Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule no 81 - Témoignages du 27 novembre 2018 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 27 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 h 45, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures (sujet : parties 1, 2, 3 et 4).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite à tous la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent sur les finances nationales. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont avec nous dans la salle et aux téléspectateurs d’un bout à l’autre du pays, qui nous regardent peut-être à la télévision ou en ligne. Je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité.
[Français]
Je demanderais aux sénateurs et aux sénatrices de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le président : Cet après-midi, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-86 que nous avons commencée plus tôt avec des représentants du ministère des Finances du Canada. Le projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures est ce que nous appelons une loi d’exécution du budget.
Nous allons reprendre là où nous nous sommes arrêtés plus tôt. Avant de le faire, j’aimerais profiter de l’occasion pour remercier M. Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt, et aussi M. Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt.
La première mesure que nous examinerons est la règle sur la minimisation des pertes dans les opérations de rachat d’actions.
[Français]
Monsieur McGowan, la parole est à vous.
[Traduction]
Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le sénateur.
Cette mesure est semblable à celle que nous avons abordée ce matin qui concernait les pertes artificielles obtenues au moyen d’arrangements financiers fondés sur des capitaux propres. Elle empêche la génération de pertes fiscales artificielles par des institutions financières sur certains rachats d’actions hors marché de sociétés canadiennes.
Comme nous l’avons entendu dire auparavant, la perte fiscale artificielle est créée par l’interaction des règles sur les dividendes entre sociétés qui prévoient essentiellement des dividendes libres d’impôt entre des sociétés canadiennes, ainsi que par une autre règle selon laquelle des opérations de rachat d’actions hors marché peuvent générer une perte sur le rachat de l’action. Vous avez le montant du dividende, qui est un dividende entre sociétés déductible d’impôt, et vous avez une perte découlant du rachat de l’action, parce que le montant du dividende est réduit en fonction des produits du rachat, ce qui a créé deux déductions pour le même poste sur le plan économique, et cela générerait une perte fiscale artificielle. Cette mesure empêcherait une planification fiscale qui cherche à obtenir ces pertes artificielles, en faisant en sorte que seul un dividende ou seule une déduction est disponible pour ces opérations.
Cela figure aux articles 10 et 16 du projet de loi.
Le président : Merci. Honorables sénateurs, avez-vous des questions? Nous passerons donc à la prochaine mesure, les organismes de bienfaisance et les activités politiques.
Nous accueillons Blaine Langdon, directeur, Organismes de bienfaisance, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, du ministère des Finances du Canada qui se joint à M. McGowan et M. Leblanc. Merci de vous joindre au comité.
[Français]
De l’Agence du revenu du Canada, M. Antonio Manconi, directeur général, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, se joignent également à nous.
[Traduction]
Nous accueillons également Sharmila Khare, directrice, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, de l’Agence du revenu du Canada.
Je remercie les témoins et les représentants d’être présents.
Je demanderais à M. McGowan de prendre la parole, et il sera suivi par d’autres représentants des Finances et de l’Agence du revenu du Canada.
M. McGowan : Merci, monsieur le sénateur.
L’amendement concerne les organismes de bienfaisance et leurs activités politiques. En vertu des règles fiscales actuelles, les organismes de bienfaisance doivent consacrer la presque totalité de leurs ressources à des activités de bienfaisance. Ils peuvent consacrer un montant restreint, généralement interprété comme étant 10 p. 100. La phrase « presque totalité » figurant dans les règles fiscales est généralement considérée comme signifiant environ 90 p. 100, ce qui laisse 10 p. 100 de leurs ressources. Ils ont le droit de consacrer un montant restreint, généralement interprété comme étant 10 p. 100, de leurs ressources aux activités politiques non partisanes qui sont accessoires à leurs fins de bienfaisance.
Cet amendement aurait pour effet de supprimer cette limite des activités politiques des organismes de bienfaisance, qu’on devrait maintenant définir comme le dialogue sur les politiques publiques et les activités d’élaboration, de sorte que jusqu’à 100 p. 100 des activités d’un organisme de bienfaisance pourraient supposer la participation à un dialogue sur les politiques publiques et à des activités d’élaboration, pourvu que ces activités contribuent aux fins de bienfaisance de l’organisme.
Enfin, cet amendement maintiendrait l’interdiction existante actuelle de consacrer des ressources à des activités directes ou indirectes de soutien d’un candidat, d’une charge publique ou d’un parti politique. Ces mesures figurent aux articles 17 et 20 du projet de loi.
Le président : Y a-t-il des renseignements supplémentaires? S’il n’y en a pas, le président va maintenant donner la parole à la sénatrice Eaton.
La sénatrice Eaton : Merci.
Je suis fascinée par ce que vous dites, pour la simple raison qu’un organisme de bienfaisance peut consacrer jusqu’à 100 p. 100 de son temps à de soi-disant questions d’éducation, d’affaires parlementaires ou de politiques publiques, mais si vous étiez strictement une organisation politique, vous n’obtiendriez pas le statut d’organisme de bienfaisance. Est-ce exact?
M. McGowan : En vertu des règles actuelles?
La sénatrice Eaton : Oui.
M. McGowan : Tout à fait; les organismes de bienfaisance sont limités en ce qui concerne les activités politiques qu’ils peuvent entreprendre.
La sénatrice Eaton : Comment un organisme de bienfaisance peut-il être un organisme de bienfaisance s’il n’y a pas de limite quant à son utilisation — si j’envoie mon argent à l’organisme de bienfaisance X et qu’il prend cet argent pour discuter de politiques publiques plutôt que de faire ce qu’il faisait à l’origine, lorsqu’il a été constitué en société, par exemple, c’est-à-dire nourrir les itinérants. Comment cela fonctionne-t-il?
M. McGowan : Les organismes de bienfaisance sont établis pour des fins de bienfaisance reconnues. Les catégories de bienfaisance remontent à très loin, à la loi d’Elizabeth, et sont généralement l’avancement de l’éducation, le soulagement de la pauvreté, l’avancement de la religion et d’autres fins profitant à l’ensemble de la société, comme des causes environnementales. En ce moment, les activités d’un organisme de bienfaisance doivent être liées à une de ces fins politiques.
La sénatrice Eaton : Une des premières choses dont je me suis occupée en tant que sénatrice, c’était une enquête sur l’argent étranger arrivant au Canada pour soutenir certains organismes de bienfaisance voués à l’environnement, et sur la façon dont cet argent ne servirait pas à éduquer le public en soi ou à offrir des programmes scolaires à des enfants en parlant d’eau sale et d’air propre, mais soutenait plutôt des manifestations par rapport au pipeline. En quoi ce travail est-il caritatif? Car, dans les faits, cela ne revient pas à dire : « Je suis libéral, néo-démocrate ou conservateur », mais c’est une activité politique en soi si vous manifestez contre une politique du gouvernement.
Blaine Langdon, directeur, Organismes de bienfaisance, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Si je peux me permettre, j’aimerais intervenir et expliquer l’effet des changements. Assurément, en vertu du système existant, lorsque vous parlez de ce qu’un organisme de bienfaisance enregistré peut faire en ce moment, il peut effectuer des activités de bienfaisance, ce qui est généralement interprété par la plupart des gens comme des activités de prestation de services directs, et, en ce qui concerne leurs activités de défense des intérêts, leurs activités politiques, ce serait le lobbyisme, les manifestations, et cetera.
La sénatrice Eaton : Oui. Le lobbyisme, les manifestations.
M. Langdon : En ce moment, ces activités sont restreintes à 10 p. 100 des activités globales de l’organisme de bienfaisance.
La sénatrice Eaton : Vous dites donc maintenant qu’ils peuvent faire tout cela?
M. Langdon : Le changement aurait pour effet de supprimer les limites existantes au sein de la Loi de l’impôt sur le revenu concernant les activités politiques, mais aussi de considérer une activité d’élaboration de politiques publiques, ce qui engloberait ce qui est actuellement considéré comme une activité politique en vertu de la loi, comme une activité de bienfaisance, pourvu que ces activités contribuent aux fins de bienfaisance de l’organisme.
Pour revenir à votre exemple, si une organisation avait été établie pour la protection de l’environnement et qu’elle choisissait de...
La sénatrice Eaton : Soyons plus directs.
M. Langdon : Bien sûr.
La sénatrice Eaton : Pas pour protéger l’environnement, ce qui semble merveilleux, mais pour manifester contre le pipeline.
M. Langdon : Encore une fois, je ne veux pas...
La sénatrice Eaton : Non, mais c’est un exemple factuel sur le terrain de choses qui se produisent en ce moment au Canada.
M. Langdon : Bien sûr.
La sénatrice Eaton : Pour manifester contre le pipeline, et ces activités sont soutenues. Bon nombre de ces organisations ont un statut d’organisme de bienfaisance et elles sont parfois soutenues à l’aide de fonds qui proviennent de l’extérieur du pays. Maintenant, ce que vous dites, c’est que vous n’avez même pas besoin de prétendre être un organisme de bienfaisance; tout l’argent peut servir à soutenir vos manifestations.
M. Langdon : Si je peux, j’aimerais répondre directement à la question, puis fournir quelques explications connexes. Par rapport à ce que vous avez dit, sans prédéterminer comment l’ARC va examiner les choses, une organisation qui a réalisé des activités pour manifester contre le pipeline pourrait probablement être enregistrée comme un organisme de bienfaisance.
Ce qui l’expliquerait, c’est qu’un organisme de bienfaisance doit avoir des fins de bienfaisance qui, comme Trevor l’a dit, seraient ces catégories de bienfaisance, y compris la protection de l’environnement. Si la méthode que l’organisme de bienfaisance choisissait pour accomplir ses fins de bienfaisance afin de protéger l’environnement, c’était d’essayer d’amener le gouvernement à changer sa politique à l’égard de la construction d’un pipeline, ce serait acceptable en vertu des changements proposés dans le projet de loi.
La sénatrice Eaton : Et il n’y a pas de limite quant à la quantité de fonds étrangers qui peuvent entrer au Canada et soutenir les organismes de bienfaisance canadiens; est-ce vrai?
M. Langdon : Il n’y en a pas comme tel.
La sénatrice Eaton : Merci.
La sénatrice Omidvar : Permettez-moi de poursuivre sur cette série de questions. Comme vous le savez, le Sénat a un Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance, et je crois reconnaître et me rappeler tous vos visages : vous étiez présents au moment des exposés qui ont été présentés à ce comité.
Croyez-vous que la législation soit assez claire par rapport à la différence entre la partisanerie directe et indirecte? Permettez-moi de vous fournir un peu de contexte. Il y a des organismes de bienfaisance de tous les côtés du spectre politique qui ont des points de vue qui pourraient être adoptés par un parti politique. Pensez à l’Institut Fraser, d’un côté, et à Canada Sans Pauvreté, de l’autre. L’un d’eux préconiserait des taxes plus élevées; l’autre plaiderait en faveur de taxes plus basses. Leur mission est de réduire la pauvreté et de créer un Canada prospère, mais ils ont des positions qui s’alignent indirectement sur celles d’un parti politique.
La législation établit-elle une différence entre les deux? J’essaie d’imaginer comment l’ARC fera ses vérifications dans ce nouvel environnement.
M. McGowan : Je peux peut-être formuler quelques brefs commentaires sur le projet de loi lui-même avant de passer à l’interprétation de la législation et de l’orientation qui est élaborée par l’Agence du revenu du Canada.
Il importe de souligner que l’interdiction à l’égard du soutien direct ou indirect d’un candidat politique ou d’un parti figure actuellement dans la législation. C’est quelque chose qui se trouve en ce moment dans la loi du Canada. Cela s’applique en ce moment à ce que vous pourriez considérer comme la limite de 10 p. 100 sur les activités politiques. C’est quelque chose qui, si on écarte les amendements du projet de loi, est la loi du pays et quelque chose avec quoi les organismes de bienfaisance doivent composer actuellement.
Il importe de se rappeler que ce projet de loi n’introduit pas une interdiction relative au soutien indirect d’un parti politique, ou plutôt, il ne change pas le fait qu’il y a une interdiction existante à l’égard du soutien direct d’un parti. Je crois qu’il est important de juste mettre ce changement en contexte. Puis, en ce qui concerne la façon dont l’expression « soutien direct ou indirect » est interprétée, je crois que l’Agence du revenu du Canada pourrait se prononcer à ce sujet.
Antonio Manconi, directeur général, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : C’est notre défi, nous assurer qu’il y a une clarté une fois que la législation sera approuvée. Donc, en ce moment, nous nous affairons, avec notre ministère de la Justice, à fournir de l’aide quant à l’interprétation. Avec nos collègues des Finances, nous nous affairons à trouver la meilleure façon d’interpréter des choses comme celle-là. Puis, bien sûr, une fois que nous nous sommes occupés de notre orientation, comme le processus normal que nous avons toujours effectué par le passé, nous menons en fait beaucoup de consultations avec le secteur lui-même également. Nous consultons divers groupes de façon régulière. Nous avons un Groupe de travail sur les questions techniques. Nous travaillons avec lui pour faire en sorte que tous les produits que nous concevons, quand il y a un changement dans la législation et la politique, soient clairs et utiles au secteur. C’est donc un processus normal que nous entreprendrons une fois que la législation sera achevée.
La sénatrice Omidvar : Dans le même ordre d’idées, il y a deux opinions polarisantes au sujet de ce texte de loi, et nous avons entendu une variante des deux au Comité sur le secteur de la bienfaisance. Un point de vue, c’est que de l’argent noir va entrer au pays de tous les côtés du spectre politique, notre espace public va devenir cacophonique et bruyant, et nous ne serons pas en mesure de résister à ces forces. La deuxième opinion, c’est que ces choses se sont faites aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie; les mêmes règles que nous adoptons aujourd’hui l’ont été il y a 10 ans, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. Lorsque vous avez mené vos consultations, avez-vous consulté le milieu juridique? Est-il surtout favorable ou défavorable?
M. Langdon : Si je pouvais mettre le doigt sur la question de savoir si le secteur juridique à l’intérieur et à l’extérieur du secteur de bienfaisance est principalement favorable à ces changements, je dirais que, pour l’essentiel, le milieu juridique les appuie. Assurément, il y a des gens qui ont dit que ce ne serait pas un changement positif. Je crois que vous avez entendu quelques témoignages devant le comité qui le laisseraient croire. Nous mêmes, nous avons également reçu des commentaires de partis externes. Je dirais, de façon générale, que la majorité est favorable à ces changements.
La sénatrice Marshall : Donc, pourquoi les amendements sont-ils rétroactifs? Ils semblent être rétroactifs. Pourriez-vous vous prononcer à ce sujet?
M. Langdon : Le but de la rétroactivité est de s’assurer que les organisations qui font actuellement l’objet d’une vérification de leurs activités politiques peuvent se prévaloir des changements. À titre de précision, de 2012 environ jusqu’à 2016-2017, l’ARC avait un programme de vérification ayant pour but d’examiner des organisations qui participaient à des activités politiques afin de déterminer si elles respectaient ou non les restrictions existantes au sein de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Dans le cadre des changements proposés, le but, c’est que cette législation s’applique de façon rétroactive afin de permettre à des organisations qui ont été visées par ces vérifications de se prévaloir des mêmes règles que celles qui seront appliquées aux organismes de bienfaisance dans l’avenir. C’est pourquoi la rétroactivité va jusqu’à 2008, je crois, qui est la première année ayant fait l’objet de vérifications.
La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous dire combien d’organisations ont été visées par des vérifications en vertu des règles actuelles ou des vieilles règles?
M. Langdon : Je crois que mes collègues de l’ARC pourraient répondre à cette question.
M. Manconi : Si nous nous reportons au programme de vérification des activités politiques, nous en avions sélectionné 60 à l’époque, en 2012. Puis, en 2016, notre ministre du Revenu national a annoncé qu’elle allait imposer un gel des vérifications restantes. À ce moment-là, nous avions entrepris et conclu 54 vérifications. Puis, jusqu’à ce jour, nous avons cinq vérifications en cours.
La sénatrice Marshall : Donc, pour celles que vous avez conclues, avez-vous maintenant l’intention de les refaire pour voir comment elles s’inscrivent dans les nouvelles règles?
M. Manconi : Les amendements sont en vigueur pour tout organisme de bienfaisance enregistré qui est toujours enregistré au moment de l’amendement, donc tout ce qui est clos sera clos s’ils ne sont pas enregistrés.
La sénatrice Marshall : Tous ces mots, comme le fait que les organisations « doivent être constituées et administrées exclusivement à des fins de bienfaisance ». Vous dites « pourvu que ces activités soient secondaires ». Ce sont des règles assez générales. En fait, ce que je comprends, c’est que, une fois que la législation sera adoptée, vous rédigerez des instructions à l’intention du personnel responsable des vérifications quant à ce que sont exactement les règles précises. Est-ce que je comprends bien?
M. Manconi : Oui. Une fois que la législation sera confirmée, nous la transformerons en orientation et en procédures. Puis, nous communiquerons avec nos vérificateurs et les gens qui présentent des demandes d’enregistrement pour les aider à comprendre la loi. Enfin, nous appliquerons un nouvel ensemble de règles.
La sénatrice Marshall : Qui contribue à la définition de ces termes, afin qu’on détermine précisément ce que dira le programme de vérification?
M. Manconi : Nous travaillerons avec nos collègues des Finances et, comme je l’ai dit plus tôt, avec notre secteur pour nous assurer qu’il y a une compréhension commune. Nous avons aussi une communauté de réglementation internationale, où nous cherchons des idées différentes et des interprétations. Nous essayons de tirer le meilleur de tous les gens avec lesquels nous travaillons.
La sénatrice Marshall : Quand je regarde cela, et que ça m’est expliqué, vraiment... On nous demande d’approuver et d’appuyer quelque chose dont nous ne connaissons pas les détails, parce que ce sont seulement des généralités. Nous ne savons pas exactement ce que ce programme dira, parce que rien n’est précisé.
M. Manconi : Si nous regardons de nouveau notre programme, il a existé pendant de nombreuses années. Et si vous examinez les changements, nous nous intéressons aux limites des activités politiques autorisées ou non. Nous avons donc passé un certain nombre d’années à changer la loi, à élaborer une orientation et à consulter le secteur. Donc, même s’il y a des changements, ceux-ci sont gérables, et nous pouvons les appliquer une fois qu’ils seront en vigueur.
La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous éclairer juste par rapport à cet élément qui dit ici — vous pourrez probablement me dire quelque chose qui s’inscrit ici et me donner un exemple qui ne s’y inscrirait pas. On dit ceci : « L’interdiction faite aux organismes de bienfaisance de consacrer des ressources à des activités directes ou indirectes de soutien d’un parti politique ou d’un candidat à une charge publique ou d’opposition à l’un ou à l’autre demeure en vigueur. » Prenez juste un exemple, un candidat politique à une charge publique. Pouvez-vous me donner un exemple de ce qui serait acceptable en vertu des règles et de ce qui ne respecterait pas les règles?
Sharmila Khare, directrice, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Merci. C’est une très bonne question. Je sais que cette question a soulevé beaucoup d’intérêt à la Chambre, parmi nos intervenants et au comité sénatorial spécial.
Donc, essentiellement, les règles que le ministère des Finances a proposées ne changent pas la restriction existante qui interdit aux organismes de bienfaisance de soutenir directement ou indirectement un parti politique ou un candidat à une charge publique ou de s’y opposer. La règle n’est donc pas nouvelle, mais dans le contexte d’un très nouveau cadre, nous devons vérifier notre interprétation existante de ces mots, car nous avions une orientation stratégique pour le secteur dans le cadre de l’ancien régime, pour voir quel sens nous devons donner à ces nouveaux termes, dans un monde où le dialogue sur les politiques publiques et les activités d’élaboration pourraient être illimités.
Il est donc très possible aujourd’hui, et dans le nouveau monde, qu’un organisme de bienfaisance ne soit pas d’accord avec une décision ou une position que le gouvernement a adoptée et qu’il critique publiquement cette décision ou cette position. Toutefois, si l’organisme de bienfaisance devait désigner un parti politique dans le contexte de sa critique, nous dirions que c’est interdit.
La sénatrice Eaton : Mais vous n’avez pas besoin de désigner un parti.
Mme Khare : Selon la façon dont nous essayons de fournir l’orientation au secteur, lorsqu’ils établissent ce lien avec le parti politique, nous dirions que c’est interdit. S’ils commentent simplement une position stratégique du gouvernement et n’établissent pas ce lien direct...
La sénatrice Eaton : S’ils ne mentionnent pas le nom du Parti libéral ou du Parti conservateur, mais qu’ils parlent de leurs politiques, ce n’est pas politique?
Mme Khare : C’est la façon dont nous avons communiqué sur cette question par le passé. Nous allons assurément tenir compte de la rétroaction que nous entendons aujourd’hui lorsque nous élaborerons notre orientation. À titre d’orientation générale pour les organismes de bienfaisance, leurs communications doivent miser sur la question politique qui est abordée plutôt que sur un candidat ou un parti politique.
Nous savons qu’il y a une incertitude au sein du secteur et parmi les membres ici quant à ce que signifie le terme « indirect », car celui-ci ne sera pas défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour nous, ce terme englobe les situations où un organisme de bienfaisance va soutenir un parti politique ou un candidat ou s’y opposer par des moyens qui ne sont pas immédiatement évidents. Par exemple, ce serait une situation où un organisme de bienfaisance choisit de transférer des ressources à un tiers afin de fournir à ce tiers des ressources pour soutenir un parti politique ou un candidat ou s’y opposer. Ce serait une activité indirecte.
Nous réévaluons ce concept de ce que sont les activités indirectes interdites pour nous assurer qu’elles s’alignent sur l’intention stratégique des nouvelles règles et nous prévoyons fournir du matériel didactique aux intervenants du secteur. C’est le même matériel didactique que celui qui est utilisé au sein de la Direction des organismes de bienfaisance, à l’étape de l’enregistrement et à celle de la vérification.
La sénatrice Marshall : Ma préoccupation, c’est que notre document d’information dit que l’interdiction faite à une fondation de bienfaisance de fournir du soutien direct ou indirect demeure. On dit que ce sera la même chose, mais alors, comme vous l’avez dit, la politique globale est en train de changer, donc la coloration de cette interdiction pourrait changer, parce que la politique globale est en train de changer. Le fait de dire que l’interdiction va demeurer... Elle ne va peut-être pas demeurer au même degré qu’en vertu de l’ancienne politique.
[Français]
Le sénateur Forest : Si je comprends bien, nous avons retiré l’imposition d’une limite de 10 p. 100 d’activités des organismes de bienfaisance à la suite du jugement de la Cour supérieure de l’Ontario; sinon, ce plafond selon lequel on pouvait utiliser au plus 10 p. 100 des fonds à des fins politiques aurait été maintenu.
Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt., ministère des Finances Canada : Je vous remercie de cette question. Il s’agit d’une question que le gouvernement examine depuis deux ans et demi maintenant. De vastes consultations ont été menées avec le secteur par nos collègues de l’Agence du revenu du Canada. Nous ne pouvons pas commenter exactement ce qui serait arrivé si une décision n’avait pas été rendue, mais nous pouvons dire que le gouvernement a examiné attentivement le dossier. Le gouvernement a dit, à l’occasion du budget de 2018, qu’il agirait dans les mois suivants, et je crois que c’est ce que le gouvernement a fait, puisque c’est ce que vous étudiez en ce moment.
Le sénateur Forest : Ma préoccupation est la suivante. D’un côté, selon la nouvelle réalité et selon ce que nous avons vécu lors des dernières élections, on tente de colmater les brèches par lesquelles des fonds internationaux ou des fonds provenant de l’extérieur de notre pays peuvent avoir une influence indue sur la démocratie et sur le résultat de l’exercice démocratique du vote.
Tout le défi est dans la définition, car la bienfaisance peut s’adresser à des humains, tout comme à la flore, à la faune et à l’environnement. C’est un concept extrêmement large. Un organisme de bienfaisance peut représenter une porte d’entrée pour des fonds importants et, à la limite, sans que cela vise une candidate ou un candidat, ou l’un des partis, mais plutôt la politique en général. Cependant, généralement, les partis portent des politiques. Je suis préoccupé parce que cette porte peut créer une brèche susceptible de favoriser l’arrivée de fonds de l’extérieur qui pourraient avoir un impact sur le système démocratique.
Le président : Des commentaires? Monsieur Langdon.
M. Langdon : Je vais répondre en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
Je crois que vous avez soulevé quelques bons points, ce qui est une des raisons pour lesquelles nous avons proposé que l’interdiction touchant les organisations qui participent directement ou indirectement au soutien ou à l’opposition d’un parti politique ou d’un candidat à une charge publique soit maintenue.
Dans nos consultations avec le secteur de bienfaisance, nous avons constaté que les gens sont du même avis, du moins en ce qui concerne le fait que la participation à des activités politiques partisanes par des organismes de bienfaisance enregistrés est quelque chose qu’on devrait continuer d’interdire. Il y a peut-être quelques débats par rapport au fait de savoir si le soutien direct ou indirect devrait être interdit.
Nous avons maintenu dans la loi cette interdiction, qui est, à mon avis, une interdiction importante si vous voulez continuer d’empêcher les organismes de bienfaisance enregistrés de participer à ces types d’activités.
Nous sommes au courant des préoccupations exprimées au sujet de l’argent étranger qui arrive au Canada pour influencer les élections. C’est certainement quelque chose dont le gouvernement est au courant, je crois, et par rapport à quoi il a formulé des propositions. La ministre des Institutions démocratiques a pris des mesures en ce sens, mais nous sommes au courant des préoccupations.
Par ailleurs, l’intention des propositions est de permettre aux organismes de bienfaisance de s’exprimer sur les questions qui sont importantes pour eux, et les préoccupations exprimées par les organismes de bienfaisance, c’est que la règle existante des 10 p. 100 ne leur permettait pas de participer à pleine capacité à des activités leur permettant d’apporter des changements à la loi pour le bien de leurs mandants et de leurs bénéficiaires. C’est l’intention de ce changement, et nous avons essayé de trouver le juste milieu.
[Français]
Le sénateur Forest : J’aimerais poser une dernière question.
Au regard de la loi, disposez-vous de suffisamment de ressources? Par exemple, je crée un organisme de bienfaisance pour la protection du crapet-soleil et, au fil des activités, cela devient un véhicule par lequel je suis en mesure de recevoir des fonds. La définition de la nature même de l’objet de l’organisme de bienfaisance est-elle respectée? Cela me semble assez mou quant au contrôle des fonds qui proviennent de l’extérieur. Est-ce qu’on a les pieds solides pour établir des balises précises sur la nature des organismes de bienfaisance?
[Traduction]
M. Langdon : Je ne suis pas certain de comprendre la question. Demandez-vous si nous avons des renseignements au sujet...
[Français]
Le sénateur Forest : Est-ce que la loi est précise lorsque vous accréditez un organisme de bienfaisance? Dans le cadre d’application de la loi, avez-vous les ressources nécessaires pour nous assurer que la fonction première de l’organisme se situe dans le domaine de la bienfaisance et qu’il ne s’agit pas plutôt une porte d’entrée camouflée pour mener une action politique qui est de toute autre nature que la bienfaisance?
M. Leblanc : Je vous remercie de la question. Comme nous l’avons mentionné, le gouvernement est à l’écoute de ces préoccupations. C’est aussi un argument que d’autres ont soulevé, mais nous devons trouver un équilibre entre ce qui est précisé dans la loi en ce qui concerne les organismes de bienfaisance, à savoir ce que veut dire la bienfaisance.
Cependant, il y a aussi le droit commun; comme Trevor nous l’a expliqué au début, c’est dans le cadre du droit commun que l’on retrouve ces quatre catégories de bienfaisance. De plus, même si des lois existent dans ce domaine depuis longtemps, c’est un droit commun qui est en évolution. Le danger qu’il y a à trop spécifier dans la loi, c’est de ne pas être en mesure de continuer à évoluer de pair avec les changements qui auront lieu au sein de la société. Enfin, puisque nous avons le droit commun, il y a une capacité d’évoluer et de continuer à changer.
Le sénateur Forest : Si vous me permettez une dernière question, je suis très conscient du fait que vous soyez sensible à cette question, en raison de ce que l’histoire nous enseigne et de ce qu’on observe chez nos voisins qui ne sont pas très loin. Il y a une échéance électorale chez nous sous peu. J’aimerais dire une seule chose, c’est qu’au-delà de la sensibilité, il nous faut les outils législatifs qui nous permettront de régler cet enjeu. Je veux bien comprendre que nous sommes sensibilisés, mais est-ce qu’au plan législatif, vous avez les outils nécessaires pour vous occuper de cet enjeu? Il s’agit d’une nouvelle réalité sur le plan de l’exercice démocratique.
[Traduction]
M. McGowan : Si je puis me permettre, j’aimerais parler rapidement de la capacité législative et du cadre liés aux organismes de bienfaisance. En ce moment, pour qu’un organisme de bienfaisance soit enregistré, il doit avoir une fin de bienfaisance. J’ai parlé plus tôt des fins de bienfaisance acceptées. De plus, il doit indiquer comment il entend atteindre ces fins. Un organisme de bienfaisance mis de l’avant pour soulager la pauvreté pourrait exploiter une soupe populaire, par exemple, et, si on présume que tout est en règle, cela sera suffisant pour qu’il soit enregistré.
Il importe de se rappeler que, une fois que l’organisme de bienfaisance obtient le statut de donataire reconnu, il a une obligation permanente de continuer d’exercer ses activités afin d’atteindre ses fins de bienfaisance grâce à ses activités, dans ce cas, l’exploitation d’une soupe populaire. Peut-être que, dans l’avenir, il ouvrira un centre de dons de vêtements pour aider à vêtir les itinérants et exploiter la soupe populaire, et l’Agence du revenu du Canada maintiendrait les outils existants prévus dans la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’évaluer continuellement si l’organisme de bienfaisance atteint ses fins de bienfaisance dans le cadre de ses activités.
Les mécanismes qui permettent à l’Agence du revenu du Canada de déterminer continuellement si les activités des organismes de bienfaisance sont conformes à leurs fins de bienfaisance resteraient en place, puisque ce projet de loi aurait pour effet d’accroître la portion de leurs activités qui peuvent être de nature politique, et il pourrait être question de politiques publiques et de leur élaboration. L’Agence du revenu du Canada maintiendrait une surveillance accrue et continuerait de s’assurer de la correspondance entre les fins de bienfaisance d’une organisation et ses activités.
Vous avez aussi mentionné les dons de bienfaisance. Bien sûr, comme on l’a dit, y compris à l’autre endroit durant l’étude article par article, le principal avantage d’un organisme de bienfaisance enregistré au Canada, c’est sa capacité d’offrir des reçus d’impôts pour dons de bienfaisance. La capacité de donner des reçus d’impôts pour dons de bienfaisance est l’un des aspects les plus importants d’un organisme de bienfaisance.
À l’heure actuelle, les organismes qui ne sont pas des organismes de bienfaisance peuvent se livrer à des activités de nature politique sans aucune limite — sous réserve des exigences électorales et d’autres choses du genre — et ils ne sont pas assujettis à la limite de 10 p. 100. Lorsqu’on parle des limites imposées et des dons, je crois qu’il est important de ne pas oublier le contexte, soit qu’on peut déjà promouvoir des changements législatifs. La question consiste à déterminer si, oui ou non, des organismes de bienfaisance enregistrés peuvent bénéficier de ce genre de souplesse. L’intention qui sous-tend cette modification était d’éliminer le plafond et de permettre aux organismes de bienfaisance de participer au dialogue sur les politiques publiques et leur élaboration. Cependant, tout ça reste dans le contexte des règles actuelles liées au fait que les organismes de bienfaisance doivent le faire « en vue de la réalisation de fins de bienfaisance. » « En vue de la réalisation de fins de bienfaisance », c’est le libellé utilisé dans le projet de loi, mais l’idée a toujours été qu’il faut continuer à réaliser des activités à l’appui des fins de bienfaisance qu’on se donne, tout en remettant de façon appropriée des reçus. En outre, toutes les exigences déjà prévues dans la loi continueraient de s’appliquer.
Le sénateur Pratte : Pouvez-vous nous expliquer rapidement le motif de ce changement de politique? Vous avez tenu des consultations. D’après ce que j’ai compris, il y a eu un groupe de travail sur les organismes de bienfaisance. Je ne veux pas que vous nous décriviez tout ça, mais quel est le problème que le gouvernement tente de régler avec ce changement?
M. Langdon : Je vais commencer par parler de l’engagement pris dans le mandat du gouvernement. Le gouvernement s’est engagé à préciser les règles qui régissent les activités politiques réalisées par les organismes de bienfaisance, en reconnaissant leur engagement relativement aux politiques publiques. C’est la raison pour laquelle l’Agence du revenu du Canada a lancé son processus de consultation auprès des organismes de bienfaisance.
Il est évident que les organismes de bienfaisance sont confus en ce qui a trait à la façon dont les règles actuelles sont appliquées, et ils se sentent limités aussi par les règles actuelles. Bon nombre d’organismes de bienfaisance ont exprimé le fait que, plutôt que d’être de simples organisations de prestation de services, elles peuvent mieux réaliser leurs fins de bienfaisance en demandant des modifications législatives, par exemple.
La confusion qui découle des règles et de l’application des règles a poussé bon nombre d’organismes de bienfaisance — par souci de prudence — à ne pas réaliser d’activités de bienfaisance ou à limiter leurs activités politiques. C’est de toute évidence le problème qui a été mentionné, soit que le régime actuel était trop limitatif pour les organismes de bienfaisance qui luttent, par exemple, contre la pauvreté ou qui visent d’autres fins de bienfaisance ou qu’il était trop difficile à comprendre. C’est certainement un problème qui persiste depuis deux ou trois décennies. Des organismes de bienfaisance nous ont dit que les règles actuelles portent à confusion.
Les changements actuels sont conçus pour dissiper ces préoccupations en éliminant les restrictions et en permettant aux organismes de bienfaisance de réaliser des activités politiques dans la mesure qu’elles jugent appropriée. On maintient l’exigence selon laquelle les organismes de bienfaisance doivent réaliser des activités exclusivement en vue de concrétiser leurs fins de bienfaisance. Elles doivent tout de même être créées à des fins de bienfaisance, mais on modifie la façon dont elles peuvent réaliser leurs activités. Elles peuvent participer à des activités d’élaboration de politique publique et poursuivre leurs fins de bienfaisance si elles estiment que c’est la façon la plus appropriée de procéder.
Le sénateur Pratte : Les organismes de bienfaisance reçoivent des fonds de l’étranger. Le déclarent-ils d’une façon ou d’une autre et est-ce une information qui finit par relever du domaine public? Si tel ou tel organisme de bienfaisance reçoit 1 000 $ d’une source étrangère, doit-il le déclarer dans les formulaires qu’il remplit?
M. Langdon : Dans une certaine mesure, oui. Actuellement, sur la déclaration T3010 de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés, qui est remplie chaque année, les organismes de bienfaisance doivent déclarer les dons de la plupart des citoyens étrangers lorsque ceux-ci dépassent 10 000 $. Cette information est donc actuellement déclarée dans les déclarations de renseignements annuelles, mais je ne crois pas que les dons plus petits soient déclarés.
Le sénateur Pratte : Ces renseignements nous sont-ils communiqués publiquement? Je sais qu’on peut consulter tout ça et aller voir chaque organisme de bienfaisance, mais l’information devient-elle publique?
M. Langdon : Oui. Vous pourriez aller en ligne sur le site web de l’Agence du revenu du Canada et voir tous les renseignements produits dans les formulaires T3010. Vous pourriez consulter une liste détaillée des donateurs, mais vous verriez le montant global pour l’organisme de bienfaisance.
Le sénateur Pratte : Si je voulais savoir qui sont les donateurs, ce ne serait pas possible?
M. Langdon : Non. Cette information est considérée comme des renseignements sur les contribuables, et l’ARC ne peut pas communiquer ce genre de renseignements en vertu de l’article 241.
Le sénateur Pratte : Y a-t-il quoi que ce soit qui empêche des sociétés — des sociétés multinationales, par exemple — de participer au dialogue politique? Y a-t-il quoi que ce soit, à part, évidemment, la Loi électorale, durant la période des élections, mais, à part ça, y a-t-il quoi que ce soit qui empêche une société multinationale ou une grande société de participer au dialogue politique?
M. Langdon : Je ne suis pas un expert de ces règles. Cependant, à ma connaissance, non. Il est évident que la plupart des organisations qui participent à ce type de dialogue sur les politiques publiques doivent, si je ne m’abuse, s’inscrire en tant que lobbyistes. En outre, elles doivent figurer dans le Registre des lobbyistes du gouvernement fédéral. Je ne suis au fait d’aucune règle qui empêche une organisation de faire du lobbying, par exemple, auprès d’un député dans le but de faire modifier une loi ou une politique.
Le sénateur Pratte : Donc, d’une certaine façon, les organismes de bienfaisance demandent simplement qu’on les traite comme tout autre groupe privé ou je ne sais quoi, de façon à ce qu’ils puissent participer pleinement au dialogue politique?
M. Langdon : Certainement. Pardonnez-moi de ne pas l’avoir mentionné précédemment, mais l’une des préoccupations qui ont été soulevées par les membres du secteur de la bienfaisance, c’est qu’ils ne sont pas sur un pied d’égalité avec les autres contribuables, comme les entreprises. Ils sont limités à utiliser seulement 10 p. 100 de leurs ressources à des fins de lobbying pour demander des changements précis, ce qui n’est pas le cas des autres groupes. C’est un enjeu qui a été soulevé durant les consultations.
Le sénateur Pratte : Mon dernier point, si vous me le permettez, concerne l’ARC. Toute la confusion actuelle et les préoccupations connexes à ce sujet semblent, à mes yeux, découler de la définition d’activités partisanes indirectes : la différence entre les activités partisanes indirectes et les activités liées au dialogue sur les politiquespubliques ou à leur élaboration. La préoccupation est accentuée par le fait que, maintenant, les organismes de bienfaisance ne seront plus limités lorsqu’ils réalisent des activités liées au dialogue politique et qu’ils pourraient même s’adonner exclusivement à ce genre d’activités.
Plus précisément, l’enjeu est le suivant: si la politique X est liée étroitement au parti politique B, et qu’une organisation de bienfaisance soutient vigoureusement la politique X, alors tout le monde, tous les électeurs, comprendront que l’objectif est vraiment de s’attaquer au parti politique B. C’est là où l’ARC a du travail à faire pour s’assurer qu’on n’abuse d’aucune façon de la définition de dialogue sur les politiques publiques et de l’autre définition d’activités indirectes de soutien d’un parti politique.
M. Manconi : Nous comprenons certainement vos préoccupations, et nous allons y donner suite. C’est aussi un sujet avec lequel nous avons maille à partir. Nous savons que ce sera un défi. C’est la raison pour laquelle il est vraiment important de s’assurer que, à l’avenir, nos lignes directrices sont claires, afin qu’on puisse aider les intervenants du secteur à s’assurer qu’ils ne font pas fausse route et qu’ils interprètent correctement les politiques.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.
Le sénateur Klyne : De très bonnes questions ont été posées, ici, et j’espère que tout ça m’aidera à mieux comprendre, parce que je veux obtenir des précisions. Je me suis penché sur cette question il y a deux ou trois semaines, et j’imagine que ma perspective ou mon point de vue étaient différents. Je pensais que, ce qu’on permettait, c’était à un organisme de bienfaisance, dans le cadre de certaines de ses activités — prenons le financement, par exemple —, de réaliser certaines activités de financement ayant une connotation politique, comme organiser un souper pour un premier ministre et vendre des billets pour cette activité de financement, si vous voulez. C’est un exemple évident.
Si j’ai bien compris, un organisme de bienfaisance pourrait, en fait, s’adonner à des activités politiques tant qu’il ne s’éloigne pas de son domaine d’intérêt ou de sa sphère d’intervention, c’est-à-dire les fins initiales pour lesquelles il a pu recevoir la désignation d’organisme de bienfaisance enregistré. Je crois avoir bien compris cet aspect de la question. Il n’est pas facile d’obtenir la désignation d’organisme de bienfaisance enregistré. Ce n’est pas comme si on accordait cette désignation à tout le monde, et c’est un long processus. Ce n’est pas non plus quelque chose qui se fait en claquant des doigts.
Une organisation peut devenir un organisme de bienfaisance enregistré une fois qu’on la juge admissible, et elle doit s’en tenir aux fins établies. C’est quelque chose que l’ARC réglemente de près. L’agence examine d’où vient l’argent, de quelle façon on le gère et les présomptions connexes. Par conséquent, ce n’est pas quelque chose qu’on prend à la légère dans le milieu de la collecte de fonds et de la bienfaisance.
Je peux comprendre les situations où des activités pourraient être élargies de façon à inclure des fins partisanes — dans le but de recueillir des fonds —, tout en respectant les fins pour lesquelles la désignation d’organisme de bienfaisance enregistré a été accordée. On permettrait à un organisme de s’exprimer de façon partisane à l’égard de quelque chose qui menace son objectif ou les fins qu’il s’est données dans sa charte.
Je suis confus, parce qu’il semble qu’on puisse en fait s’adonner à des activités politiques en dehors du but précis pour lequel la désignation a été accordée. Par conséquent, je me pose une question : on a récemment entendu l’histoire d’une personne riche qui a créé 10 organisations dans le but précis de soutenir un parti donné. De quelle façon le projet de loi pourra-t-il cerner les organismes de bienfaisance dont les objectifs s’harmonisent avec ceux d’un parti, mais qui se déclarent non partisans? Ces organisations se présentent différemment. Nous avons parlé des ONG environnementales, les organisations non gouvernementales, et on pourrait aussi parler du fait que c’est peut-être la composante partisane de tout ça, ce qui se passe en arrière-scène, en coulisse, les groupes qui défendent le droit des propriétaires d’armes à feu... Je ne crois pas qu’une organisation ayant un tel objectif aurait pu obtenir la désignation d’organisme de bienfaisance.
Vous pouvez peut-être m’aider. Pour revenir à la question du sénateur Pratte : quel problème tentiez-vous de régler? Quelle est l’occasion qui s’offre à nous? Qui en sortira gagnant? L’organisme de bienfaisance ou l’ARC?
M. Leblanc : Ce sont de bonnes questions, et je vous remercie de les avoir posées. Je crois que l’objectif, ici — et on en revient à la question du sénateur Pratte —, tient au fait que les organismes de bienfaisance doivent continuer d’exister et de fonctionner exclusivement pour des fins de bienfaisance. Les fins de bienfaisance relèvent d’une des quatre grandes catégories de bienfaisance que Trevor a décrites.
Maintenant, quel est le changement? Le changement, c’est que les organismes de bienfaisance peuvent participer pleinement à des dialogues non partisans sur les politiques publiques et leur élaboration, tant que ces activités sont exercées en vue de réaliser leurs fins de bienfaisance. D’un autre côté, les activités politiques partisanes étaient interdites, elles le sont encore et elles continueront de l’être dans le cas des organismes de bienfaisance.
Blane l’a bien décrit. Ce dont il était question, c’était le niveau d’activités liées au dialogue sur les politiques publiques ou leur élaboration. Certaines organisations ont dit que la limite était trop contraignante pour leur permettre de réaliser leurs fins de bienfaisance. Ils ont dit que la meilleure façon pour elles d’arriver à leurs fins consistait à s’adonner à ce genre d’activités non partisanes de dialogue sur les politiques publiques ou leur élaboration. Voilà donc pour le nœud de l’affaire, puis il y a aussi la question de l’incertitude, ce que Blane a aussi décrit. On ne sait pas exactement quelles sont les règles. Les organismes ne s’adonnent pas à ce genre d’activités parce qu’elles craignent d’être hors jeu. Il y a donc ces choses-là. L’élément central, c’est que, essentiellement, il faut tout de même que les activités permettent de réaliser les fins de bienfaisance, parce que ce sont les seuls types de fins que peuvent viser des organismes de bienfaisance. Essentiellement, les fins restent les mêmes, ce sont les moyens qui changent.
Le sénateur Klyne : La façon dont vous avez présenté les choses confirme ce que je pensais avant. Ce que nous essayons de déterminer, maintenant, c’est là où il faut fixer la limite. Parce qu’on commence maintenant à aller plus loin que les fins établies et on tombe dans la partisanerie. On peut s’adonner à des activités politiques, mais on peut seulement le faire dans une certaine mesure, avant d’outrepasser les fins établies, l’intention initiale de l’organisme de bienfaisance. C’est exact? Il y a une limite à ça?
M. Langdon : Il n’y a certainement pas de limite aux activités politiques non partisanes. Parler d’« activité politique » n’est peut-être pas approprié, parce qu’on a tendance à entendre par là « activité politique partisane ».
Le sénateur Klyne : Je me suis trompé, parce que j’ai entendu « non partisane ».
M. Langdon : Non partisane.
La sénatrice Omidvar : Je veux m’en tenir au sujet du financement étranger des organismes de bienfaisance canadiens. Nous avons entendu la semaine dernière devant le Comité sur le secteur de la bienfaisance que, en 2016, 2,16 milliards de dollars en dons de bienfaisance sont arrivés au Canada pour soutenir les organismes de bienfaisance canadiens. L’Université de Toronto est le principal bénéficiaire, avec 400 millions de dollars. C’est pour une bonne raison : l’université compte d’anciens étudiants partout dans le monde.
Au sujet de cet enjeu, j’ai entendu quelque chose d’intéressant et j’aimerais savoir ce que vous en pensez. La question du financement étranger des organismes de bienfaisance canadiens — et, par conséquent, de leurs activités politiques — est un enjeu lié non pas à la bienfaisance, mais au droit électoral, question dont nous sommes saisis. Êtes-vous d’accord?
M. Langdon : J’ai tendance à être d’accord dans la mesure où on veut contrôler l’influence étrangère au sein du système électoral canadien. Ce serait un bon endroit pour commencer. Je comprends que le gouvernement actuel se penche sur la question et que la ministre des Institutions démocratiques a fait des déclarations publiques selon lesquelles le gouvernement veut évaluer la mesure dans laquelle des fonds étrangers arrivent au Canada ou servent à influer sur les élections canadiennes. Selon toute vraisemblance, un tel examen inclurait les organismes de bienfaisance, les organismes sans but lucratif et les autres groupes aussi.
La sénatrice Omidvar : Quelqu’un peut-il m’aider à comprendre le raisonnement du gouvernement lorsqu’il accepte, d’une part, la décision de la Cour supérieure de l’Ontario de passer de 10 p. 100 à ce qu’on pourrait appeler « la totale », tout en interjetant appel de la décision?
M. McGowan : Malheureusement, je ne crois pas que nous pouvons formuler des commentaires sur les décisions du ministère de la Justice d’interjeter ou non appel des décisions. Je sais qu’il y a clairement plus d’un enjeu en cause dans cette décision de la cour. Ce n’est pas aussi simple que s’il n’y avait qu’un enjeu relativement auquel on peut interjeter appel. C’est quelque chose qui relève davantage du ministère de la Justice.
La sénatrice Omidvar : D’accord. Merci.
La sénatrice Andreychuk : Pour commencer, je tiens à m’excuser auprès des témoins : ma présence était requise à la Chambre, et l’édifice du Centre n’est pas la porte à côté.
Si je soulève certaines choses que vous avez déjà abordées, dites-le-moi, et je lirai la transcription.
J’ai toujours eu un problème avec l’enjeu des activités politiques non partisanes. C’est une question de jugement. Si on vit dans une démocratie, la volonté politique est partout. Ce que nous avons toujours tenté de faire du point de vue de la Loi de l’impôt sur le revenu, c’est d’arrêter tout abus lié à l’utilisation des fonds publics ou l’obtention d’un avantage public. Cependant, les gens n’ont pas nécessairement besoin d’arrêter. Si quelqu’un veut poursuivre une activité, ce que nous disons, c’est qu’il ne faut tout simplement pas s’inscrire.
Les changements que vous proposez vont-ils améliorer notre situation ou allons-nous continuer de lutter contre ceux qui ne comprennent pas le rôle des organismes de bienfaisance et qui diront : « C’est un véhicule que je peux utiliser pour faire valoir mes convictions politiques — qu’il s’agisse de politique avec un petit « P » ou un grand « P » — tout en obtenant un avantage grâce à la Loi de l’impôt sur le revenu »?
M. Langdon : De manière générale, ces changements auront une incidence positive sur la capacité des organismes de bienfaisance de parler des enjeux de politique publique qu’ils jugent importants. Dans l’ensemble, je dirais que les organismes de bienfaisance s’intéressent principalement à la possibilité de promouvoir des changements législatifs ou stratégiques importants pour eux ou, plus précisément, leurs bénéficiaires. Je dirais que c’est surtout de cela qu’il est question.
Dans une moindre mesure, il y a des organismes de bienfaisance qui interviennent en période électorale et qui parlent des enjeux qu’ils jugent importants en essayant d’attirer l’attention des électeurs sur ces enjeux. Ce sont ces organismes de bienfaisance qui s’approchent davantage de la limite.
Là où il y aura certaines zones grises — et nous travaillons en collaboration avec l’Agence du revenu du Canada pour élaborer certaines lignes directrices qui clarifieront les choses pour les organisations —, c’est lorsque des organisations s’adonnent à des activités qui soutiennent directement un parti politique ou un candidat, ce qui est interdit, ou qui le font indirectement, en faisant tout sauf demander à telle ou telle personne de voter pour tel ou tel parti ou tel ou tel candidat... Toutes ces activités sont très proches de la limite.
Pour revenir à votre question, je crois qu’il y aura encore place à l’interprétation avec ces règles, mais, de façon générale, ces changements auront une incidence positive pour les organismes de bienfaisance. La grande majorité des organisations ne s’adonnent pas à de telles activités limites, et ce sera donc une situation que la grande majorité des intervenants du secteur accueilleront favorablement.
Comme je l’ai dit, nous devrons travailler pour fournir des précisions aux organisations dont les activités se rapprochent beaucoup de ces genres d’activités partisanes, indirectes ou directes.
La sénatrice Andreychuk : Des gens se sont réunis pour former une organisation, ils ont obtenu la désignation d’organisme de bienfaisance et ils ont une fin précise. Ils font ce qu’ils ont à faire 12 mois par année, chaque année, et ils peuvent dire les choses différemment en période électorale en soutenant un candidat ou non. Je ne crois pas que c’est pour cette raison que le système a été mis en place, mais de quelle façon allez-vous tracer la limite? De quelle façon allez-vous savoir qu’ils ont clairement dépassé la limite pour ensuite leur dire qu’ils ne devraient pas obtenir l’avantage?
M. Langdon : Encore une fois, l’intention principale de ces propositions, c’est de permettre aux organismes de bienfaisance de s’adonner à des activités politiques non partisanes, ce qui inclut le lobbying auprès des politiciens pour demander d’apporter des modifications aux lois ou aux politiques publiques ou le fait d’inviter le grand public à appeler leur député relativement à un enjeu précis qu’ils jugent important. Ce sont toutes des activités que nous voulons soutenir.
Lorsque le système s’effondre, pour ainsi dire — là où sont tracées les limites, et on parle de limites qui existent déjà et qu’on maintient dans les modifications législatives proposées —, les organismes de bienfaisance ne peuvent pas soutenir directement ou indirectement un parti politique ou un candidat qui se présente aux élections. Ce sur quoi nous allons devoir nous concentrer, c’est lorsque les activités d’un organisme de bienfaisance ne se résument plus à parler d’un enjeu important pour lui — et, peut-être, d’essayer de générer un plus grand consensus public à cet égard — et qu’il fait des choses conçues plus délibérément pour miner un parti politique ou un candidat qui se présente aux élections.
Comme mes collègues de l’ARC l’ont mentionné, l’ARC élaborera certaines lignes directrices stratégiques d’ici la fin de l’année. L’agence consultera le secteur des organismes de bienfaisance sur le besoin de précision connexe et pour savoir si ce qui est établi est approprié. Il est évident que l’agence travaille en collaboration avec nous actuellement. C’est un défi, mais ce n’est pas un défi impossible. C’est ce que nous visons actuellement.
La sénatrice Andreychuk : Puis-je obtenir une copie de ces lignes directrices?
Le président : Pourriez-vous fournir une copie de ces lignes directrices à la greffière, monsieur Langdon?
La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit à la fin de l’année, donc j’imagine que vous parlez de cette année?
M. Manconi : Toutes nos directives sont affichées sur notre site web. Nous serons heureux de vous les fournir.
La sénatrice Andreychuk : Dites-le-nous lorsqu’elles seront là.
Le président : Merci.
M. Manconi : Nous le ferons avec plaisir.
Le président : Merci. Puisqu’il n’y a pas d’autres questions, nous allons passer à la mesure suivante intitulée « Période de nouvelle cotisation — Sociétés étrangères affiliées des contribuables ».
Monsieur McGowan, allez-y, s’il vous plaît.
M. McGowan : Il est ici question des périodes de nouvelle cotisation et des personnes non résidentes ayant un lien de dépendance.
L’Agence du revenu du Canada a actuellement fixé la période durant laquelle elle peut réévaluer le dossier d’un contribuable. Les limites précises dépendent en quelque sorte du contribuable. Dans certaines circonstances jugées appropriées, les règles actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu permettent une période de nouvelle cotisation prolongée relativement à certains types de situations. La présente mesure porte sur l’interaction entre deux de ces périodes de nouvelles cotisations prolongées et veille à ce qu’on puisse les appliquer ensemble de façon appropriée.
Dans le premier cas, les transactions entre un contribuable et une entité non résidente ayant un lien de dépendance, ce qu’on appelle souvent l’établissement des cotisations sur les prix de transfert seront visées par une période de nouvelle cotisation prolongée de trois ans, en raison de leur nature internationale, raison pour laquelle il est plus difficile d’obtenir l’information et ces situations ont tendance à être un peu plus complexes.
Une autre période de nouvelle cotisation prolongée est liée au report de pertes. Relativement à la question fiscale associée à la partie 4, j’avais mentionné qu’un contribuable canadien peut reporter des pertes pendant un maximum de 20 ans ou les appliquer jusqu’à trois ans par le passé. Cette possibilité lui permet de mieux répartir ses revenus et d’obtenir un portrait plus véridique de ses profits au fil du temps.
Si un contribuable subit une perte une année donnée, qu’il l’applique à des revenus d’une année précédente, on prévoit une période de nouvelle cotisation prolongée de trois ans de façon à ce que, lorsqu’on procédera à une nouvelle évaluation de cette année-là, si les pertes ont été réduites, disons de 100 $ à 60 $, les 100 $ de perte appliqués aux revenus d’une année précédente peuvent être ramenés comme il se doit à 60 $. La mesure permet de produire les nouveaux avis de cotisation connexes ou d’appliquer les pertes qui ont été reportées à une période précédente.
Cette mesure fait en sorte que, lorsqu’on établit une cotisation liée à une transaction faisant intervenir des gens ou une personne non résidents ayant un lien de dépendance, durant la période de nouvelle cotisation prolongée, la perte liée à cette transaction est réduite... Dans le cas d’une perte qui avait été reportée jusqu’à trois ans avant le début de la période de nouvelle cotisation prolongée pour les transactions faisant intervenir des personnes non résidentes ayant un lien de dépendance, on peut procéder à l’établissement connexe de la cotisation à la lumière du report de la perte.
Encore une fois, il ne faut pas oublier que la mesure s’applique seulement dans le cas d’une perte qui a été reportée à un exercice antérieur. Elle n’a pas pour effet de modifier complètement la période de nouvelle cotisation préalable. Elle permet simplement de s’assurer que, dans une situation concrète où ces deux périodes de nouvelle cotisation prolongée entrent en ligne de compte, elles sont appliquées de façon consécutive, plutôt que concurremment, comme c’est le cas actuellement. Cette mesure figure à l’article 18 du projet de loi.
Le président : Merci.
La sénatrice Andreychuk : Si j’ai bien compris, la mesure s’appliquera parce qu’il incombe au contribuable de fournir l’information pour obtenir l’avantage. La raison pour laquelle je le souligne, c’est que, autrefois, c’était assez simple. Les investissements étrangers étaient très simples. Il y a maintenant toutes les méthodes électroniques, et cela ne fait pas intervenir un seul pays étranger. Cela peut maintenant être dans 50 pays, parce que le compte peut être à tel endroit, la personne, à tel autre, et l’entreprise, ailleurs.
Le fait de prolonger le délai fait courir le risque que l’information soit perdue, mais en ce qui concerne l’élément déclencheur, ce serait à l’ARC de dire que la personne est conforme ou non. La réfutation devra alors venir du contribuable, qui veut un avantage. Il a tout simplement plus de temps pour le faire.
M. McGowan : La mesure donne plus de temps à l’Agence du revenu du Canada pour réaliser une nouvelle cotisation. On pourra en fait réduire la quantité de pertes qui avaient été appliquées contre le revenu imposable d’une année précédente. Du point de vue du contribuable, ce sera défavorable.
Ce que la mesure fait, c’est qu’elle s’assure que, quand l’Agence du revenu du Canada a établi une cotisation relativement à une année pour réduire le montant d’une perte et que le montant de la perte en question a été reporté et appliqué contre des revenus d’une année précédente, la nouvelle cotisation corrélative liée à cette année précédente peut être effectuée de façon appropriée dans un ensemble précis de circonstances. C’est davantage lié à l’interaction entre deux ensembles de règles prévoyant deux périodes de nouvelle cotisation prolongée dans les lois fiscales que quoi que ce soit d’autre.
La sénatrice Andreychuk : Ce que je veux dire, c’est qu’il y a un facteur temps. Est-ce bénéfique pour le fardeau de l’ARC ou est-ce à l’avantage du contribuable?
M. McGowan : Pour cette mesure particulière, selon la manière de la décrire, ce serait avantageux pour l’ARC dans la mesure où l’agence peut appliquer le droit fiscal et établir adéquatement l’une de ces nouvelles cotisations conséquentes pour l’année d’imposition antérieure à l’égard de laquelle une perte a été reportée. L’ARC peut ainsi administrer les règles comme il se doit.
La sénatrice Andreychuk : Étant donné que nous lui ajoutons de nombreuses autres tâches, le temps pose problème.
M. McGowan : Cela ne s’appliquerait qu’après que le montant d’une cotisation a réduit le revenu d’un contribuable. En un sens, tout le travail a déjà été fait avant que cette mesure n’entre en jeu. Elle garantit simplement que, une fois que la perte de l’année précédente a été réduite, elle peut être reportée, et une modification corrélative peut être apportée de façon appropriée au cours d’une année antérieure.
La sénatrice Andreychuk : Merci.
Le président : Il n’y a aucune question additionnelle. Nous passons à la prochaine mesure, soit la période de nouvelle cotisation concernant des personnes non résidentes ayant un lien de dépendance.
M. McGowan : Merci, monsieur le sénateur. Cet amendement est similaire en ce sens qu’il a trait à une période supplémentaire de nouvelle cotisation.
Comme je l’ai dit, une période supplémentaire de nouvelle cotisation de trois ans est actuellement prévue pour des opérations impliquant un contribuable canadien et une entité non résidente ayant un lien de dépendance. Dans bon nombre de ces cas, l’entité non résidente ayant un lien de dépendance sera une société étrangère affiliée du contribuable.
Cependant, il existe des situations dans lesquelles une nouvelle cotisation peut être établie à l’égard d’une société affiliée étrangère d’un contribuable sans que cela suppose une opération avec une personne non résidente ayant un lien de dépendance. Alors, cette période de nouvelle cotisation supplémentaire dont nous avons parlé dans la dernière mesure n’est pas disponible, bien que les mêmes considérations et les mêmes raisons liées aux politiques justifiant la prolongation de la période de nouvelle cotisation pour les opérations avec des personnes non résidentes ayant un lien de dépendance s’appliquent de la même manière que dans le contexte d’une société affiliée étrangère.
Cela donnerait une période supplémentaire de nouvelle cotisation de trois ans relativement à la perte de revenu ou à d’autres montants découlant d’une société étrangère affiliée d’un contribuable, ce qui ferait coïncider les périodes de nouvelle cotisation touchant des sociétés étrangères avec les périodes de nouvelle cotisation pour des opérations ayant un lien de dépendance avec des personnes non résidentes, de façon plus générale.
Cela se trouve également à l’article 18 du projet de loi.
Le président : Merci. Nous passons ensuite à la prochaine mesure, à savoir les exigences en matière de déclaration relativement aux sociétés étrangères affiliées. Monsieur McGowan, s’il vous plaît.
M. McGowan : Actuellement, les contribuables sont tenus de présenter un formulaire de déclaration de renseignements relativement à leurs sociétés affiliées dans les 15 mois suivant la fin de leur année d’imposition. L’obligation générale qui incombe aux sociétés de produire une déclaration de revenus est six mois après la fin de l’année d’imposition.
Cette mesure aurait pour effet de réduire le délai de production d’une déclaration de renseignements concernant une société étrangère affiliée, appelée déclaration T1138, qui passerait de 15 mois à 12 mois pour les années d’imposition commençant en 2020 — c’est une année de mise en place progressive —, après quoi le délai sera réduit à 10 mois suivant la fin de l’année d’imposition.
Ainsi, l’Agence du revenu du Canada a plus de temps pour effectuer ses évaluations de risques et ses analyses en ce qui concerne ces déclarations de renseignements, tout en tenant compte du fait que les contribuables ont besoin de temps pour préparer les déclarations. Cela se trouve à l’article 25 du projet de loi.
Le président : Merci. Y a-t-il des questions? Sinon, nous passons maintenant à la mesure relative au traitement fiscal des cotisations au Régime de rentes du Québec. Monsieur McGowan, s’il vous plaît.
M. McGowan : Merci. Cette mesure porte sur le traitement fiscal visant à bonifier le Régime de rentes du Québec. Comme dans le cas des cotisations des employés au Régime de pensions du Canada bonifié, cette mesure permettrait une déduction d’impôt pour les cotisations de l’employé ainsi que la part de l’employeur des cotisations de travailleurs autonomes à la nouvelle partie bonifiée du Régime de rentes du Québec, qui s’harmonise ainsi avec le Régime de pensions du Canada bonifié. Cela se trouve aux articles 34 et 40 du projet de loi.
Le président : Y a-t-il des questions, mesdames et messieurs? Sinon, nous allons passer à la partie 2.
M. McGowan : Je ne veux pas prendre trop de temps du comité, mais je pense qu’il y a deux mesures que je n’ai pas eu le loisir d’aborder, et je veux être sûr de ne rien laisser de côté.
Le président : Et ce serait?
M. McGowan : Il s’agirait des règles sur la fraction à risques à une structure par paliers de sociétés de personnes ainsi que la communication de renseignements dans le cadre d’affaires criminelles.
Le président : Nous commencerons par la communication de renseignements dans le cadre d’affaires criminelles.
Puis nous aborderons la dernière mesure.
M. McGowan : Cette mesure a trait à la communication de renseignements dans le cadre d’affaires criminelles. Mes collègues traiteront plus tard d’amendements similaires. Quelques changements sont proposés en ce qui concerne la partie 1 du projet de loi. Le premier prévoit le recours aux dispositions de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle relativement à l’échange de renseignements fiscaux de nature criminelle en vertu des conventions fiscales et des accords d’échange de renseignements à des fins fiscales au Canada, et de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Le Canada est actuellement tenu de communiquer des renseignements en matière fiscale pénale à ses homologues étrangers en vertu de ces accords, et cette mesure mettrait en œuvre une procédure permettant la communication de ces renseignements.
La procédure, prévue par la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle est actuellement utilisée à d’autres fins. Toutefois, cela suppose tout d’abord, lorsqu’une demande de renseignements est reçue, que le ministère de la Justice détermine s’il s’agit d’une demande appropriée. Si tel est le cas, il présentera une demande à un tribunal, qui devra être convaincu que la demande est appropriée et que les droits à la protection des renseignements personnels des Canadiens, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Charte, sont respectés. Le cas échéant, le tribunal pourrait émettre une ordonnance d’obtention d’éléments de preuve qui autoriserait la collecte des renseignements demandés.
Une fois que les renseignements demandés ont été recueillis, avant qu’ils puissent être communiqués à un homologue étranger, le ministère de la Justice devrait retourner devant le tribunal pour une ordonnance de transmission dans laquelle le tribunal confirmerait que toutes les conditions de l’ordonnance d’obtention d’éléments de preuve ont été remplies et que la communication des renseignements serait appropriée. Il y a donc deux comparutions devant le tribunal pour que l’on puisse s’assurer, entre autres, que la demande était appropriée et que les droits à la protection des renseignements personnels des Canadiens ont été respectés. Cela fournirait un mécanisme pour la communication de renseignements. Encore une fois, cela concerne les renseignements que le Canada est déjà tenu de communiquer en vertu de ces accords.
Le deuxième volet de cette mesure de l’amendement a trait à la communication de renseignements concernant le contribuable et d’autres renseignements fiscaux confidentiels aux partenaires de conventions bilatérales d’entraide juridique du Canada, et conformément à des ententes administratives conclues avec un État demandeur en vertu de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, aux fins d’enquêtes criminelles de nature non fiscale et de poursuites de certains crimes graves. Cela englobe, par exemple, des actes de terrorisme, le crime organisé, des infractions désignées ainsi que certaines infractions de blanchiment d’argent et de recyclage des produits de la criminalité qui se rapportent à ces infractions désignées concernant les substances. Cette mesure offrirait un mécanisme pour la communication de renseignements en plus d’autoriser cette communication, là encore, dans les cas où la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle est en place et où il existe des mesures de protection adéquates pour assurer le respect des droits à la protection des renseignements personnels des Canadiens et la pertinence des demandes de communication de renseignements.
Cette mesure se trouve aux articles 26 et 28 ainsi que 29 à 33 du projet de loi.
Le président : Merci.
La sénatrice M. Deacon : À propos de cette Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, si d’autres types d’accords internationaux contiennent des dispositions relatives à l’entraide juridique en matière criminelle, à quoi cela pourrait-il ressembler dans d’autres pays?
M. McGowan : Ces obligations sont réciproques. L’autre pays aurait l’obligation de fournir des renseignements au Canada, et le Canada a une obligation réciproque de lui en fournir. Vous demandez ce qui se passe si le Canada demande des renseignements fiscaux à un homologue, un autre État avec lequel nous avons conclu un accord. Je pense que les exigences locales particulières dépendraient de l’État. Nous avons la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur la protection des renseignements personnels et des processus en place avec l’Agence du revenu du Canada et le ministre de la Justice, tandis que d’autres pays pourraient avoir fusionné ces mécanismes en un seul. Chaque pays pourrait avoir un processus différent, mais en vertu des accords, les obligations de fournir des renseignements sont réciproques, et les types de renseignements à communiquer sont semblables. Cette mesure permettrait au Canada de remplir ses obligations dans des situations où nos homologues seraient en mesure d’échanger des renseignements avec nous.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.
La sénatrice Andreychuk : S’agit-il de renseignements que nous fournirons sur nos contribuables, ou est-ce l’inverse? Ce qui m’inquiète, c’est que nous avons signé de nombreux accords, des projets de loi en matière de double imposition, et cetera, où le ministère — Affaires mondiales, Finances — doit déterminer si le pays respectera l’accord, veillera à ce que nous ayons les mêmes protections que celles auxquelles nous nous attendons pour nos citoyens. Vous évaluez donc sur le plan politique le pays avec lequel vous faites affaire et si celui-ci aura le même objectif en matière de confidentialité et de protection des renseignements personnels, et tout cela.
Vous ajoutez une autre couche. Le ministre disposera-t-il d’un pouvoir discrétionnaire en vertu de ce projet de loi? Je sais qu’il existe un processus judiciaire, mais le ministre dira-t-il : « Non, les temps ont changé, nous avons signé un accord et nous n’allons pas nous engager dans cette affaire »? S’agit-il de recevoir des renseignements ou d’en transmettre?
M. McGowan : Je vous remercie de votre question.
Il y a trois points à aborder. Le premier, c’est qu’il s’agit d’accords réciproques. Un homologue étranger peut demander au gouvernement du Canada des renseignements sur des contribuables canadiens, tout comme le Canada pourrait demander à l’homologue étranger des renseignements sur ses résidants. Cette mesure concerne la communication de renseignements sur les contribuables canadiens.
Le deuxième, comme vous l’avez souligné, c’est l’existence d’un processus judiciaire. Que ce soit le ministre des Finances, du Revenu ou de la Justice, le ministre ne serait pas en mesure d’obtenir une demande — l’Agence du revenu du Canada ne peut tout simplement pas obtenir ces demandes et envoyer les renseignements là où cette mesure s’appliquerait. Il existe un processus qui prévoit deux demandes adressées au tribunal relativement à une ordonnance d’obtention d’éléments de preuve et une ordonnance de transmission.
Cela m’amène en quelque sorte à mon troisième point : à la réception de la demande, le ministère de la Justice évalue si la demande est appropriée et, à ce stade, il peut l’étudier et dire qu’elle n’est pas appropriée, parce qu’il s’agit d’une expédition de pêche, que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’accord ou pour toute autre raison. Il peut établir s’il s’agit ou non de quelque chose qui doit être poursuivi et il présenterait finalement une demande à un tribunal afin que celui-ci émette une ordonnance de transmission.
Le gouvernement canadien procède à cette évaluation initiale avant de s’adresser au tribunal, mais le processus d’approbation du tribunal est également important afin que les droits à la protection des renseignements personnels des Canadiens soient respectés et qu’il soit approprié de communiquer des renseignements en vertu de l’accord.
La sénatrice Andreychuk : Quel ministre aurait le droit de dire non et de procéder à cette évaluation? Est-ce le ministre des Finances, des Affaires mondiales? Est-il tenu de dire oui à moins de pouvoir prouver quelque chose ou est-ce un pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré de décider, sur le plan tant politique qu’administratif, s’il veut dire oui ou non?
M. McGowan : Le ministère de la Justice procède à l’examen initial, et une fois qu’il est convaincu que la demande est appropriée en vue d’une décision par le tribunal, il la défère ensuite à celui-ci.
La sénatrice Andreychuk : C’est là mon problème, car vous avez peut-être signé un accord. Autrefois, nous pouvions être raisonnablement assurés que certains pays appliqueraient des processus similaires aux nôtres. Nous avons signé de nombreux accords avec des pays qui ont des systèmes différents, mais ils ont également des régimes politiques différents qui se succèdent. Est-ce le ministre de la Justice qui décidera? C’est en grande partie un jugement de valeur, c’est ce que je veux dire : le ministre de la Justice aurait-il la capacité de le faire, ou est-ce vraiment une question de politique étrangère?
M. McGowan : Je ne sais tout simplement pas si le ministère de la Justice, d’office, consulterait le ministère des Affaires étrangères. Je sais qu’il effectue l’évaluation initiale et, en plus des droits réciproques de demander de l’information, ces ententes prévoient des obligations réciproques de protéger adéquatement les renseignements sur les contribuables et de s’assurer qu’ils seront utilisés à des fins appropriées.
Le ministère devrait avoir la capacité de réaliser cette évaluation. On lui a confié cette tâche, et la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle est appliquée à d’autres fins actuellement. Même dans les cas où le ministère de la Justice prend une telle décision, sans aucun doute au meilleur de ses capacités, la demande est présentée à deux reprises devant un tribunal. Alors, il est possible de se prévaloir d’un contrôle judiciaire et des droits de contrôle connexes. Nombre de garanties sont en place.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : Ma question a deux volets, dont le premier a déjà été soulevé par ma collègue, la sénatrice Andreychuk. Il reste un détail à clarifier dans mon esprit. Étant donné la nature réciproque de l’échange d’information, je comprends qu’il s’agit d’un processus qui va exiger des comparutions et que cela va se faire par étapes, mais le tout dans un contexte qui est protégé — du moins dans le contexte canadien — par le régime de lois qui visent l’accès à l’information et les renseignements privés et confidentiels des individus.
Je me pose la question à la lueur de la réciprocité de ce dont on parle. S’il s’agit, pour l’autre État, d’un régime de protection des renseignements qui est différent, soit plus sévère ou moins sévère que le nôtre — et on sait que le Canada a fait des progrès —, quel sera le test applicable? Est-ce que le Canada est le plus sévère des deux? Y aura-t-il un choix clair ou cela demeurera-t-il en quelque sorte discrétionnaire selon le contexte?
[Traduction]
M. McGowan : La demande doit respecter les normes et les seuils prévus par le droit canadien avant que le Canada fournisse l’information. Le tribunal et le ministère de la Justice, dans son examen préliminaire, devront être convaincus que les droits prévus par les lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels, y compris la Charte, sont respectés si l’information était transmise à un État étranger.
Si ce pays étranger possède un régime de protection des renseignements différent, le ministère de la Justice et les tribunaux devront être convaincus que les normes et les droits canadiens en matière de protection des renseignements personnels sont respectés.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : Prenons un exemple où ce sont mes renseignements qui doivent être partagés et que je suis très sensible à la confidentialité de mon information. J’aimerais limiter le plus possible le partage de cette information. Cependant, les lois canadiennes permettent un partage avec lequel je ne suis pas à l’aise, et je constate que l’État avec lequel les renseignements seront partagés a un régime qui est plus sévère.
Est-ce que je peux profiter des avantages que j’aurais à conserver la confidentialité de mes renseignements en évoquant le droit d’appliquer le test plus élevé quant au partage de cette information?
[Traduction]
M. McGowan : La norme applicable serait les droits à la protection des renseignements personnels du Canada avant que l’information ne puisse être transmise à un pays étranger. Si le pays étranger possède des droits plus sévères à l’égard de l’échange d’information, il devra respecter ses propres lois nationales en ce qui concerne son utilisation de l’information après l’avoir reçue.
Pour savoir s’il communiquera l’information au pays étranger, le Canada appliquera ses normes afin de s’assurer que le pays étranger a mis en place des garanties adéquates.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : Merci.
[Traduction]
Le président : C’est ce qui met fin à la partie 1, mais il y en a une autre. Pourriez-vous nous dire laquelle? Quel est le nom exact de votre mesure que vous dites que nous avons oublié?
M. McGowan : Excusez-moi. Je voulais seulement m’assurer que nous n’avions rien manqué. Elle concerne les règles sur la fraction à risques pour les paliers de sociétés de personnes et se trouve à l’article 8 du projet de loi.
Le président : D’après l’information que j’ai devant moi, nous avons examiné cela plus tôt, ou pendant la réunion avant le déjeuner. Ce sont les règles sur la fraction à risques pour les paliers de sociétés de personnes, et c’est à la page 7 de 20.
Pour plus de précision, et parce que nous sommes tenus par la loi de le faire, si vous voulez en discuter de nouveau, je suis bien prêt à l’accepter. Par conséquent, tout le monde convient que nous avons sauté ce sujet, alors monsieur McGowan, veuillez faire vos observations sur les règles sur la fraction à risques pour les paliers de sociétés de personnes.
M. McGowan : Cette mesure concerne les règles sur la fraction à risques pour les paliers de sociétés de personnes. Il existe actuellement un ensemble de règles dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui limitent le montant des pertes fiscales qui peut être transféré de la société de personnes à ses commanditaires selon ce qu’on appelle la fraction à risques de l’intérêt.
D’une façon générale, on peut concevoir qu’il s’agit du montant investi qui est une fraction à risques dans la société de personnes. Si un commanditaire investit 100 $ dans une société de personnes, il peut retirer jusqu’à 100 $ de pertes, après quoi les pertes deviendraient restreintes et pourraient être utilisées plus tard, mais elles feraient l’objet des limites relatives à la fraction à risques.
Il existe actuellement un ensemble de règles dans la Loi de l’impôt sur le revenu, et cet amendement répond à une décision de la Cour d’appel fédérale selon laquelle, en effet, les règles sur la fraction à risques ne s’appliquent pas adéquatement dans le contexte des paliers de sociétés de personnes. C’est lorsqu’une société de personnes est elle-même membre d’une autre société de personnes, laquelle pourrait être membre d’une autre société de personnes, et ce, à l’infini.
La cour a jugé que le libellé législatif présentait certaines lacunes qui font en sorte que, essentiellement, les règles ne s’appliquent pas correctement lorsqu’il y a des paliers de sociétés de personnes.
L’amendement vise à garantir que les règles fonctionnent comme il se doit lorsque des sociétés de personnes sont elles-mêmes commanditaires dans d’autres sociétés de personnes. La loi s’applique correctement à chaque palier de sociétés de personnes et veille à ce que la politique sous-jacente aux règles sur la fraction à risques soit maintenue.
Comme je l’ai dit, cela se trouve à l’article 8 du projet de loi.
Le président : Monsieur McGowan et monsieur Leblanc, je vous remercie beaucoup. Cela conclut la partie 1.
Nous allons passer à la partie 2. Nous recevons des fonctionnaires du ministère des Finances Canada. Nous avons avec nous Robert Ives, conseiller principal, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt; Carlos Achadinha, directeur principal, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, et Pierre Mercille, directeur général, Législation sur la taxe de vente, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt.
[Français]
Monsieur Mercille, avant de vous donner la parole, j’aimerais apporter une précision.
[Traduction]
Mesdames et messieurs, pour la partie 2, nous avons les mesures suivantes, que je vais nommer. Il est convenu que M. Mercille les commentera toutes, et nous allons ensuite passer directement aux questions.
Par conséquent, monsieur Mercille, nous allons vous poser des questions sur les sections suivantes : A. Unité d’émission; B. Traitement des fiducies de régimes enregistrés d’épargne-études collectifs sous le régime de la TPS/TVH — prolongation de la période de cotisation; C. Sociétés en commandite de placement; D. Remboursement pour les livres imprimés; E. Période de cotisation — demandes péremptoires de renseignements et ordonnances d’exécution; et, enfin, F. Communication de renseignements dans le cadre d’affaires criminelles.
[Français]
Pierre Mercille, directeur général, Législation sur la taxe de vente, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Bonjour. La partie 2 du projet de loi modifie la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise afin de mettre en œuvre des mesures relatives à la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe de vente harmonisée (TVH). Les amendements commencent à l’article 41, à la page 44 du projet de loi, et se terminent à l’article 60, à la page 62 du projet de loi.
Les amendements prévus dans la partie 2 sont essentiellement des modifications de nature technique, soit des améliorations aux règles relatives à la TPS et à la TVH afin que les règles correspondent davantage à l’intention visée par la politique fiscale.
[Traduction]
La première mesure modifie la façon dont la TPS/TVH payable sur la vente d’unités d’émission de carbone doit être comptabilisée. Ces unités d’émission ou permis sont créés par des entités gouvernementales et accordés aux émetteurs de carbone et d’autres gaz à effet de serre.
À la fin d’une période de conformité, les émetteurs ayant des unités excédentaires pourront les vendre à d’autres entreprises qui ont dépassé leur cible en matière d’émissions. C’est le cas en vertu du système de plafonnement et d’échange, par exemple.
Le transfert de ces unités entre des entreprises est assujetti à la TPS/TVH. La modification ne change pas le montant de TPS/TVH payable sur une telle vente, mais précise que l’acheteur des unités d’émission de carbone est responsable de l’autocotisation de la taxe.
On a ainsi remplacé l’ancienne exigence en vertu de laquelle le vendeur de l’unité percevait la taxe auprès de l’acheteur et la remettait à l’Agence du revenu du Canada.
Ce faisant, on harmonise les règles canadiennes avec la façon dont ces unités sont généralement traitées à l’échelle internationale, comme dans la plupart des pays de l’Union européenne où la taxe sur la valeur ajoutée s’applique et où il y a des systèmes de plafonnement et d’échange.
Il convient de souligner que les entreprises qui achètent ces unités participent généralement à des activités commerciales et auraient généralement le droit de demander un crédit de taxe compensateur sur les intrants.
La prochaine mesure est simplement une règle de temps. Elle prolonge la période d’évaluation des fiducies des régimes enregistrés d’épargne-études collectifs qui ont fait un choix particulier de rétroactivité et d’allégement en vertu du règlement proposé sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise.
Étant donné que le choix rétroactif s’appliquerait à la période du 1er juillet 2010 au 22 juillet 2016, la modification fait en sorte que l’ARC ne sera pas empêchée par la loi d’évaluer les déclarations antérieures des fiducies de REEE collectifs qui choisissent la rétroactivité.
La modification permet à l’ARC d’établir une cotisation visant la TPS/TVH à l’endroit de ces fiducies de REEE collectifs dans un délai de quatre ans à partir de l’adoption de ces modifications, mais seulement à l’égard des conséquences fiscales de ce choix.
La mesure suivante concerne les sociétés en commandite de placement. Elle garantit que le traitement de la TPS/TVH des sociétés en commandite de placement est compatible avec celui d’autres instruments de placement collectif grâce à l’application aux sociétés en commandite de placement des règles spéciales de la TVH qui s’appliquent actuellement aux régimes de placement.
Les sociétés en commandite de placement comprennent généralement les sociétés en commandite créées pour investir au nom d’un groupe d’investisseurs. Il y a essentiellement trois amendements à cet égard dans la partie 2 du projet de loi. Selon la première modification, les sociétés en commandite de placement comptant des investisseurs dans une province assujettie à la TVH et dans au moins une autre province doivent déterminer leur responsabilité en matière de TVH en fonction de l’endroit où se trouvent les investisseurs, comme c’est actuellement le cas pour les régimes de placement.
Ces modifications confirment également la politique fiscale de longue date selon laquelle les services de gestion et d’administration sont assujettis à la TPS/TVH lorsque ces services sont fournis à une société en commandite de placement par son commanditaire.
Enfin, ces modifications procurent généralement un allégement de la TPS/TVH aux sociétés en commandite de placement, dont 95 p. 100 ou plus des participations sont détenues par des investisseurs non-résidents.
La mesure suivante porte sur le remboursement fédéral applicable aux livres imprimés. Les établissements d’enseignement et d’alphabétisation ont droit à un remboursement de la TPS ou de la composante fédérale de la TVH payée sur les livres imprimés qu’ils achètent pour leur propre usage dans le but d’aider des gens à apprendre à lire et à améliorer leurs compétences en lecture.
Conformément à l’intention de la politique, la modification précise que le remboursement ne s’applique pas aux livres imprimés que ces institutions achètent pour les vendre séparément ou dans le cadre de la fourniture d’un autre bien ou service.
La prochaine mesure instaure une nouvelle règle afin de prolonger la période de cotisation d’une personne par la période durant laquelle une demande de renseignements ou une ordonnance d’exécution est contestée devant les tribunaux. Cette mesure est semblable à celle qui est instaurée dans la partie 1 du projet de loi pour la Loi de l’impôt sur le revenu, et on l’intègre dans la partie 2 pour assurer une cohérence entre les diverses lois fiscales.
Je rappelle tout de suite qu’une modification semblable est prévue dans la partie 3 du projet de loi à l’égard des lois sur la taxe d’accise, encore une fois pour assurer une cohérence entre les diverses lois fiscales.
La dernière mesure découle des modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu dans la partie 1 du projet de loi. À l’instar de la modification prévue dans la partie 1, la mesure supprime une restriction prévue dans la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, ce qui permet l’échange de renseignements fiscaux avec les partenaires d’entraide juridique du Canada à l’égard d’actes qui, s’ils étaient commis au Canada, constitueraient des crimes graves.
Les deux modifications visent également à harmoniser la Loi sur la TPS/TVH avec les règles en vigueur en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Premièrement, la mesure supprime une restriction semblable prévue dans la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour permettre la communication aux policiers canadiens de renseignements fiscaux liés à des infractions graves si cette divulgation est actuellement permise en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Deuxièmement, la mesure supprime une restriction semblable prévue dans la partie IX pour permettre la communication de renseignements fiscaux uniquement aux fins d’une disposition d’une convention fiscale si cette divulgation est actuellement permise à l’égard des renseignements sur les contribuables en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Une modification semblable est également apportée dans la partie 3 du projet de loi en ce qui concerne la Loi de 2001 sur l’accise, et, encore une fois, elle vise à assurer une cohérence entre des règles semblables dans diverses lois fiscales.
[Français]
Voilà qui conclut ma description des mesures prévues dans la partie 2 du projet de loi.
[Traduction]
Le président : Merci.
La sénatrice M. Deacon : Vous avez parlé brièvement du remboursement des livres imprimés, et je me demande pourquoi, en 2018, on n’a pas tenu compte des livres électroniques dans cette politique. La valeur du remboursement dans ce secteur est-elle importante?
Carlos Achadinha, directeur principal, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je vais répondre à cette question. On a mené beaucoup de discussions pour définir ce qu’est un livre électronique et on a examiné la question. Comme vous pouvez l’imaginer, ce n’est pas vraiment comme un livre imprimé. Il n’est pas... Les autorités fiscales ailleurs dans le monde essaient de définir ce qu’est un livre électronique. En quoi est-il différent d’un logiciel ou de quelque chose qu’on peut télécharger? C’est difficile de définir clairement ce concept et de l’intégrer dans un projet de loi de façon à indiquer exactement ce qui est visé.
C’est une question relativement nouvelle, et c’est quelque chose auquel se heurtent les représentants fiscaux et les fonctionnaires de l’impôt partout dans le monde : comment traiter un élément qui vient sous forme électronique?
La sénatrice M. Deacon : Si vous me le permettez, je crois que c’est un peu ambigu et qu’il est difficile d’apporter des précisions. Si votre mesure, qui vise à soutenir les livres imprimés, peut aider les gens à apprendre à lire et à améliorer leurs compétences en lecture et en écriture, n’est-ce pas ce qui sous-tendrait davantage le processus décisionnel? Quels sont les outils qui aident les gens à améliorer leurs compétences en lecture et en écriture, qu’il s’agisse d’un livre électronique ou non? J’ai un peu de difficulté avec ce concept parce que l’avantage, au bout du compte, c’est l’élément d’apprentissage.
M. Achadinha : Je comprends. La politique prévoit un allégement pour les livres et les documents imprimés qu’achète l’établissement pour son propre usage afin d’éduquer les gens et de faire la promotion de l’alphabétisation. La mesure est ciblée. Lorsqu’elle a été présentée, elle visait les livres imprimés. Il était plus facile de définir ce qu’est un livre imprimé et d’établir des paramètres à cet égard.
Le livre électronique est un concept beaucoup plus compliqué, et il est plus difficile de déterminer des paramètres qui le définissent. On peut télécharger des logiciels. C’est difficile parce que le livre électronique comporte différents aspects, et les autorités fiscales cherchent à trouver une façon de définir ces nouveaux concepts et ces nouvelles questions pour savoir comment les biens sont fournis.
La sénatrice M. Deacon : J’ai de la difficulté à comprendre, mais d’accord, merci.
Le sénateur Klyne : Puis-je poser une question complémentaire à ce sujet?
Le président : Allez-y, monsieur le sénateur Klyne, avec votre question complémentaire.
Le sénateur Klyne : Si un livre est offert, peut-être en ligne, je peux commander la version imprimée ou télécharger sa version électronique.
M. Achadinha : Encore une fois, nous parlons d’un remboursement qui s’applique seulement à diverses institutions du secteur public qui jouent un rôle dans l’éducation, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture et la promotion de l’alphabétisation. C’est un remboursement très précis à l’intention d’un groupe de gens en particulier.
Le sénateur Klyne : Alors, dans une collectivité nordique éloignée où la meilleure façon d’accéder à ce livre serait peut-être de le télécharger, le remboursement ne s’appliquerait pas. C’est le même contenu, mais dans deux formats différents.
M. Achadinha : Le problème, avec tout le respect que je vous dois, c’est que même le format est difficile à définir. Qu’est-ce qu’un livre électronique? Un logiciel est-il un livre électronique? On ne dirait pas qu’un logiciel est un document écrit. Conceptuellement, définir les paramètres d’une chose qu’on peut télécharger est beaucoup plus difficile qu’un bien tangible pour lequel on peut trouver une définition et établir des règles.
Le sénateur Klyne : Le fournisseur ne serait-il pas responsable d’administrer le remboursement à mesure que nous allons de l’avant? Vous allez permettre...
M. Achadinha : C’est un remboursement que l’acheteur réclamerait. Il lui reviendrait de déterminer si ce qu’il a acheté est un objet imprimé admissible.
Le sénateur Klyne : J’ai encore de la difficulté à comprendre. Très bien.
M. Achadinha : C’est un problème; je crois que les autorités fiscales ailleurs dans le monde qui ont des règles spéciales pour les livres éprouvent des difficultés avec la façon de traiter ce nouveau contenu électronique. On ne parle plus de livre, il s’agit davantage d’un contenu électronique.
Le sénateur Klyne : C’est ce vers quoi les choses évoluent, alors pourquoi n’iriez-vous pas droit au but au lieu de tourner autour du pot?
M. Achadinha : Encore une fois, lorsqu’on se procure une chose électronique, dans nombre de cas, on obtient beaucoup plus que simplement un document imprimé; on peut acquérir beaucoup de documents de soutien et des droits à diverses autres choses. Cela va bien au-delà de ce qu’on obtiendrait avec un livre comparable.
Le sénateur Klyne : D’accord. Merci.
La sénatrice Andreychuk : Puis-je poser une question complémentaire à ce sujet? Au risque de dévoiler mon âge, cela n’a-t-il pas été ajouté lorsque la TPS et la TVH et tout cela ont vu le jour? N’y avait-il pas une exclusion pour les universités qui achètent des livres? Un grand nombre de parlementaires affirmaient que les universités devraient bénéficier d’une exemption. Ensuite, ils ont dit que les universités vendent également des livres parce qu’elles possèdent des librairies. C’était à des fins d’éducation que nous avons accordé une exemption aux universités.
M. Achadinha : C’est exact. C’est une mesure qui a été prise après l’instauration de la TPS quelques années plus tard. Elle visait précisément à aider ces organisations à acheter des livres qu’elles utilisaient à des fins d’éducation, de promotion et d’aide à l’apprentissage de la lecture.
La sénatrice Andreychuk : Je me souviens de beaucoup de négociations à cette époque. Nous voulions élargir cela, et, au final, nous nous sommes arrêtés sur les livres imprimés. Je crois que la question posée par mes collègues est juste; on souhaite que le Parlement réévalue si l’ancien concept du livre imprimé est suffisant maintenant pour les établissements d’enseignement et on se demande si on devrait essayer de trouver une définition qui va au-delà du livre imprimé, mais c’est un travail en cours.
Le président : Avant de passer à la partie 3, nous allons donner la parole au sénateur Boehm.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui. On discute beaucoup des unités d’émission de carbone et de leur fonctionnement, alors pour ce qui est de l’obligation d’autocotisation de la taxe sur les produits et services par l’acheteur, quels en sont les avantages? Monsieur Mercille, dans vos observations, vous avez fait remarquer que c’est la pratique de certains pays de l’Union européenne. L’autocotisation a-t-elle fonctionné? Avez-vous effectué une analyse pour montrer la façon dont elle fonctionnerait en réalité et établir des prévisions à cet égard?
M. Achadinha : Je vais répondre à la question. Dans le contexte canadien, il s’agit d’une « approche axée sur l’autocotisation ». Dans l’Union européenne et dans d’autres administrations, il s’agit d’une « taxe au preneur ». Cela suppose que l’on s’impose soi-même. On achète quelque chose, on s’impose soi-même et on le comptabilise.
C’est plus courant lorsqu’il y a une transaction commerciale. Dans le cas des entreprises assujetties à des régimes sur la valeur ajoutée, comme la TPS, la notion et la conception sont généralement que les entreprises peuvent récupérer la taxe qu’elles paient sur leurs intrants. Ce serait un intrant qu’elles utilisaient pour mener leurs activités imposables, leurs activités commerciales. Si elles acquièrent un bien, elles détermineraient si la taxe s’applique. En même temps, elles pourraient demander un crédit de taxe sur les intrants compensateur, alors cela comporte des avantages. Dans la plupart des cas, il s’agit de grandes entreprises qui possèdent des processus comptables très solides et très rigoureux. Elles comptabilisent facilement ces mécanismes, et c’est la façon dont la fiscalité internationale a traité ces biens. Dans certains cas, les unités d’émission ne relèvent pas d’un seul pays; elles sont des fournitures internationales, alors il y a également un avantage à ce que la TPS soit cohérente avec la façon dont ces biens sont traités à l’échelle internationale.
Le sénateur Boehm : Vous allez donc examiner les pratiques exemplaires, par exemple, relativement à ce que font les Allemands?
M. Achadinha : Cela se fait depuis un certain nombre d’années. D’après nos entretiens avec d’autres pays, les choses fonctionnent bien pour eux.
Le sénateur Boehm : D’accord. Merci.
Le président : Merci. Je remercie chaleureusement les fonctionnaires qui ont présenté la partie 2.
Nous allons maintenant passer, mesdames et messieurs les sénateurs, à la partie 3. Nous recevons M. Mercille, accompagné de M. Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, et nous avons quatre petites mesures pour la partie 3.
Merci, monsieur Coulombe, d’être ici. Je vais vous demander de présenter votre exposé, qui sera suivi de questions.
[Français]
Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, honorables sénateurs et sénatrices. C’est toujours un plaisir pour moi d’être ici.
[Traduction]
Je vais commencer par la mesure sur la taxation des combustibles. La mesure proposée a d’abord été annoncée dans le cadre d’une vaste consultation sur les propositions législatives fiscales en juillet 2018. Le texte de la mesure proposée se trouve à l’article 61 de la Loi no 2 d’exécution du budget.
Comme vous le savez peut-être, le gouvernement du Canada applique une taxe d’accise de 4 cents le litre sur le combustible diesel fabriqué ou importé au Canada. L’application de la taxe d’accise sur le carburant diesel est levée dans certaines circonstances, notamment en cas de production d’électricité.
À l’heure actuelle, seuls les fabricants et les grossistes agréés peuvent vendre du combustible diesel exempté de la taxe d’accise. Lorsque les acheteurs acquièrent du carburant diesel auprès de vendeurs non licenciés pour l’utiliser dans le cadre d’activités exemptées de la taxe d’accise, ils doivent plutôt demander un remboursement de la taxe d’accise intégrée à l’Agence du revenu du Canada.
Cette situation peut créer des problèmes de trésorerie pour certains acheteurs et désavantager des vendeurs non licenciés par rapport aux grossistes et aux fabricants agréés.
Pour uniformiser les règles du jeu entre tous les vendeurs, cette mesure modifie la Loi sur la taxe d’accise pour élargir le régime afin de permettre au vendeur de demander un remboursement lorsque l’acheteur utilise le combustible diesel sur lequel la taxe d’accise a été payée pour produire de l’électricité, si certaines conditions sont remplies. Ces conditions sont, entre autres, que la quantité de carburant diesel livrée par le fournisseur à l’acheteur soit d’au moins 1 000 litres et que l’acheteur certifie que le carburant diesel sera utilisé exclusivement pour produire de l’électricité.
En pratique, les vendeurs non licenciés seront en mesure de tenir compte des circonstances précises dans lesquelles la taxe d’accise est exonérée et de rajuster les prix en conséquence afin de pouvoir faire concurrence aux fabricants et aux grossistes agréés.
Cette mesure entrera en vigueur dès que la loi habilitante aura reçu la sanction royale.
La deuxième mesure prévue par le projet de loi concerne la taxation du cannabis. L’amendement se trouve à l’article 63 de la Loi d’exécution du budget.
[Français]
Le gouvernement s’est engagé à autoriser l’accès réglementé restreint au cannabis pour garder cette substance hors de la portée des jeunes et priver les criminels des profits qui découlent de son commerce. Pour y arriver, il faudra maintenir des droits à un faible niveau et collaborer avec les provinces et les territoires afin de poursuivre une approche coordonnée de la taxation. Des modifications législatives à la Loi de 2001 sur l’accise, liées à un nouveau cadre fédéral du droit d’accise, ont été mises en œuvre au moyen de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2018. Le gouvernement fédéral a par la suite signé des ententes avec la plupart des gouvernements provinciaux et territoriaux pour mettre en œuvre un cadre coordonné de taxation du cannabis. À cet effet, des règlements décrivant les taux de droits d’accise additionnels pour chaque administration signataire du cadre coordonné ont été annoncés le 17 septembre 2018.
[Traduction]
Ce cadre est entièrement entré en vigueur le 17 octobre 2018, date à laquelle le cannabis à des fins non médicinales est devenu offert pour la vente au détail légale. Les produits du cannabis sont généralement assujettis à un droit combiné fédéral-provincial équivalant au plus élevé des deux taux suivants : un taux uniforme de 1 $ le gramme ou un taux ad valorem de 10 p. 100 du prix de vente du producteur.
L’article 63 de la partie 3 met en application des modifications à la Loi de 2001 sur l’accise pour introduire une règle anti-évitement dans le cadre des règles d’établissement de la valeur d’un produit de cannabis sur lequel on calcule le droit ad valorem pour garantir que les droits sur le cannabis sont calculés en fonction de la valeur qui convient dans certaines circonstances. Plus précisément, cette modification technique fait en sorte que le droit ad valorem s’applique comme prévu au prix fixé par le producteur du produit de cannabis ou à la juste valeur marchande du produit dans le cas d’une transaction indépendante.
En outre, des modifications d’ordre administratif sont nécessaires pour deux dispositions du cadre de la taxe d’accise sur le cannabis afin que les versions anglaise et française de la loi soient cohérentes.
[Français]
Mon collègue, Pierre Mercille, a déjà traité des mesures liées à la prolongation de la période de cotisation, que l’on retrouve aux articles 62, 64 et 65 du projet de loi, de même que celles qui portent sur la communication de renseignements personnels, que l’on retrouve à l’article 66 du projet de loi. Donc, ce sont deux mesures techniques, quelques modifications pour veiller à la cohérence entre le français et l’anglais, et quelques modifications pour veiller également à la cohérence avec les régimes généraux d’administration dans les lois fiscales.
Je suis prêt à répondre à toute question que vous pourriez avoir. Merci.
Le président : Merci.
Le sénateur Forest : J’ai une question rapide. La première concerne la taxe sur le cannabis. On taxe au même taux actuellement le cannabis à des fins thérapeutiques et le cannabis à des fins récréatives. Ne serait-il pas logique d’avoir une distinction du poids de la taxe sur le cannabis à des fins thérapeutiques par rapport au cannabis à des fins récréatives?
M. Coulombe : Merci de la question. Premièrement, l’article qui est à l’étude par le comité ne concerne pas le traitement différencié entre le cannabis prévu à des fins médicales ou non.
Je tiens à rappeler aux membres du comité que, lors de l’introduction du régime de taxation du cannabis, nous avions précisé qu’une exemption totale serait incluse pour les produits qui contiennent moins de 0,3 p. 100 de THC. Donc, ces produits sont déjà exclus du cadre fédéral d’accise, de même que les produits qui pourraient avoir un taux de THC supérieur à 0,3 p. 100, mais qui ont un numéro d’identification de drogue qui est remis par Santé Canada.
Dans le budget de 2018, le gouvernement a annoncé que Santé Canada était en train de revoir l’attribution de ses numéros d’identification de drogues par rapport à certains produits de cannabis qui peuvent être utilisés à des fins médicales, afin de voir si la liste pouvait être élargie à l’avenir. C’est un processus qui est en cours. Je ne suis pas en mesure de donner toute autre information à cet égard.
Le sénateur Forest : Si je comprends bien, une analyse est menée afin de différencier le taux d’un produit thérapeutique par rapport à un produit récréatif.
M. Coulombe : Il y a déjà un régime en place qui peut faire en sorte, dans certaines circonstances, qu’une telle différenciation existe. C’est le cas pour les produits qui contiennent moins de 0,3 p. 100 de THC. Nous sommes devant un régime nouveau. Je m’attends à ce que des modifications soient apportées à différents aspects du régime au cours des prochaines années. Je ne peux pas me prononcer sur les spécifications.
Le sénateur Forest : Je comprends.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, elle s’adresse peut-être à d’autres fonctionnaires du ministère des Finances. Nous entendons parler des pénuries de cannabis. Est-ce que les recettes prévues continuent de s’appliquer pour ce qui est de la taxation?
M. Coulombe : Comme je l’ai mentionné au cours de mon exposé, la date de la légalisation était le 17 octobre, ce qui veut dire que, pour ce qui est du premier mois, les producteurs auront jusqu’à la fin du présent mois pour remettre les montants à l’ARC. Nous connaîtrons dans les prochains mois...
La sénatrice Marshall : Bientôt.
M. Coulombe : ... les recettes réalisées au cours du premier mois.
Le premier mois comporte également la présumée taxe sur les stocks visant tous les produits qui avaient été emmagasinés par les grossistes et les producteurs avant la date de légalisation, alors les recettes ne refléteront peut-être pas totalement la situation.
Nous espérons être en mesure de faire rapport à nos partenaires provinciaux au début de la prochaine année. Des rajustements seront effectués aux prévisions des recettes suivant les publications futures du ministère des Finances.
La sénatrice Marshall : Cela sera probablement publié dans environ un mois?
M. Coulombe : Non, ce sera plus long. Nous devons réaliser les premières évaluations afin de nous assurer que les données ont été gérées et analysées correctement. Encore une fois, il s’agit d’un nouveau cadre de taxation...
La sénatrice Marshall : Oui, je sais.
M. Coulombe : ... alors c’est une question d’établir un juste équilibre. Il importe d’informer les Canadiens et nos partenaires provinciaux des recettes perçues. En même temps, nous devons nous assurer qu’un mécanisme de freins et de contrepoids est en place pour que nous puissions communiquer la bonne information.
La sénatrice Marshall : Merci.
Le sénateur Klyne : C’est l’introduction d’une taxe anti-évitement. Comment touche-t-elle la vente clandestine de cannabis? Va-t-elle accroître la différenciation?
M. Coulombe : La mesure proposée n’a pas d’incidence sur cette question en particulier. Il s’agit simplement de s’assurer que la valeur de base à partir de laquelle on pourrait calculer le droit ad valorem est la bonne valeur lorsque des exploitants exercent leurs activités de façon indépendante.
Le sénateur Klyne : Qui paie la taxe?
M. Coulombe : Les droits d’accise sur les produits du cannabis sont toujours payés par les derniers producteurs fédéraux autorisés. Ces producteurs sont autorisés par l’ARC de même que mes collègues du ministère de la Santé.
Le sénateur Klyne : Alors cela a déjà été inclus dans le prix avant octobre...
M. Coulombe : Le régime fiscal a été présenté dans le cadre de la Loi no 1 d’exécution du budget. Nous avons ajouté une nouvelle partie à la Loi de 2001 sur l’accise. La loi impose actuellement des droits d’accise sur le tabac, le vin et les spiritueux, alors une nouvelle partie y a été ajoutée. La plupart des caractéristiques administratives générales de cette loi s’appliquent maintenant aux producteurs de cannabis.
Le président : Je remercie infiniment les témoins de leur présence, de leurs commentaires et de leurs explications des mesures et des amendements de la Loi sur la taxe d’accise — les mesures d’accise — de la partie 3. Cela conclut la partie 3.
Mesdames et messieurs les sénateurs, notre prochaine séance se tiendra demain, à 13 h 45, dans la salle 160-S de l’édifice du Centre et portera sur l’examen de la partie 4, qui comporte diverses mesures et sections.
(La séance est levée.)