Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 87 - Témoignages du 19 février 2019


OTTAWA, le mardi 19 février 2019

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour étudier les processus et les aspects financiers du système d’approvisionnement en matière de défense du gouvernement du Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs, aux membres de leur personnel et à tous nos employés dans notre nouvelle demeure. On me dit qu’il s’agit de l’installation la plus moderne des pays du G7, pour ne pas dire des pays du G20. Bienvenue chez vous.

Je m’appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes dans la salle et aux personnes de partout au pays qui pourraient être en train de nous regarder à la télévision ou en ligne.

[Français]

J’aimerais rappeler à nos auditeurs et auditrices que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne à l’adresse sencanada.ca.

[Traduction]

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, Ontario.

Le sénateur Pratte : André Pratte, Québec.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, Saskatchewan.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, Ontario.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

[Français]

Le président : J’aimerais aussi reconnaître la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, de même que nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui, ensemble, appuient les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, membres du public qui nous regardent, le mandat du comité consiste à se pencher sur les affaires liées aux budgets des dépenses fédéraux en général ainsi que sur les finances du gouvernement. Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude spéciale de l’approvisionnement militaire, que nous avons commencée le 30 octobre 2018.

[Français]

Au cours de la première heure, nous recevrons la dirigeante principale des finances par intérim de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, Mme Julie Charron. Merci d’avoir accepté notre invitation, madame.

[Traduction]

Elle est accompagnée de Werner Liedtke, sous-ministre adjoint associé par intérim, Finances, ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes.

Bienvenue à vous deux.

Au début du mois de décembre, le ministère a proposé au comité de lui présenter une séance d’information sur les dépenses de la Défense et sur l’établissement des coûts au titre de la politique de la Défense intitulée Protection, Sécurité, Engagement. Mesdames et messieurs, nous avons vu cela comme une bonne occasion de compléter les renseignements de suivi que le ministère nous avait envoyés après ses dernières comparutions et comme une excellente occasion pour le comité — ses membres récents et tous les autres — d’obtenir des renseignements supplémentaires.

Je voudrais remercier le ministère de nous avoir envoyé sa représentante, Mme Charron. Nous sommes convaincus que vous nous fournirez plus d’information sur le sujet, conformément à l’ordre de renvoi du Sénat du Canada. La greffière m’a informé du fait que vous formulerez des commentaires, lesquels seront suivis par des questions des sénateurs.

[Français]

Madame Charron, la parole est à vous.

[Traduction]

Julie Charron, dirigeante principale des finances par intérim, ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes : Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de l’invitation à présenter un compte rendu technique sur le modèle de financement de la Défense nationale. Ce modèle a été un de nos éléments clés quand nous avons élaboré l’évaluation d’abordabilité de notre nouvelle politique de défense, Protection, Sécurité, Engagement, ou PSE. Je suis honorée de rencontrer des membres et des collègues distingués devant le comité.

Aujourd’hui, je suis accompagnée de M. Werner Liedtke, mon dirigeant principal adjoint des finances qui est chargé de la gestion financière.

[Français]

Alors que nous mettons en œuvre la politique Protection, Sécurité, Engagement (PSE), il importe que tous les intervenants comprennent clairement nos processus. Je suis heureuse de parler aujourd’hui de la souplesse dont la Défense dispose dans son modèle de financement et de la façon dont ce modèle influera sur la mise en œuvre de ladite politique au cours des 20 prochaines années. Dans le cadre de notre discussion, j’aimerais aussi vous fournir des renseignements généraux sur la façon dont nous calculons le coût des projets, sur le régime de gouvernance que nous employons pour gérer le financement du ministère et sur la façon dont nous faisons rapport de nos résultats.

[Traduction]

Le ministère de la Défense nationale est immense et complexe et regroupe un effectif autorisé de 71 500 membres de la Force régulière, 30 000 réservistes et environ 25 000 civils. En outre, il gère un portefeuille d’infrastructures comprenant environ 21 000 bâtiments, 2,2 millions d’hectares de terrain et 13 500 ouvrages tels que des jetées, des aérodromes, des aires d’entraînement et des routes.

Afin de répondre aux besoins du Canada en matière de défense au pays et à l’étranger, on prévoit qu’au cours des 10 prochaines années, les dépenses annuelles à ce titre, selon la comptabilité de caisse, passeront de 18,9 milliards de dollars — en 2016-2017 — à 32,7 milliards — en 2026-2027 —, soit une augmentation de plus de 70 p. 100. Pour l’exercice 2018-2019, le financement prévu s’établit à environ 21,7 milliards de dollars. Au cours des 20 prochaines années, la politique PSE comprendra un nouveau financement de 48,9 milliards de dollars pour la défense, selon la comptabilité d’exercice, ou de 62,3 milliards, selon la comptabilité de trésorerie.

Dans l’ensemble, nous dépensons à peu près 9,1 milliards au titre du personnel et des avantages sociaux connexes, 8,2 milliards pour le fonctionnement et l’entretien et 4,2 milliards au chapitre des immobilisations, puis nous affectons approximativement 200 millions aux subventions et aux contributions. Si vous allez à la diapositive 3, vous verrez un graphique montrant ce que je viens tout juste de mentionner.

[Français]

Le financement de la Défense nationale repose sur trois crédits et sur le financement prévu par la loi. Les crédits sont les suivants : le crédit 1 représente les dépenses de fonctionnement, le crédit 5 représente les dépenses en immobilisation et le crédit 10 représente les subventions et les contributions.

[Traduction]

Le modèle de financement de la Défense comporte trois volets. Les deux premiers sont ceux du fonctionnement et des subventions et contributions, dont les fonds sont précisés dans les niveaux de référence, ce qui s’apparente au modèle d’autres ministères. Le budget de fonctionnement comprend les salaires, l’utilisation et le maintien en puissance de l’équipement, l’instruction, la GI/TI, l’infrastructure, les opérations militaires, et cetera. Le volet des subventions et des contributions se rapporte surtout à nos contributions à l’OTAN.

[Français]

Le troisième volet est celui du financement pour les immobilisations. On y accède aussi par l’intermédiaire des niveaux de référence. Cependant, et c’est ce qui importe, ces fonds sont réservés aux immobilisations et sont affectés dans le cadre financier. Le budget des immobilisations sert à acheter des biens, de l’équipement et de l’infrastructure, qui seront utilisés pendant de nombreuses années. Depuis toujours, on met l’accent sur la taille du budget de la Défense nationale, ce qui a porté à croire qu’il existe une souplesse suffisante pour atténuer l’effet des nouvelles exigences. Cette diapositive présente le budget de la Défense sous un angle différent. Elle divise le budget dans ses principaux éléments, qui peuvent être classés comme étant fixes à court terme.

[Traduction]

J’attire votre attention sur les catégories suivantes : Subventions et contributions; Infrastructure; Affectations législatives; Approvisionnement national; Salaires; Immobilisations; et Autres frais de fonctionnement et d’entretien. Je voudrais souligner la catégorie figurant au bas du graphique; elle montre que, d’ici 2023-2024, 3,8 milliards de dollars seront affectés à la catégorie « Autres frais de fonctionnement et d’entretien ». Cette catégorie représente le financement discrétionnaire du ministère qui sert à faire face à des restrictions liées aux programmes ou à répondre à des exigences en matière de compensation. Il s’agit également du segment du budget du MDN qui finance l’instruction opérationnelle, les déplacements et le carburant des aéronefs, des navires et des véhicules.

[Français]

La politique PSE a offert une occasion d’introduire quelques changements importants quant à la façon dont le budget d’immobilisation est planifié et géré. L’investissement planifié dans les immobilisations prend en compte le développement des projets et des frais d’acquisition selon la comptabilité d’exercice, que l’on appelle en anglais :accrual accounting, pendant tout le cycle de vie des biens.

[Traduction]

Le gouvernement a réservé des fonds importants à la Défense nationale pour les 20 années visées par la politique PSE. Selon la comptabilité de trésorerie, une somme de 553 milliards de dollars a été affectée dans le cadre financier, ce qui comprend 389 milliards de dollars de dépenses de fonctionnement et 164 milliards de dollars au titre des immobilisations.

[Français]

L’énoncé économique de l’automne 2017 a confirmé que les fonds liés à la mise en œuvre de la politique PSE, annoncée en juin 2017, y compris les 108 milliards de dollars sur 20 ans pour les projets d’immobilisation selon la comptabilité d’exercice, ont été mis de côté àu sein du cadre financier du gouvernement.

[Traduction]

L’enveloppe selon la comptabilité d’exercice signifie tout simplement que le coût total de l’utilisation des biens d’équipement acquis — et des liquidations, le cas échéant — au cours des 20 prochaines années ne pourra pas dépasser 108 milliards de dollars. Cette somme reflète le coût de l’utilisation d’un bien au cours de sa durée de vie utile. Par exemple, si vous achetez un bien au prix de 10 000 $ et que vous l’utilisez pendant 10 ans, son coût d’utilisation s’établira à 1 000 $ par année pendant 10 ans. Nous commençons seulement à nous rendre compte de l’incidence du bien une fois que nous commençons à l’utiliser. Ce coût sera enregistré dans le bilan des états financiers de la Défense nationale et amorti en tant que dépense dans les états des résultats d’exploitation tout au long de la durée de vie utile du bien.

C’est différent du financement nécessaire pour acquérir ces biens.

Du point de vue de la trésorerie, nous demandons des fonds au moyen de crédits fondés sur les prévisions fournies par le responsable de la mise en œuvre du projet.

Dans le cadre de la planification de l’acquisition des immobilisations, les frais de fonctionnement et de maintien en puissance de l’équipement seront eux aussi pris en compte dans le budget de fonctionnement, en tant qu’éléments du processus de planification. On fera ainsi en sorte que tous les besoins budgétaires à long terme de la Défense nationale aient été cernés. Il s’agissait d’un pas important vers l’abordabilité d’un projet d’immobilisation, laquelle est maintenant mesurée en fonction de l’acquisition et du maintien en puissance tout au long de la durée utile du bien.

La Défense nationale est dotée d’un solide cadre de gouvernance pour l’approbation et la gestion de ses investissements en capital. Il permet de s’assurer que le MDN a la souplesse voulue aux fins de la gestion des investissements nécessaires pour tenir compte des priorités en matière de défense et exécuter les programmes. Le conseil des capacités de la Défense approuve les capacités dont les Forces armées canadiennes ont besoin. Une fois qu’une capacité est approuvée, le conseil de gestion du programme examine les besoins du projet et recommande le financement à même le fonds d’investissement. Le sous-ministre, en sa qualité de président du comité d’investissement et de gestion des ressources, approuve le financement du projet.

[Français]

L’approbation du projet est fondée sur la complexité de ce dernier. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a établi des processus qui déterminent quels projets nécessitent son approbation. Les autres projets sont approuvés par le ministre de la Défense nationale ou par un fonctionnaire délégué. Les projets qui doivent être approuvés par le Conseil du Trésor font l’objet d’un examen et d’une analyse supplémentaires par ce dernier dans le cadre du processus d’approbation.

[Traduction]

Le modèle de gouvernance permet d’accepter de nouvelles priorités ou des projets nécessitant un financement supplémentaire en réaffectant des montants économisés ou en annulant des activités moins prioritaires. Ces modifications sont approuvées par l’intermédiaire du même processus de gouvernance que celui employé pour faire approuver les projets. Il convient de souligner qu’un modèle de gouvernance du fonds d’investissement a été négocié entre la Défense nationale, le ministère des Finances, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé dans le but d’assouplir la gestion du programme des immobilisations.

À mesure que nous mettons à exécution le plan à long terme, nous savons que les choses ne se passent pas toujours comme prévu, surtout quand des projets s’étendent sur de nombreuses années ou qu’ils en sont à leur tout début. Afin que le plan à long terme soit assez flexible pour être adapté aux changements dans les hypothèses de planification, la Défense nationale dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour réaligner le financement en espèce prévu en fonction des changements issus des modifications. Par exemple, si un projet est mené à bien sans que tous les fonds alloués aient été dépensés, les sommes qui restent peuvent être utilisées pour répondre à d’autres besoins, comme l’atténuation des pressions financières dues à l’augmentation des coûts dans le cadre d’un autre projet.

Je voudrais maintenant aborder la façon dont les coûts liés à notre politique de défense ont été établis.

[Français]

Toutes les estimations des coûts ont été faites conformément aux lignes directrices du Conseil du Trésor et au cadre et procédures d’établissement des coûts de la Défense nationale.

[Traduction]

Ces estimations ont été produites par une équipe mixte d’établissement des coûts composée de membres du personnel de la Défense nationale et de ressources à forfait provenant de Deloitte.

[Français]

En outre, du personnel fourni par le Bureau du contrôleur général, le Centre d’excellence en évaluation des coûts, le Secrétariat du Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé a assuré des fonctions de supervision.

[Traduction]

Enfin, le MDN a retenu les services de cinq sociétés afin qu’elles examinent l’application de la méthode d’établissement des coûts.

Le ministère de la Défense nationale produit divers rapports publics qui comprennent des renseignements financiers. En guise d’exemples, mentionnons le plan ministériel, le rapport ministériel, le budget des dépenses, les comptes publics et le plan d’investissement de la Défense. Dans le but d’assurer l’uniformité des rapports financiers, je suis chargée de veiller à ce que toute l’information financière soit exacte et fournie en temps opportun.

[Français]

Le plan d’investissement de la Défense met en lumière les investissements planifiés, et il démontre notamment l’engagement pris par le ministère en faveur de l’abordabilité et de la gestion efficace des ressources. Ces éléments d’information sont mis à jour régulièrement.

[Traduction]

Pour faire preuve de prudence financière, le ministère de la Défense ne doit obtenir du Parlement que les fonds qu’il lui faut pour se procurer les capacités, les immobilisations et l’équipement dont ont besoin ses employés ainsi que les hommes et les femmes servant au sein des Forces armées canadiennes. Pendant certaines périodes, la Défense nationale n’a pas utilisé tous les fonds qui lui avaient été alloués au départ durant un exercice donné, et ces situations se produiront encore. On dit que des ressources sont inutilisées quand le total final des dépenses de l’exercice est inférieur au total des fonds autorisés par le Parlement. Parmi les facteurs qui contribuent à la non-utilisation de fonds ministériels, mentionnons les changements dans les dépenses de fonctionnement prévues, comme des retards dans l’embauche de personnel, une modification du programme d’instruction prévu et une fluctuation des coûts estimatifs liés aux biens et aux services. La Défense nationale a la capacité de reporter jusqu’à 2,5 p. 100 de son budget de fonctionnement à l’exercice suivant. Depuis 2015-2016, le ministère a réussi à surveiller ses dépenses de fonctionnement et à se maintenir sous le seuil des 2,5 p. 100.

[Français]

Il se peut aussi que des ressources soient inutilisées si les dépenses en capital sont moins élevées que prévu. Quand on planifie un budget d’investissement complexe, le fait d’apporter des changements au plan risque de nécessiter ensuite l’ajustement au calendrier d’investissement dans le projet, et, par conséquent, la date de mise en service de l’immobilisation et le profil d’amortissement du bien. C’est pourquoi nous ne demandons pas toujours le financement planifié à l’origine dans la politique PSE. Parfois, nous reportons plutôt les fonds pour les années antérieures ou ultérieures, pour faire en sorte qu’ils soient accessibles au moment opportun.

Voilà des exemples : des fonds mis de côté pour couvrir les risques inhérents à un projet ne sont pas nécessaires; un entrepreneur accuse du retard dans l’exécution des travaux; des économies sont réalisées au chapitre de l’adjudication des marchés; et, enfin, il peut se produire des retards à l’interne.

[Traduction]

Il importe de comprendre que ces types de changements ne représentent ni une réduction ni une augmentation du budget. Nous changeons simplement le moment où nous dépensons l’argent. Ainsi, la Défense nationale ne perd aucune partie de son budget d’investissement; les fonds sont plutôt déplacés vers d’autres exercices en fonction des besoins.

Au cours des 10 dernières années — la période que vous voyez sur le graphique —, la quantité de ressources non utilisées a eu tendance à diminuer et, au cours des quatre dernières années, en particulier, il n’y en a pratiquement pas eu en conséquence d’une amélioration du processus d’établissement des prévisions de trésorerie. Cette situation est représentée par la partie supérieure en rouge du graphique qui se trouve en bas. Les fonds en rouge sont ceux qui n’ont pas été utilisés. Du côté droit, vous verrez qu’il n’y a pas de rouge pour les deux derniers exercices. Cela signifie que le MDN a utilisé tous les fonds selon les prévisions.

[Français]

Mon collègue et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions ou à vos observations. Je vous remercie.

Le président : Merci. Avant de continuer, j’invite les sénateurs qui n’ont pas eu la chance de se présenter de le faire maintenant.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, sénatrice de l’Ontario également.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je vous remercie de cet excellent exposé.

Je regarde les immobilisations dans votre diapositive 3, soit les immobilisations de 4,2 milliards de dollars. D’après les renseignements que nous avons obtenus, il était prévu dans la politique PSE qu’une somme de 6,6 milliards de dollars serait requise, alors on dirait que c’est une proportion d’environ 60 p. 100 que vous utiliserez cette année. Si on compare les projets qui étaient prévus dans les 6,6 milliards de dollars de la politique PSE aux projets qui seront réalisés au moyen de la somme de 4,2 milliards de dollars que vous dépenserez cette année, quels sont les projets qui n’ont pas progressé aussi bien que vous l’aviez prévu?

Mme Charron : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. De fait, la somme de 6,6 milliards avait été prévue, comme vous l’avez mentionné, et nous prévoyons retirer 4,4 milliards de dollars.

Nous ne retirons pas l’argent pour quatre raisons. La majeure partie de l’argent qui n’a pas été retiré — environ 760 millions de dollars — est liée à des fonds d’urgence que nous avions mis de côté en cas de besoin dans le cadre de ce projet, alors il...

La sénatrice Marshall : De quel projet s’agit-il?

Mme Charron : Je ne connais pas les détails de tous ces projets, mais, quand nous établissons les coûts, le budget de tous les projets comporte une ligne appelée « dépenses imprévues », parce que, comme vous le savez, il pourrait y avoir des augmentations de coûts. Alors, nous prévoyons toujours une certaine somme pour les dépenses imprévues dans le cadre de nos projets. Selon l’étape du projet où nous en sommes, elle pourrait être plus ou moins élevée.

Si nous en sommes au tout début d’un projet, comme vous le savez... nous avons une idée très approximative de l’importance lorsque nous établissons les coûts de ces projets. Lorsque nous arrivons à la définition et que nous avons une meilleure idée du type de capacités dont nous aurons besoin, nous sommes en mesure de peaufiner les coûts relatifs à ces projets. Alors, selon les projets dont il est question... 333 projets sont prévus dans la politique PSE, dont 125 — je crois — ont été menés à bien jusqu’ici.

Beaucoup d’activités ont eu lieu depuis la mise en œuvre de PSE. Tous nos projets ont des sommes pour dépenses imprévues.

La sénatrice Marshall : Quel est le projet de plus grande envergure ayant eu une incidence sur les sommes?

Mme Charron : Madame la sénatrice, je ne dispose pas de cette information pour l’instant. Il faudrait que je vous revienne là-dessus. Toutefois, je voudrais souligner qu’il ne s’agit pas d’argent que nous avons perdu. Cela signifie que nous n’avons pas eu besoin de l’argent en question durant l’exercice en cours et que nous devons garder les dépenses imprévues dans le coût du projet jusqu’à ce qu’il soit clos. Selon la progression d’un projet, nous pourrions avoir besoin de ces sommes durant un exercice, mais pas durant un autre. Alors, nous ne faisons que déplacer ces fonds vers un exercice ultérieur jusqu’à ce que le projet soit clos.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous fournir à la greffière l’information concernant ce qui est compris dans cette somme de 760 millions de dollars?

Que pourrait-il y avoir d’autre? Il y a une différence de 2,2 ou de 2,4 milliards. Alors, les 760 millions seraient la somme pour dépenses imprévues dont vous n’avez pas eu besoin pour une quelconque raison...

Mme Charron : C’est exact.

La sénatrice Marshall : ... soit que vous n’en avez pas eu besoin dans le cadre du projet ou qu’il a été reporté et, par conséquent, vous n’avez pas eu besoin de l’argent. Que pourrait-il y avoir d’autre?

Mme Charron : Il y a aussi les retards causés par le MDN ou par l’industrie. En outre...

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous donner un exemple de la nature des projets?

Mme Charron : Je n’ai pas apporté ces renseignements détaillés aujourd’hui en ce qui concerne les projets. Il faudrait que je vous revienne là-dessus.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous revenir sur les projets qui ont été reportés et les 2,2 milliards qui découlent des retards?

Mme Charron : Je peux vous fournir certains renseignements. Les retards causés par les industries pour 2018-2019 s’élèvent à 593 millions de dollars.

La sénatrice Marshall : Avez-vous les projets? Quels projets?

Mme Charron : Je n’ai pas les projets, malheureusement.

La sénatrice Marshall : Alors, il reste encore un milliard; c’est toute une différence.

Mme Charron : Nous avons également des retards internes causés par le MDN. Il se pourrait que nos projets n’étaient pas prêts à être mis en œuvre. Alors, le total s’élève à 804 millions de dollars, 37 p. 100...

La sénatrice Marshall : Disposez-vous des renseignements concernant ces projets?

Mme Charron : Non.

La sénatrice Marshall : Pourrez-vous les fournir à la greffière également?

Mme Charron : Nous avons également mis de côté un peu d’argent pour les paiements liés à la propriété intellectuelle que nous pensions probablement devoir effectuer à l’égard de certains projets. Parfois, cela ne se produit pas. Dans ce cas-là, il s’agissait d’un projet où nous avions mis 800 millions de dollars de côté aux fins de la propriété intellectuelle, mais nous n’en avons pas eu besoin.

Des 2,1 milliards de dollars que nous n’avons pas utilisés, nous pensons qu’une somme de 758 millions de dollars est attribuable à des sommes pour dépenses imprévues dont nous n’avons pas eu besoin, ce qui nous ramène à 1,3 milliard de dollars que nous n’avons pas utilisés.

Si nous comparons cette somme à celles des années précédentes, nous voyons qu’en fait, nous avons lancé un plus grand nombre de projets. Davantage d’activités et de dépenses liées à la politique PSE ont lieu. Nous estimons que ce sont de très bonnes nouvelles, car nous sommes heureux de voir que nous n’avons pas toujours besoin de ces sommes. Parfois, les coûts sont inférieurs à ce que nous avions prévu. C’est comme quand on construit une maison, on prévoit un fonds d’urgence, mais on n’en a pas toujours besoin. Alors, nous sommes très satisfaits de constater que nous n’utilisons pas toutes les sommes prévues à cet effet, mais nous les mettons de côté pour le prochain exercice jusqu’à ce que le projet soit clos. De notre point de vue, cela représente aussi une gestion budgétaire prudente, car nous avons mis cet argent de côté.

La sénatrice Marshall : En ce qui concerne les patrouilleurs hauturiers pour l’Arctique, les crédits supplémentaires, vous demandez 159 millions de dollars. Cette somme faisait-elle partie du montant initial de 6,6 milliards de dollars qui avait été réservé pour la politique PSE, ou bien s’agit-il d’autre chose? Les 159 millions faisaient-ils partie des 6,6 milliards?

Mme Charron : Oui, madame.

[Français]

Le sénateur Pratte : Bonjour. Notre président a questionné le ministère de la Défense au sujet des principales causes des retards et de l’augmentation de coûts dans les projets de grande envergure. Je n’ai que la version anglaise de la réponse qu’il a reçue, malheureusement, mais, dans les deux cas, l’explication demeure la même : « overly optimistic schedule » et « overly optimistic budget ».

Quelles mesures ont été prises, si c’est le cas, dans le cadre de la politique Protection, Sécurité, Engagement (PSE), pour s’assurer que les prévisions de coûts et de délais soient plus précises? Vous savez, tout comme moi, que cela a un impact très important pour le gouvernement et l’opinion publique. Lorsqu’on annonce un projet de 20 milliards de dollars et que, finalement, six ans après la date d’achèvement prévue, il en coûte 33 milliards de dollars, c’est très différent.

Mme Charron : Merci. En ce qui a trait aux budgets, le ministère de la Défense nationale a présenté un projet de budgétisation du début du projet jusqu’à la fin. À l’intérieur des composantes du budget, nous avons prévu les coûts d’acquisition du projet, bien sûr, mais également les coûts d’entretien, de réparation, de salaire, de même que les coûts de disposition des projets.

Comme je l’ai mentionné lors de ma présentation, les coûts vont varier selon l’état du projet au moment où nous faisons le budget. Si le projet en est à ses débuts et qu’il s’agit d’équipement à acquérir d’ici les 10 ou 15 prochaines années, l’information à notre disposition sera beaucoup plus limitée que si le projet entrait en phase de définition. À ce moment-là, nous aurions vraiment défini les capacités nécessaires, par exemple, pour un bateau ou un avion. Tout au long du projet, nous mettons à jour nos estimations afin de déterminer s’il doit y avoir un ajustement aux dépenses prévues.

Nous sommes en train de faire une mise à jour de tous les projets énumérés dans la politique Protection, Sécurité, Engagement afin de revoir l’impact de certains délais. On peut prévoir certains délais et parfois non. Par exemple, l’inflation ou les tarifs douaniers supplémentaires imposés sont hors de notre contrôle et il est très difficile de planifier ces dépenses. C’est pourquoi, dans la budgétisation d’un projet, nous devons inclure un plan de contingence et tenir compte des facteurs de risque, car des changements seront à prévoir, par exemple, au taux de change ou au prix des métaux. Un processus rigoureux est en place à l’interne, qui nous permet de revoir les coûts et de mettre les choses à jour. D’ailleurs, le Conseil du Trésor et le ministère des Finances nous ont donné de la flexibilité pour ce qui est du fonds d’investissement, puisqu’on doit compenser pour les augmentations et les réductions de coûts.

À l’égard des délais pour les projets, je vous invite à poser la question à mon collègue, M. Pat Finn, ou aux personnes chargées de l’implantation du processus, car ce volet déborde de mes fonctions.

Le sénateur Pratte : Ma prochaine question concerne les budgets trop optimistes. Les contingences sont là pour quelle raison? L’inflation? Le taux de change? Pour un bateau ou un avion, vous devez prévoir des coûts de fabrication plus élevés que prévus. Les premières projections sont habituellement optimistes; il est rare que le billet soit pessimiste, il est toujours optimiste. Prenez-vous en considération, dans vos plans de contingence, la probabilité que le projet, pour toutes sortes de raisons, coûte plus cher?

Mme Charron : Oui, effectivement, les plans de contingence incluent le taux d’inflation. Nous avons aussi habituellement une inflation plus élevée dans les projets liés à la défense, puisque certains sont très avancés du point de vue technologique et ont peu de compétiteurs. Nous avons remarqué que l’inflation, dans ces domaines, est plus élevée que l’inflation que verrait un consommateur normal. Dans nos modèles de budgétisation, nous avons donc inclus un tel facteur.

Il est très difficile de prévoir. On ne pourra jamais faire une prédiction exacte à 100 p. 100. Cependant, on prévoit les contingences. Nous regardons aussi l’historique des projets. Certains ont augmenté de manière importante et nous tenons compte de tous ces facteurs. Une budgétisation optimiste pourrait, par exemple, comprendre des fonds qu’on a mis de côté pour la capacité intellectuelle IP. Nous n’avons aucune façon de savoir, au moment où nous faisons la budgétisation et où nous fixons les coûts, quel sera ce montant. Nous n’avons donc pas le choix de prévoir une certaine somme. Dans un processus compétitif, les montants sont parfois plus ou moins élevés, alors on ajuste au besoin.

Nous sommes d’avis qu’il est préférable d’avoir un estimé des coûts un peu plus élevé. Sinon, pour les consommateurs et le fisc, nous devrions retourner chercher de l’argent et nous ne pourrions pas garantir que les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes sont munis des ressources dont ils ont besoin.

Le sénateur Pratte : À l’égard de cette politique de défense, le gouvernement a pris des engagements importants en matière de transparence. Vous dites que vous révisez l’estimé des coûts pour les investissements prévus dans la politique. Les résultats de cette réévaluation seront-ils rendus publics d’une manière ou d’une autre?

Mme Charron : Oui, tout à fait. Le ministère de la Défense nationale produit un plan d’investissement qui est rendu public. Nous l’avons produit l’an dernier vers la fin mai, début juin. Dans ce plan d’investissement, pour tous les projets en cours nous avons indiqué une fourchette de coûts prévus et aussi où en sont les projets, à savoir s’ils en sont à la phase d’identification, de définition ou même d’implantation. Lorsque les contrats sont alloués, nous indiquons leur valeur dans le plan d’investissement.

De même, lorsque nous établissons les besoins financiers dans les principales estimations ou même dans les estimations supplémentaires, nous indiquons le montant révisé dont nous aurons besoin. Nous savons que nous devons gérer une enveloppe de 108 milliards de dollars pour les 20 prochaines années. Par conséquent, certains choix doivent être faits, parfois à l’interne, pour identifier quels projets iront de l’avant ou, dans certains cas, pour réduire ce qui avait été à l’origine identifié et être en mesure de gérer tout cela à l’intérieur de notre enveloppe.

Le sénateur Forest : Je vais essayer d’être concis. Le cadre de gouvernance établi en partenariat avec la Défense nationale, le Conseil du Trésor et le ministère des Finances me semble assez solide. Est-ce que vous réévaluez certains choix qui ont été faits à l’époque pour dire qu’on avait décidé de telles options, puis, après quelques années, on s’est aperçu que les résultats n’étaient pas ceux qui avaient été prévus, donc on souhaite apporter des modifications? C’est d’ailleurs le propre de toute stratégie. On doit la modifier en cours de route pour la rendre optimale, conformément à l’expérience vécue. Est-ce que vous réévaluez vos choix stratégiques dans le cadre de votre gouvernance?

Mme Charron : Oui, tout à fait. Certains comités revoient les choses à l’interne, et c’est leur travail de discuter avec les chargés de projets et ceux qui les implantent pour déterminer les capacités nécessaires. Dans certains cas, des choix doivent être faits et on réduit ou on augmente les fonctionnalités nécessaires.

Le sénateur Forest : Qu’en est-il de la politique nationale de construction navale? Est-elle réévaluée? Compte tenu des retards et des mandats qui ont été accordés à différents chantiers, cette politique est-elle réévaluée?

Mme Charron : La politique nationale de construction navale n’est pas du ressort du ministère de la Défense nationale, mais bien une politique nationale. Le ministère travaille avec les différentes parties pour en assurer l’implantation.

Le sénateur Forest : Elle est en orbite autour de l’appareil gouvernemental et personne ne contrôle ni ne réévalue la pertinence des choix ou l’efficacité? On est dans le néant?

Mme Charron : C’est une question de gouvernance et de politique. Je ne peux donc malheureusement pas me prononcer.

Le sénateur Forest : Pour ce qui est de la gouvernance, qui est responsable de cette politique?

Mme Charron : Le gouvernement est responsable de cette politique.

Le sénateur Forest : Un peu tout le monde et personne.

Le Conseil du Trésor est un de vos partenaires. Il exige que les ministères puissent tenir compte de l’ensemble des coûts, soit les coûts d’acquisition, les coûts d’entretien et même les coûts en infrastructures pour accueillir l’équipement. On peut prendre l’exemple des hélicoptères Cyclone, où les frais d’entretien ont été trois fois supérieurs aux coûts d’acquisition.

Le ministère s’est-il doté du Système d’information de la gestion des ressources de la Défense? Ce système est-il en place actuellement? Notre programme d’acquisition sera fort important durant les années à venir. Il serait fondamental que la Défense soit dotée de cette capacité d’analyse.

Mme Charron : Effectivement, le ministère de la Défense nationale possède un système d’information et de gestion qui lui permet de tenir compte des coûts des projets. Nous sommes toujours en train d’ajuster et d’ajouter des fonctionnalités pour ce système d’information. Je n’ai pas l’information qui a trait aux Cyclone, mais, quand on travaille avec le Conseil du Trésor, il y a un centre d’excellence pour les coûts, et certains projets, lorsqu’ils vont de l’avant, sont alors sélectionnés par le Conseil du Trésor, qui s’assure que les coûts estimés par le ministère sont justes et complets.

Le sénateur Forest : On garantit que les coûts ne vont pas s’envoler comme dans le cas du Cyclone, c’est bien ça?

Mme Charron : Il y a toujours des facteurs qui sont hors de notre contrôle, par exemple l’imposition de tarifs supplémentaires ou des effets importants relatifs au taux de change. Il peut y avoir des fluctuations dans les coûts. Malheureusement, je n’ai pas toute l’information disponible pour le projet dont vous parlez.

Le sénateur Forest : J’ai une dernière question technique. Dans vos prévisions, le poste « autres opérations et maintenance », à terme, arrive à 3,8 milliards de dollars; en 2010-2011, il en était à 4 milliards de dollars. Ce poste, si je comprends bien, inclut notamment l’essence et tout ce qui est carburant, soit plusieurs éléments très inflationnistes. Je suis vraiment étonné de voir que vous prévoyez que ce poste sera moins capitalisé à terme qu’il ne l’est au départ, car il s’agit probablement des produits les plus inflationnistes qu’on a sur le marché. Je veux juste comprendre.

Mme Charron : Dans le quatrième onglet, « National Procurements » — malheureusement, je n’ai pas la diapositive en français — une partie des coûts est comprise, l’inflation par exemple. Si vous regardez à droite, cela continue d’augmenter, voyez dans la case en bleu le gros trait de 12,2 milliards de dollars.

Le sénateur Forest : La capitalisation?

Mme Charron : La capitalisation. Le chiffre de 4,1, dans la partie de couleur rouille. Cela comprend les coûts d’entretien et l’inflation.

Aussi, en bas, pour ce qui est des 3,8 milliards de dollars, cela couvre tout ce qu’on a comme voyages, la formation pour nos militaires, une certaine flexibilité pour l’inflation ou pour l’augmentation; on se doit de garder une certaine marge de manœuvre.

Le sénateur Forest : J’avais compris que l’essence et le carburant étaient inclus dans ce poste.

Mme Charron : Oui, il y en a ici, effectivement. Mais certains contrats sont aussi compris dans les 4,1 milliards de dollars. On va, par exemple, sécuriser un contrat d’entretien pour une flotte aérienne, et cela ferait partie des 4,1 milliards de dollars — le quatrième trait en partant du haut.

Le sénateur Forest : L’inflation est absorbée dans ce qui est en couleur rouille, les augmentations attribuables à l’inflation? Et les augmentations attribuables aux produits sont en bleu?

Mme Charron : Il y a une marge de manœuvre dans le bleu qui est incluse. Je vais demander l’aide de mon collègue.

[Traduction]

Werner Liedtke, sous-ministre adjoint associé par intérim (Finances), ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes : Il y a un peu d’inflation dans toutes ces catégories. Le processus de gouvernance au sujet duquel Mme Charron a donné des informations sert également au fonctionnement et au maintien en puissance. Au fil des ans, si, durant l’exercice en cours, les coûts estimatifs du carburant augmentent, nous prendrons une décision de compromis et surveillerons ces coûts tout au long de la période de 20 ans. En outre, le sous-ministre et le ministre auront la capacité de déplacer de l’argent à l’intérieur de ces catégories, en particulier les 3,8 milliards. Il s’agit de la somme non discrétionnaire. Il y a parfois un élément non discrétionnaire, et on fait le même compromis, puis on suit le même processus de gouvernance.

[Français]

Le sénateur Forest : Vous admettrez que ce n’est pas facile à comprendre pour un simple politicien comme moi.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Merci de votre présence. Une question a été soulevée dans votre dernière réponse. Vous effectuez une estimation de ce que coûtera le carburant dans 20 ans? Comment y arrivez-vous?

M. Liedtke : Je ne veux pas dire que nous effectuons une estimation à long terme sur 20 ans, mais la marge de manœuvre que nous laisse le modèle de gouvernance nous permet d’étudier la situation prévue au prochain exercice et nous donne la capacité de nous adapter à ces changements.

Le sénateur Neufeld : Je vous ai peut-être simplement mal compris, mais d’accord. J’allais vous parler de comment vous faisiez cela par magie.

À la page 2, vous affirmez que, sur une période de 20 ans, la Défense nationale dispose de 553 milliards de dollars réservés dans le cadre budgétaire, selon la comptabilité de caisse. Cette somme comprend 389 milliards de dollars de fonds de fonctionnement et 164 milliards de fonds d’immobilisation. Cette somme de 164 milliards de dollars comprend-elle de nouveaux aéronefs pour la force aérienne? Le cas échéant, quel montant est prévu à cette fin?

Mme Charron : Je vous remercie de poser la question. Oui, dans les 174 milliards de dollars que nous avions prévus, et c’est selon la comptabilité de trésorerie, il y avait un budget des dépenses pour de futurs chasseurs. Je voudrais vérifier une deuxième fois les chiffres. Je n’ai pas apporté les détails concernant tous les projets, mais nous avons inclus une estimation des coûts, et je serai heureuse de vous fournir la fourchette que nous avions établie dans la politique PSE pour les futurs chasseurs.

Le sénateur Neufeld : Si vous nous fournissez ces renseignements, veuillez fournir ceux des exercices où vous prévoyez effectuer l’achat de ces aéronefs. Espérons que ce ne sera pas dans 20 ans, mais plutôt assez bientôt. Pourriez-vous faire cela, s’il vous plaît?

Mme Charron : Oui, je le ferai.

Le sénateur Neufeld : Merci.

À la page 11, vous nous avez montré quelque chose au sujet des fonds non utilisés. Le graphique me laisse un peu perplexe et, pardonnez-moi, je ne suis pas comptable. À quoi sert le bleu? Que représente-t-il? Je crois comprendre que les fonds non utilisés sont représentés par la couleur orange, mais que signifie le bleu?

Mme Charron : Merci de poser la question. Nous avons trois teintes de bleu. Il y a la ligne bleu très pâle, en haut, qui représente nos subventions et contributions, le crédit 10. Il s’agit de notre contribution à l’OTAN. Ensuite, il y a la ligne bleu plus foncé, celle qui est en haut, si nous allons du côté droit du graphique, et elle représente les fonds d’immobilisation, l’argent du crédit 5. Ce sont les sommes que nous avons retirées, alors de l’argent que nous avons pris au gouvernement. Ensuite, il y a la ligne bleu pâle, qui représente les fonds de fonctionnement dont nous disposons.

Essentiellement, cette ligne montre que, si nous allons à 2017-2018, nos autorisations de financement s’élevaient à 23,5, 23,6 milliards de dollars. Nous avons demandé ou avons dépensé 22,9 milliards de dollars. La somme de 490 millions de dollars — l’avant-dernière à partir du bas — est celle que nous avons pu reporter. Cela signifie que nous ne l’avons pas utilisée. Nous avons retiré l’argent, mais nous n’avons pas utilisé ces fonds. Nous pouvons reporter 2,5 p. 100 de notre budget, alors nous pourrons utiliser ces fonds en 2018-2019. Comme nous sommes dans les 2,5 p. 100 qui sont permis, cela signifie que nous ne perdons pas d’argent. Nous ne laissons aucun argent sur la table. Cet argent sera accessible pour le ministère dans les années à venir.

Le sénateur Neufeld : Alors, les dépenses ont en fait beaucoup diminué par rapport à, disons — même si certains fonds n’ont pas été utilisés en 2010-2011, les dépenses liées à la défense nationale... si je comprends bien vos explications, le financement total a diminué de façon marquée?

Mme Charron : Si vous allez à 2010-2011, le financement s’établissait à ce moment-là à 22,7 milliards de dollars, et, en 2017-2018, il est de 23,6 milliards de dollars. Ce que cela signifie, c’est que, si vous regardez la ligne située sous les dépenses réelles, c’est la quantité d’argent auquel le ministère avait accès et que nous avons utilisé. En 2010-2011, nous avions utilisé 20,3 milliards de dollars. Nous n’avions le droit de garder que 492 millions de dollars, c’est-à-dire le crédit 1, en bas, soit 492 115. Le reste de cet argent, qui correspond à une somme de 950 millions de dollars est en rouge, ce qui signifie que le ministère avait retiré l’argent. Nous avions l’argent, mais nous ne pouvions plus l’utiliser parce que la somme était supérieure au pourcentage qui avait été fourni au ministère. Cet argent a été rendu au fisc. Il n’était plus accessible pour le MDN. Ainsi, ce graphique montre que nous nous sommes améliorés, car nous faisons preuve de responsabilité budgétaire en demandant uniquement l’argent dont nous avons besoin pour pouvoir payer les dépenses durant un exercice donné.

Le sénateur Neufeld : Je suppose que, au cours des dernières années, vous n’avez demandé que l’argent dont vous aviez besoin également. Je sais que mon temps de parole est presque terminé, mais je suis surpris que vous affirmiez que maintenant — aujourd’hui —, vous ne demandez que l’argent dont vous avez besoin. En 2010-2011, vous ne demandiez pas l’argent dont vous aviez besoin, ou bien vous en demandiez plus? C’est mêlant, mais je sais que la période dont je dispose est courte, alors je vous cède la parole.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Je vous remercie tous les deux de votre excellente présentation. Mes questions découlent un peu du sujet dont on vient de traiter. Je suis particulièrement intéressée de savoir par quel moyen vous calculez les imprévus et les contingences. Attribuez-vous un pourcentage fixe à chacun des projets en incluant, comme vous l’avez indiqué en réponse à une question du sénateur Pratte, le taux d’inflation et d’autres facteurs? J’aimerais connaître ce mécanisme et, plus particulièrement, je voudrais savoir si cela est précisé d’une manière ou d’une autre pour chaque projet ou si c’est un mécanisme d’ordre général.

Mme Charron : Je vous remercie de cette question. Deux facteurs sont importants ici. La première chose, c’est que, selon l’état d’avancement d’un projet, nos coûts seront plus ou moins précis parce que nous avons plus ou moins d’information pour déterminer ces coûts. Lorsque les précisions se raffinent, nous regardons dans quel domaine s’effectue le projet. À titre d’exemple, s’il s’agit d’un projet d’acquisition de machinerie lourde, probablement que nos précisions, notre marge de manœuvre ou notre taux de contingence sera moins élevé que s’il s’agit d’un projet où les avancées technologiques entrent en ligne de compte. Dans ce cas, les informations sont moins précises et le taux de contingence est beaucoup plus important. Cette méthodologie est bien documentée, et vous pouvez la retrouver sur notre site intranet et au sein du Conseil du Trésor. Donc, selon le domaine d’expertise, selon l’état d’avancement du projet, les taux de contingence vont varier.

La sénatrice Forest-Niesing : Je constate que c’est tout à fait prudent. Une petite inquiétude, par contre, découle de ce que j’appelle le développement d’un patron. D’année en année, d’importants fonds affectés à des dépenses ne sont pas utilisés. En 2017-2018, ce montant se chiffre à 1,8 milliard de dollars, et, selon ma compréhension, on anticipe qu’en 2018-2019 près de 2 milliards de dollars ne seront pas utilisés. Si les fonds n’ont pas été utilisés comme ils ont été alloués depuis deux ans maintenant et que ce patron continue de se développer, c’est très bien de repousser cela à l’année suivante, mais n’êtes-vous pas inquiète du fait que, à un moment donné, l’on doive retourner des fonds non utilisés au fisc?

Mme Charron : Je vous remercie de cette question. Comme je l’ai mentionné précédemment, nous en sommes à réviser les coûts pour les projets. Nous examinons également l’état de l’avancement de ces projets. Pour nous, ce qui est important, c’est de comprendre où en est le projet afin de relâcher ou non certains fonds. Lorsque les projets sont terminés, nous relâchons les fonds. La possibilité d’utiliser ces fonds est toujours là. S’ils ne sont pas nécessaires, on va les utiliser. Cependant, nous devons être prudents et nous garder une marge de manœuvre, selon l’état d’avancement des projets.

À l’heure actuelle, nous en sommes à la troisième année d’implantation de la politique Protection, Sécurité, Engagement. Il est trop tôt pour relâcher certains fonds. Par contre, lorsque certains projets auront été achevés, nous relâcherons des fonds.

Certains projets s’étendent sur plusieurs années — sept, huit, neuf ou dix ans. Il ne serait pas prudent pour le ministère de relâcher ces fonds. Cependant, soyez assurés que le processus de gouvernance à l’interne nous permet de suivre de près tous ces projets pour voir si les coûts et/ou les échéanciers sont appropriés. Devons-nous, dans certains cas, aller chercher d’autres fonds, d’autres financements? Lorsque c’est le cas, nous contactons le ministère des Finances pour sécuriser les fonds.

Le sénateur Boehm : Merci, madame Charron, de votre présentation.

[Traduction]

En réalité, mes collègues ont posé la plupart des questions, mais je voudrais amener la discussion dans une autre direction et aborder la question de la transparence. En tant que DPF du MDN, vous devez parfois parler à vos homologues d’autres pays. Je songe en particulier aux pays qui pourraient adopter des pratiques d’approvisionnement militaire et dont le gouvernement et la structure de gouvernance sont semblables aux nôtres, surtout l’Australie et la Nouvelle-Zélande, où le désir d’une plus grande transparence est probablement aussi évident qu’il l’est ici, au Canada. Le vérificateur général australien publie un rapport annuel sur l’état des grands projets d’équipement de défense, et, en Nouvelle-Zélande, on fait quelque chose de semblable, c’est-à-dire qu’on produit un rapport sur les grands projets, lequel peut permettre aux parlementaires et aux citoyens de savoir si un projet se déroule comme prévu ou non et si les fonds d’urgence sont utilisés, ou encore s’il y a des dépassements de coûts de tout type. Parlez-vous à nos homologues d’autres pays au sujet des pratiques exemplaires, ou bien êtes-vous ouverts à envisager l’adoption de certaines des nouvelles pratiques à une époque où les contrôles sont plus rigoureux?

Mme Charron : Je vous remercie de cette question. Elle est excellente. C’est ce que nous faisons. Nous collaborons étroitement avec d’autres pays, notamment les membres du Groupe des cinq et d’autres États. De fait, quand nous avons élaboré pour la première fois l’an passé le plan d’investissement public, nous avons examiné ce que d’autres pays avaient fait. L’Australie, par exemple, a un plan d’investissement semblable. Nous sommes ici pour faire preuve de transparence et fournir les renseignements.

Pour répondre à votre question concernant ce qui a changé et l’état du projet, il y a dans le plan d’investissement un outil électronique appelé l’index des capacités de la Défense. Cet outil contient une liste de tous nos projets; leur étape d’achèvement; si le projet n’est pas entamé, la date à laquelle nous estimons réaliser l’étape de désignation et de définition du projet; et une estimation des coûts. Quand un contrat est accordé, nous communiquons aussi la valeur du contrat et le nom du fournisseur.

À notre avis, nous communiquons beaucoup de renseignements. Cet outil est mis à jour annuellement. Il s’agit d’un nouvel outil que nous avons mis en œuvre. Il était aussi prévu dans le cadre de la politique PSE. Le ministre avait prévu de communiquer cette information. La prochaine communication aura lieu au printemps ou au début de l’été.

Le sénateur Boehm : Cet outil est-il aussi utile au moment de l’examen de mi-mandat? Au mois de septembre, si vous faites des projections jusqu’à la fin de l’exercice, quel outil utilisez-vous? Utilisez-vous aussi celui-ci?

Mme Charron : À l’interne, dans le ministère, nous disposons d’outils qui nous permettent de surveiller chaque projet, mais nous mettons à jour notre plan d’investissement deux fois par année. Nous faisons aussi rapport au Conseil du Trésor. L’outil dans lequel se trouve le plan d’investissement public est mis à jour chaque année.

Le sénateur Boehm : Merci.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ma question concerne le rattrapage. On a souvent l’impression que la Défense nationale est en rattrapage constant, à cause d’un équipement désuet et des échéanciers importants. Dans votre système de comptabilité, après avoir fait vos acquisitions, prévoyez-vous un fonds pour les remplacements éventuels? À titre d’exemple, si un navire a une durée de vie de 30 ans, prévoyez-vous des fonds pour l’entretien et les réparations de ce navire au fil du temps?

Nous avons l’impression que vous n’avez pas de vision à long terme ou de vision de remplacement. Faites-vous des prédictions de coûts en ce qui a trait à la désuétude des équipements?

Mme Charron : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Le modèle de prédiction de coûts que nous avons pour Protection, Sécurité, Engagement (PSE) est un modèle pour 20 ans, et nous avons élaboré une liste de tous les besoins en équipements pour la Défense nationale, pour la période durant laquelle nous les utiliserions. Par exemple, s’il s’agit d’un bateau et que sa durée de vie utile va se terminer durant la période de 20 ans, nous avons alors noté qu’il faut tenir compte des coûts de remplacement et le modèle va prendre en compte les nouveaux besoins en investissement pour la période à venir.

Il est évident que le Ministère de la Défense nationale ne peut pas mettre de fonds de côté. Les fonds proviennent du fisc et du centre. Notre tâche est d’évaluer nos besoins, de les rendre transparents et de les manifester auprès du ministère des Finances. Cependant, avec l’enveloppe courante et la comptabilité sur les frais courus, les 108 milliards de dollars indiquent l’utilisation des fonds et des actifs dont nous avons besoin pour une période de 20 ans.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie d’être présente aujourd’hui. Je vais donner suite aux commentaires et aux questions du sénateur Boehm. Je regarde tous les documents que nous avons à notre disposition aujourd’hui, la politique PSE, la véritable intention, la signification, l’explication de notre budget de la Défense nationale à la page 2, ainsi que la structure de gouvernance, le fait d’avoir sept niveaux et le comité, et il ressort de cela beaucoup de diligence et de transparence et, j’en suis certaine, une grande collaboration et communication ainsi que l’espoir de voir les projets réalisés à temps.

Avez-vous eu l’occasion de vous pencher assez longtemps sur cela — à la lecture du graphique circulaire montrant la répartition du 21,7 milliards de dollars, au début de ce document, et à l’aide de tous ces renseignements — pour être en mesure de constater une tendance dans ces secteurs? Le portrait est-il ce qu’il devrait être? Quand je demande si les chiffres sont bien ce qu’ils doivent être, si nous avons 21,7 milliards de dollars et que nous constatons que 19 p. 100 de cette somme est consacrée à un secteur, 36 p. 100 à un autre et 38 p. 100 ailleurs, voyez-vous ce que devrait être la situation, si l’on devait véritablement resserrer les choses et améliorer les résultats obtenus avec les modifications de cette répartition du financement et si on devait modifier certaines priorités à l’avenir à partir des constats que nous faisons aujourd’hui? Croyez-vous plutôt que ces chiffres et ces pourcentages demeureront à peu près inchangés à l’avenir? Est-ce une question pertinente?

Mme Charron : Merci. Si vous prenez la quatrième diapositive de la présentation, on voit dans le bas le budget total de la Défense nationale jusqu’en 2023-2024, et on peut constater que le budget croît, jusqu’à atteindre 31,7 milliards de dollars. Je n’entrevois pas de modification importante dans l’ensemble des pourcentages. Il pourrait y avoir quelques points de différence, mais nous devons toujours payer pour les Forces armées canadiennes, pour le personnel et pour l’entretien. Le graphique qui figure à la page 4 montre les sommes que nous investirons. Comme vous le pouvez le constater, plus on se déplace vers la droite, plus la courbe monte en raison de la méthode de la comptabilité d’exercice. Cela signifie aussi que nous utiliserons davantage d’actifs. Les actifs que nous nous procurons seront utilisés à ce moment-là.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le président : Sénatrice Marshall, il n’y aura pas de deuxième série de questions, mais souhaitez-vous poser votre question tout de même? Peut-être que Mme Charron pourrait transmettre les renseignements à la greffière.

La sénatrice Marshall : Oui. Je vais soulever un point que j’ai déjà soulevé lors de notre dernière séance où des représentants du ministère de la Défense nationale sont venus témoigner. Je crois que c’était en novembre. Certains des renseignements que j’ai demandés n’ont pas encore été reçus. Je constate que quand des témoins se présentent devant le comité, ils n’ont pas les renseignements dont nous avons besoin. Même maintenant, après la séance d’aujourd’hui — et je sais que le sénateur Boehm a évoqué la transparence, tout comme l’a fait le sénateur Pratte —, je ne comprends toujours pas très bien où en sont les grands projets. J’ai l’impression qu’il semble y avoir certaines réticences de la part des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale à fournir les renseignements financiers détaillés dont nous avons besoin pour effectuer le suivi des projets, en particulier des projets importants.

Question de rappeler ce qui s’est passé en novembre, les membres du comité de direction devaient examiner ce problème. Je souhaite seulement le souligner de nouveau. J’aimerais que le comité de direction se penche sur ce problème parce qu’il y a des renseignements que j’aimerais obtenir. Je sais que le sénateur Boehm a parlé de la situation en Australie, et j’ai lu des informations à ce propos. Je n’ai pas l’impression que le ministère de la Défense nationale est transparent.

J’ai lu de nombreuses fois le document relatif à la politique PSE, de même que le document relatif aux investissements. Les renseignements détaillés dont nous avons besoin à titre de comité n’y figurent pas. Je serais reconnaissante si les membres du comité de direction pouvaient examiner ce problème et établir la marche à suivre pour obtenir les renseignements dont nous avons besoin.

Le président : Je suis d’avis que c’est pertinent. Le président acceptera vos commentaires.

Je vais m’adresser aux fonctionnaires. Vous avez mentionné que vous allez fournir des renseignements supplémentaires concernant des questions qui ont été posées précédemment. Il ne fait aucun doute que la greffière effectuera un suivi à cet égard en particulier. Il est vrai que par le passé nous n’avons pas reçu assez de renseignements concernant des questions que nous avons posées. Nous avons l’intention d’effectuer un suivi auprès de vous, madame Charron.

Sénatrice Marshall, le comité de direction examinera ce sujet.

Mesdames et messieurs, pendant la deuxième heure de notre séance, nous accueillons M. Larry Murray, président de la Commission indépendante d’examen des acquisitions de la Défense. Il est accompagné de M. Philippe Lagassé. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. À titre informatif, la commission compte trois autres membres.

Le deuxième groupe de témoins que nous recevons au cours de cette dernière heure nous vient d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Nous accueillons Éric Dagenais, sous-ministre adjoint, Secteur de l’industrie; et Jeff Waring, directeur général, Direction générale des retombées industrielles et technologiques.

Monsieur Murray, vous ferez votre exposé, et serez suivi par M. Dagenais. Ensuite, les sénatrices et les sénateurs poseront des questions. Allez-y.

Larry Murray, président, Commission indépendante d’examen des acquisitions de la Défense : Merci, monsieur le président, de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. C’est un privilège d’être ici pour répondre à vos questions au sujet de la Commission indépendante d’examen des acquisitions de la Défense.

La création de la commission était un élément central de la stratégie d’approvisionnement de la Défense annoncée par le gouvernement en 2014. À l’époque, les responsables du processus d’approvisionnement militaire faisaient face à plusieurs défis, y compris celui de la perception selon laquelle les besoins militaires étaient formulés d’une manière si complexe que cela compliquait le processus d’approbation. Par conséquent, cela minait la confiance de l’industrie, des organismes centraux et des ministres à l’égard de la crédibilité des besoins militaires.

Une des principales initiatives de la stratégie d’approvisionnement de la Défense a donc été la création d’une fonction d’examen critique par un tiers qui fournirait des avis indépendants au ministre et au sous-ministre de la Défense nationale sur la validité des besoins militaires pour les grands projets. Les avis de la commission sont également communiqués au chef d’état-major de la Défense.

Ma déclaration d’ouverture portera sur le mandat et le rôle de la commission.

En plus de mon collègue Philippe Lagassé, qui m’accompagne aujourd’hui, et moi-même, la commission compte trois autres membres : Martin Gagné, Margaret Purdy et Christine Tovee. Nous apportons chacun notre propre expérience, expertise et point de vue à nos examens, et nous sommes bien appuyés par un petit bureau de fonctionnaires dévoués.

Pour dire les choses simplement, note objectif est de veiller à ce que les besoins militaires soient appropriés et énoncés clairement à l’intention des décideurs. Nous examinons leur fondement logique, la mesure dans laquelle ils sont suffisants, leur traçabilité et leur exhaustivité. Le mandat de la commission ne comprend pas l’analyse de l’approche en matière d’approvisionnement, bien que notre travail portant sur les exigences obligatoires puisse éclairer les décisions en matière d’approvisionnement qui seront prises dans les étapes ultérieures du processus d’approvisionnement.

L’examen de la commission est le plus souvent amorcé lorsque le budget d’un projet est supérieur à 100 millions de dollars. D’autres critères peuvent également mener à un examen de la commission, comme le précise notre mandat, dont vous avez copie. La commission procède à son examen au début du processus d’approvisionnement, avant que le gouvernement ne prenne des décisions clés et ne dépense des fonds importants. Cela permet à la commission de déceler les problèmes au début du processus afin qu’ils puissent être réglés rapidement.

L’examen de chaque projet par la commission comporte au moins deux réunions officielles avec de hauts représentants du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

[Français]

Le premier de ces entretiens a lieu lorsqu’un écart de capacité a été validé et que le responsable du projet a établi les exigences obligatoires de haut niveau du projet en question. Ces exigences de haut niveau ont déjà été approuvées par le comité des capacités de la Défense. L’organe de gouvernance interne, présidé par le vice-chef d’état-major de la Défense, est chargé d’approuver les capacités futures des Forces armées canadiennes.

Je dois indiquer ici que les exigences obligatoires de haut niveau définissent les résultats fondamentaux d’un projet, c’est-à-dire les éléments de base de la capacité que l’on entend fournir. Je tiens aussi à souligner que les exigences obligatoires de haut niveau tiennent compte de la politique de défense actuelle du gouvernement, ainsi que des engagements du Canada en vertu de ces alliances et des traités. Elles sont également guidées par un processus rigoureux de planification des capacités qui évalue ce dont les Forces armées canadiennes ont besoin pour accomplir les missions assignées par le gouvernement.

À cette étape, l’examen de la commission vise à comprendre les cotes de capacité et à ce que les exigences obligatoires de haut niveau soient complètes et suffisamment précises pour valider les options. La commission pose les questions clés conformément à son mandat pour guider son examen de chaque projet. Ces questions sont communiquées à l’avance à l’équipe chargée du projet, et je crois que vous en avez également reçu une copie.

[Traduction]

À la fin du premier entretien, la commission soumet ses recommandations à l’équipe de projet et peut demander la tenue d’une discussion supplémentaire afin d’obtenir une réponse aux questions en suspens.

Le deuxième entretien officiel a lieu après que le responsable du projet a reçu l’approbation du comité des capacités de la défense fondée sur une analyse de rentabilisation complète et l’énoncé préliminaire des besoins opérationnels. La commission examine si l’analyse de rentabilisation et l’énoncé préliminaire des besoins sont complets et ne comprennent que les exigences essentielles, et si l’option privilégiée est crédible. Ce n’est qu’après ce deuxième entretien officiel que la commission prépare son avis écrit au ministre, qui inclut ses observations découlant des interactions avec le responsable du projet, et le soumet par l’entremise de la sous-ministre.

Depuis le début de ses activités en juin 2015, la commission a examiné des projets qui ont porté sur tous les éléments de la défense nationale ainsi que d’éventail complet des coûts, de la complexité et des risques. En date de février 2019, la commission a examiné 48 projets — dont certains plusieurs fois — et soumis 25 avis au ministre de la Défense nationale. La commission fonde ses examens sur les documents existants et vise à travailler rapidement, soumettant la plupart du temps son avis écrit sur un projet quelques semaines après le deuxième entretien officiel.

Je tiens à souligner l’excellente coopération du ministère et le soutien constant offert par la Défense nationale à la commission depuis sa création en juin 2015. Pour tout dire, la commission ne pourrait pas accomplir son mandat de façon efficace et en temps opportun sans que la Défense nationale lui donne un accès facile aux documents requis et au personnel clé.

De notre côté, nous évaluons notre rendement régulièrement pour faire en sorte que notre approche atteigne les résultats exigés. Nous communiquons aussi des rapports d’étape, et le plus récent sera bientôt achevé.

Nous prenons aussi régulièrement des mesures afin de préserver notre indépendance. Par exemple, avant d’examiner un projet, nous confirmons qu’aucun membre de la commission n’a de conflit d’intérêts. Les membres de la commission ont aussi demandé des avis au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique à au moins trois occasions pour garantir que d’autres obligations professionnelles n’entrent pas en conflit avec notre rôle au sein de la commission.

Pour économiser du temps, je vais maintenant conclure ma déclaration d’ouverture. Philippe et moi-même serons heureux de fournir plus de détails sur le mandat ou le processus d’examen de la commission. Nous sommes impatients de discuter avec vous et de répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci, monsieur Murray.

[Français]

Éric Dagenais, sous-ministre adjoint, Secteur de l’industrie, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à participer à votre étude sur les processus et les éléments financiers du système d’approvisionnement militaire du gouvernement du Canada. Je m’appelle Éric Dagenais et je suis sous-ministre adjoint du Secteur de l’industrie à Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Je suis ici aujourd’hui en compagnie de Jeff Waring, directeur général de la Direction générale des retombées industrielles et technologiques.

En partenariat avec les ministères de la Défense et des Travaux publics, nous sommes responsables de la réalisation du deuxième objectif de la Stratégie d’approvisionnement en matière de défense, qui consiste à tirer parti de l’achat de matériel de défense pour stimuler la croissance économique au Canada.

[Traduction]

Le principal mécanisme dont dispose le Canada pour atteindre cet objectif est la politique des retombées industrielles et technologiques, ou politique des RIT, qui vise à soutenir la viabilité et la croissance à long terme de l’industrie canadienne de la défense. Une solide industrie de la défense canadienne est importante non seulement pour la sécurité nationale, mais aussi en tant que moteur de l’innovation et de la croissance économique pour les produits et les services liés à la défense ainsi que pour l’élargissement des applications commerciales.

L’industrie de la défense du Canada compte plus de 660 entreprises et a contribué plus de 60 000 emplois à l’ensemble de l’économie canadienne en 2016. Ces entreprises comprennent de grandes sociétés appartenant à des intérêts canadiens, des filiales au Canada et de nombreuses petites et moyennes entreprises au Canada.

Puisque les marchés de biens et de services liés à la défense sont généralement exclus des ententes commerciales internationales pour des raisons de sécurité nationale, de nombreux gouvernements à l’échelle mondiale cherchent à tirer parti de leurs investissements dans les biens et les services liés à la défense afin de générer de plus grandes retombées économiques pour leur pays.

[Français]

Depuis plus de 30 ans, le gouvernement canadien a cherché à tirer parti de l’approvisionnement en matière de défense par l’entremise de la politique des retombées industrielles et technologiques. Cette politique, que l’on appelait auparavant la politique des retombées industrielles et régionales, a changé de nom il y a quatre ans. Elle exige que les entrepreneurs mènent des activités commerciales au Canada d’une valeur égale aux contrats octroyés.

En juin 2017, Protection, Sécurité, Engagement, la politique de défense du Canada, a fait état d’une augmentation des dépenses militaires pour les 10 prochaines années de 18,9 milliards de dollars à 32,7 milliards de dollars en 2026-27. Cette importante mise à niveau présente une occasion de bénéficier de plus grands avantages pour notre économie. La politique des RIT cherche les meilleures possibilités pour faire progresser l’innovation, le développement des compétences et la formation, et les capacités de soutien qui satisfont aux besoins actuels et futurs des Forces armées canadiennes pour s’assurer qu’elles soient prêtes.

[Traduction]

Pour ce faire, la politique des RIT soutient à la fois la défense et les technologies à double usage, ainsi que d’autres secteurs de l’économie. Premièrement, elle appuie la croissance des opérations canadiennes ainsi que des fournisseurs canadiens des entreprises qui soumissionnent pour les contrats de défense au Canada. Cela comprend les petites et moyennes entreprises de toutes les régions du pays, qui représentent plus de 90 p. 100 des entreprises de l’industrie canadienne de la défense. Deuxièmement, la politique favorise l’innovation par la recherche et le développement au Canada. Troisièmement, la politique des RIT vise à accroître le potentiel d’exportation des entreprises de défense établies au Canada. Enfin, la politique tient compte de l’importance d’une main-d’œuvre hautement qualifiée dans l’industrie de la défense et vise à favoriser le développement des compétences et la formation afin d’accroître les possibilités d’emploi.

Le recours à l’effet de levier économique de l’acquisition de matériel de défense n’est pas nouveau. Nous utilisions déjà la politique des retombées industrielles et régionales en 1986. En 2014, la politique des RIT a succédé à la politique des RIR et a mis en place l’exigence relative à la proposition de valeur. Nous croyons que c’est le modèle le plus efficace pour l’approvisionnement de la défense, du moins en ce qui concerne les RIT. En termes simples, la proposition de valeur est l’engagement économique qu’un soumissionnaire prend envers le Canada au moment de la soumission et qu’il doit respecter une fois le contrat octroyé. La proposition de valeur est désormais une composante pondérée et cotée de la soumission, qui représente généralement au moins 10 p. 100 du pointage total accordé à la soumission, et parfois plus.

Les choses ont vraiment changé depuis l’introduction de cette exigence. Avant, les soumissionnaires étaient évalués uniquement en fonction du prix de leur solution et de leur capacité technique. Leur engagement sur le plan des avantages industriels n’était coté que selon un système de réussite ou d’échec. Les décisions relatives à la conception des propositions de valeur, y compris la pondération de l’ensemble de la soumission, s’appuient sur un engagement considérable de l’industrie ainsi que sur une analyse commerciale approfondie des capacités industrielles canadiennes.

La politique des RIT et la proposition de valeur qui y est associée ont fait en sorte que l’engagement des entreprises envers le développement économique du Canada devienne un facteur clé de l’évaluation des soumissions. La politique a aussi entraîné beaucoup d’autres changements.

[Français]

Au cours des quatre dernières années, nous avons pu constater que les partenariats de la chaîne d’approvisionnement sont formés plus tôt entre les entrepreneurs principaux et leurs fournisseurs canadiens, que les PME prennent de l’expansion grâce à l’exigence de la politique selon laquelle il faut leur confier des parts correspondant à un certain pourcentage de la valeur du contrat et que les entreprises s’engagent plus tôt à investir dans les activités de R-D au sein d’établissements d’enseignement postsecondaire et de PME.

Au cours des 30 dernières années, le portefeuille global d’acquisition du matériel de défense du Canada s’est composé de 144 contrats d’une valeur totale de près de 44 milliards de dollars. Cela signifie que la valeur de l’effet, le levier économique que le Canada et les Canadiens ont obtenu est de 44 milliards de dollars. En janvier 2018, environ 90 p. 100 de cette activité économique était déjà achevée ou en cours, et ce chiffre sera mis à jour dans le cadre de notre rapport public annuel. Pour ce qui est de l’avenir, nous estimons que 70 autres projets sont en cours de préparation. Ceux-ci représentent de nouvelles capacités pour les Forces armées canadiennes et d’importantes possibilités d’investissement pour les entreprises canadiennes. La politique des RIT et l’exigence relative à la proposition de valeur ne sont pas statiques. Nous nous engageons à nous améliorer continuellement afin de maximiser les retombées économiques pour le Canada.

[Traduction]

Une autre amélioration importante de la politique des RIT a été la publication en 2018 d’une liste des 16 capacités industrielles clés, ou CIC. Les CIC répondent à une demande de longue date de l’industrie de la défense et constituent une approche stratégique permettant de tirer parti des retombées économiques dans les secteurs industriels. Ils sont novateurs et ont un potentiel de croissance au Canada. Les besoins techniques futurs des Forces armées canadiennes ont eu en outre une grande influence sur l’élaboration des CIC, tout comme les capacités existantes et naissantes de l’industrie canadienne. La mise en œuvre des CIC au moyen de la politique des RIT offre une plus grande prévisibilité à l’industrie quant à la façon dont nous élaborerons et évaluerons les propositions de valeur.

Un autre changement a été la création en 2018 d’un pilier distinct pour les compétences et la formation dans la proposition de valeur. L’ajout de ce cinquième pilier confirme l’accord ISDE avec l’industrie, selon lequel les investissements dans les compétences et la formation sont essentiels à la réussite économique continue. Le pilier peut aussi servir à motiver des groupes sous-représentés, par exemple les femmes et les Canadiens autochtones, de l’industrie de la défense et d’autres secteurs économiques à acquérir des compétences et des possibilités de formation particulières.

[Français]

Pour ce qui est de l’incidence économique de la politique, de 2012 à 2016, elle a contribué à hauteur de 4,6 milliards de dollars par année au PIB du Canada et a permis la création ou le maintien de 46 000 emplois. Plus de 700 entreprises de toutes les régions du pays ont pu profiter de débouchés et plus de 190 millions de dollars ont été investis dans l’innovation collaborative, le développement des compétences et le transfert technologique.

Au-delà des chiffres, ISDE est plus fermement intégré que jamais dans le processus d’acquisition en matière de défense. Nous avons établi une solide capacité d’analyse dans le domaine. Je suis encouragé par les progrès que nous avons réalisés en si peu de temps. Au cours des quatre dernières années, un dialogue continu et régulier avec l’industrie et nos collègues fédéraux a été essentiel à l’administration et à l’amélioration de la politique des RIT et constitue le seul moyen d’assurer son succès continu.

[Traduction]

Nous serons heureux de répondre à vos questions, si vous en avez.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dagenais.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Pour commencer, j’ai une question de portée générale à poser à M. Murray et à M. Dagenais. J’ai l’impression, d’après ce que nous savons de l’approvisionnement militaire, que c’est un processus très lent. Je ne veux pas remettre en question la valeur du travail que vous faites, mais croyez-vous que la présence de vos organisations respectives est ce qui ralentit le processus, et, dans l’affirmative, pouvez-vous nous expliquer sommairement les répercussions que cela a concrètement sur le processus?

M. Murray : Merci de votre question, madame la sénatrice. Je vais devoir répondre en partie de façon anecdotique et subjective. La commission a été créée dans le but d’inspirer une plus grande confiance stratégique aux organismes centraux, aux ministères et à l’industrie, mais, pour être honnête, il est encore trop tôt pour dire si nous arrivons aux résultats escomptés. Nous mesurons évidemment le rendement, et cela fonctionne plutôt bien à l’interne, mais il y a eu un gel des grands projets pendant la mise en œuvre de la politique PSE, et un certain nombre d’entre eux viennent tout juste d’être relancés.

Mon hypothèse est que, s’il y a une confiance accrue à l’égard des besoins militaires, cela devrait réduire les questions et les renvois des analystes de la commission. J’ai été un peu sceptique au départ, pour être honnête, mais j’ai accepté parce que cela me semblait être la bonne chose à faire.

Concrètement, cela a un effet positif. Il n’y a qu’un seul grand projet sur lequel nous savons que nous avons eu des retombées positives et qui a permis d’accroître la confiance, même si la marine a aussi fait un excellent travail à cet égard, et c’est le projet de navire de combat, c’est-à-dire vers le début. C’est un exemple anecdotique — plutôt solide, oui, mais anecdotique —, mais je crois que l’examen de la commission s’est avéré très utile. Je crois aussi savoir — et, encore une fois, c’est anecdotique — que, pour un certain nombre de projets — même si c’est un petit nombre de projets pour l’instant —, certains fonctionnaires soutenaient que l’ancien président du Conseil du Trésor voulait obtenir nos conseils avant de prendre une décision sur les grands projets. Mais, encore une fois, c’est anecdotique.

À l’interne, cependant, je dirais que nous avons obtenu énormément de résultats, et cela m’a un peu surpris. Des responsables de projet nous demandent maintenant des réunions supplémentaires et d’autres choses du genre. Nous prévoyons deux séances de trois heures et nous lisons toute la documentation. Nous sommes cinq personnes, et nous avons l’aide d’un petit groupe d’employés, et même si nous posons des questions très élémentaires, ce que nous faisons est très utile. Honnêtement, j’aurais aimé pouvoir mettre en œuvre un modèle comme celui-ci de temps en temps dans mon ancienne carrière, parce que cela fonctionne. Ça n’a rien de sorcier, et nous ne posons pas des questions faciles.

Je crois que la qualité des prochains documents publiés sera meilleure. On utilise davantage le processus de planification des capacités pour combler les lacunes en matière de capacité. Au début, nous avons eu de la difficulté à passer à la défense du Canada à l’examen de 2 343 détails précis. Maintenant, nous réussissons à atteindre plus ou moins un juste équilibre presque tout le temps.

Je dirais que cela va aider probablement le processus à avancer, mais je ne peux pas l’affirmer catégoriquement. Présentement, j’imagine que si vous posez la question à un major, disons, il répondrait : « Oui, très bien, c’est intéressant, demandons à la commission, et advienne que pourra. » Nous espérons que ce que nous faisons donnera des résultats.

La sénatrice Marshall : S’il me reste du temps, j’ai une question à poser à propos du projet de navire de combat canadien.

Monsieur Dagenais, pourriez-vous répondre?

M. Dagenais : À mon avis, la politique des RIT ne ralentit pas le processus d’approvisionnement, et c’est particulièrement vrai depuis 2014. Nous sommes parvenus à nous intégrer dans l’ensemble du processus d’approvisionnement de la défense de façon à être présents dès le début, avec une proposition de valeur. Nous sommes tout à fait intégrés, et les entreprises savent exactement ce que nous voulons. Cela fait quatre ans maintenant que l’exigence relative à la proposition de valeur a été mise en place. Les entreprises savent ce que nous cherchons. Nous mettons à leur disposition un guide sur la proposition de valeur et nous menons de vastes consultations, alors les gens savent à quoi s’attendre. Au bout du compte, c’est en fournissant des certitudes que vous réussissez à éliminer les retards.

La sénatrice Marshall : Vous avez mentionné le projet de navire de combat canadien. J’ai lu votre rapport annuel de 2016-2017, je crois, mais je n’ai pas trouvé celui de 2017-2018. Je dois avouer que j’ai trouvé son contenu très général. Vous mentionnez le projet de navire de combat canadien, et je crois que vos rapports seraient plus enrichissants s’ils comprenaient plus de renseignements détaillés. Je trouve très instructif d’avoir de l’information sur chaque grand projet. Est-ce quelque chose que vous pourriez modifier dans votre rapport annuel, ou est-ce que vous n’avez pas le droit de fournir des détails pour des raisons de confidentialité, par exemple?

M. Murray : Le fait que tous nos conseils sont considérés comme un secret du cabinet pose un obstacle, c’est vrai. Au moins, nous pouvons maintenant révéler le nom des projets. Pour l’instant, nous sommes autorisés à révéler le nom des 48 projets.

Étant donné qu’un grand nombre de leçons retenues ne sont pas liées à un projet en particulier, nous devrions probablement essayer de faire un effort et de parler des problèmes sans les associer à un projet. Je suis d’accord avec vous, ce serait utile. Nous allons bientôt produire notre prochain rapport.

Autre chose; pour répondre de façon simple à votre dernière question, pour autant que je sache, les activités de la commission n’ont eu aucune incidence sur le calendrier de réalisation des projets. Je ne peux pas affirmer que ce sera toujours le cas, parce que la politique PSE pourrait prendre de la vitesse, mais, jusqu’ici, nous n’avons pas ralenti le processus, même si nous avons ajouté du travail, évidemment.

La sénatrice Marshall : Quand allons-nous pouvoir consulter le rapport de 2017-2018?

M. Murray : Il devrait être publié au cours des prochaines semaines. Nous ne manquerons pas le transmettre à votre comité.

Le sénateur Pratte : Monsieur Murray, je vais m’adresser à vous.

Dans le dernier rapport annuel, celui de 2016-2017, il y a deux choses que la commission a observées. J’aimerais savoir si ces observations sont toujours valables ou si la situation a évolué.

Premièrement, on mentionne les exigences obligatoires de haut niveau. Il est écrit, dans le rapport annuel, que la commission a remarqué que la formulation des exigences obligatoires de haut niveau donne toujours du fil à retordre aux équipes de projet. Par exemple, il arrive encore qu’on présente à la commission des exigences obligatoires de haut niveau très générales qui ne permettent pas de classer les options ou qui ne sont pas mesurables. C’est ce qu’on lisait dans votre rapport, il y a deux ans. La situation a-t-elle évolué depuis?

M. Murray : Les choses se sont améliorées, mais c’est toujours en évolution. D’une certaine façon, peut-être que nous n’arriverons jamais à la perfection. La bonne nouvelle, c’est que les Forces canadiennes confient cette tâche à leurs plus brillants talents, qui vont au Quartier général de la défense nationale pour préparer les exigences en matière d’équipement. Ils ne savent pas épeler « Conseil du Trésor » au début, mais ce sont de très bons éléments. Il y a une certaine courbe d’apprentissage.

Quand la commission a été créée, j’ai d’abord pensé que nous allions manquer de travail à un moment donné, mais ce n’est pas le cas, en réalité, à cause du travail qui arrive et du fait que nous sommes simplement cinq personnes non expertes qui posent des questions élémentaires.

Nous avons vu des progrès du côté des exigences obligatoires de haut niveau. Je crois qu’il y aura toujours des choses à améliorer, mais, au départ, ces exigences ont été créées officiellement en même temps que la commission, parce que c’était quelque chose dont nous avions besoin; nous avions besoin d’un énoncé préliminaire des besoins opérationnels qui ne compte pas 600 pages pour faire notre travail. La rigueur qu’il faut pour préparer des exigences obligatoires de haut niveau... On pourrait être bête comme une oie, cela nous serait quand même utile, en raison de la rigueur inestimable de ces discussions et de la recherche de ce qui est essentiel.

Au même titre, présentement — et vous pourrez le voir dans notre prochain rapport —, nous essayons de promouvoir un système qui est axé davantage sur la planification des capacités que sur des options d’approvisionnement visant seulement l’achat, la vente ou la location. En réalité, ces trois options n’en représentent qu’une seule et, au lieu de miser sur les capacités, tout le processus d’approvisionnement tourne autour de cette seule option d’approvisionnement. Nous croyons pouvoir obtenir beaucoup d’utiles... Au bout du compte, en combinant les exigences obligatoires de haut niveau et les solutions axées sur les capacités. Cela sera particulièrement utile lorsqu’il n’y a pas assez d’argent pour faire tout ce que nous voulons. C’est très pratique de savoir dès le départ quelles capacités sont les plus importantes et quelles concessions nous pouvons faire.

Le sénateur Pratte : Merci. Dans le même rapport, vous dites aussi que la commission continue de trouver que certains documents ne détaillent pas suffisamment la façon dont un projet remédiera à l’écart de capacité opérationnelle et les conséquences de la mise à l’écart d’un projet. À mes yeux, il s’agit de renseignements élémentaires qui devraient être présentés pour n’importe quel projet sur lequel le gouvernement doit prendre une décision. Je vous le redemande, la situation s’est-elle améliorée?

M. Murray : La situation s’améliore, effectivement. Phil, ici présent, a commencé en disant : « Il vaut mieux expliquer que seulement parler. » On utilise à la fois une planification plus rigoureuse des capacités et des explications détaillées. On finit toujours par trouver la réponse à ce moment-là. Nous ne pouvons pas prendre une décision uniquement à la lumière de la documentation. Nous avons observé une nette amélioration à ce chapitre.

Philippe Lagassé, membre, Commission indépendante d’examen des acquisitions de la Défense : Essentiellement, il faut que vous soyez en mesure d’expliquer votre travail. Comme Larry l’a dit, fondamentalement, bon nombre de gestionnaires de projet et de directeurs évoluent dans une réalité opérationnelle. Souvent, ce sont des ingénieurs spécialisés ou des scientifiques, et ils doivent essayer d’expliquer aux décideurs quels sont, concrètement, les besoins en capacités des projets. Par exemple, pourquoi est-il nécessaire de voler à une vitesse donnée? Pourquoi devez-vous aller à cette vitesse, en milles marins? Comment cela s’inscrit-il dans la politique générale de la défense? Et surtout, cela a-t-il une incidence sur les risques liés à une mission ou sur le concept d’opération? Les organisations ne pensent pas à ce genre de détails, parce que cela va de soi dans leur monde, mais cela peut avoir des conséquences sur les quantités de matériel qui sont achetées ou sur l’amélioration des capacités. Sans ces renseignements, il est difficile de déterminer si on fait vraiment l’acquisition de ce qui est nécessaire ou si les quantités sont adéquates.

Comme on l’a dit plus tôt, il faut trouver le juste équilibre. Il a été extrêmement utile de mobiliser les équipes de projets sur ces questions. Une fois que vous avez la politique PSE, on vous dit de défendre le Canada, et ensuite, on vous dit que les Forces canadiennes ont besoin de 4 000 camions ou de n’importe quoi d’autre. Comment est-ce qu’on en arrive là? Il faut pouvoir expliquer comment on est arrivé à cette équivalence. Les Forces canadiennes et le ministère de la Défense le savent, parce qu’ils ont accès au savoir institutionnel et à l’expertise, mais ce n’est pas toujours exprimé de manière claire et précise, dans les documents qui sont mis à la disposition des décideurs et, au bout du compte, à la nôtre. Nous avons déployé des efforts de ce côté pour rectifier le tir, et cela a fonctionné.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question, dans un premier temps, s’adresse à M. Dagenais.

En 2014, on a fait une modification dans le cadre de la politique sur les retombées industrielles, en remplaçant le terme « régional » par le terme « technologique ». J’appuie l’objectif d’augmenter les retombées et d’améliorer les connaissances et la technologie. Vous avez publié un rapport en 2018. Serait-il possible de faire la ventilation de ces retombées par région du Canada? Une des missions du Sénat est d’être à l’écoute de la réalité des régions et de se porter à leur défense. Cette question m’interpelle particulièrement.

Y aurait-il possibilité, dans votre rapport de janvier ou dans votre prochain rapport, que les retombées pour les projets concernés soient également ventilées par région?

M. Dagenais : Nous les avons ventilées par région, mais pas au niveau provincial. En général, les retombées suivent quelque peu les emplois par région. Dans le secteur de la défense, 38 p. 100 des emplois se trouvent en Ontario, 28 p. 100 sont au Québec, 20 p. 100 se trouvent dans l’Ouest et 14 p. 100 dans le Canada atlantique. Les retombées industrielles suivent à peu près l’endroit où se trouvent les emplois à travers le pays.

Le sénateur Forest : Votre rapport peut donc nous permettre d’aller plus loin que simplement faire la corrélation entre les deux?

M. Dagenais : Oui, par région.

Le sénateur Forest : Il indique effectivement les données par région?

M. Dagenais : Par région, et non par province — quoique je l’ai déjà demandé, mais on me dit que c’est impossible.

Le sénateur Forest : Et si on en faisait la demande?

M. Dagenais : Par province?

Le sénateur Forest : Oui.

M. Dagenais : Nous n’avons pas les données par province. Toutefois, nous les avons par région. Nous allons donc les inclure dans le rapport et nous pourrons vous les fournir.

Le sénateur Forest : Je ne comprends pas que vous ayez les chiffres par région, et non par province.

M. Dagenais : Peut-être que M. Waring peut expliquer pourquoi ce n’est pas possible.

[Traduction]

Jeff Waring, directeur général, Direction générale des retombées industrielles et technologiques, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Rapidement, j’ai une précision à faire. Lorsque nous intégrons la politique des RIT au processus de demande de propositions... Depuis les 30 dernières années, nous demandons toujours ce genre d’engagement et nous demandons des données ventilées par région plutôt que par province.

Cela s’explique surtout par le fait que, même si c’est une entreprise donnée dans une province ou une autre qui se voit octroyer un contrat ou une commande d’achat, les retombées économiques se répercutent dans la région globale où l’entreprise se trouve. Les projets réalisés dans le Canada atlantique entraînent des retombées dans les autres provinces, parce que des contrats sont accordés à des sous-traitants des autres provinces qui sont proches de l’entreprise principale.

[Français]

Le sénateur Forest : Vos régions, ce sont les Maritimes, le Québec et l’Ontario. Cela ressemble à des provinces. Et l’Ouest?

M. Dagenais : Oui, l’Ouest, ce sont les quatre régions.

Le sénateur Forest : Compte tenu des objectifs que vous poursuivez, lorsqu’on achète du matériel usagé, par exemple, ce qu’on a fait avec nos sous-marins britanniques ou les hélicoptères Cyclone, ou alors quand on a voulu remplacer les F-18, l’objectif est d’avoir des retombées, en plus d’avoir du matériel usagé. On n’atteint pas cet objectif d’avoir des retombées équivalentes à l’investissement de la capitalisation des retombées technologiques, n’est-ce pas?

M. Dagenais : On en aura en matière d’entretien et de soutien de cet équipement. Pour de l’équipement usagé, on n’a évidemment pas de retombées économiques directes, mais on en aura sur l’entretien et le soutien.

Le sénateur Forest : C’est vrai que cela peut s’avérer important, et si je regarde les Cyclone, c’est trois fois plus .

M. Dagenais : Oui, c’est plus que très important, et souvent plus que l’achat initial.

Le sénateur Forest : Monsieur Murray, est-ce évalué? Votre mandat touche spécifiquement l’acquisition d’un projet, et non les stratégies plus globales, n’est-ce pas? Est-ce que ce sont des recommandations sur lesquelles vous vous penchez?

[Traduction]

M. Murray : Cela ne fait vraiment pas partie de notre mandat, monsieur le sénateur, alors je ne saurai dire... Nous nous intéressons strictement aux besoins opérationnels. Bien sûr, nous posons des questions sur la participation de l’industrie canadienne, mais nous ne mettons vraiment pas l’accent là-dessus, alors je ne saurai répondre à votre question. Je tiens pour acquis que Pat Finnigan ou quelqu’un d’autre...

[Français]

Le sénateur Forest : Comme vous avez un mandat, une distance, un recul important quant à l’analyse de projets spécifiques, est-ce que, dans votre mandat, vous vous penchez sur des stratégies plus globales sur la pertinence de réévaluer l’efficience et l’efficacité des choix stratégiques? Je pense, entre autres, à la Stratégie nationale de construction navale, par exemple?

M. Lagassé : La commission commence avec l’idée que la politique de défense du gouvernement, c’est la politique de défense. Si vous regardez les questions que l’on pose aux projets, on tient pour acquis que la politique de défense, c’est la stratégie gouvernementale. Cela ne signifie pas, pour nous, remettre en question les politiques gouvernementales. Cela dit, si on remarque qu’il y a un écart entre ce que la politique veut faire et ce que le projet peut livrer, là, on peut poser des questions. C’est un principe ou un aspect de notre mandat qui est assez important. Il s’agit de nous assurer que les capacités qui seront livrées s’alignent sur la politique de défense. Si ce n’est pas le cas, on peut poser des questions. S’il y a un écart entre ce qu’on veut faire et ce qu’on peut faire, on concentre nos questions sur cet aspect.

Le sénateur Forest : Est-ce que vous demandez à ce que l’on motive les dépassements de coûts et les retards dans chaque projet spécifique?

M. Lagassé : Vous voulez savoir si on en est conscient?

Le sénateur Forest : Je suis convaincu que vous l’êtes. Prenons l’exemple d’un gestionnaire de projet qui a la responsabilité d’un projet X et qui a des dépassements de coûts au-delà des contingences permises. Est-ce que vous l’obligez à motiver les retards et les dépassements de coûts?

M. Lagassé : On voit les projets dans l’analyse des options. Donc, le budget n’a pas encore été défini. On peut par contre remarquer que les coûts estimés vont au-delà du budget et on peut poser des questions pour savoir ce que vous allez faire pour vous assurer de répondre à la politique de défense si vous n’avez pas les moyens ou le budget nécessaires pour arriver à votre objectif. On peut également poser des questions. Cela revient à la définition des besoins de haut niveau. Est-ce que vos besoins de haut niveau sont suffisants ou trop élaborés? Est-ce la raison pour laquelle votre budget est trop élevé? On peut poser plusieurs questions pour nous assurer qu’il y a une analyse afin de s’assurer que le budget s’aligne avec les capacité. Il est arrivé à quelques reprises qu’on découvre que, pour atteindre les objectifs de la politique de défense, il serait peut-être conseillé d’augmenter le budget. On peut le leur dire.

Le sénateur Forest : C’est facile comme solution, mais il faut connaître les raisons qui ont motivé ces dépassements de coûts.

[Traduction]

M. Murray : La politique… Habituellement, nous vérifions toujours si le projet répond à une politique. Il est arrivé deux ou trois fois — cela arrive surtout lorsqu’il est question de systèmes d’armes —, que nous ayons dû vérifier s’il y avait une politique gouvernementale approuvant un système d’armes en particulier. Cela n’a rien d’inhabituel pour nous. Depuis la mise en œuvre de la politique PSE, cela pose évidemment moins souvent problème, parce que tout cela a déjà été vérifié.

Une autre chose qui nous rassure… Disons que nous approuvons un projet et formulons des conseils là-dessus. Le projet progresse, il a été approuvé avec un certain budget, mais le budget finit par changer et il n’y a plus assez d’argent. On se demandait tout le temps si les projets allaient nous revenir. C’est effectivement arrivé; nous ajoutions un addenda et nous savions que, si le budget était largement insuffisant pour obtenir les capacités prévues pour lesquelles nous avions, en toute bonne foi, fourni des conseils, le projet allait nous être à nouveau soumis et, comme décideurs, nous allions pouvoir l’examiner à nouveau et ajouter un addenda. Cela a été très utile, et nous avons été très rassurés lorsque c’est arrivé.

Le sénateur Klyne : Merci aux témoins.

Ma question concerne la politique des RIT et le cinquième pilier. On a remplacé la politique des retombées industrielles et régionales par la politique des RIT et le cinquième pilier, mais j’ai l’impression que les objectifs très précis de la politique des RIR mettaient davantage l’accent sur le développement des capacités et la formation pour les peuples autochtones. Selon moi, la formulation ici va un peu plus loin qu’elle pourrait le faire et pourrait encourager ou amener les gens à s’engager en ce sens. J’ai l’impression que vous n’avez pas d’objectifs mesurables à cet égard. Peut-être que c’est le cas, et si oui, j’aimerais vous donner l’occasion de nous fournir des détails. Je vous pose la question : collaborez-vous — et j’évite sciemment le terme consulter — avec les groupes qui, selon vous, sont sous-représentés, en particulier les groupes autochtones? En outre, allez-vous plus loin que la formation et le développement des compétences? Favorisez-vous aussi le renforcement des capacités? Il y a déjà des organisations qui soumissionnent des contrats du ministère de la Défense, et je crois que la politique des RIT nous offre probablement la possibilité de renforcer les capacités.

M. Dagenais : Nous communiquons évidemment avec les entrepreneurs qui soumissionnent et obtiennent des contrats du ministère de la Défense. Je pourrais vous donner quelques exemples, par exemple dans l’industrie de la construction navale. Vancouver Shipyards exécute un programme visant à former des soudeurs autochtones canadiens afin qu’ils puissent décrocher un emploi dans les chantiers navals de Vancouver. Irving Shipyards exécute un programme similaire en Nouvelle-Écosse. Donc, il y a des cas où le pilier du développement des compétences a convaincu des entrepreneurs de la défense à travailler avec des groupes sous-représentés. Irving a également un programme pour mobiliser et former des soudeurs afro-canadiens en Nouvelle-Écosse afin qu’ils puissent trouver des emplois dans les chantiers navals. L’entreprise a aussi un programme pour les femmes, exécuté en collaboration avec le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse.

Donc, pour savoir si nous consultons directement ou non les groupes sous-représentés... Jeff a dirigé la dernière série de consultations sur la mise à jour de notre guide sur la proposition de valeur.

M. Waring : Il y a quatre ans, quand nous avons diffusé pour la première fois ce guide sur la proposition de valeur, nous avons mené des consultations d’un bout à l’autre du Canada. Tout le monde était invité, autant les entreprises que les parties intéressées. Nous avons accueilli un certain nombre de groupes : l’organisation Femmes en défense et sécurité, l’organisation Women in Aerospace ainsi que des groupes autochtones qui voulaient savoir si la politique des RIT pourrait les aider à trouver du travail.

Vous avez demandé s’il était possible d’en faire plus en matière de formation et de développement des compétences pour les groupes sous-représentés. Nous travaillons en étroite collaboration avec SPAC et le ministère des Relations Couronne-Autochtones pour ce qui concerne les outils d’approvisionnement auxquels ils ont accès, par exemple les commandes d’approvisionnement réservées aux entreprises autochtones. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux pour comprendre ce qu’ils font et pour veiller à ce que nous évoluons tous dans la même direction à ce chapitre. Par exemple, nous avons déjà songé à intégrer un plan d’activités pour les Autochtones. Nous pouvons tirer parti de ce genre d’outils et, grâce à nos liens dans l’industrie, nous pouvons discuter des meilleures approches pour avantager ces collectivités.

Le sénateur Klyne : La politique des RIR était très axée sur les commandes réservées. Cela a-t-il été écarté?

M. Waring : Nous n’avons jamais eu de commandes réservées pour les groupes autochtones en particulier. Nous n’avions pas de commandes réservées pour les entreprises régionales non plus. C’est le marché qui décide. Il incombe aux entreprises et aux principaux entrepreneurs de déterminer la meilleure façon de distribuer le travail. À présent, conformément à la politique des RIT, nous voulons pouvoir déterminer quels leviers utiliser dans la proposition de valeur et comment formuler le cadre d’évaluation afin d’accroître les investissements dans des domaines comme le développement des compétences et la formation.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Cela devrait aller assez rapidement puisqu’une de mes deux questions a déjà été posée. Monsieur Murray, vous avez parlé de votre rapport de 2017-2018, qui sortira prochainement. Où sera-t-il diffusé? Comment sera-t-il diffusé et accessible pour les Canadiens?

[Traduction]

M. Murray : Il sera affiché sur notre site web. Il sera diffusé à l’interne, au ministère de la Défense et dans l’ensemble du secteur du développement des Forces canadiennes. Sur notre site web, tout le monde y aura accès.

La sénatrice Forest-Niesing : Vous voulez dire, le grand public?

M. Murray : Oui.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci.

[Français]

Dans votre exercice, vous apportez des recommandations et, si je comprends bien, en 2016-2017, sur les 14 projets que vous avez étudiés, vous avez présenté des avis aux ministres sur 7 de ces 14 projets. Pouvez-vous nous donner un exemple de conseil que vous donnez et indiquer également le niveau de persuasion que vous utilisez auprès du ministère? Sont-ils généralement d’accord avec vos conseils? Les suivent-ils?

[Traduction]

M. Murray : Je peux difficilement répondre à votre question, parce que lorsque nous formulons des conseils, nous savons seulement ensuite si le projet ira de l’avant. Avant que le projet de navires de combat canadiens soit accepté, les approbations du Conseil du Trésor ont pris plus de temps que prévu, mais depuis, d’autres projets ont été lancés. Je dois souligner que tout cela est anecdotique, mais nous aurons probablement au cours de l’année à venir plus d’occasions de poser des questions aux gens à l’externe. Bien sûr, nous parlons avec les représentants du Conseil du Trésor, entre autres. C’est anecdotique, mais nous savons que les fonctionnaires du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé nous sont reconnaissants de nos conseils et que les ministres qui les ont consultés les jugent pertinents. Par exemple, pour la sous-ministre de la Défense, nous résumons en cinq pages les caractéristiques d’un projet de notre point de vue; nous lisons toute la documentation deux fois pour cela, et notre personnel prépare une analyse avant chaque séance. Nos réunions internes en personne durent deux ou trois heures, puis nous avons une discussion ouverte de deux ou trois heures avec les responsables de projet. Dans le cas du projet de navires de combat canadiens, la marine a fait le suivi du temps, même si nous n’en étions pas au courant. On y a consacré 50 heures; c’est énorme, mais la discussion a été très enrichissante. Comme je l’ai dit, la rétroaction à l’interne est positive, mais nous n’avons pas été en mesure d’obtenir une rétroaction officielle à l’externe, parce qu’une poignée de projets seulement ont été autorisés dans le cadre de ce processus.

Pour ce qui est du rapport annuel...

[Français]

M. Lagassé : J’aimerais ajouter que le fait qu’on ait deux engagements aide également. Donc, quand on voit un projet pour la première fois, on peut déjà faire des recommandations ou indiquer où on voudrait voir des améliorations. Dans certains cas, nécessairement, si un projet est problématique ou s’il a un peu de difficulté, on peut avoir un engagement supplémentaire et on peut s’assurer, encore une fois, de faire des recommandations. Enfin, pour le deuxième engagement, on peut noter dans nos avis que certains aspects n’ont pas été assez bien élaborés ou qu’il y a encore des lacunes.

La sénatrice Forest-Niesing : Est-ce qu’une telle situation s’est produite assez fréquemment au cours de la dernière année?

M. Lagassé : Non, ce n’est pas fréquent. Généralement, les chargés de projets acceptent nos recommandations et ajustent les énoncés de haut niveau ou certains aspects du projet, sachant qu’on n’est pas là pour diriger les projets, mais je crois qu’ils sont conscients du fait que les conseils que l’on donne, les recommandations qu’on peut leur offrir aident à améliorer non pas les besoins militaires, mais la façon dont ils les expliquent au ministre.

[Traduction]

M. Murray : Essentiellement, nous faisons le récit des faits, et ensuite, nous réussissons généralement à fournir des certitudes. Nous expliquons au ministre notre processus d’examen, en quoi les exigences obligatoires de haut niveau ont changé, et tout le reste.

Pour répondre à votre première question, si nous formulons des recommandations précises — et cela nous arrive de temps à autre —, c’est peut-être seulement pour recommander d’inclure trois articles plutôt que deux dans un contrat. Lorsque nous faisons ce genre de recommandations, nous obtenons souvent une rétroaction.

[Français]

La sénatrice Moncion : J’ai une question rapide. C’est Alan Williams qui a écrit : Three ways to improve defence procurement. Il mentionne que le premier obstacle est l’absence de responsabilité claire. Il croit qu’il y a un chevauchement et un dédoublement excessif entre le rôle du ministre de la Défense nationale et celui du ministre des Services publics et de l’Approvisionnement. Êtes-vous en mesure de commenter cela?

[Traduction]

M. Murray : Dans mes fonctions actuelles, je sais que, en ce qui concerne l’énoncé des besoins opérationnels, tout ce qui précède l’énoncé préliminaire des besoins opérationnels inclusivement est la seule partie du processus qui relève seulement du ministre de la Défense nationale. Il n’y a pas de chevauchement relativement aux travaux de la commission, c’est-à-dire les travaux qui précèdent la décision du Conseil du Trésor ou du ministre de passer à l’étape de la définition. Autrement dit, c’est la responsabilité du ministre.

Cela dit, la commission travaille effectivement avec des fonctionnaires de SPAC et du Conseil du Trésor. Nous les tenons au courant de ce qui se passe. En d’autres mots, je dois donner une séance d’information devant un comité de coordination sous-ministériel deux ou trois fois par année. Mais le chevauchement des responsabilités touche une partie du processus où nous n’intervenons plus, pour être honnête.

La sénatrice M. Deacon : Merci à tous d’être venus aujourd’hui. Monsieur Dagenais, j’ai une question au sujet de votre équipe, de son travail, de son but. J’aimerais aussi savoir pourquoi exactement vous voulez tirer parti de l’achat de matériel de défense pour stimuler la croissance économique au Canada. Il est très important de bien faire les choses. Il est important d’obtenir le meilleur équipement possible. Y a-t-il en ce moment, au Canada, des secteurs où on pourrait presque dire qu’il y a tout ce qu’il faut en matière de compétences et d’équipement et des genres de choses que nous pouvons nous procurer avec une demande de proposition, peu importe le processus? Pouvons-nous recevoir rapidement ces articles et sont-ils de meilleure qualité? Y a-t-il des équipements militaires pour lesquels nous manquons d’expertise, au Canada? Est-ce un aspect que nous devrions réellement peaufiner et diversifier pour être en mesure d’approvisionner le Canada comme il faut? Pourriez-vous d’abord faire un commentaire là-dessus?

M. Dagenais : Je pense que la réponse est oui. Il y a des secteurs dans lesquels le Canada a une belle expertise et des systèmes que nous pouvons élaborer ici, au Canada. Mais il y a des choses qu’il est probablement préférable d’aller chercher ailleurs parce que nous n’avons pas la capacité de les fabriquer ici.

Je pense que l’une des premières choses que vous devriez examiner pour savoir dans quels secteurs nous sommes bons, ce sont les CIC dont je parlais tout à l’heure, les capacités industrielles clés. Après un processus exhaustif, nous avons déterminé les différents secteurs dans lesquels le Canada possède les compétences nécessaires, et nous avons dit que ce sont ces compétences et ces capacités que nous allions privilégier dans la proposition de valeur. Par conséquent, si des gens investissent dans des entreprises canadiennes qui ont ce type de capacités et qu’ils collaborent avec elles, nous allons les récompenser quand ils présenteront des propositions de valeur faisant état de ce fait. L’objectif, quand on parle des retombées industrielles et technologiques, c’est de faire évoluer les entreprises canadiennes qui ont une capacité internationale, non pas nécessairement de créer des capacités qui n’existent pas encore.

Le secteur de la défense est très axé sur l’exportation. Il y a environ 58 p. 100 d’exportations. Il s’agit d’un assez bon indicateur. Quand une entreprise canadienne est en mesure d’exporter un système et de le vendre à un autre gouvernement, c’est généralement une assez bonne indication de la qualité supérieure de ce système. Notre secteur de la défense est assez bon. Il y fait beaucoup de recherche et de développement, offre des emplois novateurs et bien rémunérés, et exporte beaucoup.

La sénatrice M. Deacon : Prenons le secteur dont vous parlez; le processus n’a pas été conçu pour être statique, il est fluide, et nous visons l’amélioration continue pour l’ensemble de ce processus, de la politique et de la proposition de valeur. Quelles sortes de questions vous posez-vous quand vous pensez à l’amélioration continue?

M. Murray : En fait, nous ne nous occupons pas de cela.

Puis-je ajouter quelque chose? Je pense que c’est important. J'ai dit que nous ne nous occupons pas de l’approvisionnement et du reste, mais, avec chaque conseil que le ministre reçoit, nous sommes tenus d’indiquer ce que cela apporte à l’industrie canadienne. Il est certainement primordial de le savoir.

M. Dagenais : Les exemples les plus récents sont la mise en œuvre des CIC. C’est une chose que l’industrie a longtemps attendue. Nous avons dit que nous le ferions après une étude exhaustive. Je pense que le volet des compétences est un autre exemple où nous avons dit, l’année dernière, que nous voulions encourager l’approvisionnement en matière de défense. Nous voulons tirer parti de l’approvisionnement en matière de défense pour assurer le perfectionnement des compétences et la formation des Canadiens afin de garantir que tous les Canadiens puissent réellement en bénéficier. Un autre exemple récent que nous avons donné, c’est que nous allons demander aux entreprises du secteur de la défense de proposer des plans visant à assurer l’égalité des sexes et la diversité, car nous voulons nous assurer que ces entreprises sont aussi représentatives que possible. Ce sont les types d’exemples qui montrent que nous avons évolué au cours des trois ou quatre dernières années, et nous continuerons à travailler en ce sens.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le président : Merci beaucoup à M. Murray et à son équipe. Monsieur Dagenais, merci. Nous avons beaucoup d’information. Il est possible que nous vous demandions de revenir, si besoin était.

(La séance est levée.)

Haut de page