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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 4 - Témoignages du 13 avril 2016


OTTAWA, le mercredi 13 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 21, pour poursuivre son étude de la question de la démence dans notre société.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis originaire de la Nouvelle-Écosse et suis président du comité. Pour débuter, j'aimerais demander à tous mes collègues du Sénat de se présenter, en commençant par la personne à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, et président adjoint du comité.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Nous poursuivons notre étude de la question de la démence dans notre société. Je suis ravi d'accueillir aujourd'hui les représentantes de trois différents organismes. Avec votre accord, je vais les appeler dans l'ordre dans lequel elles sont inscrites à l'ordre du jour. Après leurs remarques liminaires, je permettrai à mes collègues de poser des questions.

Je vais commencer par Mme Suzanne Dupuis-Blanchard.

Suzanne Dupuis-Blanchard, professeure, présidente, Association canadienne de gérontologie : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de me donner l'occasion de parler au comité des questions importantes du vieillissement et de la démence.

L'Association canadienne de gérontologie est une association nationale éducative, scientifique et multidisciplinaire sans but lucratif qui a été fondée pour orienter les questions relatives au vieillissement de la population. Elle a pour mission d'améliorer la vie des Canadiens âgés en générant et en diffusant des connaissances en matière de politique, de pratique, de recherche et d'éducation dans le domaine de la gérontologie.

Chaque automne, l'association tient une réunion éducative et scientifique avec des chercheurs, des étudiants et tous les intervenants qui travaillent dans le domaine du vieillissement ou qui s'y intéressent pour échanger des résultats d'études et des idées sur les questions d'actualité dans ce secteur. Nos membres sont des chercheurs, des praticiens, des décideurs de premier plan et des étudiants de multiples disciplines. Nous collaborons aussi avec différents organismes œuvrant dans le domaine du vieillissement, dont les IRSC.

Le gouvernement fédéral doit prendre les devants pour traiter les questions du vieillissement et de la démence : le temps presse. Bien que le vieillissement de la population témoigne de nos avancées dans les domaines de la santé et des soins sociaux, le phénomène présentera des défis et a déjà commencé à le faire.

Au Canada, les provinces atlantiques connaissent une hausse du nombre d'adultes de plus de 65 ans avec un taux de 19 p. 100 au Nouveau-Brunswick, suivi de près par la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, avec un taux de 18 p. 100. Ces provinces sont sur le point de devoir mettre en balance le besoin de maintenir en santé les adultes âgés tout en leur offrant des soins et services importants pour optimiser leur autonomie. Voilà pourquoi les transferts fédéraux en matière de santé devraient tenir compte de l'âge de la population provinciale.

Un autre défi de taille que présentent le vieillissement de la population et la démence se situe au plan des ressources humaines. En 2015, l'Association médicale canadienne a déclaré que le Canada comptait 261 gériatres. Malgré les taux de vieillissement élevés, il n'y en avait aucun à l'Île-du-Prince-Édouard ou à Terre-Neuve. En outre, seulement 2 p. 100 des résidents en médecine interne optent d'abord pour la gériatrie. Dans les programmes de sciences infirmières au Canada, certains étudiants obtiennent leur diplôme d'infirmier en ayant peu ou pas abordé la gérontologie; et peu d'entre eux sont motivés à se consacrer aux soins des aînés ou de leurs familles, surtout en raison de stéréotypes négatifs associés au vieillissement. En tant qu'infirmière autorisée et professeure dans une école de sciences infirmières, je peux confirmer que c'est bien le cas.

Pour répondre aux besoins d'une population vieillissante, tous les médecins, les infirmiers, les travailleurs sociaux, les psychologues et les autres professionnels de la santé doivent avoir les compétences nécessaires pour prendre soin des personnes âgées, en particulier celles qui souffrent de démence, dans le continuum des soins allant de la promotion de santé à la perte d'autonomie, en passant par les stratégies de prévention.

Nous devons regarder au-delà de ces professions officielles. La notion du vieillissement chez soi a suscité beaucoup d'attention au cours des dernières années bien qu'il n'en soit pas question dans la Loi canadienne sur la santé. La recherche a montré que, à l'heure actuelle, les adultes âgés qui vieillissent chez eux ont surtout besoin de services comme de l'aide avec l'entretien ménager, la préparation des repas et les transports.

Les aînés souffrant de démence ont besoin de soins supplémentaires à la maison. Il arrive souvent qu'on ne tienne pas compte des fournisseurs de soins à domicile qui offrent ces services essentiels, mais ils deviendront un atout indispensable pour notre population vieillissante à mesure que nous passons des soins institutionnels aux soins communautaires. Il faut se pencher sur les conditions de travail des fournisseurs de soins et de services à domicile. Notre système social et de santé charge ces travailleurs d'importantes responsabilités pour prévenir l'institutionnalisation. Cependant, une étude récente que mon équipe et moi-même avons menée au Nouveau-Brunswick a révélé que les fournisseurs de soins à domicile sont surtout des femmes dans la cinquantaine qui gagnent le salaire minimum, c'est-à- dire 10,31 $ l'heure dans cette province; qui ne sont pas dédommagées pour leurs déplacement entre leurs clients; et qui reçoivent peu d'heures de formation continue. En conséquence, ce type de travail n'intéresse pas beaucoup les jeunes adultes.

[Français]

Il est aussi important de reconnaître les besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les études démontrent clairement qu'en situation de stress, de crise de santé ou de déficience cognitive, telle que la démence, les personnes âgées ont tendance à utiliser leur langue maternelle, même si elles ont été parfaitement bilingues durant leur vie. Des études réalisées au Nouveau-Brunswick et en Ontario ont révélé que les personnes âgées francophones obtiennent comparativement plus de services de santé primaires dans leur langue. Il est donc important de former une main-d'œuvre qui puisse offrir des soins et des services compétents dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L'accès aux soins dans l'une des langues officielles au Canada est de toute importance. La recherche dans le domaine doit aussi être favorisée et appuyée.

[Traduction]

En plus de l'accès aux soins des aînés dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les aînés et les fournisseurs de soins dans les collectivités rurales ont également de la difficulté à obtenir les services offerts aux personnes souffrant de démence. Bien que le programme Premier lien ait connu des résultats exceptionnels depuis son lancement, certaines collectivités rurales y ont un accès limité, et un certain nombre de médecins de famille ignorent même son existence.

En plus des questions déjà mentionnées, nous devons aussi nous pencher sur les cloisonnements des soins. Les aînés et les familles avec qui je fais affaire parlent souvent du manque de coordination pendant les périodes de transition et aux points de services. Bien que nous croyions que les services de soins sociaux et de santé portent sur des questions distinctes, afin d'assurer la santé optimale d'une population vieillissante, la structure de notre système doit faciliter la communication et la coordination des soins et des services entre ces deux importants éléments des soins aux aînés en ce qui concerne la démence. Avec les aînés, plus qu'avec tout autre groupe, il importe de faire le pont entre les soins de santé et les services sociaux.

À mesure que nous acceptons le concept du vieillissement dans la collectivité, nous devons tenir compte de l'incidence de la perte d'autonomie, y compris la démence, sur deux points importants. Le premier est le niveau de ressources affectées aux services et aux soins communautaires comparativement aux soins institutionnels. Le second se rapporte aux aidants familiaux. Ces derniers ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Il s'agit de conjoints qui sont aussi des aînés ou des enfants adultes qui gèrent un emploi à temps plein, des obligations familiales et la prestation de soins ou de soutien à un parent vieillissant. À certaines étapes, l'offre de soins peut être une expérience intense avec peu de ressources pour l'atténuer.

Nous avons besoin de nous pencher sur les nombreux défis auxquels les aidants font face pour qu'ils puissent continuer à offrir un important soutien aux membres de la famille vieillissants sans éprouver de problèmes financiers ou s'inquiéter de leur sécurité d'emploi. Les aidants familiaux sont des fournisseurs de soins essentiels qui ont aussi besoin de formation et de conditions de travail appropriées pour prodiguer des soins de qualité.

L'Association canadienne de gérontologie croit qu'il faut encourager la recherche sur la démence allant de la prévention à la guérison, en passant par la gestion de la maladie au quotidien, et l'appuyer par un financement continu. De concert avec ses membres, elle reconnaît l'importance de la recherche pour toutes les dimensions de la démence. Nous faisons des présentations à ce sujet à notre conférence annuelle pour partager des connaissances afin d'améliorer l'éducation et la pratique dans ce secteur. Notre revue, la Revue canadienne du vieillissement, publie aussi des travaux relatifs à la démence, mais ce n'est qu'un début. Tous les intervenants doivent en faire davantage.

L'Association canadienne de gérontologie convient du besoin de formuler une stratégie nationale sur la démence. Avec les quelque 1,4 million de Canadiens qui devraient souffrir de démence dans 15 ans, le moment est bien choisi pour ce faire. Cette stratégie doit tenir compte des éléments suivants : conditions de travail actuelles et futures, surtout pour les fournisseurs de soins à domicile, afin de recruter des jeunes et de les encourager à choisir une carrière dans le domaine du vieillissement; exiger l'acquisition de compétences minimales en gérontologie et en soins aux personnes souffrant de démence dans les disciplines relatives à la santé et aux soins sociaux et d'autres programmes d'études qui supposent une interaction avec le public. Il est aussi essentiel d'offrir de la formation continue; d'appuyer le vieillissement chez soi pour les familles dont un membre souffre de démence en éliminant le cloisonnement des soins, en élaborant des moyens de communication efficaces, et en révisant la Loi canadienne sur la santé pour qu'elle tienne compte des soins à domicile et à long terme; et finalement, d'encourager et d'appuyer la recherche sur le vieillissement, surtout concernant des questions relatives à la démence, au vieillissement chez soi, à la santé précaire et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Bien que la santé soit de compétence provinciale, le gouvernement fédéral doit montrer l'exemple en offrant aux Canadiens la meilleure expérience possible à ce chapitre.

Le président : La parole est maintenant à Veronique Boscart.

Veronique Boscart, présidente, Association canadienne des infirmières et infirmiers en gérontologie : Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je parlerai au nom de la Canadian Gerontological Nursing Association, c'est-à-dire l'Association canadienne des infirmiers et infirmières en gérontologie, ainsi que de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario. L'Association canadienne des infirmiers et infirmières en gérontologie est un organisme national représentant les infirmiers et infirmières en gérontologie qui promeuvent la pratique à l'échelle nationale et internationale. L'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario est une association professionnelle représentant les infirmiers et infirmières autorisés, les étudiants en soins infirmiers et les infirmiers et infirmières praticiens en Ontario. Ensemble, nous avons rédigé pour vous un document contenant 12 recommandations réparties entre cinq domaines clés.

Le premier domaine clé est celui des ressources du système de santé. La démence est une maladie complexe pour laquelle il faut composer avec des questions au plan biomédical, psychosocial et éthique. Cette maladie aux multiples facettes requiert une approche multidimensionnelle faisant intervenir divers services sociaux et de santé. Elle requiert aussi des ressources humaines dans le domaine de la santé dotées des connaissances et des compétences nécessaires pour gérer cette maladie chronique.

Les membres d'un vaste groupe de professionnels de la santé comme les infirmiers et infirmières autorisés, les infirmiers et infirmières praticiens et les fournisseurs de soins non réglementés doivent vraiment travailler ensemble en équipes. Il est essentiel qu'ils apportent leur soutien aux personnes souffrant de démence dans diverses situations. Cette mesure devrait être l'un des principaux éléments contenus dans le prochain accord sur la santé, de concert avec l'application de la Loi canadienne sur la santé et l'augmentation du financement pour la santé, le rétablissement du Conseil canadien de la santé, et l'élargissement de l'assurance-maladie pour couvrir les soins universels à domicile et l'assurance-médicaments sans quote-part ni frais d'utilisation.

Le deuxième domaine clé que je veux souligner est celui de l'éducation. Il est primordial que les infirmiers et infirmières autorisés, les infirmiers et infirmières praticiens et tous les autres, y compris les fournisseurs de soins non réglementés, aient la possibilité d'accroître leurs connaissances et leurs compétences pour prendre soin des personnes souffrant de démence. Il est possible de le faire en offrant des cours spécialisés en gérontologie et en gestion des maladies chroniques. Cependant, on devrait aussi s'efforcer de vraiment offrir des ressources humaines et financières afin de faciliter l'application de nos nombreuses connaissances théoriques en situation réelle.

L'Association canadienne des infirmiers et infirmières en gérontologie a formulé des compétences en soins pouvant être appliquées à la prestation de soins aux aînés. L'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario a élaboré de nombreuses lignes directrices sur les pratiques exemplaires en soins infirmiers qui appliquent la théorie en milieu pratique. Malheureusement, certaines de ces lignes directrices ne sont pas reprises par les programmes de soins infirmiers ou en milieu pratique. Le travail de ces lignes directrices sur la pratique infirmière et ces compétences peuvent faire une très grande différence. Elles sont adoptées dans le monde entier, mais pas toujours au Canada.

Il est aussi important que le système de santé canadien harmonise les connaissances et les compétences de notre main-d'œuvre dans le domaine de la santé avec les besoins des personnes souffrant de démence. En Ontario et ailleurs, on déploie des efforts encourageants pour permettre aux infirmiers et infirmières autorisés de prescrire des médicaments. Cela ferait en sorte que les personnes souffrant de démence bénéficient de soins accessibles et continus au lieu de devoir attendre plusieurs semaines pour obtenir le bon médicament que leur aura prescrit le fournisseur de soins approprié.

Le troisième domaine clé que je veux souligner est celui du logement. Pour vraiment encourager les gens à bien vivre avec la démence, il faut leur donner le soutien nécessaire pour rester dans leurs propres domiciles et collectivités aussi longtemps que possible. Pour ce faire, il est nécessaire que les partenaires ou les fournisseurs de soins aient accès aux soutiens appropriés à la maison et dans la collectivité. Les services de soins à domicile bien organisés ainsi que les programmes de soins de jour suffisants et convenables sont primordiaux pour favoriser le vieillissement chez soi et donner aux partenaires de soins le soutien dont ils ont vraiment besoin.

Lorsqu'une personne souffrant de démence est incapable de vivre chez elle pour des raisons de sécurité ou par manque de soutien adapté, elle pourrait envisager de passer vers un environnement offrant des soins de soutien. Au Canada, nous devrions veiller à ce que les Canadiens souffrant de démence aient accès à des logements appropriés, quel que soit leur niveau socioéconomique. Il est possible de le faire en créant des stratégies de logements abordables pouvant répondre à l'ampleur des besoins. En outre, nous recommandons vivement que les décisions gouvernementales soient prises dans une optique d'équité en matière de santé afin de mieux comprendre les facteurs économiques et socioculturels qui influent chaque jour sur la vie des personnes souffrant de démence et de leurs partenaires de soins.

Le quatrième domaine clé concerne les partenaires de soins et les aidants, qui sont là tous les jours, à savoir les membres de la famille, les amis, les voisins et les bénévoles. Leur présence est essentielle pour soutenir les gens atteints de démence. Contrairement à ceux qui aident les aînés qui ont conservé leurs capacités cognitives, ils sont beaucoup plus exposés aux problèmes de santé chroniques, à la dépression et à l'isolement. Nous exhortons donc le comité à reconnaître leur contribution et à leur offrir des soutiens structurés, tels que des programmes de jour et des services de relève. Nous vous demandons également d'appuyer les efforts déployés pour coordonner au sein d'un seul système l'information sur les services offerts à ces partenaires de soins et autres qui s'occupent de gens atteints de démence.

Le dernier domaine clé dont je voudrais parler est l'intégration des services sociaux et des services de santé. Il faut repenser les politiques de la santé, en s'attachant moins aux secteurs particuliers et davantage à un modèle large et intégré des services de santé et des services sociaux — dans le cadre d'une stratégie interprofessionnelle de prestations de soins primaires qui fait appel à toutes les équipes de professionnels de la santé réglementés et non réglementés pour offrir collectivement les meilleurs soins possibles.

De plus, ces éléments permettent vraiment aux soignants de nouer une relation thérapeutique à long terme. La même personne fournit la même information aux familles qui font face à la démence. L'accès à un point de contact unique est très important dans cette maladie. Les infirmières autorisées en soins primaires sont d'ailleurs tout à fait disposées à servir de coordonnatrices au sein de ce système.

La démence ne fait pas de distinction et c'est à elle que je fais face quotidiennement en tant qu'infirmière. Elle a touché ma famille et il y a des chances qu'elle vous touche, vous ou quelqu'un que vous connaissez. Nous devrions améliorer les soins dans ce domaine.

L'Association canadienne des infirmières et infirmiers en gérontologie et l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario sont heureuses de l'occasion qui leur est offerte de faire un exposé devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et de contribuer éventuellement aux travaux de ce dernier. Nous nous réjouissons à la perspective de voir ces recommandations intégrées dans vos rapports et de pouvoir éventuellement collaborer à nouveau à vos travaux.

Le président : Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole à la Dre Marie-France Tourigny-Rivard, qui représente l'Académie canadienne de psychiatrie gériatrique.

[Français]

Dre Marie-France Tourigny-Rivard, gérontopsychiatre et professeure titulaire, Département de psychiatrie, Division de géronto-psychiatrie, Université d'Ottawa, Académie canadienne de psychiatrie gériatrique : Je ferai ma présentation en anglais. Pour ceux qui le souhaitent, je répondrai aux questions en français.

[Traduction]

Je vous remercie d'avoir invité l'Académie canadienne de psychiatrie gériatrique à contribuer à cette importante étude sur la démence dans notre société. De concert avec les fournisseurs de soins primaires, les collègues qui travaillent en santé mentale, les gériatres et autres spécialistes, l'académie, qui regroupe près de 300 gérontopsychiatres, offrent quotidiennement des soins à des milliers de personnes atteintes de démence. Ses membres s'occupent également de l'enseignement offert aux futurs médecins et spécialistes, et font de la recherche.

Depuis peu à la retraite, j'ai contribué à élaborer des services de santé mentale pour les aînés de la région de Champlain et pour les francophones du nord-est de l'Ontario. Cette contribution s'est effectuée dans le cadre du programme spécialisé en gérontopsychiatrie de l'Université d'Ottawa, qui nous permet de former et de garder un nombre critique de gérontopsychiatres dans la région.

J'ai participé activement à la stratégie quinquennale sur la démence élaborée en Ontario pour la période de 2000 à 2005 — vous devez savoir que nous avons eu des réussites dans ce domaine. Cette stratégie porte sur nombre des sujets dont on vous a parlé jusqu'à maintenant.

J'ai également collaboré à la publication d'un document qui traite des besoins particuliers des résidents des établissements de soins de longue durée et qui s'intitule Building a Better System : Caring for Older Individuals with Aggressive Behaviours in Long-term Care Homes. Le document a inspiré le programme de Soutien en cas de troubles du comportement en Ontario, qui a permis de beaucoup améliorer les services offerts aux personnes atteintes de démence.

Enfin, j'ai présidé le Comité consultatif sur les aînés de la Commission de la santé mentale du Canada, dont votre comité avait recommandé la création en 2006. Je suis toujours membre de son conseil consultatif. Comme vous le savez peut-être, la commission a élaboré la première stratégie en matière de santé mentale, de même que les Lignes directrices relatives à la planification et la prestation de services complets en santé mentale pour les aînés canadiens. Ce dernier document résume de façon assez détaillée la gamme des services que nous souhaitons offrir dans chaque province et dans chaque région à ceux qui doivent affronter la maladie mentale ou les complications psychiatriques de la démence.

Comme presque toutes les familles canadiennes, ma famille a été touchée par la maladie d'Alzheimer. Je me suis donc servi de mes expériences personnelles et professionnelles pour réfléchir sur les ressources qui sont nécessaires et sur les personnes qui offrent des soins au cours de cette très longue maladie.

Lorsqu'un diagnostic précoce de démence est posé, il faut planifier des soins et des services d'appui pour garder les êtres qui nous sont chers à la maison pendant environ six à dix ans — ce qui est très long — et se faire à l'idée que la majorité des personnes atteintes de démence devront vivre dans une résidence ou un établissement de soins de longue durée pendant deux à six ans de plus, même si elles disposent à la maison des meilleurs services possibles. Je ne pense pas qu'on vous ait encore beaucoup parlé des soins à long terme.

Dans les premières étapes de la maladie, la plupart des soins sont offerts par les aidants naturels et les médecins de famille. Ces derniers ont à leur tour besoin des services de soutien communautaire, notamment les services qui favorisent la socialisation et les habitudes saines, ainsi que les services habituellement offerts par les sociétés Alzheimer dans tout le pays, à savoir sensibilisation, soutien par les pairs, programmes de jour pour la stimulation, la socialisation et la relève.

Dans les premières étapes de la maladie, on a également besoin d'un soutien ponctuel de la part des spécialistes, tels que neurologues, médecins gériatres et gérontopsychiatres qui, la plupart du temps, établissent un diagnostic et déterminent s'il est possible de supprimer des facteurs aggravants, tels que les médicaments qui font obstacle aux capacités cognitives ou les maladies que l'on peut traiter, comme la dépression. Les gérontopsychiatres, par exemple, aident souvent à établir si l'anxiété ou la dépression sont la cause ou le résultat des problèmes cognitifs, et si elles peuvent être traitées sans aggraver la démence, ce qui améliorera considérablement la qualité de vie du malade et celle de son entourage.

Dans l'étape intermédiaire et finale de la maladie, on a de plus en plus besoin de relève et de soins en résidence, et il y a de plus en plus de risques d'hospitalisation du malade, qui est atteint de délire, ou du soignant, qui est épuisé. Des équipes spécialisées — regroupant par exemple des services d'approche en santé mentale gériatrique, du personnel en santé mentale et d'autres professionnels — doivent intervenir pour élaborer un plan de traitement personnalisé lorsqu'apparaissent les premiers symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. Ces symptômes sont très courants, puisque 80 à 90 p. 100 des malades les manifestent au cours de la maladie, ce qui est un pourcentage énorme. Ces comportements sont le principal facteur de risque ou la principale variable permettant de prédire le placement dans un établissement de soins de longue durée et la détresse des soignants.

Les gérontopsychiatres étant experts dans la gestion de cet aspect de la maladie, ils jouent un rôle important pour appuyer les aidants naturels et pour renforcer les capacités du personnel des centres d'hébergement à traiter les problèmes de façon sécuritaire. Cela permet d'éviter les visites et les séjours à l'hôpital.

On m'a demandé de parler des questions entourant les ressources. Nous n'aurons jamais suffisamment de ressources en personnel spécialisé pour soigner directement et globalement tous les gens atteints de démence au Canada. Comme vous l'avez appris, nous devons nous assurer qu'aujourd'hui et à l'avenir, les fournisseurs de soins de santé puissent offrir des soins de qualité aux personnes atteintes de démence. Je pense en particulier aux médecins de famille, spécialistes, infirmières, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, préposés aux services de soutien à la personne et physiothérapeutes qui auront sans doute dans leur clientèle des personnes atteintes de démence. Pour les soigner efficacement, ils doivent avoir acquis suffisamment de connaissances et de compétences à l'université ou au collège, mais ils doivent aussi être appuyés par des services interdisciplinaires et spécialisés dans les soins partagés selon un modèle collaboratif, dans un cadre communautaire, de soins de longue durée ou hospitalier.

Oui, il faut renforcer la formation, il faut s'assurer que tous les programmes des universités et collèges qui préparent les futurs professionnels de la santé portent sur les soins à donner aux personnes atteintes de démence. Le Collège royal des médecins a d'ailleurs reconnu la nécessité d'offrir une formation en psychiatrie gériatrique à tous les futurs psychiatres, en plus de mettre sur pied 12 programmes de formation accrédités en vue d'élaborer des sous-spécialités.

Notre première recommandation porte sur l'importance, dans le cadre d'une stratégie nationale sur la démence, d'avoir un mécanisme qui permettra de vérifier si les collèges et les universités offrent le type de connaissances et de formation requises par les professionnels de la santé afin de prendre soin des personnes atteintes de démence.

Nous devons également avoir suffisamment de ressources spécialisées en santé mentale — et pas uniquement des gérontopsychiatres, mais aussi des infirmières cliniciennes spécialisées, des psychologues, des travailleurs sociaux et des ergothérapeutes — pour jouer les rôles suivants : fournir, grâce à des connaissances et des compétences approfondies, des soins exemplaires dans les situations les plus difficiles et, ce faisant, participer à l'élaboration de nouvelles connaissances qui peuvent être transmises à d'autres soignants et fournisseurs. Ces spécialistes doivent également savoir comment offrir un appui et une formation continue dans le cadre d'ententes de consultation, de mentorat et de soins partagés afin d'augmenter la capacité des services offerts actuellement par les médecins de famille, les psychiatres, le personnel des centres de soins de longue durée, les préposés aux soins à domicile, et cetera.

J'aurais des commentaires particuliers sur la façon dont beaucoup...

Le président : Pourrais-je vous demander, docteure, d'aller directement au résumé. Cette partie comprend un résumé détaillé qui est, je crois, très clair. Je pense qu'il est important, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, de passer tout de suite à vos recommandations.

Dre Tourigny-Rivard : D'accord. Aux termes de la recommandation suivante, il convient d'accroître les ressources spécialisées en santé mentale gériatrique en finançant des postes de formation en résidence. Même s'il existe actuellement des programmes qui permettent de former davantage de gérontopsychiatres, il n'y a pas de financement protégé pour des postes de formation en résidence.

Dans le contexte d'une stratégie nationale en matière de santé mentale et de concert avec Santé Canada et l'Institut canadien d'information sur la santé, la Commission de la santé mentale du Canada devrait entreprendre une étude qui permettrait de dégager un plan précis de ressources humaines en appui de la stratégie. L'étude ferait en particulier ressortir les besoins de la population vieillissante qui augmente rapidement et les prévisions à établir par rapport au traitement de la démence.

Aux termes de notre quatrième recommandation, il faudrait accroître la disponibilité des soins de qualité à domicile et à long terme. Je noterai à ce sujet qu'il ne faut pas oublier les aspects de santé mentale.

Cinquièmement, il convient d'améliorer la qualité de vie des Canadiens qui résident dans des centres de soins de longue durée et de prévoir les besoins à long terme associés à la démence.

En résumé, on dispose déjà d'informations telles que les Lignes directrices relatives à la planification et la prestation de services complets en santé mentale pour les aînés canadiens, qui ont été élaborées par la Commission de la santé mentale du Canada, ainsi que de modèles de services pour la démence. La difficulté a été de convaincre les ministres de la Santé de financer la gamme des services en santé mentale qui permettrait d'assurer la viabilité du système de santé tout en faisant face à la croissance de la population âgée. Nous exhortons le comité à recommander que l'on réserve, en prévision de l'Accord sur le renouvellement des soins de santé, une partie des paiements de transferts fédéraux pour financer les ressources humaines en santé mentale.

Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de vos exposés. Vous avez toutes parlé de la question des ressources humaines. J'aimerais avoir une précision sur ce que vous avez dit dans votre exposé, docteure Dupuis-Blanchard, à savoir que, selon l'Association médicale canadienne, le pays compte 261 gériatres. Il n'y en a aucun à l'Île-du-Prince- Édouard et à Terre-Neuve. En outre, 2 p. 100 des résidents en médecine interne choisissent de pratiquer la gériatrie.

Je me souviens qu'il en a déjà été question, je ne sais pas qui en a parlé, peut-être l'Association médicale canadienne. Bref, on rapportait que le problème concernait les différences de rémunération des spécialistes du domaine et que la situation s'était améliorée. Peut-être que je compare des pommes et des oranges. Pourriez-vous nous donner des explications à ce sujet et ce qu'il faut changer? Car, compte tenu de la population vieillissante, il est plutôt inquiétant de voir que seulement 2 p. 100 des résidents en médecine interne s'intéressent à la gériatrie.

Mme Dupuis-Blanchard : C'est très inquiétant en effet et nous devons absolument nous occuper du problème. Par contre, je ne suis pas certaine qu'il y ait une recette magique.

À propos de ce que vous avez dit sur la rémunération, lorsqu'on étudie les salaires des différents spécialistes, ceux des gériatres sont bien bas par rapport à ceux d'autres spécialistes, comme les chirurgiens et les orthopédistes, qui eux, sont très élevés. Je ne sais pas dans quelle mesure ce facteur joue, mais il entre certainement en ligne de compte.

Ce qui est plus inquiétant, c'est que les jeunes médecins ne s'intéressent pas au domaine. Il y a sans doute diverses raisons à cela. Selon la recherche qui a été menée, ils préfèrent les domaines de pointe et dynamiques qui font appel à la technologie. C'est plus intéressant, plus accrocheur que la vieillesse.

Le sénateur Eggleton : Cela les intéresse plus que de travailler auprès des personnes âgées. Bon, d'accord.

Mme Dupuis-Blanchard : On constate la même tendance chez les infirmières. Les quelques études que nous avons menées à ce sujet dans notre université en témoignent. Les gens préfèrent les secteurs dynamiques, hautement efficaces, comme les unités de soins d'urgence ou intensifs, où tout bouge et où on est à la fine pointe de la technologie. Ceux d'entre nous qui ont choisi la gériatrie ont du mal à convaincre les autres de la complexité de ce domaine, qui est tout aussi dynamique et à la fine pointe de la technologie. Nous devons donc faire beaucoup plus d'efforts pour en faire la promotion.

Le sénateur Eggleton : Vous avez parlé des jeunes. Est-ce qu'on ne peut pas les convaincre de s'orienter vers ce secteur plus tard dans leur carrière?

Mme Dupuis-Blanchard : On le voit tout à fait chez les infirmières. Mme Boscart peut en témoigner. Cette spécialité est un choix de fin de carrière qui a l'air moins exigeant. C'est ce qu'elles pensent du moins. Mais elles en sont quittes pour une sacrée surprise lorsqu'elles commencent à travailler en gériatrie. Elles se rendent compte alors que le niveau de travail est très élevé et très exigeant. Ce n'est certainement pas l'endroit où l'on va se reposer en fin de carrière. Pour les médecins, c'est différent, puisqu'ils doivent suivre une spécialisation en gériatrie.

Je sais qu'au Nouveau-Brunswick, certains médecins de famille soignent surtout des personnes âgées. Même s'ils ne se considèrent pas comme des gériatres, évidemment, on sait que le gros de leur clientèle est composé d'aînés.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais que l'on parle des infirmières et des gérontopsychiatres, et de ce que nous pourrions faire, à votre avis — nous, ou le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires — pour attirer les gens dans ce secteur.

Mme Boscart : Merci beaucoup de votre question. Du point de vue de l'infirmière, il faut faire une évaluation très détaillée avant de pouvoir soigner une personne atteinte de démence — mais je suppose que c'est la même chose dans d'autres domaines. Étant moi-même infirmière clinicienne spécialisée, je pense — et ce serait aussi l'avis d'un gériatre — qu'on ne peut pas faire cette évaluation en 10 minutes dans un environnement familial, où l'on ne peut s'occuper que d'un problème à la fois. Les personnes atteintes de démence n'ont pas que cette maladie, mais souffrent également d'affections sous-jacentes. Le temps que prend le diagnostic de la démence est beaucoup plus long que pour les autres maladies. En conséquence, on ne peut pas voir autant de malades que les autres médecins.

Ce qui est intéressant en gérontologie comme champ d'étude et de travail, c'est qu'elle évolue. Je viens d'Europe, où l'on a une perspective un peu différente face au vieillissement. Au Canada et aux États-Unis, le vieillissement et le soin aux aînés sont traditionnellement considérés comme une spécialité. Or, si l'on se fie aux chiffres, que vous connaissez tous bien d'ailleurs, on n'a pas d'autre choix que de se spécialiser. Dans les services d'urgence, la plupart des gens qui consultent sont âgés. Dans les centres de soins à long terme, toute la clientèle est âgée. Dans les centres communautaires, jusqu'à 90 p. 100 des gens le sont. La gérontologie n'est donc pas une spécialité, mais un élément essentiel du programme que l'on devrait suivre.

Lors d'une étude nationale que nous avons menée pour comparer tous les programmes d'étude en travail social, en soins infirmiers et en médecine, on a constaté que beaucoup de praticiens finissaient leurs études sans rien avoir appris sur la gérontologie. Par contre, tous reçoivent un enseignement en soins pédiatriques alors que 2 p. 100 d'entre eux travailleront dans ce domaine et, heureusement, 98 p. 100 des praticiens diplômés travailleront auprès d'une population plus âgée. Or, une partie importante des programmes en travail social n'offre aucune compétence en gérontologie. Il se pourrait donc que des infirmières qui auront leur diplôme le mois prochain n'aient jamais entendu parler de la différence qu'il y a entre le délire, la démence et la dépression, ce qui est essentiel à savoir. À l'Association canadienne des infirmières et infirmiers en gérontologie, nous avons développé ces compétences et avons tout fait pour les intégrer au programme de soins infirmiers, mais c'est une approche qui doit être généralisée.

L'autre aspect qui ne facilite pas la tâche c'est que, dans les facultés, il n'y a pas d'experts pour enseigner la gérontologie. On part du principe que ce domaine fait automatiquement partie du programme, mais ce n'est pas le cas. On n'arrivera pas à attirer des gens dans ce domaine s'il n'y a pas des experts passionnés par le sujet pour leur raconter ce qui se passe quotidiennement et pour leur fournir l'encadrement et la supervision clinique. Tout cela est important.

Le troisième aspect est qu'en dépit de tout cela, le nombre d'infirmières autorisées est aujourd'hui à son plus bas niveau au Canada et il continue de baisser. Or, nous savons tous que la contribution des infirmières donne de meilleurs résultats pour les patients, apporte une meilleure qualité de vie et réduit le nombre des transferts aux urgences.

Le président : Vous vouliez intervenir plus tôt, docteure Tourigny-Rivard, voulez-vous nous parler de ces deux questions?

Dre Tourigny-Rivard : J'aimerais faire un commentaire sur les gériatres et les médecins. En santé mentale gériatrique et en psychiatrie gériatrique, le recrutement a été à certains égards plus fructueux et nous avons réussi à susciter l'intérêt des jeunes parce que nous avons intégré une composante essentielle de la psychiatrie gériatrique dans la formation de tous les psychiatres, avant de le faire pour les gériatres. C'est un élément parmi d'autres.

Un autre élément est le mode de rémunération. Lorsqu'on offre aux gérontopsychiatres un mode de rémunération mixte, qui tient compte du temps que prend une évaluation détaillée dans une situation complexe, on arrive plus facilement à les recruter. Ce qui les décourage, malheureusement, c'est la sous-spécialisation que demande le Collège royal des médecins, qui les oblige à suivre une formation en résidence d'un an financée par le système de santé, de telle sorte que ce sont les provinces et les doyens des universités qui finissent par contrôler le nombre de postes qui seront réservés à la formation dans la sous-spécialité qu'est la gérontopsychiatrie. Les candidats intéressés ne peuvent donc pas obtenir cette formation si le financement n'est pas là ou si les universités ne sont pas prêtes à réserver un certain nombre de postes pour la formation dans ce domaine.

Cela n'a pas été difficile de trouver des gens qui sont intéressés au domaine et qui veulent y exceller. Au cours des études, on se rend vite compte que c'est un domaine très gratifiant. On ne s'ennuie jamais, c'est intéressant et il y a des défis, et il faut réagir vite. Là n'est pas vraiment le problème. Le problème vient en fait du financement et des postes réservés.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de vos exposés, qui sont très intéressants. Ils nous font sentir que la tâche est écrasante parce qu'on n'en est qu'au début. Je sais que d'excellents programmes existent. Je viens du Nouveau- Brunswick, où les besoins sont immenses, ce qui ne nous laisse pas le temps de mettre sur pied des équipes de spécialistes. Les besoins sont immédiats.

Avez-vous songé à offrir un enseignement dans les régions, à organiser des après-midi ou des symposiums, ou à faire intervenir des équipes dans des petites communautés, dans des salles paroissiales ou des écoles? Au Nouveau- Brunswick, des infirmières praticiennes gèrent des cliniques. Elles pourraient s'occuper de ce dont vous venez de parler et qui est nécessaire, à savoir une bonne évaluation. Dans la province, bien des gens s'occupent de leurs parents âgés et ils ne s'imaginent pas du tout qu'il existe des évaluations. Ils font de leur mieux et se débrouillent comme ils peuvent.

J'aimerais avoir vos commentaires sur le type de sensibilisation qu'on pourrait faire dans les régions rurales, les régions isolées, afin de mettre les gens au courant des fondamentaux. Ce serait prendre le problème par l'autre bout, non pas en amont, mais en aval, pour s'occuper des besoins immédiats.

J'aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.

Mme Dupuis-Blanchard : Je sais qu'en gériatrie, une équipe d'évaluation rayonne à partir de Fredericton jusque dans les collectivités rurales et qu'elle a beaucoup de succès parce qu'elle répond à un besoin. Cette approche pourrait servir de modèle, mais elle n'a pas été généralisée et j'en ignore les raisons. Il faudrait donc voir ce que l'on peut faire pour que le modèle soit repris dans d'autres provinces.

L'une des difficultés vient du fait que les familles répugnent beaucoup à soumettre à une évaluation les êtres qui leur sont chers. On fouille dans la vie privée des gens, on pose énormément de questions, y compris d'ordre financier à l'issue de l'évaluation. Les gens sont donc hésitants et même terrifiés à l'idée que le diagnostic soit posé et confirmé.

La sénatrice Stewart Olsen : C'est intéressant, cette idée d'évaluation, mais je pensais plutôt à des petites réunions d'information où l'on dirait aux gens à quelle date la brigade volante rendra visite à leur communauté. Je pensais davantage au travail sur le terrain. En tout cas, c'est mon avis, et les gens ne savent pas à quoi ils s'engagent lorsqu'ils doivent s'occuper d'une personne atteinte de la maladie. Et les soins deviennent de plus en plus coûteux jusqu'à ce que tout le monde se sente écrasé par la tâche.

Mme Dupuis-Blanchard : On en revient toujours à l'appui à apporter après le diagnostic. C'est une chose que de faire confirmer le diagnostic par le médecin, mais que se passe-t-il après? Comment dirige-t-on ces personnes vers les services qui les aideront? Je connais bien la situation au Nouveau-Brunswick, où presque la moitié de la population vit en campagne.

La sénatrice Stewart Olsen : Oui, la population est très rurale.

Mme Dupuis-Blanchard : Voilà ce qui arrive, les gens vont dans les centres comme Moncton ou Fredericton pour consulter le gériatre, puis ils rentrent chez eux, où ils sont isolés.

Je sais que le programme Premier lien a donné d'excellents résultats, mais il n'est pas appliqué dans certaines régions rurales. Lors d'une réunion récente à laquelle j'ai participé avec des médecins, ceux-ci m'ont dit qu'ils n'en avaient jamais entendu parler et pourtant, ils pratiquent dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick. Ils ne peuvent donc pas y orienter les patients et leur famille. Je pense qu'il y a de graves lacunes dans la communication.

Dre Tourigny-Rivard : Dans mes 10 dernières années de pratique, j'ai exclusivement travaillé dans des collectivités rurales. Des infirmières de l'endroit font partie de l'équipe de soins en santé mentale. Les gérontopsychiatres travaillent régulièrement avec elles, en personne ou par la télésanté.

L'équipe travaillait avec une cinquantaine de médecins de soins primaires ou des équipes de santé familiale, selon le cas. Essentiellement, elle renforce la capacité de la collectivité rurale grâce à l'appui, aux avis et à l'apprentissage qu'elle lui offre. Comment apprend-on lorsqu'on pratique? Eh bien, on apprend à partir d'un problème pour lequel on consulte. On nous dit quoi faire et on réussit à le faire. Je transmettais toutes mes recommandations aux médecins de soins primaires et l'on aidait le malade et sa famille pendant leur mise en œuvre, afin qu'elles donnent les résultats voulus. Si quelque chose ne se déroulait pas comme prévu, je pouvais revoir le malade.

Mon intervention était relativement minime, mais réelle. J'étais là assez régulièrement pour nouer une relation avec les fournisseurs de soins de santé dans ces collectivités rurales.

On a fait la même chose dans le nord de l'Ontario, à Timmins. Il faut être constant, il faut pouvoir compter sur le personnel infirmier local et faire appel à l'expertise locale et à celle des médecins et spécialistes qui sont déterminés à appuyer le secteur des soins primaires, qu'il s'agisse de soins à long terme ou des consultations des médecins de famille.

La sénatrice Merchant : Merci à vous trois. Vous dites que les soignants sont essentiellement des femmes et vous voilà, trois femmes, qui comparaissent aujourd'hui devant nous. J'ai trouvé la coïncidence intéressante.

Cette fin de semaine, j'ai assisté à une conférence où j'ai parlé avec des femmes, des députées de pays nordiques, en fait de Suède, je crois. Ce qui les a impressionnées le plus, c'est leur visite d'établissements de soins —à Ottawa je pense — et la façon dont on s'occupait des personnes âgées.

Vivant au Canada, j'ai toujours pensé que les gens préféraient rester chez eux et qu'il fallait les appuyer pour qu'ils puissent y rester le plus longtemps possible. Mais elles n'étaient pas de cet avis car, disaient-elles, cela ne fonctionne pas dans les pays nordiques, où les gens sont très isolés et cela crée une difficulté supplémentaire.

Vous disiez que vous venez d'Europe?

Mme Boscart : Oui.

La sénatrice Merchant : J'étais convaincue que les gens devaient rester chez eux le plus longtemps possible et que nous devions les aider à le faire, mais étant donné la pénurie de gérontologues, je me demande si la meilleure solution ne serait pas de les regrouper? Ne serait-il pas plus facile pour un gérontologue de leur rendre visite à leur chevet ou à leur chambre du centre de soins plutôt que de faire toutes ces visites à domicile? Cela m'a surpris, car j'étais convaincue que les gens devaient rester chez eux.

Mme Boscart : Aujourd'hui au Canada, environ 90 p. 100 des gens atteints de démence vivent chez eux, avec l'aide de partenaires de soins de santé. C'est d'ailleurs ce que la majorité d'entre eux souhaite, mais notre collègue nous a dit que dans les dernières années de la maladie, il est très difficile de rester chez soi.

Malheureusement, les listes d'attente dans les établissements de soins de longue durée sont extrêmement longues. Très souvent, la famille inscrit le malade sur une liste d'attente parce qu'elle ne peut plus prodiguer les soins chez elle, mais le malade ne sera jamais admis et il devra faire des allers et retours entre un établissement de soins de courte durée et le domicile. Ce n'est pas l'idéal et la qualité de vie s'en ressent.

Avec l'évolution des statistiques, les demandes imposées au système de soins de longue durée vont augmenter de façon spectaculaire. Les pressions sont déjà énormes. Les soins de longue durée sont une alternative extrêmement chère aux soins que l'on peut recevoir chez soi.

Pour certains, qui ne sont pas suffisamment appuyés chez eux, les soins de longue durée peuvent être une bonne solution. Pour d'autres, ils n'ont pas le choix. Mais évidemment, il s'agit d'un choix individuel à faire.

En raison des longues listes d'attente et du surpeuplement des centres, on constate que c'est à la fin de leur vie que les gens sont admis dans les établissements de soins de longue durée. Autrefois, la durée du séjour dans un tel établissement était d'environ cinq ans, il est aujourd'hui de six mois. Au moment de l'accueil, l'état de santé n'est vraiment pas bon.

Évidemment, il s'agit d'un choix personnel, mais les systèmes d'appui sont un investissement très judicieux, car nous ne pouvons pas accueillir 100 p. 100 des gens atteints de démence dans les établissements de soins de longue durée.

Dre Tourigny-Rivard : Je ne suis pas d'accord, car actuellement, la durée moyenne d'un séjour dans un centre de soins de longue durée en Ontario est d'un peu plus de deux ans. Elle a raccourci, et c'est ce que l'on souhaitait.

On a tellement mis l'accent sur le maintien des gens à domicile, en retardant le plus possible l'accueil dans un centre de soins de longue durée, qu'on a négligé ce secteur et que les gens ne veulent plus aller dans ces centres, qui ont considérablement périclité. On n'y trouve plus le personnel et les installations nécessaires pour éviter les problèmes de comportement. On ne les a même pas modernisés pour pouvoir offrir un service aussi élémentaire qu'une chambre privée. Certains centres du Québec n'ont même pas l'air climatisé. C'est vraiment triste.

Le problème découle en partie du fait que, en tant qu'êtres humains, nous ne nous imaginons pas finir nos jours dans un établissement de soins de longue durée. On ne veut pas y penser.

Dans les directives préalables que je compte donner à ma fille, je lui ferai part de ma volonté d'aller dans un tel centre avant que les êtres qui me sont chers se lassent de prendre soin de moi. Tout ce que j'espère, c'est qu'il y aura alors suffisamment de bons centres dans lesquels je pourrai trouver une place avant qu'il ne soit trop tard.

Le stress sur les familles — et on l'a tous vécu — est énorme. Les centres de soins de longue durée sont beaucoup mieux adaptés que les hôpitaux. L'hôpital est le pire endroit où l'on peut se retrouver en attendant d'être placé. C'est le pire environnement. Non pas parce que le personnel n'est pas prêt à aider, mais tout simplement parce que l'hôpital n'est pas fait pour répondre à ce genre de besoins et son environnement y est totalement inadapté. Le système hospitalier fonctionne pour les urgences et on n'y a pas le temps de s'occuper de quelqu'un dont les besoins ne sont pas urgents. De deux malades, l'un atteint d'une crise cardiaque et l'autre de démence, duquel pensez-vous que l'on va s'occuper en premier. À juste titre, on va s'occuper de celui qui a une crise cardiaque.

Les hôpitaux sont des endroits terribles pour les personnes atteintes de démence. Nous devons les aider, mais, surtout, nous devons prévoir suffisamment d'établissements de soins de longue durée et des solutions de rechange. Lorsque la maladie fera en sorte que je ne suis plus en mesure de cuisiner de façon sécuritaire ou d'effectuer moi-même mes transactions financières, je serai heureuse de me trouver dans un foyer pour personnes âgées où l'on offre certains services. Mais, si j'ai besoin de beaucoup de soins personnels, j'aimerais mieux me trouver dans un établissement de soins de longue durée.

Le président : Avant de laisser la parole à la Mme Dupuis-Blanchard, j'aimerais revenir sur votre commentaire. Nous avons appris lors d'une séance précédente qu'environ 15 p. 100 des personnes hospitalisées sont en attente d'une place dans un établissement de soins de longue durée.

Dre Tourigny-Rivard : C'est exact.

Mme Dupuis-Blanchard : C'est beaucoup plus élevé que cela au Nouveau-Brunswick.

Je partage l'avis des autres témoins. J'ajouterais simplement qu'il est vrai que les personnes âgées souhaitent vivre à domicile aussi longtemps que possible. Le problème avec la démence, c'est qu'aucun plan n'est établi. Les familles ne veulent pas y penser; elles ne veulent pas penser à l'avenir. Elles veulent y aller au jour le jour. Mais, les jours deviennent des mois, et les mois des années. Tout à coup, elles se retrouvent en situation de crise.

Les services ne sont pas toujours offerts dans la communauté. Si je ne m'abuse, vous avez parlé des médecins qui font des visites à domicile, par exemple. Cela ne se fait pas. Une telle pratique aiderait certainement. On pourrait aussi utiliser à leur plein potentiel les infirmières praticiennes, les infirmières et les infirmiers autorisés et les autres professionnels de la santé.

Les gens atteints de démence vivent à domicile aussi longtemps que possible. Le problème, ce sont les services offerts. Au Nouveau-Brunswick, il y a aussi le problème de la langue. Il est difficile d'obtenir des services dans la langue de son choix, que ce soit en français ou en anglais.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. J'avais l'intention de vous interroger sur l'Accord sur la santé, un sujet auquel vous avez toutes fait référence. J'essaie de relever les points en commun, de comprendre les questions de compétence dans le domaine de la santé. Toutefois, docteure Tourigny-Rivard, j'aimerais vous poser une autre question à la suite d'un point que vous avez soulevé au sujet des soins de longue durée.

Je n'ai pas fait suffisamment de recherches sur le sujet, mais je sais que le gouvernement provincial précédent au Québec souhaitait créer des modèles de fonds de planification des soins de longue durée et des modèles d'assurance. Le but était d'aider les Québécois à reconnaître l'importance de prévoir ses besoins en matière de soins de longue durée et de créer des fonds personnels pour les soins de longue durée, soit par l'entremise du régime fiscal ou de l'industrie de l'assurance. L'idée a été écartée avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement au pouvoir, mais en tant que législatrice fédérale, j'aimerais bien connaître votre opinion sur le sujet.

Dre Tourigny-Rivard : Je vais devoir vous donner une réponse personnelle. Pour ma part, je serais d'accord pour payer des impôts qui seraient destinés à une telle initiative si j'étais convaincue que les fonds seraient effectivement utilisés en ce sens et non pour des soins de courte durée, par exemple.

La sénatrice Seidman : Je parle d'un fonds personnel qui offrirait des avantages fiscaux, comme les REER, par exemple. Les gens pourraient créer un fonds personnel pour des soins de longue durée et y contribuer annuellement tout en profitant d'une remise d'impôt quelconque.

Dre Tourigny-Rivard : Mais, comment avoir l'assurance que des soins de longue durée seront disponibles?

La sénatrice Seidman : Oui, bien sûr.

Dre Tourigny-Rivard : Et aussi la qualité des soins de longue durée offerts. Comment faire pour contrôler tout cela?

Le gouvernement est heureux de prendre mon argent, mais jusqu'à maintenant, il n'est pas vraiment pressé de s'en servir pour rénover les établissements ou embaucher suffisamment de personnel de façon à assurer la prestation de soins de qualité et à inspirer la fierté chez les fournisseurs de soins.

La sénatrice Seidman : Je comprends. Pour cela, il faudrait repenser le système de soins de santé actuel.

J'aimerais revenir à l'Accord sur la santé pour essayer de relever les points en commun dont vous et d'autres témoins avez parlé. Je vais vous en donner trois et je vous demanderai votre opinion.

Je crois que c'est vous, madame Dupuis-Blanchard, qui avez parlé dans votre exposé des paiements de transfert en fonction des données démographiques. Je sais que c'est une demande très commune des provinces ces temps-ci. Certaines sont pour, d'autres, pas vraiment. Le deuxième point en commun est la réaffectation de fonds du système de soins de santé de courte durée aux soins primaires. Le troisième est la création d'un organisme national dont le mandat serait d'évaluer les besoins en ressources humaines pour les soins aux personnes âgées.

À mon avis, ils sont tous liés à l'Accord sur la santé et ce sont tous des points sur lesquels le gouvernement fédéral pourrait intervenir. J'aimerais avoir votre opinion, s'il vous plaît.

Mme Dupuis-Blanchard : Au sujet des transferts de fonds — et l'ACG ne partage pas nécessairement mon opinion —, je suis coprésidente d'un nouveau comité sur la vieillesse qui se penche sur une stratégie pour le Nouveau- Brunswick. On nous dit qu'il faut se contenter des moyens du bord et qu'il n'y a plus de fonds pour investir dans la stratégie ou planifier en fonction des besoins futurs. Cela m'incite à parler de ce qui se passe vraiment. C'est au Nouveau-Brunswick que l'on trouve le plus grand nombre de personnes âgées au pays. La province n'est pas riche, et il n'y a rien de mal à cela. Nous sommes novateurs, certes, mais sans paiements de transfert supplémentaires du gouvernement fédéral, nous aurons beaucoup de difficulté à composer avec la situation.

Lorsque je fais des présentations et que je discute avec des collègues ailleurs au pays, les gens disent qu'ils voient les provinces atlantiques comme des chefs de file dans le domaine, car elles devront composer avec le vieillissement de la population bien avant les autres provinces. Les autres provinces souhaitent nous voir essayer toutes sortes de belles options afin de pouvoir choisir ensuite ce qui fonctionne le mieux. Mais, sans fonds supplémentaires, c'est impossible. Oui, il est possible d'obtenir des fonds par l'entremise du régime fiscal, mais les paiements de transfert sont nécessaires.

Concernant la réaffectation de fonds, nous devons absolument changer notre mentalité. Les hôpitaux ont été construits pour fournir des soins de santé de courte durée. Aujourd'hui, nous les utilisons pour la prestation de soins de longue durée, une fonction pour laquelle ils n'ont pas été conçus. Ce ne sont pas des édifices à logement pour les personnes âgées en attente d'une place dans une maison de repos. Nous sommes passés d'un modèle des années 1970 où les hôpitaux étaient financés par le public à un modèle de soins dans la communauté et de soins à domicile. Pour que ce changement réussisse, il faut investir. Comme je le dis toujours à mes collègues, nous avons de beaux documents qui parlent de l'importance des soins à domicile et de déterminants sociaux de la santé, notamment, mais nous n'avons aucuns fonds pour soutenir les initiatives proposées et démontrer qu'elles peuvent porter leurs fruits. Ce problème peut être réglé.

C'est un changement très difficile à opérer. Dans le dernier budget provincial, le gouvernement proposait de fermer certains des centres hospitaliers et même des salles d'urgence. Cela a soulevé un tel tollé dans la population qu'il a dû se rétracter. Le gouvernement proposait d'investir les sommes économisées dans des centres de santé communautaires dans les régions touchées, mais ce transfert de fonds s'est avéré difficile. Il est également difficile pour les gens de tourner le dos à ce qu'ils connaissent bien, soit les soins en établissement, pour adopter les soins de santé communautaires. La réaffectation de fonds sera nécessaire pour satisfaire aux besoins de la population vieillissante, car les soins devront être offerts dans les communautés.

Je ne crois pas qu'il soit possible de construire suffisamment de nouvelles maisons de repos pour régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés, y compris la démence.

Mme Boscart : Ce sont d'excellents commentaires. J'ajouterais que les pays du monde qui possèdent les systèmes de soins de santé les plus performants sont ceux qui mettent l'accent sur l'organisation et la prestation des soins primaires. Nous les connaissons. Leurs systèmes de santé sont axés sur les soins primaires. Malheureusement, le Canada ne fait pas partie de ce groupe.

Pour revenir à ce qui s'est dit précédemment, nous savons que les soins de longue durée sont dispendieux, mais nécessaires. De nombreuses personnes âgées sont sur des listes d'attente pour une place dans une maison de retraite. Peu de lois traitent de la question, les prix exorbitants et les services ne sont pas toujours optimaux. J'ai entendu dire, probablement lors de la conférence du week-end dernier, encore une fois, que les maisons et organisations de retraite sont le secteur qui connaît la plus forte croissance au pays. C'est terrifiant, car au service d'urgence où je travaille, je vois beaucoup de patients qui nous viennent de maisons de retraite, car ces établissements ne sont assujettis à aucune évaluation normalisée, il n'y a aucun médecin sur place, ni infirmière clinicienne spécialisée, et aucune infirmière autorisée n'y travaille, car cela ne fait pas partie de leur mandat. Il en découle des situations intéressantes.

J'aimerais souligner un dernier point. Sur le plan économique, le Canada ne consacre que 3,5 p. 100 de ses dépenses aux soins à domicile. Cela le place au dernier rang de tous les pays membres en matière d'investissement dans les soins à domicile.

Je vais terminer avec une citation d'Henry Ford :

Si je leur avais demandé ce qu'ils souhaitaient, ils m'auraient répondu : « Des chevaux plus rapides. »

Ce n'est pas ce dont ils avaient besoin. Ils avaient besoin d'un changement radical. Nous devons aborder ce problème d'un point de vue totalement différent.

La sénatrice Seidman : Le troisième point en commun concerne la création d'un organisme national qui aurait pour mandat d'évaluer les besoins en ressources humaines pour les soins aux personnes âgées.

Mme Dupuis-Blanchard : Absolument.

Dre Tourigny-Rivard : Je ne suis pas certaine d'avoir quoi que ce soit à ajouter, sauf que je ne crois pas que les soins de longue durée soient la solution. C'est un problème complexe. Il faut être en mesure d'offrir une gamme de services. Il faut aussi investir avant de fermer des hôpitaux. Nous l'avons vécu dans le secteur des soins en santé mentale. Avant de fermer des hôpitaux psychiatriques provinciaux, il aurait fallu d'abord s'assurer que les ressources communautaires nécessaires étaient en place. Là où cette étape n'a pas été respectée, le problème a empiré.

La sénatrice Raine : J'aimerais connaître votre opinion sur les campus de soins de santé. J'ai un peu d'expérience avec ce genre d'établissement, et cela me paraît une bonne solution. Si nous concluons qu'il faut construire plus d'établissements, selon vous, ces campus seraient-ils une bonne façon d'utiliser les partenariats public-privé et d'obtenir le meilleur rendement pour l'argent des contribuables? Ces campus sont-ils efficaces? Est-ce un bon modèle?

Mme Boscart : Oui. L'initiative a été lancée dans certaines régions de l'Ontario. Des organisations construisent des campus de soins de santé là où se trouvent déjà des établissements d'aide à la vie autonome et des milieux de vie avec services de soutien afin d'offrir également des soins de longue durée. Cela crée une continuité dans les services, mais aide aussi les couples où les deux personnes ont des besoins très différents. Il est épouvantable pour un couple de voir l'un d'eux être placé dans un centre de soins de longue durée alors que l'autre reste à la maison. Ils ne peuvent plus vivre ensemble. Les campus aident à cet égard, et ils abordent aussi la situation du point de vue financier.

L'idée de faire de ces organisations de soins longue durée des centres d'excellence en matière de santé suscite beaucoup d'intérêt. C'est peut-être une option pour les régions. Les gens pourraient se rendre dans ces établissements de soins de longue durée. Certains sont petits, mais l'on trouve des cuisines et des infirmières autorisées — pas en assez grand nombre — capables d'effectuer des évaluations. Ces établissements pourraient aussi offrir des soins de relève. On considère habituellement les soins de longue durée comme des soins de haut niveau. Les gens emménagent dans ces établissements et y reçoivent des soins. Il serait possible d'élargir la fonction de ces établissements pour qu'ils deviennent des établissements communautaires centraux de soins pour les personnes âgées. Le seul fait de pouvoir obtenir un repas par jour serait un avantage incroyable pour les gens atteints de démence. Un établissement de soins de longue durée pourrait offrir ce genre de soutien, pourvu qu'il dispose des ressources nécessaires.

Mme Dupuis-Blanchard : Au Nouveau-Brunswick, nous avons sondé 65 maisons de repos et établissements de soins de longue durée pour sur la possibilité d'élargir leur fonction afin d'offrir des services à la communauté. Les établissements de soins de longue durée se trouvent dans les régions rurales et la plupart offrent des services, soit en français, soit en anglais. Cette option paraissait comme la meilleure façon de régler tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés et tous les établissements sondés étaient d'accord pour modifier leur rôle afin d'offrir des services à la communauté, notamment des services de repas et d'entretien ménager. Ils deviendraient essentiellement des établissements communautaires centraux pour les soins aux personnes âgées et la socialisation. Ils offrent déjà ces services; pourquoi ne pas les offrir également à la communauté? Évidemment, ils doivent disposer des ressources nécessaires.

La sénatrice Raine : Certaines personnes qui vivent encore à la maison et qui planifient les soins en fin de vie disposent déjà de ressources qu'ils pourraient utiliser pour une place dans un tel établissement. J'ai vu des exemples où un conjoint atteint de démence recevait de très bons soins dans un grand établissement où il trouvait du soutien et pouvait participer à des activités de socialisation, permettant à l'autre conjoint d'avoir une vie. Cela semble bien fonctionner. Celui que je connais offre des soins complets en établissement. Ainsi, les patients restent sur le campus; ils n'ont pas à aller ailleurs.

J'aimerais savoir comment nous pourrions utiliser les fonds publics et privés pour offrir un ensemble de soins abordables à ceux qui ont besoin de l'aide du secteur public et ceux qui ont les moyens de payer eux-mêmes pour leurs soins.

Mme Boscart : Il existe déjà de tels établissements en Ontario. Je serai heureuse de vous faire parvenir des renseignements à ce sujet.

Le président : Ce serait très bien. Veuillez faire parvenir ces informations à la greffière.

J'aimerais revenir sur certains sujets abordés par mes collègues, mais j'aurais d'abord une question d'ordre générale à vous poser. Vous et d'autres témoins avez fait directement ou indirectement référence à une stratégie nationale sur la question. En fait, certaines stratégies sont plus larges que d'autres et couvrent une plus grande variété de problèmes associés au vieillissement, mais parlons uniquement d'une stratégie nationale sur la démence.

Au Canada, le problème, c'est la balkanisation; les provinces ont des responsabilités directes et le gouvernement fédéral se charge principalement de la collecte des impôts et de leur utilisation. Dans le cadre de vos réflexions sur ces questions, vous êtes-vous attardées au genre d'organisation, existante ou nouvelle — peut-être dirigée par le gouvernement fédéral — qui pourrait travailler avec les provinces à l'élaboration d'une stratégie nationale? Nous n'avons pas connu beaucoup de succès dans l'élaboration de stratégies nationales sur les soins de santé. Auriez-vous des idées à ce sujet? Sinon, une fois la séance terminée, pourriez-vous y réfléchir et transmettre vos idées à la greffière?

Évidemment, il est facile de définir les services nécessaires, mais si personne ne coordonne la prestation de ces services, rien ne se produira ou les services seront offerts de façon aléatoire, comme c'est le cas en ce moment. Je ne vous demande pas d'émettre des hypothèses. J'aimerais simplement savoir si vous avez des exemples d'organisations qui pourraient travailler à l'élaboration d'une stratégie nationale? Sinon, j'aimerais que vous réfléchissiez à la question et que vous nous fassiez parvenir vos idées.

Maintenant, vous et les membres du comité avez soulevé la question des établissements de soins de longue durée. Dans certains documents contextuels et lors de témoignages, on a donné des exemples d'établissements de soins de longue durée où l'on offre un environnement de communauté pour les patients atteints de démence, c'est-à-dire qu'ils peuvent participer à des activités de socialisation et se sentir en sécurité. Connaissez-vous des établissements semblables qui, selon vous, constituent de très bons exemples et où la prestation des services est très bonne?

Mme Dupuis-Blanchard : Selon ce que j'ai pu lire, au Canada, non. Mais, j'ai lu un article sur une communauté semblable au Royaume-Uni. Je n'aime pas utiliser l'expression « ensemble résidentiel protégé », mais c'est un peu le concept. Les personnes atteintes de démence vivent dans ce grand ensemble résidentiel protégé où ils peuvent marcher ou faire de la bicyclette, s'ils le désirent. Ils ne sont pas limités. C'est un concept très ouvert qui permet aux gens de vivre leur vie sans toujours se faire dire : « Non, vous ne pouvez pas faire cela » ou « Vos déplacements sont limités ». C'est très ouvert. Cet article m'a beaucoup marqué, car je me suis dit que c'était une excellente façon de vivre sa vie, même lorsqu'on est atteint de démence. Les gens ne sont pas limités.

Le président : C'est bien d'en entendre parler, mais si vous y pensez, pourriez-vous nous transmettre cet article?

Mme Dupuis-Blanchard : Je vous l'enverrai.

Le président : Quelqu'un d'autre voudrait s'exprimer sur la question?

Mme Boscart : Il existe une organisation en Ontario qui s'appelle Schlegel Villages. Ce campus de soins de santé, qui continue de s'agrandir, fonctionne selon une approche différente qui est en train de changer la culture en matière de vieillissement. Plutôt que de travailler par niveaux de soins, le campus dispose d'équipes interfonctionnelles qui encouragent une approche différente, c'est-à-dire que les personnes atteintes de démence font partie d'un village. On tente de promouvoir des activités constructives et la réalisation d'ambitions pour avoir une bonne qualité de vie.

Le président : Elles vivent au sein d'une communauté de personnes âgées?

Mme Boscart : Oui. Ils ont aussi créé des villages piétonniers où l'on trouve des édifices à logement, des magasins ou une pharmacie. Le concept va au-delà de la maison de retraite ou de l'établissement de soins de longue durée.

Je participe, notamment, à la création d'écoles pour les préposés aux services de soutien à la personne et les infirmières qui travaillent dans ces établissements afin qu'ils puissent comprendre ce que cela implique de prendre soin des personnes âgées. Des fournisseurs de soins dans la communauté et de nombreuses personnes âgées ayant un handicap participent aussi à ces formations pour apprendre, par exemple, comment déplacer leur conjoint ou leur conjointe s'ils n'ont pas d'appareil élévateur à la maison.

Nous tentons de jumeler l'apprentissage et le changement de culture en intégrant ce genre de formation. Pour le moment, c'est à petite échelle, mais cela montre qu'il faut changer les croyances sociétales entourant le vieillissement, car les stigmates autour du vieillissement sont nombreux.

Dre Tourigny-Rivard : J'ajouterais seulement qu'il y a de nombreux exemples au pays où les personnes atteintes de démence reçoivent de bons soins, mais ces exemples doivent être repris dans d'autres provinces. Ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'un bilan des provinces à cet égard.

Dans le domaine de la santé, il faut vérifier auprès d'Agrément Canada pour s'assurer que les niveaux de soins offerts sont acceptables. Peut-être faudrait-il créer un agrément qui couvrirait tous les services nécessaires pour offrir de bons soins aux personnes atteintes de démence, que ce soit des soins à domicile ou en établissement.

Le président : Encore une fois, cela démontre qu'il faudrait créer une sorte de stratégie nationale. D'ailleurs, on entend toujours dire que le Canada est un pays de projets pilotes. Nous n'avons aucune façon rationnelle de transférer ces excellents exemples d'une province à l'autre.

La sénatrice Seidman : J'aimerais revenir aux ressources humaines en santé. Je crois que vous avez toutes fait référence aux difficultés de recrutement dans les domaines médicaux et les spécialités connexes, comme le travail social, les soins infirmiers et, j'imagine, la physiothérapie et l'ergothérapie, toutes des professions essentielles au traitement des problèmes liés au vieillissement et à la démence.

Le vice-président de la Société canadienne de gériatrie a comparu lors de notre dernière séance. Il nous a parlé des problèmes de recrutement dans le secteur de la gériatrie. Si j'ai bien compris, ce n'est pas un problème au Royaume- Uni. D'ailleurs, la gériatrie est l'une des spécialités de médecine interne les plus populaires dans ce pays. Évidemment, leur plan pour l'année 2020 ne date pas d'hier; c'était une initiative d'envergure.

Je m'interroge sur la façon d'offrir la formation nécessaire dans ces métiers et de recruter des gens afin que nous puissions compter sur des professionnels capables d'offrir les services nécessaires à la réussite des programmes à l'intention des personnes âgées ou atteintes de démence. Quelles seraient vos suggestions à cet égard? Que pouvons- nous faire pour favoriser le recrutement et offrir des programmes d'éducation convenables?

Mme Dupuis-Blanchard : Il faudrait ajouter un volet gérontologie aux différents programmes. Habituellement, les gens entreprennent un métier dès qu'ils ont terminé leurs études secondaires. Ils sont donc encore très jeunes. Lorsqu'ils choisissent d'étudier en médecine ou en soins infirmiers, ils ne pensent pas à un domaine particulier. Il faut exposer les jeunes aux différents aspects du métier dans le cadre des programmes d'études.

Je suis infirmière. Beaucoup de nos étudiants s'imaginent qu'être infirmier ou infirmière se limite à soigner des patients très malades dans des hôpitaux ou des foyers de soins infirmiers. Ils voient rarement les infirmières travailler dans la communauté ou vivre des expériences positives. Les étudiants craignent la démence, car ils n'y sont pas exposés. Ils ont peur des comportements agressifs, puis ils constatent que les patients ne sont pas tous agressifs. Il faut en parler dans le programme d'éducation de base. Peut-être faudrait-il commencer plus jeune, dans les écoles secondaires. Parle- t-on du vieillissement de la population ou des conséquences du vieillissement? Il faut aussi changer l'optique de la société face au vieillissement.

Tout revient essentiellement aux programmes de formation. Dès qu'ils sont exposés à la démence, les étudiants peuvent faire un choix éclairé. Cela ne garantit rien, mais c'est un début. Et l'on ne parle pas uniquement des professionnels de la santé. Les personnes âgées auront aussi besoin d'aide pour leurs transactions bancaires, notamment. Elles auront besoin d'avocats. Peu de programmes abordent les conséquences du vieillissement.

Dre Tourigny-Rivard : En plus du contenu des programmes, il faut des enseignants inspirants. Il est utile de pouvoir compter sur des personnes âgées pour transmettre une image positive de la vieillesse. Peut-être qu'elles ont éprouvé des difficultés, mais elles peuvent démontrer qu'il est possible de bien vivre malgré quelques problèmes. Cela fait partie, par exemple, de la stratégie de lutte contre la stigmatisation recommandée pour les problèmes de santé mentale. Il est important de solliciter la participation des gens qui ont éprouvé certaines difficultés et qui ont appris à surmonter ces défis. Il faut modifier le contenu et trouver des enseignants inspirants.

J'ignore comment recruter des enseignants inspirants pour des cours universitaires. J'espère que les professeurs d'université dans le domaine ont travaillé auprès des personnes âgées. S'ils s'en tiennent à l'enseignement théorique, ils n'enseigneront pas les bonnes choses, et les étudiants remarqueront rapidement que ce qu'on leur enseigne ne correspond pas à la réalité.

Le président : Puisque la retraite n'est pas obligatoire, il y aura peut-être beaucoup d'exemples des conséquences de la vieillesse dans les universités.

La sénatrice Raine : Nous savons tous ce que Michael J. Fox a fait pour le Parkinson et ce que Glen Campbell a fait pour l'Alzheimer avec son film. Ce sont d'excellents exemples d'outils d'éducation, car ils s'appuient sur des faits. Plus il y aura d'exemples semblables, mieux ce sera.

Dre Tourigny-Rivard : Il faut inclure ce genre d'exemples dans les cours universitaires. Combien de professeurs invitent des gens avec du vécu à venir parler de leur expérience aux élèves?

Mme Boscart : Une autre façon de retenir les travailleurs dans ces métiers, c'est de les payer convenablement. Les IA et IPA sont moins bien rémunérées si elles donnent des soins à domicile ou si elles travaillent dans un établissement de soins de longue durée que si elles travaillent dans un établissement de soins de courte durée. C'est insensé. Même si j'ai autant d'expérience qu'une IA, mon salaire horaire est moins élevé lorsque je travaille dans un établissement de soins de courte durée que lorsque je travaille dans un établissement de soins de longue durée. Ce n'est pas une façon de retenir les travailleurs.

La plupart des organismes offrant des services de soins à domicile ne font pas partie d'une organisation. Donc, les taux de rémunération sont différents. Certains organismes n'offrent pas de congés de maladie payés. Aucun ne rembourse les frais de déplacement entre les différents édifices. Ces fournisseurs de soins de santé non réglementés sont totalement désavantagés lorsque vient le temps d'offrir les meilleurs soins possible. C'est un travail ridicule et je parle par expérience. On gagne 30 $ l'heure.

Le président : J'aimerais revenir sur deux sujets interreliés dont il a été question dans le cadre des discussions, soit les paiements de transferts et l'Accord sur la santé. L'Accord sur la santé et les soins à domicile pour les personnes âgées sont des dossiers majeurs. Il en sera beaucoup question lors des discussions entourant l'orientation d'un nouvel Accord sur la santé.

Les paiements de transferts n'ont jamais été la solution. Même lorsqu'un transfert est bien défini, les fonds transférés aux provinces ne sont pas toujours utilisés comme prévu. Il suffit de regarder les fonds affectés au cours des 10 dernières années à la réduction des temps d'attente. Ils ont été répartis ailleurs; 90 p. cent des fonds ont été utilisés pour des augmentations de salaire dans d'autres domaines.

On en reparlera certainement. Vous avez de l'expérience dans le domaine et avez soulevé ces questions. Nous devons interroger les gens sur le terrain sur les changements à apporter à l'Accord sur la santé afin d'éliminer la ligne de partage constitutionnelle et de s'assurer que, si une catégorie précise est ajoutée à l'Accord sur la santé et que des fonds y sont affectés, les fonds en question seront utilisés comme prévu.

Encore une fois, vous nous avez fourni des exemples concrets au Canada et à l'étranger. Si vous avez d'autres exemples, des références ou des détails précis à nous fournir, ce serait très bien. Si vous vous souvenez, par exemple, d'une conférence où il a été question d'un projet qui vous paraissait intéressant dans un pays X, mais que vous n'arrivez pas à trouver des détails sur le projet en question, communiquez avec la greffière. Notre personnel fera des recherches.

Nous remarquons de plus en plus, dans le cadre de cette étude, que le monde semble soudainement prendre conscience de la question. Même si la démence est reconnue depuis longtemps, peu de pays y ont consacré beaucoup d'efforts ou obtenu des résultats concluants. Si vous pensez à quelque chose, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

Dre Tourigny-Rivard : J'aurais un exemple à vous donner. Lorsque je présente du matériel venant de la Commission de la santé mentale, ceux qui travaillent pour un des ministères de la Santé provinciaux sont toujours intéressés par une étude que nous avons menée auprès d'établissements de soins de longue durée offrant les services réguliers d'un gérontopsychiatre travaillant seul et d'établissements offrant les services d'un gérontopsychiatre travaillant avec une infirmière qui assure la liaison et fait de la consultation. Le taux d'admission dans les établissements où un gérontopsychiatre travaillait seul était trois fois plus élevé que dans les établissements où il y avait également une infirmière en psychiatrie au sein de l'équipe pour soutenir et éduquer les autres infirmières, les préposés aux services de soutien à la personne et les médecins de l'établissement. Cela retient leur attention.

Nous devrions peut-être concentrer davantage nos recherches sur la prestation de service et démonter les économies possibles avec les options que nous savons efficaces, car elles ont été utilisées dans le cadre de projets pilotes. Nous devons mieux évaluer les économies réalisables afin de nous entendre sur les investissements à effectuer avant de réduire d'autres services. Il pourrait s'agir d'un projet de recherche national.

Le président : Justement, je vous avais demandé de revenir sur une partie de votre exposé, car il était question de la dotation dans le domaine. Il y a un lien. Je l'avais remarqué, mais je vous remercie pour ces informations supplémentaires.

Dre Tourigny-Rivard : Vous trouverez beaucoup d'informations dans les Lignes directrices relatives à la planification et la prestation de services complets en santé mentale pour les aînés canadiens. Certains de ces exemples sont tirés de ce document. Vous pouvez le consulter sur le site web de la Commission de la santé mentale du Canada.

Le document qui s'intitule Guidelines for a Comprehensive Service System to Support Family Caregivers of Adults with Mental Health Problems and Illness est aussi très bien.

La sénatrice Stewart Olsen : Ce document est-il aussi accessible sur le site web de la commission?

Dre Tourigny-Rivard : Oui, tout comme la stratégie sur la santé mentale.

Le président : Pourriez-vous nous envoyer les liens vers ces documents?

Dre Tourigny-Rivard : Certainement.

Le président : Vos témoignages nous ont été très utiles. Je tiens à vous remercier pour votre ouverture et vos conseils et de nous avoir partagé votre expérience. J'aimerais de nouveau remercier mes collègues pour leurs questions qui nous ont permis d'obtenir des informations sur des domaines d'intérêt pour nous.

Cela dit, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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