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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 7 - Témoignages du 12 mai 2016


OTTAWA, le jeudi 12 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude sur la question de la démence dans notre société.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je viens de la Nouvelle-Écosse. J'aimerais tout d'abord inviter mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président du comité.

Le président : Le comité poursuit son étude sur la question de la démence dans notre société. Nous entendrons deux témoins aujourd'hui.

Je suis heureux d'accueillir de nouveau le Dr Frank Molnar, vice-président de la Société canadienne de gériatrie. Il comparaît cette fois-ci à titre personnel. Docteur Molnar, vous avez la parole.

Frank Molnar, vice-président de la Société canadienne de gériatrie, à titre personnel : En tant que médecin spécialiste praticien en gériatrie, j'estime pouvoir vous être le plus utile en vous mettant au fait des réalités liées à la prestation de soins aux personnes atteintes de démence. J'ai examiné les témoignages précédents et j'ai constaté qu'un excellent travail a été accompli pour ce qui est de donner un aperçu des investissements faits à ce jour. Malgré tous les investissements, toutefois, les centres hospitaliers de soins de courte durée ont trop de cas de personnes atteintes de démence à traiter. Nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour répondre aux besoins de ces personnes. Nous perdons du terrain et avons besoin d'une aide immédiate.

Les hôpitaux n'ont pas été conçus pour offrir des soins aux personnes atteintes de démence. Lorsqu'elles sont admises à l'hôpital, celles-ci souffrent de délires prolongés qui pourraient être évités. Souvent, ces personnes ne se rétablissent pas complètement. Elles souffrent de déconditionnement, qui pourrait être évité, et elles perdent la capacité de marcher. Le délire et le déconditionnement nosocomiaux donnent lieu à de nombreux cas d'invalidité nosocomiale. Cela entraîne de longs séjours en centre hospitalier, à 1 000 $ la journée, des taux élevés d'autres niveaux de soins, ainsi qu'un placement prématuré dans un centre de soins de longue durée. Nous gaspillons de précieuses ressources en matière de soins de santé et nous n'offrons pas à l'hôpital les soins nécessaires.

Compte tenu de ces réalités, je m'interroge à savoir si Agrément Canada devrait être appelé à établir une procédure opératoire normalisée qui ferait en sorte que chaque établissement hospitalier de soins de courte durée dispose d'un service de gestion des cas de démence, de délire et de problèmes comportementaux, et qui recevrait de préférence un appui tant du département de gériatrie que du département de gérontopsychiatrie. Exécutés correctement, ces services se paieraient d'eux-mêmes et préviendraient la souffrance.

Pour aider les hôpitaux à traiter le nombre croissant de cas de démence, il faut d'abord adopter des stratégies dans la collectivité afin d'éviter les admissions d'abord et avant tout. Compte tenu des défis que doivent relever les hôpitaux sur le plan financier, nombre de cliniques de spécialistes, qui offrent des soins à des personnes qui sont atteintes de démence et qui vivent dans la collectivité, meurent à petit feu en raison de nombreuses compressions. La réduction de l'effectif de certaines cliniques et la fermeture d'autres cliniques donneront sans doute lieu à une augmentation des admissions en centre hospitalier de personnes atteintes de démence. Nous faisons fausse route. Voilà la mauvaise nouvelle.

Cependant, cette situation pourrait être partiellement atténuée par la création un peu partout au Canada de cliniques offrant des soins primaires aux personnes atteintes de démence. Le modèle qui m'est le plus familier, c'est le modèle Linda Lee, les cliniques collaboratives de la mémoire. Ce modèle prend rapidement de l'expansion en Ontario. Il pourrait y avoir jusqu'à 100 cliniques de ce genre d'ici quelques années. Ces équipes offrant des soins primaires sont liées à des spécialistes en gériatrie et en gérontopsychiatrie et ont pour objectif de créer un modèle collaboratif de soins et d'éviter le cloisonnement des soins. Nous sommes conscients du fait qu'un seul modèle ne convient pas à tous et qu'il faut établir divers modèles de soins primaires, de soins collaboratifs et de soins partagés.

Il y a un autre modèle prometteur en Ontario, soit le modèle axé sur les liens de télésanté. Ce modèle met l'accent sur une solide navigation dans le système, ainsi que sur la coordination des soins ou la gestion des cas pour les patients ayant des besoins plus complexes. Idéalement, les liens de télésanté pourraient être élargis afin d'inclure les soins destinés aux personnes atteintes de démence et dont les besoins dépassent les ressources des cliniques de la mémoire offrant des soins primaires ou des cliniques de spécialistes. Il s'agit donc d'accroître les investissements afin de prévenir des admissions à l'hôpital qui auraient pu être évitées.

Les stratégies d'atténuation des soins actifs et des soins communautaires exigent que nous augmentions rapidement le nombre de spécialistes en gériatrie et en gérontopsychiatrie. Il faut commencer par des mesures de sensibilisation. Malgré le fait que les aînés comptent pour près de 50 p. 100 des budgets destinés aux soins de santé et 60 p. 100 des admissions en centre hospitalier et que la démence représente le principal facteur de l'autre niveau de soins, l'étude des soins aux personnes âgées et des soins aux personnes atteintes de démence n'est pas exigée dans toutes les écoles de médecine et dans tous les programmes de médecine interne. Il y a un écart évident entre les besoins de la société et ce que les universités croient devoir offrir. Il faut créer des organismes d'accréditation nationaux qui veilleront à ce que les soins aux personnes âgées et les soins aux personnes atteintes de démence soient intégrés adéquatement au programme d'étude des médecins.

Un caucus composé de députés et de sénateurs de tous les partis a été créé. Compte tenu de l'incidence élevée et de la fréquence de la démence chez les personnes âgées, le caucus devrait également se pencher sur l'étude des personnes atteintes de démence et des soins à offrir à ces personnes.

Le gouvernement fédéral a souligné son intention de signer un nouvel accord sur la santé. La prise de mesures relatives aux soins destinés aux aînés et aux personnes atteintes de démence doit faire partie de cet accord.

Enfin, une stratégie nationale sur la démence qui inclut certains des éléments que j'ai mentionnés pourrait aider de façon significative les provinces à réduire les délais d'attente. Si cette stratégie est conçue et mise en application adéquatement, cela permettrait de réaliser des économies et de libérer des lits dans les hôpitaux de soins actifs et dans les centres de soins de longue durée. Toute organisation chargée d'assumer ce rôle essentiel doit être composée de décideurs du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, qui disposeraient du pouvoir de réaffecter des fonds et d'adapter les ressources existantes. Sans ce degré de contrôle, une organisation nationale chargée de s'occuper de la question de la démence ne disposera pas des ressources nécessaires pour apporter les modifications globales nécessaires.

Grâce au leadership fédéral, les provinces qui adhéreraient à une organisation globale semblable profiteraient de divers éléments, notamment des services communs de sensibilisation du public, des ressources nationales relatives à la littératie en santé pour les personnes atteintes de démence et leur famille que les médecins de soins primaires et les spécialistes pourraient utiliser, un modèle de soins à domicile et plus qui inclurait les spécialistes, un répertoire national des meilleures pratiques et des recherches sur le rapport coût-efficacité, de nouvelles stratégies rigoureuses relatives aux soins actifs destinés aux personnes atteintes de démence, de nouvelles normes d'agrément plus rigoureuses pour les hôpitaux, les fournisseurs de soins à domicile et les universités, afin qu'ils offrent des études, de la formation et des services adéquats relativement aux personnes atteintes de démence.

En conclusion, la Société canadienne de gériatrie, qui représente les spécialistes traitant les personnes atteintes de démence qui sont souvent instables sur le plan médical et dont le cas est complexe, serait heureuse de contribuer aux activités d'une organisation nationale.

Le président : Je suis maintenant heureux d'accueillir Ken McGeorge, le directeur général intérimaire de la Société Alzheimer du Nouveau-Brunswick.

Ken McGeorge, directeur général intérimaire, Société Alzheimer du Nouveau-Brunswick : C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui. La raison pour laquelle j'occupe le poste de façon intérimaire, c'est que j'ai pris ma retraite à trois reprises. Il s'agit du troisième poste que j'occupe depuis que j'ai pris ma retraite. Je remplace actuellement la directrice générale de la Société Alzheimer du Nouveau-Brunswick pendant son congé de maternité et j'ai beaucoup de plaisir à le faire, en fait. Comme le diraient mes enfants, c'est l'un des emplois les plus intéressants et les plus valorisants que j'ai eus dans ma vie.

Je suis heureux de comparaître devant vous et de vous communiquer ma passion et celle des 12 autres bénévoles qui composent le conseil d'administration et la Société Alzheimer du Nouveau-Brunswick.

Je suis un cadre supérieur en santé publique et j'ai dirigé des hôpitaux d'enseignement à Kingston, en Ontario, à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. J'ai aussi dirigé quelques hôpitaux sans vocation pédagogique aussi éloignés qu'à Red Lake, en Ontario. Au cours de ma carrière, j'ai également travaillé dans la fonction publique, ce qui m'a permis d'acquérir des connaissances précieuses en matière de politique publique. J'ai commencé ma carrière à l'âge de 19 ans. J'étais chargé de prodiguer des soins directs à des patients. Je tire profit de cette expérience jour après jour dans mon travail.

Notre dirigeante nationale, Mimi Lowi-Young, directrice générale de la Société Alzheimer du Canada, vous a parlé le 23 mars de l'importance d'élaborer une stratégie nationale sur la démence. Je peux affirmer que la Société Alzheimer du Nouveau-Brunswick appuie sans réserve cette initiative.

Des centaines de milliers de Canadiens atteints de démence comptent sur le gouvernement du Canada pour montrer la voie.

Nous savons que le risque de démence augmente rapidement avec l'âge. Dans les provinces de l'Atlantique, nous nous vantons que nous sommes plus vieux que vous tous. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont à égalité. En fait, je crois que quelqu'un a affirmé récemment que nous avions déjà dépassé la Nouvelle-Écosse. C'est assez intéressant.

Le cancer était la maladie du siècle dernier. J'ai vécu assez longtemps pour constater à quel point les soins, les traitements et le processus diagnostic ont évolué au cours des 50 dernières années. Nous devons maintenant procéder de la même façon en ce qui concerne la démence. À défaut de prendre les mesures qui s'imposent, des pressions sans précédent seront exercées sur notre système de santé, qui est déjà soumis à des pressions considérables. Si nous n'agissons pas maintenant, la situation se détériorera.

La vision de la Société Alzheimer du Nouveau-Brunswick se termine comme suit : « [nous avons] vaincu sa sombre menace ». Chaque maladie assombrit la vie des gens. C'est aussi ce que fait la démence. Nous n'avons pas encore réussi à combattre la stigmatisation liée à la démence. Nous aurions dû le faire auparavant. Nous sommes des adultes, mais cette stigmatisation existe toujours, malheureusement. Elle représente en quelque sorte une prison pour les familles, tout particulièrement pour les aidants et les personnes atteintes de la maladie.

La détresse chez les aidants naturels est bien connue. Peu importe où l'on va, lorsqu'on parle de démence, on n'entend parler que d'épuisement des aidants. Cela fait partie du langage.

La maladie d'Alzheimer et la démence doivent être considérées comme des maladies chroniques majeures. Elles ne le sont pas pour le moment, mais elles doivent l'être.

Un autre élément dont il faut tenir compte, c'est la question de l'accès au processus diagnostic, aux traitements et aux services de soutien, qui peut être une grande source de frustration pour la plupart des personnes qui doivent composer avec cette maladie. La situation est moins mauvaise dans certaines provinces et pire dans certaines autres. Au Nouveau-Brunswick, nous avons pris des mesures pour remédier à la situation.

Il existe un grand nombre de pratiques thérapeutiques inappropriées. Les hôpitaux sont trop souvent la solution par défaut. Elles ne devraient pas l'être pour de nombreuses raisons.

Enfin, voici un dernier élément qui m'a bouleversé, puisque je dois traiter avec des clients qui s'adressent à nos divers bureaux au Nouveau-Brunswick. Il s'agit du désespoir que ressentent les familles lorsque le diagnostic est posé. Les couples rêvent d'une magnifique retraite en santé, dans le Sud ou ailleurs, puis, tout à coup, ils apprennent que l'un des époux est atteint de la maladie. Tous leurs rêves sont anéantis. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un véritable facteur dont on doit tenir compte. Tout ce que nous faisons en tant que société au Nouveau-Brunswick vise ces objectifs.

Une stratégie nationale coordonnée sur la démence permettra de prendre des mesures ciblées pour lutter contre cette maladie d'une façon cohérente et systémique. C'est ce qui s'est produit grâce à la stratégie nationale contre le cancer, et c'est ce qui doit se produire grâce à la stratégie nationale sur la démence.

Au Nouveau-Brunswick, nous avons mis en place et nous mettons toujours en place un vaste répertoire de services destinés aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Notre répertoire doit être étoffé, mais il comprend pour le moment les éléments qui suivent. Nous avons créé un programme éducatif en cinq volets, qui est destiné avant tout aux personnes atteintes, afin qu'elles soient bien informées, avant même que le diagnostic soit posé, sur diverses questions auxquelles elles se heurteront tout au long de leur cheminement. Nous sommes également très fiers de certains groupes de soutien qui offrent un soutien extraordinaire aux aidants. Pour les aidants qui ne font pas partie des réseaux, le fait de ne pas y participer leur nuit énormément.

Nous avons créé un programme intitulé Café de la mémoire. Je crois comprendre que quelqu'un ici a exprimé de l'intérêt à cet égard récemment. Quoi qu'il en soit, le Café de la mémoire que nous avons instauré un peu partout au Nouveau-Brunswick a donné des résultats phénoménaux. Nous avons également obtenu des résultats spectaculaires au moyen du projet iPod, qui a été instauré à divers endroits comme solution de rechange à la surconsommation de médicaments. C'est fascinant.

Nous espérons lancer le programme Minds in Motion cet automne en collaboration avec le département de kinésiologie de l'Université du Nouveau-Brunswick. Nous organisons de nombreuses activités de sensibilisation. Nous voyageons un peu partout dans la province et nous organisons des rencontres avec divers groupes. Notre bibliothèque compte des ressources extraordinaires. Nous offrons des services de counselling familial et nous avons créé un merveilleux programme de suivi auprès des familles afin qu'elles ne se perdent pas dans les dédales du système.

Plus tard, voici cinq éléments que nous aimerions voir découler d'une stratégie nationale sur la démence : un objectif de recherche mieux ciblé et mieux coordonné, des normes améliorées et uniformisées en matière de soins dans l'ensemble du pays, une formation normalisée à l'intention des fournisseurs de soins aux personnes atteintes de démence, l'accès sans restriction à des renseignements sur les pratiques exemplaires — ce qui est très difficile à obtenir à l'heure actuelle — et l'utilisation répandue de toutes les technologies disponibles. Il existe de merveilleuses technologies qui peuvent être utiles pour les aidants, mais dont la majorité des aidants dans notre région ne sont pas au courant.

Le partenariat canadien proposé pour lutter contre la démence et la maladie d'Alzheimer est un modèle qui peut servir à faire progresser la stratégie. Il est fondé sur le Partenariat canadien contre le cancer, qui constitue un bon modèle de travail. Il n'est pas nécessaire que la stratégie sur la démence soit identique, mais certains principes peuvent certainement s'appliquer.

La portée, les répercussions et les coûts de la maladie signifient qu'aucune province ne peut s'attaquer par elle-même à la maladie. Certaines provinces réussiront mieux que d'autres, mais il faut absolument adopter une approche nationale.

Une stratégie nationale sur la démence assurera pour tous les Canadiens atteints de démence l'uniformité de l'accès et de la qualité des soins et des services dont ils ont besoin, peu importe où ils habitent. Cela permettra d'uniformiser les règles du jeu, non seulement pour les régions et pour les provinces, mais également pour les collectivités urbaines et rurales.

Enfin, sans leadership pancanadien de la part du gouvernement fédéral, je crois — et je l'ai mentionné plus tôt et je le répète — que nous nous heurterons à de très graves problèmes si nous ne gérons pas la situation de façon proactive.

Merci beaucoup.

Le président : Je vous remercie tous les deux.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie tous les deux pour vos excellents témoignages.

Dr Molnar, dans un mémoire de deux pages et demie, vous nous avez présenté au moyen de termes précis la situation relative à la démence au pays. Vous terminez en mentionnant une collaboration du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux afin de créer une organisation globale. Selon vous, de quelle façon devrions-nous procéder pour amorcer le processus? Quelle organisation prendrait les devants?

Dr Molnar : La première question est un peu plus simple que la seconde, qui vous a sans doute posé des difficultés tout au long des témoignages.

Pour ce qui est d'amorcer le processus, différentes approches pourraient certainement être envisagées. L'une des approches semble fonctionner à l'échelle régionale et provinciale, mais il vous faudrait vérifier si elle pourrait fonctionner à l'échelle nationale. Il s'agit de l'approche fondée sur les projets pour certains éléments que les gens pourraient réaliser, comme les éléments 1 et 2, les services communs de sensibilisation du public. Je crois que les responsables de la santé publique réussissent assez bien en ce qui concerne les ressources en matière de littératie ou les normes en matière de soins. Y a-t-il une norme pour l'ensemble du pays que tous les fournisseurs de soins aux personnes atteintes de démence pourraient consulter, de sorte que les soins seraient offerts de la même façon, les dépliants à distribuer seraient les mêmes et les mêmes activités de sensibilisation seraient offertes aux familles et aux personnes atteintes de démence?

Le répertoire des meilleures pratiques est essentiel, selon moi, et j'aimerais en parler plus en détail. La question des meilleures pratiques est complexe. Comme nous l'avons déjà mentionné, le Canada est le pays des innombrables projets pilotes. Nous ne passons pas des études pilotes aux études de résultats. En tant que chercheur, selon ma définition, une étude pilote est une étude dont la taille de l'échantillon n'est pas suffisante pour générer un résultat. Une telle étude ne sert qu'à démontrer qu'il est possible de réaliser une étude plus vaste. Il nous arrive souvent de ne pas passer à la prochaine étape.

Certaines personnes font en effet la promotion de services qui viennent de faire l'objet d'un projet pilote en les présentant comme une pratique exemplaire, et j'ai participé à certains exercices pour lesquels il n'y avait aucune donnée sur le rapport coût-efficacité. Il nous faut un organisme national chargé d'établir des normes claires sur les renseignements nécessaires à la prise de décisions, sur les recherches qui doivent être menées, et de déterminer dans quelle étude pilote il convient d'investir à l'avenir.

Je crois que les IRSC le font, dans une certaine mesure, mais nous devons être plus précis, peut-être, lorsque nous disons qu'il faut en savoir plus sur les soins de santé liés à la démence. Nous devons chercher à savoir quelles études sont transposables et comment mettre en œuvre plus de projets pilotes.

Lorsqu'on lit les transcriptions, il est très intéressant de constater la multitude de recherches qui sont menées, mais qui ne sont pas transposées sur le terrain. On n'atteint pas les gens qui offrent des soins de première ligne, comme moi. Il y a donc deux mondes, en réalité : le monde de la recherche et le monde des soins cliniques. De plus, il y a très peu de convergence entre les deux.

Avoir la direction et l'impulsion nécessaire pour transformer les projets pilotes les plus prometteurs en activités de recherche à plus grande échelle ou même pour mener des essais sur le terrain serait un excellent départ. Je dirais, selon mon expérience, qu'il est important de commencer par des projets ciblés. Cela dit, le point que j'ai fait valoir à la page précédente, soit que cet organisme doit disposer des leviers nécessaires au changement est également un aspect essentiel. Nous n'irons pas très loin sans les leviers financiers nécessaires au financement de nouveaux services ou sans la possibilité de réaffecter des fonds pour réorganiser ou repenser les services.

Les gens aiment entendre parler des plans sur la nature des soins aux personnes âgées et y sont tous favorables jusqu'à ce qu'ils se rendent compte que le financement à cet égard devra être pris ailleurs, parce que le secteur des soins de santé est un jeu à somme nulle; le financement est limité. Ce qu'il nous faut, c'est le meilleur de deux mondes : un organisme qui a la capacité de promouvoir les projets prometteurs, et un organisme chargé de la réaffectation des fonds et de la restructuration des services. Je ne sais pas si une entité quelconque dispose de ces pouvoirs; un tel organisme n'a peut-être pas encore été créé.

Le sénateur Eggleton : Vous pensez que cela doit être un organisme non gouvernemental, c.-à-d. un partenariat entre divers organismes ou intervenants du domaine des soins aux personnes atteintes de démence?

Dr Molnar : Je pense qu'il faut un organisme dans lequel le gouvernement participe et joue un rôle central, parce qu'il faut que ceux qui tiennent les cordons de la bourse prennent les décisions difficiles.

Le sénateur Eggleton : Qu'en est-il du rôle de l'Agence de la santé publique du Canada ou de Santé Canada dans tout cela?

Dr Molnar : Ces organismes ont fait un excellent travail de sensibilisation du public, mais il faut intensifier les efforts à cet égard.

Comment peut-on prévenir la démence? Comme d'autres témoins l'ont indiqué précédemment, on procède essentiellement de la même façon pour la prévention des crises cardiaques et des AVC. Il y a aussi un lien à faire avec les travaux sur l'obésité que vous avez menés au cours des sessions précédentes. Comment peut-on prévenir la démence? Comment peut-on établir les liens entre ces différentes maladies? Comment peut-on reconnaître les signes avant-coureurs de la démence et obtenir de l'aide?

Le sénateur Eggleton : Plus tôt ce matin, j'avais une rencontre avec un médecin de la côte Ouest pour discuter des soins palliatifs, un enjeu que vous ne mentionnez pas dans votre document. Selon vous, comment peut-on intégrer ces aspects? Un des enjeux, c'est qu'il faut une meilleure coordination.

Dr Molnar : Il y a manifestement un chevauchement entre les soins aux personnes atteintes de démence, les soins gériatriques et les soins palliatifs. Il y a des lacunes pour les soins palliatifs que nous offrons aux personnes atteintes de démence; il y a un manque de fondement scientifique et de coordination. C'est ainsi que je gagne ma vie, en fait; je mène actuellement des consultations à l'hôpital où je travaille, et j'aide les chirurgiens à prendre conscience que ces personnes ne survivront pas. Elles ne vivront pas, et j'aide les médecins à comprendre qu'il faut passer à l'étape des soins palliatifs ou des soins de fin de vie.

Je pense qu'il y a un chevauchement important. Il faut une concertation entre les intervenants en soins palliatifs et ceux des soins aux personnes atteintes de démence de façon à conjuguer les efforts et à adapter les soins palliatifs aux besoins des familles qui prennent soin d'un proche atteint de démence.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné les soins avancés aux personnes atteintes de démence. Lors de votre dernière comparution au comité, vous avez indiqué avoir un programme appelé GEM Plus. Est-ce la même chose?

Dr Molnar : Non; c'est peut-être un terme que j'utilise trop souvent. En ce qui concerne les soins avancés aux personnes atteintes de démence, je fais une distinction entre deux types de soins offerts par les spécialistes. On ne tient toutefois pas compte d'autres aspects liés à la démence, notamment le diagnostic et les médicaments. On voit beaucoup de choses de ce genre dans les cliniques, où l'on met l'accent sur le diagnostic et les médicaments, notamment. C'est le début du processus. Viennent ensuite les soins avancés aux personnes atteintes de démence. La question est alors de savoir ce qu'il faut faire lorsqu'une personne atteinte de démence développe d'autres maladies chroniques. Nous savons que 90 p. 100 des personnes atteintes de démence sont aussi atteintes de deux autres maladies chroniques, ou plus. Voilà pourquoi ces gens se retrouvent à l'hôpital et pourquoi les ANS sont axés sur les soins liés à la démence.

La question est de savoir comment commencer à coordonner les diverses interventions. La gériatrie est conçue spécialement pour cela. Nous avons une formation pluridisciplinaire. Nous sommes des spécialistes de la médecine interne avec une formation pluridisciplinaire en psychiatrie et en neurologie. L'idée est de coordonner le traitement des diverses maladies. Quels traitements doit-on offrir aux personnes atteintes de démence qui souffrent également d'insuffisance cardiaque et de diabète? Je pense que les cliniques de soins de première ligne pour les troubles de la mémoire sont l'endroit idéal pour offrir ce genre de soins, car les fournisseurs de soins primaires sont des généralistes qui comprennent les autres maladies.

Le sénateur Eggleton : Je pourrais revenir à vous plus tard, mais j'aimerais poser une question à M. McGeorge avant que mon temps ne soit écoulé.

Selon ce qu'on nous a dit, les cafés de la mémoire ont été créés aux Pays-Bas à la fin des années 1990. Dans votre province, vous semblez avoir eu plus de succès à cet égard que dans toute autre province au pays. Depuis combien de temps avez-vous ce genre de cafés? Je comprends l'objectif général, mais avez-vous évalué leur succès?

M. McGeorge : Nous le faisons seulement depuis environ un an. Actuellement, dans notre petite province, nous en avons huit. Notre objectif est d'en avoir au moins 13 d'ici l'été.

Jusqu'à maintenant, l'évaluation de ces cafés est fondée sur des témoignages, malheureusement. Cela dit, nous collaborons avec les chercheurs de l'UNB en vue de procéder à une évaluation plus approfondie, lorsque nous aurons assez d'expérience. Jusqu'à maintenant, les histoires anecdotiques sont simplement... La recherche m'importe peu; j'aime écouter ce que racontent les gens et voir les sourires qui illuminent les visages des personnes qui fréquentent ces endroits. Il s'agit de gens qui étaient terrifiés à l'idée d'aller à l'église, parce que leur père, par exemple, avait un comportement quelque peu différent. Depuis un an, ces gens peuvent amener un parent dans un environnement formidable et sécuritaire où l'on offre à la fois des activités et de la sensibilisation. C'est un milieu sain et adapté aux personnes atteintes de démence. Ce père, il sourit. Cela me procure une joie immense. Voilà le genre de témoignage que nous obtenons jusqu'à maintenant dans les huit cafés que nous avons ouverts.

Le président : Je pense que le Dr Molnar avait aussi un commentaire à ce sujet.

Dr Molnar : Il convient de faire preuve de prudence à l'égard des évaluations. Dans le domaine de la recherche en sciences de la santé, on constate invariablement que lorsqu'on tente d'en évaluer les résultats peu de temps après leur création, ou au cours de la première ou de la deuxième année, sont des échecs. Ils n'ont pas atteint leur plein potentiel, n'ont pas été consolidés et n'ont pas encore permis d'obtenir des économies d'échelle.

Il y a trois étapes. La première est la consolidation de la mise en œuvre. À la deuxième étape, il est possible d'examiner les mesures du processus et de chercher à accroître l'efficacité. Enfin, à la troisième étape, on examine l'incidence sur les gens et sur le système des soins de santé.

Le ministère de la Santé de l'Ontario prépare actuellement un plan sur la démence par l'intermédiaire de l'organisme Action Cancer Ontario. Nous avons d'ailleurs rencontré les responsables la semaine dernière. Ils procèdent actuellement à un examen systémique à grande échelle des services et des programmes de soins offerts aux personnes atteintes de démence partout dans le monde. J'ai déjà fait des examens systémiques, mais celui-ci sera énorme. Action Cancer Ontario y consacrera des ressources considérables. Je vous recommanderais de communiquer avec ces gens lorsqu'ils auront terminé leurs travaux, dans quatre ou cinq mois, parce qu'il s'agira d'une mine de renseignements extrêmement précieuse.

Nous nous retrouverons encore une fois avec des lacunes sur le plan de la recherche. Il est à espérer qu'on choisira de mettre en œuvre les meilleurs projets de façon à pouvoir les étudier dans quelques années, une fois qu'ils seront consolidés et qu'ils auront atteint leur plein potentiel. L'évaluation comporte toujours des lacunes et des nuances.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie de vos excellents exposés. J'ai évidemment un grand intérêt pour le Nouveau-Brunswick, étant donné que j'en suis originaire.

Monsieur McGeorge, j'aimerais savoir ce qu'est le projet iPod.

M. McGeorge : Avant de prendre ma retraite, je travaillais au York Care Centre, et nous avons fait de cet organisme un centre d'excellence. Nous avons créé une unité de recherche-développement appelée l'Institut Atlantique sur le vieillissement. Au cours de ce processus, nous avons découvert un projet de recherche sur la musique et la mémoire. Le projet était mené par un chercheur de New York, qui cherchait des partenaires canadiens.

Je souligne au passage que si vous cherchez « Story of Henry » sur YouTube, vous y trouverez tout ce que vous avez toujours voulu savoir. Il s'agit d'une histoire formidable sur l'effet libérateur de la musique sur le cerveau.

Ce que cela nous a permis d'apprendre, c'est que la musique est traitée dans une partie du cerveau qui n'est pas touchée par la démence, ce qui est formidable. Dans le cadre du projet iPod, nous travaillions avec les familles. À titre d'exemple, nous demandions aux gens quel genre de musique leur père écoutait lorsqu'il était dans la fleur de l'âge. Si on nous répondait qu'il aimait la musique country et western, par exemple, on trouvait d'excellentes chansons de Johnny Cash qu'on téléchargeait ensuite dans l'iPod. Lorsqu'il était morose ou agité, on lui faisait écouter cette musique, et la grimace faisait rapidement place à un sourire. On voit le regard s'illuminer.

Si vous regardez la vidéo « Story of Henry », vous y verrez un homme qui était amorphe depuis trois ans, je crois. Puis, soudain, ses yeux s'illuminent. Il chante, il applaudit, il bat la mesure des pieds. Ensuite, après un certain temps, il commence à parler.

Nous menons actuellement un projet pilote à Fredericton. Un donateur du Nouveau-Brunswick souhaite élargir cette initiative à l'échelle de la province. Il a dit : « Si vous obtenez de bons résultats, je doublerai ce don pour que vous puissiez le faire à plus grande échelle. »

La sénatrice Stewart Olsen : Dans une perspective plus globale — et la question s'adresse à vous deux —, j'ai une question d'intérêt personnel. J'entends parler de l'épuisement des aidants et des difficultés associées au maintien à domicile des patients. Je m'interroge sur la création de communautés pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de démence, où les gens peuvent vivre — ils retournent peut-être chez eux les fins de semaine — et obtenir des soins dans un milieu où ils sont en sécurité et où ils sont stimulés. Même avec les meilleures intentions, les proches ont habituellement de la difficulté à offrir des traitements. La plupart d'entre eux occupent un emploi. Puis, ils reviennent à la maison et sont épuisés, même s'ils ont l'aide de soignants. À mon avis, cela ajoute aux craintes des patients et entraîne un certain malaise. Je me demande ce que vous pensez de la création d'une communauté ou d'un lieu de résidence stable conçue spécialement pour ces gens.

M. McGeorge : En fait, nous organisons depuis neuf ans, à Fredericton, un symposium sur l'excellence des soins relatifs au vieillissement. Nous avons accueilli des intervenants de partout dans le monde, sauf le Dr Molnar, qui sera le prochain. Parmi les conférenciers que nous avons accueillis l'an dernier, il y avait le directeur d'un important établissement situé en banlieue d'Amsterdam. Il s'agissait en fait d'un îlot urbain qui a été transformé en centre de soins aux personnes atteintes de démence. Cela a suscité un grand enthousiasme chez les intervenants de notre province.

Cependant, il est difficile de savoir comment adapter ces concepts à notre réalité. Dans mon emploi précédent au York Care Centre, nous avions l'habitude de dire que 60 p. 100 de nos patients étaient atteints de démence de toute façon. Notre établissement est rapidement devenu un important centre de soins aux personnes atteintes de démence.

Le Dr Bill Thomas — le créateur du concept Eden et le fondateur de l'organisme ChangingAging — fera une tournée dans les provinces de l'Atlantique. Il a surpris les médias lors de sa dernière visite à Fredericton, il y a un an, en affirmant que nous devrions cesser de construire des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Il préconisait ce dont vous venez de parler, soit la construction d'installations plus petites adaptées aux personnes atteintes de démence. Vous avez raison; l'épuisement des soignants est... Je l'ai vécu; notre famille est passée par là. Nous savons ce que c'est. Ce n'est pas un concept qui nous est étranger, et c'est très réel. On ne peut composer avec une telle situation que pendant un certain temps avant qu'un changement soit nécessaire.

Dr Molnar : Je crois que ce que vous faites valoir, c'est qu'il faut investir davantage en amont. Il faut investir le plus possible dans une série de mesures de répit. Les soignants font maintenant partie intégrante de tous nos comités. Ces gens ne nous présentent pas une seule option; ce qu'ils veulent, c'est une série de mesures accessibles en milieu urbain et en milieu rural. Ce serait donc là un des nombreux aspects où il faut investir en amont. Il est essentiel d'aider les personnes atteintes de démence, leurs proches et les hôpitaux. Encore une fois, nos hôpitaux croulent sous ce fardeau, car il s'agit de soins essentiels pour lesquels ils n'ont pas été conçus.

J'attends avec impatience le rapport d'Action Cancer Ontario — je parle de l'examen systématique —, car j'aimerais savoir si ce modèle en fait partie et aussi savoir dans quelle mesure l'organisme a réussi à obtenir des renseignements. On y a consacré beaucoup de ressources financières. Je souligne encore une fois que nous devons revenir aux données probantes. Il y a beaucoup de renseignements anecdotiques, qui sont certes des preuves, mais lorsqu'on adopte une perspective plus globale, il faut pouvoir s'appuyer sur des données solides et cohérentes.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à tous les deux. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion, comme on dit. En fait, je voulais avoir votre avis à tous les deux sur les éléments que vous jugez essentiels à l'élaboration d'une stratégie nationale sur la démence, étant donné que nous en entendons constamment parler. Vous avez peut-être déjà réfléchi à la question. J'aimerais vous donner l'occasion d'aller au-delà de ce que vous avez déjà dit et d'ajouter des observations. Ensuite, j'aurais deux ou trois questions plus précises, si vous le permettez.

Dr Molnar : Parmi les éléments essentiels, il y aurait tout d'abord la composition. Chose certaine, les multiples partenaires sont essentiels, y compris les personnes atteintes de démence, dans la mesure où elles peuvent participer; les aidants naturels, autant dans les régions rurales qu'urbaines, afin que tout le monde soit représenté; et certaines populations parfois négligées, telles que la population francophone et les Premières Nations qui ne sont pas toujours bien desservies. Par conséquent, la composition est absolument essentielle.

Comme je l'ai dit auparavant, je crois que le gouvernement doit faire partie de la stratégie. Nous avons besoin de gens qui ont le pouvoir de prendre les décisions difficiles, dont celle de prendre des ressources à un endroit et de les réaffecter ailleurs.

Ensuite, il nous faut un modèle qui englobe les soins actifs et les soins de longue durée afin que nous puissions définir toutes les possibilités et allouer les ressources à tous les stades de la maladie. Il faut que les gens à la table représentent tous ces éléments de façon équilibrée. Par conséquent, nous avons besoin d'une représentation adéquate et d'une autorité compétente pour prendre les décisions difficiles, parce que les gens sont tous en faveur de ces idées jusqu'à ce qu'ils découvrent que c'est leur argent qui sert à les financer. Nous avons tous vécu cela, j'en suis certain.

M. McGeorge : Selon moi, lorsqu'on parle d'une stratégie nationale sur la démence, une fois que l'organisation sera établie — et on pourrait discuter longtemps de la forme que cette organisation pourrait prendre. Pour répondre à la question que vous avez posée tout à l'heure, je crois que le gouvernement doit être présent afin qu'on prenne la chose au sérieux, mais pas trop, de sorte qu'on soit à l'abri des soubresauts politiques.

Quoi qu'il en soit, le premier mot qui me vient à l'esprit est : « répertoire national ». À l'heure actuelle, les pratiques adoptées à l'échelle du pays semblent aller dans tous les sens. Nous parlons de polypharmacie depuis plus d'une décennie. Je ne sais pas où on peut aller pour obtenir les meilleurs renseignements sur ce sujet complexe. Je sais que la polypharmacie est une pratique courante au Nouveau-Brunswick et qu'elle n'est pas particulièrement efficace, alors il nous faudrait un répertoire de pratiques exemplaires ou un numéro 1-800.

Jeffrey Simpson nous a rendu un grand service en écrivant son livre Chronic Condition. J'ai acheté un exemplaire à tous les membres de mon conseil et je leur ai fait lire il y a quelque temps. Dans son livre, il indique clairement que notre système, tel qu'il est à l'heure actuelle, est loin d'être aussi efficace que dans d'autres pays comme la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, et pourtant, nous y affectons beaucoup plus de ressources. Par conséquent, nous devons réfléchir à une solution et prendre des mesures en conséquence.

Il faut miser sur un répertoire central des pratiques exemplaires et sur la recherche. Au Nouveau-Brunswick, nous discutons activement avec des chercheurs des universités de la province. Ils veulent mener des recherches qui les intéressent. Nous leur demandons plutôt de mener des travaux qui nous intéressent et qui sont axés sur ce qui nous permettra d'offrir de meilleurs soins à nos patients. Il faut absolument mettre l'accent sur la recherche.

La formation normalisée est également importante. J'aime la notion des normes d'accréditation du Dr Molnar. Cela s'impose depuis longtemps en ce qui concerne les soins offerts aux personnes atteintes de démence dans les établissements de soins de santé. Il faudrait donc regrouper tous ces éléments au même endroit. Ce sera tout pour moi.

La sénatrice Seidman : Monsieur McGeorge, j'aimerais poursuivre dans la même veine. Dans votre exposé, vous avez insisté sur l'importance de la stratégie et de ce qui pourrait en découler, et il a été question d'un quelconque système de surveillance. Nous avons donc un modèle. Comment allons-nous nous y prendre exactement? Le sénateur Eggleton a posé la question. Je sais que notre président a également posé la question à d'autres témoins : comment allons-nous surveiller tout cela?

Vous dites que le partenariat canadien pour lutter contre la démence et la maladie d'Alzheimer qui a été proposé est un modèle qui pourrait servir à faire avancer la stratégie qui est essentielle pour fournir le leadership requis. Vous dites que ce modèle s'appuie sur le Partenariat canadien contre le cancer. Vous avez indiqué qu'il était très pertinent. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste ce modèle et comment on pourrait s'en inspirer pour ce qui est de la coordination et de la surveillance, si j'ai bien compris?

M. McGeorge : Je dois avouer que je ne connais pas aussi bien ce modèle que je le devrais. Je sais qu'à notre bureau national, Mimi Lowi-Young et ses collègues s'y connaissent mieux que moi. L'une des choses qui a retenu mon attention — nous en avons parlé à l'échelle nationale —, c'est qu'il ne faut pas essayer de réinventer la roue. Il faut appliquer les mêmes principes que pour le partenariat national sur le cancer. Bien honnêtement, je ne crois pas être bien placé pour vous en parler. Tout ce que je sais, c'est que cela fonctionne.

La sénatrice Seidman : D'accord.

M. McGeorge : Les résultats sont extraordinaires dans le cas du cancer.

La sénatrice Seidman : C'est donc quelque chose que nous devrons explorer davantage.

Le président : Nous l'avons au compte rendu.

La sénatrice Seidman : D'accord. Merci.

Docteur Molnar, j'aimerais que vous nous décriviez le modèle des cliniques de la mémoire conçu par Linda Lee dont vous avez parlé tout à l'heure. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un modèle parmi beaucoup d'autres. En quoi consiste ce modèle? Est-ce qu'il vient appuyer les aidants naturels? Je vais les appeler tout simplement des aidants. Par conséquent, de quels types de soutien peuvent bénéficier les aidants et les personnes atteintes de démence dans cette clinique?

Dr Molnar : On compte maintenant près de 78 cliniques de la mémoire au niveau des soins primaires en Ontario. Les cliniques de Linda Lee connaissent une croissance rapide. Il y a d'ailleurs une longue liste d'attente d'équipes de santé familiale qui veulent se joindre à eux.

Dans un premier temps, une équipe de santé familiale manifeste son intérêt, c.-à-d. une partie d'une grande équipe ou d'une organisation de santé familiale, soit un ou deux médecins, un infirmier, un physiothérapeute, un ergothérapeute, un diététiste et leur personnel se montrent disposés à devenir des spécialistes au sein d'une équipe élargie. Cette équipe peut regrouper des dizaines de pratiques. Ils deviennent donc les experts internes.

Par l'intermédiaire de l'organisation de Linda Lee, ils reçoivent de la formation sur la façon d'offrir des soins aux personnes atteintes de démence. On a recours aux méthodes d'enseignement didactiques puis, Linda Lee et son équipe viennent donner des ateliers. Il y a beaucoup de formation qui est offerte sur place sur la façon de diagnostiquer et de traiter la démence et d'exclure la possibilité d'une comorbidité. Après un certain temps, Linda Lee organise des ateliers de recyclage annuels.

Il s'agit d'un réseau en pleine évolution. Il n'a pas encore obtenu le statut de réseau reconnu, mais il devient peu à peu un réseau qui nécessitera une gouvernance centrale.

Ces médecins et leurs équipes se font maintenant les champions des soins aux personnes atteintes de démence. Cependant, en agissant ainsi, les médecins se trouvent à réduire leurs honoraires, ce qui nuit en quelque sorte à la viabilité. Naturellement, cela rend les choses un peu précaires, mais ces gens ont cette cause à cœur.

Le ministère de la Santé de l'Ontario s'efforce de trouver un moyen de créer une infrastructure stable qui encourage les gens à faire partie de ce réseau et à y demeurer.

Jusqu'à présent, les gens ont été d'une très grande loyauté envers le modèle parce qu'ils y voient de grands avantages. Étant donné que les médecins de famille sont des praticiens de soins primaires, des généralistes, qui comprennent très bien ce que représentent le diabète, les maladies pulmonaires chroniques et les insuffisances cardiaques, ils savent comment bien gérer les personnes atteintes de démence au fur et à mesure des différents stades de la maladie. Par conséquent, on veut appliquer un modèle de soins de longue durée pour les personnes atteintes de démence.

On fait appel à des spécialistes pour examiner certains cas. Il arrive qu'un spécialiste vienne examiner un patient pris en charge par l'équipe de santé familiale ou qu'on envoie un patient consulter un spécialiste. Les cas qui sont difficiles à diagnostiquer ou qui présentent de multiples comorbidités peuvent dépasser les compétences de l'équipe. C'est pourquoi nous sommes en train de créer progressivement un modèle de soins en collaboration. C'est un travail en cours.

Pour ce qui est de l'évaluation, sachez que nous en sommes encore au stade embryonnaire. Nous commençons à examiner les résultats. Le modèle est-il efficace? De quelle façon pouvons-nous le rendre plus efficace?

Plus tard, lorsque nous aurons un modèle plus stable, nous serons mieux en mesure d'évaluer les résultats.

La sénatrice Seidman : Parlez-vous uniquement de l'Ontario?

Dr Molnar : Oui, mais d'autres provinces s'y intéressent également. Je pense notamment à la Saskatchewan, aux Prairies et à la Colombie-Britannique qui ont manifesté leur intérêt. Il y a donc un intérêt partout au pays.

La sénatrice Raine : Pouvez-vous me dire qui est Linda Lee? Est-ce un médecin?

Dr Molnar : Elle est un médecin de premier recours dans la région de Waterloo.

Dr Molnar : Elle a son propre cabinet et elle essaie en même temps de propager ce modèle à l'échelle de la province.

La sénatrice Raine : Ce serait sans doute une bonne idée de la faire témoigner et de pouvoir tirer profit de son expérience.

J'apprécie grandement tous les renseignements que vous nous donnez aujourd'hui.

Docteur McGeorge, tout d'abord, pourriez-vous me dire quel est le titre du livre de Jeffrey Simpson? On dirait bien que c'est un livre qui mérite d'être lu.

Le président : Il s'appuie sur notre rapport concernant l'accord sur la santé. L'Accord sur la santé de 2004 contient toute cette information, en plus d'autres éléments qui viennent d'être soulignés.

La sénatrice Raine : C'était avant mon arrivée ici.

D'autres témoins nous ont parlé de la pénurie des aidants à temps plein, et cela me préoccupe beaucoup. Lorsqu'on parle de normaliser la formation, je crains qu'on dresse des obstacles aux gens qui sont compatissants et qui veulent offrir ces soins sans nécessairement être formés.

N'y aurait-il pas moyen de faire une sélection des personnes qui présentent des aptitudes et de leur offrir une formation sur place de niveau un, deux et trois au fur et à mesure qu'elles acquièrent de l'expérience auprès des personnes atteintes de démence? J'ai vu des personnes qui n'avaient aucune expérience devenir rapidement des ressources extrêmement utiles en raison de leur compassion, de leur énergie et de leur désir d'aider les patients souffrant de démence.

M. McGeorge : Nous ne voulons surtout pas décourager les gens en leur imposant une série d'exigences excessives, surtout lorsqu'on parle d'aidant à domicile et d'aide-soignant dans des maisons de soins et d'autres établissements connexes. Ce que vous dites est essentiel.

Lorsque je donnais des séances d'orientation à l'intention des nouveaux employés, je disais : « si, dès la première journée, vous n'êtes pas enthousiastes à l'idée de venir travailler, alors ne venez pas ». Cela doit venir du cœur. Ce n'est pas compliqué, mais on doit enseigner aux gens — ce que nous ne faisons pas tous très bien dans notre province — la réalité des personnes atteintes de démence. Elles vivent une réalité entièrement différente de la mienne. Toutefois, ce n'est pas un cours de six mois ou de un an qui va leur apprendre ces choses élémentaires. Par conséquent, il est important de ne pas décourager les gens en imposant des qualifications excessives.

En ce qui concerne la pénurie, sachez qu'il y a des disparités à l'échelle du pays sur les plans du professionnalisme et de la rémunération. Certaines personnes touchent encore le salaire minimum, alors que d'autres gagnent un salaire compétitif et font exactement le même travail.

Ce n'est pas un problème qu'on peut nécessairement régler à l'échelle nationale, mais on peut créer un cadre que les provinces peuvent commencer à utiliser. Même dans le Canada atlantique, la situation varie d'une province à l'autre. Il est assez étonnant de voir qu'en Nouvelle-Écosse, on fait les choses différemment de nous, au Nouveau-Brunswick, alors que nous sommes voisins.

La sénatrice Raine : Ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est que grâce aux webinaires, on peut rapidement diffuser les pratiques exemplaires et normaliser la formation partout au pays, mais il faut évidemment que ce soit centralisé. Dans le cas d'un webinaire, vous pouvez prendre votre meilleur formateur, qu'il soit de la Colombie-Britannique, de l'Alberta ou du Nouveau-Brunswick, et lui demander de transmettre ses idées et son savoir-faire à tout le monde. Est- ce ce que vous envisagez pour ce qui est de la centralisation de la formation?

M. McGeorge : Ce serait l'une des fonctions principales, c'est-à-dire essayer d'offrir une formation conviviale. C'est essentiellement un transfert de connaissances.

Dr Molnar : On peut en apprendre beaucoup lorsqu'on regarde les services comportementaux qui sont offerts et la façon dont ils ont formé les gens. Tout d'abord, la formation commence par une formation didactique, peut-être même une formation à distance. Nous avons constaté que beaucoup de gens ne l'intégraient pas à leur pratique quotidienne à moins d'avoir un formateur ou un mentor qui vienne les aider à l'intégrer dans le cadre de leur travail. Nous avons besoin d'un mentorat sur place pour certaines des fonctions de niveau supérieur puis, d'une formation continue ou de recyclage. Ces personnes doivent aussi pouvoir compter sur quelqu'un qui a davantage de compétences lorsque les choses ne vont pas bien.

Par conséquent, il faut veiller à ne pas accorder trop d'importance à une seule étape du processus de formation. C'est un processus continu qui s'étend tout au long de la carrière.

La sénatrice Raine : Je partage votre avis concernant la formation en matière de comportement, car il se peut que vous soyez confronté à des situations pour lesquelles vous n'avez pas reçu de formation.

J'ai une question concernant la recherche. J'ai été ravie de vous entendre dire que la recherche devait être ciblée et responsable. Je siégeais au conseil du Centre de recherche sur l'arthrite du Canada lorsqu'il a été établi, et je sais qu'on a consulté les personnes qui souffrent d'arthrite concernant la façon dont il fallait structurer la recherche. On a proposé un slogan, qui est en quelque sorte devenu la devise de l'organisation : « La recherche pratique dans la vie de tous les jours ». C'est toujours dans cette optique qu'on va examiner des demandes de subventions de recherche. Cela a été très utile pour l'organisation, et vous pourriez peut-être vous en inspirer.

Dr Molnar : Puis-je faire un commentaire?

La sénatrice Raine : Oui, allez-y, je vous prie.

Dr Molnar : Je suis tout à fait d'accord. Selon moi, il y a une autre chose qui s'est avérée utile. Je fais des recherches sur la démence et sur la conduite automobile et je suis l'un des rédacteurs des lignes directrices sur l'aptitude à la conduite de l'Association médicale canadienne. Des gens de Transports Canada et des ministères provinciaux des Transports nous aident dans le cadre de nos recherches, ce qui est très utile. Ils sont très au fait de nos travaux. Ils nous disent ce qui est nécessaire et nous l'intégrons à nos lignes directrices.

Il est plutôt rare que des gens qui tiennent les cordons de la bourse à l'échelle provinciale prennent part à nos recherches, mais cela nous aiderait certainement à faire passer nos travaux de la phase pilote aux applications à grande échelle. Je considère que cela n'arrive pas assez souvent.

La sénatrice Raine : Merci.

La sénatrice Merchant : Nous avons abordé cet aspect dans le cadre de cette étude, mais docteur Molnar, vous avez parlé de la nécessité que les universités, c.-à-d. les écoles de médecine, orientent les étudiants vers la gérontologie. Vous avez également dit que le gouvernement avait un rôle à jouer dans toute cette stratégie sur la démence.

Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? À quel moment faut-il commencer à former les jeunes qui sont intéressés par la médecine? Cela ne devrait-il pas commencer par des conférences de différents professionnels dans les écoles secondaires? Je sais qu'il y a beaucoup d'écoles secondaires qui ont des programmes qui envoient des étudiants travailler dans des résidences pour personnes âgées. Ils choisissent les secteurs dans lesquels ils veulent faire du bénévolat dans le cadre de leurs cours.

Y a-t-il des pays ailleurs dans le monde qui réussissent à attirer plus de gens en gérontologie? Comment s'y prennent- ils?

Dr Molnar : Je suis d'accord avec vous. Il faudrait commencer plus tôt à créer des communautés adaptées aux personnes vivant avec la démence afin que les enfants en apprennent davantage sur le vieillissement et la démence et qu'ils soient à l'aise avec tout cela. Aussi, il faudrait procéder selon une approche ascendante.

La gériatrie devrait être mieux intégrée aux programmes de formation en médecine. C'est clair. Tous les étudiants des facultés de médecine doivent faire un stage en pédiatrie, même si seulement 2 p. 100 d'entre eux deviendront pédiatres. Même si je savais que je me dirigerais vers la gériatrie, j'ai dû, moi aussi, faire un stage en pédiatrie. Les facultés de médecine n'exigent pas des élèves qu'ils suivent un stage en gériatrie ou en soins aux aînés, même si la grande majorité d'entre eux devront fournir des soins aux aînés. Il y a une rupture entre les besoins de la société et la formation offerte. Ce sont des décisions politiques; on pousse les élèves vers diverses spécialités sans tenir compte des besoins de la société. Cela ne peut pas durer.

Le secteur de la psychiatrie a bien fait à cet égard; il oblige tous les résidents en psychiatrie à faire un stage en gérontopsychiatrie. Grâce à cette pratique, beaucoup d'étudiants ont choisi cette spécialité. C'est une histoire de réussite. Il y a encore un manque de gérontopsychiatres, mais l'approche du secteur à porter ses fruits.

Les résidents en médecine interne ne sont pas tenus de faire un stage en gériatrie. Bon nombre évitent ce domaine, car ce n'est pas séduisant. C'est un domaine qui peut être difficile, mais il peut aussi être très valorisant.

Tout cela pour dire que je suis d'accord avec vous. Il faut exposer les étudiants de tous les niveaux à la gériatrie et les obliger à suivre un stage dans le domaine ou, à tout le moins, s'assurer que leur formation répond aux besoins de la société.

Y a-t-il un pays qui a bien réussi à ce chapitre? Je l'ignore. Cela dit, les systèmes d'éducation des autres pays ne me sont pas familiers. Lors de ma dernière comparution, nous avons souligné que le Royaume-Uni compte plus de gériatres que les États-Unis, mais c'est une spécialité différente. Les gériatres, là-bas, offrent davantage de soins primaires.

M. McGeorge : Simplement pour ajouter à ce que disait le Dr Molnar, à titre de coprésident du conseil provincial sur le vieillissement qui a pour mandat de trouver des solutions provinciales à ces problèmes, je dois discuter avec un grand nombre de médecins de famille, à Fredericton. Fait intéressant, bon nombre de ces médecins me disent : « Mon cabinet est devenu un cabinet de médecine gériatrique, et c'est tout à fait par hasard. Ce n'était pas voulu. » Je trouve cela intéressant.

Lorsque je travaillais au York Care Centre, nous avions de la difficulté à trouver des solutions à certains de ces problèmes d'éducation. D'abord, nous étions incapables de recruter des infirmières. Donc, nous avons rencontré les responsables de la faculté des sciences infirmières de l'université pour leur proposer d'introduire un stage obligatoire en gériatrie, et ils ont accepté. Nous avons d'abord accueilli des élèves de quatrième année puis, de troisième, de deuxième et de première année. Tous les stagiaires ont fait l'objet d'une évaluation et dans le cadre des discussions avec les évaluateurs, les élèves disaient : « Je croyais que prendre soin des aînés serait ennuyant. Je ne voulais pas faire ce stage. Mais, après trois semaines, j'ai découvert que c'était en fait amusant, stimulant. Je ne m'attendais pas à cela. » Maintenant, plutôt que d'avoir de la difficulté à recruter des infirmières, nous avons une liste d'attente d'infirmières intéressées, tout cela en un peu plus de trois ans. C'est génial.

Nous avons visité un centre de gériatrie à Boston pour trouver de nouvelles idées, nous inspirer. Sur le campus de ce grand centre, nous avons vu des terrains de soccer et de basketball. Nous nous sommes dit : « Quoi? Des terrains de soccer et de basketball dans un centre de gériatrie? » Puis, nous avons pointé vers un édifice et demandé aux gens qui nous faisaient visiter ce que c'était. « Cet édifice? C'est notre école. Il y a des classes de la maternelle à la 12e année. Nous croyons à l'intégration des jeunes, même en bas âge, dans la vie des aînés. »

À Fredericton, plusieurs écoles ont accepté d'intégrer leurs élèves à nos programmes, si bien que beaucoup de jeunes ont suivi des cours en gériatrie. Ils ne sont pas encore gériatres, mais nous les avons intéressés à ce domaine grâce à un programme appelé Narrative. Dans le cadre de ce programme, les jeunes n'étaient pas obligés de discuter systématiquement avec les familles et les aînés; ils y étaient encouragés. Nous avons constaté la même chose avec le projet iPod. Dans le cadre de ce projet, les élèves du primaire et du secondaire ont pu discuter avec les familles et ont découvert que les aînés ne sont pas aussi étranges qu'ils le croyaient, qu'ils peuvent être agréables. Nous avons fait des progrès à cet égard.

La sénatrice Merchant : Une des choses qui se produit lorsque les gens vieillissent, c'est qu'ils perdent leur médecin. Je l'ai vécu avec mes parents. Parfois, les médecins sont un peu plus âgés lorsqu'ils commencent leur carrière. Puis, un jour, le médecin qui nous connaît le mieux n'est plus là pour nous aider. Il est difficile de tout recommencer avec un nouveau médecin.

Dr Molnar : Je crois que la meilleure façon de procéder, et on le voit de plus en plus, c'est d'intégrer les soins primaires aux équipes de santé familiales. Aujourd'hui, l'Ontario étudie la possibilité de créer de plus grands réseaux. Ainsi, il est possible de planifier la relève et d'embaucher de jeunes médecins qui démontrent des aptitudes et compétences dans le domaine afin de les intégrer lentement. Le moment venu, ils sont prêts à prendre la relève. Je crois que les pratiques cliniques individuelles sont en voie de disparition et que les réseaux de soins de santé pourraient aider à régler, en partie, ce problème de relève.

La sénatrice Merchant : Vous dites que certaines communautés sont sous-représentées. Nous le savions déjà. D'autres nous l'ont signalé.

Selon vous, certains de ces établissements pourraient offrir plus de programmes spécialement conçus pour les personnes atteintes d'Alzheimer. Ces programmes seront-ils financièrement accessibles pour tous? Y a-t-il un coût supplémentaire? Je pense aux membres des Premières Nations, par exemple. Certaines des communautés sous- représentées pourraient ne pas avoir accès à ces programmes. Y a-t-il un coût? Y a-t-il une différence de coût pour ces programmes?

Dr Molnar : Il y aura un coût à ne pas offrir ces services. Sans eux, les gens seront traités dans des hôpitaux de soins de courte durée où le coût est de 1 000 $ à 1 200 $ par jour. Il faut transférer les coûts et offrir les bons services aux bons endroits. Les gens atteints de démence oublient leurs deuxième et troisième langues. Ils reviennent à leur langue maternelle et c'est dans cette langue que nous devons les servir.

La sénatrice Merchant : Je crois que je ne me suis pas bien exprimée. Y a-t-il un coût pour les patients?

Dr Molnar : Il y a des résidences où le coût est très élevé; on parle de plusieurs milliers de dollars par mois. Ceux qui n'ont pas les moyens d'être traités dans ces résidences sont traités dans des établissements de soins de longue durée et le coût rattaché à ces soins est très élevé. Pour faire des économies et éviter les hospitalisations, nous devons accroître le nombre de résidences subventionnées, mais nous ne sommes pas disposés à transférer les fonds au bon endroit.

La sénatrice Frum : Monsieur McGeorge, lorsque vous nous avez parlé du projet iPod, vous avez soulevé la question de la surconsommation de médicaments. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce problème et ses conséquences? J'imagine que ce projet s'adresse davantage aux soignants qu'aux patients. De quelle façon la surconsommation de médicaments s'inscrit-elle dans une stratégie nationale?

M. McGeorge : Puisque l'AMC a déjà établi que la polypharmacie constitue un des principaux problèmes en matière de soins de santé aux aînés, il est clair que la question doit être abordée dans le cadre d'une stratégie nationale et qu'il faut agir. Il s'agit d'un problème chronique de longue date bien connu. De nombreux rapports de recherche et documents montrent clairement que, trop souvent, les médicaments sont utilisés en premier recours et non en dernier recours.

Le projet iPod avait pour objectif d'aider les gens. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu'il a permis de réduire considérablement la nécessité de prendre des somnifères et des médicaments psychotropes. Nous avons également remarqué que l'appétit des patients a augmenté et que leurs facultés cognitives se sont améliorées. Ces résultats étaient inattendus. Nous voulions simplement que les gens soient mieux soignés.

À mon avis, toute stratégie nationale sur la démence devrait aussi s'attaquer sérieusement à la polypharmacie.

La semaine dernière, en discutant avec mes collègues du conseil, je leur ai demandé s'il y avait un pharmacologiste clinicien au Nouveau-Brunswick. Je ne le crois pas. Un pharmacologiste clinicien suit une formation suffisamment avancée qui lui permet de former d'autres cliniciens et des médecins, notamment. C'est davantage le domaine du Dr Molnar que le mien, mais il s'agit, selon nous, d'un enjeu de politique publique important.

Dr Molnar : Il faut faire attention avec la polypharmacie; c'est parfois une bonne chose. Les médicaments aident les gens à rester en vie. Parfois, les patients meurent rapidement lorsqu'on cesse de leur administrer leurs médicaments. Le problème, et il est sérieux, c'est la polypharmacie abusive. On estime que le tiers des hospitalisations sont liés à la consommation de médicaments, soit l'abus de médicaments ou le doublage de la dose. Le problème est pire chez les personnes atteintes de démence, car elles sont excessivement sensibles aux erreurs de médication et aux effets indésirables des médicaments. Elles peuvent prendre sans problème un médicament pendant des années, mais lorsqu'elles développent une forme de démence, elles ressentent tous les effets indésirables cognitifs du médicament et ceux causant le délire. Cela change constamment. Les médicaments prescrits doivent être ajustés en conséquence avec le temps.

Il y a deux problèmes dont il faut tenir compte. D'abord, la concentration en silo, pratique que nous employons dans le traitement de maladies. Les cardiologues, tout comme les spécialistes des troubles respiratoires et les gériatres, par exemple, utilisent la pléthore de médicaments dont il dispose qui s'appuient sur des faits établis dans leur domaine, mais aucun n'utilise les médicaments d'un autre domaine. Nous devons exercer une gestion intégrée des maladies chroniques; adopter une plateforme permettant aux divers spécialistes de se consulter mutuellement dans des cas complexes et convenir d'un traitement approprié. Nous avons besoin d'une gestion intégrée des maladies chroniques, soit des soins pour la démence et tout ce qui en découle.

L'autre problème, c'est le comportement. Les professionnels de la santé s'y connaissent peu en gestion de comportement. C'est la raison pour laquelle ils se tournent vers les médicaments avant toute autre chose. Il a deux facteurs à cela.

L'annulation de prescriptions n'est pas enseignée dans les facultés de médecine ni la façon d'aider un patient à cesser de prendre un médicament. Ceux qui procèdent de manière inappropriée éprouvent le syndrome de sevrage et sont hospitalisés. Il faut procéder lentement en réduisant la dose. C'est la bonne façon de faire. Ce principe est mal enseigné dans tous les domaines de médecine. On enseigne aux médecins comment prescrire des médicaments, mais comment annuler une prescription. Il y a un écart important en matière d'éducation à cet égard.

Les ressources sont là. Plusieurs gouvernements provinciaux investissent dans la formation. Il y aura plus de cours offerts ainsi que des ressources Web, mais nous avons besoin de leviers et de codes de facturation. Les médecins sont rémunérés lorsqu'ils prescrivent des médicaments, pas lorsqu'ils annulent une prescription.

À une époque, les médecins étaient rémunérés pour produire des rapports sur les personnes qui n'étaient pas aptes à conduire. Le nombre de signalements a augmenté, et le nombre d'accidents a diminué. Il s'agit d'un levier efficace pour gérer le comportement. Certaines conséquences involontaires doivent être gérées.

Selon un vieux dicton, et je vais mal le paraphraser, il faut 10 secondes pour prescrire un médicament et un million de secondes pour l'arrêter. Nous avons besoin de codes de facturation appropriés. Au bout du compte, ces codes de facturations nous permettent de faire des économies, tant sur le prix des médicaments que sur la facture associée l'hospitalisation. Encore une fois, ces investissements doivent être faits.

Le président : J'allais justement aborder la question de l'utilisation appropriée des médicaments. Vous avez très bien expliqué la situation. De toute évidence, c'est un problème critique. Monsieur McGeorge, cela m'inquiète de savoir qu'il n'y a pas de spécialiste dans le domaine au Nouveau-Brunswick. Nous nous sommes interrogés sur la question concernant, notamment, les unités résidentielles de groupes. C'est un problème. Nous n'avons pas réalisé les progrès souhaités, malgré notre rapport sur l'Accord sur la santé de 2004. L'absence des dossiers médicaux électroniques pour prendre ces décisions est un problème que nous prenons au sérieux.

Nous avons des difficultés, au Canada, à stimuler l'innovation. Le gouvernement fédéral semble incapable de motiver les gouvernements provinciaux à atteindre certaines cibles, à faire rapport de manière efficace et à rendre des comptes.

Supposons que des fonds sont consacrés à la démence dans le cadre d'un nouvel accord sur la santé et qu'un financement de base est établi. Un des leviers que nous pourrions utiliser serait de dire aux provinces qu'aucuns fonds supplémentaires ne leur seront versés, à moins qu'elles remplissent certains critères. Ce serait une sorte de récompense. Si elles remplissent les critères établis, elles pourraient recevoir des fonds supplémentaires, en fonction d'un système de calcul quelconque.

Sans aller trop dans les détails, docteur Molnar, y a-t-il des éléments dans cette approche qui, selon vous, pourraient être efficaces?

Dr Molnal : Si les objectifs sont réalisables, certainement. Ils ne doivent pas être irréalistes.

Le président : Bien sûr. Supposons que le programme est bien conçu.

Dr Molnar : Cela pourrait fonctionner, s'il y a un effet d'entraînement vers les provinces, les régies régionales de la santé, les hôpitaux et les programmes qui offrent les programmes. Encore une fois, peu importe les innovations, si elles ne sont pas offertes aux travailleurs de première ligne, elles ne seront pas utilisées.

Le président : Puisque le gouvernement fédéral ne peut pas obliger les provinces à distribuer les fonds, il pourrait les récompenser si elles le font. Il pourrait s'agir d'une récompense efficace. Selon vous, ce serait une option, si tout était bien conçu?

Dr Molnar : Si le programme est bien conçu, il pourrait s'agir d'un levier efficace pour améliorer la qualité des soins offerts.

Le président : Monsieur McGeorge, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. McGeorge : Un des objectifs pourrait être, par exemple, de réduire davantage les hospitalisations pour les autres niveaux de soins. Il y a eu des progrès à cet égard à l'échelle du pays, mais nous connaissons les endroits où il y a encore place à beaucoup d'amélioration. Je peux vous assurer que la raison pour laquelle la situation ne s'est pas beaucoup améliorée au Nouveau-Brunswick, c'est que ce n'est pas une priorité, alors que cela devrait l'être. Ce n'est pas sorcier. Les gens compliquent les choses inutilement. Ce n'est pas si complexe.

Le président : Je veux simplement m'attarder au principe pour aujourd'hui. Nous avons beaucoup d'exemples, mais je vous remercie pour cette intervention.

La question de la rémunération a été soulevée à plusieurs reprises, notamment aujourd'hui. Docteur Molnar, vous avez parlé de la rémunération associée à la prescription de médicaments et de l'absence de rémunération pour l'annulation de prescriptions.

Le manque de souplesse du régime de rémunération est un des principaux éléments que nous avons identifiés dans le cadre de notre étude sur l'accord sur la santé. Il s'agit d'un obstacle important à l'innovation et à la capacité de prendre un projet pilote qui a connu du succès et de passer à la prochaine étape, car on n'a pas respecté les processus établis pour récompenser les activités cliniques. Autrement dit, les activités cliniques coopératives ne sont pas reconnues dans le système de facturation. Je ne vous demanderai pas de commenter davantage la question. Je voulais simplement souligner que, selon plusieurs témoins, il s'agit d'un problème important. Nous tenterons de le définir.

Voici la question que je voulais réellement vous poser, docteur Molnar, et je veux que vous nous donniez un aperçu de la situation si vous le pouvez. Notre étude ne porte pas sur les recherches scientifiques et médicales fondamentales réalisées sur le problème de la démence, du point de vue scientifique s'entend. Nous apprenons toutefois au cours de cette étude qu'on considère de plus en plus qu'il faudrait détecter la démence bien avant que les signes visibles ne se manifestent et qui si on peut la déceler à un stade précoce, nous pourrions peut-être réaliser des progrès bien plus rapides afin de retarder l'apparition de la maladie et la traiter beaucoup plus efficacement.

D'après vous, pour avoir vu ce qu'il en est, considérez-vous que nous progressons dans ce domaine? Pensez-vous que le milieu de la recherche s'intéresse à ce domaine de recherche en santé? Espérez-vous que l'on fasse des progrès ou considérez-vous que l'on pourrait bien en faire à court terme?

Dr. Molnar : Pour être honnête, ce n'est pas mon domaine d'expertise en recherche, mais je vais vous donner mon avis.

Le président : Je me rends compte que vous possédez sur la question un point de vue que personne d'autre ne peut nous donner.

M. Moreau : Je participe à des conférences au cours desquelles il est question des travaux de recherche en cours. Je pense qu'il est prometteur de s'intéresser aux biomarqueurs, qu'il s'agisse de tests sanguins, de tests du liquide céphalo- rachidien ou de tomographies par émission de positrons. Je pense que les chercheurs prennent le problème au sérieux et que dans une ou deux décennies, nous ferons des percées importantes. Nous pourrons ainsi prédire qui sera atteint de démence et commencer à faire de la prévention. Je considère donc que les chercheurs s'intéressent sérieusement à la question et réalisent d'excellents progrès.

Le président : Merci beaucoup. Je connais votre champ de compétences, mais je voulais obtenir votre point de vue par rapport à celui des spécialistes.

Le sénateur Eggleton : Docteur Molnar, vous avez indiqué qu'Agrément Canada devrait être chargé d'établir une procédure opérationnelle obligatoire pour que chaque hôpital de soins intensifs du pays ait un service de gestion de la démence, du délire et des comportements en place, lequel recevrait idéalement le soutien de la médecine et de la psychiatrie gériatriques.

Eh bien, Agrément Canada est un organisme sans but lucratif. Il accorde des agréments aux hôpitaux, mais n'a pas de pouvoir coercitif. Cet organisme est-il largement accepté par tous les hôpitaux?

Dr Molnar : Je pense que M. McGeorge pourrait mieux vous répondre que moi.

M. McGeorge : La plupart des hôpitaux l'acceptent. Malgré le caractère volontaire de la chose, les hôpitaux ne peuvent former d'infirmières, de médecins et d'autres membres du personnel dans un environnement médical s'ils n'ont pas reçu d'agrément. Voilà qui confère à l'organisme une certaine influence.

Le sénateur Eggleton : Mais c'est ce que j'essaie de déterminer : quelle influence cet organisme possède-t-il? Cela pourrait être utile.

M. McGeorge : Certainement.

Le sénateur Eggleton : Bien. Peut-être est-ce quelque chose qui pourrait également figurer dans un prochain accord en matière de santé? Il y a peut-être là une possibilité. Nous pourrions même faire une recommandation à cet égard dans notre étude.

Dr Molnar, vous avez aussi indiqué que nombre de cliniques de spécialistes, qui offrent des soins à des personnes qui sont atteintes de démence et qui vivent dans la collectivité, meurent à petit feu en raison de nombreuses compressions. La réduction de l'effectif de certaines cliniques et la fermeture d'autres cliniques donneront sans doute lieu à une augmentation des admissions en centre hospitalier de personnes atteintes de démence. Je le comprends, mais dans le paragraphe suivant, vous parlez de toutes ces nouvelles cliniques inspirées du modèle de Linda Lee, indiquant qu'il y en a 78 en Ontario seulement. Vous avez également parlé du modèle des maillons santé.

Le modèle de soins primaires de Linda Lee et les maillons santé communautaires compensent-ils les pertes ou existe- t-il un manque auquel nous devrions porter attention?

J'aimerais également savoir quelle est la différence entre les maillons santé et le modèle de cliniques collaboratives des troubles de la mémoire à base de soins primaires de Linda Lee.

Dr. Molnar : Même si ce n'était pas prévu ainsi, il se passe aujourd'hui, exactement ce qu'il faut qu'il se passe. Nous devons délaisser les services offerts dans les hôpitaux, c.-à-d. les cliniques spécialisées qui fonctionnent à partir du budget d'un hôpital, pour nous tourner vers les services communautaires. Nous savons tous que c'est là que les soins de santé doivent aller. Cela ne s'effectue pas de manière planifiée. À mesure que les hôpitaux voient leurs budgets diminuer, ils cherchent à apporter des réductions dans le domaine des soins ambulatoires, considérant qu'il s'agit d'un service moins essentiel. Ils commenceront à fermer ces cliniques.

Le modèle de Linda Lee est volontaire pour l'instant. Il n'est pas conçu par le ministre de la Santé, même si le ministère l'examinera. Nous ne créons pas cette infrastructure. La transition se passe de manière organique, même si je déteste employer ce mot. Elle s'effectue naturellement, à mesure que les médecins comprennent ce qui se passe. Existe-t- il des manques? Il pourrait y en avoir, à moins que le ministre de la Santé ne s'aperçoive rapidement que nous devons construire de solides infrastructures dans les cliniques communautaires.

Pour ce qui est de la différence entre les maillons santé et le modèle de Linda Lee, je pense toujours au triangle de Kaiser. Pour les personnes atteintes de démence, le médecin de soins primaires fournirait les soins initiaux, alors que les soins intermédiaires seraient prodigués dans les cliniques de Linda Lee. On augmente les investissements; il faut donc de l'argent pour continuer d'assurer la formation dans ces équipes. Au sommet du triangle se trouveraient les maillons santé, qui disposent des fonds et du personnel pour faire de la gestion de cas intensive, peu importe ce que cela signifie, afin de maintenir la personne à domicile en toute sécurité et d'assurer la sécurité de l'aidant naturel. Il faut que les investissements augmentent graduellement, pas pour tout le monde, mais pour ceux qui en ont absolument besoin. Or, il n'y a pas de plan d'augmentation graduelle dans de nombreux secteurs des soins de santé, notamment sur le plan de la démence. Les gens de retrouvent donc à l'hôpital par défaut.

Le sénateur Eggleton : Les maillons santé se trouvent un échelon plus haut, étant légèrement plus onéreux et offrant des soins un peu plus intensifs.

Dr. Molnar : Oui, mais les maillons santé ne se spécialisent pas dans les soins de la démence.

Le sénateur Eggleton : Peuvent-ils s'occuper des cas plus avancés?

Dr. Molnar : Les maillons santé de l'Ontario ont été prévus pour les 5 p. 100 de patients qui coûtent le plus cher au système de soins de santé. Or, certains considèrent que ce n'est pas dans cette tranche que l'on obtient le meilleur rendement de son investissement, mais bien dans les 10 p. 100 suivants. C'est une expérience qui est en cours.

Le sénateur Eggleton : Merci.

Le président : Monsieur McGeorge, je veux revenir à votre expérience de café de la mémoire. J'ai été impressionné quand, par coïncidence, j'ai appris aux nouvelles que de tels cafés existaient au Nouveau-Brunswick. Après avoir effectué quelques vérifications, j'ai constaté que le Nouveau-Brunswick était pour l'instant la seule province du Canada à participer à l'expérience internationale des cafés de la mémoire.

Vous nous avez fait un excellent survol qui répond à un grand nombre de questions que j'aurais voulu vous poser.

Le Nouveau-Brunswick compte plusieurs de ces cafés. Que faites-vous lorsque des communautés expriment le souhait d'en créer un? Est-ce bien difficile pour elles de lancer un projet? Est-ce que l'expérience acquise dans la province fait qu'il est de plus en plus facile de se joindre au programme?

M. McGeorge : Cela devient assurément de plus en plus facile à mesure que le programme gagne en notoriété. Les communautés doivent toutefois trouver au moins deux ou trois excellents bénévoles qui sont vraiment passionnés et qui ont à cœur le bien-être des personnes atteintes de démence, car il s'agit d'une initiative bénévole. Une fois que l'on a ces deux ou trois personnes, elles attireront trois, quatre ou cinq autres bénévoles pour concrétiser le projet. Avec notre manuel, nous leur offrons une formation de base, et il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas aller dans une communauté pour l'aider à créer un café en l'espace d'un mois, dans la mesure où elle a deux ou trois merveilleux bénévoles.

Le président : Au chapitre de la population, quelle est la plus petite communauté qui a actuellement un tel café au Nouveau-Brunswick?

M. McGeorge : C'est probablement Plaster Rock, qui accueille, il me semble, le tournoi mondial de hockey sur étang. L'agglomération compte tout au plus 1 200 ou 1 400 habitants.

Le président : C'est excellent.

Le sénateur Eggleton : Je vois que vous avez des brochures, dont une sur les endroits où l'Armée du Salut a des centres. Les cafés se trouvent-ils principalement dans des églises, des sous-sols d'église ou des centres communautaires? Est-ce qu'un grand nombre d'entre eux ont pignon sur rue, comme un café normal?

M. McGeorge : Pour commencer, nous devons trouver un endroit où le loyer est gratuit. Nous ne payons pas. En offrant le loyer gratuit, les gens montrent que la cause leur tient à cœur. Les églises sont une source et les écoles en sont une autre. Nous venons d'ouvrir un café à Saint John, au Loch Lomond Villa Wellness Centre, un centre de soins gériatriques de longue durée très futuriste. Nous y avons un café à titre de projet pilote. Il va très bien et ne sera pas un projet pilote pour très longtemps.

J'essaie de penser à d'autres emplacements.

Le sénateur Eggleton : Les emplacements sont variés. Est-ce que certains d'entre eux fonctionnent mieux que d'autres? Je suppose que cela dépend du nombre de bénévoles et des personnes qui gèrent le programme.

M. McGeorge : Au début, nous pensions que nous ne devrions pas installer de café dans des centres de soins infirmiers parce qu'il pourrait y avoir un certain manque d'objectivité, mais nous sommes en train de nous raviser. Nous sommes sur le point d'en ouvrir un dans un centre de soins infirmiers de la péninsule française. Nous installons donc des cafés n'importe où.

Le président : Merci beaucoup. C'est excellent.

Docteur Molnar, nous sommes ravis que vous ayez accepté de revenir pour nous faire part de votre point de vue personnel sur la question. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Monsieur McGeorge, nous étions certainement impatients d'entendre votre témoignage. Comme je l'ai indiqué, je pense qu'il y aurait eu bien plus de questions si vous n'aviez pas fait un excellent résumé de la manière dont vous procédez, lequel a permis de répondre à un grand nombre de questions que nous vous aurions peut-être posées. Les renseignements supplémentaires que vous nous avez fournis ont toutefois conféré un caractère humain à l'affaire.

Nous constatons nettement que l'étude que nous avons entreprise nous a menés dans des domaines où, nous en sommes conscients, la démence constitue un problème d'une importance considérable pour le pays et l'ensemble de la population.

Une fois que vous serez partis, auriez-vous l'obligeance de continuer de réfléchir à la question que le sénateur Eggleton vous a posée au début, laquelle portait sur la manière dont nous recommanderions un processus auquel le gouvernement participerait, un processus qui fonctionnerait et qui tiendrait compte du fait que notre pays est une fédération formée d'un gouvernement fédéral, de provinces et territoires. Nous connaissons les difficultés. Nous n'avons pas besoin d'autres conseils à ce propos. Elles figurent dans notre rapport sur le sujet. Cependant, avec le modèle dont vous avez parlé et les excellents conseils que vous avez prodigués aujourd'hui, pourriez-vous réfléchir davantage à la question, et s'il vous vient des idées, pourriez-vous nous les communiquer par l'entremise de la greffière? Nous vous en serions reconnaissants, car au bout du compte, ce pourrait être le lien le plus crucial dans tout ce que nous pourrions recommander pour l'avenir. C'est une chose que de réfléchir à tous les éléments qu'une stratégie doit comprendre, mais c'en est une autre de concrétiser le fruit de ces réflexions en un mécanisme qui fonctionne dans le cadre complexe d'un régime fédératif.

Sur ce, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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