Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 75 - Témoignages du 2 octobre 2018
OTTAWA, le mardi 2 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 31, afin d’étudier le programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures (sujet : le rapport d’étape sur la phase 1 du plan Investir dans le Canada), et pour procéder à l’étude article par article du projet de loi S-243, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Je m’appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité.
Au nom du comité, je désire souhaiter la bienvenue à tous ceux ici présents dans lasalle, et à tous les Canadiens qui nousregardent, à la télévision ou en ligne.Je rappelle à nos auditeurs que les audiencesdu comité sont publiques et accessibles enligne sur sencanada.ca.
[Français]
Je demanderais aux sénateurs de bien vouloir se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l’Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
[Français]
Le président : J’aimerais profiter de l’occasion pour vous présenter notre greffière, Mme Gaëtane Lemay, et nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui appuient également les travaux du comité.
[Traduction]
Aujourd’hui, pour la première partie de notre séance, le comité reprend le cours de son étude spéciale portant sur le financement fédéral des infrastructures.
Laissez-moi situer un peu le contexte. D’abord, rappelons que le comité a entamé cette étude il y a deux ans et demi, soit le 4 mai 2016. À l’origine, le comité voulait suivre la mise en œuvre du nouveau programme de financement des infrastructures et apprendre de l’expérience des programmes qui l’ont précédé partout au pays.
Depuis, notre comité a publié deux rapports intérimaires : un premier en février 2017, intitulé Mieux planifier, mieux investir : Atteindre le succès en infrastructure, et un deuxième en juillet 2017.
[Français]
Ce dernier est intitulé Mieux planifier, mieux investir, assurer la transparence, la reddition de comptes et la prévisibilité des programmes d’infrastructure fédéraux.
[Traduction]
Le gouvernement a répondu officiellement à ces deux rapports. Au nom du comité, je veux profiter de l’occasion pour remercier le gouvernement de sa réponse.
Au printemps, nous avons tenu trois réunions sur le sujet des infrastructures. Nous avons alors entendu des représentants des municipalités, le ministre des Infrastructures et le directeur parlementaire du budget, qui est venu nous parler de son premier Rapport d’étape sur la phase 1 du nouveau plan en matière d’infrastructure.
[Français]
Le titulaire du poste du DPB a peut-être changé depuis, mais le travail de son bureau dans le dossier des infrastructures n’a pas cessé, et nous tenons à vous en remercier.
[Traduction]
En effet, le 22 août dernier, le Bureau du directeur parlementaire du budget publiait son Rapport d’étape sur la phase 1 du plan Investir dans le Canada.
[Français]
Ce matin, nous accueillons le directeur parlementaire du budget, M. Yves Giroux, que nous avons invité afin de commenter ce rapport. Monsieur Giroux, nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation. Comme par le passé, vous êtes toujours le bienvenu à notre comité. Si jamais nous avions besoin d’information supplémentaire, soyez assuré que nous irons cogner à votre porte.
[Traduction]
Il est accompagné de Jason Jacques, directeur principal, Analyse budgétaire et des coûts, et de Negash Haile, assistant de recherche. Soyez les bienvenus.
[Français]
M. Giroux prendra la parole pour nous faire part de sa vision et de ses évaluations. Par la suite, nous passerons à une période de questions.
Monsieur Giroux, la parole est à vous.
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’avoir invité à vous aider à poursuivre votre travail dans le cadre de votre étude sur le programme du gouvernement en matière d’infrastructures.
C’est avec plaisir que nous sommes ici pour discuter de notre dernier rapport sur la phase 1 du plan d’infrastructure et de vous donner une mise à jour, à la suite du rapport que mon prédécesseur a déposé en mars 2018.
[Traduction]
À la demande de ce comité, le DPB a soumis des demandes d’information aux 11 ministères et organismes fédéraux chargés de la mise en œuvre de la phase 1 du plan Investir dans le Canada, ou IC, dont la valeur s’élève à 14,4 milliards de dollars. Ces organisations fédérales ont répondu en juin et juillet 2018 en fournissant des détails sur des dépenses totalisant 13,7 milliards de dollars concernant ce budget établi sur huit ans. L’écart de 0,7 milliard de dollars entre le budget initial et les dépenses prévues actuelles est partiellement attribuable à une décision récente du gouvernement fédéral de transférer des dépenses d’un montant de 0,2 milliard de dollars de la phase 1 à la phase 2 du plan IC. Il est également attribuable à une réponse incomplète de la part de certains ministères fédéraux (Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada).
Conformément à nos conclusions antérieures, les dépenses fédérales en matière d’infrastructure continuent d’accuser du retard par rapport aux échéanciers de départ du budget de 2016. En mars 2018, le DPB avait estimé que les dépenses prévues pour les deux premiers exercices de la phase 1 du plan IC allaient s’élever à 6,2 milliards de dollars; selon les données actuelles, ce montant serait de 6,5 milliards de dollars. Ce report des dépenses est largement attribuable à des retards de mise en œuvre au sein des gouvernements provinciaux et des administrations municipales.
[Français]
Le gouvernement fédéral peut seulement dépenser l’argent à la vitesse à laquelle les gouvernements provinciaux et municipaux peuvent l’investir. Le suivi qu’a effectué mon bureau des dépenses en immobilisations des provinces indique qu’il y a eu des révisions à la baisse significatives entre ce que les provinces ont originalement prévu de dépenser et ce qu’elles ont actuellement dépensé.
[Traduction]
Selon les données de surveillance à jour, le DPB est actuellement d’avis que la phase 1 d’investissement dans les infrastructures pour l’exercice 2017-2018 a fait augmenter le niveau du PIB entre 0,13 p. 100 et 0,16 p. 100 et créé entre 9 700 et 11 600 emplois.
Jason, Negash et moi serons heureux de répondre à vos questions.
La sénatrice Eaton : J’ai deux petites questions. Pourriez-vous nous donner plus de détails en ce qui concerne les gouvernements provinciaux et les administrations municipales? Nous avons accueilli des représentants des villes, et ils nous ont parlé de leurs besoins — transport, modernisation des égouts, réfection des logements sociaux —, alors c’est plutôt étonnant que les provinces et les municipalités n’en soient pas venues à une entente quelconque. Est-ce parce qu’elles ne sont pas efficaces? Mettent-elles trop de temps à élaborer leurs plans? Y a-t-il des divergences politiques entre les responsables des provinces et ceux du gouvernement fédéral concernant les projets à financer? Selon vous, que s’est-il passé à ce niveau?
M. Giroux : Il est difficile de dire ce qui s’est exactement passé. Je ne crois pas qu’il y ait une explication unique; la situation est plutôt attribuable à un ensemble de facteurs. Certaines provinces et certaines municipalités éprouvent des problèmes financiers, ce qui pourrait expliquer les retards dans les dépenses.
La sénatrice Eaton : Autrement dit, elles ne peuvent pas fournir leur part du financement? Elles ne peuvent pas injecter les 40 ou 50 p. 100 des fonds requis pour les projets?
M. Giroux : Il semble que ce soit le cas pour certaines; pour d’autres, la planification a peut-être été un peu trop ambitieuse; pour d’autres, enfin, c’est peut-être une combinaison de tous ces facteurs.
La sénatrice Eaton : Pouvez-vous nous donner des exemples de provinces, comme le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, le Manitoba?
M. Giroux : Nous avons certaines informations. Dans les cas du Québec, de la Saskatchewan et de la Nouvelle-Écosse, la situation est relativement stable; mais d’autres provinces ont dû réviser à la baisse leurs dépenses en immobilisations pour diverses raisons. C’est ce qu’ont dû faire l’Ontario, l’Alberta, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve.
La sénatrice Eaton : C’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas fournir leur part?
M. Giroux : Elles le peuvent peut-être si elles réduisent les dépenses ailleurs, alors elles se retrouvent incapables de contribuer à hauteur de ce à quoi le gouvernement fédéral s’attend.
La sénatrice Eaton : Je trouve également troublant que vous n’ayez pas de données des ministères qui traitent avec les Autochtones et les Inuits ainsi que le Nord. Pourquoi en est-il ainsi, selon vous?
M. Giroux : En toute franchise, je me suis moi-même posé la question, et aucune réponse ne saute aux yeux. On peut formuler des hypothèses, mais je n’ai à tout le moins pas de réponse ferme à la question. Est-ce par manque de bonne volonté ou de moyens? Ce n’est pas clair pour moi.
La sénatrice Eaton : Des représentants de deux ou trois ministères qui s’occupent des Autochtones et des Inuits nous ont affirmé que l’eau potable est une très grande priorité pour les autorités gouvernementales ou administratives. Je me demande pourquoi on ne vous donne pas les données et les renseignements d’ordre financier.
M. Giroux : Voilà une bonne question, madame la sénatrice.
La sénatrice Eaton : Vous ne savez donc pas combien d’argent destiné à l’infrastructure ils ont obtenu et dépensé? Vous n’en avez aucune idée?
M. Giroux : Nous ne savons pas combien ils ont dépensé; c’est certain. Ils n’ont pas fourni cette information. S’ils n’ont pas voulu la fournir ou s’ils n’ont pas pu, ce n’est pas clair.
[Français]
Le sénateur Pratte : J’aimerais simplement faire un suivi de la question de la sénatrice Eaton sur les deux ministères responsables des affaires autochtones. Connaissait-on les montants que ce ministère devait dépenser?
[Traduction]
Jason Jacques, directeur principal, Analyse budgétaire et des coûts, Bureau du directeur parlementaire du budget : Nous avons cette information. C’est surtout sur les prévisions qu’il nous manque des données. Les demandes d’information que nous avons présentées, pour cette étape-ci, concernaient les dépenses que ces ministères prévoyaient faire à moyen terme; or, ils n’ont pas été en mesure de nous fournir de détails. Cela dit, nous avons eu recours à d’autres sources de données pour préparer notre rapport. Naturellement, il s’agit de données agrégées, soit des données que nous avons puisées dans divers documents gouvernementaux dont nous avons pu tirer des interpolations. Il va sans dire que cette information est moins fiable que celle que nous aurions pu obtenir directement des ministres concernés.
Le sénateur Pratte : Merci.
[Français]
Voici ma deuxième question. Ce n’est pas le premier programme d’infrastructure et ce n’est pas le premier programme fédéral en matière d’infrastructures où la contribution provinciale et municipale, mais surtout provinciale, prend du temps. J’essaie de revenir à l’origine de la phase 1. L’objectif de la phase 1, c’était de donner un petit coup de pouce à l’économie au moment où elle en avait besoin. C’était ça, la logique.
Je me demande si l’on ne pourrait pas tirer comme conclusion — et peut-être que j’exagère — que ce genre de programme — sans condamner tous les programmes d’infrastructure —, dans un pays comme le nôtre où il y a des composantes fédérales et provinciales, ne peut pas vraiment apporter des résultats économiques à court terme. Car ce que vous trouvez pour la phase 1 comme effet économique, c’est minuscule quant aux sommes dépensées, n’est-ce pas?
M. Giroux : Je dirais que c’est un programme qui peut apporter des retombées économiques importantes, mais il faut pour cela qu’il y ait une grande capacité ou une capacité inutilisée dans l’économie qui soit assez importante. Par exemple, si l’on était au creux d’une récession formidable, un programme comme celui-là contribuerait à l’économie.
Cela dit, en 2016, 2017 et 2018, l’économie a roulé généralement très bien au Canada. Donc, lorsqu’on a une économie qui roule très bien dans certaines régions qui atteignent le plein-emploi, si l’on ajoute une stimulation économique par la création d’infrastructures, il n’y a pas beaucoup d’effets stimulants. On déplace des ressources, et c’est là où l’on arrive à des retards dans la planification par manque de main-d’œuvre, et où l’on génère une légère inflation avec les matériaux de construction ou la main-d’œuvre. Vous avez raison de dire que, quand on a une économie qui roule relativement bien et à plein régime, dans certains cas, l’effet stimulant est beaucoup plus faible.
Le sénateur Pratte : Je pensais surtout au fait que cela prend du temps, alors qu’en principe, au départ du projet, on parlait de projets prêts à démarrer. Le problème, c’est que, visiblement, même si le gouvernement fédéral annonce des fonds, le temps qu’on négocie avec les provinces et le temps que les provinces prennent pour choisir les projets et autres choses est tellement long que le ralentissement économique est passé, n’est-ce pas?
M. Giroux : En effet. On a peut-être épuisé un peu plus rapidement qu’on le pensait les projets prêts à être lancés immédiatement. Les réponses à ces questions seraient plus précises si elles provenaient d’Infrastructure Canada.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Merci d’être avec nous.
Vous dites que, en mars 2018, le Bureau du directeur parlementaire du budget estimait que les dépenses pour les deux premières années de la phase 1 du plan Investir dans le Canada, s’élèveraient à 6,2 milliards de dollars. Le montant actuel est toutefois de 6,5 milliards. Est-ce à dire qu’on a dépassé le budget ou l’estimation?
M. Giroux : Non. Le plan original prévoyait des dépenses d’environ 10 milliards de dollars au cours des deux premières années; c’est ce qui était prévu dans le budget de 2016. En mars 2018, nous avons évalué que les dépenses seraient de 6,2 milliards de dollars, et non de 10 milliards. En août, nous avons revu ce montant légèrement à la hausse, pour le porter à 6,5 milliards. Les dépenses n’excèdent donc pas le budget, parce qu’au départ, à l’automne 2016, on prévoyait un montant de 10 milliards de dollars pour les deux premières années. En fait, on prend légèrement la direction initiale prévue en 2016.
Le sénateur Oh : Simplement pour donner suite à la question de la sénatrice Eaton, j’aimerais dire que j’ai eu beaucoup de rétroaction des municipalités, qui ont déclaré attendre des investissements d’Infrastructure Canada. Toutefois, il semble y avoir toujours un retard quelconque qui a empêché la mise en œuvre d’un projet. Qu’est-ce qui explique cette situation?
M. Jacques : Je ne sais pas si nous avons des informations concernant ce qui se passe dans les coulisses. Comme l’a affirmé le directeur parlementaire du budget, et comme nous l’avons dit plus tôt, le contexte économique est très différent de ce qu’il était la dernière fois que le gouvernement fédéral a tenté de réaliser ce type d’initiative, en 2009. L’économie roulait alors passablement au ralenti, les compagnies mettaient des employés à pied; les provinces et les municipalités pouvaient attribuer des contrats rapidement parce qu’elles disposaient de cette main-d’œuvre supplémentaire; or, cette réserve de main-d’œuvre est beaucoup moins grande dans l’économie d’aujourd’hui.
Comme nous l’avons fait valoir précédemment, il importe de ne pas oublier qu’une très petite proportion des 80 milliards de dollars qui sont investis dans les immobilisations publiques chaque année provient du fédéral. En effet, ce sont les provinces et les municipalités qui gèrent la majorité des projets et qui y investissent la majorité des fonds. Elles affichent des plans d’immobilisations à moyen et à long terme dans leurs sites web; leurs représentants nous en parlent d’ailleurs dans les échanges que nous avons avec eux.
En 2016, lorsque le gouvernement a annoncé des fonds supplémentaires, personne certainement ne voulait lui tourner le dos, mais certains pouvaient difficilement se prévaloir de son offre sur-le-champ. C’était le cas de la ville de Vancouver, qui avait mis en œuvre un plan d’immobilisations de 10 ans; il lui fallait donc du temps pour adapter les projets déjà en cours de façon à satisfaire aux exigences du gouvernement fédéral et à s’arrimer à ses priorités.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci d’être ici. Je vous poserai une question qui est liée à mes anciennes amours, soit l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans le cadre de ce programme, êtes-vous en mesure de voir quels sont les impacts des projets d’infrastructure sur l’égalité entre hommes et femmes? Faites-vous l’analyse différenciée selon les sexes? Êtes-vous en mesure d’obtenir des données sur le choix des projets, mais aussi une fois qu’ils sont réalisés? On sait que c’est une préoccupation de notre gouvernement. Certains programmes, m’a-t-on dit, de façon systématique, font l’objet d’analyses des genres qui ne sont pas publiques, ce qui est dommage. Toutefois, dans ce cas-ci, que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Giroux : C’est important pour ce gouvernement-ci. Il l’a annoncé publiquement. Je sais, selon mes expériences précédentes, que le gouvernement effectue des analyses comparatives entre les genres et entre les sexes pour chacune des initiatives budgétaires. Je sais aussi que c’est très difficile, voire impossible, pour les gens qui ne sont pas à l’intérieur de la fonction publique ou à l’intérieur du cercle restreint des gens qui ont accès aux documents budgétaires d’avoir accès à ces analyses.
La sénatrice Miville-Dechêne : L’avez-vous demandé?
M. Giroux : Je dois me tourner souvent à gauche et à droite pour consulter mes collègues, parce que ce sont des rapports qui ont été rédigés et finalisés avant mon arrivée en poste. Donc, je vais me fier beaucoup à M. Jacques et à M. Haile.
La sénatrice Miville-Dechêne : Moi aussi, je suis nouvelle.
M. Giroux : Merci, vous me comprenez.
M. Jacques : Par le passé, nous avons demandé ce type d’analyse, mais comme le ministre des Finances et le gouvernement du Canada l’ont déjà expliqué au comité, il s’agit de renseignements privilégiés. Ce sont des renseignements secrets du Cabinet. À notre avis, il serait très intéressant d’effectuer des évaluations plus en détail. Nous croyons qu’il serait possible d’aller plus en profondeur.
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est dommage. Merci.
La sénatrice Moncion : Bonjour et bienvenue. Je vais poser ma question en m’adressant à vous d’abord en français, puis en anglais. J’ai siégé à un autre comité récemment où on parlait de la difficulté au Canada de démarrer des projets d’infrastructure à cause des investissements, des analyses environnementales, de tous les risques associés à ces investissements et de la peur des investisseurs de venir investir ici. Il y a trop de temps qui s’écoule avant que les projets démarrent, comme le pipeline Trans Mountain.
L’an dernier, comme toutes les années, un groupe a produit un rapport intitulé Top Ten Business Risks in 2018/2019 , dont l’un des commentaires affirmait ceci :
[Traduction]
L’annulation récente de certains projets très médiatisés peut avoir sensibilisé les instigateurs de projets et les intervenants à la nécessité de tenir compte des préoccupations sociales et politiques dès la planification de telles initiatives. En effet, les gouvernements, tout comme les intervenants publics et privés, doivent maintenant procéder à des consultations et obtenir la collaboration des instances concernées pour mener à bien tout grand projet d’infrastructure public ou privé au Canada.
[Français]
J’aimerais vous entendre à ce sujet et à propos du préambule en ce qui concerne les différents rapports.
M. Giroux : C’est un bon point, mais je crois qu’il s’applique particulièrement aux infrastructures du secteur privé. Quand on parle des plans d’infrastructure du gouvernement fédéral qui sont menés en collaboration avec les provinces et les territoires, il s’agit en bonne partie d’infrastructures de nature publique. Des consultations doivent aussi être menées. Je ne crois pas que, dans la majorité des cas, ce type de projets suscite la même perception négative que d’autres infrastructures, comme le pipeline que vous avez mentionné. Quand on parle de transport en commun, d’infrastructures vertes ou d’infrastructures sociales, ce sont souvent des projets qui ont fait l’objet d’une réflexion et qui obtiennent une bonne acceptabilité sociale. Donc, l’hésitation doit être moindre ou la planification doit être moins entravée par la question de l’acceptabilité sociale que lorsqu’on parle de projets d’infrastructure du secteur privé. Selon moi, ce n’est pas un facteur important, mais ça peut l’être dans certains cas.
La sénatrice Moncion : En ce qui concerne les initiatives municipales, on sait que, habituellement, les investissements proviennent de trois sources selon la méthode des trois tiers, soit de la municipalité, de la province et du gouvernement fédéral. Très souvent, les projets prévus dans les municipalités ne démarrent pas à cause de la composante de l’impôt foncier, qui ne peut pas augmenter à la vitesse des besoins cernés dans les collectivités. Avez-vous déjà entendu parler de l’évaluation de ces fameux risques qui auraient pour effet de modifier les analyses que vous faites?
[Traduction]
M. Jacques : C’est ce que les municipalités nous ont dit par le passé. Comme nous l’avons déjà mentionné, nos activités de surveillance nous amènent à avoir des communications régulières avec des responsables des gouvernements provinciaux et des grandes villes de partout au pays. Ces rencontres nous ont amenés à constater que la situation semble moins problématique dans les grandes villes que dans les plus petites.
La sénatrice Moncion : Les représentants des petites municipalités nous ont dit qu’ils ont de la difficulté à lancer des projets parce que les impôts que ces municipalités perçoivent ne leur fournissent pas l’argent nécessaire pour des projets d’infrastructure.
[Français]
Quand le gouvernement fédéral décide d’investir, par exemple, 10,1 milliards de dollars dans tel ou tel projet, y a-t-il une évaluation des probabilités qui est faite ou s’agit-il d’un chiffre qu’on fixe pour déterminer le montant de l’enveloppe qui sera versée au budget, que le projet soit réalisé ou pas? J’imagine que l’idée, c’est que le projet sera réalisé. Si ce n’est pas le cas, on le perçoit de façon négative, même si ce n’est peut-être pas négatif, parce que l’argent n’a tout simplement pas été dépensé.
M. Giroux : Je ne peux pas parler de ce qui est fait dans les détails en ce moment, mais, selon mon expérience, les montants sont déterminés en fonction de la flexibilité financière du gouvernement. On espère que ce sera réalisable en se basant sur des discussions de haut niveau avec les provinces, les territoires et les municipalités. Donc, à ma connaissance, on ne fait pas d’analyse des risques approfondie pour déterminer si on pourra dépenser tout l’argent dans le temps imparti. Peut-être que cela se fait, mais qu’on n’est pas au courant.
La sénatrice Moncion : Est-ce qu’une telle analyse serait utile?
M. Giroux : Oui, pour éviter des profilages financiers comme ceux qui sont en train de se produire, mais je crois qu’on n’aurait pas besoin d’avoir une analyse des risques très approfondie. On pourrait simplement regarder l’historique des programmes d’infrastructure précédents pour observer qu’il y a presque toujours un retard dans la mise en œuvre. En se basant sur l’historique, on peut voir assez facilement que, même si on vise 100 p. 100, on n’arrivera pas à atteindre notre objectif. Il va toujours y avoir de petits retards.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : Veuillez excuser mon retard; j’étais à une autre réunion.
Dans les réponses fournies, vous avez dit que les retards tiennent peut-être au fait que les objectifs du gouvernement fédéral diffèrent de ceux des provinces ou des municipalités. Ai-je bien compris?
M. Giroux : Je ne me rappelle pas avoir dit cela, mais il est possible que je l’aie dit. Il est toujours difficile d’aligner parfaitement les objectifs du gouvernement avec ceux des provinces, des territoires et des municipalités. Il est très possible que, dans certains cas, les besoins en santé soient ce qui presse le plus, mais l’allocation prévue au titre du plan Investir dans le Canada est destinée à une infrastructure verte ou aux transports en commun. Il est très possible que les retards à certains endroits soient attribuables à cela.
La sénatrice Andreychuk : Ce sont les administrations municipales qui sont le plus près des gens. Elles savent ce dont ils ont désespérément besoin, et il s’agit souvent de choses fondamentales. Les provinces, quant à elles, ont un mandat à remplir en vertu de la Constitution, elles sont donc une source de financement; vient ensuite le gouvernement fédéral. Vous dites qu’il y avait des objectifs précis pour l’infrastructure. Pourquoi les objectifs du gouvernement fédéral en matière d’infrastructure ne seraient-ils pas alignés sur ceux des provinces? Nous connaissons nos besoins depuis des années. Nous savons que nous avons négligé l’infrastructure. Pourquoi leurs objectifs seraient-ils différents si, dans les faits, après réflexion et consultation, il y aurait sûrement moyen de trouver un terrain d’entente? J’ai siégé à un conseil municipal et nous n’étions pas consultés à cette époque-là. On nous disait tout simplement qu’il y avait de l’argent disponible et qu’il fallait le consacrer à des projets prêts à démarrer. Or, les projets prêts à démarrer ne répondent pas toujours aux besoins les plus urgents, et nous savons que l’infrastructure est vieillissante. Il y a discordance dans les objectifs.
M. Giroux : Lorsque l’un des objectifs est de stimuler l’économie, il est très possible qu’on priorise des projets prêts à démarrer au lieu d’autres qui seraient davantage nécessaires. Voilà peut-être des objectifs contradictoires ou antagonistes : stimuler l’économie à court terme ou investir l’argent là où les besoins sont les plus grands. Je ne peux faire que des conjectures, mais je soupçonne que c’est probablement ce qui se produit pour une bonne partie des projets.
La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit que l’objectif du gouvernement fédéral était de stimuler l’économie; toutefois, l’argent n’a pas été dépensé, et il s’agit, dans la plupart des cas, de projets à long terme.
M. Giroux : C’est probablement un mélange des deux. Stimuler l’économie à court terme, mais également investir pour accroître l’efficience à moyen et à long terme. Comme je l’ai dit lorsque j’ai répondu à la question du sénateur Pratte, lorsqu’on stimule une économie qui va déjà très bien, on ne stimule en fait pas grand-chose; on ne fait que contribuer à la surchauffer dans une certaine mesure.
La sénatrice M. Deacon : Merci d’être avec nous.
À la lumière de ce qui est survenu par le passé et des tendances qui se dessinent pour l’avenir, nous parlons de retards dans la mise en œuvre des projets. Certaines questions ont déjà été posées cet avant-midi. Devons-nous simplement nous attendre à ce que les choses aillent de l’avant maintenant? Vous avez donné deux ou trois explications pour les retards. Est-ce presque normal d’avoir des retards ou verrons-nous une amélioration à l’avenir?
La situation tient également en partie — parce qu’il y a peut-être un lien — à des révisions à la baisse importantes. Les gens demandent un montant donné, mais ils ne le dépensent pas. Selon moi, ces révisions à la baisse, d’une municipalité à l’autre, peuvent finir par représenter un montant très élevé. J’essaie de comprendre pourquoi les choses se présentent ainsi et de déterminer s’il s’agit simplement d’une tendance répandue ou d’un inconvénient inhérent à l’élaboration de prévisions.
Je vous serais reconnaissante de nous donner votre avis à ce sujet.
M. Giroux : Je vais répondre à une partie de votre question et céder ensuite la parole à Negash et à Jason.
Si l’écart entre les dépenses projetées et les dépenses réelles est un inconvénient inhérent à l’élaboration de prévisions, les gouvernements devraient travailler beaucoup mieux, étant donné l’expérience qu’ils ont acquise collectivement. Un programme d’infrastructure a été lancé en 2009 qui a accusé des retards; or, un autre a été mis en œuvre qui accuse à son tour des retards année après année pour différentes raisons. Les priorités des provinces et des municipalités diffèrent, quelles que soient les raisons. C’est assez facile de voir que l’histoire se répète. On pourrait croire qu’après un certain temps, les gens qui planifient ce genre de programmes ont acquis de l’expérience et appris certaines choses. C’est ce que j’espère. C’est certainement quelque chose qu’on apprend très rapidement lorsqu’on gère un budget. Lorsqu’on occupe un poste de cadre supérieur dans la fonction publique, on apprend rapidement qu’on ne dépense jamais tout l’argent prévu parce que des gens partent et que vous vous retrouvez avec de l’argent que vous ne pouvez pas dépenser. C’est simple. On serait porté à croire que les grands esprits qui élaborent ces programmes tiendraient compte de cette réalité.
Est-ce que nous nous améliorons ou non? Je ne sais pas si mes collègues peuvent se prononcer là-dessus à la lumière de leurs expériences personnelles. J’ai l’impression que nous nous améliorons, mais pas beaucoup.
Negash Haile, assistant de recherche, Bureau du directeur parlementaire du budget : Nous avons déjà vu deux révisions majeures pour la phase 1. Par rapport au budget de 2016, nous avons vu une révision à la baisse dans le budget de 2017, et une autre dans celui de 2018. Nous entamons maintenant la phase 2. C’est peut-être là-dessus que le comité pourrait se pencher pour voir si la même tendance se poursuivra.
M. Jacques : J’aimerais revenir aux témoignages que nous vous avons donnés il y a quelques mois, et insister sur le fait qu’il est très difficile d’établir des prévisions justes. À ce que je sache, le processus utilisé par les responsables du plan Investir dans le Canada pour établir les prévisions repose largement sur les données fournies par les autorités provinciales et municipales. Or, nous avons fait état dans notre analyse de révisions importantes apportées aux budgets provinciaux au cours d’une période allant de trois à six mois. En théorie, les gouvernements provinciaux ne semblent pas très portés à présenter des estimations réalistes parce qu’ils ne sont pas pénalisés s’ils le font.
Lorsqu’on affirme aux responsables du plan Investir dans le Canada devoir dépenser 2 milliards de dollars et que, six ou neuf mois plus tard, on leur annonce qu’on aura besoin en fait de 500 000 $, cela crée des problèmes de prévision pour l’organisme fédéral. Le gouvernement du Canada a certainement l’air de ne pas savoir faire des prévisions fiables, alors que la situation est largement attribuable au fait que les gouvernements provinciaux, qui sont responsables de la mise en œuvre des programmes, ont présenté des prévisions irréalistes dès le départ.
Le gouvernement du Canada devrait peut-être avoir une bonne discussion avec les gouvernements provinciaux au sujet de ces prévisions, c’est certain; cependant, ce sont ces partenaires provinciaux et municipaux qui gèrent 70 des 80 milliards de dollars dépensés chaque année. Quand on traite avec le sous-ministre des Finances de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de l’Ontario ou du Québec, on s’attend à avoir affaire à quelqu’un de fiable et on prend ce qu’il dit très au sérieux.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je m’excuse d’être arrivée en retard. J’avais d’autres réunions.
Ma question fait suite à celle de la sénatrice Deacon. Existe-t-il un forum fédéral-provincial concernant les investissements en infrastructure, au même titre que le Forum des ministres du marché du travail ou d’un forum des représentants ou des ministres de l’éducation? Existe-t-il un forum de cette nature entre le gouvernement fédéral et les provinces?
M. Giroux : Je ne suis pas au courant. Je vais le demander à mes collègues. Si ce n’est pas le cas, compte tenu des montants dépensés en matière d’infrastructures, c’est une lacune qui est probablement impardonnable. Je vais demander à mes collègues, Jason et Negash, s’ils sont au courant.
La sénatrice Bellemare : Si vous n’êtes pas au courant, c’est probablement parce qu’il n’en existe pas. Je vais vérifier moi-même dans la liste, et je crois que vous avez raison de dire qu’il devrait y en avoir un.
Je vais vous poser une autre question, mais peut-être que vous n’aurez pas la réponse, parce qu’il n’existe pas de forum. À votre avis, dans le cadre des projets d’infrastructure, y a-t-il des pénuries de main-d’œuvre qui se font sentir dans les métiers qui sont sollicités par ces investissements majeurs dans les municipalités ou les provinces?
M. Giroux : Pour répondre à la question précédente et à votre commentaire, si je ne sais pas quelque chose, cela ne veut pas nécessairement dire que ça n’existe pas. Comme je le dis souvent à mes collègues de travail, j’ai une fille de 19 ans et un garçon de 15 ans qui me rappellent souvent que je ne sais pas grand-chose.
Quelle était la question? Je suis désolé.
La sénatrice Bellemare : Je voulais savoir, étant donné que vous ne participez pas à un forum, s’il y en a un, si, à votre connaissance, il y a des pénuries de main-d’œuvre dans les municipalités ou les provinces qui font les investissements. Cela ne pourrait-il pas expliquer certains retards?
M. Giroux : Oui, c’est clair. Nous travaillons en ce moment à la rédaction d’un rapport sur le marché du travail. C’est très important pour nous. Il est clair qu’il y a des pénuries de main-d’œuvre sectorielles. Dans les métiers de la construction, dans certaines régions, il y a des pénuries assez criantes dans divers corps de métier. Cette pénurie peut donc expliquer les retards dans certains projets. Il n’y a aucun doute là-dessus. Il y a des régions où le taux de chômage est relativement faible, ce qui cache des pénuries de main-d’œuvre très criantes dans plusieurs domaines.
La sénatrice Bellemare : Y a-t-il également des dépassements de coût dans les contrats liés aux dépenses en matière d’infrastructures?
M. Giroux : Je vais demander à mes collègues de répondre à cette question, s’ils connaissent la réponse.
La sénatrice Bellemare : Merci.
[Traduction]
M. Jacques : Nous n’avons pas eu accès à ces données, malheureusement.
Le président : Compte tenu du temps qu’il nous reste avant de passer au projet de loi S-243, une question chacun au deuxième tour nous permettrait de respecter le temps imparti.
Le sénateur Oh : J’ai une petite question. On dit toujours dans le milieu des affaires que les projets du secteur privé sont toujours terminés dans les délais et du budget prévu, méritant des bonis aux responsables. Par contre, les projets du secteur public ne sont jamais menés à bonne fin à temps et affichent des dépassements de coûts. Pourquoi? Pouvez-vous vous prononcer là-dessus? Est-ce à cause des lourdeurs administratives? Y a-t-il une provision pour les dépassements de coûts?
M. Giroux : Voilà une bonne question pour laquelle je n’ai probablement pas de bonne réponse, parce qu’il faudrait probablement examiner chaque projet. À ce que je sache, des provisions pour imprévus sont établies pour la plupart des projets. Il est vrai qu’on a tendance à croire que la plupart des projets dépassent les budgets et les échéanciers prévus, mais je ne suis pas certain que ce soit la réalité. Nous avons tendance à nous concentrer sur ceux qui dépassent les budgets et les échéanciers.
Nous devrions examiner plus en détail la ventilation des projets financés par le plan Investir dans le Canada. Mes collègues ont peut-être déjà certaines informations sur le sujet, mais, à brûle-pourpoint, je ne sais pas vraiment si ce sont la plupart, la majorité ou la minorité des projets qui sont réalisés à temps et dans les budgets prévus. Jason et Negash ont peut-être une réponse plus précise à ce sujet.
Le sénateur Oh : Ce qui pourrait faire épargner beaucoup d’argent aux contribuables.
M. Jacques : C’est une très bonne question, qu’il vaudrait peut-être mieux poser au vérificateur général du Canada. Nous avons tendance à examiner les choses dans une optique tournée vers l’avenir.
La sénatrice Andreychuk : Je voudrais savoir ce qu’il en est des projets réalisés dans le Nord. J’aimerais savoir de quelle façon le gouvernement fédéral s’acquitte de sa responsabilité à l’endroit des Autochtones et des réserves. Les crédits ont-ils été attribués directement aux réserves ou ont-ils été versés aux gouvernements des territoires?
M. Giroux : Si je ne me trompe pas, je crois qu’il y a eu probablement un mélange des deux. La part du gouvernement fédéral, fournie par Services aux Autochtones et Relations Couronne-Autochtones, visait des projets présentés et réalisés par les réserves; il y a eu également des crédits affectés à chacun des trois territoires, calculés en fonction des besoins de chacun et du fait que nombre des localités de ces territoires étant éloignées, il est plus coûteux d’y faire des travaux de construction que dans la plupart des autres localités situées dans le Sud.
La sénatrice Andreychuk : Avez-vous accès à ces données?
M. Jacques : Oui, et nous nous ferons un plaisir de les recueillir et de les rassembler. Nous pourrons les communiquer au président du comité et à la greffière.
La sénatrice Andreychuk : S’il vous plaît.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J’aimerais prendre 30 secondes pour rectifier ma remarque. J’ai regardé sur Internet et je constate qu’une réunion fédérale-provinciale des ministres de l’Infrastructure a eu lieu le 27 septembre 2018, à Halifax. Cependant, nous n’avons accès à aucun document sur le site web du Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes. Est-ce un forum permanent ou une réunion spéciale? Il serait bon d’étudier davantage la question. Je crois que ce serait une excellente idée, comme vous l’avez souligné.
M. Giroux : Madame la sénatrice, si vous me le permettez, cela confirme ce que je disais : ce n’est pas parce que je ne connais pas quelque chose que ça n’existe pas.
Le président : Sur ce, nous vous remercions d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Nous aurons certainement d’autres questions à vous poser.
J’ai quelques questions, mais notre greffière vous les acheminera. J’aimerais avoir des précisions sur une douzaine de lettres que le comité a envoyées à différents ministères et auxquelles nous attendons toujours des réponses. Nous avions constaté, à ce moment-là, dans le rapport précédent du Bureau du directeur parlementaire du budget, que ces projets étaient confidentiels. Nous avons reçu récemment quelques réponses un peu imprécises, pour ne pas dire vagues, nous recommandant de nous tourner vers vous pour obtenir de plus amples renseignements. Nous allons vous transmettre cette documentation afin que vous puissiez en prendre connaissance et nous apporter des réponses, si possible, par l’intermédiaire de notre greffière.
[Traduction]
Sur ce, chers collègues, nous passons au projet de loi S-243. J’aimerais vous donner quelques renseignements généraux sur le processus et la procédure et vous parler du contexte dans lequel ce projet de loi s’inscrit.
Le projet de loi S-243 a été présenté au Sénat du Canada le 22 novembre 2017 par notre collègue, Percy Downe. Il a été adopté à l’étape de la deuxième lecture le 5 juin et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le même jour.
Chers collègues, au cours de notre étude article par article du projet de loi S-243, je vous fournirai des renseignements de nature générale pour la procédure. Chers collègues et chers membres du public, nous sommes sur le point d’entreprendre l’étude article par article du projet de loi S-243. Auparavant, j’aimerais toutefois rappeler certains points aux sénateurs.
[Français]
Je sais que tous les membres du comité souhaitent faire le meilleur travail possible de sorte que, lorsque le Sénat reprendra ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture, il dispose du meilleur produit possible.
[Traduction]
Si à un moment ou à un autre, vous ne savez plus trop où nous en sommes dans le processus, n’hésitez pas à me demander des précisions. Je tiens à faire en sorte que chacun d’entre nous sache en tout temps où nous en sommes.
[Français]
En ce qui concerne la procédure, je tiens à rappeler aux sénateurs et sénatrices que, lorsqu’on propose plus d’un amendement pour le même article, les amendements doivent être proposés suivant l’ordre des lignes du texte à être modifié. Par conséquent, avant que nous examinions un amendement à un article, je vérifierai si d’autres sénateurs avaient l’intention de proposer un amendement modifiant une ligne précédente du même article. Si c’est le cas, ils auront l’occasion de le faire et d’apporter plus de précisions.
[Traduction]
Si un sénateur s’oppose à un article en entier, la procédure normale en comité n’est pas d’adopter une motion pour supprimer l’article au complet, mais plutôt de voter contre le maintien de l’article dans la mesure législative.
[Français]
J’aimerais également rappeler aux honorables sénateurs et sénatrices que certains amendements proposés peuvent avoir des répercussions substantielles sur d’autres parties du projet de loi. Il est très important que le comité demeure conséquent dans ses décisions et qu’il les applique de manière cohérente dans l’ensemble du projet de loi.
[Traduction]
Il serait très utile qu’un sénateur qui propose un amendement indique au comité quels sont les autres articles du projet de loi sur lesquels son amendement pourrait avoir une incidence. Autrement, il pourrait être très difficile pour notre comité de demeurer conséquent dans ses décisions. Notre personnel s’efforcera de consigner les endroits où des amendements subséquents doivent être proposés et nous les signalera. Puisqu’il n’est pas nécessaire de donner un préavis pour proposer des amendements, il peut évidemment ne pas y avoir eu d’analyse préliminaire des amendements pour déterminer ceux qui peuvent avoir des répercussions sur les autres articles ou leur être contraires.
Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs qu’une motion n’a pas besoin d’être appuyée en comité et que, s’ils ont le moindre doute quant aux résultats d’un vote par oui ou non ou à main levée, la façon la plus harmonieuse d’intervenir, c’est de demander un vote par appel nominal, qui aboutira à des résultats clairs.
Les sénateurs savent que, en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.
À cette étape-ci, avez-vous des questions sur ce que je viens de dire? Sinon, nous passerons immédiatement à l’étude article par article.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J’aimerais faire un commentaire général en ce qui concerne l’ordre adopté l’année dernière. Je suis ici à titre de membre d’office, mais je n’ai pas le droit de vote.
Le président : Je vous remercie de la précision. Y a-t-il d’autres commentaires?
[Traduction]
Comme il n’y a pas d’autres commentaires, je demanderai au sénateur Black de se présenter, pour les fins du compte rendu.
Le sénateur Black : Douglas Black, de l’Alberta.
Le président : Merci, monsieur.
Nous passons maintenant à l’étude article par article du projet de loi S-243, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).
Est-il convenu, honorables sénateurs, de procéder maintenant à l’étude article par article du projet de loi S-243, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé)?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord, merci.
Êtes-vous d’accord pour suspendre l’adoption du titre?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
[Français]
Êtes-vous d’accord pour suspendre l’adoption de l’article 1, qui contient un titre alternatif?
L’article 2 est-il adopté? Maintenant, je vais donner la parole au sénateur Pratte pour traiter l’article 2 du projet de loi S-243.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Je propose un amendement pour cet article, et il y aura un autre amendement pour le prochain. Les deux mesures visent le même but : faire en sorte que l’ARC évalue le manque à gagner fiscal tous les trois ans, et pas chaque année, et présente un rapport à ce sujet. Selon l’ARC, le processus est très compliqué et il serait probablement plus réaliste de l’exécuter tous les trois ans. En outre, le manque à gagner fiscal varie très peu d’une année à l’autre; alors, ce qui compte, c’est réellement la tendance à long terme. Lorsque le sénateur Downe a comparu devant nous, je lui ai demandé s’il était favorable à un tel amendement, et il a répondu « oui ».
Alors, les deux amendements, le premier et le second, portent sur le fait que le manque à gagner fiscal serait évalué aux trois ans pour l’année fiscale survenue trois ans auparavant. Si vous vous souvenez bien, les responsables de l’ARC nous ont dit qu’ils ne peuvent faire ce calcul que trois ou quatre ans plus tard. Ils ne peuvent le faire pour l’année précédente. Cet été et l’été d’avant d’ailleurs, ils ont rendu publics les rapports pour l’année fiscale 2014. Voilà l’objet de cet amendement; l’amendement suivant, qui vise l’article 3, a simplement pour effet de retirer le libellé selon lequel l’organisme présenterait chaque année un rapport d’activités sur le sujet.
Le président : Sénateur Pratte, pourriez-vous lire l’amendement pour les fins du compte rendu — le premier?
Le sénateur Pratte : À l’article 2, page 1, il est proposé :
Que le projet de loi S-243 soit modifié à l’article 2, à la page 1,
« 2 (1) Le paragraphe 88(2) de la Loi sur l’Agence du »
(3) Tous les trois ans, à partir de l’année qui survient trois ans après l’entrée en vigueur du présent paragraphe, le rapport d’activités devant être présenté en application du paragraphe (1) contient les statistiques visées au paragraphe 88.1(2) pour l’exercice ayant pris fin trois ans avant l’année au cours de laquelle le rapport d’activités est présenté.
[Français]
A-t-on distribué l’autre document?
[Traduction]
L’amendement porte quelque peu à confusion, mais, quand on regarde le document ici, les choses deviennent plus claires. Le libellé est compliqué, mais il vise simplement à énoncer que l’évaluation est faite aux trois ans et non pas chaque année.
Le président : Le sénateur Pratte présente un amendement à l’article 2. Honorables sénateurs, y a-t-il des questions à l’intention du sénateur Pratte sur l’amendement? Dans la négative, à des fins de précisions, avez-vous dit, sénateur Pratte, que vous avez communiqué cette information au sénateur?
Le sénateur Pratte : Pas l’amendement même, parce que nous l’avons rédigé cet avant-midi, mais, lorsque le sénateur Downe a comparu devant nous, je lui ai demandé précisément s’il était favorable à un amendement qui énoncerait que le rapport doit être présenté tous les trois ans et non pas chaque année, et il a acquiescé.
Le président : Merci de cette précision. Y a-t-il d’autres questions?
S’il n’y en a pas, l’article 2, modifié par le sénateur Pratte, est-il adopté?
[Français]
Le sénateur Pratte : Vous voulez que je le lise en français?
Le président : Oui, s’il vous plaît, sénateur Pratte.
Le sénateur Pratte : Il est proposé :
Que le projet de loi S-243 soit modifié à l’article 2, à la page 1 :
a) par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit :
« 2 (1) Le paragraphe 88(2) de la Loi sur l’Agence du »;
b) par substitution, aux lignes 13 à 15, de ce qui suit :
« (2) L’article 88 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :
(3)Tous les trois ans, à partir de l’année qui survient trois ans après l’entrée en vigueur du présent paragraphe, le rapport d’activités devant être présenté en application du paragraphe (1) contient les statistiques visées au paragraphe 88.1(2) pour l’exercice ayant pris fin trois ans avant l’année au cours de laquelle le rapport d’activités est présenté. »
[Traduction]
Le président : Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter l’amendement présenté par le sénateur Pratte?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
Ensuite, l’article 2, modifié, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci.
L’article 3 est-il adopté?
[Français]
Le sénateur Pratte : Alors, à la suite de l’amendement précédent, cet amendement-ci fait simplement enlever la mention dans le sous-paragraphe 2, qui dit ceci :
88.1(2) Chaque année, le ministre recueille, compile, analyse [...]
Cette fois-ci, on enlèverait simplement la mention « Chaque année ».
[Traduction]
Dans la version anglaise, il est énoncé au paragraphe (2) : « the minister shall on an annual basis » et nous ne faisons ici que retirer « on an annual basis ».
Le président : Merci. Y a-t-il d’autres questions sur l’amendement proposé par le sénateur Pratte?
S’il n’y en a pas, l’amendement est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’amendement est adopté.
L’article 3, modifié, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, honorables sénateurs.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci.
L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article est adopté.
Le projet de loi, ainsi modifié, honorables sénateurs, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le projet de loi est adopté.
Honorables sénateurs, acceptez-vous que tout changement nécessaire à la numérotation des articles et aux renvois dans le projet de loi modifié soit apporté?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord. Merci.
Une question peut se poser, dont j’aimerais discuter avec le comité. Le comité désire-t-il envisager d’annexer des observations au rapport?
Des voix : Non.
Le président : Merci. Est-ce d’accord?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
Honorables sénateurs, acceptez-vous que je fasse rapport sur le projet de loi, dans sa version modifiée, au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord. Merci.
Honorables sénateurs, s’il n’y a pas d’autres questions ou commentaires, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)