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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 3 - Témoignages du 23 mars 2016


OTTAWA, le mercredi 23 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier la question de la démence dans notre société.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, originaire de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'inviterais mes collègues à se présenter, en partant de ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

La sénatrice Merchant : Bienvenue. Pana Merchant, sénatrice de la Saskatchewan.

Le sénateur Munson : Bonjour. Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario.

La sénatrice Seidman : Bonjour. Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto, en Ontario.

Le président : Merci, chers collègues.

Je vous rappelle que nous poursuivons notre étude sur la question de la démence dans notre société, et c'est avec un immense plaisir que nous recevons nos témoins d'aujourd'hui. Je vais les nommer quand je les inviterai à se présenter. Comme convenu, elles ont accepté de me faciliter grandement la vie en suivant l'ordre figurant dans l'ordre du jour. Je vais donc, dans un premier temps, inviter Mimi Lowi-Young, présidente-directrice générale de la Société Alzheimer du Canada, à prendre la parole.

Mimi Lowi-Young, présidente-directrice générale, Société Alzheimer du Canada : Bonjour, monsieur le président et distingués membres du comité. Je veux commencer en vous disant que je vous suis reconnaissante d'avoir choisi la démence comme sujet d'étude. J'espère que mon exposé d'aujourd'hui vous permettra de comprendre pourquoi nous devons suivre la voie que je vais vous proposer en ce qui concerne la démence.

Je suis ici pour parler du besoin d'adopter une stratégie et un plan d'action nationaux en matière de démence. Le Canada tire désespérément de l'arrière par rapport à ses partenaires internationaux à cet égard. Il est le seul pays du G7 qui n'a pas de stratégie en place; pourtant, les chiffres nous indiquent qu'il faut absolument agir maintenant.

On compte plus de 747 000 personnes atteintes de démence, notamment de la maladie d'Alzheimer. Si nous continuons ainsi, ce chiffre doublera pour atteindre 1,4 million de personnes au cours des 15 prochaines années. Trois Canadiens sur quatre ont un lien de parenté avec une personne atteinte de démence ou en connaissent une. Mettons les choses en perspective : 78 de vos 105 collègues du Sénat sont directement touchés par la démence dans leur vie personnelle.

La démence a de lourdes conséquences sur la santé, la société et l'économie. À l'heure actuelle, elle coûte à l'économie canadienne 33 milliards de dollars annuellement. D'ici 2040, nous pouvons nous attendre à ce que ce chiffre atteigne 293 milliards de dollars.

Notre population active en ressent déjà les effets, des effets qui empireront dans l'avenir, avec les baby-boomers qui continuent de travailler après l'âge de la retraite.

La démence a de plus un effet disproportionné sur les femmes. Des Canadiens vivant avec la maladie d'Alzheimer, 72 p. 100 sont des femmes. En outre, 70 p. 100 des aidants naturels sont des femmes, lesquelles prodiguent souvent des soins jour et nuit à des membres de leur famille atteints de démence.

La décision de faire passer de 6 à 26 semaines la durée des prestations de compassion de l'assurance-emploi est une initiative qui est la bienvenue. Nous nous réjouissons également que le gouvernement se soit engagé à accorder des congés plus généreux et plus souples aux aidants naturels. Il faut toutefois en faire davantage, et la Société Alzheimer du Canada a un plan.

Nous proposons la création du Partenariat canadien contre l'Alzheimer et les maladies apparentées. Ce partenariat dirigerait, coordonnerait et faciliterait l'élaboration et la mise en œuvre d'une stratégie nationale intégrée et exhaustive en matière de démence.

Pourquoi est-ce nécessaire? À l'heure actuelle, il n'existe pas de mécanisme pour tirer parti des pratiques exemplaires et des preuves afin de permettre aux communautés du pays d'en profiter et aux gens d'obtenir des soins et du soutien, peu importe leur lieu de résidence.

Le Partenariat corrigerait la situation en établissant une approche pancanadienne pour veiller à ce que les programmes et les mesures de soutien qui connaissent du succès soient offerts dans toutes les régions du pays. Pour ce faire, nous constituerions un réseau canadien comprenant des experts de la démence, des représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux, des chercheurs, des fournisseurs de soins de santé, des ONG clés, l'industrie, des gens vivant avec la maladie, des aidants naturels et des familles concernées pour que les voix de tous soient entendues.

Ce partenariat aurait trois grands objectifs stratégiques : la recherche, la prévention et le fait de bien vivre avec la démence. Il aurait une structure officielle avec un modèle de gouvernance indépendant et autonome. Il appuierait et respecterait les compétences provinciales et territoriales en matière de santé, tout en adhérant à des objectifs clairs et à des résultats mesurables.

En clair, le partenariat n'imposerait pas de programmes et de services. En fait, cinq provinces canadiennes, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse, disposent de leur propre stratégie en matière de démence ou sont en train d'en élaborer une.

Le Partenariat fournirait toutefois un appui crucial en augmentant l'accès aux renseignements et aux outils fondés sur des données probantes afin d'épauler les provinces et les territoires dans le cadre de l'élaboration de leur propre stratégie de gestion de la démence, adaptée à leurs besoins. Nous considérons que cela permettra d'assurer une meilleure gestion locale de la démence grâce à des résultats tangibles et mesurables.

Nous avons déjà vu ce modèle à l'œuvre avec des organismes comme le Partenariat canadien contre le cancer, qui a reçu, pas plus tard qu'hier, un financement permanent pour ses travaux, et la Commission de la santé mentale du Canada.

Tous les partis à la Chambre des communes appuient cette initiative. Le projet de loi C-233, Loi concernant une stratégie nationale sur la maladie d'Alzheimer et d'autres démences, a été adopté en première lecture le 25 février dernier. Il a été présenté par le député conservateur Rob Nicholson et appuyé par le député libéral Rob Oliphant.

Alors que le Canada en est actuellement à un point critique de son histoire, Statistique Canada a révélé l'automne dernier que pour la toute première fois, le nombre de Canadiens âgés de plus de 65 ans est supérieur à celui de ceux qui ont moins de 14 ans. Or, nous savons que l'âge est un important facteur de risque sur le plan de la démence et que le nombre de gens atteints de démence augmente chaque jour et chaque année. Malheureusement, nous ne connaissons pas encore la cause de la maladie, et nous n'avons aucun traitement pour la guérir ou en modifier le cours.

Le Canada ne peut plus se permettre de se tirer de l'arrière dans ce dossier. À titre de législateurs et de décideurs, nous faisons appel à votre soutien et à votre leadership. Je vous demande de faire tout en votre pouvoir pour appuyer l'élaboration d'une stratégie nationale en matière de démence en encourageant l'adoption du projet de loi C-233 et en étayant cette initiative en recommandant la création du Partenariat canadien contre l'Alzheimer et les maladies apparentées dans le rapport que vous préparerez dans le cadre de la présente étude.

Mesdames et messieurs, nous avons une occasion d'avoir une incidence réelle dans la vie des personnes atteintes de démence et de leur famille. Nous le devons à la population canadienne. Nous sommes impatients de travailler avec vous pour faire de ce projet une réalité.

Le président : Merci beaucoup. Je laisse maintenant la parole à Bonnie Schroeder, directrice exécutive de la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées.

Bonnie Schroeder, directrice exécutive, Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées : Merci et bonjour. En qualité de directrice de la coalition, je suis enchantée de traiter de la stratégie nationale en matière de démence. Il s'agit d'une question d'une importance capitale, et j'espère que cela permettra de mieux comprendre les besoins des aînés et des aidants naturels qui vivent avec la démence, aujourd'hui et dans l'avenir.

Je dois vous dire que j'aborde la question forte de mon expérience personnelle, à titre de directrice d'une coalition qui reçoit régulièrement des demandes de ressources sur le plan de la démence de la part de cliniciens et de membres de la famille, et à titre de petite-fille d'un homme qui a vécu avec la démence vasculaire pendant plus de 20 ans et qui a reçu des soins de ma mère et de ma grand-mère. Je viens d'une famille de soignants.

Pourquoi devrions-nous avoirs une stratégie nationale en matière de démence? De nos jours, bien des gens sont atteints de démence. Compte tenu du vieillissement de la population, ce nombre devrait augmenter. Nous savons aussi que le risque de souffrir de démence augmente à mesure que l'on vieillit. Un grand nombre de personnes atteintes de démence ou d'autres problèmes de santé neurologiques veulent savoir comment elles peuvent mieux vivre avec leur maladie.

Les aidants naturels jouent un rôle important en offrant tout un éventail de soins aux personnes atteintes de démence. Nombre d'entre eux éprouvent toutefois de la difficulté à prodiguer des soins tout en travaillant et en ayant une vie personnelle. Ils ont besoin de soutien pour assurer leur bien-être physique, émotionnel, social et financier.

Mais en vérité, comme Mimi l'a souligné, la maladie a également des coûts sociaux et économiques qui ont des répercussions considérables sur la personne atteinte de démence, le soignant, le système de soins de santé et l'économie.

Pour ces trois raisons, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en établissant une stratégie nationale intégrée en matière de démence afin de combler les besoins complexes et émergents de protéger et de favoriser la santé cognitive des aînés canadiens.

Nous sommes encouragés par l'engagement que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la santé ont pris en 2014 d'élaborer une stratégie en matière de démence, ainsi que par le financement de la recherche du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement, dont nous faisons partie à titre de partenaire. Il reste toutefois d'autres manques que le gouvernement pourrait combler. Mais comment? Nous avons trois recommandations.

Nous proposons d'abord de réorienter le système pour qu'il mette l'accent sur la prévention et l'intervention précoces; puis de soutenir les aidants naturels, particulièrement sur le plan financier; et, enfin, de s'investir dans une collaboration multisectorielle.

Avant de poursuivre, j'aimerais vous parler brièvement de la coalition et de sa perspective. Il s'agit de la coalition qui, au pays, favorise la santé mentale des aînés en assurant le lien entre les gens, les idées et les ressources par l'entremise de son réseau comptant plus de 2 000 membres multidisciplinaires. Nous élaborons des ressources à l'intention des fournisseurs, des aînés et des soignants. Nous créons notamment des ressources pour les aînés qui vieillissent avec une maladie récurrente, chronique et/ou persistante, qui sont aux prises avec la maladie mentale pour la première fois, qui vivent avec une démence accompagnée de symptômes comportementaux et psychologiques, et qui ont des problèmes chroniques dont on sait qu'ils ont un lien avec la santé mentale, comme la démence, d'autres problèmes neurologiques et le cancer. Nous développons également des ressources pour ceux qui prennent soin de ces personnes.

Nous mettons beaucoup l'accent sur l'évaluation, le traitement et la promotion de la santé mentale des aînés, cherchant à réduire les préjugés et à lutter contre l'âgisme quand nous nous attaquons aux problèmes de santé mentale des aînés.

Je vais maintenant revenir à mon premier point : la réorientation du système vers la prévention et l'intervention précoces. Pour résoudre le problème de capacité du système, nous recommandons de réorienter le système de soins de santé pour qu'au lieu de viser à gérer la maladie, il favorise la santé et prévienne les problèmes de santé mentale, les maladies chroniques et les handicaps, y compris la démence, en affectant adéquatement les ressources afin d'accroître la capacité pour toute la gamme des services, comme le soutien communautaire, les soins à domicile, les soins à long terme et les soins palliatifs afin de satisfaire la demande croissante en soins de la démence.

On trouve dans le programme Premier lien de la Société Alzheimer un exemple d'intervention précoce. De nombreuses sociétés Alzheimer du pays offrent ce programme afin de faire le lien entre les personnes et les familles ayant reçu récemment un diagnostic et le soutien et les services dès le départ, et de les appuyer tout au long du voyage vers la démence.

Du point de vue communautaire, le gouvernement fédéral a déjà investi des sommes considérables dans l'initiative des collectivités amies des aînés. Il serait facile de faire appel aux communautés amies des aînés dans le cadre de cette initiative.

Certains Canadiens craignent qu'il ne soit trop coûteux pour notre système de soins de santé et de services sociaux d'investir dans ces types de programmes. Cette tactique de peur n'est tout simplement pas fondée, ce qui m'amène à mon deuxième point, celui du soutien des aidants naturels. Ce sont les membres de la famille et les amis qui prodiguent la majorité des soins, et bon nombre d'entre eux ne voudraient pas qu'il en soit autrement. Collectivement, les familles continueront de fournir des millions d'heures de soins par semaine, sans frais, et elles le font parfois au prix — substantiel — de leur santé physique, émotionnelle, sociale et financière.

Je m'attarderai à la question financière, car je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à cet égard. Les recherches montrent qu'outre les soins qu'elles prodiguent, les gens qui s'occupent de personnes atteintes de démence paient de leur poche des dépenses de 4 600 $ par année en moyenne.

Ici encore, le gouvernement a fait beaucoup à cet égard, avec la prolongation des prestations de soins de compassion, le crédit fiscal pour aidants naturels et le plan de soutien des employeurs aux aidants naturels, pour ne donner que quelques exemples. Même si ces initiatives ne s'adressent pas précisément à ceux qui prennent soin de personnes atteintes de démence, c'est un pas dans la bonne direction.

Alors comment le gouvernement fédéral peut-il soutenir les familles? En rendant le crédit fiscal pour aidants naturels remboursable, comme l'ont fait d'autres provinces, comme le Québec et le Manitoba. Cela permettrait aux aidants naturels à faible revenu de s'en prévaloir. En rendant le crédit fiscal remboursable, le gouvernement permettrait à tous les aidants naturels d'en profiter, peu importe leur revenu et les dépenses qu'ils paient de leur poche.

Notre dernière recommandation concerne la collaboration multisectorielle. La démence est vraiment un problème transectoriel qui exige la collaboration de plusieurs secteurs. Nous sommes d'accord avec la Société Alzheimer du Canada pour établir un partenariat national en matière de démence et pour mettre en œuvre une stratégie nationale.

Réfléchissez à ce qui suit : une modification de nos politiques, de nos programmes et de nos pratiques peut entraîner un changement de culture qui modifiera nos croyances et nos attitudes envers les aînés atteints de démence et d'autres maladies neurologiques, ainsi que ceux qui les soignent. Au lieu de les voir comme un fardeau et une dépense, nous pouvons les considérer comme des contributeurs et des atouts dans nos communautés.

Il faut se montrer proactif et stratégique. Pourquoi? Parce que bien des personnes atteintes de démence veulent bien vivre avec leur maladie; parce que les aidants naturels doivent concilier travail, soins à prodiguer et vie personnelle, et ont besoin de soutien pour demeurer en santé; et parce qu'il faut réduire les coûts économiques qui auront des répercussions considérables pour la personne atteinte de démence, l'aidant naturel, le système de soins de santé et l'économie.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. J'inviterai maintenant Lynn Posluns à faire son exposé.

Lynn Posluns, fondatrice et présidente, Women's Brain Health Initiative : Merci et bonjour.

La démence ne devrait plus être erronément considérée comme une conséquence inévitable du vieillissement. En outre, il n'est plus acceptable de prétendre qu'on ne peut rien faire à cet égard : on peut et on devrait en faire beaucoup.

Pour relever le défi que représentent la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence, il faut déployer un effort concerté et effectuer un engagement économique à long terme, avec la collaboration des chercheurs et des politiciens. Une stratégie nationale en matière de démence qui accroît la priorité et la suffisance des fonds destinés à la recherche, informe le public quant aux stratégies de réduction du risque pour retarder l'apparition de la maladie, en infléchir le cours ou en réduire les coûts, et coordonne des soins holistiques aux patients permettra à tous les Canadiens de bénéficier d'un programme exhaustif et cohérent de lutte à la démence.

La maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées façonnent nos familles, notre avenir et le futur de nos enfants d'une manière sans précédent. Nous pouvons choisir d'intervenir et de contribuer à façonner l'avenir, ou nous pouvons rester les bras croisés. On note un besoin immense et croissant qui n'est pas comblé chez tous les principaux intéressés : les patients, les aidants naturels, les décideurs, les organismes de réglementation et les fournisseurs de soins de santé. Les effets de ces maladies débilitantes pour l'esprit gagnent en influence chaque jour, et bon nombre d'entre nous risquent de voir une connaissance ou un être cher souffrir de démence.

Il n'existe pour l'instant aucune solution efficace à long terme. Mais après des années d'échec, nous sommes sur le point d'avoir les premiers traitements pour agir sur la pathophysiologie sous-jacente de l'Alzheimer. Même si la première génération de traitements ne permettra pas de guérir la maladie, la capacité d'en ralentir la progression aura une incidence sociétale notable en retardant l'apparition de la maladie, ce qui constitue un premier pas important sur la voie de la guérison. Cependant, ces médicaments ne pourront faire sentir leur plein effet et les prochaines générations de thérapies ne nous arriveront pas assez vite à moins que notre environnement ne subisse une petite révolution.

Les données montrent de manière irréfutable que les femmes sont les principales victimes de l'Alzheimer. Plus de 70 p. 100 des personnes atteintes de la maladie sont des femmes, et elles se retrouvent plus souvent dans le rôle de patientes. Cette situation est en partie attribuable à la longévité, mais il existe également bien d'autres raisons scientifiques, que nous devons connaître si nous voulons être mieux préparés à affronter le tsunami qui attend notre société.

Les femmes sont aussi plus souvent celles qui prodiguent des soins, pas seulement à leurs propres parents, mais aussi à ceux de leurs partenaires et de leurs êtres chers. Trop souvent, elles abandonnent une carrière brillante, fruit d'un dur labeur, pour fournir ces soins.

Le gouvernement du Canada a commencé à s'attaquer au besoin d'effectuer des recherches plus diversifiées sur la démence dans le cadre du thème transversal relatif au sexe du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement et grâce au soutien financier accordé récemment à la chaire de recherche Posluns de Women's Brain Health and Aging.

Nous devons susciter de nouveaux échanges afin d'en arriver plus rapidement à une expérience réinventée de la démence. Les efforts déployés pour faire évoluer les mentalités doivent permettre de mieux comprendre la pathologie de l'Alzheimer et le fait que la maladie commence des décennies avant que les symptômes ne se manifestent. Nous devons préparer le terrain pour comprendre pourquoi il est crucial d'intervenir précocement. Nous devons faire comprendre qu'il importe de déceler la maladie très tôt. Nous devons modifier le paradigme pour faire des avancées sur les plans du diagnostic et du traitement.

Nous devons délaisser l'orientation axée sur la guérison pour en adopter une fondée sur la prévention en informant la population hétéroclite du Canada sur les manières de conserver un cerveau en santé plus longtemps en lui parlant des comportements que l'on peut modifier pour réduire le risque grâce à une saine alimentation, à des exercices de stimulation mentale et sociale, à l'exercice, à la réduction du stress, à l'abandon du tabagisme, et cetera.

Nous devons élargir le point de vue qu'a la société de la vie avec la maladie d'Alzheimer pour qu'elle voie au-delà des dernières années de la maladie. Pour ce faire, il faut établir et peaufiner les concepts et les termes qui peuvent définir ce qui est vécu au début de la maladie et commencer à réduire les préjugés afin de distinguer la maladie de la démence qui en découle.

Le paradigme actuel met l'accent sur les derniers stades de la maladie et sur ce qui saute aux yeux. La société et tout le monde a à l'esprit l'image d'un patient au dernier stade de la maladie. Contrairement à une orientation axée sur les stades précoces de la maladie, cette absence d'information influence les peurs et les comportements, et fait en sorte que les gens craignent d'être vus comme des personnes amoindries ou de voir leur liberté entravée, en perdant leur permis de conduire ou leur emploi, par exemple, même aux stades précoces de la maladie.

C'est aux stades avancés de la maladie qu'on la comprend et l'évalue. À l'échelle mondiale, même dans le milieu de la santé, on possède une compréhension limitée de la pathophysiologie sous-jacente de l'Alzheimer et du fait que la maladie commence des décennies avant que les symptômes ne se manifestent. La maladie est actuellement évaluée en fonction des symptômes et de leur progression, souvent pas avant qu'un membre de la famille le demande. Quand les symptômes, même subtils, sont visibles, le processus pathophysiologique est bien entamé, et la plupart des consommateurs et des fournisseurs ne s'en rendent pas compte. Les indices initiaux de dégénérescence cognitive sont subtils et peuvent aisément être interprétés par les patients et la famille comme des signes normaux de vieillissement.

Il est tard quand on consulte un fournisseur de soins; les patients et les familles ne s'adressent souvent à un médecin que lorsque les problèmes cognitifs et fonctionnels ont des répercussions importantes sur la vie quotidienne. Le diagnostic survient tard : 50 p. 100 des diagnostics d'Alzheimer ne sont posés qu'au stade modéré de démence. Le patient ne peut alors plus bénéficier des nouvelles thérapies potentielles.

Il est difficile de poser un diagnostic au stade léger. Même lors d'essais cliniques, l'évaluation clinique seule est erronée 25 p. 100 du temps.

Le diagnostic est communiqué tard, si seulement il l'est. Une fois le diagnostic posé, bien des fournisseurs de services évitent d'utiliser le mot « Alzheimer » ou retardent la communication du diagnostic au patient et à la famille. De nombreux médecins estiment que le fait de communiquer le diagnostic, surtout aux premiers stades, peut faire plus de mal que de bien.

Le risque d'être atteint d'Alzheimer augmente avec l'âge. Comme les Canadiens vivent plus longtemps, le pourcentage de la population atteinte de la maladie augmente également. Au Canada, les coûts directs et indirects combinés de la démence s'élèvent aujourd'hui à 33 milliards de dollars annuellement, comme Mimi l'a fait remarquer. Si rien ne change, ce chiffre atteindra 293 milliards de dollars en 2040.

Selon les IRSC, le financement annuel s'élève à près de 150 millions de dollars pour le cancer, à 96,2 millions de dollars pour les maladies du cœur, et à 49,2 millions de dollars pour le VIH-sida, alors que l'Alzheimer et les maladies apparentées ne récoltent que 41,1 millions de dollars. L'Alzheimer et les maladies apparentées ne reçoivent donc que 12 p. 100 du financement total que les IRSC octroient pour lutter contre ces maladies.

Les taux de mortalité ont diminué pour le cancer, les maladies du cœur et le VIH-sida, alors qu'ils ont monté en flèche pour l'Alzheimer. D'après une étude récente, l'Alzheimer est la troisième cause de décès au Canada, derrière les maladies du cœur et le cancer du poumon. L'accroissement spectaculaire des cas de démence submergera le système de soins de santé du Canada à moins que l'on prenne des mesures précises et ciblées.

Nous devons encore augmenter le financement public à la recherche, en mettant l'accent sur la recherche axée sur le sexe; permettre à la société de mieux comprendre l'évolution de la maladie, en insistant sur la santé du cerveau dans le cadre de programmes d'éducation destinés aux particuliers, aux familles et aux médecins de famille; donner accès à un diagnostic juste donné à temps afin de créer un sentiment d'urgence pour détecter la maladie aux premiers stades; et offrir du soutien physique et financier aux aidants naturels. Un plan national de lutte à la démence devrait inclure ces quatre objectifs.

En travaillant avec les provinces et des organisations comme la Société Alzheimer du Canada, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées et la Women's Brain Health Initiative, nous pouvons collectivement améliorer beaucoup la santé du cerveau des Canadiens et réduire le risque et le fardeau financiers pour le Canada en étant proactifs afin d'avoir moins besoin de réagir à une maladie qui, nous le savons, prend de l'ampleur. L'avenir de la santé du cerveau s'élargira de façon exponentielle si nous éliminons les silos dans les domaines de la recherche et de la politique, et que nous collaborons vraiment. C'est la façon la plus rapide de trouver des solutions réelles qui peuvent changer la vie de tous aujourd'hui.

Merci.

Le président : Merci beaucoup à tous nos témoins. Je vais maintenant laisser mes collègues poser des questions.

Le sénateur Eggleton : Merci de vos exposés. Je commencerai par Mme Lowi-Young. Votre organisation, la Société Alzheimer du Canada, réclame une stratégie nationale en matière de démence depuis maintenant un certain nombre d'années. Puis, en 2013, vous avez ajouté le concept de Partenariat canadien contre la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées. Vous dites maintenant que vous appuyez également le projet de loi C-233, un projet de loi d'initiative parlementaire qui est devant la Chambre. Or, cette mesure législative prévoit quelque chose de légèrement différent : l'établissement d'un conseil consultatif. À toutes ces mesures et orientations s'ajoute la décision prise par la ministre de la Santé du gouvernement précédent d'établir un plan national de recherche et de prévention concernant la démence. Comment pensez-vous que toutes ces initiatives s'arrimeront pour accomplir ce que vous considérez qu'il faut accomplir?

Mme Lowi-Young : La Société Alzheimer du Canada considère toujours que le Partenariat canadien contre l'Alzheimer et les maladies apparentées constitue le moyen qui nous permettra d'établir une stratégie et un plan d'action nationaux en matière de démence. Quand nous avons discuté du projet de loi C-233, nous avons jugé que nous pourrions effectivement commencer en créant un conseil consultatif. Mais au bout du compte, je pense qu'il est nécessaire d'établir une entité qui peut superviser l'élaboration et la mise en œuvre du plan.

Nous recommandons le Partenariat, car nous avons étudié ce que le Partenariat canadien contre le cancer a permis d'accomplir sur le plan du traitement du cancer. Cette entité a agi à titre de facilitateur, de coordinateur et d'intégrateur pour toutes les facettes du traitement du cancer, forte d'objectifs clairs et de résultats mesurables. Nous sommes d'avis que le seul moyen de réussir consiste à créer une entité avec les parties prenantes que j'ai énumérées — des gens atteints de la maladie, des chercheurs et les provinces — afin d'établir non seulement le plan, mais aussi des objectifs et des cibles mesurables pour nous permettre de nous évaluer pour voir ce que nous pouvons accomplir.

Le gouvernement précédent a proposé une stratégie nationale de recherche et de prévention concernant la démence. Pour la Société Alzheimer du Canada, ce n'était qu'un petit point de départ pour le Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement. Certains travaux ont été réalisés sur le plan de la prévention, mais il n'y a pas eu d'effort concerté dans le cadre d'une stratégie nationale en matière de démence. Nous avons vu quelques éléments disparates pouvant faire partie d'une telle stratégie, mais rien qui s'apparente à la démarche globale que nous proposons aujourd'hui.

Selon nous, ce sont toutes ces initiatives et la manière dont elles fonctionnent ensemble qui auront une incidence.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous discuté de votre concept de partenariat avec le gouvernement fédéral, qu'il s'agisse du gouvernement au pouvoir ou de celui qui l'a précédé, ou avec les gouvernements provinciaux? Dans l'affirmative, quel accueil avez-vous reçu?

Mme Lowi-Young : Nous avons eu diverses conversations avec des représentants de l'ancien gouvernement sur divers aspects de sa position sur les soins de santé et la façon d'aborder la santé. Dans nos discussions d'aujourd'hui, nous avançons que c'est une question non partisane. Comme vous le savez, il y a un projet de loi d'initiative parlementaire de Claude Gravelle qui a presque franchi toutes les étapes du processus législatif à la dernière législature.

Beaucoup d'éléments importants ont convergé. En général, nous sentons chez les députés et dans nos discussions avec les hauts fonctionnaires de l'appui envers nos propositions. Nous mettons nos sociétés provinciales à contribution pour sensibiliser les provinces à ce que nous pouvons faire pour mettre en commun les stratégies provinciales, de manière à ce qu'elles convergent en vue d'une stratégie nationale. Certaines des mesures dont nous parlons devraient relever du gouvernement fédéral plutôt que des provinces individuellement, parce que les provinces doivent se concentrer sur la prestation de soins, alors que nous parlons ici d'une perspective de recherche beaucoup plus générale.

Le sénateur Eggleton : Quel genre d'organisations verriez-vous au sein de ce partenariat?

Mme Lowi-Young : Nous pensons qu'il faut que le secteur privé et le secteur des technologies y participent, ce qui comprendrait des représentants des ministères provinciaux comme des sociétés pharmaceutiques. Pour la recherche, il y a au Canada le Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement, qui regroupe 370 chercheurs, donc il nous faudrait des représentants de ce groupe. Les personnes atteintes de démence et leurs familles devraient également être représentées. D'autres secteurs pourraient aussi s'intéresser à la démence, des ONG comme la Société Alzheimer du Canada et d'autres organisations, dont celle de mes collègues ici présentes. Elles devraient être représentées à la table.

Le sénateur Eggleton : Madame Posluns, je vais vous demander de répéter ce que vous avez dit dans vos observations. Premièrement, vous avez dit que 70 p. 100 des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer étaient des femmes. Vous avez dit que cela pourrait s'expliquer par la longévité plus longue des femmes que des hommes. Vous avez également souligné à juste titre que ce sont des soignantes. Le chiffre de 70 p. 100 m'a étonné. Y a-t-il d'autres raisons à cela? Les femmes sont-elles plus susceptibles d'obtenir un diagnostic précoce que les hommes? Quelles en sont les raisons, d'après vous?

Mme Posluns : Le problème, c'est en partie que les scientifiques ne savent pas exactement pourquoi les femmes sont plus vulnérables à des maladies comme l'Alzheimer; il y a le vieillissement, mais il n'explique pas tout. Il pourrait y avoir des causes hormonales. Par exemple, les scientifiques savent que si une femme subit une hystérectomie et une ovariectomie avant la ménopause naturelle, le risque de démence s'en trouve augmenté de 140 p. 100, ce qui est énorme.

Une étude récente réalisée aux États-Unis montre que les femmes conservent leur mémoire verbale plus longtemps que les hommes. L'un des tests de dépistage de l'Alzheimer consiste à donner à la personne une liste de mots qu'elle doit répéter 10 minutes plus tard. Donc si les femmes conservent leur mémoire verbale plus longtemps que les hommes, lorsqu'elles en sont rendues à oublier cette liste de mots, la maladie d'Alzheimer est plus avancée chez elles que chez les hommes au moment où elles perdent la mémoire, ce qui fait que la maladie est peut-être dépistée plus tard chez les femmes, ce qui est peut-être encore pire pour elles, parce que non seulement les femmes sont-elles plus nombreuses que les hommes à souffrir d'Alzheimer, mais leur situation dégénère plus vite. Leur déclin est plus rapide que chez les hommes.

Cette étude est la première à étudier la maladie en fonction du genre, donc nous commençons à comprendre ces différences, mais dans l'ensemble, on n'en sait pas encore beaucoup, c'est pourquoi il est si important d'étudier la maladie dans une perspective différenciée selon les sexes.

Le sénateur Eggleton : Vous avez également souligné que le diagnostic arrive tardivement. La plupart des gens ne réalisent pas qu'ils en sont atteints et consultent leur médecin tardivement. Tout ce que vous mentionnez arrive tardivement.

Nous savons aussi qu'un vieillissement sain et normal peut être associé à une perte de mémoire. Nous en faisons tous l'expérience dans une certaine mesure. Comment en arrive-t-on à déterminer qu'on est peut-être en train de prendre une tangente descendante vers quelque chose de plus grave? J'ai posé la question à notre premier groupe de témoins, et je suis conscient qu'elle est complexe. Comment les gens savent-ils qu'ils ont franchi le seuil critique?

Mme Lowi-Young : Selon le cours du vieillissement normal, on oublie des choses, mais on s'en rappelle une heure plus tard, ce qui est correct. Cependant, on peut se mettre à oublier des choses sans s'en souvenir une heure plus tard. La ligne est mince entre la perte de mémoire et les oublis normaux. Je pense que c'est cette ligne qui constitue le seuil.

Il faut comprendre que la maladie elle-même, pour ce que nous en savons, peut commencer à s'installer 25 ans avant l'apparition des premiers symptômes. Il y a un processus de dégénération qui s'enclenche bien avant l'apparition des premiers symptômes. C'est tout le défi du diagnostic précoce. À quel point faut-il essayer de diagnostiquer la maladie précocement, parce qu'il y a toute une question éthique qui y est associée? Cela soulève des questions éthiques importantes.

Mme Posluns : Je vais renchérir : dans la trentaine et la quarantaine, même si la maladie peut commencer dès cet âge, la personne est asymptomatique. Elle ne subira pas d'examens, parce qu'il n'y a aucune indication de ce qui se passe. La difficulté consiste en partie à éduquer les gens dès la trentaine ou la quarantaine, parce qu'ils se disent qu'ils n'ont pas à s'en soucier avant d'avoir 70 ou 80 ans. Il faut essayer d'intervenir tôt pour modifier le style de vie de la personne. Il est important de commencer tôt. Comme vous le savez, les changements de comportement se font très lentement.

Le président : Comme cette question reviendra souvent dans le cadre de notre étude, j'aimerais intervenir brièvement pour vous demander des précisions sur la réponse que vous venez de donner. Si la maladie peut commencer environ 25 ans avant qu'elle ne soit dépistée chez la personne, comment peut-on savoir rétrospectivement qu'elle a commencé chez la personne 25 ans plus tôt?

Mme Lowi-Young : Je ne suis ni chercheuse ni médecin, mais je sais qu'il y a des recherches en la matière et que les chercheurs commencent à mieux comprendre la maladie, grâce à divers tests. Ils le savent grâce à des études dans le cadre desquelles des sujets sont suivis de manière prospective et à diverses analyses.

Je pense que le plus intéressant, c'est ce à quoi ces découvertes peuvent nous mener. Je répète qu'on comprend encore mal le mécanisme de la maladie. Le simple fait de savoir que le cerveau change et de suivre une personne sur une longue période peut nous permettre de mieux comprendre la maladie.

Je pense qu'il y a également de la modélisation qui se fait à partir d'études portant sur des souris. Les scientifiques peuvent ainsi comprendre un peu mieux ces mécanismes et le fait qu'ils s'enclenchent un moment donné. Le cerveau est un organe très complexe.

Mme Posluns : Les chercheurs étudient différents biomarqueurs, mais encore une fois, ces modèles se fondent sur l'étude des souris. Il est encore très tôt pour essayer de découvrir si telle ou telle personne porte la maladie autrement que par l'autopsie.

Le président : Nous comprenons très bien qu'on peut étudier une personne une fois le diagnostic établi. Je poserai la question aux autres témoins qui comparaîtront devant nous, mais vous l'avez mentionné avec tant d'assurance que je croyais que vous pourriez avoir plus d'éléments de réponse.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie toutes trois de vos exposés.

Chose intéressante, le ministère de la Santé du Royaume-Uni a publié ce mois-ci, en mars 2016, un rapport intitulé Prime Minister's challenge on dementia 2020 : Implementation Plan. Ce plan comprend plus de 50 engagements précis qui visent à améliorer les soins, la recherche et la sensibilisation en matière de démence d'ici 2020. Si l'on regarde les thèmes abordés dans ce plan, on trouve la réduction du risque; la santé et les soins; la sensibilisation à la démence et l'intervention sociale, notamment par des collectivités empathiques à l'égard de la démence; et la recherche.

Ma question s'adresse aux trois témoins : avez-vous pris connaissance de ce rapport? Y a-t-il des éléments du rapport du Royaume-Uni auxquels nous devrions porter une attention particulière, d'après vous, puisque nul besoin de réinventer la roue, comme on le dit souvent?

Mme Lowi Young : Je n'ai pas encore lu le rapport en détail, mais je sais que le Royaume-Uni est déjà bien avancé pour ce qui est des programmes et des services relatifs à l'Alzheimer et aux autres formes de démence; des stratégies destinées à créer des milieux accueillants pour les personnes atteintes de démence; des amis de la démence et de toute la question de la stigmatisation; ainsi que de la réduction du risque.

David Cameron est un incroyable champion en matière de démence. Il a réuni les pays du G8 en décembre 2013, afin de signer une déclaration sur les mesures à prendre relativement à la démence. Il prend la question très au sérieux, si bien que le Royaume-Uni a investi des millions de dollars dans la recherche, tout comme d'autres pays qui ont des stratégies bien établies en matière de démence.

Bien que je n'aie pas encore lu ce rapport, je connais assez bien les principales stratégies dont il y est question, et je sais que ce sont des modèles de stratégies en matière de démence.

La sénatrice Seidman : Je ne sais pas si Mme Schroeder ou Mme Posluns a quelque chose à ajouter. Sinon, je vais continuer.

Mme Schroeder : Je l'ai vu pendant ma préparation en vue de ma comparution, mais je ne l'ai pas lu au complet. Je pense que le concept dont parlait Lynn est important : il faut veiller à ce que nos stratégies soient axées sur un mode de vie qui favorise la prévention, que les gens prennent soin d'eux-mêmes, mais la collectivité a aussi un rôle à jouer, d'où l'idée de mettre l'accent sur le concept de la collectivité. Beaucoup de gens vont vivre avec des problèmes de santé cognitive. Il y a déjà beaucoup de personnes qui souffrent de handicaps ou de handicaps cognitifs dans nos collectivités. Qu'est-ce que cela signifie exactement? Non seulement la personne doit-elle adopter un certain mode de vie, mais la collectivité doit lui offrir une forme de soutien.

J'ai épluché la table des matières de ce rapport, et je pense qu'il met beaucoup l'accent sur l'aspect communautaire. Il faut combattre la stigmatisation et rendre les communautés accueillantes. Ainsi, comment pouvons-nous aborder la santé cognitive de façon positive et non punitive et restrictive?

Mme Posluns : J'ai présenté des communications au Royaume-Uni. Bien que ce pays soit effectivement avancé à certains égards, je dois vous dire que nous sommes en avance sur lui sur deux plans.

Il y a premièrement la chaire de recherche dont je vous ai déjà parlé, la première chaire de recherche sur la santé neurologique des femmes et le vieillissement, que les Britanniques voient vraiment comme un atout, et ils étaient impatients d'en savoir plus à ce sujet.

Il y a ensuite le volet éducation. Je leur ai remis un numéro de notre revue Mind Over Matter, qui se veut un outil de sensibilisation dont nous avons distribué 100 000 exemplaires par le Globe and Mail, et le ministère de la Santé du Royaume-Uni veut faire de même, puisqu'il n'y a rien de tel là-bas. Nous sommes donc en avance sur les Britanniques à certains égards.

La sénatrice Seidman : Je suis ravie d'apprendre que nous échangeons avec eux. C'est le but, n'est-ce pas?

Mme Posluns : Exactement.

Mme Lowi Young : De même, sénatrice Seidman, je crois que vous entendrez le témoignage de M. Marc Wortmann. Il pourra vous parler plus en détail de ce à quoi pourrait ressembler une bonne stratégie nationale en matière de démence, mais je peux vous dire que les thèmes communs de toutes les stratégies fortes en matière de démence sont l'importance du diagnostic précoce, de l'accès à des soins et à du soutien, ainsi que la réduction de la stigmatisation. Beaucoup de stratégies nationales en matière de démence se fondent sur ces grands thèmes, tout comme sur la prévention, que nous considérons comme un aspect essentiel de toute stratégie nationale en matière de démence.

La sénatrice Seidman : C'est intéressant, parce que vous avez répondu à ma prochaine question, qui était exactement : quelle est l'essence d'une bonne stratégie nationale en matière de démence?

Je suis contente d'entendre votre point de vue à ce sujet, et je déduis également de ce rapport qu'il faut mettre l'accent sur l'aspect communautaire. Vous avez toutes les trois utilisé le mot « partenariat », entre autres. Quand on regarde le programme du Royaume-Uni, il y est constamment question des principales organisations et des partenaires. C'est le genre de collaboration dont vous avez parlé toutes les trois, pour un investissement multisectoriel.

Sur le thème des collectivités accueillantes pour les personnes atteintes de démence, l'un des éléments particulièrement importants est l'offre de soins de santé et de services sociaux intégrés pour mieux aider ces personnes. Comment réagissez-vous à cet aspect des collectivités accueillantes pour les personnes atteintes de démence, selon lequel il faut offrir des soins de santé et des services sociaux intégrés?

Mme Lowi Young : Si vous me permettez de répondre la première, sénatrice Seidman, je pense qu'il s'agit de deux choses différentes. Je pense que ce type de collectivité crée un milieu où la personne atteinte de démence peut avoir une bonne qualité de vie, être respectée et recevoir de l'aide de sa communauté, où les pompiers, les policiers, les travailleurs communautaires et les commerçants sont sensibilisés à la façon de former le personnel pour interagir avec une personne atteinte de démence.

La Société Alzheimer du Royaume-Uni a établi des normes. Chaque ville peut présenter sa candidature pour obtenir le statut de collectivité accueillante pour les personnes atteintes de démence. Elle affirme que ce statut est le fruit d'un travail constant et non une destination en soi, puisqu'il faut continuellement essayer d'améliorer la formation du personnel et des autres intervenants dans les commerces et la fonction publique, pour que les gens sachent comment intervenir avec une personne atteinte de démence. C'est une chose.

L'intégration des services sociaux et communautaires est absolument essentielle. Dans la plupart des provinces à part le Québec, on fait la distinction entre les services sociaux et les soins de santé. Les deux doivent vraiment être intégrés. Par divers mécanismes, chaque province a un régime un peu différent en matière de santé, et il faut vraiment mettre l'accent sur la façon dont nous pouvons harmoniser ces deux volets.

Au Royaume-Uni, c'est plus harmonieux, parce que les politiques relatives aux soins à domicile et aux services sociaux y sont beaucoup plus intégrées. Nous devons vraiment nous demander comment nous pouvons faire le pont entre tous ces services.

Le sénateur Merchant : Je vous remercie beaucoup de vos présentations.

Vous avez toutes les trois parlé de stigmatisation. Par exemple, pour le cancer, pendant longtemps, les familles n'osaient pas dire que l'un des leurs avait le cancer, parce qu'elles avaient peur de la réaction de la communauté contre la famille. Vous dites qu'il faut cesser la stigmatisation, mais comment pouvons-nous y arriver, d'après vous? Je sais que vous avez parlé de campagnes d'éducation publique, de sensibilisation des médecins et de la famille, mais comment pouvons-nous combattre la peur? Même quand une personne comprend qu'elle en est peut-être atteinte, elle peut avoir peur de l'admettre.

Mme Lowi Young : Je pense que les gens ont peur de ce diagnostic, parce qu'ils ont l'impression que dès lors, leur vie sera terminée. Mais ce n'est pas le cas, parce qu'une personne peut en fait vivre très bien avec la maladie pendant des années. Il faut beaucoup d'éducation publique, premièrement, pour que les gens apprennent à reconnaître les signes et symptômes de la maladie et qu'ils comprennent ce qu'ils peuvent faire pour en ralentir la progression, notamment par l'activité physique et l'interaction sociale, comme nous l'avons déjà dit.

Je pense qu'il faut sensibiliser les gens à la maladie elle-même. C'est vraiment incroyable. Nous avons effectué des sondages nationaux et avons consulté des groupes témoins sur la stigmatisation, la maladie d'Alzheimer et la démence, et il est assez incroyable de constater que même les personnes qui ont des proches atteints de la maladie ne veulent pas en parler.

Je pense que nous devons essayer collectivement de réduire la peur face à la maladie grâce à une stratégie nationale en matière de démence. C'est une maladie horrible. Nous le savons. C'est une maladie progressive, nous ne pouvons pas le nier, mais cela ne signifie pas qu'une fois la personne diagnostiquée, elle ne peut plus mener une belle vie. Il revient aux organisations comme la nôtre de faire tous les efforts possibles pour essayer de réduire la peur et la stigmatisation, d'abord grâce à une meilleure compréhension de la maladie, et ensuite par de la sensibilisation à ce qu'on peut faire pour que la personne conserve une bonne qualité de vie le plus longtemps possible.

Mme Schroeder : Pour ajouter à ce que Mimi vient de dire, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées étudie beaucoup la question de la stigmatisation qui entoure la maladie mentale, la dépression, l'anxiété et le suicide. Selon nos travaux avec la Commission de la santé mentale, c'est le concept des contacts sociaux. Quand on essaie de sensibiliser les gens pour réduire la stigmatisation, il faut mentionner que nous avons tous nos propres valeurs, que nous voulons créer une communauté accueillante, mais que nous avons des façons de faire qui sont discriminatoires et par lesquelles nous nous trouvons à établir une distinction entre « nous » et « les autres ». Lynn a déjà parlé de la stigmatisation, et nous avons l'idée préconçue que c'est surtout des stades avancés de démence dont nous avons peur.

Je sais, par exemple, que grâce à la Commission de la santé mentale du Canada, le programme Premiers soins en santé mentale est en train d'être adapté aux personnes âgées et qu'il fera l'objet d'un projet pilote ce printemps. Deux modules ont été ajoutés à la formation de base Premiers soins en santé mentale. Le premier porte sur la démence et l'autre, sur le délire, un autre problème de santé cognitive important pour la Coalition.

Nous avons recommandé d'intégrer à ce type de programme l'expérience vécue de diverses personnes pour éduquer la population. Encore une fois, c'est pour que les gens sachent comment réagir devant une personne atteinte de démence. Ces personnes font partie de la société, et il y en a qui se perdent ou qui se trouvent à payer leur facture de chauffage ou de rénovation plusieurs fois, et l'entreprise ne sait pas comment faire pour l'arrêter. Grâce à la formation sur les premiers soins en santé mentale, on peut apprendre comment intervenir pour aider la personne. Ce sont deux exemples de programmes modèles pour réduire la stigmatisation, d'après notre expérience.

Il ne faut pas se limiter aux campagnes de masse dans les médias, bien que je pense que la campagne EncoreLà soit importante pour sensibiliser les gens aux premiers stades : oui, je suis atteinte de démence, mais je suis encore là. Vous n'avez pas besoin de parler pour moi. Je peux répondre à ces questions. Mais il est important d'avoir des contacts sociaux authentiques, de comprendre vraiment l'expérience de la démence, et je pense que vous en avez parlé tous les deux.

Mme Posluns : On peut surmonter certaines formes de démence, comme la démence vasculaire. Il est important de réduire la stigmatisation pour que les gens aillent subir des examens pour savoir si l'on peut faire quelque chose pour renverser la vapeur. Il y a d'autres choses, comme les infections urinaires, qui peuvent présenter des symptômes qui s'apparentent à ceux de la démence. Il est important que les gens se fassent tester. Cela fait partie du processus d'éducation.

Il a aussi beaucoup lu sur le programme du tour virtuel de la démence, qui est une expérience de perte de sensations. Il y a beaucoup de villes, aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui utilisent cette méthode pour former les intervenants de première ligne, par exemple, pour les rendre plus empathiques à l'égard des personnes atteintes de démence qu'ils pourraient rencontrer, et cela peut aussi contribuer à réduire la stigmatisation, parce que cela apaise les craintes.

Mme Lowi-Young : Nous avons un programme au Canada qui s'appelle Amis de la santé cognitive. C'est un grand programme de sensibilisation pour aider les gens à comprendre ce qui se passe quand on rencontre une personne atteinte de démence, ce qu'on peut faire, ce qu'il faut remarquer et à quoi il faut être sensible. Je pense que c'est une façon d'atténuer l'impression générale « Oh, mon Dieu! Cette personne est démente. Qu'est-ce que je peux faire avec elle? ». L'idée, c'est de donner aux gens des outils simples pour interagir avec une personne atteinte de démence et se sentir plus à l'aise, afin qu'ils les incluent dans leurs cercles sociaux et leurs activités. Je pense que c'est une chose que nous essayons de faire au Canada et qu'il faut faire encore beaucoup plus.

La sénatrice Merchant : Pour poursuivre dans la même veine, tout est parfois dans le langage corporel et notre façon de nous exprimer. Par exemple, si nous parlons de tsunamis, les gens peuvent avoir peur. Je sais que vous en parlez parce que c'est un enjeu très grave avec lequel nous devons composer. On dit parfois aux jeunes : « Conduis prudemment, ne prends pas le volant si tu as bu parce que tu vas avoir un accident et tu te retrouveras paralysé. » Les jeunes nous répondent qu'ils préféreraient mourir si cela leur arrivait. Mais nous savons très bien que les gens finissent par vivre dans ces conditions.

Les personnes plus âgées sont plus matures, parce qu'elles ont un peu plus de vécu, donc quand elles se rendent compte qu'elles en souffrent peut-être, comment réagissent-elles? Est-ce qu'elles le disent et l'acceptent, ont-elles le réflexe de dire : je vais vivre avec la maladie, mais je veux avoir la meilleure qualité de vie possible? Est-ce qu'elles se mettent immédiatement à faire des plans? Quelle est la première réaction des gens quand ils l'apprennent?

Mme Lowi-Young : Tant à l'échelle nationale que par le truchement de nos sociétés provinciales, nous offrons le programme Premier lien. Il s'agit de mettre en contact les personnes qui viennent de recevoir un diagnostic avec les ressources et les mesures de soutien dont elles ont besoin. On veut notamment aider le patient et ses proches à composer avec le diagnostic et à établir des plans en conséquence.

Nous faisons aussi de la sensibilisation auprès des compagnies d'assurances, des avocats et d'autres intervenants au sujet de la maladie et de la façon dont il convient d'interagir avec les personnes touchées pour les aider là encore à se préparer à la suite des choses. Lorsqu'une personne reçoit le diagnostic, elle a en effet l'occasion, tant et aussi longtemps que ses capacités le lui permettent, de planifier son avenir tant du point de vue des soins de santé que relativement aux aspects juridiques et autres. C'est donc le genre de soutien que la société d'Alzheimer essaie d'offrir partout au pays aux personnes qui viennent de recevoir un diagnostic.

Le sénateur Munson : Je vous remercie de vos exposés.

Est-ce que le Royaume-Uni serait l'exemple à suivre parmi les pays du G7? Le Canada semble tirer de l'arrière en la matière. Nous avons besoin de plus d'information. Il nous faut savoir ce qui se fait ailleurs dans le monde. Devrions- nous nous tourner vers le Royaume-Uni et accueillir des témoins de ce pays via téléconférence ou autrement? Est-ce que des progrès sont réalisés dans d'autres pays également?

Mme Lowi-Young : Comme nous le disait la sénatrice Seidman, je crois effectivement que le Royaume-Uni a mis en place quelques stratégies très intéressantes. Nous pourrions aussi nous inspirer de ce qui se fait en Australie où l'on retrouve d'excellents éléments d'une stratégie nationale en matière de démence.

Pour sa part, l'organisme Alzheimer's Disease International dirigé par mon collègue Marc Wortmann a effectué une comparaison entre différentes stratégies nationales en matière de démence en vue d'isoler certaines composantes essentielles à l'efficacité de ces approches.

Le sénateur Munson : S'il y a une expression que je déteste, c'est bien « compétence provinciale ». N'êtes-vous pas du même avis? J'étais journaliste ici même en 1974, et on parlait de « compétence provinciale ». Il est difficile de faire progresser quelque dossier que ce soit au Canada sans se heurter à l'une de ces barrières.

Notre comité a réalisé il y a huit ans une étude sur l'autisme, et les groupes concernés nous parlaient eux aussi de l'importance d'un diagnostic précoce. Notre rapport recommandait la mise en œuvre d'une stratégie nationale relativement aux troubles du spectre de l'autisme. Certaines mesures très bénéfiques ont été prises par le précédent gouvernement en vue de l'établissement d'un partenariat pancanadien — il faut notamment remercier le regretté Jim Flaherty pour avoir injecté un peu d'argent et instauré différents mécanismes comme le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Il y a aussi des programmes comme Prêts, disponibles et capables.

Il ne faut jamais perdre de vue que nous sommes tous Canadiens. J'ai souvent dit que l'autisme n'a pas de frontières. C'est la même chose pour la démence. Tout comme le sénateur Eggleton, j'ai noté votre commentaire à l'effet que « nous devons préparer le terrain pour comprendre pourquoi il est crucial d'intervenir précocement » et que « nous devons faire comprendre qu'il importe de déceler la maladie très tôt. ». À mon sens, un leadership fédéral ou national est essentiel pour y parvenir.

Il arrive que les gouvernements optent pour des stratégies nationales de la sorte, comme ce fut le cas avec la Commission de la santé mentale du Canada, mais il y a d'autres secteurs où l'on semble plus réticent à se concerter. On se contente alors de dire que les choses se sont toujours faites de cette manière. Comment croyez-vous pouvoir obtenir le niveau de collaboration nécessaire pour une stratégie nationale en matière de démence?

Mme Lowi-Young : Voilà plus de 40 ans que je suis gestionnaire dans le secteur de la santé au Canada, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Les maladies n'ont pas de frontières, et nous devrions pouvoir coopérer sans entraves. S'il était possible pour le gouvernement fédéral de prendre l'initiative d'établir des normes nationales en incitant les provinces à les mettre en œuvre via des paiements de transfert ou d'autres mécanismes, je crois que nous en sortirions tous gagnants, surtout dans la lutte contre la démence.

Il y a 13 systèmes de santé différents au Canada, chacun d'eux ayant sa façon bien à lui d'offrir les soins communautaires, les mesures de soutien social et tout le reste. Pour ce qui est de la démence, il ne peut pas y avoir de frontières, pas plus que l'on peut laisser intervenir des considérations partisanes. Je suis entièrement d'accord avec vous.

Mme Posluns : Je partage l'opinion de Mimi à ce sujet, mais j'aimerais revenir à la question précédente concernant le Royaume-Uni qui pourrait nous servir de modèle. Je pense effectivement que les Britanniques ont une longueur d'avance. Il faut tout de même savoir que le Canada est un chef de file pour ce qui est de l'accent mis sur la situation des femmes. Je tiens d'autant plus à le souligner qu'à la suite d'un exposé que j'ai présenté à Lausanne, la Suisse souhaite maintenant s'inspirer du modèle canadien. Les pays peuvent ainsi mettre en commun leur expertise. Ces échanges n'ont pas lieu uniquement entre les provinces. À l'échelle internationale, tous les efforts doivent être conjugués, car nous pouvons tirer des enseignements de ce qui se fait ailleurs dans le monde, l'inverse étant également vrai.

Le sénateur Munson : Ma prochaine question porte de façon plus ciblée sur l'aide que le gouvernement fédéral peut être en mesure d'apporter aux patients atteints de démence dans les résidences pour aînés et les établissements de soins de longue durée. Est-ce que le fédéral a un rôle à jouer auprès de ces patients? Avez-vous envisagé des interventions dans ce contexte? Il y a aussi des problèmes de logement, surtout dans les régions rurales et éloignées du Canada.

Il y a une grande similitude avec la situation de l'autisme. Alors qu'il semble y avoir toutes sortes de services accessibles dans les villes, les parents d'un enfant autiste qui se retrouvent isolés à la campagne n'ont parfois que la fuite comme solution pour s'offrir un peu de répit. C'est sensiblement la même chose pour une personne dont le conjoint présente des signes de démence.

Y a-t-il un rôle particulier que le gouvernement fédéral pourrait jouer tant pour les patients des résidences pour aînés que pour ceux des régions rurales et éloignées?

Mme Lowi Young : La stratégie nationale en matière de démence vise en fait le déploiement à grande échelle des pratiques les plus efficaces de telle sorte que chacun puisse en bénéficier, peu importe son lieu de résidence.

Il est bien certain qu'il faut régler les problèmes particuliers associés à l'accès aux services dans les régions rurales et éloignées. Il existe plusieurs mécanismes faisant appel à la technologie comme la télémédecine. Il faut simplement que le gouvernement soit disposé à investir les sommes nécessaires à leur mise en œuvre. Des pratiques en usage dans différentes régions du pays pourraient servir de modèles en vue d'un déploiement dans tout le Canada. Le gouvernement fédéral pourrait faciliter ce processus qui mènerait à l'établissement de certaines normes nationales.

Pour ce qui est des patients dans les résidences pour aînés et les établissements de soins de longue durée, la situation est très problématique. Une partie des grandes organisations qui dispensent des soins dans ce contexte nous demande de les aider à améliorer leurs façons de faire. Nous offrons différents programmes, mais nous devons également trouver le moyen de faire en sorte que les pratiques que nous avons jugées les plus efficaces soient utilisées non seulement par toutes les entreprises, mais aussi dans tous les établissements de soins.

Mme Posluns : L'isolement est néfaste, surtout dans les petites collectivités. C'est un autre facteur qui peut accélérer le déclenchement et la progression de la maladie. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être aider les centres communautaires et les organisations religieuses à mettre en place des programmes visant à rompre l'isolement social. C'est vraiment primordial pour mieux soutenir les personnes atteintes de l'une de ces maladies.

La sénatrice Nancy Ruth : Madame Posluns, j'aimerais savoir pour quelle raison vous avez lancé la Women's Brain Health Initiative. En quoi cette initiative vient-elle combler un besoin? Quels étaient vos objectifs de départ et êtes-vous parvenue à vos fins? Est-ce que d'autres groupes vous ont emboîté le pas?

Mme Posluns : Merci de poser la question. Par bonheur, il n'y a personne dans ma famille immédiate qui est atteint de démence. Lorsque j'ai constaté que les recherches sur les maladies dues au vieillissement cérébral se concentrent encore aujourd'hui sur la situation des hommes alors que les statistiques indiquent que les femmes sont davantage à risque, je me suis dit que c'était en plein le projet qui convenait à la femme que je suis. C'était d'autant plus vrai que j'ai trois fils et que j'en suis arrivée à la conclusion un peu effrayante qu'ils allaient sans doute décider un jour de me placer quelque part en se disant que je ne me rendrais compte de rien de toute manière.

Je m'occupais de la collecte de fonds pour Baycrest; je faisais partie du conseil d'administration de la fondation. C'est alors que je suis tombée sur les statistiques du Rotman Research Institute et que j'ai décidé que je devais faire quelque chose. J'ai donc renoncé à ma carrière pour lancer la Women's Brain Health Initiative dans le but de faire en sorte que l'on consacre davantage de ressources aux recherches portant sur les femmes. Je souhaitais également sensibiliser la population relativement aux précautions à prendre en vieillissant.

Plus j'en parlais autour de moi, plus j'obtenais des appuis. Ainsi, la chaire de recherche dont on vient d'annoncer l'établissement bénéficie non seulement des fonds investis par notre famille, mais aussi d'un financement provenant des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'Institut ontarien du cerveau. Par l'entremise de la société Alzheimer du Canada, Mimi a en outre généreusement offert les sommes nécessaires à la création de deux bourses de recherche postdoctorale. Il s'agit donc d'un effort d'envergure de la part d'une fondation familiale et d'agences gouvernementales qui souhaitent que l'on prenne le virage qui s'impose pour que des recherches ciblées sur la santé des femmes soient menées dans le contexte du vieillissement cérébral.

Comme je l'indiquais, j'ai présenté des exposés dans des endroits comme la Suisse, où l'on souhaite maintenant nous imiter, et je pense que nous parvenons vraiment à en faire davantage au bénéfice des femmes dans ce secteur. J'aborde l'avenir avec beaucoup d'enthousiasme et je vous remercie d'avoir posé la question.

La sénatrice Nancy Ruth : Vous avez indiqué que nous avions besoin de recherches tenant compte de la distinction entre les sexes, et j'en conclus que c'est un aspect qui est encore problématique.

Mme Posluns : C'est exact. Le Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV) est financé principalement par le gouvernement canadien, mais notre organisation y a injecté un peu d'argent, ce qui nous a permis en quelque sorte d'avoir voix au chapitre. Nous avons ainsi pu obtenir que l'on intègre un thème transversal aux travaux sur les maladies neurodégénératives qui seront menés au cours des cinq prochaines années par un contingent de 340 chercheurs. Pour la toute première fois, les recherches seront effectuées en prenant en considération le sexe et le genre, ce qui aura le grand avantage de nous permettre de produire des rapports sur les différences sexospécifiques. Nous allons ainsi dans le sens des importantes recherches effectuées aux États-Unis concernant la mémoire verbale dont je vous parlais tout à l'heure.

La sénatrice Nancy Ruth : À votre avis, y a-t-il des préjugés qui visent plus particulièrement les femmes, aussi bien en matière de santé mentale d'une manière générale, et se manifestent-ils dans le même sens que les autres préjugés à l'endroit des femmes dans la société canadienne?

Mme Tosluns : Peut-être que ma collègue pourrait répondre mieux que moi à cette question.

La sénatrice Nancy Ruth : Pourriez-vous répondre d'abord? Je ne sais pas trop à quoi m'en tenir, et j'aimerais connaître votre point de vue de spécialiste des questions touchant les différences entre les sexes.

Mme Posluns : C'est une excellente question. Je dirais qu'il arrive très souvent que les femmes, du fait qu'elles doivent s'occuper de leur famille, se relèguent elles-mêmes au second plan. Elles ne s'offrent même pas le luxe de se préoccuper de leur propre santé. Je pense que c'est une partie du problème.

Il est fort possible que cela mène à un diagnostic tardif et que les préjugés à l'endroit des femmes soient différents de ceux qui visent les hommes, mais il ne faut pas oublier qu'il y a une distinction à faire entre sexe et genre. C'est peut- être ici davantage un problème de genre, ou de sexe social, que de sexe biologique. Il y a tout lieu de se pencher sur ces enjeux de façon plus approfondie.

Mme Schroeder : Du point de vue de la coalition, la plus grande partie des recherches dont nous avons pu prendre connaissance portaient sur les hommes. Nous sommes toutefois conscients du fait que le rapport de l'administrateur en chef de la santé publique du Canada sur l'importance du sexe et du genre pour la santé révélait que les problèmes de santé mentale des hommes étaient sous-diagnostiqués et sous-traités. Encore là, il faut voir sous quel angle on veut examiner le tout.

Nous avons aussi examiné la question dans l'optique de la culture et de la diversité. Nous avons étudié d'autres cultures pour voir, par exemple, comment la communauté chinoise et d'autres communautés asiatiques composent avec les problèmes de santé mentale, y compris ceux de démence. Nous devons nous pencher sur ces interactions entre les différents paramètres sociaux de la démence, et les considérations socio-économiques, le genre et la culture sont trois de ces aspects qui sont particulièrement importants. Qu'est-ce qui fait que les femmes sont davantage à risque?

La sénatrice Nancy Ruth : Ma dernière question concerne la race. A-t-il été établi scientifiquement qu'il existait des différences entre les races pour ce qui est de la santé mentale ou de la démence?

Mme Posluns : Oui, certaines recherches sont menées à ce sujet. Je sais que ces maladies sont moins fréquentes au sein de la communauté asiatique, mais plus prévalentes chez les Afro-Américains. On commence à peine à s'intéresser à cet aspect. C'est peut-être davantage relié au mode de vie qu'à tout autre facteur. Tous ces éléments comme l'alimentation, l'exercice et l'éducation influent sur la santé cérébrale et mentale.

Mme Lowi Young : Nous savons que l'éducation a une influence sur la prévalence de la maladie, tout comme la diversité, mais nous commençons à peine à comprendre de quoi il en retourne.

La sénatrice Nancy Ruth : Par « diversité » vous entendez « diversité raciale », n'est-ce pas?

Mme Lowi Young : Je parle de diversité à tous les égards.

La sénatrice Nancy Ruth : Tous les facteurs.

Mme Lowi Young : Tous les facteurs, exactement.

Pour répondre à votre question précédente, madame la sénatrice, j'aimerais porter à votre attention le rapport intitulé The Price Women Pay for Dementia : Strategies to Ease Gender Disparity and Economic Costs rendu public récemment par le Milken Institute aux États-Unis. C'est un excellent rapport qui met en lumière les enjeux dont nous discutons aujourd'hui et dont Lynn a abondamment traité. On y explique bon nombre des problèmes avec lesquels les femmes doivent composer, aussi bien lorsqu'elles sont elles-mêmes malades que lorsqu'elles doivent prendre soin de quelqu'un d'autre.

La sénatrice Raine : Nous avons abordé de nombreux sujets. C'est sans doute le fait qu'il n'existe pas de traitement qui nous préoccupe tous le plus. Ce ne sont pas des circonstances qui sont faciles à vivre pour les malades et leurs proches. Je suis persuadée que notre société pourrait faire mieux à bien des égards.

Est-ce que des études démographiques ont été réalisées au sujet de la démence? Ne faudrait-il pas songer à le faire? Il faudrait commencer à suivre le parcours des gens dès leur enfance pour voir si nous pouvons arriver à comprendre s'il y a corrélation avec leur état de santé général, leur degré de socialisation et leur niveau de scolarité, notamment. Nous pourrions ainsi les suivre pendant 20, 30, 40 ou 50 ans, mais il n'existe pas d'étude de la sorte actuellement. Je crois que l'on pourrait se servir de la tomographie cérébrale dans le cadre d'une étude semblable. Le moment est-il venu d'envisager une telle étude, ou est-ce déjà en marche?

Mme Lowi Young : C'est déjà en marche. Plusieurs milliers de Canadiens participent actuellement à l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement. On pourra en récolter les fruits à partir du moment où des données seront produites pour appuyer les recherches et les travaux du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement. L'étude nous fournira en outre des renseignements très précieux pour mieux comprendre l'évolution de la maladie au fil du temps.

La sénatrice Raine : Est-ce une étude de grande envergure? À quel moment l'étude a-t-elle été entreprise et à quelle âge commence-t-on à suivre les sujets?

Mme Schroeder : On a amorcé la cueillette de données. À cette fin, on tient des entrevues avec plus de 50 000 personnes dans différents sites au pays. C'est un projet d'envergure pour les chercheurs canadiens. On suit le cheminement d'adultes d'âge moyen pendant une longue période. Le Canada ne disposait pas d'une étude longitudinale semblable sur les adultes d'âge moyen et plus âgés. Certaines données ont déjà été rendues publiques, mais comme il s'agit de la première série d'informations disponibles, nous n'en apprendrons pas nécessairement davantage au sujet des changements cognitifs qui peuvent intervenir. À plus long terme, disons d'ici 10 à 20 ans, nous devrions être en mesure d'en savoir plus long.

La Direction générale de la prévention des maladies chroniques de l'Agence de la santé publique du Canada a mené une étude sur les maladies neurologiques. Le rapport a été rendu public. Nous nous en inspirons et il nous arrive de le citer, mais je ne sais pas où cela va nous mener. Je crois qu'il y a un important effort de surveillance. De nombreux rapports d'étude ont été produits concernant la prévalence, l'ampleur et la portée de l'ensemble des maladies neurologiques, dont le Parkinson, la maladie de Huntington et les ACV. La démence est l'un des nombreux éléments visés par ces travaux. On touche aussi l'aspect de la santé cognitive.

La sénatrice Raine : Si le suivi commence auprès d'adultes d'âge moyen alors que vous nous indiquez que la démence ou l'Alzheimer débute probablement 25 ans avant l'apparition des premiers symptômes, comment pourrons-nous déterminer les mesures à prendre pour mieux détecter les premiers signes avant-coureurs?

Mme Lowi Young : Nous avons parlé de biomarqueurs et des autres moyens pouvant nous permettre de détecter certains éléments déclencheurs pour déterminer si le processus est en marche. Je crois toutefois que les scientifiques et les chercheurs pourraient vous en parler beaucoup mieux que nous.

Mm Posluns : Le Conseil mondial de lutte contre la démence a été créé à l'occasion du Sommet du G8 tenu en 2013. On commence à mettre en commun les études réalisées un peu partout dans le monde. Il faut s'en réjouir, car le Canada n'a plus à compter uniquement sur ses propres études longitudinales pour essayer de trouver des solutions. C'est une bonne nouvelle pour tout le monde, car nous aurons accès plus rapidement à l'information, mais c'est un long processus.

On sait maintenant qu'il n'est pas nécessaire d'être porteur du gêne pour souffrir de l'Alzheimer. Vous pouvez toutefois en être porteur et ne pas être touché par la maladie. Je sais, ce n'est guère rassurant. C'est un élément d'information vraiment important. On sait seulement que les risques peuvent être réduits. Il ne s'agit pas d'un traitement pour ceux qui ont l'Alzheimer, mais on peut diminuer les risques ou retarder le déclenchement de la maladie. C'est pourquoi il est essentiel d'en apprendre toujours davantage; plus les sujets seront jeunes, mieux ce sera.

Je me souviens qu'en parlant d'une certaine étude utilisant l'imagerie cérébrale, la Dre Sandra Black de l'hôpital Sunnybrook indiquait que les exercices qu'une personne fait pendant qu'elle est dans la vingtaine sont ceux qui contribuent le plus à améliorer sa santé cérébrale. Si vous faites de l'exercice physique à cet âge, vous en ressentirez les bienfaits quand vous aurez 70 ans. Mais qui pense à cela à 20 ans? C'est pourquoi il est primordial de sensibiliser les gens.

La sénatrice Raine : Croyez-vous que l'on devrait réintégrer dans les programmes scolaires des cours d'éducation physique de qualité?

Mme Posluns : Oui.

La sénatrice Raine : C'est effectivement un problème. Comme vous le savez, nous venons de terminer une étude sur la montée inquiétante des taux d'obésité, et tout cela est relié.

Pourriez-vous me dire quels cours sont offerts pour la formation et l'accréditation des personnes s'occupant de patients atteints de démence et quelle est la situation à ce chapitre?

Mme Lowi Young : Partout au pays les sociétés Alzheimer provinciales offrent aux préposés aux services de soutien à la personne un programme de formation touchant les soins aux patients atteints de démence ainsi que les soins palliatifs en pareil cas. Différents programmes d'accréditation sont ainsi offerts. Nous devons en faire bien davantage, car nous disposons de ressources limitées pour nous occuper de toutes ces personnes. Comme les établissements de soins de longue durée et les services communautaires sont tout à fait conscients de la nécessité de mieux former leurs préposés, il y a des listes d'attente pour ce programme. Dans les établissements de soins de longue durée, près de 70 p. 100 des résidents sont atteints de démence. Les chiffres sont également élevés pour les services de soins communautaires. C'est un secteur qui a besoin de ressources et de soutien, et les sociétés Alzheimer de tout le pays s'efforcent de faire leur part.

La sénatrice Raine : Est-ce que cette formation est offerte dans les collèges communautaires ou directement par la Société Alzheimer?

Mme Lowi Young : Le programme dont je vous parle est dispensé par la Société Alzheimer à titre de complément des programmes d'accréditation des collèges.

Mme Schroeder : À la lumière d'autres activités de mise en commun des connaissances auxquelles nous participons, notamment dans le cadre des travaux sur la neurodégénérescence associée au vieillissement, je peux vous dire qu'il y a une volonté de faire en sorte que les pourvoyeurs de soins bénéficient des résultats de la recherche. Il ne s'agit aucunement d'un programme d'accréditation, mais on veut qu'il y ait une application concrète.

Notre organisation donne de l'information sur un vaste éventail de sujets liés à la santé mentale. Près de 200 personnes se sont présentées à un webinaire d'une heure pour se renseigner sur différents troubles. On diffuse beaucoup d'information sur le terrain concernant le soutien qui est offert et les réseaux qui ont été créés, notamment l'unité de soutien comportemental, en Ontario, où l'on trouve des gens possédant des compétences spécialisées qui sont en mesure d'offrir des conseils dans le cadre des soins de longue durée, qu'ils soient sur place ou à l'extérieur.

À Ottawa, si je ne me trompe pas, nous avons le seul hôpital au Canada qui est doté d'une unité de soutien comportemental — c'est-à-dire une équipe de consultants qui vient en aide à l'équipe médicale lorsqu'elle doit traiter un patient souffrant de démence. Ce patient n'a peut-être pas été admis à l'hôpital à cause de sa démence; il a peut-être un cancer ou est tombé et s'est fracturé la hanche, mais n'empêche que cette équipe est là pour offrir du soutien. Les infirmières, les physiothérapeutes, les psychiatres en milieu de travail et les gérontopsychiatres assument ce rôle dans une approche axée sur la collaboration.

À l'heure actuelle, le personnel de la santé n'est pas prêt à offrir des soins aux personnes atteintes de démence et, en tant que travailleuse sociale, je ne crois pas que ces groupes professionnels aient reçu une formation à cet effet. Toutefois, nous essayons de soutenir les gens qui fournissent les soins — on peut penser aux préposés aux services de soutien à la personne dans le cadre des soins à domicile, aux équipes de soutien comportemental dans les établissements de soins de longue durée et à l'équipe dont je viens de parler dans un hôpital de soins actifs — en vue de renforcer nos capacités et même d'en faire encore beaucoup plus.

Je sais que des représentants d'autres groupes de professionnels de la santé vont comparaître devant le comité. Ce sont des questions que vous devrez aborder avec eux également.

Mme Lowi-Young : Si vous me le permettez, en réponse à votre question, je pense que cela en dit long sur l'importance de mettre en place une stratégie nationale sur la démence. Il y a de très bonnes choses qui se passent partout au pays, mais au fond, nous n'avons besoin que d'une seule source de pratiques exemplaires pour être en mesure d'offrir le meilleur soutien possible aux gens qui fournissent des soins aux personnes atteintes de démence, que ce soit au sein de la collectivité ou dans un hôpital. On fait un travail admirable d'un bout à l'autre du pays, mais il n'y a rien pour réunir tous ces efforts.

Nous évoluons dans un monde de « villes pilotes »; tout le monde pilote quelque chose ici et là. Par conséquent, lorsqu'on se trouve devant une réussite, on ne la partage pas. Cela revient exactement à votre question.

Mme Schroeder : Puis-je ajouter quelque chose?

Le président : Oui. Nous passons beaucoup de temps là-dessus, mais si vous avez une remarque précise, allez-y.

Mme Schroeder : Cela se rapporte à autre chose. Nous avons parlé des fournisseurs de soins, mais nous avons tendance à oublier les aidants naturels. Nous devons pouvoir leur offrir de l'information et du soutien également, car ce sont eux qui assurent la plus grande partie des soins. Lorsque les gens arrivent dans le système de soins de santé, il est déjà trop tard. Ces personnes font beaucoup de crises et se voient refuser des services parce que certains de leurs comportements n'ont pas été pris en charge plus tôt, d'où l'importance d'une intervention précoce. Il ne faut surtout pas oublier les aidants familiaux.

Le sénateur Patterson : J'aimerais adresser une question à Mme Lowi-Young. Pour mettre en œuvre une stratégie nationale sur la démence au Canada, la Société Alzheimer du Canada a proposé, dans un document réfléchi contenant des objectifs stratégiques, la création d'un partenariat canadien pour lutter contre la démence et la maladie d'Alzheimer. J'ai remarqué qu'on tenait compte des besoins bien réels des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et j'y suis tout à fait favorable.

Pourriez-vous nous décrire les investissements fédéraux qui seraient nécessaires à l'établissement de ce partenariat?

Mme Lowi-Young : Pour mettre en place la stratégie que nous proposons, nous demandons 30 millions de dollars par année sur cinq ans, pour un total de 150 millions de dollars. Quand on y pense, cela représente un peu moins d'un dollar par Canadien par année. À l'heure actuelle, nous dépensons 1 000 $ par Canadien par année pour offrir des soins et du soutien. Nous estimons qu'il s'agit d'un investissement considérable pour atteindre un objectif important.

Le sénateur Patterson : Avez-vous ventilé cette somme? Si oui, pourriez-vous nous donner plus de détails, tout de suite ou plus tard?

Mme Lowi-Young : Je pourrai vous fournir cette information plus tard. Nous avons réparti le financement en fonction des diverses stratégies que nous avons établies.

Le président : Pourriez-vous transmettre cette information à la greffière?

Mme Lowi-Young : Absolument.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, j'aimerais faire une observation et ensuite poser une question dans le même ordre d'idées.

J'aimerais signaler que les IRSC mènent une stratégie de recherche sur la démence. Nous sommes volontairement restés à l'écart de leurs travaux. Nous nous penchons davantage sur les enjeux sociologiques que vous nous avez décrits aujourd'hui. Cela explique en partie la différence entre nos deux approches.

D'ailleurs, d'après ce que j'ai lu, ces dernières années, on a mené de nombreuses études dans le cadre desquelles on a observé divers groupes de la société et suivi de près leur développement. L'exercice physique, notamment, semble être un facteur très important, mais encore faut-il qu'il soit pratiqué de manière soutenue — pas seulement pendant les premiers stades de la maladie, mais pendant une vie entière. Il y a d'autres facteurs liés à l'inflammation, entre autres, qui semblent stimuler considérablement le développement de la maladie d'Alzheimer et les autres aspects de la démence. Il y a ensuite toute la question de la charge virale qui joue un rôle important.

Ce sont des études fascinantes, mais elles m'amènent à vous poser une question. Si nous examinons les symptômes des autres maladies importantes que traite notre société, que ce soit le cancer, la maladie de Parkinson ou le diabète de type 2 — dans les deux derniers cas, la maladie se développe souvent plus tard dans la vie. La maladie de Parkinson peut se manifester presque à n'importe quel moment, mais plus sévèrement à un âge avancé. Pour ce qui est du diabète de type 2, l'incidence augmente avec l'âge et d'autres facteurs.

La démence existe depuis aussi longtemps, sinon plus, que ces maladies, et pourtant, nous commençons à peine à examiner cette question avec le même sérieux que nous avons examiné les autres maladies pendant longtemps. La Société Alzheimer du Canada a été un fer de lance de la lutte contre cette maladie. Je ne veux pas insinuer que vous êtes nouveaux dans le domaine.

Toutefois, étant donné qu'on reconnaît désormais l'importance d'investir dans la recherche sur cette maladie, croyez-vous que c'est lié au fait que, pendant longtemps, on considérait la démence comme faisant partie du phénomène du vieillissement et que les gens ne faisaient pas la distinction entre le ralentissement normal de la mémoire associé au vieillissement et les pertes de mémoire importantes causées par la démence?

Je ne veux pas entrer dans les détails, mais vous êtes ici et vous vous êtes longuement penchée sur la question. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il a fallu tant de temps à la société pour comprendre l'importance de mener des recherches dans ce domaine?

Mme Posluns : Premièrement, les gens vivent plus longtemps. Le plus grand facteur de risque est encore le vieillissement. À mesure que la population vieillit, nous serons de plus en plus nombreux à nous demander où nous avons garé notre voiture. Je pense que cela concerne de plus en plus de gens.

Il y a l'âgisme et tous les préjugés entourant le vieillissement — et il ne faut pas se leurrer; le vieillissement n'a rien de sexy. Il y a des raisons pour lesquelles on ne s'est pas intéressé à cette question. Cependant, étant donné que les gens se rendent compte qu'ils sont de plus en plus touchés par cette maladie, on y accorde une plus grande attention et on en discute beaucoup plus couramment qu'auparavant. C'est ce que je voulais dire.

Mme Lowi-Young : Je pense que c'est la peur et la stigmatisation. Nous avons parlé du cancer et du sida. Beaucoup de gens se sont ralliés à ces causes, car les gens voulaient parler de ces maladies. Aujourd'hui, les gens ne veulent toujours pas parler de démence. La peur et la stigmatisation entourant cette maladie sont si profondes au sein de notre société qu'il faut absolument en parler librement. Il faut que les gens qui ont vécu l'expérience puissent s'exprimer là- dessus.

Lorsque ma mère a souffert de démence il y a 25 ans, on parlait de démence sénile. C'était l'étiquette qu'on lui avait apposée, mais elle ne souffrait pas de démence sénile. Elle était plutôt atteinte de démence vasculaire, mais personne ne connaissait ce type de démence. Rappelez-vous l'époque où les gens disaient qu'une telle personne était sénile. C'est ainsi qu'on percevait la démence. Aujourd'hui, on la voit autrement.

Le président : C'est également mon opinion. Vous avez tout à fait raison. Nous avons mis ces maladies de côté. Maintenant, peut-être en raison du temps et des observations liées aux autres facteurs de la maladie, nous comprenons qu'il y a des fondements à cette maladie et qu'on peut faire beaucoup pour que cette maladie, qui ne sera probablement jamais entièrement évitable, se développe plus tard.

Je vais m'arrêter ici. Je vais laisser mes collègues poser leurs questions, mais je voulais avoir votre point de vue là- dessus.

Pour la deuxième série de questions, je vous demanderais d'être efficaces, tant dans vos questions que dans vos réponses. Je vais maintenant céder la parole au sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Madame Lowi-Young, vous avez fait allusion à quelques reprises aux collectivités adaptées aux personnes souffrant de démence. Comment cela fonctionne-t-il exactement et où se trouvent ces collectivités?

Mme Lowi-Young : Ces collectivités existent dans plusieurs pays. L'Australie a mis sur pied une initiative importante à cet égard. Au Royaume-Uni, il y a des collectivités adaptées aux besoins des personnes qui vivent avec une démence, et on a même voulu établir des normes pour que les collectivités puissent être certifiées comme étant un milieu accueillant pour les personnes atteintes de démence. En Ontario, on retrouve plusieurs initiatives. Bobcaygeon a été la première ville à devenir une collectivité adaptée aux personnes qui souffrent de démence. Le gouvernement provincial a investi dans la création d'autres collectivités de ce genre. La Société Alzheimer de l'Ontario a rassemblé les diverses associations locales dans ce dossier. La Colombie-Britannique a également investi considérablement dans la création de ces collectivités, et plusieurs d'entre elles ont déjà reçu le titre de collectivités adaptées aux personnes souffrant de démence.

Le sénateur Eggleton : Qu'est-ce qu'il faut faire pour devenir une collectivité adaptée aux personnes atteintes de démence?

Mme Lowi-Young : Tout d'abord, il faut former les premiers intervenants, c'est-à-dire les policiers et les pompiers, afin qu'ils sachent comment intervenir s'ils se trouvent en présence d'une personne atteinte de démence qui est perdue et comment interagir avec elle. De plus, il faut former les commerçants pour qu'ils puissent aider ces personnes à mieux vivre au sein de la collectivité. Autrement dit, si un employé remarque qu'une personne a de la difficulté, soit à la banque ou à l'épicerie, qu'est-ce qu'il doit faire exactement? Si une personne est confuse ou perdue, comment faut-il réagir? Au sein de ces collectivités, il faut adapter l'urbanisme et la signalisation en fonction des besoins de ces personnes.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que la mairie ou le conseil municipal s'en mêle?

Mme Lowi-Young : Oui. C'est le conseil municipal qui décide d'adhérer ou non à ce concept.

La sénatrice Nancy Ruth : Je me demande pourquoi vous n'avez pas parlé du Japon.

Mme Lowi-Young : En effet, le Japon a fait énormément de travail dans ce domaine. En fait, le programme Amis de la santé cognitive s'est inspiré du mouvement lancé au Japon. Il ne porte pas le même nom, mais ce sont les Japonais qui ont élaboré le concept.

La sénatrice Nancy Ruth : Qu'en est-il des petites villes et localités?

Mme Lowi-Young : Le programme Amis de la santé cognitive vise à amener les gens à mieux comprendre la démence et à mieux interagir avec les personnes qui en sont atteintes. Les collectivités adaptées aux besoins des personnes aux prises avec la démence regroupent diverses organisations. Nous voyons une belle interaction. Évidemment, on veut que les gens viennent en aide aux personnes atteintes de la maladie et aussi créer des collectivités accueillantes pour ces personnes.

La sénatrice Seidman : Madame Schroeder, j'aimerais que vous nous parliez de la coalition et du travail qu'elle fait au chapitre des besoins en matière de soins des personnes souffrant de démence partout au pays. Nous allons poursuivre la discussion que nous avions amorcée avec la sénatrice Raine.

Je crois que vous avez un comité directeur national qui regroupe un bon nombre d'associations communautaires. Êtes-vous parvenus à un consensus sur les questions entourant les soins à accorder aux personnes atteintes de démence?

Mme Schroeder : La démence ne relevait pas nécessairement de notre compétence. Cela dit, nous avons eu tendance à nous concentrer sur la dépression, la santé mentale et les soins de longue durée, et plus précisément sur l'humeur et le comportement. Encore une fois, cela entre en ligne de compte.

Nous nous en remettons à la déclaration de consensus sur la démence et à la communauté médicale qui l'a élaborée. Lorsqu'un patient reçoit un diagnostic de démence, nous devons examiner les ressources entourant le diagnostic de dépression et de démence. Nous travaillons en partenariat avec une équipe de recherche du centre Providence Care à Kingston sur le diagnostic et le traitement de la dépression associée à la démence.

Nous savons que les résidents en soins de longue durée sont plus susceptibles de souffrir de démence. L'Institut canadien d'information sur la santé a signalé que 40 p. 100 des gens qui sont admis dans un établissement de soins de longue durée reçoivent un diagnostic ou manifestent des symptômes de dépression. Encore une fois, les changements d'humeur et de comportement ainsi que les composantes psychologiques qui s'y rattachent sont très importants. Notre coalition regroupe des travailleurs sociaux, des gérontopsychiatres, des infirmières, des psychologues et des groupes de consommateurs. La Société Alzheimer du Canada fait également partie de notre comité directeur. Nous sommes parvenus à un certain consensus, mais la démence est toujours présente, sachant qu'il y a les symptômes comportementaux et psychologiques, mais il faut savoir que la démence est également liée à la santé mentale. Nous nous intéressons au traitement et à l'évaluation de la démence.

La sénatrice Seidman : J'aimerais avoir plus de détails là-dessus, alors je vais poser une question à Mme Posluns, si je puis me permettre.

Vous dites qu'au sein de votre coalition ou ailleurs, on n'a pas mené d'évaluation globale des besoins en matière de soins des patients atteints de démence au Canada ni examiné si des provinces excellent dans le domaine ou adoptent des pratiques exemplaires. Est-ce le cas? Vous n'êtes peut-être pas au courant, mais peut-être que Mme Lowi-Young l'est.

Mme Lowi-Young : Je pense qu'on a pris certaines mesures. Les gouvernements provinciaux et territoriaux se sont réunis et ont mis en place un plan pour examiner à la fois la démence et les pratiques exemplaires. J'ignore où ils en sont pour l'instant, mais je sais qu'ils nous ont consultés en vue de recueillir des pratiques exemplaires. Premier lien, par exemple, travaille à repérer les pratiques fructueuses.

Mme Schroeder : J'aimerais ajouter que la coalition a collaboré avec la Commission de la santé mentale du Canada à la rédaction de lignes directrices globales sur les services de santé mentale offerts aux aînés au Canada. La démence en faisait partie. Ce rapport traite de l'intégration des services de santé et des services sociaux dont vous avez parlé plus tôt et de la santé physique et mentale des aînés, puis dresse un portrait de la situation actuelle.

La sénatrice Seidman : De toute évidence, nous savons qu'il existe de nombreuses études sur l'idéologie, les causes de la démence. Mes questions portent davantage sur le diagnostic et les soins connexes. Vous avez abordé les enjeux entourant les aidants naturels qui, nous le savons tous, sont cruciaux pour les femmes en particulier. La Women's Brain Health Initiative prend part à des études internationales et finance des travaux à l'échelle internationale, si j'ai bien compris.

Mme Posluns : Non, nous ne finançons aucun travaux à l'étranger. Nous ne faisons que promouvoir notre cause à l'étranger.

La sénatrice Seidman : D'accord.

Mme Posluns : Nous finançons des travaux ici au Canada.

La sénatrice Seidman : Préconisez-vous des travaux de recherche à propos du diagnostic et des soins? Est-ce que vous encouragez ce type de recherche? Y participez-vous?

Mme Posluns : Tout à fait — la recherche, l'éducation et les soins. Il faut accorder beaucoup d'importance à la prestation des soins, car cette tâche est associée à un stress chronique, peu importe la maladie. Un tel stress chronique peut en fait mener à la démence. C'est inquiétant. Je ne cesse de vous donner de mauvaises nouvelles, madame la sénatrice Nancy Ruth.

Il est essentiel de prendre soin des soignants pour éviter qu'ils ne tombent malades eux-mêmes. Pour diminuer le risque que cela se produise, on peut encourager les soignants à faire du yoga ou du magasinage, pourvu que la facture ne soit pas trop salée. Les stratégies varient d'une personne à l'autre. Il est très important de gérer ce stress chronique.

Mme Lowi-Young : La Société Alzheimer du Canada finance la recherche, précisément la recherche biomédicale et la recherche sur la qualité de vie. Nous finançons ces deux domaines. Malheureusement, nous ne recevons pas beaucoup de demandes pour la recherche sur la qualité de vie. L'accent est mis sur les soins, les soignants, le soutien, et cetera.

La sénatrice Seidman : Qu'en est-il de la transmission des connaissances? Beaucoup de travaux sont menés, mais qui appuie ce travail? Comment cela se fait-il, le cas échéant?

Mme Lowi-Young : Dans le cadre du soutien financier que nous offrons au Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement, une de nos priorités est la transmission des connaissances. Nous nous rencontrons tous les mois pour discuter de l'information et des résultats de la recherche menée par le CCNV et pour déterminer comment transmettre l'information d'un chercheur à un autre, d'un domaine à un autre, du chercheur au public et du chercheur au décideur. Nous avons créé un cadre pour nous assurer que le travail effectué par le CCNV implique la transmission des connaissances.

La principale difficulté, bien entendu, c'est de mettre en pratique les résultats de la recherche. Nous nous concentrons sur cet aspect en ce qui concerne la recherche menée par le CCNV. Fondamentalement, il faut utiliser les résultats de la recherche pour améliorer les choses dans la pratique. Parfois, on ne va pas plus loin que publier l'information dans des revues ou transmettre l'information dans le cadre de présentations, mais les résultats de la recherche ne contribuent pas à changer les choses efficacement dans la pratique.

Mme Posluns : C'est la partie de notre travail que nous aimons beaucoup, c'est-à-dire vulgariser l'information scientifique pour que les membres du public la comprennent bien et qu'ils puissent ainsi savoir comment ils peuvent s'aider eux-mêmes ou aider leurs êtres chers. C'est très important. Nous aimons nous adresser aux jeunes, les enfants du millénaire, car s'ils peuvent convaincre la génération des 30 ans et des 40 ans à prendre soin de la santé de leur cerveau, elle ne se retrouvera pas dans la même situation que la génération de ses parents sur le plan de la santé mentale.

La sénatrice Raine : Madame Posluns, vous avez parlé d'un magazine qui s'intitule Mind Over Matter. Peut-on se le procurer?

Mme Posluns : Oui, j'en ai un exemplaire ici même. Nous avons notamment recours à ce magazine pour transmettre des connaissances. Sur la page couverture, il y a toujours une femme dans la soixantaine et une autre dans la trentaine. Je proviens du secteur de la mode au détail, alors j'utilise mon expertise dans ce domaine dans le cadre de nos communications. Les gens ne communiquent pas tous de la même façon. Cette formule nous réussit, alors nous continuons de l'utiliser. Je suis heureuse de vous en faire part.

La sénatrice Raine : La sénatrice Seidman a déjà posé ma deuxième question. Je vous remercie beaucoup pour votre présence. Votre contribution est très utile.

La sénatrice Nancy Ruth : La sénatrice Seidman, le sénateur Ogilvie et moi-même avons tous siégé au comité parlementaire sur l'aide médicale à mourir. Cet enjeu concerne le ministère de la Justice et le ministère de la Santé. L'un des principaux points de discussion a été la capacité de donner un consentement préalable. Si une personne souffre d'une maladie mentale, est-ce qu'elle doit faire l'objet d'une évaluation psychiatrique ou d'une évaluation quelconque en plus de celle qu'exige sa maladie? Le comité a conclu que ce n'était pas nécessaire, car l'omnipraticien et un autre médecin devraient être en mesure d'évaluer la situation. Cet aspect fait encore partie toutefois du débat public.

J'aimerais avoir votre point de vue. Des personnes atteintes de démence ont une certaine capacité de donner un consentement préalable, et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale peuvent également avoir cette capacité. Qu'en pensez-vous? Qu'allons-nous faire?

Le président : Il s'agit d'un tout autre sujet, mais je vais vous donner la possibilité de répondre brièvement.

Mme Lowi-Young : Pour commencer, monsieur le sénateur Ogilvie, je dois dire que le conseil d'administration de la Société Alzheimer du Canada vient tout juste d'étudier et d'approuver notre position au sujet de l'aide médicale à mourir, à savoir que donner un consentement préalable pour l'aide médicale à mourir ne devrait pas être autorisé dans le cas des personnes qui souffrent de démence, car il est impossible de prédire les souffrances futures. Nous croyons que, pour être en mesure de prendre une décision, une personne doit être capable de prendre une décision éclairée et de donner un consentement éclairé au moment où l'aide médicale à mourir est offerte ou qu'elle est planifiée. Les personnes atteintes de démence avancée n'ont pas la capacité de prendre une telle décision.

Nous sommes tout à fait en faveur d'une planification préalable des soins. Nous sommes également en faveur d'un solide système de soins palliatifs pour améliorer la qualité de vie des gens dans les derniers moments et avant. Nous appuyons aussi les efforts en vue de combattre les préjugés entourant la maladie. Nous ne sommes pas en faveur du consentement préalable. Je crois que c'est aussi le point de vue des personnes atteintes de la maladie, des gens qui en prennent soin et des personnes qui sont confrontées à la démence au quotidien.

Mme Schroeder : Nous sommes un petit organisme, alors nous n'avons ni les ressources ni la capacité nécessaire pour mener une étude similaire. Nous n'avons pas pris position sur ce sujet. Nous observons nos partenaires et nos intervenants. C'est ce que nous faisons, mais nous ne faisons aucune déclaration publique pour l'instant.

Mme Posluns : Je crois que je peux seulement vous faire part de mon opinion. Je pense que changer la couche de notre enfant ne nous dérange pas, mais nous craignons qu'il ait à changer la nôtre. Lorsqu'on est sain d'esprit, on se dit qu'on ne veut pas vivre ainsi. Une personne qui souffre n'a pas nécessairement une mauvaise qualité de vie; c'est seulement que sa qualité de vie n'est pas la même qu'avant. De nombreuses personnes atteintes de démence semblent heureuses dans leur monde. Il s'agit d'une question à laquelle il est très difficile de répondre.

Le président : Je tiens à souligner qu'il faut se rappeler que l'aide médicale à mourir ne s'applique pas à la plupart des situations; elle s'applique à une situation exceptionnelle. C'est ce dont il s'agit. Elle ne fait pas partie des soins palliatifs généraux ou autres. Nous devons garder cela en tête lorsque nous discutons de cette question. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit, il appartient à un autre comité et au Parlement, dans sa sagesse, de prendre les décisions à ce sujet.

Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous accueillerons demain quatre groupes de témoins. Nous aurons une séance assez chargée, alors je vous avise déjà que chaque membre ne disposera que de cinq à six minutes pour ses questions durant le premier tour afin que chacun ait la possibilité de poser des questions. Alors, peaufinez vos questions ce soir. Nous allons discuter demain de l'aspect médical. Il y aura beaucoup de questions, et je veux que tout le monde ait la possibilité d'interroger les témoins. Je vous donne un préavis parce que je veux que tous les membres du comité puissent poser des questions.

Le sénateur Munson : Qui, quoi, quand, où, pourquoi?

Le président : Oui, vous devez être là demain en tant que membre du comité.

Cela étant dit, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de votre expérience ce soir. Il s'agit d'un sujet extrêmement important.

Je tiens à mentionner que certaines des lectures que j'ai faites sur le sujet portent sur l'organisation de type communautaire, dont vous avez parlé madame Lowi-Young, et sur des exemples d'institutions où cette approche a été mise à l'essai. On préconise la liberté des déplacements pour encourager l'interaction continue entre les gens au lieu de parquer les personnes comme on le fait dans les hôpitaux et dans de nombreux établissements de soins pour personnes âgées, où la liberté des déplacements n'est pas encouragée. Les données préliminaires laissent croire que les gens sont beaucoup plus heureux, et il est fort possible que la progression de leur maladie soit ralentie, quoique cette approche soit relativement nouvelle.

Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion aujourd'hui, nous allons nous pencher sur un grand nombre des aspects. Notre objectif est dans la même veine que ce que vous avez mentionné au début, c'est-à-dire élaborer une stratégie nationale qui fait état de pratiques exemplaires et qui favorise une cohésion. Honnêtement, je dois dire que le comité s'est penché sur une vaste gamme d'enjeux pour lesquels une stratégie nationale s'imposait, mais il semble que la société Alzheimer réussira mieux que les gouvernements à mettre en œuvre une stratégie. Cependant, les gouvernements peuvent soutenir des organismes qui sont en mesure effectivement de mettre en œuvre une stratégie. Vous n'êtes pas aveuglés par la question des compétences, qui semble occulter tout le reste.

Ceci étant dit, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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