Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 79 - Témoignages du 7 novembre 2018
OTTAWA, le mercredi 7 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité.
[Français]
Bienvenue à tous ceux et celles ici présents dans la salle et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je rappelle à nos auditeurs et auditrices que les audiences de ce comité sont publiques et accessibles en ligne sur le site sencanada.ca.
[Traduction]
Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur Duffy : Je suis le sénateur Mike Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je suis la sénatrice Diane Bellemare, du Québec.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : Je vous remercie.
J’aimerais également souligner la présence de notre greffière, Gaëtane Lemay, et de nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui, ensemble, appuient les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales du Sénat du Canada.
Honorables sénateurs, aujourd’hui, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, lequel a été renvoyé au comité par le Sénat, le 16 octobre dernier.
[Français]
Pour notre premier groupe de témoins ce soir, nous avons invité des gens qui, en raison de leurs compétences et de leur champ de pratique ou de recherche, sont considérés comme étant des experts dans l’un ou l’autre des aspects abordés par le projet de loi C-62.
[Traduction]
D’abord, de la faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, nous avons M. Robert Paul Hebdon, professeur émérite, Comportement organisationnel. Merci d’avoir accepté notre invitation, monsieur Hebdon.
[Français]
Du cabinet juridique Goldblatt Partners, nous accueillons Peter Engelmann, associé.
[Traduction]
Pour compléter ce premier panel, nous avons M. Philip Cross, agrégé supérieur, de l’Institut Macdonald-Laurier.
Je remercie tous les témoins d’avoir accepté notre invitation.
J’ai été informé que vous alliez faire chacun une courte déclaration préliminaire. Nous allons procéder dans l’ordre suivant : d’abord, le professeur Paul Hebdon, ensuite, M. Engelmann, et, pour terminer, M. Cross. Après ces déclarations, les sénateurs vont vous poser des questions.
Professeur Hebdon, vous avez la parole.
Robert Paul Hebdon, professeur émérite, Comportement organisationnel, faculté de gestion Desautels, l’Université McGill, à titre personnel : Je remercie le président et les membres du comité. C’est un plaisir d’être ici. J’espère pouvoir vous être utile. Je suis ici pour cela. J’espère que la période de questions me permettra de vous fournir des renseignements qui vous aideront. Je vais essayer dans mes réponses de m’en tenir à ce que je sais et d’éviter de me prononcer sur des choses que je ne connais pas ou de me lancer dans des suppositions.
Je vais m’efforcer d’être bref dans cette déclaration préliminaire, mais, comme je suis professeur d’université, j’ai tendance à disserter. N’hésitez pas à m’interrompre.
Je vais commencer par un principe à mon avis fondamental en matière de relations de travail. Il s’agit probablement d’une chose que certains d’entre vous savent déjà, peut-être même le savez-vous tous, mais elle mérite d’être répétée. Je vais essayer, d’une part, de démontrer ce principe, que je vais exposer dans un moment, et, d’autre part, de tenter de montrer qu’il s’agit d’un principe auquel adhèrent les professionnels du domaine, côtés patronal et syndical, les spécialistes, et qu’il est étayé par les écrits universitaires qui existent sur le sujet.
Ce principe, qui est simple, le voici : une entente négociée librement par les parties est de beaucoup supérieure à un règlement imposé au moyen d’une loi, ou même par un arbitre d’ailleurs. Lorsque l’entente est négociée librement, les deux parties estiment qu’elle vient d’elles et l’appuient. Dans les cas où il y a un syndicat, l’entente a probablement fait l’objet d’un vote. De façon générale, les parties sont plus susceptibles d’accepter les conditions du règlement si elles les ont approuvées.
Par contre, comme on s’en doute, lorsque le règlement est imposé et que les parties n’ont pas eu suffisamment voix au chapitre dans l’établissement des dispositions ou des conditions de l’entente, l’effectif, la fonction publique dans ce cas-ci, risque de s’en trouver démoralisé. Cela peut avoir d’autres effets négatifs aussi, comme les griefs, la confusion en ce qui concerne les conditions ou un détachement par rapport à l’entente. Cela peut en outre miner la confiance entre les parties et entraîner une détérioration de leur relation, qui est l’élément central des relations de travail. Les bonnes relations de travail reposent sur la relation entre les parties.
J’ai réalisé des travaux sur le sujet. Je pense qu’il y a un article qui est mentionné dans un des documents que vous avez. J’aimerais mentionner brièvement qu’au départ, il s’agissait d’un rapport de l’Institut C.D. Howe. Benjamin Dachis, de l’institut, a communiqué avec moi. Ben est un économiste et il a rassemblé un extraordinaire ensemble de données portant sur une période de 30 ans. Notre rapport initial était un rapport de l’Institut C.D. Howe. Nous en avons ensuite fait deux articles différents, celui que vous avez là, dans le British Journal, et un autre qui a été publié dans le Berkeley Journal et est davantage axé sur le secteur privé.
Je voulais vous présenter une conclusion qui ne figure pas dans le document que vous avez. Dans ce rapport, on disait — je n’ai pas le numéro de la page — plus précisément que, lorsqu’un règlement est imposé par voie législative pour une convention, on constate une diminution de 27 p. 100 de la probabilité d’une convention négociée la fois suivante. Il s’agit ici de convention imposée par une mesure législative, une loi de retour au travail ou quelque chose comme cela. Cela n’était pas précisé dans les données dont nous disposions. Il était simplement question de solution imposée par voie législative. C’est une affaire de codage.
Ainsi, une fois qu’il y a eu intervention, la probabilité d’un échec des négociations la fois suivante est beaucoup plus élevée. Les effets négatifs ne se limitent donc pas à la ronde de négociations touchée. Selon cette étude statistique, qui porte sur une période assez longue, ce genre d’intervention aurait des répercussions négatives sur la ronde suivante. Je pense qu’on peut facilement voir pourquoi. Une fois qu’elles se sont vu imposer un règlement, les parties — patronale et syndicale — vont s’attendre à une nouvelle intervention lors de la ronde suivante et ne vont pas s’engager pleinement dans les négociations.
Soit dit en passant, il s’agit ici d’un principe auquel adhèrent tant les syndicats que les employeurs. Je suis persuadé que n’importe quel négociateur, qu’il représente l’une ou l’autre des parties, le confirmera. Ni l’une ni l’autre des parties ne s’engage pleinement dans les négociations. Ce n’est pas une question d’être pour ou contre le syndicat ou l’employeur. C’est simplement que les parties ne vont pas négocier si elles savent que le gouvernement va intervenir ou si elles estiment qu’il est probable qu’il le fasse.
Que disent les experts? Très brièvement, Alexander Sims a rédigé un rapport pour le gouvernement fédéral en 1995. À l’époque, il était, je crois, président de l’Alberta Labour Relations Board. J’ai lu ce rapport quelques fois; il est très bien. Il était question de modifier le Code canadien du travail, un autre dossier dont est saisi le Sénat, si je comprends bien — je ne sais pas s’il s’agit des mêmes questions, mais voici ce qu’il a dit sur la question de savoir si le droit de grève devrait être remplacé par des règlements imposés à l’issue de l’arbitrage :
Quand un changement est imposé, les personnes qui jugent qu’on leur a imposé quelque chose sans leur consentement peuvent trouver des façons subtiles, mais nocives, de résister et de nuire à ce changement. Ainsi, notre cadre législatif favorise les libres négociations collectives et évite en général, sauf dans des cas exceptionnels, les solutions imposées aux parties.
Un autre expert — et je vais parler du rapport Fryer, qui est plus directement lié au sujet qui nous occupe. Le comité consultatif en question a produit deux rapports. Je vais citer le deuxième, qui date de 2000. Il portait sur la négociation collective dans la fonction publique. Je tiens à répéter que ce sont d’excellents rapports. Inutile de parler de la compétence des membres de ce comité, elle est bien établie je pense.
Ce rapport abordait le problème que présente le double rôle du gouvernement, qui est à la fois législateur et employeur. Les gouvernements ont beaucoup de difficulté à séparer ces deux rôles. Il n’y a pas que le gouvernement fédéral qui a ce problème; tous les gouvernements au Canada ont le même problème.
Dans son analyse, le professeur Fryer a constaté que — je vais citer le rapport ici. Il estimait qu’il y avait un déséquilibre des pouvoirs et que ce déséquilibre ressortait. Ce déséquilibre est un des grands problèmes qui avaient été relevés par les syndicats, plus particulièrement, à l’époque :
C’est ce déséquilibre des pouvoirs qui semble être la cause première du sentiment d’impuissance et de frustration décrit au chapitre V.
Cette citation provient du rapport publié en 2000.
Une observation connexe est que le recours fréquent à l’intervention législative a miné la confiance à l’égard du régime et la confiance entre les parties. Une autre conséquence tout aussi grave est que les acteurs du régime patronal-syndical de la fonction publique peuvent devenir si habitués à l’intervention gouvernementale qu’ils perdent la capacité de régler eux-mêmes les problèmes qui se posent.
Voilà un exemple d’effet nocif dont je parlais plus tôt. On peut le voir dans les données.
Le déséquilibre des pouvoirs politise en outre le régime et incite certains agents négociateurs à prendre diverses initiatives politiques.
J’ai donc passé en revue ce que je considère être les quatre grandes questions dont traite le projet de loi C-62. Dans la mesure où on encourage la négociation plutôt que les solutions imposées par voie législative, vous comprenez mon point de vue, je suis d’accord avec cela. Je pense que c’est une bonne idée.
Pour terminer, j’aimerais mentionner une chose à propos de la période de questions. Vous avez un expert sur les congés de maladie. Il se trouve que je faisais partie du syndicat en Ontario lorsqu’on a complètement remanié le régime des congés de maladie dans les années 1970. J’étais là. Je l’ai vécu. Je ne sais pas si notre expérience pourrait vous servir. Je sais que la situation est un peu différente. L’Ontario a versé un énorme montant qui n’était pas provisionné. Les pressions pour la mise sur pied d’un régime de congés de maladie bien conçu étaient probablement plus fortes encore. Je serais disposé à traiter de ce sujet plus tard si vous avez des questions. Merci.
Le président : Merci, monsieur.
Monsieur Engelmann, vous avez la parole.
Peter Engelmann, associé, Goldblatt Partners, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à venir témoigner ce soir à propos du projet de loi C-62. Je m’appelle Peter Engelmann. Je suis un associé au sein du cabinet d’avocats Goldblatt Partners. Nous avons des bureaux ici, à Ottawa, de même qu’à Toronto, et nous sommes spécialisés dans les domaines du travail et des droits de la personne. Nous comptons parmi nos clients des syndicats dans les secteurs public et privé à l’échelle provinciale et à l’échelle fédérale. Dans la fonction publique fédérale, nous représentons l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’Association canadienne des employés professionnels. Nous avons représenté ces deux agents négociateurs dans la contestation de la constitutionnalité de deux des projets de loi que le projet de loi C-62 vise à abroger, soit les projets de loi C-4 et C-59.
Aujourd’hui, pendant les quelques minutes qui me sont accordées pour faire ma déclaration préliminaire, je vais passer brièvement en revue le contexte des contestations constitutionnelles que nous avons présentées au nom de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, de l’Association canadienne des employés professionnels et d’autres agents négociateurs à propos des dispositions du projet de loi C-59 touchant les congés de maladie et expliquer en quoi la mesure législative en question est inconstitutionnelle et vient fondamentalement perturber l’équilibre des relations de travail dans le secteur public fédéral.
Le projet de loi C-4, la mesure législative qui a apporté d’importants changements à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique — aujourd’hui la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral — réduit de beaucoup la capacité des agents négociateurs fédéraux de négocier efficacement avec le gouvernement. Je vais attirer votre attention sur deux points particulièrement préoccupants.
Le premier est la modification apportée à la désignation des services essentiels. En donnant au gouvernement le droit exclusif de déterminer si un service est essentiel, le projet de loi éliminait des dispositions obligeant l’employeur à négocier des ententes sur les services essentiels avec les agents négociateurs, de même que les dispositions permettant à l’une ou l’autre des parties de renvoyer la question à la commission des relations de travail en cas d’échec des négociations.
Il prévoyait en outre que tout employé occupant un poste désigné par le gouvernement comme un poste offrant des services essentiels devait s’acquitter et de ses fonctions essentielles et de ses fonctions non essentielles en cas de grève.
On aboutit ainsi à une situation où une des parties, l’employeur, peut restreindre unilatéralement le pouvoir de négociation de l’autre, l’agent négociateur, en désignant des services comme essentiels sans qu’un arbitre neutre puisse évaluer la validité de la désignation. Une mesure législative très semblable a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême en janvier 2015.
Le deuxième est le fait que le projet de loi C-4 perturbe un aspect fondamental de la négociation collective dans la fonction publique fédérale en éliminant la possibilité que les deux parties avaient d’opter pour l’arbitrage de différends ou la conciliation avec possibilité de grève pour régler les impasses dans les négociations. Selon la loi en vigueur, on ne peut avoir recours à l’arbitrage que si au moins 80 p. 100 des postes de l’unité de négociation sont désignés comme essentiels ou si les deux parties y consentent.
Autrement, tous les différends doivent être réglés au moyen de la conciliation avec possibilité de grève. Cette modification empêche bien des unités de négociation, certainement celles de nos clients, les deux syndicats de professionnels, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’Association canadienne des employés professionnels, de procéder de la manière qu’elles ont toujours préférée, soit sans perturber les services et dans le cadre d’un processus neutre et équitable.
Qui plus est, même dans les cas où l’arbitrage des différends est encore permis, une autre modification apportée à la loi par le projet de loi C-4 est venue affaiblir considérablement la neutralité du processus. En effet, le projet de loi exigeait que le conseil d’arbitrage accorde la prépondérance à deux facteurs : a) la nécessité d’attirer et de retenir des personnes compétentes au sein de la fonction publique, et b) la situation financière du Canada par rapport à ses politiques budgétaires énoncées.
On peut s’imaginer une situation où un gouvernement enregistre d’énormes surplus budgétaires pendant une période où l’économie va bien alors qu’il s’est donné comme objectif de réduire la dette du Canada. Même dans ces circonstances, il serait probablement inadmissible que les fonctionnaires puissent améliorer leurs conditions en raison de la politique de réduction de la dette adoptée par le gouvernement.
Le projet de loi C-59 est venu déséquilibrer encore davantage le pouvoir en faveur de l’employeur en éliminant le droit de négocier collectivement les régimes de congés de maladie et d’invalidité à court et à long terme. Les dispositions en question avaient été une surprise totale pour tous les intervenants. Il n’y avait eu aucune consultation, et encore moins de négociation.
En imposant des restrictions sur les congés de maladie, le Conseil du Trésor a unilatéralement affaibli la robustesse générale de la négociation collective dans la fonction publique fédérale en éliminant essentiellement une condition d’emploi importante d’une liste déjà réduite de points pouvant faire l’objet de négociations. Il a également miné la négociation collective de façon rétroactive en enlevant toute signification aux concessions accordées par les syndicats de la fonction publique fédérale au fil des ans en matière de congés de maladie.
Dans ce contexte, notre cabinet a introduit des requêtes auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario au nom de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour contester la constitutionnalité du projet de loi C-4 et au nom de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, de l’Association canadienne des employés professionnels et d’autres entités, pour contester le projet de loi C-59. Il est apparu par la suite de plus en plus clair, surtout après les décisions de la Cour suprême du Canada dans les causes de la Fédération du travail de la Saskatchewan et de l’Association de la police montée de l’Ontario, que de nombreux aspects de ces projets de loi seraient jugés inconstitutionnels par les tribunaux, puisqu’ils enfreignaient la garantie de liberté d’association prévue à l’article 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
Heureusement, les deux contestations ont été ajournées, le gouvernement actuel ayant accepté d’abroger les articles contestés des projets de loi C-4 et C-59. C’est la raison de notre présence ici aujourd’hui, pour parler du projet de loi C-62.
Je tiens à vous remercier encore une fois de m’avoir invité à témoigner. Je vais tenter avec plaisir de répondre à vos questions. Merci.
Philip Cross, agrégé supérieur, Institut Macdonald-Laurier, à titre personnel : Je suis très heureux d’être ici. J’ai témoigné devant le Comité des finances de la Chambre hier. J’y étais le seul économiste et le seul représentant de la gent masculine. Les six autres témoins étaient des femmes. J’ai été heureux de témoigner. Ici, je suis simplement le seul représentant de ma spécialité.
Je n’ai certainement pas l’expertise en droit du travail des autres témoins, mais, en tant qu’économiste, je suis prêt à présenter le point de vue des contribuables, soit les gens dont les intérêts ne sont presque jamais représentés ou pris en compte dans les discussions sur la gouvernance de la fonction publique.
Il existe un écart croissant entre le gouvernement fédéral et le secteur privé sur les plans de la rémunération et des avantages généraux. À une certaine époque, il était entendu que les fonctionnaires touchaient un salaire un peu moins élevé que les travailleurs du secteur privé en contrepartie d’une plus grande sécurité d’emploi. Ce compromis n’existe plus aujourd’hui. Peu importe comment on mesure le salaire, les avantages, le régime de retraite, les congés ou la sécurité d’emploi, les fonctionnaires fédéraux sont dans une meilleure situation que les travailleurs du secteur privé dont ils dépendent.
Le salaire hebdomadaire moyen dans l’administration publique fédérale s’établit à près de 1 600 $. Il figure parmi les plus élevés de toutes les industries, arrivant au troisième rang, même quand on exclut le régime de pension, qui compte pour 40 p. 100 de la paie. Toutes les études récentes révèlent que le fonctionnaire fédéral moyen est mieux payé que dans le secteur privé. Selon une étude représentative, il gagne 12 p. 100 de plus une fois prises en compte, les différences de profession, de scolarité, d’âge, et cetera. Or, l’augmentation des salaires ne rend pas les fonctionnaires fédéraux plus heureux. Dans la plupart des ministères, le moral n’est pas très bon et bien des employés ne font qu’attendre le moment où ils pourront enfin toucher la pension tant convoitée.
Deux éléments ressortent parmi les nombreux exemples des différences entre les avantages offerts dans les secteurs privé et public : les congés de maladie et le régime de pension.
Comme je l’explique dans le document A Sickness in the System, que j’ai écrit pour l’Institut Macdonald-Laurier en 2014, à la fin des années 1980, les employés des secteurs public et privé prenaient à peu près le même nombre de congés de maladie, soit six jours par année. Depuis, ce chiffre est resté sensiblement le même dans le secteur privé, alors que, dans le secteur public, il est passé à 10,6 jours. Il est intéressant de noter que cette augmentation est en grande partie concentrée dans certaines professions et certains ministères, ce qui indique qu’il s’agit d’une question d’attitude et de motivation et non d’une hausse soudaine des cas de maladie ou d’incapacité.
C’est dans les régimes de pension que l’écart entre les secteurs public et privé au chapitre des avantages s’est creusé de la manière la plus manifeste. Avant les années 1990, les régimes à prestations déterminées du secteur public et des grands employeurs du secteur privé étaient comparables. Or, ce qui était au départ un petit écart s’est transformé en gouffre. Aujourd’hui, moins de 10 p. 100 des travailleurs du secteur privé sont membres d’un régime de pension à prestations déterminées comparativement à 78 p. 100 dans le secteur public. Les régimes de pension sont rares aujourd’hui dans le secteur privé, parce que leur coût est devenu prohibitif lorsque les taux d’intérêt ont commencé à baisser dans les années 1990 et que certains changements comptables ont interdit aux gestionnaires de régimes du secteur privé de prendre des risques en matière d’investissement. Les gestionnaires des régimes du secteur public ne s’en privent pas puisqu’ils peuvent compter sur des garanties financées par les contribuables.
Le président : Permettez-moi de vous interrompre. Pourriez-vous parler un peu moins vite pour faciliter le travail des interprètes? Ils me disent qu’ils ont de la difficulté.
M. Cross : Je pensais que c’était pour cela que j’avais fourni le texte à l’avance, mais d’accord.
Il convient de souligner que le gouvernement fédéral peut, de façon unilatérale, apporter les changements qu’il veut aux régimes de pension des employés. Ces régimes étant régis par une loi, ils ne sont pas visés par les négociations collectives. Le fait que la plus importante différence entre les secteurs privé et public touche les régimes de pension que le gouvernement fédéral a accordés aux employés sans les pressions exercées dans le cadre des négociations montre que ce n’est pas en modifiant le processus de négociation qu’on obtiendra la transformation fondamentale de la mentalité des droits acquis nécessaire pour arriver à un véritable changement.
L’écart entre les secteurs public et privé en matière de salaire et d’avantages ne peut être maintenu à long terme, parce que l’envie et le ressentiment qu’il cause inévitablement chez les contribuables finiront par forcer une diminution de la rémunération dans le secteur public. Les pressions pour que soient contenues les dépenses du gouvernement au chapitre de la rémunération des employés ne peuvent que s’accentuer, puisque le vieillissement rapide de la population entraînera une réorientation des dépenses vers les soins de santé et le financement des revenus de retraite.
Il ne sera cependant pas possible de maîtriser les salaires et les avantages de la fonction publique sans un engagement soutenu de la part des gouvernements. Comme on l’explique dans un article que j’ai écrit avec Ian Lee, de l’Université Carleton, des mesures ont été adoptées pour contenir ces dépenses dans la fonction publique fédérale à un certain nombre de reprises au fil des ans, notamment sous les conservateurs au milieu des années 1980, sous les libéraux dans les années 1990 et une nouvelle fois sous les conservateurs en 2011. Dans chacun de ces cas, une fois la période d’austérité terminée, les fonctionnaires ont tôt fait de récupérer ce dont ils avaient été privés en salaires et avantages et se sont retrouvés dans une meilleure situation que jamais.
La fonction publique établit-elle une norme que le secteur privé devrait suivre? On n’entend plus beaucoup parler de cette théorie, qui a été populaire dans les années 1960 et 1970. La raison en est évidente : année après année, pendant des décennies, l’écart entre les secteurs public et privé n’a cessé de croître, rien n’indique que le secteur privé soit en mesure d’offrir le salaire et les avantages ou la sécurité d’emploi dont bénéficient les fonctionnaires. Les entreprises ne peuvent accorder d’augmentations de salaire sans nuire à leur compétitivité. Le modèle du secteur public n’est pas pertinent pour les entreprises, surtout celles qui exportent.
Un des problèmes en ce qui concerne la maîtrise de la rémunération globale des fonctionnaires fédéraux est le fait qu’il n’y a pas un ministère unique qui soit chargé des différentes formes d’avantages, qui comprennent — la liste est longue — les règlements salariaux négociés, les augmentations annuelles au sein de chaque groupe, les promotions, les cotisations de l’employeur au régime de pension, les soins de santé et les soins dentaires, la prime de bilinguisme, le paiement des congés annuels accumulés et même les paiements spéciaux comme ceux de l’équité salariale et le temps supplémentaire.
Les arbitres ont tendance à mettre l’accent sur les règlements salariaux négociés et à ne pas tenir compte de la rémunération globale. Ainsi, par exemple, pendant les années Mulroney, les règlements salariaux négociés dans l’administration fédérale ont été maintenus en moyenne à 3,8 p. 100 par année, mais la rémunération annuelle totale, elle, a augmenté de 6,2 p. 100. En 2014, un changement important voulait que les arbitres évaluent la rémunération globale plutôt que de s’en tenir au salaire.
En conclusion, pour contenir ses dépenses au chapitre de la rémunération des employés, le gouvernement devra exercer une vigilance assidue à l’égard de la rémunération globale. Il n’est pas question ici d’opter pour la solution facile du gel temporaire des salaires que les gouvernements ont privilégiée par le passé. Ce sera difficile, mais les contribuables finiront par insister. Le processus a commencé provisoirement en 2012 lorsqu’on a augmenté les cotisations des fonctionnaires à leurs prestations de retraite, haussé l’âge de la retraite et réformé le régime de congés de maladie. L’annulation de certaines de ces réformes dans le projet de loi C-62 représente un revirement par rapport aux politiques que le gouvernement fédéral devra immanquablement adopter à long terme. Le processus correctif exigera une volonté politique soutenue, tout le contraire de ce qui se passe dans le processus d’arbitrage et de conciliation qui est rétabli.
Le président : Merci, monsieur Cross.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie de vos exposés fort instructifs. Étant donné le peu de temps dont je dispose, je vais devoir me concentrer sur un seul sujet.
J’aimerais vous poser des questions sur le régime gouvernemental de congés de maladie, et je vais tout d’abord m’adresser à M. Hebdon, puisque vous avez mentionné que la fonction publique de l’Ontario avait modifié son régime de congés de maladie par le passé. J’aimerais que vous nous en parliez davantage. J’aimerais aussi que les autres témoins nous disent comment le gouvernement devrait, selon eux, modifier le régime de congés de maladie. Je peux peut-être commencer par vous, monsieur.
M. Hebdon : Je vais essayer d’être bref. Je n’ai pas mentionné que j’ai été praticien. J’ai eu deux carrières. J’avais 24 ans lorsque j’ai commencé à travailler pour le Syndicat des employées et employés de la fonction publique de l’Ontario, le SEFPO, ou plutôt la Civil Service Association of Ontario, comme on l’appelait à l’époque. J’étais du côté syndical. Ensuite, j’ai été neutre, j’ai été arbitre pendant cinq ans et professeur pendant 25 ans.
Lorsque je travaillais pour l’association, je crois que ce n’était pas encore le SEFPO. C’était dans les années 1970, et il y avait un gros problème avec le régime de congés de maladie. Le gouvernement s’est adressé au syndicat et lui a dit : « Nous aimerions le changer. Nous voulons essayer de négocier cela avec vous. » Nous avons négocié pendant un moment. Nous n’avions pas le droit de grève à cette époque-là, alors nous avons fait appel à un arbitre. Bien qu’une grande partie des modifications apportées aient été faites entre les parties, l’arbitre a approuvé d’office ce sur quoi les parties s’étaient déjà entendues dans le cadre des négociations. Autrement dit, l’arbitre n’avait pas vraiment trouvé la solution.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de l’Ontario et de ses différences. On a versé des sommes considérables. Les gens ont été payés pour les congés de maladie qu’ils avaient accumulés. La situation est donc différente du gouvernement fédéral.
La sénatrice Marshall : Vous en avez parlé dans votre déclaration liminaire, mais ce changement a-t-il fait l’objet de négociations ou a-t-il été imposé? Le gouvernement a-t-il dit : « Nous modifions le régime de congés de maladie, nous rachetons tous les congés de maladie, et les employés n’auront droit qu’à cinq jours par année »? Comment a-t-on procédé?
M. Hebdon : Ce n’est pas facile de répondre à cette question. C’est un peu les deux. Il y a eu une tentative de négociation, mais les négociations ont échoué. Dans notre système, on a recours à un processus d’arbitrage des différends. Le juge Anderson, de Belleville, était l’arbitre à l’époque; il a imposé l’entente. Cela dit, les grandes lignes de l’entente avaient déjà été convenues par les parties, mais l’entente a été imposée par l’arbitre, et non par le gouvernement.
La sénatrice Marshall : D’accord. Le gouvernement a payé tout le monde et a ensuite réduit le nombre de congés de maladie?
M. Hebdon : Les nouveaux employés n’ont pas eu de compensation. Il y a eu une transition pour les employés qui étaient déjà dans le système, mais les congés de maladie ont cessé de s’accumuler.
Ça ne s’appelait même pas un régime de congés de maladie. On les appelait les crédits d’assiduité. Il y avait 15 jours. Les gens accumulaient un jour et quart par mois pour venir travailler. C’est, en gros, ce que vous aviez. Vous aviez des crédits d’assiduité qui pouvaient être utilisés comme congés de maladie ou à d’autres fins. On disait qu’il s’agissait d’un régime de congés de maladie, mais en fait, ce n’en était pas un du tout. Si les personnes atteintes d’une maladie chronique — les personnes qui ont de gros problèmes de santé, des maladies récurrentes — avaient épuisé leurs jours de congé de maladie, eh bien, bonne chance. Elles n’en avaient plus. Il n’y avait pas de régime de congés de maladie. C’était horrible.
En fait, le syndicat était favorable à certains éléments du changement. Nous voulions un régime à plus long terme de six mois, à mi-chemin entre l’invalidité de longue durée et l’invalidité de courte durée, parce que beaucoup de gens qui étaient très malades étaient laissés pour compte.
La sénatrice Marshall : Comment cela s’est-il passé dans la fonction publique? Vous avez dit dans vos observations liminaires que lorsqu’on impose des ententes, on obtient un résultat différent que si on les avait négociées.
M. Hebdon : Vous avez raison. Je ne vais pas essayer de vous faire croire que tout le monde était satisfait du changement, mais personne n’a perdu sa compensation; nous avions réglé cela. Il a été remplacé par un véritable régime de congés de maladie qui était favorable aux gens lorsqu’ils tombaient malades. J’étais là et j’ai senti le mécontentement, tout comme le président et le directeur général du syndicat de l’époque. Nous touchions aussi de très bons salaires à ce moment-là, ce qui compensait. Il n’y a pas eu de compromis direct, mais tout compte fait, je ne crois pas qu’il y a eu d’opposition sérieuse.
La sénatrice Marshall : Monsieur Engelmann, puisque vous représentez quelques associations, vous devez avoir une idée de ce qui pourrait être une bonne façon de renégocier ou de modifier la politique sur les congés de maladie. Auriez-vous des commentaires là-dessus?
M. Engelmann : Oui. De toute évidence, cela devrait se faire dans le cadre de négociations. Lorsqu’il s’agit d’essayer d’amener de nouvelles idées sur les congés de maladie et de proposer des mesures qui aideront les jeunes travailleurs et les travailleurs qui souffrent de maladies chroniques qui passent parfois entre les mailles du filet d’un régime traditionnel de congés de maladie, compte tenu de cette lacune au niveau de l’invalidité de courte durée, c’est exactement ce qui se passe, en ce moment.
En ce qui concerne la proposition d’abroger le projet de loi C-59, le gouvernement, en tant qu’employeur, a rencontré tous les fonctionnaires fédéraux à différentes tables, loin des négociations traditionnelles, afin qu’ils puissent vraiment se concentrer sur la modernisation du régime de congés de maladie et essayer de l’améliorer. On a donc fait appel à des experts et d’autres intervenants, et c’est ainsi que cela doit se faire. Cela ne devrait pas se faire en l’absence totale de consultation ni en imposant des règles unilatérales.
À vrai dire, c’est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Nous le savons depuis 2007. Dans l’affaire B.C. Health Services, on a conclu que l’élimination des droits résultant des conventions collectives négociées était inconcevable.
Comme l’a dit le professeur Hebdon, ce n’est pas la meilleure façon d’établir un climat de confiance, de progresser ou d’apporter des changements dans l’avenir.
La sénatrice Marshall : Ce n’est pas ainsi qu’on doit restructurer le système.
M. Engelmann : Non.
La sénatrice Marshall : Ai-je le temps d’entendre la réponse de M. Cross?
M. Cross : Rapidement, ce qui est regrettable dans le processus de négociation actuel, c’est le fait que seul le point de vue des cadres de la fonction publique est désormais représenté à la table de négociation du côté de la direction.
Lorsque j’ai rédigé mon article en 2014 pour l’Institut Macdonald-Laurier, j’ai reçu énormément de commentaires de la part des gestionnaires intermédiaires, des personnes qui travaillent en première ligne, des chefs d’unité qui ont dû traiter avec les employés en question. Ils savaient qui, dans leur unité, tombait malade à l’ouverture de la saison de la pêche. Un chef d’unité m’a dit qu’il voulait suspendre tout le monde dans son unité un vendredi avant une longue fin de semaine; 11 de ses 15 employés ont téléphoné pour dire qu’ils étaient malades. C’est une source d’exaspération pour les gens qui sont en première ligne et qui savent ce qui se passe. Leurs frustrations ne sont pas du tout prises en compte.
Le sénateur Pratte : Ma question s’adresse au professeur Cross. En ce qui concerne les congés de maladie, lorsqu’on compare le nombre de congés de maladie pris par les fonctionnaires fédéraux par rapport au secteur privé, est-il juste de faire cette comparaison avec l’ensemble du secteur privé? Soixante-dix pour cent des personnes qui travaillent dans le secteur privé travaillent pour des petites et moyennes entreprises. Plusieurs d’entre eux — probablement la moitié — travaillent pour de très petites entreprises qui ont moins de 20 employés. Cela dit, serait-il préférable de comparer leurs avantages sociaux — et je ne sais pas quel serait le résultat de cette comparaison — à ceux offerts par les grandes entreprises syndiquées?
À mon avis, il est évident que, pour les gens qui travaillent au sein de la fonction publique fédérale, qui compte 300 000 employés, et c’est une organisation professionnelle et ainsi de suite, les conditions de travail seraient évidemment — espérons-le — meilleures que celles des gens qui travaillent dans de très petites entreprises.
M. Cross : Pourquoi voudrais-je ignorer l’expérience de...
Je ne crois pas que les petites entreprises emploient 50 p. 100 des employés du pays.
Le sénateur Pratte : Je pense qu’elles représentent la moitié.
M. Cross : Admettons qu’il s’agit d’une proportion considérable.
Elles paient des impôts. Elles risquent de perdre des employés au profit du secteur public, parce qu’elles ne peuvent égaler les avantages sociaux qui leur sont offerts, alors pourquoi n’en tiendrais-je pas compte? Nous devrions y accorder une certaine importance.
Par ailleurs, je sais que Statistique Canada a mené une étude dans laquelle il compare le secteur public et le secteur privé. On a constaté qu’un grand nombre des différences disparaissaient lorsqu’on uniformisait et tenait compte de la syndicalisation. Le problème, c’est que presque tout le monde dans le secteur public fait partie d’un syndicat, alors que très peu d’employés sont syndiqués dans le secteur privé. On suppose alors que la relation entre les syndicats et la direction serait la même dans le secteur privé que dans le secteur public, ce qui ne pourrait jamais être le cas.
Le secteur public est un monopole. Quand les travailleurs des postes font la grève, il n’y a pas d’autres services. Toutefois, si GM fait la grève, je peux toujours aller acheter une Toyota. Il y a des pressions concurrentielles dans le secteur privé qui n’existent pas dans le secteur public. Je pense qu’il serait assez naïf de dire : « Modélisons la relation dans le secteur public en supposant que, en l’appliquant au secteur privé, nous obtiendrons la même chose. » Je ne crois pas qu’on tienne compte du fait qu’il existe des différences réelles et fondamentales entre les deux secteurs.
Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, le secteur public ne sera jamais un exemple pour le secteur privé.
Le sénateur Pratte : Je comprends cela.
M. Cross : C’est tout le contraire qui doit se produire. Étant donné que le secteur privé est limité dans les avantages sociaux qu’il peut offrir, pourquoi alors ne pas offrir une rémunération et des avantages sociaux dans le secteur public qui seraient à peu près les mêmes que dans le secteur privé ?
Le sénateur Pratte : Tout ce que je dis, c’est que nous devrions approfondir la comparaison pour voir d’où vient la différence. Si les grandes entreprises, par exemple, offrent des salaires plus élevés et des conditions de travail aussi bonnes que celles de la fonction publique fédérale, alors ce serait un bon indicateur. Si nous suivons votre logique, nous devrions alors accorder aux fonctionnaires fédéraux les mêmes conditions de travail qu’aux gens qui travaillent pour les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire des conditions de travail inférieures, j’imagine? Je me trompe peut-être. Est-ce là votre logique?
M. Cross : Non. Il est difficile de réduire les avantages une fois qu’ils ont été établis. C’est pourquoi j’ai indiqué qu’il faudra des années d’austérité.
Le sénateur Pratte : Mais quelle est la cible? Si nous faisons cela, l’objectif à atteindre serait-il que les fonctionnaires fédéraux aient les mêmes salaires, congés de maladie et pensions que les employés des petites et moyennes entreprises qui ne sont pas syndiqués et qui, très souvent, n’ont pas de fonds de pension? Je comprends que ce sont des contribuables. C’est un bon point. Je dis simplement que si nous voulons réduire ces conditions de travail, ce qui serait très difficile, quel devrait être notre objectif?
M. Cross : Je pense que notre objectif devrait être de ne pas payer les fonctionnaires plus que ce qui est nécessaire pour attirer des travailleurs qualifiés et compétents à la fonction publique. Il y a des avantages à travailler dans le secteur privé — même pour une petite entreprise — qui ne figurent pas dans les salaires et les indemnités. On y trouve une liberté d’expression, de pensée et de créativité. Certaines personnes refusent simplement de travailler dans un secteur, tandis que d’autres refusent de travailler dans l’autre. Lorsque Statistique Canada a aboli sa politique de non-licenciement un peu avant mon départ en 2011, j’ai vu des gens éclater en sanglots. Ils n’avaient pas... Ils ne courraient aucun risque de perdre leur emploi, mais la simple idée qu’une autre personne puisse être licenciée était extrêmement traumatisante pour eux. Ces types de personnes étaient destinées à la fonction publique. Elles n’allaient jamais travailler dans le secteur privé.
Il s’agit de deux univers différents. Je ne dis pas que les mêmes normes devraient s’appliquer aux deux, mais je pense que la rémunération dans le secteur public devrait être axée en partie sur le marché et que nous ne devrions pas payer plus de...
Les entreprises privées commettent la même erreur. Vous vous souvenez des photos qui ont été prises il y a 10 ans à l’occasion de la dernière grosse campagne d’embauche de GM . Vous vous souvenez des photos — les files d’attente s’étendaient sur des milles. Elles montraient clairement que, en 2007-2008, GM versait des rémunérations beaucoup trop élevées à ses employés. Le grand nombre de candidats qui postulent des emplois dans la fonction publique et l’absence de pénuries de main-d’œuvre dans la fonction publique me confirment que la situation des travailleurs dans ce secteur est très différente de celle dans le secteur privé. De nos jours, le secteur éprouve beaucoup de difficultés à trouver des employés.
Le sénateur Pratte : Merci, monsieur Cross.
J’ai une brève question pour le professeur Hebdon. Vous avez indiqué — et je partage votre avis — qu’un règlement négocié est toujours meilleur qu’un règlement imposé. Comment pouvez-vous expliquer que de nombreux syndicats choisissent l’arbitrage plutôt que la conciliation et la grève? Je comprends qu’il s’agit d’un choix et que cela signifie qu’ils en conviennent, mais n’est-ce pas un peu surprenant?
M. Hebdon : C’est l’un des rares modèles au Canada qui permettent aux syndicats de choisir la procédure à suivre. Nous l’avons étudié et il n’existe pas beaucoup d’autres exemples de ce type. Dans d’autres compétences, vous avez le droit de faire la grève ou vous ne l’avez pas parce que vous êtes un service essentiel. Il s’agit presque d’une expérience sans précédent de pouvoir choisir. C’en était une en 1967 lorsque la loi a été présentée. C’était toute une expérience.
Certains pensent que, au fil du temps, les unités de négociation faibles ont tendance à choisir l’arbitrage parce qu’elles n’ont pas assez de membres pour faire la grève ou, en termes simples, personne ne manquerait leurs membres s’ils déclenchaient une grève. Ces unités n’ont pas de pouvoir de négociation. Leur choix est donc axé sur d’autres motifs que le désir d’avoir ou non un règlement imposé. C’est vraiment une question de pouvoir de négociation.
Si cela ne va pas à l’encontre du Règlement, puis-je faire une observation sur le discours de M. Cross?
Le président : C’est tout à fait acceptable. Je vous en prie.
M. Hebdon : J’ai publié un petit nombre d’articles sur l’écart de salaires entre le secteur public et le secteur privé. Je ne crois pas être un expert en la matière, mais j’ai tout récemment passé en revue les ouvrages sur le sujet. J’ai publié un manuel sur les relations de travail au Canada qui effectue des mises à jour de temps à autre. Tout ce que je peux dire, c’est que les avis sont beaucoup plus partagés que M. Cross le laisse entendre. Je vous exhorte à mener une étude sur les ouvrages concernant ce sujet. Je pense qu’elle vous donnerait une meilleure idée de la situation que ce qui est dit ici. Les commentaires formulés ne sont pas exacts — ils sont loin d’être exacts.
Le président : Merci de votre observation.
Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici, messieurs. Hier, des représentants syndicaux ont comparu devant nous. Ils ont parlé énormément des problèmes en matière de congés de maladie que vous avez soulevés, monsieur Engelmann, ainsi que de la capacité de négociation.
Ils nous ont dit hier que les projets de loi C-4 et C-59 étaient terribles. Cette opinion a été répétée un peu ce soir. À votre avis, le projet de loi C-62 règle-t-il les problèmes en cause? Les représentants nous ont informés que les fonctionnaires étaient très mécontents. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, seront-ils beaucoup plus heureux le jour suivant la résolution des problèmes?
Je demande à chacun d’entre vous de me donner un résumé de votre point de vue. Est-ce que tout le monde sera heureux une semaine après la mise en œuvre des changements? La productivité augmentera-t-elle? Est-ce que tout ce genre de choses aura lieu? Le projet de loi C-62 règlera-t-il la situation? Au bout du compte, nous voulons simplement régler la situation.
M. Engelmann : Je pense que le projet de loi C-62 respecte l’engagement de régler deux litiges que j’estime, en tant qu’expert, que le gouvernement aurait perdu. Lorsque le gouvernement a adopté les projets de loi C-4 et C-59, il a pris des mesures contraires à la Charte des droits et libertés non seulement sur le plan du fond, mais aussi sur le plan du processus.
En raison de l’engagement pris par le gouvernement dans le cadre du règlement, je crois que les gens s’attendent à ce que cela se produise et que les deux projets de loi soient abrogés. Les fonctionnaires seront-ils enchantés du dénouement? Non, mais je pense qu’ils s’attendent à ce dénouement.
En ce qui concerne les congés de maladie, les divers agents négociateurs et leurs membres ont différentes opinions sur ce qui constitue le meilleur régime de congés de maladie. J’ai tenté de répondre à cette question plus tôt. Je crois que les négociations et les consultations en cours auprès de tous les intervenants, dont les assureurs, les fournisseurs de prestations et les experts, nous permettront d’établir un meilleur régime de congés de maladie pour tout le monde et de faire en sorte que les gens ne sont pas laissés pour compte.
Cela améliorera-t-il la situation? Que dire du fait que le nouveau régime est négocié? Cela améliorera absolument la situation. Comme le professeur Hebdon l’a indiqué plus tôt, les gens seront heureux parce qu’ils participeront à des négociations et parce qu’ils seront consultés et auront leur mot à dire. En ce sens, je pense qu’il serait mieux d’établir un nouveau régime de congés de maladie.
Le président : Merci.
Monsieur Hebdon, avez-vous des observations?
M. Hebdon : Très brièvement, je préconise évidemment les négociations. En passant, je ne connais pas les détails du dossier. Je n’ai absolument aucun contact avec les partis sur cette question, mais j’espère sincèrement que la raison l’emportera et qu’ils parviendront à négocier un accord. J’exhorte les syndicats du secteur public, en particulier, à tenir compte du fait qu’il s’agit d’une occasion pour eux de démontrer que les négociations fonctionnent.
M. Cross : Je ne pense pas que les problèmes de mécontentement et de moral dans la fonction publique peuvent être résolus à la table de négociation. Je pense qu’il existe des problèmes beaucoup plus fondamentaux, mais ce n’est pas le genre de chose dont on discute à la table de négociation.
En plus de la demande de M. Hebdon de faire des recherches sur la comparabilité des avantages sociaux dans le secteur privé et le secteur public, je demande au personnel de porter une attention particulière à la valeur. Il est très difficile pour les gens d’inclure la valeur des pensions de la fonction publique, surtout la portion non capitalisée qui est subventionnée par les contribuables et qui n’apparaît même pas comme un avantage imposable pour les fonctionnaires.
Le président : Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : Monsieur Cross, lorsque vous comparez les catégories dans les entreprises publiques et les entreprises privées, il m’apparaît assez clair qu’il peut y avoir des écarts importants alors que, dans les petites entreprises privées, par exemple, le propriétaire peut imposer des conditions. C’est comme si on comparait le salaire des mécaniciens automobiles à travers le Canada. Si on compare un employé d’une petite entreprise située dans un petit village et un employé d’un méga chantier dans le Nord, il est clair que les deux font le même métier, mais je ne suis pas certain qu’il soit très objectif de comparer le même métier dans des conditions tout à fait différentes.
Il m’apparaît plus logique de comparer, à titre d’exemple, les gens de la fonction publique avec des universitaires, ou de grandes entreprises comme Bell, et de choisir un environnement dans lequel les conditions de travail sont similaires.
Quand j’ai lu vos déclarations du 8 novembre, j’ai trouvé cela difficile pour les employés de la fonction publique. Quand on pense aux congés de maladie, les employés de la fonction publique du Québec, contrairement à ceux de la fonction publique fédérale, peuvent accumuler toutes leurs journées de congé de maladie. À mon avis, pour avoir une image plus précise, il faudrait ventiler plus finement l’environnement d’un milieu de travail par rapport à des organisations qui peuvent ressembler à celles que nous étudions.
[Traduction]
M. Cross : Merci. J’ai eu la même pensée lorsque j’ai entendu la question du sénateur Pratte, mais je n’ai pas eu le temps de l’exprimer.
Je suis d’accord avec vous. Il est trop réducteur de parler du secteur public et du secteur privé comme s’ils étaient des monolithes. Grâce à notre étude, nous avons appris notamment que des facteurs comme la motivation jouent un plus grand rôle dans l’utilisation des congés de maladie que le fait de travailler dans le secteur public ou le secteur privé. Il existe certainement des cas dans le secteur privé où des commis à bas échelon et des gens qui occupent des emplois peu intéressants utilisent un très grand nombre de congés de maladie. Les professionnels et les gestionnaires dans le secteur privé disposent en moyenne de deux jours de congé et il n’y a pas énormément de différence avec les cadres dans la fonction publique.
Je suis d’accord avec vous. J’essayais notamment de faire valoir dans le document que ce n’est pas les maladies et les incapacités physiques qui semblent pousser les employés à utiliser leurs congés de maladie, mais plutôt la motivation et les attitudes. Je partage donc votre avis à cet égard.
M. Engelmann : Je veux dire que je suis d’accord avec vous. Je crois qu’il faut comparer les pommes avec les pommes. La plupart des syndicats pour lesquels nous travaillons représentent des professionnels et j’ose dire que le nombre de fois qu’ils s’absentent du bureau n’est pas bien différent de celui des professionnels dans le secteur privé. Je pense qu’il y a eu quelques éléments très positifs concernant les gains pour les fonctionnaires qui se trouvent maintenant dans des cabinets d’avocats. Par exemple, nous essayons d’encourager plus de femmes à pratiquer le droit dans le secteur privé. De nos jours, la majorité des diplômés en droit, soit 60 p. 100, sont des femmes, mais très peu d’entre elles sont des associées dans des cabinets privés. Nous avons donc instauré des prestations de maternité complémentaires et allongé les congés. Nous rattrapons notre retard avec la fonction publique à cet égard. C’est une bonne chose que le secteur public montre l’exemple dans certains de ces domaines.
Encore une fois, j’écoute. Je ne suis pas économiste, mais mon cabinet fait de l’arbitrage de différends et je dois dire que les avocats dans l’ensemble du Canada se portent mieux dans le secteur privé qu’au gouvernement. C’est vrai pour de nombreux professionnels, même lorsque vous tenez compte de la pension.
Il faut comparer les pommes avec les pommes lorsque nous discutons de ce sujet.
[Français]
Le sénateur Forest : Monsieur Engelmann, vous avez une longue expérience. Vous parliez de l’impact du pouvoir de légiférer dans le cadre d’une dynamique de négociation. Je vous prends à témoin quant à une situation qui se vit encore, au Québec. J’ai travaillé longtemps dans le domaine municipal au Québec, où on ne peut pas légiférer des conditions de travail, compte tenu du fait que les municipalités au Québec dépendent d’une loi provinciale.
L’écart de la rémunération globale, incluant le régime de retraite et les congés de maladie, est de 30 p. 100 supérieur au niveau municipal, par rapport aux conditions au provincial. Je me demande si, lors de vos recherches, vous avez fait l’analyse de la dynamique de la négociation, où un gouvernement, d’un côté, peut légiférer, et l’autre ne peut pas. L’un des éléments qui ont amorcé cet écart, c’est lorsqu’on a décrété une réduction de 20 p. 100 du salaire de la fonction publique à l’époque du gouvernement Lévesque, au début des années 1980. Cet écart s’est toujours intensifié. Avez-vous constaté l’impact d’un gouvernement qui peut légiférer sur les conditions de travail de ses employés par rapport à une entreprise ou un autre ordre de gouvernement qui ne le peut pas?
[Traduction]
M. Hebdon : Je dois demander des précisions. Avez-vous dit que les employés municipaux sont payés 30 p. 100 de plus ou de moins? Ils sont payés davantage que dans le secteur privé. D’accord.
Le sénateur Forest : Ils sont payés davantage que dans le secteur public et le secteur privé.
M. Hebdon : Il s’agit d’une longue réponse philosophique, mais je vais vous donner la version abrégée.
Le régime de travail du Canada est différent de celui des États-Unis. J’ai enseigné aux États-Unis pendant huit ans. À cet égard, lorsque le secteur public a entamé des négociations collectives après 1945, l’année où la Wagner Act est arrivée au Canada, il a inclus les employés municipaux. Par conséquent, les employés municipaux ont reçu les pleins droits à la négociation et le droit de faire la grève bien avant les employés provinciaux et fédéraux. Ils avaient une longueur d’avance sur eux. Lorsque je travaillais pour le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, nous nous comparions toujours aux employés municipaux parce qu’ils sont mieux payés.
Ils ont commencé plus tôt. Je dois dire que les employés dans les grandes villes étaient mieux payés, mais ce n’était pas tant le cas des employés dans les petites villes. Les avantages ne s’appliquaient pas à tout le monde. Voilà la réponse brève à votre question.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Moncion : J’aimerais revenir au projet de loi C-62 et parler des congés de maladie. Où le gouvernement fédéral se situait-il avant que des changements soient apportés aux projets de loi C-4 et C-59 — tout en abrogeant ces projets de loi avec le projet de loi C-62 — et quels ont été les impacts par rapport aux négociations et à tout ce qui entoure les congés de maladie?
À l’heure actuelle, les employés du gouvernement fédéral accumulaient des congés de maladie — je ne sais pas s’ils les accumulent encore —, mais ils n’avaient pas accès à une assurance d’invalidité de courte durée. Je pense qu’ils n’ont toujours pas accès à l’assurance maladie de courte durée. Je pense qu’ils ont accès à l’assurance maladie de longue durée, mais il y a tout de même une très longue période avant qu’ils y aient accès. Ma question est à deux niveaux.
Premièrement, au niveau économique, je comprends les propos de M. Cross lorsqu’il parle de « sustainability », parce que cela coûte très cher. Il y a actuellement des négociations qui sont menées avec l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada qui parle d’avoir une période de trois jours de congés de maladie avec l’assurance collective qui entrerait avec des assurances de courte durée, et cetera. J’essaie de voir comment cela s’amalgame ensemble. Si les nouvelles assurances collectives entrent en vigueur, est-ce qu’on a vraiment besoin de défaire ce qui existe à l’heure actuelle? S’il y a une nouvelle entente, comment réunir le tout? Je ne sais pas si mes questions sont claires.
M. Cross : Je vais répondre brièvement. Je donnerai le reste de mon temps de parole à mes experts. Il y a une forte division entre les plus jeunes et les plus âgés. Les plus âgés de la fonction publique veulent protéger leur banque de congés de maladie, mais ce n’est pas juste pour les jeunes.
Je vais vous parler de mon expérience. J’ai travaillé pendant 36 ans dans la fonction publique. Au bout d’un an, je suis tombé malade pendant environ un an. À un certain moment, je n’avais plus de congé de maladie. Je n’avais plus rien. Avant de me rendre au bureau de l’assurance-emploi, je n’avais aucun revenu pendant deux semaines. Je n’avais pas d’argent.
J’ai appris ma leçon. Quand j’ai pris ma retraite, j’avais plus d’un an de congés accumulés dans ma banque de congés. J’ai appris que ce n’est pas très drôle. C’est très préoccupant, et c’est très inégal pour les jeunes. La voix des jeunes, on ne l’entend pas du tout dans les syndicats, parce que la fonction publique est très vieille et ceux qui ont beaucoup d’ancienneté veulent protéger leurs acquis.
La sénatrice Moncion : Si on arrive avec une nouvelle entente collective avec des assurances collectives, après trois jours de maladie, un employé ferait appel au programme d’invalidité de courte durée qui, éventuellement, se transforme en longue durée. Est-ce que ce n’est pas plus avantageux que de retourner aux anciennes banques de congés de maladie avec le projet de loi C-62?
M. Cross : Juste pour les jeunes, pas pour les anciens qui ont accumulé 200 journées de congé.
La sénatrice Moncion : Mais ce ne sont pas des congés, ce sont des congés de maladie. On les prend seulement si on est malade.
M. Cross : Oui, mais si un employé souffre d’un cancer ou d’une maladie cardiaque, comme plusieurs personnes dans notre société, il n’aura plus sa banque de congés. En plus de cela, même après avoir utilisé tous leurs congés de maladie, ils seront toujours admissibles aux prestations d’invalidité à long terme. Le système est conçu pour les fonctionnaires qui ont de l’ancienneté. Voilà ce que je voulais dire.
[Traduction]
M. Engelmann : Je ne sais pas si le système est vraiment meilleur pour les personnes âgées. Il fonctionne bien pour les personnes âgées qui n’ont pas été malades. De nombreux fonctionnaires ont des dizaines et des dizaines de jours de congé accumulés. Si ces gens-là souffrent un jour d’une maladie chronique, ils auront une période de congé de maladie payé jusqu’au moment où ils deviennent admissibles aux prestations d’invalidité de longue durée, qui dure 17 semaines. Il y a une période d’attente de 2 semaines pendant laquelle on ne reçoit pas de prestations, puis on en reçoit pendant 15 semaines.
Mon collègue a raison quand il dit que les jeunes fonctionnaires qui n’ont pas accumulé de surplus de congés de maladie ou qui souffrent de maladies chroniques et les utilisent tous les ans ne recevront pas d’argent pendant un moment. Ils recevront des prestations d’assurance-emploi — une part très limitée de leur salaire. On dit qu’il s’agit de 54 p. 100 du salaire, mais c’est jusqu’à concurrence d’un certain montant.
Beaucoup de nos clients ont pu négocier des programmes d’invalidité de courte durée. Ils n’ont même pas de banques de congés de maladie. Ils ont tout de suite recours à l’invalidité de courte durée.
La sénatrice Moncion : Ils deviennent obsolètes.
M. Engelmann : Certaines choses sont plus avantageuses pour les uns que pour les autres.
Lorsque la Ville de Toronto a voulu s’éloigner du modèle traditionnel de banques de congés de maladie, elle a donné un choix à ses travailleurs. Ils pouvaient continuer d’adhérer au même régime ou choisir d’adhérer au nouveau régime qui prévoyait un programme d’invalidité de courte durée. C’est un grand employeur avec de nombreux agents négociateurs et de nombreuses unités de négociation. Tous les nouveaux employés devaient adhérer au nouveau régime. Il n’y avait plus de banques de congés de maladie. C’était une bonne solution, qui a été négociée, comme il se doit.
En ce moment, il y a beaucoup d’options à considérer. Les agents négociateurs n’ont pas tous les mêmes priorités. Ce qu’il y a de mieux pour mon client n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux pour l’alliance ou d’autres organismes.
Il peut y avoir des différences, mais à mon avis, ce qu’il y a de plus important, c’est qu’on demande à des experts de se pencher sur cette question. Il faut éviter que ce qui s’est passé à mon collègue se reproduise, soit qu’une personne ait à vivre pendant une longue période sans aucune prestation, ou encore, avec des prestations limitées d’assurance-emploi, et se pencher sur des options comme celle de l’invalidité à courte durée.
La sénatrice Moncion : Je suis d’accord avec vous, mais il y a également la question de la durabilité des programmes dont M. Cross a parlé. C’est là où je trouve qu’il y a un décalage et que la perception des syndicats est particulière. Contrairement aux entreprises privées, qui vont décider à un moment donné qu’un programme n’est pas durable à long terme, ils vont tenter d’en accroître la durabilité. En général, on apporte des compressions, mais on garde les emplois.
C’est comme cela que nous négocions. C’est comme cela que nous avons fait les choses.
M. Engelmann : Les congés de maladie sont évalués, comme toutes les autres prestations, et on se penche sur la rémunération totale.
La sénatrice Moncion : Est-ce que les coûts sont calculés au sein du gouvernement fédéral?
M. Engelmann : Oui, et ils continueront de l’être. C’est ce qui se passe cette année. C’est pourquoi on a fait appel à divers experts et diverses compagnies d’assurance. Il n’y en a pas tant que cela, mais lorsqu’il est question de la gestion d’argent, il faut choisir celle qui offre le plus grand nombre d’avantages au meilleur prix. Cela fait partie des négociations.
Le président : Vous suscitez beaucoup d’intérêt.
Il nous reste chacun trois minutes pour poser une question et demander une réponse avant que nous passions au prochain groupe de témoins.
Le sénateur C. Deacon : Je dois poser une question à M. Cross. Vous avez œuvré dans la fonction publique pendant 29 ans. Avez-vous été surpayé chaque année? Vous n’êtes pas obligé de répondre.
M. Cross : Posez la question à mon patron.
Le sénateur C. Deacon : J’aime quand les discussions servent à comparer des pommes avec des pommes. Comme vous l’avez dit, M. Engelmann et M. Cross, la question du choix entre la productivité ou le salaire des gens est très importante. Je sais que c’est un défi dans la fonction publique, mais je ne peux pas me pencher sur les congés de maladie, ou d’autres sortes de congés, séparément de l’ensemble des avantages sociaux. Parfois, c’est plus efficace de payer mieux les gens, car cela permet d’obtenir un meilleur rendement que dans le cas contraire. La productivité est essentielle.
Ce n’est pas facile à faire au sein de la fonction publique, mais j’aimerais vraiment que chacun d’entre vous nous dirige vers des analyses de la productivité de la fonction publique ou des services publics, où le secteur public finance les emplois, mais qui ne comptent pas forcément des travailleurs du gouvernement.
M. Cross : J’aimerais bien pouvoir le faire, mais c’est quelque chose que Statistique Canada pourrait avoir à gérer pendant des décennies. À un moment donné, nous avons laissé tomber. Nous avions dit que nous ne tenterions pas d’évaluer la productivité de la fonction publique et que ce n’était pas possible de le faire.
Quel est le rendement du comité? Le rendement est très difficile à mesurer. Statistique Canada mesure le rendement de l’administration en évaluant les données. On suppose qu’il n’y a pas de croissance de la productivité et c’est pourquoi ils refusent de publier des données là-dessus. Ils disent qu’il est impossible de mesurer la productivité dans bien des domaines.
Quel est le rendement de Statistique Canada? Le nombre de publications? Les connaissances approfondies? Comment mesure-t-on le savoir? Le savoir est-il bien utilisé?
Le président : Merci, monsieur Cross. Monsieur Engelmann, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Engelmann : Je suis d’accord. Il est très difficile de mesurer le rendement, mais je crois qu’on peut être fiers de la fonction publique de ce pays.
Le sénateur C. Deacon : On cherche à avoir des données plus quantitatives que qualitatives.
M. Engelmann : C’est vraiment difficile à mesurer. J’ai été avocat au sein de la fonction publique et au privé, et il est difficile de le faire pour l’ensemble d’un organisme. Dans chaque bureau, vous avez des personnes très productives et moins productives.
Le sénateur C. Deacon : Je suis d’accord. Nous devons comparer des pommes avec des pommes.
M. Hebdon : L’un des premiers documents que j’ai publiés portait sur l’innovation dans la fonction publique. Un gouvernement provincial en Ontario mettait en place un nouveau système électronique de gestion des certificats de naissance et de décès que les gens avaient demandé. La productivité pouvait être mesurée dans cette situation-là, car il y avait un certain nombre d’éléments mesurables. C’est ce que j’ai fait, et on a montré que le fait d’adopter de nouvelles technologies améliore la productivité.
Toutefois, j’admets que c’est rare. Ce n’est pas du tout facile à faire. Toutefois, il y a des emplois que vous pourriez comparer.
Le sénateur Duffy : Merci à tous d’être venus. Il ne reste que quelques minutes; j’irai donc droit au but.
Nous sommes reconnaissants de pouvoir compter sur votre expertise. J’ai une question sur les maladies épisodiques. La Société canadienne de la sclérose en plaques nous a écrit au sujet des congés de maladie et des personnes relativement jeunes atteintes de maladies épisodiques comme la sclérose en plaques. Ces personnes — pas seulement dans la fonction publique, mais partout au pays — se sentent abandonnées. Elles aimeraient que les régimes de soins de santé soient conçus en fonction des besoins des gens qui étaient en santé pendant une certaine période de temps et qui tombent soudainement malades. J’espère que le gouvernement fédéral et les experts pourront régler ce problème.
Pour terminer, par rapport à la discussion d’aujourd’hui, je ne pense pas que quiconque doute de la qualité et du dévouement des membres de la fonction publique du Canada. Je pense toutefois que M. Cross a touché un point en soulignant que le public considère que les membres de la fonction publique, y compris les sénateurs, sont dans une situation enviable et que les avantages et la rémunération, notamment, sont très bons. Était-ce 1 600 $ par semaine? Quel était votre chiffre, monsieur Engelmann? Cela fait 83 000 $ par année. J’en connais beaucoup à l’Île-du-Prince-Édouard qui seraient d’avis que c’est un très bon salaire.
Je dis simplement que, même si nous n’avons pas la réponse, en tant que société nous devons prendre garde de ne pas créer une situation d’opposition entre « nous » et « eux ». Nous n’avons pas à regarder bien loin au sud de la frontière pour voir le genre de clivage social qu’engendre un système dans lequel tout le monde n’a pas l’impression d’être traité équitablement.
Le président : Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Cross : Brièvement, concernant le montant de 83 000 $ que j’ai mentionné, ce n’est que le salaire moyen. Cela ne comprend pas tous les avantages comme l’assurance-médicaments, le régime de retraite, et cetera.
Il y a sept ans, lorsque j’étais à Statistique Canada, le coût moyen par employé que nous utilisions à des fins budgétaires s’élevait à 100 000 $. C’était il y a sept ans. Aujourd’hui, c’est 125 000 $. C’est beaucoup d’argent.
Le président : Merci.
Y a-t-il d’autres commentaires? Non.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question s’adresse à M. Cross et a trait aux données que vous avez calculées et selon lesquelles les employés du secteur public prenaient beaucoup plus de congés que les employés du secteur privé.
Comment réconciliez-vous vos résultats avec ceux de Statistique Canada? Selon Statistique Canada, le taux d’absentéisme dans le secteur public n’est que de 1,1 jour supérieur à celui du secteur privé quand on tient compte de trois facteurs, à savoir qu’ils sont en moyenne plus âgés, qu’ils sont plus nombreux à être du sexe féminin et qu’ils sont plus nombreux à être syndiqués.
Comment réconciliez-vous vos données avec celles de Statistique Canada?
[Traduction]
M. Cross : J’ai abordé cet aspect précédemment, et je répète que je suis au courant de cette étude. Ma critique, c’est qu’elle s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle les employés du secteur privé qui seraient syndiqués comme ceux du secteur public auraient les mêmes comportements. J’ai essayé de faire valoir que cette hypothèse est erronée, car la relation entre les syndicats et les gestionnaires varie considérablement entre le secteur public et le secteur privé. Plus particulièrement, il existe dans le secteur privé un mécanisme qui empêche les grèves. J’ai indiqué que si GM fait la grève, je peux acheter une Toyota, mais si les médecins ou les enseignants font la grève, je ne peux me tourner vers un autre médecin ou un autre enseignant.
Les travailleurs du secteur public sont en position d’obtenir beaucoup plus d’avantages. Dire que les gens du secteur privé pourraient obtenir les mêmes avantages s’ils étaient syndiqués ne tient pas la route, à mon avis. Ceux qui tiennent ce discours ne comprennent pas comment fonctionne le secteur privé.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Peut-être alors devrions-nous hausser le niveau des avantages liés aux assurances universelles pour tout le monde et nous doter d’assurances universelles transférables de très bonne qualité pour tout le monde. Ce serait une autre option.
[Traduction]
M. Cross : Il est aussi possible que des entreprises quittent le Canada pour s’installer aux États-Unis.
Le président : Sur ce, honorables sénateurs, nous remercions les témoins de leurs observations fort intéressantes pour notre étude du projet de loi C-62.
Toujours dans le cadre de notre étude du projet de loi C-62, nous accueillons maintenant le directeur parlementaire du budget, M. Yves Giroux. Il est en compagnie de Jason Jacques, directeur principal, Analyse budgétaire et des coûts, Bureau du directeur parlementaire du budget.
Monsieur Giroux, on m’a dit que vous feriez une brève allocution avant de répondre aux questions des sénateurs.
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant vous aujourd’hui au sujet du projet de loi C-62. Je suis en compagnie de Jason Jacques, directeur principal, Analyse budgétaire et des coûts.
[Français]
En 2014, à la suite d’une demande d’un député, le Bureau du directeur parlementaire du budget a publié deux rapports portant sur les congés de maladie de la fonction publique fédérale. Le premier rapport présentait une analyse financière de l’absentéisme dans la fonction publique fédérale basée sur les résultats de l’exercice financier de 2011-2012. Il estimait que le coût salarial des congés de maladie payés pour l’année s’élevait alors à 871 millions de dollars. Le rapport soulignait aussi la différence entre les dépenses entraînées par les congés de maladie et le passif dont fait état le gouvernement pour ces congés.
Le deuxième rapport, quant à lui, présentait une analyse financière des écarts dans les coûts des congés de maladie de 20 ministères. Ce deuxième rapport a conclu que, puisque le coût des congés de maladie ne représente pas un coût supplémentaire dans plusieurs cas, parce que les employés absents ne sont pas remplacés, ce coût n’a pas une importance relative significative sur le plan financier, et je tiens à préciser, « d’après la définition comptable », parce que quand on parle de 800 à 900 millions, c’est significatif, même pour moi.
[Traduction]
Dans les comptes publics du Canada de 2018, le gouvernement indique un passif prévu de plus de 1,7 milliard de dollars pour les droits à des prestations de congés de maladie cumulés. Jason et moi répondrons avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir au sujet du projet de loi C-62 ou d’autres analyses réalisées par le Bureau du directeur parlementaire du budget. Merci.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie d’être parmi nous ce soir. J’ai lu les deux rapports. Je me demande si je devrais adresser mes questions à M. Giroux, puisqu’ils ont été produits avant son arrivée en poste, ou à M. Jacques, qui avait participé à ces travaux, je crois.
Quand on lit ces rapports, on a l’impression que les données utilisées ne sont pas nécessairement fiables. Voici quelques exemples. Dans le rapport de février 2014, à la page 3, on peut lire ceci :
[...] le DPB a recueilli des données à la fois auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et des 20 ministères et organismes [...]. Cependant, tous les chiffres ne concordaient pas [...]
Voici maintenant un extrait de la page 5 :
Le nombre de congés de maladie déclaré par le gouvernement est donc dans une certaine mesure gonflé par l’inclusion des congés d’invalidité. Les données fournies par le SCT ne permettent pas de déterminer l’ampleur de cette surestimation.
Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure vous disposiez de chiffres fiables pour vos analyses et nous parler de la possibilité de mettre ces données à jour? De plus, croyez-vous que, en raison des problèmes associés au système Phénix, il pourrait être difficile d’obtenir des données plus récentes?
Jason Jacques, directeur principal, Analyse budgétaire et des coûts, Bureau du directeur parlementaire du budget : En ce qui touche la fiabilité des données, vous avez vu juste. C’était l’une des principales faiblesses de notre analyse. Je me souviens que nous avons été surpris de découvrir à l’époque, en 2014, qu’il n’y avait pas de suivi uniforme des congés de maladie dans l’ensemble des ministères et organismes. Alors que certains faisaient un bon suivi et pouvaient nous fournir des données, d’autres n’étaient pas en mesure de le faire. De plus, lorsque nous avons commencé à examiner les chiffres de plus près, nous avons constaté que même si les catégories semblaient identiques, elles comprenaient parfois des éléments très différents d’un ministère à l’autre. Il était donc difficile d’aller au-delà des données fusionnées pour notre analyse.
Pour ce qui est de la possibilité d’obtenir des données plus récentes, je dirais que Phénix pourrait, en effet, restreindre un tel suivi, voire le rendre impossible. Si je me fonde sur le travail accompli par le vérificateur général et ses observations au sujet des comptes publics de 2018, cela présenterait un défi. Cela dit, nous serions ouverts à l’idée de mener un sondage auprès des ministères et organismes. Cette méthode donnerait peut-être de bons résultats.
Comme nous l’avons déjà mentionné au comité par le passé, la fonction publique est une vaste organisation où il se passe beaucoup de choses. Il est fort possible que certains éléments ne fassent pas l’objet d’un suivi détaillé à moins que les parlementaires y portent attention et posent des questions.
Depuis notre rapport de 2014, les congés de maladie ont considérablement retenu l’attention et ont fait l’objet d’un certain nombre de travaux. Dans le contexte des modifications législatives que propose le projet de loi C-62, on pourrait supposer, comme un témoin précédent l’a souligné, que lorsque des négociations sont susceptibles d’avoir une incidence fiscale de plusieurs milliards de dollars, on devrait disposer de meilleures données sur lesquelles s’appuyer.
La sénatrice Marshall : Puis-je poser à M. Giroux une question générale, en sa qualité de nouveau directeur parlementaire du budget?
Le président : Je vous en prie.
La sénatrice Marshall : J’aimerais revenir sur un point que vous avez abordé, monsieur Giroux, soit la fiabilité et la disponibilité des données. Bien que vous occupiez votre poste depuis peu de temps, vous ne serez sûrement pas surpris si je vous dis qu’il est parfois difficile d’obtenir des renseignements du gouvernement. À titre d’exemple, l’ancien directeur parlementaire du budget a tenté, encore et encore, d’obtenir des données financières sur la nouvelle politique de défense du Canada, Protection, Sécurité, Engagement. Je cherche moi-même à obtenir ces renseignements. Je me demande si vous tentez encore de les obtenir, vous aussi. Le comité devrait-il vous écrire pour vous demander de le faire, ou est-ce une tâche que vous prévoyez déjà accomplir?
M. Giroux : Vous parlez de la politique de défense?
La sénatrice Marshall : Oui.
M. Giroux : Pour moi, il est très utile de recevoir une demande d’un comité comme le Comité des finances nationales. Les demandes des parlementaires sont un atout quand je vais voir les ministères pour leur demander des données.
La sénatrice Marshall : D’accord.
Le programme d’infrastructure nous pose aussi problème. L’ancien directeur parlementaire du budget a examiné la première phase du projet, et nous souhaitons que le Bureau du directeur parlementaire du budget fasse maintenant un suivi et obtienne d’autres données des mêmes ministères. Devrions-nous vous écrire à ce sujet?
M. Giroux : Dans ce cas, il serait certes utile de faire un suivi par écrit, mais ce n’est pas vraiment nécessaire. En effet, nous travaillons déjà d’assez près avec Infrastructure Canada, qui nous facilite la tâche en nous communiquant les données à sa disposition.
Dans le domaine de l’infrastructure, ce qui représente un défi, ce n’est pas que le gouvernement ne souhaite pas communiquer les renseignements, mais qu’il n’y a pas assez de données détaillées, particulièrement au sujet des résultats. Autrement dit, ils nous communiquent généralement avec plaisir les renseignements dont ils disposent. Par contre, les renseignements ne sont pas toujours aussi complets et détaillés qu’on pourrait s’y attendre pour un programme de cette envergure. Cela vient en partie du fait qu’il s’agit de partenariats avec d’autres ordres de gouvernement.
La sénatrice Marshall : C’est donc un problème de disponibilité des données. Je vous remercie.
Le président : Merci de ces précisions.
Pourrions-nous maintenant nous en tenir à l’étude du projet de loi C-62? J’ai permis une certaine latitude, mais je verrai maintenant à ce que nous nous concentrions sur le projet de loi C-62. Merci.
[Français]
Le sénateur Pratte : Dans la comparaison que vous avez faite des congés de maladie, vous avez regardé le secteur public fédéral par rapport au secteur privé. Ensuite, vous avez essayé de voir l’impact de l’âge, du sexe et du taux de syndicalisation. Un des témoins précédents nous a dit que cette méthode n’était pas valable, parce qu’elle supposait que les entreprises syndiquées privées se comporteraient exactement comme le secteur public privé. J’aimerais vous entendre à ce sujet, c’est-à-dire dans quelle mesure la comparaison, qui est à la page 6 de votre rapport en français, est valable ou non?
M. Giroux : Selon moi, c’est une comparaison valable, parce que les entreprises ont tendance à se comporter de façon semblable lorsqu’elles ont un environnement semblable et une taille comparable. Il est difficile de comparer le secteur public à un autre secteur, parce qu’il est un monopole, par définition. On peut le comparer avec d’autres administrations publiques provinciales, ce qui n’est pas une mauvaise base de comparaison, mais les entreprises privées ne sont pas non plus une mauvaise base de comparaison, surtout lorsqu’elles sont de grandes envergures et ont un environnement syndiqué et des établissements partout au pays.
Là où la comparaison est plus difficile et où les problèmes de comparabilité sont plus flagrants, c’est que, comme certains témoins l’ont dit auparavant, il n’y a pas d’assurance invalidité ou d’assurance maladie à court terme au sein du gouvernement fédéral, alors qu’il y en a dans le privé.
Dans le cas du gouvernement fédéral, lorsqu’un employé est malade pendant quelques mois, s’il a accumulé assez de congés de maladie, il les épuisera au complet. Par contre, dans le secteur privé, où il y a une mosaïque de prestations et d’avantages, il peut y avoir des systèmes de congés de maladie, quelques congés de maladie, 5 ou 10 par année, ce qui n’est pas inhabituel, avec un régime d’invalidité qui entre en vigueur beaucoup plus rapidement, ce qui fausse un peu la comparaison des données.
Le sénateur Pratte : Je reviens sur la question du coût des congés de maladie. Dans un de vos rapports, vous soulignez le fait que, dans plusieurs ministères, les gens qui utilisent les congés de maladie ne sont pas remplacés. Donc, ce n’est pas un coût direct, mais le gouvernement le compte comme une dette, un engagement. Est-ce qu’on a raison de considérer cela comme une dette s’ils ne sont pas remplacés?
M. Giroux : C’est une très bonne question. Dans une vie précédente, j’ai travaillé dans ce dossier. Je ne suis pas biaisé, mais j’ai des renseignements, car j’étais là lorsque certaines décisions ont été prises. Le passif est un peu plus élevé que le montant que le gouvernement a radié et a mentionné comme économie dans le budget de 2015 pour faire un escompte pour cette part où les gens n’ont pas à être remplacés.
Selon moi, l’estimation est tout de même encore beaucoup plus élevée que le vrai coût, mais ça ramène la question. Il y a tout de même un coût, même si les gens ne sont pas remplacés, il y a une perte de productivité. Les gens doivent en faire un peu plus et doivent travailler des heures supplémentaires. Il y a beaucoup d’intangibles, une perte de productivité, de recours potentiel à la sous-traitance et à des employés à contrat. Il est très difficile d’estimer le coût, mais le coût qui sera déboursé est beaucoup plus faible avec le passif qui est inscrit au livre, même en tenant compte de ces facteurs. C’est éminemment difficile à estimer.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : J’aimerais avoir quelques précisions. Vous dites que vous ne pouviez pas obtenir de données ou qu’elles manquaient d’uniformité d’un organisme à l’autre. Était-ce parce qu’il existe différentes définitions des congés de maladie, ou parce que les divers ministères n’inscrivent pas les congés de maladie de la même manière dans leurs dossiers?
M. Jacques : À l’époque, le problème venait du fait que les ministères avaient des façons différentes d’inscrire les congés de maladie.
La sénatrice Andreychuk : Par conséquent, quand il est question des banques de congés accumulés, on ne peut pas se fier aux données des différents ministères pour établir un total pour l’ensemble de la fonction publique, puisque leurs données ne portent pas sur les mêmes choses. Ce serait comme additionner des pommes et des oranges.
M. Jacques : Nous avons rédigé notre rapport en 2014, et il était fondé sur des données antérieures à la publication. Par la suite, en vertu de nouvelles normes du Conseil des normes comptables du secteur public, le gouvernement a dû, pour la première fois, inscrire le passif dans son bilan. À cette fin, et pour obtenir une opinion favorable de l’audit, il faut pouvoir soumettre des données solides à l’examen du vérificateur général.
Par ailleurs, comme on l’a déjà mentionné dans le contexte du débat sur le projet de loi C-62, il y a beaucoup de discussions, à l’heure actuelle, à propos d’une éventuelle modification du régime de congés de maladie offert aux fonctionnaires fédéraux, modification qui pourrait entraîner des coûts considérables, comme l’a souligné M. Giroux. On s’attendrait donc à ce qu’il existe des données plus solides pour guider cette décision.
J’aimerais faire une observation à propos de notre expérience dans le dossier de l’infrastructure : quand le Bureau du directeur parlementaire du budget et les parlementaires commencent à poser des questions, la fonction publique devient soudainement très motivée à obtenir des données exactes, à tenter de les concilier et à produire quelque chose qu’elle pourra présenter à la population.
La sénatrice Andreychuk : Les renseignements que voici sont peut-être périmés, et il se peut que vous préfériez ne pas répondre, mais j’aimerais souligner que la définition des congés de maladie évolue constamment. Il y a 30 ans, les congés de maladie servaient aux gens qui se cassaient une jambe ou faisaient une crise cardiaque. De nos jours, ils couvrent aussi les problèmes de santé mentale et les problèmes de dépendance. La définition des congés de maladie s’est donc beaucoup élargie.
Il est difficile de garder des données précises, parce que les problèmes ne sont pas toujours aussi faciles à voir qu’une jambe cassée. Étant donné la complexité actuelle des problèmes de santé, je crois qu’on ne peut pas prévoir où mèneront les nouvelles négociations, car on ne sait pas ce que chaque partie proposera et demandera. Nous ne savons pas quel passif cela créera pour les contribuables.
M. Giroux : Nous avons une idée du passif associé aux congés de maladie, puisque les employés reçoivent un nombre déterminé de jours de maladie chaque année et que nous savons combien de jours sont accumulés dans les banques de congés. Nous avons une idée assez précise du nombre de congés accumulés dans l’ensemble de la fonction publique et du taux d’utilisation de ces congés. C’est ce qui nous permet d’estimer le passif.
La sénatrice Andreychuk : Si j’ai bien compris, ils ont l’intention de négocier une entente différente à la table de négociation. Nous ne savons donc pas ce qui se produira. Il y a deux parties à la table de négociation, et nous ne connaissons pas leurs attentes respectives.
M. Giroux : Il y a beaucoup d’incertitude, en effet.
La sénatrice Andreychuk : C’est donc un retour à la case départ, si je comprends bien.
Il faut aussi se demander s’il s’agit vraiment de congés de maladie. Il peut arriver qu’un gestionnaire demande à ses employés de travailler plus longtemps puis, si cela n’entraîne pas d’heures supplémentaires, leur dise de « prendre congé vendredi ». Il y a donc toutes sortes de divergences. Pour que les données soient fiables, il faudrait mieux gérer ce qui constitue un congé de maladie ainsi que la façon de l’inscrire.
Pour faire suite à l’observation de M. Jacques, qui dit que nous devrions poser des questions, je me demande comment nous devrions procéder pour poser ces questions. De quelle façon devrions-nous les formuler? C’est un point très important, je crois. Nous examinons un sujet très complexe, pour lequel beaucoup de décisions sont laissées à la discrétion des différents ministères. Comment pourrons-nous obtenir des données comparables afin de pouvoir bien évaluer la situation?
M. Giroux : Je dirais que les congés de maladie ont un code distinct des autres demandes de congé. Lorsqu’une personne prend un congé de maladie, on utilise le code d’un congé de maladie. Lorsqu’elle prend un congé compensatoire pour les heures supplémentaires, on utilise un code différent. Voilà comment nous pouvons avoir de bonnes données à utiliser.
Dans l’exemple que vous avez donné, à moins que les employés et les gestionnaires attribuent un mauvais code au congé en question, le congé de maladie sera codé comme un congé de maladie. Pour les congés compensatoires ou les congés annuels, c’est un code différent.
Il existe des dizaines de codes pour les divers motifs d’absence. Il faudrait qu’on attribue les bons codes aux congés, mais l’efficacité de tout système dépend des personnes qui l’utilisent.
[Français]
Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre présence. Les informations que vous donnez sont toujours intéressantes.
À la page 6 de votre rapport, on arrive à la conclusion qu’il y a un écart de 1,1 jour supplémentaire dans la fonction publique fédérale par rapport au secteur privé. Lorsqu’on y pense, le système fédéral est tout de même un système particulier où, par exemple, je travaille 20 ans pour la fonction publique fédérale, et je ne suis pas malade. Après avoir accumulé 244 jours de congés de maladie, je tombe malade, et avant de faire appel au régime d’assurance de longue durée, étant donné l’absence d’assurance de courte durée, je dois épuiser toute ma banque de congés.
Cela a un impact, contrairement à ce qu’on voit dans beaucoup d’entreprises ou dans d’autres organismes publics, où il y a une assurance de courte durée et où, après avoir accumulé 15 jours de maladie, je passe à l’assurance de courte durée et ensuite à l’assurance de longue durée.
Il y a un impact quant au nombre de congés de maladie qui peuvent être utilisés, parce que certaines personnes peuvent épuiser une banque de 150 ou de 190 jours, contrairement à d’autres endroits où, après 10 jours de congé de maladie, la personne est bénéficie de l’assurance de courte durée, est ensuite évaluée et passe au régime d’assurance de longue durée.
Est-ce qu’il y a un impact dans la conclusion de vos statistiques, compte tenu de cette réalité?
M. Giroux : Il y a un impact dans le sens où les gens qui sont malades pendant une longue durée, comme dans l’exemple que vous avez donné, où ils ont accumulé 200 ou 300 jours de congé qu’ils doivent épuiser, faussent quelque peu les statistiques et augmentent la moyenne significativement. Cela a un certain impact.
Aussi, pour parler de la justice ou de l’injustice des gens qui ont accumulé beaucoup de congés de maladie et qui doivent les épuiser, la différence, c’est que quand on est en congé de maladie et qu’on utilise les congés accumulés, on reçoit un plein salaire, tandis que lorsqu’on bénéficie de l’assurance invalidité, c’est 70 p. 100 du salaire. Les employés qui sont malades et qui ont accumulé beaucoup de congés de maladie ne perdent pas de salaire, tandis que ceux qui reçoivent des prestations d’assurance invalidité perdent 30 p. 100 de leur salaire.
Le sénateur Forest : C’est une question d’avantages sociaux. Je paie les coûts de mon assurance de longue durée et quand je la perçois, je ne suis pas pénalisé. Avec cette réalité du 1,1 jour supplémentaire, on n’a pas la proportion des individus qui sont malades 7, 8, 9 ou 10 jours par rapport aux fonctionnaires qui vont utiliser 20, 30, 40 et 50 jours. Dans le secteur privé, ça n’existe pas, parce qu’on passe beaucoup plus rapidement à l’assurance de courte durée que dans le système fédéral.
Quand je vois ce 1,1 jour supplémentaire, je me dis que ce n’est tout de même pas si mal. Il faudrait pondérer quant à savoir combien de gens ont utilisé 100, 150 ou 180 jours de congés de maladie, parce que cela a un impact direct sur le plan de la statistique.
Au Québec, ce qui est assez particulier, c’est que si j’ai accumulé 125 jours de congés de maladie, quand je prendrai ma retraite, je serai payé 125 jours avant de prendre ma retraite. Est-ce qu’il y a d’autres provinces qui offrent cette condition si généreuse?
M. Giroux : Je ne suis pas au courant de la façon dont cela se passe dans les autres provinces. Je sais qu’au fédéral, ce n’est évidemment pas le cas.
La sénatrice Moncion : Vous avez mentionné dans vos remarques liminaires 1,7 milliard de dollars pour les droits de congé de maladie accumulés. Pourriez-vous nous expliquer ce que cela veut dire? Aussi, quel impact aura l’abrogation des deux autres projets de loi et l’adoption du projet de loi C-62 sur les chiffres?
M. Giroux : La somme de 1,7 milliard que j’ai mentionnée, ce sont les droits de congé de maladie. Ce n’est pas dans le sens où les gens vont nécessairement les utiliser, mais ce sont les banques de congés de maladie qui sont inscrites au passif dans les comptes publics de 2018. C’est à hauteur 1,74 milliard de dollars.
Si le projet de loi C-62 est adopté, si ma mémoire est bonne, je crois qu’il n’y aurait pas d’impact, et Jason pourra me corriger si je me trompe. Je crois qu’il n’y aurait aucun impact, parce que le gouvernement a déjà renversé les économies qui avaient été inscrites aux livres par le gouvernement précédent lorsque les dispositions visant à éliminer les banques de congés de maladie avaient été déposées à l’époque.
Le budget de 2015 avait inscrit une économie de 900 millions de dollars pour la disparition de ces banques de congés de maladie, et le gouvernement actuel, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, a renversé cette économie et l’a remise à titre de passif en 2016.
La sénatrice Moncion : Et le montant accumulé depuis fait que cette banque en est à 1,7 milliard de dollars.
M. Giroux : Oui. Avec le passage du temps, au fur et à mesure que les gens en santé comme moi ne prennent pas de congés de maladie et continuent d’en accumuler, et avec l’accroissement de la taille de la fonction publique, le passif augmente.
La sénatrice Bellemare : J’ai une question complémentaire. Dans le cas des calculs qui ont été effectués en 2015, où on a appliqué 900 millions de dollars pour réduire le déficit, n’est-il pas vrai que cette mesure ne tenait pas compte du fait qu’il fallait remplacer le système de congés basé sur les banques de congés de maladie, et que le coût du remplacement n’y était pas inclus?
M. Giroux : Le coût du remplacement n’était pas inclus, et je dirais que cela ne tenait pas compte de grand-chose. À part le passif qui s’y trouvait, il n’y avait pas beaucoup de raffinement dans ces estimations. C’était une approximation, pour être généreux.
La sénatrice Bellemare : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Merci. Mes collègues en ont peut-être assez de m’entendre poser constamment cette question, mais j’ai du mal à comprendre les salaires et les avantages sociaux dans la fonction publique par rapport au marché. Je viens d’une petite entreprise, alors je me concentre sur la productivité. On me dit souvent que les activités sont difficilement mesurables dans la fonction publique. J’ai discuté avec d’autres personnes, et ce soir avec mon collègue, le sénateur Pratte, du fait que nous pourrions mesurer des activités très précises. Ici, c’est comme une réunion de conseil; on pourrait faire des comparaisons avec ce qu’il en coûte dans d’autres situations et le genre de résultats que l’on obtient.
Examinez-vous ce genre de choses? Selon moi, il est crucial de veiller à ce que les employés touchent un salaire juste et que nous soyons un employeur compétitif, mais il importe aussi que les Canadiens puissent être convaincus du fait qu’ils en ont pour leur argent.
M. Giroux : Ce n’est pas quelque chose que le bureau a examiné récemment, et ce n’est pas quelque chose qui est prévu actuellement pour nous, mais la productivité dans la fonction publique est effectivement difficile à mesurer. Toutefois, même si c’est difficile, cela ne veut pas dire que c’est impossible.
Il me vient en tête quelques exemples lorsqu’il est question de productivité dans la fonction publique, notamment en ce qui concerne le nombre d’employés de soutien. Quand je suis arrivé dans la fonction publique, il y avait des ordinateurs, mais juste un peu avant, il y en avait très peu, et le nombre d’employés de soutien requis pour taper et préparer les documents était ahurissant. Avec l’arrivée des ordinateurs et des imprimantes, le nombre d’employés de soutien a considérablement diminué.
On n’a qu’à penser également à la production d’une déclaration de revenus; dans 95 p. 100 des cas, il n’y a pas d’intervention humaine lorsque les déclarations sont produites par voie électronique. Ce n’était pas le cas il y a une vingtaine d’années; quand les gens produisaient leur déclaration de revenus, quelqu’un devait saisir les données. Il y a donc eu des améliorations sur le plan de la productivité, mais elles sont difficilement mesurables d’année en année. Encore une fois, même si c’est difficile, cela ne veut pas dire que c’est impossible.
Un autre exemple me vient à l’esprit : les notes d’information, qui profiteraient sûrement aussi de la mesure des coûts unitaires. Au cours de ma carrière, j’ai été plus d’une fois exaspéré par le nombre de modifications que mes patrons apportaient aux notes d’information que j’avais rédigées pour le ministre ou le sous-ministre. Si l’on inscrivait dans un registre le nombre d’heures ou de minutes que chaque échelon consacre à une note d’information, on se rendrait rapidement compte qu’une simple note d’information coûte des milliers de dollars lorsqu’on tient compte de tout le temps que chacun consacre aux petits détails, qui sont parfois d’ordre purement esthétique.
Le sénateur C. Deacon : J’aime beaucoup la façon dont vous voyez cela. Je vous encourage et j’aimerais savoir ce que je pourrais faire pour vous inciter à vous pencher davantage là-dessus. Votre façon de voir les choses me plaît beaucoup.
Le sénateur Duffy : Je vous remercie tous les deux d’être ici. Nous avons parlé de l’intégrité des données. Si je comprends bien, Phénix était censé constituer une solution globale pour le suivi de la paie, des avantages sociaux, des congés de maladie, des congés annuels et de toutes ces choses.
L’échec de Phénix a-t-il eu une incidence sur l’intégrité des données relatives aux congés de maladie?
M. Giroux : Nous n’avons pas examiné la question des congés de maladie depuis l’arrivée de ce merveilleux système qu’est Phénix, qui sera peut-être bientôt à vendre à bas prix, je ne sais pas. Je ne crois pas qu’il y ait eu une incidence importante sur les données relatives aux congés de maladie. Il pourrait y avoir des effets secondaires, mais les systèmes de RH qui enregistrent les congés, les absences et les présences ne sont pas toujours sur la même plateforme que Phénix. Certains ministères utilisent d’autres systèmes.
C’est l’un des problèmes en ce qui concerne l’intégrité.
Le sénateur Duffy : Ils n’ont donc pas tous migré vers Phénix en même temps?
M. Giroux : Je ne suis pas un spécialiste de ces systèmes très complexes, mais je pense que les ministères disposent encore des mêmes systèmes qu’auparavant pour traiter les absences. Certains utilisent PeopleSoft. D’autres ont encore le SAE, mais versent leurs données dans Phénix pour l’inscription des chèques et l’administration de la paie. Les absences et les présences sont encore traitées, à ma connaissance, par les mêmes divers systèmes dans les ministères.
Le sénateur Duffy : Merci beaucoup.
Le président : Je tiens à remercier le directeur parlementaire du budget d’avoir répondu à nos questions et de nous avoir communiqué ces renseignements.
Sur ce, honorables sénateurs, avant de lever la séance, je tiens à porter à votre attention, par souci de clarté, qu’il y aura des séances supplémentaires du comité à notre retour, la semaine du 19, ce qui signifie que trois réunions avec témoins seront consacrées au Budget supplémentaire des dépenses (A) et qu’une réunion sera consacrée aux comptes publics.
Je vous rappelle également, honorables sénateurs, que nous prévoyons procéder à l’étude article par article du projet de loi C-62 à notre prochaine réunion, soit le mardi 20 novembre.
Permettez-moi aussi d’ajouter que si vous avez l’intention de proposer des amendements, vous devez communiquer avec le légiste dès que possible. Son bureau peut vous aider dans la rédaction en toute confidentialité. Donc, si vous voulez proposer des amendements, veuillez préparer les documents de concert avec le bureau du légiste. Les amendements doivent être remis à la greffière afin qu’elle puisse en distribuer des copies à tous les membres du comité.
Y a-t-il des questions concernant la procédure? Dans ce cas, je déclare maintenant la séance levée.
(La séance est levée.)