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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 13 - Témoignages du 7 décembre 2016 (première séance)


OTTAWA, le mercredi 7 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui, à 14 h 17, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je suis le président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto, vice-président du comité.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, sénatrice de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Nancy Ruth : Je suis Nancy Ruth. Hal Jackman est mon frère.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, sénatrice de Grandville, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario. Je viens d'arriver.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci beaucoup, collègues.

Je note, pour la gouverne de ceux et celles qui suivent nos délibérations en ligne ou à la télévision, que nous entreprenons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le ministre fédéral des Finances et les gouvernements provinciaux se sont entendus d'une façon générale sur les changements proposés depuis le 7 juillet 2016. Toutes les provinces signataires ont confirmé leur approbation de l'entente de principe.

Le 6 octobre 2016, le ministre fédéral des Finances a déposé le projet de loi C-26, qui met en œuvre les changements convenus. Les modifications proposées du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada entreront en vigueur à la date fixée par le gouverneur en conseil, sous réserve de l'accord de deux tiers des provinces représentant au moins les deux tiers de leurs populations combinées. Les modifications proposées de la Loi de l'impôt sur le revenu prendraient effet dans l'année d'imposition 2019.

Honorables sénateurs, nous avons aujourd'hui l'insigne privilège d'accueillir l'honorable Bill Morneau, ministre des Finances.

Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes enchantés que vous soyez venu vous joindre à nous pour ouvrir nos discussions sur le projet de loi. Assis à vos côtés, à la table, nous avons, du ministère des Finances, Glenn Purves, directeur général, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, et, du Bureau du surintendant des institutions financières, Jean-Claude Ménard, actuaire en chef du Canada.

J'informe aussi mes collègues qu'il y a dans l'auditoire plusieurs fonctionnaires à qui nous pourrons faire appel si nous avons besoin de leurs connaissances spécialisées.

Nous allons commencer par inviter le ministre à nous présenter un exposé. Les membres du comité pourront ensuite lui poser des questions.

L'honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je vous remercie. C'est en fait un honneur pour moi d'être ici. Il ne m'arrive pas souvent d'assister à des réunions où je peux retrouver quelqu'un à qui j'envie ses talents de skieur, ou encore quelqu'un qui a été mon député et mon maire ou qui a dirigé la fonction publique dans ma province. Je suis donc très heureux d'être ici, parmi vous.

Je voudrais vous remercier, monsieur le président ainsi que tous les membres du comité, de m'avoir invité. C'est un plaisir pour moi de comparaître devant vous pour parler du Régime de pensions du Canada et des mesures que nous souhaitons prendre pour le renforcer.

De l'enceinte de la Chambre des communes aux longues tables du comité des finances, j'ai eu de nombreuses occasions de parler de la nécessité d'aider les familles de la classe moyenne à progresser et à pouvoir compter sur une retraite sûre.

Vous vous souviendrez qu'il y a un an, j'avais promis aux Canadiens de renforcer le Régime de pensions du Canada. En juin de l'année dernière, nous avons conclu à cet effet un accord historique avec les provinces. Le projet de loi que le comité étudie aujourd'hui a pour objet de mettre en œuvre cet accord et d'aider des millions de travailleurs, surtout de la prochaine génération, à passer plus de temps avec leurs petits-enfants au lieu de s'inquiéter du loyer.

[Français]

La dure réalité est qu'une famille sur quatre qui approche l'âge de la retraite, soit 1,1 million de familles, risque de ne pas épargner suffisamment en prévision de la retraite. Même si ces familles travaillent plus fort que jamais, il leur est de plus en plus difficile d'atteindre leur objectif de bénéficier d'une retraite sûre.

[Traduction]

En fait, beaucoup trop de gens ne sont pas sûrs d'avoir une retraite digne. Toute une série de facteurs entrent en jeu à cet égard. Nous avons été témoins de la diminution constante de la couverture au chapitre des régimes de pension d'employeur. Il fut un temps où un bon régime privé de retraite faisait partie intégrante de la rémunération de nombreux Canadiens, qu'ils travaillent pour une banque ou sur une chaîne de montage de véhicules. Nous avons vu baisser la part des employeurs du secteur privé qui offraient de tels régimes, cette part étant passée de plus de 35 p. 100 en 1977 à moins de 25 p. 100 en 2012.

Aujourd'hui, les familles qui ne bénéficient pas d'un régime de pension d'employeur sont particulièrement exposées au risque de ne pas économiser suffisamment pour la retraite. On estime que 33 p. 100 de ces familles courent ce risque par rapport à 17 p. 100 des familles qui ont un régime de pension d'employeur.

De plus, même les personnes qui ont accès à un régime de pension privé ont des difficultés, notamment à cause de la fiabilité réduite des régimes de pension privés que les employeurs continuent à offrir. Cette fiabilité a diminué par suite de l'abandon croissant des régimes solides et prévisibles à prestations déterminées au profit des modèles à cotisations déterminées.

Ce sont précisément les raisons pour lesquelles j'ai réuni les dirigeants provinciaux afin de leur parler de cette question. À Vancouver, en juin dernier, travaillant en étroite collaboration en vue d'un objectif commun, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada ont conclu une entente qui renforcera le Régime de pensions du Canada afin d'assurer aux Canadiens un régime plus généreux et de les aider à prendre une retraite digne. Les dirigeants de toutes les régions du Canada se sont réunis pour discuter des préoccupations dont leurs électeurs leur avaient fait part. À mon avis, c'était vraiment le fédéralisme à son meilleur.

Monsieur le président, nous en sommes maintenant aux dernières étapes du processus, et je suis plus déterminé que jamais à faire profiter les Canadiens de ces avantages. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour inviter les sénateurs à prendre connaissance de tout ce que ce projet de loi peut nous faire gagner.

Premièrement, il fera passer la part des gains annuels que les gens recevront après leur retraite d'un quart à un tiers. Cela signifie qu'une personne qui a gagné en moyenne, pendant sa vie active, 50 000 $ par an en dollars d'aujourd'hui recevra des prestations de retraite d'environ 16 000 $ par an au lieu des quelque 12 000 $ d'aujourd'hui.

Une fois que les changements auront été complètement mis en œuvre, le RPC bonifié augmentera d'environ 50 p. 100 les prestations maximales de retraite. Le maximum actuel est de 13 110 $. En dollars d'aujourd'hui, le RPC bonifié assurera une augmentation d'environ 7 000 $, qui portera les prestations maximales à quelque 20 000 $.

De plus, le projet de loi et l'entente qu'il met en œuvre donneront aux particuliers et aux employeurs tout le temps nécessaire pour s'adapter à cette modeste augmentation, qui sera appliquée progressivement à partir de 2019.

[Français]

Le Régime de pensions du Canada cadre bien avec le marché de l'emploi qui est en évolution du Canada. Il aide à combler l'écart découlant de la diminution de la couverture des régimes de pension offerts par les employeurs, et il est transférable d'un emploi d'une province à l'autre, ce qui favorise la mobilité de la main-d'œuvre.

[Traduction]

Cet accord reflète aussi d'importants enjeux touchant l'économie et la création d'emplois. D'après notre analyse, la hausse des prestations de retraite du RPC fera monter la demande et accroîtra globalement l'épargne. Elle stimulera la production économique et permettra de disposer de plus d'argent à investir.

Le ministère des Finances estime que le produit intérieur brut augmentera de 0,05 à 0,09 p. 100 à long terme.

Les niveaux d'emploi devraient en outre croître d'une manière permanente de 0,03 à 0,06 p. 100, ce qui représente environ 6 000 à 11 000 emplois sur la base des niveaux de 2015.

L'augmentation du revenu de retraite provenant du RPC devrait sensiblement réduire le pourcentage de familles qui risquent de ne pas avoir suffisamment économisé pour leur retraite ainsi que la mesure dans laquelle elles auront sous- épargné.

Si le projet de loi est adopté tel quel, nous nous attendons, une fois que le régime aura atteint sa pleine maturité, à ce que la part des familles qui risquent de ne pas avoir suffisamment économisé baisse d'un quart, passant de 24 à 18 p. 100. Cela signifie très simplement que les Canadiens disposeront de plus d'argent pendant leur retraite.

[Français]

Monsieur le président, est-ce vraiment étonnant qu'une grande majorité de Canadiens, soit 75 p. 100, appuie la bonification du Régime de pensions du Canada qui accordera à leurs enfants, à leurs petits-enfants et aux générations futures une meilleure sécurité financière à leur retraite?

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous remercie encore une fois de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier nos partenaires, partout dans le pays, de leur participation.

Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Je voudrais rappeler à mes collègues qu'ils devront se limiter à une seule question par tour, sans questions complémentaires. Si vous avez une question complémentaire, vous devrez attendre le tour suivant pour la poser.

À cause de la nature de cette réunion, qui doit servir à l'examen d'un projet de loi du gouvernement, la première question sera posée par le parrain et la deuxième, par la porte-parole pour le projet de loi.

À vous, sénateur Dean.

Le sénateur Dean : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je profite de l'occasion pour remercier les fonctionnaires du ministère des Finances et d'autres ministères qui ont organisé pour nous des séances d'information et nous ont communiqué d'excellents renseignements.

Monsieur le ministre, il est évident que vous avez travaillé fort, de concert avec vos collègues du pays, pour en arriver en juin dernier à un consensus sur la bonification du RPC. Il est également évident que les discussions ont nécessité de faire d'importants compromis. Il y a donc eu collaboration, mais aussi compromis. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les préoccupations soulevées au sujet de l'approche adoptée pour modifier le RPC ainsi que sur les principaux éléments de la discussion qui ont favorisé les compromis au cours des entretiens?

M. Morneau : Très volontiers. Je vous remercie de votre question.

Pour revenir à la discussion, je dirais, en réponse à votre question, qu'on n'arrive pas à une entente dans le cadre de laquelle neuf provinces participantes sur neuf donnent leur accord sans avoir d'intenses discussions et sans convenir de travailler tous ensemble afin d'aboutir à une conclusion.

Pour nous, le point de départ consistait à considérer le tableau d'ensemble. Le premier enjeu, qui est aussi le plus important, c'est que le gouvernement fédéral et les provinces participantes ont convenu de l'existence d'un véritable défi. Pendant la dernière génération, nous avons très bien réussi à atténuer la pauvreté parmi les aînés, mais il reste encore beaucoup à faire. En fait, le défi sera encore plus grand pour les gens à l'avenir à cause de la baisse de la couverture des régimes de pension d'employeur. Il y avait un consensus sur cet enjeu comme point de départ de notre dialogue. Cela nous a permis d'élaborer quelque chose de sensé.

Il y a cependant eu d'importants sujets de discussion qui nous ont permis d'aboutir à l'entente finale. Il est utile de mentionner cet égard que nous avions tout un souci commun : il ne fallait pas adopter des améliorations à moins d'être persuadés qu'elles amélioreraient la situation des gens qui en ont sérieusement besoin et n'imposeraient pas un fardeau supplémentaire, surtout aux plus vulnérables.

Lorsque nous avons envisagé d'augmenter les prestations du Régime de pensions du Canada, nous voulions être sûrs que la situation des Canadiens les moins nantis ne serait pas moins bonne, compte tenu des prestations actuelles de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti. Cet enjeu a fait l'objet d'une discussion animée autour de la table.

Le gouvernement fédéral a proposé alors une hausse de la Prestation fiscale pour le revenu de travail afin d'éviter que la situation des plus vulnérables n'empire. En fait, nous nous attendons à ce que leur situation s'améliore grâce à l'augmentation des prestations du RPC. Par conséquent, c'est une initiative importante qui a amené les gens à convenir que nous aidions vraiment les gens que nous souhaitions aider.

Le deuxième enjeu était aussi important. Nous avons réfléchi à la façon de mettre en œuvre les améliorations, compte tenu du fait que nous demandions aux particuliers et aux entreprises d'épargner davantage. Il était donc nécessaire d'échelonner les mesures à prendre pour éviter des augmentations trop rapides. Certaines provinces, comme l'Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador, qui doivent affronter une situation économique difficile, voulaient en particulier s'assurer que les sommes supplémentaires à placer dans le RPC seraient prélevées d'une manière progressive afin de ne pas avoir des répercussions immédiates sur les salariés et les employeurs.

Nous avons ainsi abouti à la conclusion, d'abord, que nous ne devrions commencer que le 1er janvier 2019 afin de donner aux gens le temps de s'adapter et, ensuite, que nous étalerions les améliorations sur une période de huit ans. Ainsi, les particuliers et les employeurs auraient tout le temps nécessaire pour se préparer à épargner davantage.

Je crois que cela décrit raisonnablement bien les discussions qui ont eu lieu. Je tiens à dire qu'il y avait dans la salle une atmosphère très positive et très orientée sur l'avenir. Nous étions tous fiers d'avoir réussi à atteindre un but que les politiciens ont souvent de la difficulté à réaliser : prendre des mesures essentiellement destinées à une génération non représentée à la table de négociation. C'est la raison pour laquelle nous étions tellement satisfaits des résultats auxquels nous avons abouti.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le ministre, de votre présence au comité. Je remercie également vos collaborateurs.

Je crois que les Canadiens ne sont pas au courant de la distinction à faire entre le RPC de base et le RPC supplémentaire ou RPC 2. Cela soulève un certain nombre de questions au sujet de la transparence de cette mesure législative et du risque d'investissement qu'elle implique, surtout quand quelqu'un comme Mark Machin, président et chef de la direction de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, dit qu'il espère pouvoir investir dans les infrastructures canadiennes une fois que votre gouvernement aura créé la Banque de l'infrastructure du Canada.

Les prestations du nouveau RPC 2 sont censées être pleinement capitalisées, ce qui signifie que les Canadiens devront compter sur leurs cotisations et le rendement des fonds placés en leur nom pour être sûrs de recevoir les prestations promises.

Monsieur le ministre, les Canadiens n'obtiendront pas les pleines prestations du régime avant les années 2050, mais votre gouvernement commencera à leur prendre de l'argent et à l'investir par l'entremise de l'Office d'investissement du RPC beaucoup plus tôt que cela.

Avez-vous l'intention d'utiliser le RPC 2 pour vous acquitter de vos engagements en matière d'infrastructures avec l'argent des retraités?

M. Morneau : Je vous remercie de votre question. Si j'ai bien compris, la question comporte deux parties.

Premièrement, en ce qui concerne le RPC bonifié que nous espérons mettre en place avec votre appui, nous avons, comme vous l'avez dit, défini deux éléments qui constitueront le RPC futur : le RPC de base et le RPC bonifié. Les deux éléments seront traités séparément. L'actuaire en chef produira des rapports sur le financement du RPC de base. Comme vous le savez sans doute, il a déjà signalé que cet élément a une solide assise financière pour les 75 prochaines années au moins.

Le second élément du régime doit être entièrement capitalisé. Nous nous attendons donc à ce que les prestations du RPC bonifié viennent du financement qui sera mis en place grâce aux cotisations des employeurs et des salariés. C'est ainsi que le financement se fera.

Pour ce qui est de la seconde partie de la question, la responsabilité d'investir l'argent sera assumée par l'Office d'investissement du RPC. Lorsque l'office fera des placements dans le RPC de base ou le RPC bonifié, il cherchera à obtenir des rendements correspondant au passif qu'il cherchera à couvrir. Bien sûr, il tiendra compte de la nature différente des différentes catégories d'investissements dans le cadre de ses responsabilités.

Il lui appartiendra de choisir les placements les plus appropriés. Je suppose qu'il le fera de la même façon qu'il l'a fait jusqu'ici, mais je n'ai pas à dicter directement à l'office ce qu'il a à faire. Je m'attends à ce qu'il fasse preuve de prudence dans son approche, comme il l'a fait dans le passé. L'office a su gagner le respect en faisant des investissements très réussis au nom des Canadiens, aussi bien dans des actions que dans des produits de placement à long terme et des infrastructures.

Pour ce qui est de la Banque de l'infrastructure que nous sommes en train de créer, cette approche a pour but de trouver un moyen de donner aux fonds de pension et aux investisseurs institutionnels la possibilité de faire des placements dans les infrastructures canadiennes. Si l'Office d'investissement du RPC décide d'investir dans ce domaine, il le ferait comme tout autre investisseur, qu'il s'agisse d'un fonds de pension canadien ou international.

Ce n'est donc pas une chose que nous recherchons ou encourageons. Nous allons simplement établir une approche permettant d'investir dans des infrastructures qui, nous l'espérons, auront avec le temps une influence positive sur la capacité productive du Canada.

Le sénateur Eggleton : Monsieur le ministre, tout d'abord, je voudrais vous féliciter. Ce n'est pas tous les jours qu'un ministre fédéral s'entend avec ses homologues des provinces pour présenter aux Canadiens un important projet de loi comme celui-ci. Par conséquent, félicitations.

M. Morneau : Les questions difficiles viennent toujours après.

Le sénateur Eggleton : Passons maintenant aux statistiques. Vous avez dit que le taux de remplacement du revenu passera d'un quart à un tiers et qu'en définitive, une fois les deux régimes combinés, les prestations augmenteront de 50 p. 100. Vous avez cependant ajouté qu'il faudra 40 ans pour en arriver là. C'est une excellente nouvelle pour les jeunes qui commencent à travailler et qui pourront en profiter quand ils seront prêts à partir à la retraite. Il y a cependant des gens qui ont déjà des difficultés à joindre les deux bouts. Comme vous l'avez vous-même signalé, les régimes de pension d'employeur diminuent. Les employeurs passent des prestations déterminées aux cotisations déterminées. Les taux d'intérêt que les gens peuvent obtenir sur leurs économies sont faibles. Tous ces facteurs et d'autres font qu'il est difficile pour les gens d'économiser. Il y a aussi les dettes accumulées, de sorte qu'il est difficile pour les gens de mettre plus d'argent de côté. Bref, les gens sont serrés aujourd'hui et le resteront pendant un certain nombre d'années. Qu'est- ce que cela impliquera dans les 40 années qu'il faudra attendre avant d'atteindre le but ultime des prestations complètes?

M. Morneau : C'est une bonne question. Je vous en remercie. Je crois qu'il sera important pour nous de prendre un peu de recul pour parler de notre approche globale de la sécurité de la retraite et des difficultés que les Canadiens âgés affrontent.

Nous pouvons commencer par reconnaître que le régime mis en place dans les années 1960 a très efficacement réduit l'insécurité parmi les retraités. La création du Régime de pensions du Canada et son développement au fil des ans, de même que les changements apportés à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti, ont donné des résultats très concrets.

En fait, même si les retraités connaissent encore d'importants problèmes, le niveau de pauvreté parmi eux est sensiblement inférieur à celui qu'on trouve parmi les gens en âge de travailler. Par conséquent, nous ne devons pas relâcher notre attention.

Nous avons adopté une approche à trois volets. Nous avons commencé par une hausse de la prestation complémentaire du Supplément de revenu garanti parce que nous nous rendons compte que, parmi les aînés, ce sont ceux qui vivent seuls — il s'agit en majorité de femmes — qui ont le plus de difficultés. C'est l'une des premières choses que nous avons faites dans le budget 2016, en augmentant la prestation complémentaire d'un montant pouvant atteindre 943 $. C'est un changement important et immédiat pour un très grand nombre d'aînés qui connaissent des conditions difficiles.

Nous avons changé l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse. Bien sûr, comme vous le savez, la pension de vieillesse est particulièrement importante pour les Canadiens à revenu faible et moyen. Au-delà, elle est liée au revenu. L'âge d'admissibilité avait été précédemment relevé à 67 ans. Nous l'avons rétabli à 65 ans. Ainsi, les Canadiens à revenu moyen en particulier pourront en profiter quand ils auront besoin d'un revenu de retraite. Enfin, il y a l'augmentation du Régime de pensions du Canada.

Nous n'essayons pas de dire qu'il ne faudra plus continuer à chercher des moyens d'améliorer la situation des Canadiens indépendamment de leur âge et du stade qu'ils ont atteint, mais nous croyons avoir eu une importante influence positive sur la sécurité des aînés à moyen terme et, bien sûr, à long terme pour la prochaine génération, grâce à la bonification du RPC.

La sénatrice Frum : Monsieur le ministre, vous avez mentionné dans votre exposé que les hausses obligatoires des cotisations au RPC et des charges sociales correspondantes ne commenceront pas avant 2019 et seront introduites progressivement sur une période de huit ans. Vous avez également dit que cela aidera les gens à se préparer pour une épargne accrue. Si l'accroissement de l'épargne est une si bonne chose, pourquoi les gens ont-ils besoin de se préparer? Pourquoi retardez-vous autant la mise en œuvre? Pourquoi ne commençons-nous pas tout de suite?

M. Morneau : Je vous remercie de votre question. Je crois que la meilleure façon d'y répondre consiste à revenir à la question posée par le sénateur Dean : quels éléments a-t-il fallu considérer pour en arriver à une entente pouvant convenir à tout le pays?

Nous avons cherché des moyens de mettre le nouveau régime en place pour que les avantages, qui ne seront ressentis qu'à long terme, ne soient pas annulés par l'incapacité des gens de commencer à épargner tout de suite. C'est essentiellement la raison.

Pour que les organisations soient prêtes et puissent verser les cotisations demandées, nous avons pensé qu'il serait bon de leur donner du temps. Surtout dans les régions du pays qui ont actuellement d'importantes difficultés économiques, nous voulions que les organisations aient du temps pour se préparer. C'est ainsi que nous avons décidé de commencer en 2019. En étalant les hausses, il devenait possible de faire les choses d'une manière ordonnée pour les particuliers et les employeurs en leur permettant d'intégrer ces hausses dans leur planification commerciale.

C'est la conclusion à laquelle nous avons abouti parce qu'il était très important pour nous d'avoir des résultats à long terme. Nous étions conscients de la nécessité d'agir d'une manière qui offre les plus grandes possibilités à long terme sans avoir des répercussions négatives à court et à moyen terme.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre présence au comité.

D'après votre exposé et les notes d'information que nous avons reçues du ministère, la période de notification de deux ans ainsi que la période de sept ans dans laquelle les cotisations monteront progressivement donneront aux entreprises le temps de s'adapter, ce qui a atténuera les effets à court terme sur le PIB et l'emploi. Comment les petites entreprises vont-elles s'adapter? Comment pourront-elles affronter ces changements? Quelles répercussions prévoyez- vous sur l'économie?

M. Morneau : Je vous remercie.

Nous avons fait une analyse économique. Je laisserai Glenn vous en parler plus tard si vous souhaitez avoir plus de détails sur les effets des changements et l'épargne accrue. Je répéterais seulement qu'il y aura davantage d'économies dans le système. Nous voulons nous assurer que cela aura un effet positif à long terme. Après tout, nous avons affaire ici à une initiative à long terme. Elle aura des effets positifs sur les gens avec les années parce qu'ils se trouveront dans une meilleure situation. Nous avons été heureux de constater que, d'après notre examen économique, il y aurait effectivement des incidences positives à long terme.

Pour ce qui est de l'adaptation des petites entreprises — je dirais même de toutes les entreprises — à ce changement, nous nous attendons à ce qu'elles s'adaptent en faisant une planification appropriée. Comme nous avons prévu une longue période de transition et une application très progressive, les entreprises s'adapteront tout comme elles s'adaptent à l'évolution de la rémunération avec le temps. Elles réfléchiront à la façon de faire tout en poursuivant leur chemin vers le succès commercial.

Nous prévoyons qu'avec le temps, ces entreprises se trouveront en définitive en meilleure position. Le fait pour les employés de se sentir plus en sécurité et de pouvoir envisager la retraite avec plus de sérénité non seulement les rendra plus efficaces dans leur travail, mais améliorera leurs chances de garder plus longtemps leur emploi, ce qui aurait des effets positifs généraux sur l'économie. C'est ce que nous ont révélé nos recherches.

Glenn, je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter.

Glenn Purves, directeur général, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances Canada : Non, je n'ai pas grand-chose à ajouter, sauf que le modèle que nous avons utilisé dans nos recherches est très semblable à celui qu'utilisent la Banque du Canada et le Fonds monétaire international. Nos résultats sont aussi assez proches de ceux que le Conference Board du Canada a obtenus en faisant des recherches de même nature sur d'autres régimes.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence au comité. Ma question porte sur les politiques d'investissement de l'Office d'investissement du RPC. Je voudrais savoir en particulier si le ministère des Finances donne des directives ou des conseils à l'office au sujet de ces politiques.

M. Morneau : Non.

La sénatrice Raine : Vous avez dit, dans votre exposé préliminaire, que nous obtiendrons certains résultats « une fois que le régime aura atteint sa pleine maturité ». Qu'est-ce que cela signifie exactement? À quel moment pensez-vous que le régime aura atteint sa pleine maturité?

M. Morneau : Je vais essayer de préciser parce qu'il y a deux façons de penser à la pleine maturité. On pourrait dire que le régime aura atteint la pleine maturité lorsque les cotisations des employés et des employeurs auront monté jusqu'au maximum prévu. Si nous attribuons ce sens à l'expression, nous atteindrons la pleine maturité en 2025, année au cours de laquelle les cotisations plafonneront.

On pourrait aussi interpréter l'expression du point de vue individuel, c'est-à-dire lorsque les gens auront contribué à leur régime de pension pendant 40 ans. Le régime sera alors à « pleine maturité » sur le plan individuel parce que les prestations auront atteint leur pleine valeur.

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur le ministre, je voudrais avoir des renseignements sur la disposition d'exclusion. J'aimerais savoir s'il est exact que le projet de loi C-26 ne prévoit pas d'appliquer aux nouvelles prestations de retraite la disposition d'exclusion qui existe actuellement dans le RPC pour l'invalidité et les années passées à élever des enfants. Si elle figure dans le projet de loi, pouvez-vous me dire à quel endroit? Si elle n'y figure pas, pourquoi avez- vous décidé de l'exclure?

M. Morneau : Je peux vous dire qu'elle ne figure pas dans le projet de loi. Au cours des négociations sur la bonification du Régime de pensions du Canada, nous avons bien établi que nous souhaitons améliorer le régime pour tous les Canadiens.

Nous reconnaissons que les Canadiens les plus vulnérables sont ceux qui n'ont pas un régime de pension ou qui ne sont pas susceptibles d'en avoir à l'avenir. Si vous y pensez, vous vous rendrez compte que les femmes sont représentées dans ce groupe d'une manière disproportionnée, de même que les personnes qui ont perdu leur régime de pension privé.

Lorsque nous avons essayé d'assurer les prestations les plus élevées au plus grand nombre possible de personnes, tout en respectant les ententes conclues au sujet de la hausse prévue des cotisations, nous avons abouti au régime prévu dans le projet de loi.

J'ai déjà dit officiellement qu'une fois que nous aurons mis en place cette amélioration initiale, nous continuerons à chercher d'autres moyens d'améliorer le RPC lui-même ainsi que les dispositions bonifiées. J'ai l'intention de présenter aux ministres provinciaux des Finances, en décembre prochain, les dispositions d'exclusion applicables aux femmes et aux personnes handicapées, dans le cadre des efforts constants d'amélioration du régime au profit des personnes qui en ont le plus besoin.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question ressemble beaucoup à celle de la sénatrice Nancy Ruth. Comme plusieurs, j'ai été un peu surprise d'apprendre que, dans une certaine mesure, les oubliés de ce plan étaient les femmes ou les hommes qui décidaient de quitter le marché du travail pour élever leurs enfants, ainsi que les personnes handicapées. Je sais que vous avez déjà répondu en partie à cette question, mais j'aurais aimé que vous puissiez nous en dire davantage pour m'aider à comprendre quelle est la source de cet oubli ou de cette carence dans ce plan, et quelle est votre vision et votre plan de match pour rectifier la situation.

M. Morneau : Je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter. Pour nous, ce n'est pas un oubli. C'était notre décision de prévoir l'augmentation la plus importante ou la meilleure amélioration possible en augmentant le niveau des primes. Nous étions toujours d'avis que c'était plus important pour les gens qui ne participent pas en ce moment à un régime de pension privé. D'ailleurs, c'est important pour une grande partie de la population, mais plus particulièrement pour les femmes. Donc, nous sommes actuellement dans une situation où l'amélioration du Régime de pensions du Canada va davantage profiter aux femmes qu'aux hommes, c'est un fait.

Mais, comme je l'ai dit, à l'avenir, nous allons poursuivre notre objectif d'avoir un programme qui fonctionne pour tous les Canadiens et les Canadiennes. De plus, dans le cadre des dispositions que vous avez mentionnées, nous allons consulter les ministres des Finances des provinces pour déterminer comment nous pouvons prévoir une deuxième amélioration.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai encore des questions à poser au sujet des deux fonds distincts. Au cours des 10 dernières années, l'Office d'investissement du RPC a dépassé les indices de référence dans six années, mais s'est situé en deçà dans les quatre autres. L'office a admis que les indices de référence peuvent être un peu trompeurs. Ils sont moins risqués que le portefeuille du fonds et, en tenant compte du risque, le portefeuille n'a probablement pas atteint le rendement visé.

J'ai maintenant l'impression qu'avec le nouveau régime bonifié, vous demandez aux Canadiens d'accepter un niveau de risque supérieur pour leurs pensions. Ne serait-il pas plus facile de les laisser placer eux-mêmes leurs propres économies et d'améliorer les moyens qu'ils ont d'épargner leur propre argent?

M. Morneau : Je vous remercie encore pour votre question. Vous êtes très bonne pour poser des questions à deux volets. Je vais peut-être commencer par répondre à la seconde partie, à savoir : aurait-il mieux valu laisser les Canadiens gérer leurs propres économies?

J'aurais bien voulu que les Canadiens gèrent leur propre retraite d'une façon qui leur permet d'affronter les difficultés de leur famille, mais c'est là un espoir et non une stratégie. Les résultats que nous pouvons constater aujourd'hui et ce que nous prévoyons clairement pour demain nous montrent qu'il est peu vraisemblable, dans de nombreuses situations, que les gens économisent assez pour leur retraite.

Comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, il est parfaitement clair que beaucoup de Canadiens se trouvent aujourd'hui ou se trouveront demain dans une situation où leurs économies ne sont pas suffisantes pour leur assurer une retraite décente. Eux-mêmes et leur famille risquent donc des difficultés que nous aimerions éviter si possible.

Notre problème était de trouver un moyen de cibler les gens les plus susceptibles d'avoir des difficultés. Comme je l'ai mentionné, nous avons eu recours à la Prestation fiscale pour le revenu de travail à l'intention de ceux qui auront vraisemblablement besoin du Supplément de revenu garanti et de la Sécurité de la vieillesse compte tenu de leurs gains avant la retraite. Nous avons soigneusement couvert ce groupe. De même, pour les gens qui se situent dans les tranches de revenu supérieures, nous n'avons pas cru nécessaire de les encourager à épargner davantage. Nous nous sommes donc surtout souciés de ceux qui se trouvent au milieu. Nous avons essayé d'être judicieux. C'est pour cette raison que nous en sommes arrivés à un consensus entre le gouvernement fédéral et neuf provinces.

Pour ce qui est de l'Office d'investissement du RPC, nous avons examiné les résultats, tout comme l'actuaire en chef l'a fait. Sur une longue période, l'office a eu beaucoup de succès comme véhicule d'investissement du Canada.

Lorsque je voyage dans le monde dans le cadre des fonctions que j'assume au nom des Canadiens, il y a beaucoup de gens qui constatent le succès de l'office et de quelques autres organismes de placement des pensions du secteur public canadien et qui les considèrent comme des modèles à suivre pour obtenir un bon rendement au nom des citoyens.

Je n'ai pas la possibilité de confirmer les chiffres que vous avez présentés. D'après ces chiffres, nous avons penché d'un côté pendant six ans, puis de l'autre pendant quatre ans. C'est un résultat auquel on peut s'attendre dans le cas de n'importe quel régime de pension parce que les taux de rendement varient d'une année à l'autre. On s'attend cependant à constater des résultats positifs sur une longue période. En fait, c'est bien ce que le Régime de pensions du Canada a réalisé pour les Canadiens. À long terme, le rendement est bon. Comme le dit l'actuaire en chef, c'est à cela que les Canadiens peuvent s'attendre compte tenu des objectifs que nous avons fixés pour le régime.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie d'avoir répondu à ma première question, en signalant particulièrement les améliorations apportées au SRG et le rétablissement de l'admissibilité à 65 ans. Je crois que ce sont de bonnes réalisations, mais il ne faut pas perdre de vue que des gens à revenu moyen risquent de voir baisser leur niveau de vie d'ici 40 ans.

J'avais l'intention de vous parler de la disposition d'exclusion touchant les femmes et les personnes handicapées, mais je me limiterai à m'associer à ce qu'a dit la sénatrice Petitclerc.

Il y aura deux fonds, l'un pour le régime actuel et l'autre pour le régime supplémentaire. Quels avantages et inconvénients y a-t-il à cette façon de procéder? J'aurais cru que la mise en commun des fonds était préférable du point de vue de l'investissement. Je conviens de la qualité de l'investissement, mais quel avantage avons-nous à avoir deux fonds distincts?

M. Morneau : Tout d'abord, je répondrai à la question de savoir s'il y a un avantage à combiner les deux fonds. La façon dont le RPC investira l'argent relève bien sûr des responsables de l'office, mais je n'ai pas l'impression que les contraintes imposées par l'existence de deux fonds distincts, RPC 1, si on veut l'appeler ainsi, et RPC 2, gêneront l'office. Je laisserai évidemment le président de l'Office d'investissement du RPC le confirmer, mais je ne crois pas que le fait d'avoir deux fonds distincts causera des problèmes ou empêchera l'office de placer un investissement quelconque dans l'un ou l'autre. Je ne pense donc pas qu'il y ait un inconvénient sérieux.

Quant au fonctionnement à long terme de l'office, je m'attends à ce qu'il produise des résultats positifs pour les Canadiens. À notre avis, il est utile de montrer aux Canadiens d'une façon très claire que le second fonds, c'est-à-dire le RPC bonifié, est pleinement capitalisé pour que personne n'ait l'impression qu'il y a des transferts intergénérationnels comme il y en a eu pour de bonnes raisons dans le cas du RPC initial. C'est donc l'un des facteurs dont nous avons tenu compte. Nous croyons que c'est une bonne décision qui contribue à renforcer la confiance dans le programme.

La sénatrice Frum : Monsieur le ministre, vous avez dit dans votre exposé préliminaire que 75 p. 100 des Canadiens approuvent le renforcement du RPC. Je voudrais vous demander de quelle façon il est possible de faire le lien entre ce chiffre et les résultats d'une enquête réalisée en août 2016 par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et IPSOS. D'après cette enquête, 70 p. 100 des salariés canadiens s'opposent à une hausse des cotisations au RPC et 83 p. 100 n'appuient pas l'expansion du régime si elle amène les employeurs à réduire les salaires pendant la période d'application progressive de sept ans.

La même enquête révèle que les Canadiens préfèrent les REER et les CELI — dont votre gouvernement a réduit le plafond de cotisation — à des hausses obligatoires des cotisations au RPC. D'après les projections de votre ministère, ces hausses freineront notre économie entre 2016 et 2035.

M. Morneau : Je ne suis certainement pas en mesure de discuter des résultats d'une enquête particulière. Je peux dire cependant que notre objectif est d'affronter le problème très réel que connaîtront à l'avenir les Canadiens qui n'économisent pas assez.

L'approche de politique publique consistant à utiliser le Régime de pensions du Canada comme moyen de faire face à ce problème est, à notre avis, efficace. Le régime est bien connu des Canadiens. Comme je l'ai dit, nous pouvons y recourir de façon à préserver l'équité intergénérationnelle. Cela nous permet de poursuivre dans une voie qui, pour moi, est un bel exemple canadien de réussite. Nous nous occupons de la pauvreté chez les aînés en traitant les personnes âgées de notre société comme elles espèrent elles-mêmes être traitées. C'est ainsi que nous avons agi au cours des deux dernières générations. Nous suivons donc l'exemple des gens qui ont vraiment pris de bonnes décisions, il y a deux générations, et continuons à avancer vers une bonne retraite pour les Canadiens.

La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, j'aimerais revenir à la question que j'ai posée tout à l'heure au sujet des petites entreprises. J'ai bien compris que vous prévoyez une période d'adaptation et que vous vous attendez à ce que les choses aillent bien pour elles et pour leurs employés à l'avenir. De toute évidence, vous vous attendez cependant à des répercussions aux premiers stades. Quels sont donc les effets négatifs que vous prévoyez pour les petites entreprises et, bien sûr, pour les grandes sociétés qui seraient également touchées? Il est possible, par exemple, que leur compétitivité en souffre à l'échelle internationale.

M. Morneau : Je crois qu'en collaboration avec les provinces, nous avons conçu un bon plan de mise en œuvre très progressive de cette bonification du Régime de pensions du Canada. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les grandes et les petites entreprises fassent des plans pour s'adapter au changement des cotisations au RPC. Nous croyons que les employés seront aussi en mesure de se préparer.

Là où les employeurs ont déjà un régime de pensions, je m'attends à ce que certains envisagent des moyens d'intégrer les deux programmes de façon à améliorer la situation des employés en fonction de leurs besoins.

Quant aux employeurs qui n'ont actuellement aucun régime de pension, ils auront vraisemblablement à verser progressivement des contributions plus élevées au Régime de pensions du Canada. Je crois qu'il y aura de multiples répercussions.

Je peux cependant vous dire, d'après l'expérience que j'ai acquise au cours d'une carrière consacrée aux pensions, que l'un des avantages évidents, c'est que les employés seront plus sûrs de ce qui les attend après la retraite. J'espère que cela se répercutera positivement sur leur rendement professionnel. Nous verrons bien quels seront les effets dynamiques de ce changement, mais il est bien possible que les résultats soient positifs pour les employeurs s'ils veulent attirer des employés compétents et les garder assez longtemps.

Comme je l'ai dit, je m'attends à des résultats positifs à long terme. Personnellement, je crois aussi qu'il y aura des résultats positifs à court et à moyen terme à mesure que se manifesteront les effets positifs parmi les groupes d'employeurs.

La sénatrice Raine : Puis-je poser une question à deux volets?

M. Morneau : Beaucoup l'ont fait sans demander la permission.

La sénatrice Raine : Je m'inquiète beaucoup pour les jeunes qui commencent. Les étudiants qui sont allés à l'université sont déjà très endettés. Les prix montent sans cesse, les impôts augmentent et les emplois sont moins stables. Mon grand souci, c'est que les cotisations des gens au RPC vont augmenter de 1 000 $ par an. Cela n'arrivera pas tout de suite, mais ce sera le cas dans cinq ans. Ils auront beaucoup plus de déductions sur leur salaire.

Et, en fin de compte, les prestations qu'ils recevront à la retraite n'augmenteront pas tellement. Je me demande donc : comment le gouvernement peut-il être si sûr de pouvoir tirer un meilleur rendement de cet argent que les intéressés eux-mêmes, s'ils s'adressent au secteur privé et ont recours à des conseillers dans le cadre d'un régime enregistré d'épargne-retraite ou d'un compte d'épargne libre d'impôt? À l'heure actuelle, l'argent qui sera déduit de leur salaire devra être prélevé sur ce qu'ils auraient pu investir eux-mêmes dans leur propre régime d'épargne. Bref, qu'est-ce qui garantit que le gouvernement obtiendra un meilleur résultat que le secteur privé?

M. Morneau : C'est une question importante. Nous avons la même préoccupation que vous : les jeunes — et particulièrement ceux qui entrent actuellement ou qui entreront à l'avenir dans la population active sont moins susceptibles d'avoir un régime de pension d'employeur. Ils seront donc plus vulnérables que ne l'étaient les gens qui les ont précédés.

Les difficultés que connaissent les jeunes sont aggravées par la nature changeante du marché du travail. Par conséquent, nous nous efforçons d'assurer aux jeunes de meilleurs débouchés professionnels à long terme, mais nous devons comprendre qu'au moins certains d'entre eux auront à passer d'un emploi à l'autre pendant que nous essayons d'améliorer la situation économique non seulement pour qu'il y ait davantage d'emplois à long terme, mais aussi pour augmenter l'accès des gens à la formation et à l'acquisition de nouvelles compétences. C'est un défi. Cela signifie que même ceux qui arrivent à décrocher un emploi comprenant un régime de pension d'employeur pourraient ne pas garder leur emploi assez longtemps pour bénéficier de la couverture. C'est un grand défi.

Nous craignons que ces gens se retrouvent dans bien des cas sans régime de pension et sans économies suffisantes pour avoir une retraite décente. Ce sont les faits. Oui, dans bien des cas, les gens n'ont pas suffisamment d'économies.

Par conséquent, nous ne prétendons pas que le RPC bonifié déchargera les gens de la responsabilité d'épargner pour eux-mêmes. Dans beaucoup de cas, ils voudront quand même avoir sensiblement plus que 33 p. 100 de leurs gains à leur retraite. Ils auront donc besoin d'économiser davantage. Ce programme leur donnera une base à partir de laquelle nous pourrons nous assurer qu'ils épargnent assez.

Nous croyons que c'est une bonne chose de couvrir les gens qui ne mettent pas suffisamment d'argent de côté et, en particulier, les jeunes qui ne font pas d'économies assez tôt pour profiter pleinement des intérêts composés sur leur épargne. Ce programme leur assure une bonne base dès le début de leur carrière.

Je voudrais aussi vous rappeler que nous faisons beaucoup d'autres choses pour améliorer la situation des jeunes. Nous avons augmenté de 50 p. 100 les subventions aux étudiants en les faisant passer de 1 200 $ à 1 800 $ pour les Canadiens à faible revenu et de 800 $ à 1 200 $ pour les Canadiens à revenu moyen. De plus, ils n'ont pas à rembourser les prêts étudiants avant d'avoir trouvé un emploi à plein temps à un salaire annuel de 25 000 $ ou plus.

Nous avons donc mis en œuvre plusieurs moyens d'atteindre cet objectif. L'un des moyens les plus importants est la bonification du Régime de pensions du Canada, qui assurera un plus grand revenu de retraite que ce n'était le cas auparavant.

Le président : Monsieur le ministre, je crois que nous devons nous arrêter à 15 h 15. Vous est-il possible de rester cinq minutes de plus?

M. Morneau : Je ne peux vraiment pas. Il faut que je parte.

Le président : Dans ce cas, nous allons passer à la sénatrice Nancy Ruth.

La sénatrice Nancy Ruth : Très rapidement, monsieur le ministre. Je suis sûre que le projet de loi a été soumis à une ACS+ parce qu'il s'agit d'une mesure législative et que le BCP l'impose. Pouvez-vous déposer cette analyse chez notre greffière?

Monsieur, vous avez eu l'amabilité de dire dans le budget que vous veillerez à la transparence de l'ACS+. Est-ce que cet engagement s'étend à tous les projets de loi d'exécution du budget qui seront déposés à l'avenir?

M. Morneau : Je veux être sûr avant de m'engager à n'importe quoi.

Le 28e rapport actuariel contient des renseignements sur les répercussions liées au sexe tant du RPC de base que du RPC bonifié, n'est-ce pas?

Jean-Claude Ménard, actuaire en chef, Bureau de l'actuaire en chef, Bureau du surintendant des institutions financières du Canada : C'est exact.

M. Morneau : Cela a été facile.

M. Ménard : Voici le 28e rapport qui traite du RPC bonifié. Le 27e rapport présente des renseignements sur le régime de base. Par conséquent, ce rapport peut vous renseigner sur le RPC de base et cet autre, sur le RPC bonifié.

Si vous examinez les projections financières, vous verrez que les femmes verseront près de 45 p. 100 des cotisations totales et recevront 50 p. 100 des prestations. Leur part est plus importante. Toutefois, nous avons au moins toute l'information répartie selon le sexe, de sorte que vous pouvez comparer les incidences sur les hommes et les femmes. Cela suffit-il?

La sénatrice Nancy Ruth : Et qu'en est-il de l'invalidité, de la race et de toutes les autres caractéristiques comprises dans l'ACS+? Vous pouvez m'en parler plus tard.

M. Morneau : Pour ce qui est de la seconde question concernant notre budget, on m'a posé de très nombreuses questions au cours de la période de préparation du budget sur ce que nous comptions faire et comment. Cela est important. Comme c'est le cas pour tant d'autres questions qu'on me pose pendant la période d'établissement du budget, je ne suis pas encore prêt à répondre. Il y aura cependant une réponse qui viendra au moment opportun.

Le président : Merci, sénatrice.

Une voix : [Note de la rédaction : inaudible]

M. Morneau : Si je n'ai pas fait ce budget? Je regrette, mais je ne comprends pas.

Une voix : [Note de la rédaction : inaudible]

M. Morneau : Si je l'ai fait, je ne retire certainement rien, mais je suis prudent dans mes promesses.

Le président : Nous pourrons vérifier et faire un suivi.

Monsieur le ministre, nous apprécions beaucoup votre présence. Je ne vous ai posé aucune question, non parce que le projet de loi n'est pas important, mais parce je l'ai lu attentivement et que j'ai examiné toutes les notes d'information. Je crois que mes collègues ont posé d'importantes questions qui mettent en évidence les aspects qui ont causé des préoccupations et des incertitudes chez les gens.

Nous comprenons que vous ne puissiez rien garantir à long terme, mais il est possible de se fonder sur des attentes raisonnables. Je crois que nous avons eu une très bonne réunion avec vous aujourd'hui. Je vous en remercie, ainsi que les fonctionnaires qui vous accompagnent. Je remercie aussi mes collègues pour la pertinence générale de leurs questions.

(La séance est levée.)

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