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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 78 - Témoignages du 30 octobre 2018


OTTAWA, le mardi 30 octobre 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, à huis clos et en séance publique, pour étudier les processus et les aspects financiers du système d’approvisionnement en matière de défense du gouvernement du Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et je préside le comité. Je vais maintenant demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Aujourd’hui, le comité entreprend son étude spéciale sur le système d’approvisionnement en matière de défense, conformément à l’ordre de renvoi adopté par le Sénat du Canada le 4 octobre 2018.

En cette première séance publique consacrée à ce sujet, nous accueillons deux intervenants clés : Patrick Finn, sous-ministre adjoint (Matériels), ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes, et André Fillion, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et de défense, Services publics et Approvisionnement Canada.

Je souhaite la bienvenue aux témoins. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. À n’en point douter, vous mettrez à profit votre vision, votre professionnalisme et votre expérience, dont nous sommes pleinement conscients.

Vous êtes ici ce matin pour donner le coup d’envoi à l’étude spéciale sur le processus d’approvisionnement, selon le mandat que nous a confié le Sénat du Canada.

Monsieur Finn, la parole est à vous.

Patrick Finn, sous-ministre adjoint (Matériels), ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci de nous avoir invités ici aujourd’hui pour vous parler de ce qui constitue un sujet très important.

Comme M. Fillion et moi sommes très désireux de répondre à vos questions, nos observations préliminaires seront très brèves. Nous attachons beaucoup d’importance à l’approvisionnement en matière de défense, un système essentiel qui permet de procurer à nos militaires l’équipement dont ils ont besoin pour nous assurer que les Forces armées canadiennes demeurent opérationnelles et efficaces dans toutes leurs activités.

Pour nous, un élément clé dans l’atteinte de nos objectifs en la matière a été la politique de défense publiée l’année dernière, sous le titre de Protection, Sécurité, Engagement.

Au nom de mon collègue et en mon nom personnel, je peux affirmer sans hésitation que beaucoup de travaux sont en cours pour examiner comment nous pouvons simplifier et améliorer l’approvisionnement en matière de défense afin de nous assurer de remplir cette exigence.

[Français]

Cela dit, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Monsieur Fillion, avez-vous des commentaires?

[Traduction]

André Fillion, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et de défense, Services publics et Approvisionnement Canada : Nous nous trouvons dans une période assez intéressante du point de vue des directives reçues, comme en témoignent les stratégies nationales en matière de construction navale et la politique Protection, Sécurité, Engagement, dont on vient de parler.

Dans le cadre de nos fonctions, nous avons le devoir de continuer à améliorer les processus, de tirer des leçons de nos bonnes pratiques d’approvisionnement, de même que de certaines de nos erreurs, et de collaborer avec nos alliés pour nous améliorer constamment.

Nous avons tout autant le devoir de nous assurer que nous visons non seulement à fournir les ressources nécessaires, mais aussi à améliorer nos approches à mesure que nous allons de l’avant.

Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.

[Français]

Le président : Merci.

Le sénateur Pratte : Quand on parle du dossier des avions de chasse, comment les initiatives que vous avez prises pour améliorer le processus d’approvisionnement se sont-elles appliquées concrètement? Vous connaissez le sujet beaucoup mieux que nous. De l’extérieur, le public regarde la situation et se demande où on s’en va depuis plusieurs années. Les coûts des F-35 ont beaucoup augmenté. Ensuite, on a modifié le processus. Puis, on a décidé d’acheter des avions australiens « usagés ». Il semble y avoir beaucoup de faux départs dans le processus.

M. Fillion : Merci pour la question. On a annoncé la semaine dernière la distribution aux fournisseurs potentiels de l’ébauche des documents de demande de soumissions. Ça a été une étape importante après plusieurs mois de travail. On a travaillé beaucoup en consultation avec les fournisseurs, ce qui est très important pour une acquisition de cette envergure et compte tenu des coûts. Au début de l’année, soit le 22 février, on a dressé une liste de fournisseurs, ce qui a réduit le nombre d’engagements envers les cinq fournisseurs principaux, soit les équipes menées par les gouvernements, qui opèrent et construisent ces avions de chasse.

Depuis ce temps, on a eu plusieurs discussions avec les fournisseurs pour les informer de ce qu’on a produit et émis la semaine dernière, afin de s’assurer de bien comprendre ce qu’ils peuvent nous fournir, et aussi pour adapter la méthode d’approvisionnement à l’environnement des avions de chasse. Acheter un avion de chasse, ce n’est pas comme acheter une voiture compacte, et le rôle des gouvernements est très important. Nous avons dû adapter notre méthode d’approvisionnement au contexte des avions de chasse.

Nous avons appris nos leçons récemment avec les navires de combat. Aussi, nous avons franchi une étape importante, il y a quelques semaines, soit l’identification d’un fournisseur qui est un soumissionnaire privilégié.

C’est en allant de l’avant avec les avions de chasse que nous avons incorporé certaines de ces leçons apprises, ce qui nous permettra d’utiliser une méthode beaucoup flexible et de tenir un dialogue durant le processus de demande de soumissions. Nous avons plusieurs projets, contrats et acquisitions en cours et nous avons appris de nombreuses leçons avec nos alliés.

M. Finn : Je remercie le sénateur de sa question. Sur le plan de la défense, nous voulons être certains de gérer une compétition qui apporte une capacité à long terme à l’Aviation royale canadienne. C’est tout de même un avion qui sera en service pendant des décennies. C’est pourquoi il faut apporter la capacité requise tout en respectant les besoins de l’aviation, à un prix raisonnable et selon des échéanciers établis.

Les besoins contenus dans l’appel d’offres sur lequel nous travaillons se basent beaucoup sur les performances afin que nous puissions, encore une fois, veiller à avoir une approche plus stratégique sur le plan des besoins.

Nous avons engagé tous nos alliés qui, au cours des dernières années, ont fait des achats dans le même domaine, afin de profiter des leçons qu’ils ont tirées et d’autres acquisitions qui ont été faites ici, au Canada.

Le sénateur Pratte : En ce qui a trait aux F-18 australiens, vous avez sans doute entendu dire que le Canada s’est fait avoir par le passé avec les sous-marins et qu’il se fera encore avoir avec les F-18 australiens. En fait, quelle est la différence entre les deux?

M. Finn : Je vous dirais qu’il y a différents aspects. En ce qui concerne les sous-marins, il n’y en avait que quatre. Au Royaume-Uni, certains travaux avaient été exécutés, mais les sous-marins n’étaient pas entrés en service. Donc, les derniers sous-marins n’ont jamais été mis en opération. Ils ont terminé ce qui devait être un achat de plus grande envergure. Aussi, tout cela s’est fait avec un service de soutien qui était tout de même très limité.

Du côté australien, il s’agit de 18 avions, y compris 16 avions que nous avons encore. Ce sont des avions que nous connaissons très bien. Au fil des ans, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les Australiens en ce qui concerne la structure et d’autres systèmes.

À notre avis, c’est le Canada qui possède la meilleure expertise liée à ce type d’avion. À Montréal, certaines compagnies font de l’entretien pour les États-Unis et d’autres pays, parce qu’ils ont les connaissances nécessaires.

Cet appareil va vraiment augmenter notre flotte, et ce n’est pas le nombre d’appareils qui compte; ce sont plutôt les heures d’utilisation à l’avenir. Nous recherchons un avion qui demeurera en service pendant encore 14 ans. Ce qu’il faut, c’est avoir suffisamment d’heures du côté des structures. Nous pourrons nous servir de ces avions jusqu’à ce que la flotte au complet ne soit plus en service.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Je comprends, messieurs, que le processus d’approvisionnement ne consiste pas seulement à trouver le bon équipement pour les Forces armées. Il s’agit de créer des emplois, de stimuler la croissance économique au Canada et de simplifier le tout. L’approvisionnement s’inscrit également dans le cadre de ce qu’on appelle une proposition de valeur, qui sert à mesurer les retombées industrielles et technologiques d’une soumission pour le Canada.

Vous arrive-t-il parfois d’être déchirés entre ces deux points de vue, c’est-à-dire une soumission qui paraît formidable, mais qui ne favorise pas la création d’emplois et l’innovation au Canada? Y a-t-il un tiraillement?

M. Fillion : Lorsque nous élaborons des stratégies d’approvisionnement et des plans d’évaluation, en particulier, nous établissons évidemment les spécifications et les exigences pour les diverses capacités que nous devons acquérir.

Nous tenons compte de trois éléments, et M. Finn pourra en parler davantage. D’abord, il y a la capacité qui sera acquise. Ensuite, il s’agit de déterminer si cela remplit les exigences non négociables de l’armée, de la marine et des forces aériennes. Enfin, le tout est évalué sur le plan des avantages, auquel cas la soumission reçoit d’habitude une cote assez élevée.

Nous examinons également les coûts et l’optimisation des ressources. Nous tenons compte aussi de ce qu’on appelle la proposition de valeur et le mérite économique.

[Français]

La sénatrice Eaton : Je comprends tout cela, mais ce que je vous demande, c’est si vous êtes tiré dans une direction ou l’autre.

[Traduction]

Je veux plutôt savoir ce qui prime. Est-ce la rapidité, les coûts, l’acquisition d’un matériel de pointe dont les militaires ont besoin ou plutôt, ma foi, la possibilité de créer plus d’emplois dans le Sud de l’Ontario, au Québec ou dans l’Ouest si nous suivons telle ou telle voie?

M. Fillion : Nous communiquons nos priorités aux fournisseurs pour leur faire savoir ce que nous valorisons le plus en matière de capacité, de coût et de proposition de valeur. Ensuite, libre à eux de nous faire leurs propositions.

Je dirais que, pour nous, chaque approvisionnement est différent.

La sénatrice Eaton : Comment établissez-vous la priorité de vos besoins?

M. Finn : À mon avis, il est important que nous évitions de les traiter séparément, comme vous nous entendrez le dire tout le temps.

La sénatrice Eaton : C’est donc vous qui prenez la décision.

M. Finn : Pour nous, l’enjeu, c’est que nous devons maintenir le tout en service. Voilà l’élément essentiel.

Une bonne partie des propositions de valeur et des retombées qui découlent de la politique de compensation ne font pas que stimuler la création d’emplois au Canada, d’un point de vue économique. C’est la capacité d’appuyer nos militaires qui est vraiment cruciale.

Nous avons des navires et des aéronefs qui, en raison des technologies dont ils sont dotés, ne peuvent pas être entretenus à l’étranger. Il nous faudrait alors nous en remettre à un autre pays pour déterminer où envoyer l’équipement en vue de son entretien.

Ce n’est pas que nous ne nous préoccupons pas des emplois ou que nous laissons quelqu’un d’autre s’en occuper. En fait, nous nous soucions d’avoir un service de soutien pendant toute la durée de vie. La présence, au Canada, d’une industrie qui peut entretenir des systèmes militaires très complexes fait, en réalité, partie de la défense nationale.

Il s’agit là d’un aspect important. Par conséquent, les priorités ne sont pas établies en fonction de l’idée que l’une doit toujours primer sur l’autre. Comme mon collègue le disait, c’est une discussion que nous avons, l’objectif étant de veiller à ce que la proposition de valeur assure un service de soutien sur la durée de vie du système au Canada et de déterminer ce que nous pouvons faire.

La sénatrice Eaton : Je comprends ce que vous dites au sujet de l’entretien et du soutien continu, mais croyez-vous que ces processus d’approvisionnement nous permettent de bâtir notre propre industrie de l’armement? Avons-nous, pour ainsi dire, une industrie de l’armement au Canada?

M. Finn : Nous avons certainement une industrie de la défense, qui met au point beaucoup de systèmes. Avons-nous beaucoup de systèmes d’armes? Pas nécessairement, mais nous comptons un grand nombre de systèmes de combat de premier niveau, d’intégrateurs, de fournisseurs de systèmes, de développeurs de logiciels, de concepteurs de véhicules blindés légers, et j’en passe.

La dernière fois que j’ai vérifié les données des associations, l’industrie canadienne de la défense représentait 12 milliards de dollars par année. Sachant que le ministère de la Défense dépense environ 6 milliards de dollars par année, on peut supposer qu’il s’agit plus ou moins d’un financement à parts égales.

La sénatrice Eaton : C’est très intéressant. Je crois que vous aviez, cette année, un budget de 6,3 milliards de dollars dans le cadre de la politique PSE pour 2017-2018. Est-ce exact?

M. Finn : La politique PSE est un volet plus vaste.

La sénatrice Eaton : Votre budget des dépenses de cette année s’élevait à environ 6,3 milliards de dollars.

M. Finn : Cette question devrait être adressée à notre dirigeant principal des finances, je suis désolé. Je connais le budget dont je suis chargé.

La sénatrice Eaton : Laissons tomber cette question.

M. Finn : J’ai environ 6 milliards de dollars cette année, dont une moitié pour l’acquisition et l’autre moitié pour le soutien en service. Il y a de fortes chances que nous dépensions le tout.

[Français]

Le sénateur Forest : J’aimerais poser deux brèves questions. À la suite de l’appel d’offres qui a été lancé, le Globe and Mail nous informe que le contrat est estimé à plus de 26 milliards de dollars, selon votre modèle de retombées industrielles technologiques.

La question que je me pose, c’est que vous lancez un appel d’offres tout en demeurant dans le consortium chargé de développer un avion de type F-35. Est-ce que le fait de demeurer dans ce consortium ne vous place pas en porte-à-faux? Et est-ce qu’il y a des coûts liés au fait de demeurer dans le consortium qui a le mandat de concevoir l’avion de type F-35?

M. Finn : Merci de votre question. Le F-35 est tout de même un modèle dont nous avons participé au développement depuis le début du partenariat. Le fait de participer apporte l’option et le meilleur prix pour l’avion s’il gagnait une compétition et, en même temps, il permet à l’industrie canadienne d’avoir accès aux différents contrats à travers la flotte.

Au ministère de la Défense, nous avons créé une équipe complètement séparée qui participe aux réunions sur les F-35. Elle se rapporte à moi, mais elle travaille indépendamment des autres équipes qui travaillent sur l’appel d’offres et les compétitions pour essayer d’établir une indépendance. En raison des investissements qui ont été faits jusqu’à présent — et vous avez raison, on paie un prix à chaque année d’environ 30 millions de dollars, qui change d’une année à l’autre, dépendamment du pourcentage —, nous avons accès à cet avion au meilleur prix possible.

On veut apporter la meilleure valeur à la compétition et être sûrs d’avoir le meilleur accès possible si l’avion remporte la compétition, tout en créant tout de même une indépendance au sein du ministère de sorte que ceux qui travaillent sur l’avion ou sur le projet aux États-Unis ne communiquent pas avec l’équipe qui prépare l’appel d’offres.

[Traduction]

M. Fillion : L’ébauche de demande de propositions qui a été communiquée aux fournisseurs la semaine dernière était l’aboutissement de nombreux mois de consultations sur l’ensemble des cinq options.

L’appel d’offres repose sur les exigences de l’Aviation royale du Canada, exigences qui sont précisées dans ces documents. Il y a eu beaucoup d’échanges au cours des derniers mois pour nous assurer que notre demande satisfait aux exigences des forces aériennes et qu’elle ne limite pas la concurrence par inadvertance.

Je suis tout à fait persuadé que nous avons élaboré une demande au moyen d’un processus équitable, ouvert et transparent pour tous les fournisseurs éventuels.

[Français]

Le sénateur Forest : À ce sujet, vous admettrez que, pour le citoyen ordinaire qui n’a pas votre compétence et votre expérience, il peut sembler particulier que vous lanciez un appel d’offres tout en participant à la création d’un des produits qui sont inclus dans l’appel d’offres. Ce n’est pas une situation usuelle.

M. Finn : Je comprends cette perception, mais la réalité, c’est qu’il y a plusieurs compagnies qui sont impliquées. Je me retrouve en discussions bilatérales continues avec mes collègues français, entre autres en ce qui concerne les projets de chasseurs. L’appel d’offres pour les projets n’a pas été lancé. Une fois qu’il le sera, les communications arrêteront. Entre temps, nous sommes en dialogue avec tous les fournisseurs. Nous faisons notre possible pour être sûrs que les dialogues sur le F-35 et les connaissances que nous avons du projet et de l’avion soient exactement les mêmes que ceux des autres fournisseurs, soit les mêmes dialogues, les mêmes discussions et les mêmes connaissances de leurs produits.

Nous avons des pilotes de l’aviation canadienne qui volent aux États-Unis sur d’autres appareils que le F-35 qui ont aussi des connaissances dans ce domaine. En raison des engagements avec les différentes grandes entreprises, il y a un dialogue, mais nous faisons notre possible pour conserver l’équité avec tous nos fournisseurs.

M. Fillion : En partageant l’ébauche de nos documents de demande de soumissions comme nous l’avons fait la semaine passée, cela donne la chance aux fournisseurs de faire part de leurs commentaires avant que nous diffusions la version finale de nos appels d’offres le printemps prochain. S’il y a, encore une fois, par erreur ou par omission, des choses dans ces documents qui ont pour effet d’exclure certains fournisseurs pour des raisons non justifiées, nous avons l’occasion d’en être informés.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : J’aimerais parler des comités qui s’occupent de l’approvisionnement militaire. Sont-ils tous des comités ministériels?

M. Fillion : Une bonne part des décisions concernant l’approvisionnement en matière de défense sont prises au sein des comités interministériels, établis à différents échelons et chargés de s’occuper de projets de diverses tailles. Les membres de ces comités proviennent des principaux ministères qui interviennent dans le processus d’approvisionnement en matière de défense : SPAC, Défense nationale, et Innovation, Sciences et Développement économique, avec la participation des organismes centraux.

Ce sont bel et bien des comités interministériels, composés de membres qui représentent différents échelons, qu’il s’agisse de directeurs, de directeurs généraux, de sous-ministres ou de sous-ministres adjoints, selon l’ampleur des décisions à prendre.

La sénatrice Marshall : J’en déduis qu’ils sont sur un pied d’égalité. Il y a sûrement certains comités dont le statut est équivalent. Ils doivent faire rapport à un même comité. C’est peut-être un comité de sous-ministres. Comment le tout est-il organisé?

M. Fillion : Là encore, cela dépend de la valeur de la transaction. Par exemple, les comités à l’échelon des directeurs prennent des décisions en fonction de seuils monétaires en ce qui concerne la stratégie d’approvisionnement, les plans de consultation de l’industrie et la publication des documents d’appel d’offres.

Au-delà du seuil de 100 millions de dollars, ce sont les directeurs généraux qui interviennent et qui ont le pouvoir de prendre des décisions. Pour les transactions de très grande envergure et complexité, ce sont nous qui intervenons, à notre échelon, et qui prenons les décisions. Évidemment, c’est le sous-ministre de la gouvernance qui chapeaute et qui surveille le tout, et c’est lui qui intervient dans certaines des décisions plus importantes et plus stratégiques.

Je le répète, selon la taille et la complexité des transactions, les décisions relatives à ces étapes importantes sont prises par les divers comités.

La sénatrice Marshall : Y aurait-il un mandat officiel? Chaque comité remplirait-il un mandat officiel?

M. Fillion : Chacun de ces comités dispose d’un cadre de référence, qui prévoit à peu près les mêmes choses.

Leurs membres doivent, très tôt dans le processus d’approvisionnement, se réunir et prendre des décisions sur la façon dont l’industrie sera consultée pour l’élaboration de la stratégie d’approvisionnement, la façon dont ils approuveront la stratégie d’approvisionnement à l’issue de la consultation et les types de décisions qui seront requises dans chaque cas, en plus de décider quels ministères participeront au processus, sous la présidence de SPAC, et ce, au moyen d’une approche décisionnelle axée sur le consensus.

La sénatrice Marshall : Pouvons-nous obtenir l’organigramme des comités, ainsi qu’une description de leurs mandats?

M. Fillion : Très certainement.

La sénatrice Marshall : Nous vous en serions reconnaissants. Vous n’avez qu’à remettre le tout à notre greffière.

M. Fillion : Volontiers.

Le sénateur C. Deacon : Merci de vous entretenir avec nous aujourd’hui. Je suis heureux de savoir que vous tenez compte des coûts du cycle de vie aussi clairement dans le cadre de vos efforts d’établissement de partenariats.

En 2011, Innovation Canada a publié un rapport spécial sur l’approvisionnement. Vous êtes, tous deux, fort probablement au courant. Une des principales recommandations était de miser sur les PME pour se fixer comme objectif l’innovation et pour veiller à ce que ces occasions soient plus accessibles à la grandeur du Canada.

Pouvez-vous faire le point sur ce que vous avez accompli et nous dire ce qui constitue, d’après vous, des mesures de réussite clés que vous surveillez pour faire en sorte que les petites et moyennes entreprises de tout le pays aient la capacité de mettre de l’avant des technologies de rupture hautement efficaces, qui pourraient vous être utiles et favoriser le développement économique et les débouchés partout au Canada grâce au processus d’approvisionnement?

M. Finn : C’est un domaine qui intéresse beaucoup notre ministre, car la question de l’innovation lui tient très à cœur.

Le programme IDEeS, qui fait partie de la politique de défense Protection, Sécurité, Engagement, prévoit un investissement considérable dans les petites et moyennes entreprises, le milieu universitaire et d’autres secteurs pour leur permettre de proposer des idées, des solutions, des technologies de rupture et des approches très innovatrices que nous pouvons utiliser et continuer de perfectionner. Ce ne sont pas toutes les propositions qui passeront aux étapes suivantes. Il s’agit d’adopter une démarche très différente de notre façon de faire habituelle, qui consiste à dire, après réflexion : « Voici nos exigences; créez-nous un produit qui respecte à la lettre nos exigences. » C’est là un aspect essentiel.

Malgré quelques difficultés, nous avons pu attribuer plusieurs petits contrats afin de permettre la poursuite des travaux de développement. C’est mon collègue, le contre-amiral des sciences et de la technologie, qui dirige ce programme.

Il y a un certain nombre d’autres domaines. Depuis 2014, nos collègues du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique administrent la Politique des retombées industrielles et technologiques au Canada. En fait, dans le cadre de la plupart de nos grandes acquisitions, la proposition de valeur prévoit des marchés réservés pour permettre aux petites et moyennes entreprises d’y participer pour les raisons que vous venez de mentionner.

Nous voyons cela constamment. Des solutions vraiment impressionnantes se font jour. Elles concernent souvent le soutien en service. Les petites et moyennes entreprises se manifestent au moment de l’acquisition. Qu’il s’agisse d’une grande multinationale ou d’une grande société canadienne, les soumissionnaires sont obligés d’indiquer, dans leurs propositions de valeur, comment ils entendent réserver une partie du marché pour les petites et moyennes entreprises et comment ils en feront rapport. Là encore, nos collègues surveillent la situation de très près.

Nous observons le même phénomène au chapitre de l’entretien et des nouvelles acquisitions. Nous avons un certain nombre de programmes. Nos collègues d’ISDE administrent, entre autres, le programme Solutions innovatrices Canada pour essayer de stimuler l’innovation en fonction de ce que nous pouvons accomplir et mettre de l’avant.

Le sénateur C. Deacon : Puis-je vous demander de nous fournir, par l’entremise de notre greffière, un document expliquant ce que vous considérez comme des mesures de réussite et la façon dont vous faites état des progrès accomplis à cet égard au cours des dernières années et à l’avenir?

Je sais que la qualité est également un élément important, mais je crois que nous devons avoir la certitude qu’il s’agit d’une priorité.

M. Finn : Nous vous ferons parvenir certaines données sur ce que nous faisons dans le cadre du programme IDEeS.

Nos collègues du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique effectuent des études très détaillées sur les petites et moyennes entreprises, les sommes d’argent, les mesures de relance, et cetera. Je crois d’ailleurs qu’ils viendront témoigner devant vous, mais nous vous fournirons les renseignements dont nous disposons. En tout cas, nos collègues sont une source d’information très importante.

[Français]

Le sénateur Forest : Selon votre politique d’approvisionnement, le Canada investira plus de 100 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années dans sa flotte de navires. Je constate que 1 p. 100 de ces investissements seraient destinés à la Davie, qui est le plus important chantier naval du Canada. Le Québec représente tout de même 23 p. 100 de la population canadienne. Est-ce que mon calcul est bon, selon ce que j’ai pu voir dans votre politique en matière d’investissements? Vous avez également abordé la question de la maintenance. Je n’ai pas été en mesure d’évaluer cet aspect, mais en termes d’investissements en faveur de nouveaux équipements sur plus de 100 milliards de dollars, environ 1 p. 100 est destiné à la Davie.

M. Finn : Merci de la question. Il faut s’assurer de comparer le pourcentage de contrats octroyés à la valeur des projets au cours des années à venir. La grande majorité des contrats prévus dans l’enveloppe de 100 milliards de dollars — je crois que c’est un peu moins — n’ont pas été octroyés. Nous sommes en dessous de 10 milliards de dollars.

Encore une fois, nos collègues à Innovation, Sciences et Développement économique (ISDE) ont des chiffres très précis par province. En raison des différents projets dans le cadre de la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale, environ 15 p. 100 de l’enveloppe a été versée à diverses entreprises du Québec. Comme vous l’avez mentionné, l’entretien changera beaucoup l’équation au fur et à mesure que les navires seront construits.

Le sénateur Forest : Pourriez-vous nous donner ces chiffres-là?

M. Finn : Je vais demander à mes collègues d’ISDE de vous fournir ces chiffres.

M. Fillion : Comme la stratégie vient d’être mise en œuvre, il y a beaucoup de distorsions sur le plan des statistiques lorsqu’un gros contrat est établi. Comme M. Finn l’a mentionné, les chiffres sont plutôt de 15 à 17 p. 100 en ce qui a trait aux contrats octroyés au Québec pour la construction de petits navires et la maintenance. Récemment, certains contrats ont été octroyés à la Davie, notamment pour les brise-glaces, et cetera.

Le sénateur Forest : Il faut tout de même reconnaître que, pour ce qui est des navires de combat de surface, le contrat est confié à un fournisseur, et le contrat pour les patrouilleurs est confié à un autre, ce qui représente le gros de l’investissement à long terme.

M. Finn : Ils sont destinés aux fournisseurs, mais les sous- traitants et les retombées économiques... Comme on l’a vu par le passé lors de la construction des frégates au Nouveau-Brunswick, tout ce qui était lié aux systèmes de combat a été construit à Montréal. C’est un peu la même chose. Tout ce qui relève de la construction d’un bateau de combat représente environ 15 p. 100 de la valeur du bateau, et le reste provient d’autres sous-traitants.

Le président : Il faut que la synergie soit nationale.

[Traduction]

Quelles sont les principales raisons qui expliquent les retards dans le processus d’approvisionnement en matière de défense et le dépassement des budgets?

[Français]

Si vous pouviez nous transmettre des renseignements sur cette question par l’intermédiaire de la greffière, ce serait très apprécié.

(La séance est levée.)

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