fait aucun commentaire sur les deux dernières diapositives. Elles portent sur l’évolution du commerce illégal, qui est en baisse. Toutefois, les chiffres fournis sur les diapositives ne sont pas récents; ils remontent à environ 2010, je crois. Nous avons entendu dire que le commerce illicite a repris ces dernières années et qu’il est en augmentation. Je n’ai pas les chiffres. Je me rappelle simplement avoir vu ou entendu quelque chose à ce sujet.
Pourrais-je avoir vos commentaires à ce sujet? La tendance qu’on observe à partir de 2008 et 2010 s’est-elle poursuivie? Le commerce illicite est-il toujours à la baisse, ou a-t-il augmenté?
M. Cunningham : Les nouvelles sont encourageantes. Le sommet a été atteint en 2008, manifestement, mais il y a eu une baisse substantielle comparativement à cette année-là. Le gouvernement du Québec a mené plus d’études que toute autre province pour mesurer la contrebande sur son territoire. Selon le ministère des Finances du Québec, il y a eu une baisse considérable et elle s’établit maintenant à 12 p. 100, le plus bas taux en plus d’une décennie.
Le sénateur Pratte : Je devrais le savoir, je suppose, mais quels renseignements avons-nous concernant l’incidence des prix, le cas échéant, sur le commerce illicite au Québec ou en Ontario, les provinces les plus proches des producteurs illégaux? Comme vous l’avez indiqué plus tôt, il semble, du moins en théorie, qu’on encourage le commerce illicite lorsqu’on augmente trop les prix ou les taxes.
M. Cunningham : On constate que les taux de taxation des produits du tabac sont beaucoup plus élevés dans l’Ouest du Canada. Selon les données de l’industrie du tabac, le taux de contrebande dans les provinces de l’Ouest pourrait être de 4 p. 100, un taux beaucoup plus faible. L’Ontario a le taux le plus élevé, et il dépasse de beaucoup celui du Québec. Le gouvernement ontarien pourrait en faire beaucoup plus. D’ailleurs, il n’a pas mis en place certaines mesures adoptées dans beaucoup d’autres provinces pour empêcher la contrebande. Voilà donc une mesure qu’il peut prendre. Le gouvernement fédéral peut également prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre la contrebande.
Les données que vous trouvez dans le document que nous avons fourni proviennent de Philip Morris International et de British American Tobacco. Il leur arrive de révéler en privé des choses qu’ils ne diront pas dans les médias. Dans l’industrie du tabac, on entend dire que la contrebande est en hausse, mais pas de façon substantielle, en volume total.
Le sénateur Pratte : Merci.
Monsieur Cousineau, nous savons très bien à quel point un chien peut être utile pour un aveugle, par exemple, et nous savons aussi que les chiens ont des aptitudes formidables et utiles pour les personnes atteintes de TSPT. Pourriez-vous nous décrire brièvement ce qu’un chien d’assistance peut faire pour les personnes atteintes de TSPT?
M. Cousineau : Le plus simple est probablement de vous donner un aperçu d’une journée type de la vie de ma chienne. Pendant deux décennies et demie, je me réveillais toutes les nuits, à 4 h 30, en raison d’horribles terreurs nocturnes. Si vous avez déjà vu quelqu’un qui en souffre ou en avez fait vous-même l’expérience, vous ne voudrez jamais revivre cela une autre fois, et encore moins pendant 25 ans.
Grâce à son incroyable sens de l’odorat, ma chienne peut déceler les variations biochimiques de mon corps, et on lui a appris à me réveiller lorsque cela se produit. Donc, elle me permet d’avoir deux heures de sommeil supplémentaires, ce que je n’avais pas eu depuis longtemps.
Lorsque nous sortons en public, elle joue un rôle de vigie. Elle marche derrière moi ou, si nous sommes assis quelque part, elle surveille ce qui se passe derrière. Je peux savoir ce qui se passe derrière moi simplement en regardant son comportement. Il faut savoir que je souffre de graves problèmes d’agoraphobie et d’hypervigilance.
Si je marche avec ma chienne et que vous constatez qu’elle semble me donner un coup sur la jambe, ce n’est pas qu’elle ne peut marcher au pas. Elle tente simplement d’attirer mon attention parce qu’elle sent les variations biochimiques qui indiquent que je suis le point de décrocher mentalement.
Si je ne réagis pas et que je ne communique pas, elle intensifiera son intervention pour que je n’aie pas d’autre choix que d’interagir avec elle.
Les chiens sont dressés pour toutes sortes d’autres choses. À titre d’exemple, des chiens ont été dressés pour rappeler à leur maître de prendre ses médicaments. Dans un cas, la maîtresse doit prendre ses médicaments et ensuite montrer sa main au chien pour qu’il sache qu’elle a vraiment pris ses médicaments.
Je sais que cela peut vous sembler bien peu, mais pour les gens comme nous qui vivent avec les conséquences horribles du TSPT, ces chiens transforment complètement notre vie.
En outre, il est intéressant de noter que les tribunaux ont déjà déterminé que tous les animaux ont, fondamentalement, la capacité d’offrir du soutien affectif. Par conséquent, toute utilisation de tels termes dans le cadre de cette discussion est inacceptable. L’important, pour nous, c’est la tâche que le chien a été entraîné à exécuter pour atténuer l’invalidité de son maître.
Le sénateur Pratte : Votre étude montre que votre chien n’est pas exceptionnel, que des chiens qui sont bien entraînés peuvent faire cela pour…
M. Cousineau : L’étude d’efficacité qu’ACC a entreprise parce que je l’ai essentiellement forcé à le faire indique que, dans les résultats préliminaires — ceux qui, comme je l’ai dit plus tôt, ont été présentés en septembre dernier —, les symptômes de l’ESPT diminuent, l’indice de dépression diminue, la qualité et de l’efficacité du sommeil s’améliorent, et la situation s’améliore sur le plan du fonctionnement social et de la mobilité.
Compte tenu de ces résultats, le gouvernement, en particulier le ministère qui étudie la question, aurait dû tenter de déterminer ce qu’il peut faire de plus à cet égard. Au lieu de cela, on semble encore se tourner les pouces.
Le sénateur Pratte : Cette étude sera-t-elle publiée?
M. Cousineau : Par l’Université Laval. J’en enverrai une copie à la greffière afin que vous puissiez la consulter. Je crois que vous la trouverez fort intéressante.
La sénatrice Eaton : J’aimerais poursuivre dans la foulée de la question de mon collègue. Les chiens ne peuvent simplement être utilisés pour le soutien affectif. Je connais beaucoup de gens qui font des allers-retours, et ils veulent emmener leur chien. Et quel moyen facile de le faire existe? Il suffit de remplir les formulaires en ligne et le chien devient un chien de réconfort.
L’autre jour, j’ai dit à ma belle-fille que je devrais peut-être le faire pour ne pas avoir à mettre mon petit Jack Russell dans sa cage. Je pourrais l’avoir sur mes genoux.
Je comprends ce que font vos chiens. Je crois que c’est formidable. Or, ne devrait-il pas y avoir des normes pour empêcher des gens comme moi, qui devraient être capables de voyager et qui ne souffrent pas d’anxiété, de profiter d’un système qui est complètement ouvert en quelque sorte?
M. Cousineau : Absolument. Les fausses inscriptions de chien d’assistance constituent une industrie florissante. J’ai soulevé la question, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il nous faut une norme nationale qui fonctionnerait d’une province à l’autre, un peu comme la façon dont nous gérons les permis de conduire. Cela pourrait être administré par la province et nous pourrions espérer mettre fin à une bonne partie de cette folie, comme vous l’avez dit. Encore une fois, j’ai des exemples que j’enverrai au comité. Récemment, une ancienne combattante ayant une incapacité a été bernée. Elle a payé 275 $ américains pour une pièce d’identité qui ne vaut absolument rien, sur laquelle la formulation utilisée est la plus ambiguë qu’on puisse imaginer. Elle n’a aucun recours. Nous devons mettre fin à ce problème.
La sénatrice Eaton : J’imagine que j’ai vu trop de faux cas.
M. Cousineau : Absolument. C’est un problème auquel nous faisons face présentement. Chaque fois que je prends l’avion, je dois maintenant subir un examen approfondi et nous devons remplir des papiers au bureau des services aux personnes ayant une incapacité dans les aéroports. Cela n’en finit plus.
La sénatrice Eaton : Alors que cela ne devrait pas être du tout le cas.
M. Cousineau : Non. Si on y pense un instant, concernant les gens qui font passer leurs animaux pour des animaux d’assistance, le problème, ce n’est pas l’animal. En fait, ils font semblant d’avoir une incapacité. Si cela ne laisse pas un goût amer, ce devrait être le cas.
La sénatrice Eaton : Je suis d’accord avec vous. Je crois qu’il nous faut des normes.
M. Cousineau : Je suis du même avis que vous.
La sénatrice Eaton : Monsieur Cunningham, nous sommes en train de légaliser le cannabis au pays. Puisque vous dites qu’il ne doit plus y avoir de fumeurs, quel est votre point de vue là-dessus. On ne fumera pas des cigarettes, mais on s’allumera des joints.
M. Cunningham : Nous sommes certes bien loin de voir le tabac ou la cigarette disparaître, et c’est en grande partie parce que la nicotine crée une grande dépendance, aussi grande que celle que créent l’héroïne ou la cocaïne.
Concernant le cannabis, il faut dire que les tentatives d’interdire l’alcool ont échoué. De toute évidence, le cannabis doit être fortement réglementé pour ce qui est des lieux où il peut être consommé, de l’emballage et de la publicité.
La sénatrice Eaton : Ce n’est pas le sujet de ma question. Je trouve plutôt intéressant que vous luttiez aussi fort pour faire baisser sans cesse le taux de tabagisme et faire augmenter les taxes à un moment où nous sommes sur le point de légaliser la marijuana, qui coûtera moins cher qu’une cartouche de cigarettes.
Je m’interroge aussi au sujet du Québec et de l’Ontario, où il semble que les cigarettes coûtent moins cher qu’ailleurs. Je me demande si c’est à cause de leur situation géographique que les activités de contrebande y sont le plus importantes — près de la frontière américaine, près de Kanesatake et des autres lieux, où énormément de cigarettes de contrebande circulent chaque jour, près de Windsor et du fleuve Saint-Laurent.
M. Cunningham : C’est la raison pour laquelle c’est en Ontario et au Québec que les activités de contrebande sont les plus importantes. C’est à cause de la proximité des fabricants illégaux dans la réserve des Six Nations, près de Brantford, du côté américain d’Akwesasne, et à Kahnawake, près de Montréal. Ce sont les sources principales. C’est très près des centres urbains.
La sénatrice Eaton : Au Québec et en Ontario, les taxes n’ont pas augmenté.
M. Cunningham : Le seul vrai obstacle pour ces gouvernements, c’est le niveau apparent de contrebande, car ils appuient les objectifs de réduction du tabagisme et les avantages des recettes, et si ce n’était pas des préoccupations concernant la contrebande, ils auraient augmenté les taxes.
La sénatrice Eaton : Quel est le meilleur moyen de dissuasion, à votre avis? S’agit-il de l’éducation, des taxes ou des coûts?
M. Cunningham : Le meilleur moyen de dissuasion, c’est d’augmenter les taxes, mais nous avons besoin d’une stratégie globale comprenant de nombreux volets.
La sénatrice Eaton : Ne croyez-vous pas que sensibiliser les jeunes à l’école pendant de nombreuses années, les informer sur les dommages que le tabagisme cause à leur cœur, à leurs poumons et à leur état de santé général a plus de répercussions qu’une hausse de taxes?
M. Cunningham : À ce moment-ci, avec ce que nous pouvons faire, je pense que le meilleur moyen de dissuasion, c’est d’augmenter les taxes sur le tabac. Il ne fait aucun doute qu’une sensibilisation accrue et une meilleure connaissance des effets du tabagisme sur la santé ont des effets très importants. Si nous remontons aux années 1960, par exemple, les choses ont fondamentalement changé, depuis, sur le plan de la sensibilisation dans la société.
Je crois que l’adoption d’une stratégie globale qui inclut l’éducation, des programmes de lutte contre le tabagisme, des dispositions législatives et des taxes… Il n’y a pas qu’un élément et il n’existe pas de solution miracle. Nous avons besoin de plusieurs éléments, et le volet éducatif est très important.
La sénatrice Eaton : Merci.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence. Je vais poursuivre dans la même veine. Mes questions s’adressent à M. Cunningham. Les pages ne sont pas numérotées, mais il est question ici du taux de taxation pour les cigarettes. Ce qui est en bleu correspond au taux de taxation. Quelle partie correspond au fédéral et laquelle correspond aux provinces? Avons-nous cette information?
M. Cunningham : Si vous regardez à l’extrême droite du graphique, il y a le taux pour le fédéral.
Le sénateur Massicotte : L’autre partie correspond au taux provincial?
M. Cunningham : Oui. Du côté du gouvernement fédéral, c’est environ 28 $, ce qui inclut un montant moyen de la TPS correspondant à 5 p. 100 dans l’ensemble du pays. On a ensuite les provinces. La partie bleue correspond à leur taxe sur le tabac. Certaines provinces appliquent la taxe de vente provinciale ou la partie provinciale de la TVH pour le tabac, et on a cela également. Il y a donc le montant total, ce qui inclut une estimation pour la partie provinciale de la taxe de vente provinciale.
Le sénateur Massicotte : Prenons le Québec; c’est 29,80 $. Je dois ajouter ce montant à celui de 28,22 $ pour savoir quel est le taux total pour 200 cigarettes, n’est-ce pas?
M. Cunningham : C’est exact.
Le sénateur Massicotte : Celui du Québec est encore plus bas. Vous avez dit à la sénatrice Eaton que c’était probablement à cause de la proximité des fabricants illégaux que le taux n’est pas plus élevé, car il y a toujours la forte menace d’un produit vendu beaucoup moins cher, à un prix plus concurrentiel, j’imagine.
M. Cunningham : Le Québec a obtenu des résultats formidables grâce aux mesures qu’il a prises pour réduire la contrebande. Ce que nous disons au gouvernement du Québec, c’est qu’il pourrait augmenter sa taxe sur le tabac.
Le sénateur Massicotte : Que vous dit-on au Québec?
M. Cunningham : Eh bien, il a envisagé de le faire, et il l’a fait il y a quatre ans. Il y a eu une augmentation, mais maintenant qu’il est si loin derrière le reste du pays à ce chapitre, il a la possibilité d’agir. Le graphique nous montre qu’il laisse passer une occasion de réduire la proportion de fumeurs chez les adolescents dans la province.
Le sénateur Massicotte : Si je regarde l’autre graphique, il y a la proportion de fumeurs, et je crois que c’est 17 p. 100. Il y a également la proportion de fumeurs chez les jeunes. Concernant la proportion de 10 p. 100, est-ce que c’est 10 p. 100 de la population ou 10 p. 100 des jeunes qui ont entre 15 et 19 ans?
M. Cunningham : C’est 10 p. 100 des Canadiens âgés de 15 à 19 ans.
Le sénateur Massicotte : Par conséquent, 6 p. 100 de tous les fumeurs ont entre 15 et 19 ans? Est-ce exact? Si 10 p. 100 des fumeurs sont âgés de 15 à 19 ans, et qu’on a 17 p. 100 de la population, alors si l’on divise 10 par 17, cela donne environ 6 p. 100, ce qui suppose que 6 p. 100 sont âgés de 15 à 19 ans. Est-ce que je me trompe?
M. Cunningham : Je n’ai pas de données précises calculées à l’avance, mais en effet, étant donné que la majeure partie de la population est composée d’adultes, et qu’une petite partie est composée d’adolescents. Le fait est que la vaste majorité des fumeurs commencent à fumer à l’adolescence. Si nous pouvons empêcher les adolescents de commencer à fumer, les effets sur le taux de tabagisme seront importants au fil du temps. De ce point de vue, les adolescents sont vraiment importants.
Le sénateur Massicotte : Dix pour cent de la population âgée entre 15 et 19 ans fume?
M. Cunningham : C’est exact.
Le sénateur Massicotte : Quelle est la proportion de fumeuses chez les filles et la proportion de fumeurs chez les garçons?
M. Cunningham : Dans ce groupe d’âge, la proportion de fumeurs chez les garçons et celle de fumeuses chez les filles sont très similaires, mais du côté des adultes, 19 p. 100 des hommes fument et 15 p. 100 des femmes fument. La proportion est plus élevée chez les hommes que chez les femmes, mais, du côté des garçons et des filles, c’est similaire.
Le sénateur Massicotte : C’est seulement que je suis surpris. Si c’est aussi précis, il est tellement facile d’augmenter les taxes sur les cigarettes. Je suis étonné qu’il n’ait pas compris qu’il peut augmenter ses recettes. Peut-être que ça va.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question concerne le tabac. Les réserves indiennes vendent du tabac. Je crois qu’il s’agit de tabac qu’elles ont le droit de vendre. Toutefois, leurs prix sont très inférieurs à ceux des cigarettes vendues sur le marché régulier. Avez-vous de l’information sur la quantité de tabac qui est vendue dans les réserves par rapport aux magasins hors réserves?
M. Cunningham : Nous avons de grandes inquiétudes quant au taux de tabagisme au sein des Premières Nations. Le taux est supérieur à 50 p. 100 chez ceux qui habitent les réserves. Ce phénomène est attribuable au fait que les prix sont si bas, ce qui attire particulièrement les adolescents.
Les taxes fédérales sont applicables dans la réserve. Lorsque la loi est respectée, tout n’est pas perdu. Toutefois, les taxes de vente provinciales et fédérales ne s’appliquent pas dans les réserves pour les Premières Nations qui achètent le tabac. Les chiffres varient par province. Par exemple, en Saskatchewan et au Manitoba, les membres des Premières Nations représentent environ 15 p. 100 de la population. Le pourcentage du marché est donc plus élevé qu’en Atlantique. Le problème est réel et des solutions existent. Il ne reste qu’à les mettre en vigueur.
La sénatrice Moncion : J’habite dans un secteur situé près de réserves qui comptent plusieurs boutiques qui vendent des cigarettes. Ont-elles le droit d’en vendre à des personnes qui ne sont pas des Autochtones?
M. Cunningham : Non.
La sénatrice Moncion : Chez moi, au moins une cigarette sur deux provient d’un magasin autochtone.
M. Cunningham : Ils ont seulement le droit de vendre sans imposer de taxe provinciale aux Autochtones dans une réserve. Les personnes qui ne sont pas des Autochtones ne peuvent en acheter. C’est illégal. Elles ne peuvent ni en vendre ni en acheter.
La sénatrice Moncion : Mais il y a une autre sorte de cigarette. Si les gens achètent un paquet de cigarettes du Maurier, même dans la réserve, ils vont payer le même prix. Cependant, l’autre cigarette, qui n’est pas de marque du Maurier et qui provient d’un autre paquet, devient-elle une cigarette de contrebande?
M. Cunningham : Une cigarette du Maurier vendue dans une réserve à un Autochtone est exempte de taxe provinciale. Pour n’importe quelle marque, la loi est la même. Qu’il s’agisse d’une cigarette fabriquée dans une réserve ou par Imperial Tobacco Canada, la taxe est la même. Cependant, dans certains cas, certaines usines de cigarettes n’ont pas de permis et ne paient aucune taxe fédérale ni provinciale. Il est illégal de ne pas payer de taxe fédérale.
La sénatrice Moncion : Mais est-ce que l’autre sorte de cigarette est une cigarette illégale?
M. Cunningham : Si la taxe fédérale n’est pas payée, le produit en question est illégal. Par exemple, on parle souvent de sacs de plastique contenant du tabac qui n’ont pas de mise en garde. Voilà une autre façon de vendre qui est illégale. On peut cependant vendre du tabac dans un sac de plastique avec les mises en garde si l’on paie les taxes.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : Je vais poursuivre dans la foulée de ces questions. L’Ontario et le Québec ont augmenté leurs taxes sur les cigarettes et ont dû ensuite renoncer à aller aussi vite que d’autres, c’est ça? Est-ce que ma mémoire est bonne? D’autre part, existe-t-il une corrélation entre la contrebande et le prix des cigarettes sur le marché?
M. Cunningham : La dernière fois que le Québec a augmenté ses taxes provinciales, c’était il y a quatre ans. L’Ontario l’a fait dans le cadre de ses budgets de 2017 et de 2018. Il y a eu des hausses en Ontario récemment. Malgré cela, le taux reste inférieur aux prix que l’on retrouve dans les autres provinces.
La sénatrice Andreychuk : Il y a une augmentation. Je dis qu’on surveille les effets sur la contrebande, peu importe la façon dont on veut définir cette dernière, que ce soit fait de façon illégale à la frontière ou si le produit est emballé ou vendu différemment.
Je devrais signaler que j’ai beaucoup travaillé avec la Société canadienne du cancer il y a de nombreuses années, et c’est l’une des choses que nous surveillions. Lorsque le prix augmentait, il s’agissait toujours de deviner quel serait le prix à ce moment-là dans la province, ce que cela provoquerait du côté de la contrebande.
M. Cunningham : C’est certainement une source de préoccupation pour le gouvernement de l’Ontario. Ces dernières années, il a adopté un ensemble de mesures de prévention de la contrebande qui sont utiles. S’il ne l’avait pas fait, la situation de la contrebande serait encore pire qu’elle l’est maintenant. Il y a d’autres mesures que l’Ontario peut mettre en place. Ce sont certainement des éléments que les gouvernements évaluent lorsqu’ils le font.
La situation dans l’Ouest canadien est vraiment positive. Les taxes sur le tabac sont beaucoup plus élevées et il n’y a pratiquement pas d’activités de contrebande. Cela s’explique par le fait qu’il n’y a pas de comptoirs à tabac illégaux dans les réserves. Là-bas, le problème qui existe en Ontario et au Québec, soit la vente de cigarettes à des non-Autochtones dans les réserves, n’existe pas.
Quand une personne essaie d’ouvrir un magasin, les autorités le ferment. Or, la situation est complètement différente en Ontario et au Québec.
La sénatrice Andreychuk : Or, vous conviendrez qu’il y a d’autres problèmes dans l’Ouest. Il n’y a pas que les cigarettes. Il y a des gens qui ont recours à l’alcool, par exemple, ce qui constitue un réel problème dans l’Ouest du Canada. Les choix y sont donc différents. Or, nous parlons toujours ici d’un produit qui crée une dépendance, peut-être, et comment le gouvernement lutte-t-il contre cela? On consacre de l’argent à des services de consultation en toxicomanie, à l’éducation, mais on se penche aussi sur ce qu’on peut faire quant à l’assiette fiscale. Et concernant l’alcool, si l’on avait un graphique sur la bière en Saskatchewan, c’est indexé.
Surveillez-vous, d’une certaine façon, la corrélation entre « je vais cesser de fumer » et « je crois que je vais acheter une autre bouteille »? Je crois que c’est ce que font souvent les gouvernements provinciaux. Ils examinent les liens entre toutes les activités pour déterminer les structures de prix.
M. Cunningham : Je suis au courant de constatations qui ont été faites, selon lesquelles la réduction du tabagisme chez les jeunes est liée à la réduction de la consommation d’autres drogues. Il se peut que si un adolescent apprend à fumer des cigarettes, il devient alors facile de fumer autre chose.
Un certain nombre d’études portent là-dessus, et c’est encourageant. Il est certain que pour ce qui est du cannabis, il y a beaucoup d’éléments communs entre les jeunes qui fument du cannabis et ceux qui fument la cigarette. Il faudra que cela fasse l’objet d’un suivi. Souvent, les gens combinent le cannabis et le tabac pour faire une cigarette de cannabis. Voilà les enjeux.
De toute évidence, pour être bien au courant de ce qui se passe exactement dans le marché, la surveillance est essentielle à la mise en œuvre efficace d’une stratégie de sorte que les gouvernements puissent réagir rapidement lorsqu’il se passe quelque chose de nouveau.
La sénatrice Andreychuk : Concernant la Saskatchewan et d’autres provinces de l’Ouest, vous disiez qu’on exerce cette surveillance. Si l’on commence à mener des activités illégales, il est possible d’y mettre fin, en partie à cause des distances.
Voulez-vous dire qu’il n’y a aucune surveillance au Québec? Quel est le problème en Ontario et au Québec, à part le fait qu’il y a des problèmes liés aux compétences, et cetera?
M. Cunningham : La chose la plus importante que l’Ontario n’a pas faite, contrairement à la plupart des autres provinces, c’est qu’en Ontario, lorsque le tabac est livré dans une réserve, aucun montant pour la taxe provinciale sur le tabac n’est inclus.
Il est donc vraiment bon marché lorsqu’il arrive sur la réserve. On peut donc le détourner hors de la réserve, ou les gens qui ne sont pas des Autochtones peuvent en acheter. Au Québec et dans d’autres provinces, dont la Saskatchewan, lorsque des produits sont livrés dans une réserve, il y a un montant qui est inclus qui équivaut à la taxe provinciale sur le tabac. Bien que le consommateur autochtone n’ait pas à le payer, il demeure élevé, et le détaillant fera une demande de remboursement au gouvernement provincial. Il n’y a donc pas de produits exonérés de taxe pouvant être détournés. Il y a de bien meilleures mesures de contrôle.
L’Ontario ne l’a pas fait. Elle l’a fait pour l’essence. L’essence n’est pas aussi problématique que le tabac dans les réserves. Nous recommandons à l’Ontario de faire de même pour le tabac.
Le sénateur Neufeld : Pour enchaîner là-dessus, je pense que nous avons assez tourné autour du pot.
Vous avez parlé de l’Ontario. Vous n’avez rien dit au sujet du Québec. Pensez-vous que le Québec devrait faire la même chose, c’est-à-dire que, au lieu d’envoyer des cigarettes non taxées dans les réserves, il devrait exiger que les réserves réclament une partie des taxes qu’elles auront payées?
M. Cunningham : En fait, le Québec a déjà adopté cette approche. Cela a contribué au déclin de la contrebande dans la province. Le Québec l’a fait, mais pas l’Ontario. Je pense que cela explique en grande partie pourquoi il y a beaucoup plus de contrebande en Ontario qu’au Québec.
Le sénateur Neufeld : Dans le cas de la Colombie-Britannique, par exemple, d’où je viens, vous ai-je bien entendu dire que, dès qu’on ouvre une cabane à tabac dans une réserve, les autorités interviennent et ferment ses portes?
M. Cunningham : Je suis certainement…
Le sénateur Neufeld : C’est ce que vous avez dit.
M. Cunningham : Oui, mais c’est au Manitoba que la dernière tentative a eu lieu.
Le sénateur Neufeld : De quelles autorités s’agit-il?
M. Cunningham : Il s’agit des autorités provinciales chargées de l’application de la loi relative à la taxe sur le tabac, des inspecteurs. La dernière tentative remonte à loin en Colombie-Britannique. Il y a quelques années, quand quelqu’un a voulu ouvrir une cabane à tabac, cela n’a tout simplement pas été toléré. Quelqu’un s’est essayé en Alberta. Tout a été saisi et la personne a été poursuivie en justice.
Les autorités ont tôt fait d’étouffer le problème dans l’œuf. Leurs efforts ont porté fruit, car les gens savent que s’ils se risquent à ouvrir une cabane à tabac, ils vont perdre tout leur inventaire si les autorités interviennent.
Le sénateur Neufeld : Les taxes sur la bière sont maintenant indexées. En fait, nous avons entendu au sein d’un autre comité dont je fais partie que les gens du secteur de la bière sont très contrariés par l’indexation des taxes.
Avez-vous fait pression sur le gouvernement pour qu’il fasse la même chose avec les cigarettes?
M. Cunningham : Oui, nous l’avons fait. Nous avons exhorté…
Le sénateur Neufeld : Quelle a été sa réponse?
M. Cunningham : La réponse a été positive au niveau fédéral en ce qui concerne l’indexation des taxes sur le tabac, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous appuyons ce projet de loi.
Le Yukon l’a déjà fait, et d’autres pourraient l’imiter.
Le sénateur Neufeld : D’accord.
Monsieur Cousineau, votre exposé était très intéressant et convaincant. Votre programme est uniquement axé sur les chiens? D’où je viens, il y a un ranch où des gens vont passer du temps avec les chevaux, parce que les chevaux aident beaucoup de la même façon. Ai-je raison de dire cela?
M. Cousineau : Pour le crédit d’impôt pour frais médicaux, le programme dont je parle porte précisément sur les chiens d’assistance, dont les chiens-guides, les chiens de mobilité, les chiens pour personnes malentendantes et les chiens aptes à déceler les crises diabétiques et les crises d’épilepsie. Seule exception notable : les chiens de soutien affectif pour ceux d’entre nous qui souffrent de blessures psychologiques. J’essaie vraiment d’éviter de parler de stress post-traumatique, parce que ce n’est pas particulièrement pertinent dans ce cas-ci.
C’est là-dessus que nous devons nous concentrer, car il s’agit simplement d’établir l’égalité, ni plus ni moins.
Il y a d’autres méthodes de traitement — et j’en ai brièvement parlé —, par exemple la thérapie équine et l’art-thérapie. Il y a un ranch près de Calgary qui fait du jardinage maraîcher thérapeutique. Il y a plusieurs méthodes qui méritent vraiment notre attention.
Les méthodes de traitement courantes sont efficaces pour 50 p. 100 des patients. Autrement dit, c’est comme un jeu de pile ou face. À l’heure actuelle, on ne s’occupe pas trop des patients qui résistent aux traitements, car personne ne s’intéresse à cela. Pourtant, Can Praxis obtient des résultats incroyables avec la thérapie équine. Il existe différents programmes axés sur la résilience à la suite d’un traumatisme, comme celui de Chris et Kathryn Linford, qui s’appelle « Couples Overcoming PTSD Everyday », ou COPE.
Souvent, la solution n’est pas celle des grandes compagnies pharmaceutiques, qui consiste à donner des pilules au patient et de lui redonner rendez-vous quelques semaines plus tard. Cela ne fonctionne pas; il faut trouver une solution réellement efficace, car le problème ne se réglera pas tout seul.
Le sénateur Neufeld : Je suis d’accord avec vous, et cela coûte très cher de s’en remettre aux solutions médicales ou aux pilules, comme vous l’avez dit si franchement.
Que pourrait faire le comité pour vous aider à faire avancer les choses? Je suis tout à fait en faveur de votre proposition, moi qui ai eu un chien pendant la majeure partie de ma vie. Peut-être pas pour les mêmes raisons, mais tout de même. Pouvez-vous m’indiquer ce que nous pourrions faire ou quelles recommandations nous pourrions formuler?
M. Cousineau : D’abord, je crois que le Sénat pourrait encourager fortement la Chambre à faire en sorte que les ministres de la Justice, de la Santé et des Anciens Combattants rencontrent les responsables du programme de chiens d’assistance. Ce serait une première étape vers la résolution de ce qui pose problème. Il faudra se pencher sur différentes considérations législatives, notamment en ce qui a trait aux déplacements en avion, à l’accès aux espaces publics et ainsi de suite. Il faut aussi voir à protéger le public.
Mais il ne faut pas oublier l’autre élément de l’équation : les gens qui ont besoin de ce soutien. Si nous les perdons de vue, nous allons rater la cible. Au fond, ce n’est pas une question de budgets, ni de postes budgétaires. Ce qui compte, ce sont les gens qui ont répondu à l’appel du pays et qui l’ont servi. Qu’ils l’aient fait en sol étranger ou au Canada, ils se sont sacrifiés pour le bien des autres. Et inévitablement, certains seront blessés. Si on peut briser des avions, des navires de guerre et des chars d’assaut, on peut briser des gens. Cela arrive. C’est la façon dont nous traitons ces gens par la suite qui fait toute la différence.
Je crois que nous devons sortir des sentiers battus. Plus tôt cette semaine, vous avez entendu le témoignage enflammé d’un de mes collègues, Brian McKenna. Le compagnon de Brian, qui était là lors de son témoignage, est un des chiens que notre programme a financés. Les gens de la trempe de Brian méritent notre aide. Tous les gens que nous avons aidés le méritaient.
Je ne sais pas exactement quelles devraient être les prochaines étapes. Je sais par contre qu’il faut entamer un dialogue, et je serais très heureux d’y prendre part.
Le sénateur Neufeld : Merci. Monsieur le président, nous devrions examiner la question de près et voir ce que nous pouvons faire pour faciliter le processus.
Le président : Merci, sénateur Neufeld.
Avant de clore la discussion, j’aimerais m’adresser à M. Cunningham. Dans le cadre de notre étude du projet de loi C-74, nous avons été à même de constater l’expérience remarquable de la Société canadienne du cancer, et le leadership dont elle a fait et continuera de faire preuve. Je tiens à vous féliciter.
Nous avons entendu vos commentaires et les questions qui vous ont été posées sur les taux de droit d’accise sur les produits du tabac. Vous n’avez pas parlé de la partie 3 du projet de loi C-74, mais j’aimerais connaître votre position et celle de la Société canadienne du cancer concernant la taxation du cannabis, qui est le mécanisme envisagé par le gouvernement. Selon votre expérience, est-ce la voie à suivre ou est-ce que la taxation risque encore de nous causer des maux de tête?
M. Cunningham : Je crois que les gouvernements fédéral et provinciaux visent une bonne approche par rapport au cannabis, c’est-à-dire une taxe fédérale dont les revenus sont partagés entre les deux ordres de gouvernement. C’est préférable aux deux taxes applicables aux produits du tabac. Je crois que sur le plan administratif, l’approche adoptée pour le cannabis est meilleure. Ce sera applicable à l’échelle du Canada, et je crois que la même approche pourrait être adoptée pour le tabac.
Le président : Merci. Nous voulions ces précisions à la lumière du projet de loi C-74.
Merci beaucoup aux témoins. Si vous voulez nous soumettre des renseignements supplémentaires avant que nous déposions notre rapport devant le Sénat, n’hésitez pas à communiquer avec notre greffière. Merci.
(La séance est levée.)