Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 68 - Témoignages du 29 mai 2018 (séance du matin)
OTTAWA, le mardi 29 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour examiner le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis Percy Mockler, un sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du comité.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à vous tous ici présents dans la salle et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent à la télévision ou en ligne.
[Traduction]
Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca.
J’aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
[Traduction]
La sénatrice Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : La présidence tient à vous féliciter, sénatrice Marshall, pour votre nouvelle petite-fille, un bébé de 10 livres.
La sénatrice Marshall : Plus de 10 livres.
Le président : Il ne fait aucun doute qu’elle pourrait être une autre comptable ou, comme sa grand-mère, vérificatrice générale. Félicitations.
La sénatrice Marshall : Merci. Je transmettrai vos félicitations.
[Français]
Le président : Sont aussi présents notre greffière, Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui, ensemble, appuient les travaux du comité.
[Traduction]
Chers collègues et membres du public, le mandat du comité consiste à examiner les prévisions budgétaires en général et les finances publiques.
Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude des dépenses prévues au Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019, lequel a été renvoyé au comité le 18 avril 2018.
Pendant la première heure, nous accueillons des représentants d’Environnement et Changement climatique Canada. Nous les avons invités pour parler de leur demande de financement dans le cadre du Budget principal des dépenses et possiblement pour en apprendre davantage sur la mise en œuvre du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Nous accueillons donc Carol Najm, sous-ministre adjointe, Direction générale des services ministériels et des finances, ainsi que Matt Jones, sous-ministre adjoint, Bureau de mise en œuvre du Cadre pancanadien.
Madame Najm et monsieur Jones, nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation à nous communiquer votre vision et votre plan d’action.
La greffière m’a informé que Mme Najm livrera un exposé. Nous entendrons ensuite les questions des sénateurs.
[Français]
Madame Najm, la parole est à vous.
[Traduction]
Carol Najm, sous-ministre adjointe, Direction générale des services ministériels et des finances, Environnement et Changement climatique Canada : Bonjour, sénateurs. Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui pour vous parler des dépenses proposées d’Environnement et Changement climatique Canada dans le cadre du Budget principal des dépenses 2018-2019.
Ce Budget principal des dépenses, y compris le budget de 2018, contient au total 1,5 milliard de dollars en dépenses prévues, ce qui représente une augmentation de 528,6 millions de dollars, ou 54 p. 100, comparativement au Budget principal des dépenses de l’an dernier.
Grâce à ce financement, Environnement et Changement climatique Canada sera en mesure d’assurer un leadership à l’échelle nationale en vue de prendre des mesures liées au changement climatique en trouvant des moyens qui permettront au Canada de réduire ses émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale et à effectuer la transition vers une économie résiliente à faibles émissions de carbone; de collaborer avec les provinces, les territoires, les municipalités, les peuples autochtones et d’autres partenaires, afin de mettre en œuvre le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques; de prévenir la pollution dans les écosystèmes, l’eau et l’air; de conserver et de protéger les espèces et les habitats; de fournir des renseignements météorologiques et environnementaux; et d’élaborer et mettre en œuvre des règlements liés à l’environnement.
Le ministère continuera de guider les initiatives liées au changement climatique, aux océans et à l’énergie propre. Le Canada accueillera les dirigeants du Sommet du G7 en juin 2018 et progressera dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris lors de la 24e Conférence des Parties, en décembre 2018, afin que la lutte contre le changement climatique se poursuive pendant les prochaines générations.
Environnement et Changement climatique Canada continuera de protéger les Canadiens et l’environnement des substances dangereuses par l’entremise d’évaluations scientifiques des substances et par l’élaboration et la mise en œuvre de mesures de contrôle, notamment des règlements. En 2018-2019, le ministère mettra en œuvre des règlements visant à interdire l’amiante au Canada, à limiter les émissions toxiques des raffineries et des usines pétrochimiques et à réduire les contaminants dans les effluents des activités minières.
Le ministère continuera également à protéger les oiseaux migrateurs et les espèces à risque par l’entremise, par exemple, de la création de zones protégées. En 2018, le ministère fera également avancer le dossier de la désignation de la réserve nationale de faune en milieu marin des îles Scott, à titre d’habitat important pour les oiseaux migrateurs.
De plus, on concentrera les efforts sur la protection des populations et des habitats de plusieurs espèces prioritaires, par exemple le caribou. Afin d’appuyer la protection de l’habitat du caribou, la réserve nationale de faune Edéhzhíe sera désignée et gérée en collaboration avec les Premières Nations du Dehcho.
Enfin, on commencera les travaux liés au Fonds pour la nature en collaboration avec des sociétés partenaires, des organismes à but non lucratif, des partenaires provinciaux, territoriaux et d’autres partenaires pour préserver des terres privées, appuyer les efforts en matière de protection des espèces provinciales et territoriales et renforcer la capacité des peuples autochtones de conserver des terres et des espèces.
Puisque le changement climatique contribue à accroître les phénomènes météorologiques violents, le ministère mettra davantage l’accent sur la cueillette et la communication de renseignements sur les conditions météorologiques violentes. De nouveaux radars et de superordinateurs contribueront au renforcement de la capacité du ministère de fournir des avertissements précis et en temps voulu sur des phénomènes météorologiques tels les tempêtes, les tornades et les inondations. Les collectivités, les secteurs économiques et les utilisateurs visés continueront de profiter d’un service de renseignements environnementaux et météorologiques 24 heures par jour, 7 jours par semaine.
Pour la première fois au cours des dernières années, le Budget principal des dépenses contient la totalité des mesures annoncées dans le budget. Ce budget contient un nouveau crédit central sous le Secrétariat du Conseil du Trésor pour la mise en œuvre du budget.
Le crédit central présente 71,4 millions de dollars pour Environnement et Changement climatique, ce qui inclut 52,9 millions de dollars pour la protection de la nature, des parcs et des régions sauvages du Canada, 16,3 millions de dollars pour l’adaptation des services météorologiques du Canada au changement climatique et 2,2 millions de dollars pour la protection de la vie marine.
J’espère que ce résumé fournit aux membres du comité les renseignements qu’ils souhaitent obtenir sur la portion du Budget principal des dépenses 2018-2019 qui vise Environnement et Changement climatique Canada.
Merci.
Le président : Merci. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.
La sénatrice Marshall : J’aimerais d’abord poser quelques questions sur votre exposé. Les nouvelles initiatives qui, selon ce que vous dites, sont maintenant intégrées au budget pour la première fois se trouvent dans le crédit 40, sous le Conseil du Trésor. Cela a-t-il été soumis à votre ministère pour analyse ou cela n’a-t-il pas encore été fait? D’après ce que je comprends, le Conseil du Trésor doit approuver tous ces crédits individuels. Ils sont dans le crédit 40, mais ils doivent y rester jusqu’à la fin d’un processus d’analyse. Pouvez-vous nous en parler?
Mme Najm : C’est exact. Ils sont reconnus par le Conseil du Trésor et par l’entremise du processus d’examen et l’analyse critique avec les ministres du Conseil du Trésor. Une fois approuvés, ils seront inclus dans les budgets suivants. Comme dans les processus liés aux Budgets supplémentaires des dépenses, nous suivrons ce processus pour obtenir l’approbation du financement et lorsque ce sera fait, ce financement sera inclus dans notre budget par l’entremise des Budgets supplémentaires des dépenses.
La sénatrice Marshall : Si nous avions des questions sur vos initiatives liées au budget de 2018, vous seriez en mesure de répondre à ces questions. Je n’ai aucune question là-dessus en ce moment, mais seriez-vous la bonne personne pour répondre à ces questions?
Mme Najm : Oui.
La sénatrice Marshall : J’ai examiné le rapport des résultats ministériels, ainsi que le plan ministériel de 2018-2019, et vous parlez des oiseaux migrateurs. Je sais qu’il y a quelque chose sur ce sujet dans votre rapport sur les résultats, mais vous avez également mentionné le caribou. Le caribou n’est pas mentionné. Pouvez-vous nous parler de votre rapport sur les résultats ministériels? Il y a certains éléments ici, mais d’autres n’y sont pas. Je m’intéresse également aux sites contaminés. Comment choisissez-vous ce qui est inclus et ce qui est exclu de votre rapport sur les résultats?
Mme Najm : Je vous remercie d’avoir posé la question.
Notre rapport sur les résultats ministériels est harmonisé avec notre cadre des résultats ministériels, et il est structuré autour de nos quatre responsabilités principales, à savoir le changement climatique et la croissance propre, la protection et la gestion de la pollution, la conservation de la nature et les prévisions sur les conditions météorologiques et environnementales. C’est une combinaison de tous nos programmes. Le rapport sur les résultats ministériels sert à diffuser l’ensemble des résultats à l’échelle du ministère, et c’est la structure dans laquelle nous produisons nos rapports.
À cause de cela, tous les résultats ne seront pas indiqués dans le rapport sur les résultats ministériels, mais ils sont publiés sur le site web du Conseil du Trésor, où vous trouverez les détails de tous les programmes du ministère. Nous diffusons également des résultats détaillés par l’entremise de rapports en ligne.
La sénatrice Marshall : Vous dites que si je souhaitais voir quelque chose sur le caribou dans votre rapport sur les résultats ministériels de 2016-2017, je pourrais consulter le site web du Conseil du Trésor et j’y trouverais ces renseignements.
Mme Najm : C’est exact.
La sénatrice Marshall : Lorsque j’examine les détails des points signalés, dans la catégorie Changement climatique et qualité de l’air, il est indiqué que l’objectif national du Canada est une réduction de 17 p. 100 comparativement à 2005, mais il n’y a aucun détail ici. En examinant les résultats de 2014-2015 à 2016-2017, je ne peux pas déterminer dans quelle mesure nous nous sommes rapprochés de nos objectifs. Où pourrais-je trouver ces renseignements?
Matt Jones, sous-ministre adjoint, Bureau de mise en œuvre du Cadre pancanadien, Environnement et Changement climatique Canada : Je vous remercie d’avoir posé la question.
Le Canada s’est engagé internationalement à atteindre deux objectifs nationaux. L’objectif auquel vous faites référence est celui de 2020. Il y a un deuxième objectif dans le cadre de l’Accord de Paris qui consiste en une réduction de 30 p. 100 d’ici 2030.
Les résultats de ces deux objectifs se trouvent à plusieurs endroits. Tout d’abord, chaque année, nous publions un inventaire national sur les gaz à effet de serre qui indique où nous en sommes à cet égard. Il y a un décalage de deux ans dans les données, mais cet inventaire vous fournira, en revenant en arrière, le bilan annuel de nos émissions nationales. De plus, les prévisions sur les progrès relatifs aux objectifs pour l’avenir sont publiées et elles sont accessibles au public dans notre rapport annuel aux premiers ministres, dont le premier a été publié le 9 décembre de l’an dernier — il contient une ventilation de ces données —, ainsi que dans notre rapport aux Nations Unies. En effet, nous produisons régulièrement un rapport appelé notre communication nationale dans le cadre du processus des Nations Unies relatif au changement climatique, et il donne la ventilation de ces données.
La sénatrice Marshall : J’ai passé beaucoup de temps à chercher des renseignements sur le site web du gouvernement. Est-il possible de publier tous ces résultats au même endroit? Il faut consulter le site du ministère et celui du Conseil du Trésor et maintenant, certains renseignements se trouvent dans le rapport aux premiers ministres et d’autres dans le rapport aux Nations Unies. Il est difficile de trouver des renseignements. Votre ministère pourrait-il envisager de faire quelque chose à cet égard?
Mme Najm : Nous pouvons faire quelque chose pour nos propres renseignements, mais il faut comprendre que le programme sur le changement climatique et la qualité de l’air est une priorité du gouvernement du Canada auquel participent 11 ministères ou plus. C’est la première année que nous produisons un rapport, et je crois que nous apprenons à mesure, mais nous prenons des mesures pour veiller à ce que la même source de données alimente toutes les exigences en matière de rapports auxquelles nous nous conformons. En fait, nous nous sommes penchés sur la question et nous nous sommes demandé comment nous pourrions faire les choses différemment dans ce nouvel environnement.
La sénatrice Marshall : Si 11 ministères participent à cette initiative, êtes-vous le ministère responsable? Supervisez-vous les activités des 10 autres ministères?
M. Jones : Oui, c’est ce que nous tentons de faire, c’est-à-dire aider à la coordination des nombreux ministères et organismes qui participent à la mise en œuvre des divers éléments du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Mme McKenna est la ministre responsable et notre ministère est responsable du projet.
Le sénateur Pratte : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. D’après ce que je comprends, la plupart des provinces ont signé des ententes relatives au Fonds du leadership pour une économie à faibles émissions de carbone. Dans le budget de 2018, on a indiqué que des annonces seraient faites au sujet du Défi pour une économie à faibles émissions de carbone. Pourriez-vous nous donner une idée du calendrier de cette initiative? Une annonce est-elle imminente?
M. Jones : Le Fonds du leadership pour une économie à faibles émissions de carbone se divise essentiellement en trois fonds. Les deux fonds principaux sont le Fonds du leadership et le Fonds du défi, comme vous l’avez mentionné. Le Fonds du défi a été annoncé par la ministre McKenna il y a quelques mois, et depuis ce temps, nous avons communiqué avec les provinces et les parties intéressées et nous avons lancé un appel de manifestation d’intérêt. Très récemment, nous avons reçu une série de manifestations d’intérêt pour ce fonds; il ressemble donc davantage à un processus concurrentiel et il a une portée plus large que le Fonds du leadership. Le Fonds du leadership est axé sur les provinces et les territoires où nous avons des fonds correspondants pour investir dans les programmes et les projets. Le Fonds pour le défi procède plutôt par l’entremise d’un appel de propositions qui est ouvert à l’industrie, aux collectivités et aux organismes de l’extérieur des provinces et des territoires. Ce fonds a été officiellement lancé, et nous avons reçu de nombreuses manifestations d’intérêt que nous examinons en ce moment.
Il y a un processus à deux étapes. La première étape concerne la manifestation d’intérêt, qui est assez simple sur le plan administratif — il s’agit de fournir une brève description du projet. Les concurrents présentent leur proposition en ligne. Nous faisons ensuite le tri de ces propositions. Les auteurs des propositions les plus prometteuses seront invités à présenter une proposition plus détaillée que nous évaluerons. Nous sommes dans le processus de mise en œuvre de ce fonds.
Le sénateur Pratte : Cela signifie-t-il que dans le cas du Fonds pour le défi, l’argent ne sera pas attribué en fonction du nombre d’habitants, mais simplement en fonction du rendement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre?
M. Jones : Oui, exactement. Comme vous l’avez souligné, une formule de financement a été établie pour le Fonds du leadership, c’est-à-dire un montant de base de 30 millions de dollars par province ou territoire, plus un montant lié au nombre d’habitants, afin que les provinces les plus peuplées reçoivent plus d’argent. Le Fond pour le défi est un programme plutôt fondé sur le mérite, dans lequel nous évaluons des propositions sur le mérite en ce qui concerne la réduction des émissions, l’efficacité sur le plan des coûts et d’autres avantages. De plus, ces fonds ne sont pas attribués selon un critère géographique.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup. Vous avez mentionné, madame Najm, le Fonds pour la nature dans le budget de 2018, et je tente de comprendre le rôle que joue votre ministère à cet égard. Il s’agit d’un fonds d’un milliard de dollars. Votre ministère est-il le ministère responsable? Quel montant est attribué à votre ministère pour ce projet?
Mme Najm : Environnement et Changement climatique Canada est le ministère responsable. Nos partenaires sont Parcs Canada et Pêches et Océans Canada.
Notre rôle consiste essentiellement à protéger les espèces à risque et à protéger et à conserver les habitats. Une enveloppe de 1,3 milliard de dollars a été annoncée dans le budget. Cette somme doit toujours recevoir l’approbation du Conseil du Trésor. Vous pouvez comprendre que la somme attribuée à chaque ministère est également assujettie à une approbation, et nous pourrons divulguer cette information lorsque ces fonds seront approuvés.
Le sénateur Pratte : Il s’agit de 1,3 milliard de dollars sur une période de…
Mme Najm : Cinq ans.
Le sénateur Pratte : Ce n’est pas dans le budget de 2018? Cela ne se trouve pas encore dans les fonds alloués?
Mme Najm : Le montant pour 2018-2019 se trouve déjà dans le crédit central du Budget principal des dépenses. Un montant de 52,9 millions de dollars a été attribué à Environnement et Changement climatique Canada pour 2018-2019.
Le sénateur Pratte : Dans ce cas, y aura-t-il de l’argent pour Parcs Canada, et cetera?
Mme Najm : Ces fonds se trouvent dans le crédit central, sous Parcs Canada.
Le sénateur Pratte : Mais votre ministère coordonne-t-il ce programme?
Mme Najm : Oui.
La sénatrice Eaton : Pour faire suite aux questions de mon collègue, le sénateur Pratte, sur le Fonds du leadership pour une économie à faibles émissions de carbone, 1,4 milliard de dollars sont distribués en fonction du nombre d’habitants. Quelques provinces ne participent pas. Il y a possiblement deux autres provinces, c’est-à-dire l’Ontario et l’Alberta, qui ont dit qu’elles élimineraient la taxe sur le carbone après les élections de ce printemps. Elles vont l’éliminer. Que se passera-t-il ensuite? Que ferez-vous si l’Alberta et l’Ontario éliminent la taxe sur le carbone?
M. Jones : Actuellement, une seule province ne participe toujours pas au cadre pancanadien, et c’est la Saskatchewan. Nous avons communiqué avec les représentants de cette province. Nous les avons encouragés à présenter des propositions et à participer. Au bout du compte, du moins à ce jour, ils ont décidé de ne pas participer. On leur a expliqué que ces fonds seraient pris dans le Fonds du leadership, qui était attribué par province, et déplacés dans le Fonds pour le défi, dans lequel la Saskatchewan peut faire une demande, ainsi que les entreprises de la province. Le gouvernement de la Saskatchewan peut faire une demande dans le cadre du Fonds pour le défi, et nous nous attendons à ce qu’il le fasse.
En ce qui concerne la possibilité que d’autres provinces ou territoires se retirent du cadre pancanadien, nous réfléchissons à la façon de réagir dans une telle situation si et lorsque cela deviendra un enjeu. Dans nos ententes de financement bilatérales avec chaque province et territoire, nous avons des articles et des dispositions qui permettent de récupérer ces fonds, si nécessaire. Nous faisons valoir que ces fonds, et surtout le Fonds du leadership, visent à appuyer la mise en œuvre du cadre pancanadien, et que s’ils ne servent pas à cela, ils ne devraient plus être accessibles.
Nous sommes encore en train de finaliser les ententes de financement avec quelques-unes des provinces, mais toutes les ententes contiendront des dispositions d’abstention. Nous nous attaquerons au problème le cas échéant.
La sénatrice Eaton : La date limite pour présenter une demande au Défi pour une économie à faibles émissions de carbone était il y a deux ou trois semaines. Vous avez dit que vous aviez reçu des demandes. Viennent-elles principalement de municipalités ou d’entreprises? Pouvez-vous me donner une idée générale de la répartition?
M. Jones : Certainement, et je pourrai vous fournir des renseignements précis après la séance. La majorité des demandes viennent du secteur privé; la catégorie la plus importante est donc celle des entreprises. La répartition des demandes dans les autres catégories est assez égale; il y a l’industrie, le secteur sans but lucratif, les municipalités, les gouvernements provinciaux et aussi les communautés autochtones. L’éventail de demandeurs est donc large. Nous avons reçu approximativement 650 déclarations d’intérêt, ce qui a dépassé nos attentes.
La sénatrice Eaton : Je présume que vous espérez qu’il y en aura plus de la Saskatchewan, de l’Ontario et de l’Alberta si ces provinces s’abstiennent.
M. Jones : Nous examinons actuellement l’ensemble des demandes, mais nous en avons reçu beaucoup de toutes les régions du pays. Nous sommes ravis du nombre de demandes qui ont été soumises jusqu’à maintenant.
La sénatrice Eaton : Sauf erreur, monsieur le président, le premier ministre vient de créer un autre parc national énorme dans le Nord, qui deviendra la plus grande zone forestière ne pouvant pas être industrialisée ou où les arbres ne pourront pas être abattus. Ai-je perdu la tête ou est-ce bien arrivé il y a quelques mois?
Mme Najm : Il faudrait poser la question à Parcs Canada.
La sénatrice Eaton : C’était une entrée en matière pour ma prochaine question. Je me souviens qu’il y a quelques années, nous avons étudié la possibilité de restructurer l’industrie forestière canadienne. Le Canada est considéré comme étant le pays le plus boisé au monde; nous sommes un énorme puits de carbone. En tenons-nous compte lorsque nous examinons notre empreinte carbone?
M. Jones : Oui, absolument. Pour un pays comme le Canada, le carbone séquestré dans les forêts est évidemment une considération importante. Le processus de l’ONU comprend des méthodologies qui permettent de tenir compte de la séquestration du carbone. À l’heure actuelle, nous n’avons pas inclus l’estimation de la séquestration du carbone dans nos projections des émissions du Canada; nous avons donc le temps de le faire. Nous travaillons à nos méthodologies et à notre calcul.
La sénatrice Eaton : Dorénavant, en tiendrez-vous compte? Vous avez sûrement entendu parler de la baie de Fundy et du carbone bleu, qui séquestrera deux fois plus de carbone qu’un arbre. Je ne fais que le mentionner.
M. Jones : La séquestration constituera certainement une composante importante du calcul au Canada. Dans certains secteurs, des recherches scientifiques sont en cours pour déterminer s’il serait possible d’augmenter la séquestration au moyen de processus biologiques, y compris avec des microbes et d’autres matières qui pourraient faire une contribution supérieure à celle des forêts et des sols agricoles.
À l’heure actuelle, les règles de l’ONU permettent de tenir compte de la séquestration du carbone au moyen de l’ensemble des terres : les forêts, les sols, les zones humides et les prairies. Le calcul est beaucoup plus facile à faire dans certains petits pays qu’au Canada. Nous examinons ce que nous pourrions faire par rapport à nos approches méthodologiques et à notre inventaire, mais nous avons absolument l’intention d’inclure ces données dans le calcul pour le pays.
La sénatrice Eaton : Lorsque vous reviendrez l’an prochain, je vous demanderai jusqu’où vous vous êtes rendus.
M. Jones : Je viendrai avec mes collègues du service des forêts.
Le président : Il y a des fonctionnaires de Parcs Canada dans la salle. Nous pouvons leur poser la question.
La sénatrice Eaton : Ce n’est pas nécessaire. Ce qui m’intéressait vraiment, c’est la séquestration dans nos forêts.
Le président : Vous êtes donc satisfaite.
La sénatrice Jaffer : Bienvenue, et merci pour votre exposé. Il était très utile.
Je regarde votre plan ministériel. On y parle de collaborer avec les peuples autochtones à l’égard de la croissance propre et des changements climatiques. On mentionne votre engagement et la réconciliation. Je ne comprends pas pourquoi les gouvernements et les organismes autochtones ne sont pas admissibles au Fonds du leadership. Y a-t-il eu des consultations?
M. Jones : La collaboration avec les peuples autochtones est certainement une de nos priorités sur le plan de la conception et de la mise en œuvre du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. Nous avons annoncé, en même temps que le cadre pancanadien même, la création de trois tables distinctes : une avec les Premières Nations, une avec les Métis et une avec les Inuits. L’annonce a été faite conjointement par le premier ministre et ses homologues des trois organismes nationaux. Ce travail est donc en cours. Je suis le coprésident fédéral de ces trois tables avec mes homologues autochtones, et nous collaborons étroitement avec eux à chacun des aspects du cadre pancanadien. Des collègues de tous les ministères fédéraux participent à ce processus.
Concernant précisément le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, il a été conçu au départ pour les provinces et les territoires. Cela étant dit, le défi a été créé en partie pour permettre la participation des peuples autochtones, et nous l’avons ensuite séparé en deux. J’ai omis de mentionner la troisième partie du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone en répondant à la question précédente, mais le défi est divisé en deux catégories : grosso modo, les grands groupes et les petits groupes. Cette division est une réaction directe aux commentaires des Premières Nations, qui nous ont dit qu’elles ne voulaient pas faire concurrence à Suncor. Il y a de petites et de grandes communautés; le deuxième volet a donc été créé pour les petites communautés, les petites entreprises et les petits organismes. Ainsi, nous avons pris des mesures visant à accroître l’accès des communautés autochtones au Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone.
La sénatrice Jaffer : Je suis revenue lundi du congrès de ParlAmericas sur les changements climatiques et les femmes. Un des sujets dont il a beaucoup été question est l’analyse comparative entre les sexes. Comment faites-vous les analyses comparatives entre les sexes par rapport à ce budget? Je me pense sur le processus parce que vous n’êtes pas en mesure de me le dire. Ce n’est pas transparent.
Aussi, je crois comprendre que l’analyse comparative entre les sexes est en réalité l’analyse comparative entre les sexes plus quatre, ce qui signifie qu’elle inclut d’autres groupes, et non seulement les femmes. Pouvez-vous nous expliquer le processus que vous avez suivi pour en arriver à ce budget? À ma connaissance, c’est maintenant une obligation pour tous les ministères, n’est-ce pas?
Mme Najm : Nous avons fait des analyses comparatives entre les sexes globales pour le processus du gouverneur en conseil, les mémoires et les présentations au Conseil du Trésor. Tous les MC doivent comprendre ce type d’analyse afin que les décideurs puissent en tenir compte une fois que les politiques sont en place.
La sénatrice Jaffer : Qu’est-ce qu’un MC?
Mme Najm : Un mémoire au Cabinet. À ce point-là, on explique clairement comment le programme a été conçu de façon à répondre aux résultats de l’analyse comparative entre les sexes.
La sénatrice Jaffer : Et vous incluriez ces renseignements dans ce que vous envoyez au ministère des Finances?
Mme Najm : Nous les incluons dans tous les documents que nous présentons aux ministères.
La sénatrice Jaffer : Je regardais dans mes recherches. Vous l’avez mentionné, mais j’oublie en quelle année vous pensez vous en débarrasser complètement.
Mme Najm : Je peux vous dire que le travail commencera en 2018-2019. Je vais devoir vous communiquer les détails sur l’échéancier et sur la manière dont ce sera fait.
La sénatrice Jaffer : Merci. Je comprends, mais nous en vendons encore à l’étranger. Cela continuera-t-il à être le cas?
Mme Najm : Je vais devoir vous envoyer la réponse ultérieurement.
Le président : Madame Najm, enverrez-vous votre réponse à la greffière?
Mme Najm : Oui, merci.
Le sénateur Neufeld : Merci à vous d’être ici. J’aimerais parler de la Saskatchewan et du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. On m’a fourni 11 projets que le gouvernement du Canada a présentés à Environnement Canada. Même si le gouvernement de la Saskatchewan s’est engagé à prendre des mesures que le gouvernement demande, les examine-t-on encore de manière active et concrète? Ce sont tous des projets qui réduiraient les émissions de gaz à effet de serre.
M. Jones : Absolument. Nous collaborons étroitement avec la Saskatchewan depuis de nombreux mois à l’égard de ses projets de réduction des émissions. Nous avons encouragé la province à soumettre des propositions au défi, et elle l’a fait. Nous les évaluons actuellement.
Certains sont des projets de réduction des émissions que nous considérons comme prometteurs et valables, mais qui sont un peu à l’extérieur du cadre du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. Nous avons créé un processus au sein du gouvernement fédéral pour diriger les projets vers le fonds approprié. En plus du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, il y a des fonds pour l’infrastructure verte, pour les technologies propres, et cetera. Pour éviter que les gens se fassent envoyer d’un endroit à un autre — que nous les dirigions vers Infrastructure Canada, qui les dirige vers RNCan, qui les dirige vers Industrie Canada —, nous avons mis en place un processus d’évaluation des propositions qui permet de déterminer à quel fonds elles correspondent le mieux. Nous avons soumis certains projets de la Saskatchewan à ce processus et nous les avons dirigés vers d’autres fonds.
Nous évaluons tous ceux qui cadrent avec les conditions du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, par l’intermédiaire du défi.
Le sénateur Neufeld : Quand les décisions seront-elles prises?
M. Jones : Nous évaluons actuellement les propositions qui ont été soumises au défi. Comme je l’ai déjà dit, nous en avons reçu 650. Nous avons mis en place un processus d’évaluation assez rigoureux. Dans les deux ou trois prochains mois, nous voulons envoyer une réponse à chacun des candidats, soit « oui », soit « non », soit « oui, mais proposez des modifications ». L’étape suivante est celle des propositions officielles. Nous espérons finaliser toutes les décisions de financement cette année.
Le sénateur Neufeld : Dans deux ou trois mois, vous dites?
M. Jones : Oui.
Le sénateur Neufeld : Je chercherai les résultats dans deux ou trois mois.
Dans votre rapport sur la planification et les priorités, vous mentionnez la promotion de la conformité et l’application de la loi sur la faune. Vous vous êtes fixé un objectif de 90 p. 100 d’ici à 2020, mais on voit que, entre 2014 et 2016-2017, vous avez atteint entre 90 et 97 p. 100. Pourquoi la réduction? Pourquoi voulez-vous plus d’argent pour en faire moins?
Mme Najm : Je n’ai pas la réponse à cette question. Je vais devoir vous l’envoyer.
Le sénateur Neufeld : Merci. Je vous prie de l’envoyer à la greffière pour que nous puissions l’examiner.
J’ai remarqué dans le Budget principal des dépenses une diminution de 12 millions de dollars pour les activités liées à la Loi sur les espèces en péril. Pouvez-vous m’expliquer la raison de cette diminution?
Mme Najm : C’est exact. Les fonds qui se trouvent actuellement dans notre budget des dépenses sont arrivés à terme à la fin de l’année; c’est pour cette raison que nous demandons de les renouveler. En ce moment, ces fonds se trouvent dans le crédit central. Une fois qu’ils seront approuvés par le Conseil du Trésor, ils feront partie du Budget principal des dépenses.
Le sénateur Neufeld : D’accord, merci.
La sénatrice Deacon : Dans le même ordre d’idées, j’essaie d’avoir une meilleure conception de la portée et de l’envergure en ce moment. J’ai entendu le nombre « 650 » il y a un instant et j’essaie de comprendre. Depuis décembre et janvier, combien de provinces et de territoires ont bel et bien soumis des propositions? En outre, de quels critères ECCC se sert-il pour déterminer le montant de financement accordé à chaque projet? Y a-t-il des limites quant à la taille et au coût des projets? Quelles sont ces limites?
M. Jones : Pour le Fonds du leadership pour une économie à faibles émissions de carbone, comme vous l’avez dit, la distribution entre les provinces est faite en fonction d’une formule de financement. Je peux vous fournir les détails, si vous voulez.
Pour le défi, nous évaluons les projets en fonction de critères énoncés sur notre site web. Nous offrons même un guide du demandeur. Au moment de soumettre leur proposition, les demandeurs savent exactement comment elle sera évaluée. Les critères principaux pour ce fonds sont les résultats relatifs aux réductions des émissions et les coûts associés à ces réductions. Nous tentons de maximiser les réductions des émissions par dollar fédéral investi, mais nous tenons également compte d’avantages connexes, comme les emplois créés et les autres bienfaits environnementaux, car certains projets réduisent simultanément les émissions de polluants atmosphériques et autres.
Pour ce qui concerne les limites, le plus petit projet est de 1 million de dollars et le plus grand, de 50 millions de dollars. L’éventail est large. Dans certains cas, de grandes installations industrielles ont soumis de grandes propositions; dans d’autres cas, ce sont de petits projets. Certains ont été regroupés pour atteindre le seuil de 1 million de dollars.
La sénatrice Deacon : J’ai vu les critères affichés. Je les ai examinés et j’y réfléchissais. Oui, il y a les critères publiés, mais comme certains projets sont très grands et qu’ils varient entre 1 million de dollars et 50 millions de dollars, d’autres facteurs sont-ils considérés? C’est ce que je me demandais.
M. Jones : Pour compléter ma réponse, je peux vous parler du processus interne d’évaluation des propositions. Toute proposition de plus de 10 millions de dollars requiert l’approbation du Conseil du Trésor, qui suit un processus bien établi et rigoureux. Pour les projets en deçà de ce seuil, nous avons aussi un processus rigoureux. Le fonds est administré par un secrétariat particulier, et une équipe interministérielle de spécialistes d’Environnement Canada, de Ressources naturelles Canada et d’Industrie Canada, formée d’ingénieurs et d’experts, évalue les mérites des propositions. L’évaluation de chaque projet est confiée à un groupe d’évaluation. Les projets sont aussi examinés par un groupe de conseillers techniques, et un comité interministériel des SMA formule des recommandations à l’intention de la ministre McKenna.
La sénatrice Deacon : Merci.
Le président : La sénatrice Andreychuk a une question complémentaire.
La sénatrice Andreychuk : À propos de votre dernière réponse, j’ai suivi certains problèmes qui ont été soulevés en Ontario à la suite des déclarations du vérificateur général sur les projets d’énergie de remplacement dont nous nous servons pour protéger l’environnement. Il y avait des critères. Des projets ont été réalisés, mais les résultats montrent que les critères n’ont pas été satisfaits. Les résultats n’étaient pas ce qu’ils auraient dû être. Avez-vous modifié votre processus en fonction des leçons tirées de cette expérience? Vous dites que vous avez des groupes d’évaluation à chaque étape du processus. Cela me fait penser au développement, où les évaluations se suivaient au départ, mais où très peu était fait à la fin pour déterminer si les objectifs avaient réellement été atteints. Pouvez-vous répondre à cela?
M. Jones : Certainement, avec plaisir. Merci.
Nous étions aussi d’avis qu’il est important de tirer des leçons des politiques et des programmes de partout au pays et d’ailleurs. C’est ce que nous avons tenté de faire dans nos évaluations de notre manière de lutter contre les changements climatiques.
Concernant précisément le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, selon les ententes de financement que nous avons conclues avec les provinces, les fonds seront seulement versés à des moments précis, et les ententes prévoient aussi une obligation de faire rapport durant tout le processus. Si un projet ou un programme est dérouté ou échoue, nous avons pris les mesures nécessaires pour éviter de le découvrir seulement à la fin, après que les fonds ont été versés. Nous affectons les fonds par tranches, en fonction des progrès accomplis. Des mécanismes ont été mis en place pour faire en sorte que, si les résultats escomptés ne sont pas atteints, nous le sachions, et ce, avant de verser les fonds.
La sénatrice Andreychuk : Serions-nous en mesure d’observer votre suivi? Dans l’affirmative, où?
M. Jones : Il faudrait que je vérifie les plans concernant la publication des données et que je vous envoie la réponse. Les provinces nous soumettent certainement des rapports. Je ne sais pas s’il y a des questions liées à la protection des renseignements personnels, mais c’est possible. Nous devons certainement rendre compte des résultats du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone à différentes instances. Je m’attends absolument à ce que le programme fasse l’objet d’une vérification détaillée.
[Français]
La sénatrice Moncion : J’ai une petite question sur les nombres. Votre budget pour 2016-2017 était de 1,005 milliard de dollars. Pour 2018-2019, vous parlez de 1,515 milliard. Cette augmentation est-elle vraiment destinée aux subventions de contrepartie pour les projets qui seront mis sur pied plutôt qu’à l’administration de votre département?
[Traduction]
Mme Najm : Le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone est sur cinq ans, et les montants sont les suivants : 250 millions de dollars en 2017-2018, 500 millions de dollars en 2018-2019 et en 2020-2021, et 250 millions de dollars en 2022.
La plus grande augmentation, les 500 millions dans le prochain exercice, provient en majorité de subventions et de contributions. Un petit montant est destiné au fonctionnement et à l’entretien du secrétariat. Dans ce partage entre les deux, la majorité va aux subventions et aux contributions.
La sénatrice Marshall : Pendant une pause, j’ai discuté avec M. Jones du plan ministériel de 2018-2019, auquel la sénatrice Jaffer avait fait allusion. À ma question sur les 575 millions destinés aux mesures visant la croissance propre et les changements climatiques, il a répondu que 11 des 15 indicateurs de rendement étaient nouveaux, ce qui expliquait l’absence de résultats les concernant. Mais vous disiez qu’ils étaient en chantier. Je me suis demandé pourquoi le gouvernement affecterait 575 millions à un programme sans indicateurs de rendement. Du financement est-il allé à ce programme dans les années antérieures?
M. Jones : Le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, précisément, possède des indicateurs de rendement centrés principalement sur les taux obtenus de réduction des émissions et des réductions des émissions par dollar fédéral investi. Toutefois, pendant notre conversation, j’ai dit que les indicateurs des programmes d’adaptation sont plus complexes que ceux de réduction des émissions, parce qu’il est difficile d’évaluer la vulnérabilité aux conséquences très multiples des changements climatiques, une vulnérabilité très polymorphe.
Comme les autres pays, nous éprouvons un peu de difficulté à déterminer les indicateurs appropriés et les sources de données pour les évaluer. Nous avons entrepris de constituer un groupe de travail, c’est maintenant chose faite, formé de spécialistes universitaires et chargé d’élaborer des indicateurs de l’adaptation.
La sénatrice Marshall : Auriez-vous besoin de connaître la nature de vos indicateurs pour décider ce à quoi vous affecterez l’argent?
M. Jones : Certainement, et nous avons, par le processus des mémoires au Cabinet et du Conseil du Trésor, élaboré des indicateurs du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, sur lesquels nous produirons un rapport. Je n’ai pas les renseignements voulus sous les yeux, mais ces indicateurs se focalisent sur les réductions obtenues des émissions, que nous pouvons suivre assez facilement.
La sénatrice Marshall : Je m’intéresse aux sites contaminés, principalement parce qu’ils sont susceptibles de devenir un passif pour l’État. J’ai essayé de suivre le financement que vous y consacriez. Pour commencer, les données que j’ai pu trouver sur le site web fédéral s’arrêtent à l’année 2016. Peut-on en trouver de plus récentes? Je voulais faire le point. J’ai pris connaissance des phases 1 et 2, qu’on vient de terminer, et nous sommes à la phase 3. Y a-t-il plus récent que 2016?
Mme Najm : Les résultats de 2016 faisaient le point sur les phases 1 et 2. La phase 3 se termine en mars 2020. Nous produirons alors un rapport sur ses résultats.
La sénatrice Marshall : Il n’y aura donc pas de rapport périodique?
Mme Najm : On en produira sur la valeur estimée du passif pour l’environnement par l’entremise des comptes publics, mais, pour des sites particuliers, je devrai faire des recherches et vous communiquer la date de publication du prochain rapport sur la phase 3.
La sénatrice Marshall : Ça m’intéresse, parce que votre site web répartit 23 000 sites entre les catégories « actifs », « suspects », « fermés », et cetera. J’ai ainsi appris qu’on prévoit d’en décontaminer 612 dans la phase 3, au coût de 1,35 milliard, soit 2 millions en moyenne. A-t-on d’autres renseignements sur ces sites? Certains seraient nommés. Où pourrais-je donc trouver ces renseignements?
Mme Najm : Sachez seulement que vos chiffres concernent l’ensemble de l’administration fédérale et pas uniquement Environnement et Changement climatique Canada. Nous partageons la responsabilité de ce programme avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, et je crois que 9 ou 10 ministères y participent.
La sénatrice Marshall : Oui, parce que j’ai posé des questions dans le même sens à tous les ministères.
Mme Najm : Oui. Le secrétariat occupe des locaux d’Environnement Canada et il relève aussi du Conseil du Trésor. Je me renseignerai et je vous communiquerai la date de parution du rapport détaillé sur tous les ministères. Je sais que nous en produisons un régulièrement dans le cadre de la publication des résultats de notre ministère.
La sénatrice Marshall : Est-ce un rapport interne?
Mme Najm : Oui, et tous les ministères en produisent un, mais je ne suis pas certaine du moment où nous actualisons collectivement l’information à la grandeur de l’administration fédérale.
La sénatrice Marshall : Et, ensuite, vous le publiez?
Mme Najm : Oui.
La sénatrice Marshall : Merci.
Le président : À une question du sénateur Pratte, vous avez répondu que le ministère responsable était le vôtre.
Mme Najm : S’il vous plaît, rappelez-moi cette question.
Le président : À une question, vous avez répondu que votre ministère était responsable du carbone et du plan d’action fédéral. C’est bien ça?
Mme Najm : C’est exact. Oui.
Le président : Quels secteurs de l’économie seraient donc les plus touchés par une taxe sur les émissions de carbone imposée à tout le Canada? Quelles industries? Et comme vous êtes le ministère responsable, quelles en seraient les répercussions sur l’économie?
M. Jones : Les conséquences…
Le président : Sur l’économie.
M. Jones : On peut dire que les conséquences sectorielles de la tarification du carbone correspondent en gros aux émissions de chaque secteur : les secteurs industriels, le transport, le parc immobilier, et cetera.
Sur les conséquences, mes collègues ici présents du Bureau de la tarification du carbone, qui sont les spécialistes de cette question, ont récemment publié une étude fondée sur l’hypothèse selon laquelle le filet de sécurité fédéral protégeait tout le pays, et, dans ce cas, l’analyse montrait que les répercussions sur la croissance du PIB seraient minimes.
Le président : D’accord. Vous ne répondez pas à la question. Je veux bien. Par exemple, quelles seraient les répercussions sur l’industrie énergétique?
M. Jones : Je ne suis pas chargé de la tarification du carbone. Nous avons une équipe spécialisée dans ce seul sujet. Une collègue qui est ici en fait partie. Elle pourra, si vous voulez, donner plus de détails que moi.
Le président : On me dit que Mme Judy Meltzer est du Bureau de la tarification du carbone. Pouvez-vous nous éclairer?
Judy Meltzer, directrice générale, Bureau de la tarification du carbone, Environnement et Changement climatique Canada : Je suis la directrice générale du Bureau de la tarification du carbone, à Environnement et Changement climatique Canada. Je vous remercie pour la question.
Pour déterminer les répercussions sur les secteurs touchés par les échanges et rejetant beaucoup d’émissions, nous élaborons la méthode fédérale de tarification du carbone et nous relançons l’industrie et d’autres joueurs ainsi que les provinces et les territoires sur ces questions.
Pour répondre à la question, le système fédéral vise explicitement à tenir compte du pouvoir concurrentiel et des risques de fuite de carbone qui sont susceptibles, comme vous l’avez dit, de se présenter dans les secteurs énergivores comme le pétrole et le gaz, l’industrie chimique, les engrais, le minerai de fer, le bouletage, et cetera, et la cimenterie. Nous savons que ces industries produisent beaucoup d’émissions par unité de production et que leurs coûts sont peu compressibles. Nous travaillons donc à concevoir cet élément du système de manière à nous donner un signal de prix.
Nous voulons leur offrir des incitations à réduire les émissions, reconnaître et récompenser la réduction de la pollution. Dans le système que nous proposons, le gouvernement accorderait des crédits supplémentaires aux industries touchées par les échanges et rejetant beaucoup d’émissions qui vont bien et qui fabriquent sans polluer, des crédits qu’elles pourraient échanger. Inversement, nous voulons que les polluantes soient passibles d’un prix pour une partie de leurs émissions.
Le système est conçu pour exempter ces industries relativement à leurs frais liés aux combustibles. Pour ceux d’entre vous qui ne vivent pas seulement pour la tarification du carbone, le système fédéral projeté tiendra compte des frais de combustible et de la production pour la tarification du carbone des industries touchées par les échanges et rejetant beaucoup d’émissions. Ces industries ne seront pas tarifées au plein montant pour le combustible qu’elles consomment, et, au-dessus d’un certain seuil, elles devront remplir des obligations pour une partie de leurs émissions.
Nous avons publié un projet de règlement en janvier et certains détails sur les cibles pour lesquelles nous proposions de fixer ces normes. Ces normes seraient sectorielles et s’appliqueraient à tel produit, mais nous sommes en pleines discussions. Nous savons que certains secteurs peuvent avoir besoin d’ajustements du point de départ proposé, pour réduire au minimum les risques pour le pouvoir concurrentiel et les fuites de carbone, en particulier.
Le président : Quelqu’un a fait allusion au secteur forestier. Le Canada possède la plus grande superficie forestière du monde, après, je crois, un autre petit pays, mais avons-nous discuté avec les industries de ce secteur des répercussions et du rôle éventuel de la forêt pour la réduction des émissions?
Mme Meltzer : Je vous remercie de la question. Elle arrive à point nommé.
Accordez-moi deux réponses. Oui, nous avons ces discussions. Hier, nous avons publié d’autres guides qui offrent aux installations, aux industries visées par le système fédéral de tarification du carbone des options pour se conformer à ce système de tarification fondé sur la production. Sachez aussi que nous ne savons pas encore à quoi le système fédéral s’appliquera; ça reste à décider, d’après les propres décisions des provinces et des territoires. L’une des options est les crédits compensatoires. C’est intéressant pour les secteurs comme l’agriculture, les déchets et la forêt, où nous pouvons envoyer un signal de prix aux secteurs non réglementés et accorder un crédit pour certaines des réductions d’émissions dans ces secteurs. Je suis heureuse de vous communiquer les liens et le document. Vous y trouverez plus de détails, même si ça n’entre pas dans ceux de chaque secteur.
Aux forêts, il faut aussi ajouter les pâtes et papiers, et cetera. Nous discutons donc avec ces industries. Elles sont visées par nos consultations suivies que nous confions à des groupes de travail sectoriels, ce qui nous aide à faire le tour de la conception de cette partie du système.
Le président : Pouvez-vous communiquer ces renseignements par l’entremise de notre greffière, à l’intention des sénateurs, s’il vous plaît?
Mme Meltzer : Volontiers.
Le président : Je vous en remercie.
Alors que le prix passe de 10 à peut-être 50 $ la tonne, les Canadiens ont le droit de connaître, puisqu’il est question de carburant, les éventuelles répercussions sur le litre d’essence.
Mme Meltzer : Je suis d’accord. Voici quelques détails.
Le tarif de référence, comme vous dites, est de 10 $ la tonne en 2018 puis il s’élève à raison de 10 $ par année à 50 $ la tonne en 2022. Encore une fois, je répète que nous ne savons pas encore à quoi le système fédéral s’appliquera, mais s’il s’applique, c’est le tarif pour le combustible et le carburant.
Comme vous le savez peut-être, on a déposé un projet de loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui fait partie du projet de loi d’exécution du budget soumis à l’étude du Parlement. Dans l’annexe 2 de ce projet de loi — et c’est connu du public, parce que nous l’avons publié en janvier 2018 —, nous avons un tableau qui convertit le tarif par tonne d’un type particulier de combustible ou de carburant en tarif par unité de volume. Le tarif diffère selon le type de combustible, parce que les émissions varient à l’avenant. Par exemple, en 2019, au tarif de 20 $ la tonne d’essence, le supplément est d’environ 4 cents le litre et, pour le combustible diesel, il est de 5 cents. C’est connu du public, et je vous communiquerai volontiers ces renseignements.
De manière générale, voilà la conversion du tarif par unité de volume, mais, de manière encore plus générale, les répercussions dépendront vraiment de la conception des systèmes que les provinces et les territoires instaureront et, également, de l’emploi qu’on fera des recettes. Nous savons, d’après les exemples qui existent, en Alberta ou en Colombie-Britannique, que les remises servent parfois à la pleine compensation des coûts répercutés sur les ménages à faible ou à moyen revenu. Comme Matt l’a fait observer, nous avons publié, le 30 avril, une évaluation des répercussions économiques, mais comme elle n’entre pas dans les détails, les répercussions précises des programmes particuliers restent à déterminer. Elles dépendront du type de combustible et d’énergie utilisés et de leur consommation, des remises des recettes, et cetera.
Cependant, la conversion du tarif par tonne en tarif par litre est accessible dans le projet de loi.
Le président : C’est disponible pour l’ensemble du pays et pour chaque région, selon l’activité de l’économie locale.
Mme Meltzer : À 10 $ ou à 20 $ la tonne, le tarif par litre d’essence est partout le même.
Le président : Madame Meltzer, je vous remercie pour votre clarté et vos réponses et je remercie aussi tous les fonctionnaires.
Chers collègues, après la comparution, la semaine dernière, de Services aux Autochtones Canada et de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, notre comité voulait en savoir davantage sur l’éventuelle utilisation de l’argent pour le logement. À la deuxième heure, ce matin, nous accueillons des spécialistes du lien entre santé et logement, des chercheurs réputés dans leurs domaines respectifs.
Souhaitons d’abord la bienvenue, ici même, à Ottawa, à M. J. David Miller, professeur au département de chimie de l’Université Carleton. Nous accueillons, par vidéoconférence depuis le Centre de santé Meno Ya Win, à Sioux Lookout, en Ontario, le Dr Tom Kovesi, spécialiste des troubles respiratoires infantiles au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario et professeur de pédiatrie à l’Université d’Ottawa. Il est accompagné de la Dre Yoko Schreiber, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital d’Ottawa.
Nous vous souhaitons à tous la bienvenue et nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation.
La greffière m’informe de l’ordre des exposés. Nous entendrons d’abord le Dr Kovesi, puis M. Miller, après quoi nous passerons aux questions.
Dr Tom Kovesi, spécialiste des troubles respiratoires infantiles, professeur de pédiatrie, Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario et Université d’Ottawa, à titre personnel : Bonjour. Encore une fois, je vous remercie de votre invitation.
Les infections respiratoires posent une grande menace pour la santé des enfants des Premières Nations et des Inuits, particulièrement les bébés. Les taux d’hospitalisation des bébés inuits dont les minuscules voies respiratoires sont touchées par des infections virales appelées bronchiolites et la pneumonie sont jusqu’à 30 fois plus élevés que chez les enfants en bas âge du Sud du Canada. La recherche effectuée par notre groupe a montré que les taux d’hospitalisation des enfants des Premières Nations vivant sur les réserves du nord-ouest de l’Ontario sont trois à quatre fois plus élevés que la moyenne ontarienne. De même, les taux de prévalence de la tuberculose au Nunavut sont plus de 200 fois plus élevés que chez les Canadiens de naissance non autochtones.
Manifestement, de nombreux facteurs expliquent ces taux extraordinairement élevés d’infection aiguë des voies respiratoires des enfants autochtones, notamment la pauvreté, la sous-alimentation et une exposition très élevée à la fumée de tabac, mais notre recherche a aussi révélé que la piètre qualité des logements était importante.
Le conjoint enrhumé qui éternue dans la maison expulse un nuage d’aérosol. Cet aérosol infectieux disparaît rapidement grâce à la ventilation qui expulse continuellement l’air vicié intérieur et le remplace par de l’air frais extérieur. À Ottawa, les infections virales aiguës comme le rhume ordinaire se propagent ordinairement de la main au nez. L’aérosol entre en contact avec une poignée de porte, vous la saisissez, vous vous grattez le nez, vous attraperez ce rhume.
En revanche, nos études ont montré que l’aération des maisons du Nunavut est si déficiente, et peut-être même absente, que le nuage d’aérosol est durable. Les bébés en inspirent une partie. Les études ont montré que si la grippe s’attrape par la voie habituelle de la main au nez, c’est effectivement la grippe qu’on aura, mais si le virus passe directement dans les poumons, ce sera la pneumonie. Elles ont aussi montré qu’une ventilation réduite augmente sensiblement le risque de tuberculose chez quelqu’un qui souffre d’une infection évolutive.
Au Nunavut, il n’y a pas que la ventilation qui fait problème, mais les maisons sont extrêmement petites et extrêmement surpeuplées. Alors qu’en moyenne au Canada, on compte deux ou trois occupants par maison, une petite maison au Nunavut ou dans la réserve d’une Première Nation peut abriter en moyenne six personnes. Un système de ventilation faible pourrait suffire à deux personnes, mais il sera dépassé s’il y a six personnes ou même plus.
Nous avons montré qu’installer des ventilateurs-récupérateurs de chaleur, qui accélèrent le remplacement de l’air vicié par de l’air frais, dans les maisons des enfants inuits réduit leurs risques de tomber malades. Des ventilateurs-récupérateurs de chaleur sont maintenant installés dans tous les logements neufs au Nunavut. Cependant, on n’en ajoute pas dans les logements vieillissants, et le surpeuplement demeure un énorme problème, en particulier dans un territoire où le taux des naissances est élevé.
Nous en savons étonnamment très peu sur les maisons des enfants des Premières Nations qui vivent dans des réserves, et c’est pourquoi nous menons en ce moment cette recherche dans le nord-ouest de l’Ontario et que je vous parle de Sioux Lookout. Nous en savons peu sur la ventilation dans ces maisons, même si nous avons déjà pu démontrer qu’elles sont extrêmement surpeuplées, comme au Nunavut.
L’un des autres problèmes vraisemblablement importants concernant le logement des Premières Nations dans de nombreuses collectivités, c’est que bon nombre de ces maisons sont chauffées au moyen de poêles à bois. Nous en savons peu sur les émissions de particules fines de ces poêles à bois; elles pourraient causer des déficiences immunitaires et accroître les risques d’infections pulmonaires.
De plus, les gens signalent que de nombreuses maisons sont contaminées par la moisissure à cause des inondations fréquentes, de l’emplacement mal choisi des maisons et de l’entretien inadéquat du parc de logements. La moisissure peut accroître le risque de respiration sifflante chez les bébés, d’infections respiratoires et d’asthme.
Enfin, souvent, le lavage des mains est un important moyen de prévenir les infections respiratoires, gastro-intestinales et cutanées. Dans les nombreuses collectivités privées d’eau potable, les gens se lavent moins les mains, ce qui fait grimper les risques de telles infections.
Il est essentiel d’améliorer le logement pour améliorer la santé, non seulement la santé des enfants, mais la santé de tous. Le surpeuplement accroît les risques de troubles mentaux. Quand les gens doivent déménager à cause des risques qu’ils courent dans leurs maisons, le manque de logements abordables signifie qu’ils n’ont souvent aucun autre endroit où aller.
Il faut de toute urgence aux collectivités autochtones des logements supplémentaires, des budgets d’entretien accrus, des travaux de rénovation des logements existants et l’accès à de l’eau potable. De plus, il faut des travaux de recherche supplémentaires qui cerneront les liens particuliers entre le logement et la santé dans les collectivités autochtones.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir permis de vous faire connaître mon opinion.
Le président : Merci, docteur.
J. David Miller, professeur, Département de chimie, Université Carleton, à titre personnel : Bonjour. Merci du temps que vous consacrerez à mes observations. J’ai trois points à soulever.
Premièrement, depuis 1985, on a investi beaucoup d’argent afin de comprendre le lien entre le logement et la santé dans les régions urbaines du Canada. Cette information a facilité l’application des connaissances et a donné lieu à beaucoup de changements réels.
Deuxièmement, on présume depuis un bon moment que les maisons qui fonctionnent à Ottawa vont aussi fonctionner dans le Nord ou dans les collectivités rurales et éloignées des Premières Nations. Comme le Dr Kovesi l’a laissé entendre, cette hypothèse ne tient pas. Il y a défaillance des maisons, ce qui rend les enfants malades.
Enfin — et c’est un élément très important —, c’est un fait très bien établi que les connaissances des occupants et de la collectivité représentent le facteur le plus important pour l’entretien d’une maison saine. Quand je regarde l’information qui existe dans les collectivités des Premières Nations concernant les liens entre le logement et la santé, je ne la comprends pas, et on ne s’occupe pas du tout de certains des problèmes vraiment importants dans les collectivités rurales et éloignées, ce qui est compréhensible.
J’aimerais revenir un peu sur une partie de l’histoire. En 1981, les provinces et territoires ont demandé au gouvernement fédéral de commencer à travailler sérieusement à la question du logement et de la santé, comme nous le disons de nos jours. Pourquoi? Les conséquences des décisions prises après la première crise de l’énergie ainsi que d’autres changements apportés à la construction des logements se faisaient sentir à ce moment-là.
Les personnes d’un certain âge se souviendront peut-être de la crise de la mousse d’urée-formol et l’augmentation de la moisissure et de l’humidité, notamment des problèmes de moisissures dans des logements en copropriété de Vancouver. Ce sont des problèmes sérieux qui ont coûté au pays d’énormes ressources et qui ont causé, dans la population générale, des maladies auxquelles nous devrons faire face pour encore une demi-génération.
Les acariens détricoles qu’on trouve dans les maisons sont la cause la plus importante de l’asthme chez la plupart des Canadiens. Quand je suis né, il n’y en avait pas dans les maisons canadiennes.
Au cours des trois dernières décennies, le système d’octroi de subventions du gouvernement du Canada, du secteur privé et du milieu universitaire a soutenu certaines des plus vastes études sur le logement et la santé axées sur les enfants et les nourrissons dans le monde. Elles ont été réalisées dans les villes, d’un océan à l’autre, et ont également englobé du travail dans des régions rurales du Sud de l’Ontario ainsi que de l’Île-du-Prince-Édouard.
Ce que je veux dire, c’est que les conditions de logement qui ont des incidences sur votre santé sont semblables à certains égards, mais différentes à d’autres égards, selon que vous vivez à Vancouver, Québec ou Charlottetown. Comme j’y ai fait allusion, ces connaissances ont permis le développement de matériaux de calibre mondial pour les Canadiens des régions urbaines, principalement en ce qui concerne ce qu’ils peuvent faire pour reconnaître les problèmes et améliorer leur environnement intérieur. La conscience mène aux solutions, à l’amélioration des codes de construction et à l’augmentation de la durabilité du parc de logements. L’accent a toujours été mis sur la santé respiratoire des enfants, ce qui a motivé plus de 20 000 Canadiens à contribuer à ce travail.
Comme le Dr Kovesi l’a dit, cela contraste énormément avec le peu d’études soigneuses sur le lien entre le logement et la santé dans les collectivités des Premières Nations. Le Dr Kovesi a témoigné sur la santé des nourrissons qu’il a pour la première fois vus venir du Nunavut au CHEO, il y a 20 ans. Pensez simplement à ce que cela signifiait. Il fallait prendre un vol de Pond Inlet à Iqaluit, puis de là à Ottawa, ce qui était très coûteux.
Comme il l’a décrit, cela a mené non seulement à des efforts visant à étayer le problème, mais aussi à des mesures fondées sur les données probantes pour alléger le fardeau que représentent les maladies respiratoires qui ont effectivement changé les choses. Une des histoires que je raconte à propos de ce travail, c’est que deux ans après le début de l’étude, il m’est apparu évident que nous devions demander une deuxième fois l’approbation éthique des autorités inuites pour notre intervention à double insu visant à réduire les maladies respiratoires chez les enfants. Après une assez longue période de temps, les aînés sont revenus et ont dit, en gros : « Nous savons que si vous ne faites pas cela, rien ne va changer. » Les données probantes ont donc essentiellement imposé des circonstances qui ont fait que des ventilateurs-récupérateurs de chaleur sont généralement installés dans le Nord.
Au Nunavut, les maisons répondaient à des normes de ventilation qui étaient sensées à Ottawa. Comme nous l’avons constaté, compte tenu des conditions qui prévalent dans les collectivités inuites éloignées et en Alaska, les taux de renouvellement de l’air prescrits causaient une augmentation des maladies respiratoires et contribuaient à rendre très malades certains nourrissons qu’il fallait alors amener à Ottawa.
Comme l’a indiqué le Dr Kovesi, les cas d’asthme, de bronchiolite et de pneumonie chez les enfants vivant dans les collectivités accessibles par avion seulement de la zone de Sioux Lookout sont très nombreux. Comme pour le Nunavut, j’estime que la conception des nouvelles habitations financées par le gouvernement fédéral dans les collectivités rurales et éloignées n’est pas convenable. Les maisons montrent trop rapidement des défaillances. Je suis prêt à défendre ce point, si cela suscite votre curiosité.
Le président : Merci, monsieur Miller.
La sénatrice Eaton : Comme vous l’avez dit, monsieur Miller, la conscience mène aux solutions, à l’amélioration des codes de construction et à l’amélioration de la durabilité du parc de logements. C’est de la musique à mes oreilles, car depuis que je suis membre de ce comité — et cela s’applique aussi à vous, docteur Kovesi —, je demande à la SCHL et au MAINC, chaque année quand ils comparaissent devant nous avec leurs estimations sur le logement, combien d’argent sera consacré au logement des Autochtones, et c’est toujours très généreux. Mais alors, quand vous demandez si les habitations sont conformes au code, c’est non. « Combien de personnes vont vivre dans ces maisons, selon vous? » « Nous ne le savons pas. »
C’est peut-être par respect pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, mais ils semblent avoir adopté une approche très passive. Ils versent l’argent, mais il n’y a pas de code de construction. Il n’y a aucun suivi. C’est ce qu’on nous dit année après année.
Avez-vous été en contact avec la SCHL ou le MAINC pour leur faire part des résultats de vos études? Nous avons entendu dire qu’il y aura un symposium sur le logement réunissant des administrateurs autochtones et inuits, cet été, pour envisager des codes de construction qui seraient pertinents sur les plans géographique et culturel, en fonction du lieu de résidence. Est-ce qu’on vous a interrogé là-dessus? Êtes-vous au courant de cela?
M. Miller : Sénatrice, je ne suis pas au courant de cette réunion en particulier, mais les travaux que j’ai décrits ont bénéficié du soutien de la SCHL et de Santé Canada sur plusieurs années.
La sénatrice Eaton : Pourquoi n’essaient-ils pas de faire quelque chose?
M. Miller : Le Dr Kovesi et moi sommes allés à une réunion de Premières Nations, d’ingénieurs et de techniciens, à Thunder Bay, l’été dernier, pour parler de notre étude et, un peu, de ce que j’ai essayé d’aborder aujourd’hui. L’une des choses qui m’ont vraiment frappé, c’est que nous étions dans une pièce avec 25 à 30 membres de conseils de bandes et responsables du logement des Premières Nations, et la question des codes a surgi. Il n’est pas tout à fait vrai que les maisons qui se construisent ne sont pas conformes à un code; elles sont construites conformément au Code national du bâtiment.
La sénatrice Eaton : Vous pouvez revenir en arrière et entendre nos déclarations, et ils nient toute forme de… De toute façon, ce qui compte, c’est…
M. Miller : Pour terminer ce que je disais, à Ottawa ou en Ontario, à Québec ou au Québec, nous pouvons choisir les éléments du Code national du bâtiment qui sont les plus sensés pour nous. J’ai été très étonné et, je l’avoue, offusqué, quand il est apparu clairement que les suggestions de la communauté avec laquelle nous discutions concernant la façon de construire une maison qui conviendrait le mieux d’après eux ne faisaient pas partie de la discussion. Il faut vraiment que cela change.
La sénatrice Eaton : Mais ne croyez-vous pas qu’il faudrait concevoir un code adapté sur les plans de la géographie et de la culture dans les diverses régions, que ce soit le Yukon, le Nord du Labrador ou Iqaluit?
M. Miller : Tout à fait. Comme je l’ai expliqué, dans la population générale, depuis l’époque de la mousse d’urée-formol, c’est ce que les travaux dans le domaine de la santé ont amené. Nous avons découvert que la ventilation était insuffisante, alors nous avons ajouté la ventilation dans le Code national du bâtiment. Ce type de travail n’a pas été fait convenablement pour toutes les écozones pertinentes où il existe des collectivités des Premières Nations.
La sénatrice Eaton : Si, comme vous le dites, la SCHL et le MAINC sont au fait de vos travaux et de ceux du Dr Kovesi et que les codes de construction d’autres parties du pays tiennent bien compte des questions de santé, pourquoi pensez-vous que les maisons dans le Nord ne sont pas construites conformément à des codes? Pourquoi n’a-t-on pas établi de tels codes il y a longtemps?
M. Miller : J’ai participé à cette recherche sur le logement à partir du moment où on m’a donné l’ordre de l’amorcer, à l’époque où je travaillais pour le gouvernement.
La sénatrice Eaton : Pourquoi les choses n’ont-elles pas changé?
M. Miller : Je crois que c’est parce que ce n’est pas une priorité. Je me suis plaint de cela. L’hypothèse selon laquelle les taux de renouvellement de l’air à Ottawa devraient convenir pour une maison que vous construisez au Nunavut est parfaitement raisonnable, mais il n’y avait pas de données probantes, et le Dr Kovesi et ses collègues accueillaient chaque année des dizaines de bébés inuits au CHEO en se demandant pourquoi il en était ainsi.
La sénatrice Eaton : Docteur Kovesi, pourriez-vous me dire pourquoi vos travaux et ceux de M. Miller ont été généralement ignorés jusqu’à maintenant par le MAINC, Santé Canada et la SCHL?
Dr Kovesi : C’est une question importante. Il y a une crise du logement dans presque toutes ces collectivités, principalement dans de nombreuses collectivités des Premières Nations. Là où le budget du logement est restreint et où le besoin de logements supplémentaires est urgent, par moment, la nécessité de bâtir des maisons prime sur l’idée de consacrer de l’argent à construire des maisons conformes à un code.
L’autre chose importante, c’est qu’il ne faut pas simplement veiller à ce que les règles soient respectées, mais aussi s’assurer que les maisons sont entretenues et bien situées. Vous pouvez bien construire une maison conformément au code, mais si vous ne l’entretenez pas pour qu’elle dure et n’éduquez pas les gens qui l’habitent afin qu’ils puissent contribuer à son entretien, cette maison va être défaillante.
La sénatrice Eaton : Dans le Sud du Canada, vous ne pourriez jamais vous en tirer comme cela. De toute façon, j’espère vraiment que vos travaux de recherche serviront et seront pris sérieusement, parce que la SCHL a encore cette année beaucoup d’argent à consacrer au logement, ainsi que de l’argent pour les méthodes expérimentales. J’espère qu’ils vont tenir compte de vos travaux de recherche. Merci.
Le sénateur Pratte : Dans la même veine, docteur Kovesi et monsieur Miller, beaucoup d’argent est dépensé ou est prévu pour les prochaines années. Est-ce qu’il y a assez d’argent? J’ai l’impression qu’il se dépense beaucoup d’argent. Est-ce que l’argent est mal utilisé? Est-ce une partie du problème? Est-ce plutôt parce qu’il n’y a pas assez d’argent?
Dr Kovesi : Je vous remercie de votre question, sénateur Pratte. Je pense que c’est une bonne question, à savoir s’il n’y a pas assez d’argent. Malheureusement, il est extrêmement coûteux de construire des maisons dans des collectivités accessibles uniquement par voie aérienne ou par routes de glace en hiver. Ce qui semble énorme comme montant à Ottawa représente très peu dans le Nord. Je vis à Ottawa aussi. C’est en fait peu d’argent, quand c’est pour le Nord.
Ces populations croissent rapidement, alors même si on a l’impression de construire beaucoup de maisons, c’est en réalité insuffisant. Dans toutes les collectivités où je vais, quand vous parlez aux gens des services de logement de chacune de ces collectivités, ils vous disent constamment qu’il n’y a pas assez d’argent pour l’entretien. Dans des environnements incroyablement rigoureux, quand il fait 40 sous zéro ou que c’est très humide, à moins de faire l’entretien, la maison va durer bien moins longtemps que si elle était située à Ottawa, Toronto ou Vancouver, ce qui fait grimper le coût, au bout du compte, parce qu’il faut construire de nouvelles maisons.
M. Miller : Quoi qu’il en soit, il est important de se rappeler que le parc de logements au Canada est loin d’être parfait. Ce serait impossible, car c’est un investissement social énorme. Ce que nous essayons de faire, cependant, c’est veiller à ce que les gens qui vivent dans les maisons comprennent bien les choses à faire pour améliorer la situation ou atténuer les risques. C’est un problème de politique publique, et si nous pouvions construire des bâtiments qui tiendraient, peu importe ce que vous faites, c’est ce que nous ferions, mais l’application des connaissances est nécessaire.
Par exemple, j’ai un ventilateur-récupérateur de chaleur chez moi. Il y a sur le site web de la SCHL — une formidable organisation, malgré que sa capacité de recherche a été énormément réduite — et sur celui de Santé Canada de l’information qui me dépasse un peu, quand il s’agit des effets de l’entretien de l’appareil. J’ai, par comparaison, vu du matériel très facile à comprendre qui a été produit par une collectivité des Premières Nations au Québec. Il ne faut jamais sous-estimer l’importance de ne pas faire des choses qui vont exacerber les problèmes de santé causés par le bâtiment. Nous ne pouvons pas concevoir des bâtiments parfaits.
Le sénateur Pratte : Faudrait-il mettre l’accent sur la construction de nouvelles maisons? Les maisons vieillissantes sont-elles récupérables? On consacre beaucoup d’argent à rénover de vieilles maisons.
M. Miller : Il y a 140 millions de maisons en Amérique du Nord, et 10 p. 100 de ces maisons ont un problème, quel qu’il soit. Il faudrait le budget du Pentagone pour les rendre parfaites, pour cibler les problèmes dont la résolution aurait pour effet de réduire l’exposition aux maladies.
Par exemple, nous avons réalisé une importante étude prospective à l’Île-du-Prince-Édouard. Bon nombre des maisons étaient en secteurs ruraux. On a découvert que l’un des facteurs de risque était que les gens entreposaient trop de bois de chauffage dans leurs maisons, chose que mon arrière-grand-père aurait trouvée très drôle. En entreposant tout ce bois de chauffage dans leurs maisons, les gens y faisaient entrer des contaminants. Ce sont des personnes parfaitement sensées et intelligentes, mais personne ne leur avait dit que ce n’était pas la meilleure chose à faire.
Je peux vous donner un autre exemple tiré d’une étude réalisée par le Dr Kovesi cette année. Dans les chambres d’une maison, situées loin du poêle à bois, on avait collé les meubles sur le mur, ce qui favorise la prolifération de la moisissure. Ce problème peut être réglé facilement, en déplaçant un peu les meubles. Personne n’avait dit à la femme qui habitait cette maison qu’elle n’avait qu’à reculer les meubles d’un pouce environ. C’est ce que nous avons constaté à Wallaceburg lorsque nous avons examiné ces maisons. Cela n’a rien à voir avec la personne, mais il faut seulement lui dire que c’est important et lui donner des pistes de solution simples. Il faut faire mieux parce que nous ne pouvons pas construire des maisons assez rapidement pour régler les problèmes.
Or, comme l’a fait valoir la sénatrice Eaton, si nous construisons plus de maisons, ce serait vraiment bien si elles pouvaient durer plus de 15 ou 20 ans et être en meilleur état. Mes frères et moi sommes propriétaires d’une maison de 100 ans. Elle est en très bon état. Certains de mes ancêtres au Nouveau-Brunswick ont construit une maison en 1788, et elle est toujours debout. Elle est en très bon état également. Nous pourrions y arriver.
Dr Kovesi : Cela revient à la question de la sénatrice Eaton. Il faut construire des maisons qui sont appropriées sur le plan culturel. Un architecte culturel de la SCHL a réalisé des travaux intéressants. Il a donné l’exemple suivant : ce soir chez vous à la maison, vous allez probablement vous installer dans une pièce pour lire vos courriels ou pour faire autre chose; votre conjoint sera dans une autre pièce à travailler sur Internet; vos enfants seront peut-être ailleurs dans la maison. Tout le monde sera dans une pièce différente. Selon les cultures autochtones traditionnelles, tout le monde reste ensemble. On compte souvent une pièce commune, qui est très chargée, et où tout le monde vit. Ensuite, il y a les chambres à coucher à l’autre bout, que personne n’utilise à part pour dormir. Si c’est une maison dans une collectivité des Premières Nations qui est chauffée au poêle à bois, on se retrouve avec un salon bien chauffé, tandis que très peu de chaleur se rend jusqu’aux chambres à coucher. La température des chambres varie aussi lorsque les gens s’y installent ou en repartent. Si les températures fluctuent et qu’il y a un peu d’humidité, alors il y aura de la condensation et de la moisissure. Donc, lorsqu’on construit de nouvelles maisons dans le Nord, il faut qu’elles soient conçues en fonction du mode de vie de leurs occupants; c’est très important, et on n’en tient pas compte.
La sénatrice Cools : Je remercie les témoins de leur présence ici aujourd’hui.
Je dois vous dire, docteur Kovesi, que je respecte grandement votre travail, mais, en même temps, je tiens à vous dire qu’à mon avis la médecine n’est pas seulement une profession, c’est une vocation. Je vous félicite pour toutes vos années d’études, qui vous ont permis d’acquérir toutes ces connaissances.
Je vous remercie aussi, monsieur Miller.
Comme nous le savons, le décès d’un enfant est toujours une immense tragédie. Avez-vous une idée du taux de mortalité chez les nourrissons et les enfants autochtones? Il y a une légère différence entre les deux.
Dr Kovesi : Selon le rapport d’une source non médicale, la Société Radio-Canada, paru il y a quelques semaines, neuf enfants de moins de cinq ans sont décédés au Nunavut depuis le mois de janvier. La mortalité est donc un enjeu très important.
La sénatrice Cools : J’en connais un peu sur la mortalité infantile. J’ai grandi à la Barbade et mon oncle a été le premier ministre de la Santé lorsque le gouvernement s’est doté de ministres et d’un cabinet. Il était déterminé à réduire le taux de mortalité infantile et avait orchestré la vaccination de tous les enfants de l’île. Les gens qui l’appuyaient étaient principalement des médecins en santé publique. Je veux que vous sachiez que les médecins sont importants.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les trois d’être ici. Lorsque je vous écoute, je ressens votre engagement à l’égard de cet enjeu et aussi votre passion, et je vous remercie de votre persévérance.
La sénatrice Eaton et moi sommes toutes deux membres du Comité sur l’Arctique et nous entendons certaines des propos que vous tenez. Il y a deux façons de réagir à la situation : abandonner ou se demander ce qu’on peut faire. Dans le Sud, c’est facile de laisser les choses aller, mais nous sommes Canadiens, nous sommes des politiciens nationaux, nous devons faire quelque chose.
Je vais vous poser une question : si vous aviez une baguette magique, comment voudriez-vous changer le cours des choses? Vous avez lancé plusieurs idées. Quelle serait la solution pour changer les choses?
M. Miller : Comme je travaille dans le domaine de la santé publique, j’aimerais que nous comprenions comment construire des maisons qui dureront plus de 20 ans et qui soient adaptées au climat.
Le Dr Kovesi a parlé du froid. Si vous chauffez votre maison avec un poêle à bois, il fait chaud — et c’est exactement la même chose à l’Île-du-Prince-Édouard — alors qu’il fait froid dehors. Les maisons construites par mes ancêtres étaient carrées, pour éviter ce problème. Ils ne savaient peut-être pas que c’était la chose à faire, mais c’est ce qu’on voit au Québec et en Acadie, et dans ma région de l’Est du Canada.
Il faut entreprendre un processus afin de comprendre comment construire ces immeubles avec des matériaux durables. La moisissure est devenue un gros problème parce qu’on a commencé à utiliser le gypse à revêtement de papier. La maison de mes parents, construite en 1963, était faite avec du plâtre. Le plâtre ne moisit pas. Comme l’a fait valoir un de mes collègues, même le plus idiot des trois petits cochons n’a pas construit une maison en papier. Lorsqu’on construit un immeuble dans un environnement vulnérable à l’eau et qu’on utilise des matériaux qui ne sont pas durables, alors on a un problème là-bas. Ici, ce n’est pas trop grave, on peut faire avec.
Avant d’aller de l’avant, je crois qu’il faut avoir une sérieuse discussion sur le concept des maisons et les matériaux à utiliser. Il faut miser sur des immeubles qui dureront plus longtemps et qui nécessiteront moins d’entretien, parce que là-bas, il n’y a pas de Canadian Tire au coin de la rue.
Dr Kovesi : Je dirais que c’est l’éducation, sur tous les fronts. Il faut éduquer les constructeurs et les entrepreneurs, et les gens qui conçoivent les codes afin qu’ils comprennent les liens entre le logement et la santé. Le code ne se limite pas à l’efficacité énergétique. Il faut éduquer les services du logement de chacune de ces collectivités sur la façon d’entretenir les maisons de la manière la plus saine possible. Il faut aussi montrer aux occupants ce qu’ils peuvent faire pour prolonger la durée de vie de leur maison et pour avoir des maisons en santé. Il s’agit souvent de choses simples, comme l’a fait valoir M. Miller : entreposer le bois à l’extérieur si vous avez un poêle à bois; faire brûler du bois sec plutôt que du bois humide, afin qu’il y ait moins de fumée et moins de contaminants; ne pas faire brûler les déchets. Il n’est pas difficile de transmettre ces messages, mais nous devons améliorer la communication.
La sénatrice Jaffer : Vous parlez d’éducation et j’accepte tout à fait ce que vous dites, mais la population dans le Nord est souvent de passage. Il y a un certain roulement et parfois les gens y restent pour de courtes périodes seulement. Cela accentue le problème en ce qui a trait à l’éducation et à la construction de logements à long terme.
Dr Kovesi : Il y aura aussi plus de constructeurs autochtones qui resteront dans les collectivités.
Le sénateur Neufeld : Nous avons beaucoup parlé de l’Arctique de l’Est, mais pas de l’Arctique de l’Ouest. Est-ce que la situation est la même? Est-ce qu’on a réalisé des études sur le logement dans cette région, ou seulement dans la région de l’Est? Qu’est-ce qui se passe à Yellowknife ou plus à l’ouest? Le savez-vous?
M. Miller : Le Dr Kovesi et moi sommes frustrés de ne pas avoir réalisé plus d’études sur les liens précis entre le logement et la santé dans les collectivités des Premières Nations. En effet, à deux, nous sommes responsables de cinq des six études réalisées dans les collectivités des Premières Nations, dont une en Colombie-Britannique, une au Nouveau-Brunswick, une au Nunavut et deux en Ontario. Le Nunavik et l’Alaska ont fait l’objet d’études également, mais on parle de généralités.
La raison pour laquelle j’ai raconté ce qui s’était passé il y a 30 ans, c’est qu’on avait compris que si l’on ne réalisait pas ces travaux, on ne pourrait pas modifier le code du bâtiment de manière adéquate. On ne saurait pas comment produire du matériel éducatif approprié. Comme je l’ai dit au début de mon témoignage, si vous vivez à St. John’s, à Vancouver ou dans le Sud de l’Ontario, votre environnement est suffisamment différent pour que ces généralités doivent être associées à certaines spécificités, alors votre question est bien fondée. Il faut faire ces recherches.
Le sénateur Neufeld : Vous avez dit « là-bas » tout à l’heure. Je ne vis pas à Vancouver. Les gens pensent que si l’on vient de la Colombie-Britannique, on vit à Vancouver. J’habite dans le Nord de la Colombie-Britannique, près du 60e parallèle en fait, alors que signifie « là-bas »?
M. Miller : Nous sommes à une latitude de 45 degrés, là où se trouve le Dr Kovesi, et plus au nord à l’autre bout du pays.
J’ai dit qu’on en avait fait peu dans les milieux ruraux et la seule étude substantielle a été réalisée à l’Île-du-Prince-Édouard, et un peu au Nouveau-Brunswick. Je dirais que les généralités s’appliquent, sauf en ce qui a trait à l’information. À l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, et au Nouveau-Brunswick, d’où je viens, le bois est une source secondaire et même la source principale de chauffage, parce que le chauffage au mazout coûte cher et que le chauffage au gaz n’est pas disponible partout. Or, nous ne produisons pas de bons documents sur les poêles à bois, même pour les gens de l’Île-du-Prince-Édouard. Pour répondre à votre question, on n’a pas beaucoup accordé d’attention aux régions à l’extérieur des grands centres urbains. C’est une question d’argent et de temps, et non un manque de volonté.
Le sénateur Neufeld : Merci.
Dr Kovesi : Si je peux me permettre, je crois que la question est très importante. Nous n’en savons que très peu au sujet des conditions de logement des collectivités des Premières Nations du Canada. Je suis certain qu’il y a d’importantes différences entre les collectivités du Nouveau-Brunswick et celles des Territoires du Nord-Ouest ou de la côte de la Colombie-Britannique. Si vous me demandez quel est le débit de ventilation des maisons de l’une ou l’autre de ces régions, je ne pourrai vous répondre. Nos données visent la ville de Sioux Lookout. Nous savons que dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a d’énormes différences sur le plan de la santé entre les Inuits, qui vivent à l’est, et les Dénés, qui vivent plutôt au centre, et nous avons besoin des renseignements sur les deux zones. Il faut des renseignements sur toutes les régions du pays et nous sommes au tout début du processus.
Le sénateur Neufeld : Merci.
La sénatrice Deacon : Ma question sera peut-être un peu répétitive, parce que nous avons eu de la difficulté à entendre vos déclarations préliminaires ce matin. Docteur Kovesi, je vous ai entendu dire « 30 fois » lorsque vous parliez de l’incidence des maladies respiratoires chez les populations autochtones, mais je n’ai pas entendu le reste de votre phrase, au sujet des tendances et des changements qui se sont opérés au cours des 10 ou 20 dernières années. Si je vous demande de vous répéter, c’est pour le bien du comité, parce que nous avons eu de la difficulté à vous entendre.
Dr Kovesi : Vous m’excuserez si je n’ai pas parlé assez fort.
À Ottawa cette année, sur 1 000 naissances, environ 10 bébés seront admis au CHEO, l’hôpital pour enfants, avec une infection respiratoire qui s’appelle la bronchiolite, ou le VRS. Au Nunavut, sur 1 000 naissances, jusqu’à 300 bébés seront admis à l’hôpital avec une bronchiolite à VRS, ce qui représente le taux déclaré le plus élevé au monde. Ces chiffres ont quelque peu diminué. Je crois que cela reflète les déterminants sociaux de la santé, mais les chiffres sont quand même très élevés.
Cette année, à Sioux Lookout, sur 1 000 naissances, 30 à 40 bébés seront admis à l’hôpital avec une bronchiolite à VRS; c’est donc trois à quatre fois plus élevé que la moyenne nationale ou provinciale.
Les taux de pneumonie bactérienne sont élevés et le Nunavut connaît actuellement une épidémie de tuberculose. Les populations autochtones présentent les taux les plus élevés de tuberculose. Par exemple, au Nunavut, les taux sont environ 200 fois plus élevés que chez les non-Autochtones nés au Canada.
La sénatrice Deacon : Merci.
Le président : Je remercie les trois témoins de nous avoir transmis ces renseignements et de nous avoir fait part de leurs commentaires. Les sénateurs continueront certainement de travailler à ce dossier. Docteure Schreiber, docteur Kovesi, monsieur Miller — et votre humour néo-brunswickois —, nous vous remercions de vos témoignages.
(La séance est levée.)