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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 15 - Témoignages du 8 février 2017 (première séance)


OTTAWA, le mercredi 8 février 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, afin de poursuivre son étude sur le rôle de l'automatisation dans le système de santé, notamment de la robotique, de l'intelligence artificielle et de l'impression 3D.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je vais commencer par demander à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Eggleton: Art Eggleton, vice-président du comité et sénateur de Toronto.

La sénatrice Merchant: Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Dean: Tony Dean, Ontario.

La sénatrice Raine: Nancy Greene Raine, sénatrice de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Stewart Olsen: Je suis Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman: Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le président: Je vous rappelle que nous poursuivons notre étude sur le rôle à venir de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé. Nous tenons la troisième réunion de notre étude à ce sujet. Nous avons entamé cette étude la semaine dernière, et notre programme a débuté le 1er février.

Nous entendrons parler aujourd'hui de recherche menée dans le domaine de la robotique à l'Université de Toronto et à l'Université de Calgary. J'ai le grand plaisir d'accueillir nos témoins. Je les inviterai à parler dans l'ordre de la liste que j'ai ici.

J'invite d'abord MmeGoldie Nejat, directrice de l'Institut de robotique et de mécatronique, titulaire de Chaire de recherche du Canada sur les robots dans la société.

Goldie Nejat, directrice de l'Institut de robotique et de mécatronique, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les robots dans la société, Université de Toronto, à titre personnel: Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.

Je me spécialise en recherche et développement de la robotique depuis près de 20 ans. Je vais vous parler un peu des objectifs de notre recherche ainsi que ceux d'autres applications robotiques utilisées en soins de santé.

Je suis professeure agrégée à l'Université de Toronto, et nous avons fondé l'Institut de robotique et de mécatronique. L'institut invite à l'université des chercheurs de réputation mondiale pour qu'ils collaborent à des projets de recherche. Il vise aussi à utiliser le plus efficacement possible les technologies transformatrices pour le développement de la robotique. Nous offrons également des programmes d'enseignement de premier et de deuxième cycle aux étudiants qui désirent enrichir leurs connaissances en robotique.

Il est merveilleux que les Canadiens vivent plus longtemps grâce aux progrès qu'a faits notre pays dans le domaine de la santé. Pour aider la population vieillissante et le reste des Canadiens, il faut que nous abordions deux problèmes de taille. Le premier est l'augmentation considérable du nombre de gens qui ont besoin de soins, et le deuxième est le manque actuel de ressources humaines dans nos hôpitaux et dans nos établissements de soins de santé.

Il est donc nécessaire de trouver des technologies qui pourront nous aider. La robotique est cruciale, car elle nous permet de répondre aux besoins de notre système de soins de santé. Cette technologie peut apporter des solutions aux problèmes socioéconomiques comme le vieillissement de la population, le manque de travailleurs de la santé, l'augmentation des coûts des soins de santé ainsi que la surcharge de travail des fournisseurs de soins. En outre, le domaine de la santé a récemment fait un virage vers les soins axés sur les personnes, auxquels les robots peuvent aussi apporter leur contribution. Les robots augmenteront considérablement la qualité des soins et réduiront le stress et la fatigue des soignants. Outre les avantages évidents qu'ils apporteront aux patients et à leurs familles, ils réduiront les coûts du secteur gériatrique qui, selon un rapport publié en 2016, s'élèveront à 850 milliards de dollars d'ici à 2019. D'ici à 2020, le marché de la robotique en soins de santé vaudra 11,5 milliards de dollars... et elle n'en est qu'à ses premiers pas.

À l'heure actuelle, nous utilisons couramment les robots dans nos hôpitaux, dans nos établissements de santé et dans nos maisons. Ils transforment indéniablement le système de santé mondial. La robotique d'assistance s'est particulièrement bien développée. Ces robots améliorent la qualité de vie des personnes qui vivent avec un handicap physique ou cognitif. Nous élaborons aussi des robots qui aident les gens handicapés socialement. Les robots d'assistance aident directement ces personnes à accomplir des tâches de la vie quotidienne. Ils aideront aussi les soignants naturels en réduisant leur charge de travail. Ils allégeront les fardeaux physiques et même émotionnels des soignants professionnels et naturels et leur feront gagner du temps. Ils réduiront la charge de travail des soignants ainsi que les tâches et les thérapies épuisantes, répétitives et profondément intenses qu'ils doivent effectuer. Ces robots répondront directement à la demande de services et réduiront les coûts croissants des soins de santé. Ils nous permettront aussi de fournir des soins de santé à divers endroits, notamment dans les régions éloignées du Canada. Ils contribueront ainsi à alléger cet aspect du fardeau de notre système de santé.

Le domaine de la santé compte déjà plusieurs applications très efficaces de la robotique. Citons par exemple les robots de transport et de livraison autonomes qui livrent du matériel et des fournitures afin d'améliorer la productivité des services de logistique dans les hôpitaux. Il s'agit de plateformes mobiles qui se déplacent continuellement dans les locaux de l'hôpital pour apporter des médicaments, des draps de lit, des repas et des instruments. Leur plus grand avantage est qu'elles effectuent ce travail dans les hôpitaux avec des gens; elles aident le personnel à accomplir ses tâches quotidiennes. Les robots s'occupent de la livraison, et le personnel peut se concentrer sur les soins aux patients. Les robots TUG que l'Université de Californie a installés à l'hôpital Mission Bay de San Francisco en sont un excellent exemple.

Les robots de téléprésence sont eux aussi très prometteurs. Ils permettent aux médecins et aux infirmières de surveiller leurs patients à distance. Par exemple, depuis l'hôpital de Toronto où il se trouve, un médecin peut surveiller un patient dans un hôpital de Winnipeg. La téléprésence répond à un besoin important, celui de permettre aux médecins de surveiller leurs patients situés dans des régions rurales. Ces robots ouvrent l'accès aux soins des médecins, des infirmières et des spécialistes en optimisant leurs horaires, ce qui leur permet de voir un plus grand nombre de patients. On les utilise déjà aux États-Unis dans les unités de soins intensifs et aux services des urgences. Au Canada, la communauté autochtone de Pelican Narrows utilise le robot de téléprésence Rosie pour relier les patients d'une clinique éloignée à des fournisseurs de soins et à des médecins qui se trouvent à des heures de là. Ces robots de téléprésence ont aussi l'avantage de relier les patients aux membres de leur famille et à leurs amis, ce qui contribue à réduire l'incidence de la dépression et de l'isolement social.

Les résultats d'une analyse des coûts menée par le département américain des Anciens combattants indiquent que depuis que les hôpitaux de réadaptation appliquent des thérapies dirigées par des robots — surtout des thérapies physiques —, les coûts des soins de santé ont diminué de 33 p.100 en neuf mois seulement. Le nombre des visites aux cliniques externes et de réadmissions à l'hôpital a aussi décru.

La robotique avantage aussi beaucoup les soins à domicile, qui coûtent souvent moins cher que les soins hospitaliers. Son application à domicile est très efficace parce qu'elle s'étend sur plusieurs domaines. En effet, les robots peuvent aider les personnes âgées à accomplir leurs tâches quotidiennes afin de leur laisser plus de temps pour se livrer à des activités de loisir qui les stimulent intellectuellement et socialement.

Au cours de ces 10 dernières années, mon équipe s'est concentrée sur l'élaboration de robots d'assistance sociale afin d'améliorer la qualité de vie et le niveau de soins des personnes âgées. Nous nous penchons aussi sur les services aux personnes de cette population qui sont atteintes de handicaps cognitifs et de démence causés par exemple par la maladie d'Alzheimer ou par un AVC. Nous élaborons des robots que nous intégrerons dans des domiciles, dans des établissements de soins de longue durée et dans des foyers pour personnes âgées afin d'enrichir nos connaissances sur les interventions sociales et cognitives auprès de ces personnes pour développer les technologies robotiques.

Les résultats d'une étude menée sur la démence indiquent que nous faisons face à la pandémie d'un trouble qui ne se guérit pas. La Société Alzheimer du Canada prédit que 1,1 million de Canadiens seront directement ou indirectement atteints de démence. Les soins aux Canadiens atteints de démence coûtent chaque année 10,4 milliards de dollars. Ces personnes nécessitent des services médicaux, sociaux et préventifs.

Les robots d'assistance sociale peuvent fournir une aide ciblée en accomplissant par exemple des tâches de la vie quotidienne, en branchant les gens à leurs réseaux sociaux, en déclenchant des mesures de sécurité ou en effectuant des interventions cognitives. Ce sont aussi des technologies de prévention qui permettent aux personnes âgées de passer chez elles les dernières années de leur vie. Nous avons concentré le développement de ces robots d'assistance sur les activités quotidiennes d'entretien personnel — faire sa toilette, s'habiller, préparer ses repas, manger — ainsi que sur des activités plus enrichissantes comme des loisirs qui stimulent les capacités sociales et cognitives. Citons par exemple des jeux solitaires de mémoire ou des activités de groupe comme le bingo qui favorisent aussi l'interaction sociale entre de nombreuses personnes. Ces interactions sont tout à fait naturelles; à notre avis, c'est un facteur très important. Nos robots peuvent afficher des expressions du visage, du langage corporel, différents tons de la voix et parler tout en aidant la personne à accomplir ses tâches quotidiennes. En se comportant de façon naturelle, la personne peut déterminer les intentions de son robot et lui faire part de ses propres intentions. Cette population d'usagers aura ainsi moins de difficulté à apprendre à utiliser cette technologie. Nous supposons généralement que cette population n'a aucune expérience de l'usage de cette technologie. Nous nous concentrons sur l'interaction naturelle afin que les usagers acceptent cette technologie et apprennent sans peine à s'en servir.

L'une des caractéristiques principales de nos robots est le fait qu'ils ne touchent à rien. Autrement dit, ils n'accomplissent pas les tâches pour les utilisateurs, mais ils les motivent et les encouragent à chaque étape de la tâche. Ils soutiennent ainsi l'indépendance et le vieillissement tout en renforçant les capacités de leurs utilisateurs. Nous visons à entretenir et à renforcer le fonctionnement social, cognitif et affectif qu'il reste à ces personnes tout en leur procurant le plaisir de communiquer avec leur robot.

Ces robots pourront ainsi soutenir la nouvelle tendance de soins axés sur le patient, pour lesquels on établit des plans personnalisés. Ils pourront interagir en fonction des capacités et des préférences de chaque patient ainsi que de son humeur et de ses émotions de la journée. Les robots sont tout à fait en mesure de discerner les difficultés qu'éprouvent les utilisateurs en effectuant une activité et d'adapter leur comportement pour les aider à accomplir la tâche. Les robots apprennent avec le temps à évaluer le comportement de leur utilisateur afin de l'encourager à accomplir ses tâches tout en surveillant ses capacités. Nous y parvenons en configurant l'intelligence artificielle placée dans ce que nous appelons le «cerveau» du robot.

Au cours des années, avec nos robots d'assistance sociale, nous avons organisé de nombreux groupes de réflexion et mené des études auprès des utilisateurs et auprès de personnes âgées, de leurs familles et de leurs soignants. Cette étape est cruciale pour assurer l'adoption de cette technologie dans tous les secteurs de la société. Nous veillons ainsi à faire participer tous les intervenants à la phase de conception afin que nos robots répondent aux besoins et aux désirs de la société et des personnes qui les utiliseront. Les résultats de nos études sont prometteurs, car les deux groupes reconnaissent l'utilité potentielle de ces robots, qui soutiendront le bien-être de notre population vieillissante en lui fournissant des services médicaux et sociaux. La majorité des répondants soulignaient l'importance primordiale des capacités sociales de ces robots.

La robotique d'assistance est une technologie émergente qui apportera de nombreux avantages aux patients et à leurs soignants. Il est important de soutenir et de développer cette innovation robotique au Canada dans les milieux universitaires, industriels et cliniques. L'Université de Toronto compte la robotique parmi ses domaines stratégiques prioritaires. Nous avons accumulé une masse critique dans ce secteur, car nous savons que cette technologie exercera une influence indéniable sur notre avenir.

En conclusion, je tiens à souligner que nous participons actuellement à une course concurrentielle mondiale dans le domaine de la robotique. Le Japon, la Corée, les États-Unis, la Chine et l'Union européenne ont tous établi une stratégie nationale de robotique, notamment sur ses applications dans le domaine de la santé. Le Canada n'a pas encore défini le rôle qu'il compte jouer au sein de cette course effrénée. Le gouvernement devrait lancer des initiatives similaires bien financées pour promouvoir une innovation canadienne qui apportera des avantages directs à notre santé, à notre économie et à notre société. Nous disposons déjà des spécialistes, de l'expertise et de la motivation nécessaires pour réussir dans ce domaine de la robotique.

Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à m'adresser au comité. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, madame Nejat. Je me souviens maintenant qu'en vous présentant, je n'ai pas indiqué votre affiliation à l'université. Vous l'avez mentionnée, mais je veux qu'elle figure officiellement au dossier. Vous êtes directrice de l'Institut de robotique et de mécatronique de l'Université de Toronto. Je vous présente toutes mes excuses.

Je vais maintenant passer la parole au Dr Garnette Sutherland, professeur de neurochirurgie à l'Université de Calgary.

Dr Garnette Sutherland, professeur de neurochirurgie, Université de Calgary, à titre personnel: Merci. C'est un grand honneur de comparaître devant ce comité sénatorial sur l'automatisation dans les soins de santé.

On m'a demandé de présenter les subtilités technologiques de la robotique chirurgicale et de la robotique guidée par l'image du neuroArm.

Pourquoi la robotique? Couplée à l'imagerie, la robotique nous fait progresser vers des interventions chirurgicales moins invasives. Il est bien établi — et nous en convenons tous — que les patients qui subissent des interventions chirurgicales moins invasives obtiennent des résultats plus rapides et plus positifs que ceux qui subissent les mêmes opérations effectuées d'une manière plus invasive.

La technologie mécanique est intrinsèquement plus précise et plus exacte que la coordination œil-main humaine, mais lorsqu'elle est couplée à la capacité d'exécution ou à l'expérience d'un chirurgien, elle crée la meilleure combinaison d'ingénierie, de science et de médecine.

Au cours du développement du neuroArm, un robot neurochirurgical guidé par l'image, fruit d'une collaboration entre l'Université de Calgary et le cabinet Macdonald, Dettwiler and Associates, le poste de travail — et je souligne cette notion de poste de travail — d'où le chirurgien contrôle les manipulateurs robotiques a rassemblé plusieurs nouvelles idées relatives à la création technologique et aux soins de santé.

Qu'est-ce que cela veut dire? En créant ou en recréant la vue, le son et le toucher de la chirurgie sur un poste de travail distant, nous avons créé une plateforme de simulation chirurgicale — la simulation de la procédure —, d'enregistrement des données numériques qui permet de reproduire un cas et, plus important encore, de normaliser les soins. Les techniques mises au point en aéronautique pour créer des zones d'exclusion et d'avertissement de force ont permis d'augmenter la sécurité des chirurgies. En outre, les forces de dissection chirurgicale ont été quantifiées, ce qui a permis de créer un enregistrement numérique de la procédure chirurgicale à des fins de formation, de protection et de documentation.

Cela ressemble à ce que l'entreprise canadienne CAE a mis au point il y a de nombreuses années pour l'industrie du transport aérien, où l'erreur n'a pas sa place parce que les enjeux sont trop élevés. Les pilotes et leurs dossiers de vol sont constamment surveillés. Compte tenu des coûts et des risques connexes, pourquoi ne l'appliquerait-on pas aux chirurgiens?

Grâce aux progrès continuels des domaines du génie et des sciences, les chirurgiens disposeront de mécanismes et de possibilités auxquelles nous n'avions encore jamais pensé: la capacité de voir ce qui est normalement invisible, d'entendre l'inaudible et de palper l'imperceptible — autrement dit, la réalité augmentée.

Dans ce contexte, le paradigme de l'automatisation sera inévitable: le préenregistrement des caractéristiques de la vue, du son et du toucher optimisera et dirigera la technologie robotisée de façon à cibler automatiquement les cellules et les tissus anormaux.

Les diverses technologies d'imagerie comme la tomodensitométrie et l'imagerie par résonance magnétique dotent les chirurgiens de la capacité unique de voir à l'intérieur du corps. En jumelant l'imagerie à la navigation ou à la technologie GPS, il devient possible de localiser une cible, de planifier la chirurgie, d'opérer avec précision et, par conséquent, d'en assurer la qualité.

Honorables sénateurs, les robots sont maintenant présents dans la salle d'opération, et les interfaces homme- machine à la fine pointe de la technologie continueront d'influencer l'exécution des interventions chirurgicales et la prestation des soins de santé.

Quelle incidence les robots peuvent-ils avoir sur les coûts des soins de santé? Nous sommes tous conscients des coûts croissants que les provinces assument pour la prestation des soins de santé. Si la technologie augmente ces coûts, elle constitue aussi une solution possible. Comment? Les systèmes robotiques médicaux sont des solutions idéales de prestation et d'uniformisation des soins. Grâce à sa précision et son exactitude, la robotique soutient la tendance vers des procédures moins invasives. Les patients se rétabliront ainsi plus rapidement, la durée de leur séjour à l'hôpital diminuera et ils retourneront au travail plus tôt. Tous ces facteurs auront une incidence positive sur nos systèmes socioéconomiques.

La robotique fournit une empreinte numérique des opérations chirurgicales pour les documenter et les évaluer, comme le fait l'industrie du transport aérien. On peut simuler une opération; les chirurgiens peuvent s'exercer à effectuer une procédure avant de se trouver dans la salle d'opération, ce qui améliore la sûreté et l'efficience des soins et leur permet de tracer à l'avance le plan de la procédure.

Nous avons entendu parler des robots dirigés à distance. La téléchirurgie et ce qu'on appelle le télémentorat pourraient nous relier à des nations et à des collectivités moins accessibles dans le monde à des fins pédagogiques et médicales.

La robotique avec apprentissage machine — appelée aussi intelligence artificielle — permettrait de présenter des rétroactions en temps réel afin d'atténuer les risques et d'automatiser des interventions chirurgicales.

À mesure que mûriront la conception et l'utilisation des systèmes robotiques — et nous ne doutons aucunement de cela —, la chirurgie deviendra plus minimaliste et normalisée, de sorte que les interventions pourraient bien passer des centres de soins tertiaires coûteux à des cliniques communautaires plus abordables. Nous avons observé ce paradigme il y a bien des années dans le cas des opérations de la cataracte.

Partout dans le monde, un nombre croissant d'instituts, d'entreprises et de particuliers s'emploient à faire progresser la technologie robotique au moyen de la recherche et du développement. L'ingénierie et l'informatique avancées créeront une combinaison fluide de solutions matérielles et logicielles qui produiront un robot intelligent, agile et compact capable de réaliser une intervention chirurgicale sans perturber le microenvironnement biologique normal.

Nous envisageons d'élaborer une plateforme robotique commune qui comprenne différents ensembles d'outils, certains peut-être imprimés en 3D, servant à différentes applications chirurgicales. Nous visons aussi à produire un poste de travail intelligent et bien pensé — je reviens à cette notion de poste de travail — conçu de manière à parfaire le contrôle robotique et le traitement des données numériques et à fournir au chirurgien une rétroaction en temps réel.

Pour être adopté partout, ce système doit être économique, à l'instar de la transformation des ordinateurs coûteux de première génération en appareils mobiles à faible coût dotés d'interfaces efficaces, intuitives et populaires que nous portons tous dans notre poche.

En terminant, je profite de cette occasion pour souligner le fait que le Canada se trouve en tête de file de la recherche et du développement dans le secteur de la robotique. N'avons-nous pas produit le Canadarm et Dextre qui se trouvent sur la Station spatiale internationale, une plateforme qui reflète si bien la collaboration internationale? En alliant notre robotique spatiale à l'expertise en simulation de CAE, nous progresserons continuellement, nous maintiendrons notre excellence en matière d'innovation technologique, et nous dépasserons toutes les attentes.

Je vous remercie de votre intérêt.

Le président: Merci beaucoup à tous les deux. Je vais passer la parole à mes collègues, en commençant par le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton: Merci beaucoup à tous les deux. Vous avez abordé le système de soins de santé de deux angles différents — l'un du domaine de la chirurgie, et l'autre du point de vue des soins individuels fournis aux patients.

Ma première question s'adresse à Mme Nejat. Vous avez parlé d'utiliser des robots d'assistance à domicile pour des services de soins de santé et des services sociaux. J'ai deux ou trois questions à vous poser à ce propos. Est-ce réaliste d'imaginer cela chez des particuliers? Ces robots sont-ils très chers? Quelle forme auraient-ils, comment seraient-ils construits? Quelle serait leur résistance? Vous avez beaucoup parlé de personnes âgées, notamment de gens atteints de démence. Ces gens craignent-ils ou rejettent-ils ce genre de chose? Je vous pose trois questions en une au sujet de l'acceptation de ces robots, de leur coût et des différents types de robots dont vous nous parlez et que vous nous avez décrits.

Mme Nejat: Je vais m'attaquer à la première question.

L'installation de ces robots chez des particuliers n'est pas si lointaine. Dans 5 à 10 ans, un grand nombre de ces robots passeront en milieu domiciliaire.

Ces robots se présentent sous des formes très diverses. On vend déjà des animaux de compagnie robotiques qui apportent du réconfort et de la compagnie thérapeutiques. Et puis, évidemment, il y a le robot à l'aspect humain doté d'intelligence artificielle capable de surveiller les gens et d'interagir comme le feraient des humains. Cette technologie est en plein développement.

Leurs coûts baissent, parce que nous trouvons différentes façons de les produire. L'impression 3D a considérablement réduit les coûts, tout comme la production en série des éléments technologiques. Je collabore avec des représentants de l'industrie pour réduire les prix à 5000$ ou à 2000$ pour qu'ils soient abordables et qu'ils attirent de très nombreux acheteurs.

Votre dernière question a trait à la résistance. Elle est très intéressante. Initialement, en menant nos études et en organisant nos groupes de réflexion, nous voulions savoir ce que les gens pensaient de l'utilisation de robots. La majorité des gens perçoivent les robots en fonction de ce qu'ils voient à la télévision et au cinéma. Par conséquent, quand nous avons amené nos robots dans des établissements de soins de longue durée et dans des foyers pour retraités afin de montrer à quoi ils ressemblent et comment ils se comportent, les gens ont complètement changé leur perception des robots et de l'usage qu'ils voudraient en faire. C'est crucial. Les personnes âgées comprennent que si elles ont besoin d'aide et qu'elles n'ont personne qui leur fournisse régulièrement de l'aide, elles pourraient se tourner vers cette technologie et décider des manières de l'utiliser. Ces constatations ont vraiment calmé leurs craintes des robots, de l'aspect qu'ils peuvent avoir et de leur manière de se comporter avec les gens.

Le sénateur Eggleton: Vous nous parlez de la forme qu'ils peuvent avoir, comme un animal de compagnie robotique. Quelles autres formes peuvent avoir les robots qui fournissent des soins médicaux aux personnes âgées, et non pas uniquement du réconfort?

Mme Nejat: Certains ont aussi une forme humaine. Ils sont dressés sur une plateforme mobile et peuvent se déplacer dans le domicile de la personne. Ils ont des bras et un visage. Certains sont dotés d'un écran de tablette qui affiche de l'information ou qui se branche à la téléprésence, tout comme Skype sur des roulettes. Nous leur donnons ces formes pour qu'ils puissent manipuler des objets, comme ramasser un verre ou une assiette ou faire des signes avec les bras.

Le sénateur Eggleton: Alors vous pensez que bientôt, disons dans 5 à 10 ans, ces robots seront assez abordables pour que les gens puissent les avoir à domicile afin de répondre à leurs besoins domestiques?

Mme Nejat: Oui, les coûts de cette technologie ont considérablement baissé. Une grande partie des actionneurs et des capteurs que l'on utilise dans les robots se vendent en magasin. C'est ce qui en réduit le coût. Évidemment que quand nous pourrons fabriquer ces robots et les ordinateurs qui contiennent leur intelligence artificielle en série, les coûts baisseront énormément.

Le sénateur Eggleton: Docteur Sutherland, il semblerait que le neuroArm soit l'équivalent du Canadarm — il est lui aussi assez cher — en chirurgie. L'a-t-on beaucoup utilisé, jusqu'à présent? Est-ce que les hôpitaux d'un peu partout au pays l'utilisent? Où en êtes-vous dans ce domaine, et s'est-il avéré efficace dans les salles d'opération jusqu'à présent?

Dr Sutherland: Le neuroArm a servi dans plus de 70 cas, et tous nécessitaient une intervention neurochirurgicale complexe. Le neuroArm sert à affiner la procédure ou divers éléments de l'intervention, notamment dans le cas de l'ablation d'une tumeur de l'interface neuronale, ou pour effectuer une ablation entre une malformation vasculaire et l'interface neuronale. Le neuroArm s'est avéré extrêmement utile.

Nous avons confié la technologie du neuroArm à une entreprise, qui a produit un neuroArm de seconde génération qu'elle a nommé SYMBIS. Après avoir déménagé aux États-Unis, cette entreprise a fait face à certaines — disons — mésaventures économiques. Elle se concentre maintenant sur sa technologie d'imagerie pour se pencher à nouveau sur sa plateforme robotique. Le FDA a approuvé l'application stéréostatique de ce robot de seconde génération du neuroArm, donc on pourra bientôt le lancer sur le marché.

Pour en revenir à votre petite question de tout à l'heure, les services d'urgence utilisent des robots fabriqués au Japon. On les utilise dans les services d'urgence des hôpitaux pédiatriques. Il y en a un à Calgary qui aide à la pose de cathéters en divertissant l'enfant. Le robot parle à l'enfant dès son entrée à la salle d'urgence. Les enfants aiment beaucoup ce système. On a mené de nombreuses études comparant l'expérience habituelle des enfants à celle des enfants qui avaient subi ce que j'appellerais un cathétérisme cardiaque avec l'assistance d'un robot. Les résultats indiquent que les robots d'assistance adoucissent beaucoup l'épreuve des enfants.

Un fabricant allemand produit aussi un robot qui s'assemble lui-même. Il est similaire au système robotique du neuroArm, et vous pouvez l'acheter pour environ 10000$. Ce robot est plus intéressant, parce qu'il s'assemble lui- même, ce qui rappelle beaucoup ce qu'on voit au cinéma. Cet autoassemblage du robot en réduit le prix. Dès que le nombre d'acheteurs se multiplie, les prix baissent. C'est ma réponse à l'une de vos questions.

Dans le cas du neuroArm, la troisième génération que nous produisons est beaucoup plus compacte et économique. Il faut que nous puissions le vendre pour quelques milliers de dollars — disons pour moins de 10000$ —; il ne doit pas coûter un million de dollars.

La sénatrice Seidman: Madame Nejat, je voudrais poursuivre sur le thème de la troisième question du sénateur Eggleton, l'acceptation des robots. Vous avez souligné l'importance d'utiliser l'intelligence artificielle — dans le cas qui nous occupe, la robotique — pour permettre aux personnes âgées de vieillir chez elles. Je comprends et je reconnais que vu les changements démographiques auxquels nous nous attendons, ce problème devient monumental. Il est évident que l'utilisation de la robotique à cette fin est extrêmement intéressante.

Vous nous avez dit que vous aviez organisé des groupes de réflexion et mené des études auprès des utilisateurs. Voudriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Mais d'abord, que pensez-vous des résultats de quelques études effectuées très récemment à ce sujet?

On a mené une étude sur l'acceptabilité de la technologie d'intelligence artificielle. Il s'agissait d'un système de captage intelligent sans-fil conçu pour détecter le plus tôt possible les troubles de santé des personnes âgées qui vivent chez elles. C'est une étude menée en Suisse dont les résultats viennent d'être publiés. Ils indiquent que la majorité des participants ont trouvé ce système difficile à utiliser et qu'autant les patients que leurs soignants se sont heurtés à de multiples obstacles en essayant de l'utiliser.

La Rehabilitation Engineering and Assistive Technology Society of North America a aussi mené une étude, dont les résultats ont indiqué qu'il faudra attendre encore longtemps avant qu'un robot puisse accomplir les nombreuses activités physiques nécessaires pour aider une personne âgée à vivre chez elle en autonomie.

J'ai fait quelques recherches sur l'acceptation, et je voudrais que vous nous disiez ce que vous en pensez vous-même, si vous voulez bien.

Mme Nejat: Tout d'abord, soulignons la différence primordiale qui distingue les réseaux de capteurs et la robotique, l'incarnation interactive. Les robots sont des systèmes contenus dans un corps physique qui évoluent dans le milieu avec lequel ils interagissent. Cette situation est extrêmement différente de celle des capteurs installés passivement dans la maison. Vous n'avez aucune interaction avec les capteurs, mais eux vous surveillent.

Nous avons là un avantage important de la robotique: l'utilisateur voit le robot et peut communiquer avec lui. Il s'agit d'un nouveau domaine qui se développe très rapidement, l'interaction homme-robot, ou la conception de robots qui peuvent interagir avec les gens. Pour en revenir à l'étude dont vous parlez, je ne sais pas exactement ce que les participants n'ont pas aimé de cette technologie ou de l'adaptation à cette technologie, mais je crois que c'est la raison pour laquelle les gens acceptent mieux la robotique.

Cette interaction naturelle est cruciale. Les utilisateurs n'ont pas besoin d'apprendre à en utiliser la technologie. Il est très facile de communiquer avec le robot, c'est la même interaction que celle que vous avez avec vos amis et avec les membres de votre famille. Il est donc beaucoup plus facile d'apprendre à le faire. Ils utilisent directement la technologie au lieu de passer un temps fou à s'y familiariser. Cette technologie est active: quand vous avez besoin du robot, il vient vers vous. Il peut vous suivre partout où vous allez au lieu de rester passif dans votre domicile.

Parlant de l'autre étude, vous avez tout à fait raison de souligner la difficulté du multitâche. Jusqu'à présent, les robots ont très bien su accomplir — je dirais même qu'ils sont fantastiques pour cela — une tâche unique avec exactitude et de façon répétée, comme dans le secteur de la fabrication. C'est pourquoi l'intelligence artificielle est cruciale pour leur enseigner, pour qu'ils apprennent le multitâche et les tâches à accomplir. C'est exactement sur quoi nous — et de nombreux chercheurs partout dans le monde — nous concentrons: enseigner des tâches de base à un robot afin qu'il apprenne à accomplir ces tâches tout en les adaptant aux capacités de son utilisateur. L'IA est très efficace pour cela.

La sénatrice Seidman: Je comprends votre explication sur la différence entre la passivité et l'interaction. En dirigeant vos groupes de réflexion et en menant vos études, avez-vous entendu des critiques? Quelle information avez- vous tirée de ces études? De quelles façons les utilisateurs, c'est-à-dire les patients et leurs soignants, contribuent-ils au développement de ces technologies?

Mme Nejat: Je vais répondre d'abord à la deuxième partie de votre question. Ils y contribuent dès le début. Nous dirigeons des groupes de réflexion. Nous donnons aux participants une idée de la fonctionnalité et de l'apparence du robot, ou alors nous leur présentons un robot que nous envisageons d'améliorer ou auquel nous voulons enseigner de nouvelles tâches, et nous lançons la conversation. Ensuite, à partir des commentaires des participants, nous élaborons les capacités du robot, puis nous le ramenons pour effectuer des études auprès des utilisateurs en demandant à ces mêmes participants d'interagir avec le robot.

C'est un cycle de conception. Les utilisateurs participent au cycle de conception du début à la fin. À mon avis, c'est une méthode très efficace, car ils ont l'occasion de voir la technologie et de déterminer les caractéristiques qu'ils désirent. Nous pouvons ainsi les inclure dans le robot au lieu de nous concentrer sur des caractéristiques qu'ils ne trouvent pas aussi efficaces une fois qu'ils interagissent avec le robot.

La première partie de votre question porte aussi sur les résultats des études que nous avons menées auprès des utilisateurs.

La sénatrice Seidman: Quels types de critiques vous ont-ils présentés?

Mme Nejat: Elles sont intéressantes. La première préoccupation des utilisateurs auxquels nous montrons nos robots est de savoir qui s'en occupera quand ils seront chez eux. Seront-ils en mesure de suivre les cycles de soins dans les foyers, notamment dans les établissements de soins de longue durée et dans les maisons de retraite? La question posée le plus souvent est comment intégrer les robots dans le cycle de soins. Au sujet des critiques, parlez-vous seulement de critiques sur l'utilisation des robots?

La sénatrice Seidman: Les critiques des soignants et des patients eux-mêmes.

Mme Nejat: Au début, je vous dirai que les soignants craignaient plus que les personnes âgées d'interagir avec les robots. Mais il était très important de leur amener les robots. J'ai l'impression qu'ils pensent parfois que ces robots accompliront toutes leurs tâches. Les gens ont très peur que les robots leur volent leur emploi. Mais en interagissant avec le robot, ils voient de quoi il est capable et comprennent que le robot ne va pas les remplacer, mais les aider. Par exemple, les soignants qui participaient à l'un de nos groupes de réflexion nous ont dit qu'ils avaient des tâches à confier au robot, comme de venir leur rappeler de vérifier les patients qui sont cloués au lit. En effet, ces soignants sont tellement occupés qu'ils oublient souvent de vérifier l'état de ces patients une fois par heure. Ils ont demandé à ce que le robot le fasse pour eux.

Comme la population de Toronto est très multilingue, certaines personnes nous demandent si le robot parle plusieurs langues afin de les aider à communiquer avec les résidents d'établissements de soins de longue durée.

À mon avis, il était très utile que les utilisateurs voient le robot et ses capacités afin de déterminer celles qui leur seraient utiles.

La sénatrice Stewart Olsen: Madame Nejat, pourriez-vous nous raconter exactement comment votre visite avec le robot à cet établissement de soins de longue durée s'est déroulée, et ce que vous avez fait?

Mme Nejat: Bien sûr, avec plaisir. Nous avons mené une interaction en deux parties. Nous avons d'abord dirigé des groupes de réflexion composés seulement de soignants, puis des groupes de réflexion composés de personnes âgées et des membres de leurs familles.

La sénatrice Stewart Olsen: Excusez-moi de vous interrompre, mais comment les participants aux groupes de réflexion vous posaient-ils leurs questions? Comment organisiez-vous ces séances? Est-ce que vous ameniez les robots avec les patients pour qu'ils interagissent, ou est-ce que vous ne les ameniez que dans un groupe de réflexion et attendiez que les participants vous demandent ce qui arriverait si...?

Mme Nejat: Nous faisions plutôt une démonstration. Nous amenions les robots, mais avant de laisser les participants interagir avec eux, nous leur montrions les capacités du robot. Nous avions aussi des vidéos démontrant les capacités des robots et d'autres choses. Nous lancions une discussion ouverte sur les caractéristiques que les participants voudraient trouver dans ce robot, pourquoi et comment il pourrait les aider. Nous discutions de son apparence et de sa fonctionnalité. Nous posions ces questions à tout le groupe; à ce stade, nous ne discutions pas en personne avec les participants.

La sénatrice Stewart Olsen: Est-ce que vos groupes de réflexion se composaient principalement de soignants, ou y invitiez-vous aussi des patients?

Mme Nejat: Les deux. Dans le cadre d'une étude menée dans les deux établissements, nous avions un groupe de réflexion composé de soignants auquel nous avons posé les mêmes questions, puis nous avons dirigé un groupe de personnes âgées auquel nous avions aussi invité les membres des familles.

La sénatrice Stewart Olsen: Pourriez-vous me donner un exemple de question que vous posiez aux participants de ces groupes de réflexion?

Mme Nejat: Bien sûr. Notre robot Tangy était l'un des robots les plus simples. Il avait été conçu pour interagir avec des groupes de personnes, et non avec un seul utilisateur. Nous voulions qu'il anime des activités de loisir. En amenant Tangy, nous avons demandé aux participants quelles activités ils voudraient que Tangy anime. Pendant la journée, à quelles activités pensez-vous que vous auriez du plaisir à faire avec Tangy, et quelles caractéristiques ce robot devrait-il avoir, selon vous, pour faire ces activités? C'est ainsi que nous avons conçu notre activité de bingo, pour laquelle nous avons configuré les caractéristiques et les comportements du robot.

[Français]

La sénatrice Mégie: J'ai deux questions. Voici la première: parmi les personnes que vous rencontrez dans le cadre des soins de longue durée, quelle approche avez-vous adoptée avec les personnes qui présentent des troubles cognitifs ou de démence? Si je vous demande cela, c'est parce que, avec la génération actuelle des personnes qui souffrent de démence et qui, dans leur jeune âge, n'étaient pas habituées, par exemple à une douche téléphone, quand on veut leur donner le bain, elles deviennent paniquées et ont peur de la douche téléphone. Elles ont perdu leur capacité d'apprentissage, donc elles ne peuvent rien programmer. Comment vous y êtes-vous pris avec cette clientèle dans le cadre de l'étude?

[Traduction]

Mme Nejat: Merci d'avoir posé cette question.

En fait, nos études étaient des groupes de concertation, donc des discussions ouvertes avec des particuliers. Dans la plupart des cas, nous discutions avec des gens présentant une déficience cognitive légère, parce que nous avions besoin de leur rétroaction. Dans le cas des personnes présentant une déficience modérée ou plus grave, nous nous tournions vers les membres de la famille pour obtenir cette rétroaction. C'est d'ailleurs dans ces situations que nous nous concentrions sur la technologie et l'utilisation de cette dernière.

Je pense que présentement, notre tâche est beaucoup plus difficile, parce que les adultes plus âgés que nous voulons aider n'ont pas nécessairement grandi avec la technologie ou ne prévoient pas l'utiliser plus tard ou ne l'ont pas utilisée plus ils avançaient en âge. Si nous réussissons à amener ces gens à interagir avec un robot qui interagit naturellement, comme le font les gens, alors je pense que ce sera facile pour chaque génération qui suit. Voilà pourquoi nous tenons à ce que le robot communique naturellement, à l'aide d'une communication verbale et non verbale, de sorte qu'aucune programmation n'est nécessaire.

[Français]

La sénatrice Mégie: Mon autre question porte sur la téléprésence. À l'heure actuelle, sans robot, avec des moyens comme la vidéoconférence, on peut obtenir les services d'un cardiologue à distance. Le médecin fait entendre les battements du cœur et le cardiologue peut donner son opinion. On envoie une lésion de la peau, et on peut donner une opinion et formuler un traitement.

À la maison, pour protéger les personnes âgées qui peuvent tomber et qui sont seules, il y a un système qui ne coûte pas cher, soit environ 60$ par mois. Si la personne fait une chute, le système lui parle: «Comment allez-vous? Êtes- vous éveillé? Pouvez-vous me parler? Je vais appeler quelqu'un; soyez sans inquiétude.» Et le service appelle quelqu'un. Cependant, il ne s'agit pas de robotique. Quelle serait la valeur ajoutée de la robotique dans un tel contexte?

[Traduction]

Mme Nejat: Vous posez une excellente question. Ce qu'il y a de magnifique avec la robotique, c'est qu'elle est mobile; les robots se déplacent. Lorsque vous parlez du système, par exemple, il se trouve en un endroit et il a un angle de vision à cet endroit. Si une personne tombe dans la salle de bains et que le système ne s'y trouve pas, il ne peut pas déceler la chute, tandis qu'un robot peut surveiller plusieurs pièces, parce qu'il se déplace dans son environnement. Il s'agit d'un excellent avantage.

Pour ce qui est de la téléprésence dont vous parliez auparavant, dans le cadre de certaines études, on a remis des tablettes à des adultes plus âgés pour communiquer avec les membres de leur famille qui ne sont pas auprès d'eux. Ils communiquent par Skype ou d'autres technologies. Il faut de la motivation de la part de l'utilisateur pour ouvrir la tablette, aller au programme logiciel nécessaire, se brancher, et cetera. Il est très important de ne pas oublier de recharger la tablette. Par contre, avec un robot, vous pouvez choisir une période. Une partie de notre travail a consisté à avoir un membre de la famille en ligne et à prévoir une période pour que la personne rencontre les membres de sa famille ou des résidents d'une maison de retraite ou d'un centre de soins de longue durée; le robot se mettait à la recherche de la personne et lançait l'interaction. L'utilisateur n'a rien à faire sur le plan technologique. Le robot s'en charge. C'est là que nous nous concentrons vraiment sur l'isolement social en faisant du robot un système actif pour trouver les gens et les relier à leurs réseaux sociaux.

[Français]

La sénatrice Mégie: La personne qui tombe a un bracelet ou un médaillon; elle appuie sur un bouton et l'alarme est donnée. Cependant, dans le cas d'une personne qui est paniquée, je me demande si elle serait capable de se servir d'une tablette. Si je donne cet exemple, c'est simplement pour savoir si, dans vos études, vous pouvez aller plus loin pour essayer de trouver quelque chose de plus raffiné. C'est simplement une suggestion.

[Traduction]

La sénatrice Merchant: Nous allons peut-être entendre parler de Rosie à l'avenir. Par contre, nous sommes en Saskatchewan, à Pelican Narrows, qui est passablement au nord. Je pense que c'est à quelque 400 kilomètres de Prince Albert, la ville de taille moyenne la plus près. Pelican Narrows a une population d'environ 2 700 habitants. Pouvez- vous me dire ce que fait exactement Rosie? L'étude porte-t-elle sur un petit groupe de personnes en ce moment? Comment est-ce que cela fonctionne? Quand l'étude a-t-elle commencé?

Mme Nejat: D'après ce que je comprends, il s'agit d'une étude pilote. Les capacités sont que le médecin, par exemple, à Saskatoon, peut commander le robot. Le médecin peut effectivement faire se déplacer le robot dans l'environnement avec le patient, puis interagir avec ce dernier. Il minimise tous les déplacements qu'un patient devrait faire pour se rendre à Saskatoon ou ailleurs pour y recevoir un traitement. Cette interaction est excellente. Littéralement, c'est le robot qui fait office de médecin, et le médecin peut commander différentes prises de vue, par exemple, pour voir le patient et interagir avec lui. Il s'agit d'une étude pilote.

Je peux vérifier pour savoir quand l'étude a commencé. Mais vous avez là un excellent exemple de la façon de réduire les déplacements et les coûts des déplacements des patients pour que les médecins soient en mesure d'interagir avec les patients en milieu rural ou dans les zones éloignées.

La sénatrice Merchant: Il s'agit donc d'un système qui aide les gens pour qu'ils n'aient pas à se rendre à Prince Albert ou à Saskatoon?

Mme Nejat: Exactement.

La sénatrice Merchant: Il ne fait rien d'autre pour ces gens; il n'administre pas les médicaments ou ne communique pas avec la pharmacie en leur nom, n'est-ce pas? Il élimine tout simplement les déplacements?

Mme Nejat: Il met le patient directement en rapport avec le médecin, et le médecin peut alors être présent et voir ce qui se passe, pouvoir interagir avec le patient pour découvrir ce qui se passe et quels sont ses besoins.

La sénatrice Merchant: Avez-vous une idée du coût?

Mme Nejat: Je ne sais pas exactement quelle plateforme a été achetée pour Rosie, mais les robots de téléprésence coûtent de 16000$ en montant, selon le genre de capteurs et d'intelligence ou de fonctionnalité du robot. Certains robots peuvent effectivement se déplacer de façon autonome dans leur environnement, tandis que d'autres sont télécommandés; le médecin doit donc le faire. Tout dépend de leurs capacités.

Le président: Sénatrice Merchant, le Dr Ivar Mendez comparaîtra devant nous.

La sénatrice Merchant: C'est ce que je pensais.

Parlant de coût, vous avez mentionné les déplacements en avion. Je ne pense pas que les déplacements en avion coûtent moins cher tout simplement parce qu'ils utilisent ces autres systèmes, mais je n'insisterai pas là-dessus.

La technologie se réinvente tellement rapidement. Maintenant, un téléphone cellulaire possède certaines capacités, mais il y en a toujours un nouveau sur le marché. Comment est-ce que cela fonctionnera en médecine? Même si le prix diminue, à quelle fréquence voudrez-vous — peut-être que ce ne sera pas nécessaire, mais vous voudrez le faire — les remplacer? En effet, s'ils font encore plus de choses pour vous, vous voudrez alors avoir le modèle le plus récent possible.

Dr Sutherland: Vous posez une question difficile, parce qu'il est question de technologie qui se développe assez rapidement.

Par exemple, lorsque nous avons construit neuroArm, le système visuel pour neuroArm a été importé des États- Unis, de l'armée en fait, et a coûté quelque chose comme 300000$. Ensuite, les enfants ont voulu des téléviseurs 3D, de sorte que l'industrie est passée aux téléviseurs 3D, et le système visuel pour neuroArm est passé de 300000$ à quelques milliers de dollars, avec des caméras qui étaient aussi moins dispendieuses. À l'heure actuelle, il ne fait aucun doute que la courbe suit une diminution des coûts et une amélioration de la technologie.

Si vous aviez demandé : «Devrions-nous acheter un robot da Vinci pour notre centre d'urologie?», je répondrais que vous devriez probablement le faire. Il s'agit de la technologie actuelle dans ce domaine. Les urologues utilisent le robot da Vinci pour des millions de cas un peu partout dans le monde, et vous voulez faire partie de ce mouvement. Si vous disiez : «Est-ce que le prix du robot da Vinci va diminuer?» Bien sûr qu'il va diminuer, dès qu'il y a des concurrents qui se pointent.

Vous ne savez jamais à quel moment vous devriez le faire. Rappelez-vous lorsque nous étions aux études et que nous nous demandions si nous devions acheter cet ordinateur pour 10000$? Nous l'avons acheté. Maintenant, il vaut 200$. En technologie, la courbe change rapidement.

Le robot de l'Allemagne qui s'assemble tout seul et dont j'ai parlé? Il y a environ 10 ans, il aurait coûté quelques centaines de milliers de dollars. Aujourd'hui, il coûte des milliers de dollars. Il s'agit d'une baisse considérable du prix en cinq à dix ans. La technologie robotique sera toujours de moins en moins dispendieuse dans un avenir prévisible.

Le président: C'est ce qui s'est passé dans d'autres domaines, et ce domaine-ci n'y fera pas exception, mais ce sera plus complexe.

L'autre chose mentionnée à notre dernière séance, c'est que l'on parviendra à un stade où un grand nombre des robots seront mis à niveau, comme votre automobile l'est, et vous pouvez les louer et les remplacer continuellement. Je pense que la véritable question à laquelle veut en venir la sénatrice, c'est l'investissement initial considérable dans des équipements dispendieux, comme nous l'avons vu par le passé.

Je pense que dans le cadre de notre étude, nous allons apprendre que les modèles de financement suivront le rythme des nouvelles technologies, sauf lorsque vous êtes à la fine pointe, comme c'est le cas pour le Dr Sutherland. Aimeriez- vous ajouter des observations?

Dr Sutherland: Lorsque vous êtes à la fine pointe de la technologie, vous achetez ce qu'il y a de plus dispendieux. Nous achetons l'avion le plus dispendieux parce que nous croyons qu'il est le meilleur.

L'autre chose au sujet de la fine pointe de la technologie, ce qui est le cas du Canada en robotique, c'est que cette technologie est très dispendieuse, mais elle pave la voie à des orientations futures pour les gens, et il s'agit d'une contribution très importante du Canada sur la scène mondiale en robotique.

Le sénateur MacDonald: Les dernières questions m'amènent à ce dont je voulais vous parler. Je suis le genre de personne qui a toujours admiré les scientifiques, les chirurgiens, les ingénieurs et quiconque utilise ses mains et son esprit pour accomplir de grandes choses pour l'humanité. Ce sont les gens que j'admire. Tout cela coûte de l'argent...

Le président: Il y a encore beaucoup de questions à venir, veuillez poursuivre.

Le sénateur MacDonald: J'aimerais savoir dans quelle mesure l'absence d'hôpitaux privés et de cabinets de médecin privés au Canada influe sur la recherche et développement dans vos domaines.

Dr Sutherland: Vous me posez cette question?

Le sénateur MacDonald: Oui. Quelle est l'incidence quand vous essayez de mettre au point ces technologies?

Dr Sutherland: L'une des plus importantes répercussions du développement de la technologie au Canada, c'est le passage de l'université aux produits. Voilà notre principal handicap. Je ne sais pas si cela changerait quoi que ce soit si nous avions des hôpitaux privés. Nous devons nous demander pourquoi il n'y a pas d'investissements en capitaux dans les grandes découvertes canadiennes qui nous permettent de les transformer en produits qui à leur tour nous permettent de créer de plus en plus d'entreprises. Beaucoup de nos découvertes se retrouvent dans un autre pays où elles deviennent des produits que les Canadiens utilisent.

Je ne pense pas que ce soit le problème d'installations privées par opposition à des systèmes de soins de santé financés par les gouvernements. Il y a autre chose. Les Canadiens n'investissent pas dans les découvertes canadiennes comme le font les Américains. Les Canadiens n'ont pas tendance à prendre des risques comme le font les Américains. De nombreuses découvertes canadiennes sont passées aux États-Unis, où elles sont devenues d'excellents produits. Elon Musk n'a-t-il pas d'abord fait ses études à l'Université Queen's à Kingston, en Ontario? Pourquoi est-ce que Tesla est aux États-Unis? Toutes ces choses sont des questions.

Peut-être que nous devons créer un environnement économique au Canada qui laisse les gens investir dans ces sortes de découvertes pour que des produits puissent en ressortir. Les produits seront le moteur de notre pays, en partie.

Le sénateur MacDonald: En ce qui concerne le soutien que nous recevons pour ces travaux de développement, provient-il principalement des fonds de dotation universitaires ou des gouvernements?

Dr Sutherland: Tout dépend de la nature du projet. Si je prends le projet neuroArm, le milieu philanthropique de Calgary s'est impliqué. Je suis allé rencontrer un type très gentil, du nom de Doc Seaman, qui a dit : «C'est une bonne idée. Voici un peu d'argent et vous pouvez démarrer le projet.» Cet argent a servi en quelque sorte de levier auprès des organismes subventionnaires provinciaux et fédéraux qui ont investi beaucoup d'argent pour terminer le projet.

Je ne pense pas que ce soit parce que le Canada n'a pas d'argent à investir dans la science de base; il y en a. Nous finançons beaucoup de projets scientifiques d'un bout à l'autre du pays. Nous pouvons débattre de la question de savoir si nous devrions en financer davantage, mais je m'en tiens à ma déclaration: si nous créons plus d'entreprises privées, elles favoriseront l'évolution continue de la découverte.

Le président: Merci, docteur Sutherland. Avant de céder la parole à la sénatrice Raine, nous n'allons pas examiner la question que vous et le sénateur MacDonald avez soulevée, mais cela a constitué le plus grand défi tout au long de ma carrière. Il représente un important point faible de la base de connaissances du Canada. Nous faisons plus que notre part pour ce qui est des découvertes de base à valeur sociale et économique. Vous l'avez très bien décrit.

Dr Sutherland: Je pense que c'est ce que nous appelons le «paradoxe perdu».

La sénatrice Raine: Ma question s'adresse à Mme Nejat. En songeant à ce que les robots peuvent faire pour aider dans la prestation de soins à domicile, vous avez souvent un couple en situation de soins à domicile. Un des deux a besoin de soins et l'autre reste à la maison à s'occuper de son conjoint. Cette personne, qui est la personne soignante, a besoin de sortir pour socialiser, faire l'épicerie et rester elle-même en santé. Si vous avez une personne soignante qui est une sorte d'animal de compagnie pour les deux et qui reste à la maison avec l'épouse ou le mari pendant que l'autre sort, qui fait en sorte qu'ils peuvent communiquer entre eux, j'y vois une occasion exceptionnelle. Est-ce un aspect sur lequel vous travaillez, où la communication par le robot avec la personne qui a besoin de soins peut être pratiquement instantanée? Si la personne dit : «Je ne me sens pas bien, reviens à la maison», vous pouvez revenir immédiatement à la maison. Par exemple, si vous habitez dans une collectivité où il y a un terrain de golf, vous pouvez aller jouer au golf pendant que votre épouse reste à la maison et regarde ses émissions préférées, mais vous pouvez quand même avoir une belle qualité de vie. Est-ce ce à quoi nous pouvons nous attendre d'un robot?

Mme Nejat: Bien sûr. On pourrait prendre l'exemple d'un couple où le robot peut assurer la protection et le lien avec les autres membres de la famille lorsque le couple quitte la maison pour faire des courses.

Comme vous l'avez indiqué, un aspect important est que les aidants naturels deviennent aussi déprimés pendant qu'ils prennent soin d'un autre membre de la famille, qu'il s'agisse d'un conjoint, d'enfants ou de leurs propres parents. C'est important, parce qu'ils sont la pierre d'assise du soutien, ils font en sorte que ces personnes interagissent et conservent leur réseau social, leurs activités physiques, et cetera. Vous pouvez utiliser le robot à cette fin. Il n'est pas nécessaire qu'il soit avec la personne qui vit seule, mais il peut faire partie intégrante de la famille.

La sénatrice Raine: Organisez-vous des groupes de concertation avec cette clientèle, une situation de couple? Je suis prête à parier qu'il y a beaucoup de gens qui seraient heureux d'avoir cette forme d'assistance.

Mme Nejat: Nous ne l'avons pas fait jusqu'à maintenant, mais je vous remercie de l'idée. Il pourrait s'agir de l'une de nos orientations futures. Je suis d'accord avec vous. Cela crée aussi une relation intéressante.

La sénatrice Raine: Nous connaissons tous des gens qui prodiguent des soins à un patient atteint de démence. Je suis dans cette situation, et j'ai la chance d'avoir trouvé une personne soignante qui vient sur place — nous l'appelons un compagnon ou une compagne — et rend visite à ma sœur. C'est fantastique, parce qu'elle m'envoie aussitôt un texte qui dit : «Je suis avec Liz et Jake» ou «Je suis avec Liz et voici sa photo», je peux rapidement faire un égoportrait. Nous avons maintenant cette connexion humaine, mais cela pourrait aussi être possible avec leur «animal de compagnie».

Mme Nejat: Les robots de téléprésence seraient parfaits pour cela. Vous avez une tablette, un écran sur le robot et cela pourrait devenir la passerelle qui vous permet de prendre des photos et qui s'affichent à l'écran, ou d'interagir avec la personne par le truchement du robot.

La sénatrice Raine: Cependant, je confirmerais ce que la sénatrice Merchant a dit: dès qu'une personne est atteinte de démence, elle ne peut plus rien apprendre de nouveau. Lorsque ma sœur a déménagé et avait un téléphone et que vous deviez signaler «1» pour commencer, elle ne pouvait pas faire d'appel. C'est passablement compliqué, mais je pense qu'il y a des possibilités extraordinaires ici.

Mme Nejat: Tout à fait. C'est toute la différence entre la technologie active et les capacités que les robots possèdent par opposition aux technologies passives que l'on connaît.

La sénatrice Raine: J'ai une question pour le Dr Sutherland.

Vous avez fait allusion au fait que le neuroArm a été vendu aux États-Unis, qu'il a connu des difficultés pendant un certain temps et que la situation s'améliore maintenant. Avons-nous perdu cette technologie? Que se passe-t-il au juste? Je ne comprends pas tout à fait ce qui lui est arrivé.

Dr Sutherland: C'est un peu relié à la dernière question. Vous n'avez pas perdu la technologie; elle est développée dans un autre pays.

La sénatrice Raine: Ai-je bien compris que c'était un problème de développement?

Dr Sutherland: Je pense que lorsqu'une compagnie canadienne passe aux États-Unis, elle peut se retrouver face à une forte concurrence et devoir surmonter des obstacles économiques. Elle doit alors se relever de cette situation et demander des approbations par l'entremise de la FDA, et cela peut constituer un assez gros obstacle. Une fois que cet obstacle est franchi, elle doit réaliser un profit tous les trimestres. Puis, elle doit recommencer le cycle.

Tout revient à la question suivante: comment créez-vous une compagnie et comment est-ce que la compagnie devient prospère? Comment est-ce qu'une compagnie obtient toutes les approbations réglementaires qui lui permettent d'introduire un appareil médical ou un produit médical sur le marché?

La sénatrice Raine: Au Canada?

Dr Sutherland: Si nous pouvions le faire au Canada, ce serait merveilleux, parce que beaucoup de nos produits sont passés aux États-Unis.

Je demande souvent à mes résidents: «Pourquoi est-ce que l'insuline n'est pas fabriquée au Canada?» Nous avons l'image de Banting et de Best sur quelques-unes de nos pièces de monnaie, mais l'insuline n'est pas fabriquée ici, ce qui constitue une perte pour notre pays.

Le président: Bien entendu, la réponse à cela, c'est qu'elle n'est pas faite comme nous la faisions.

Le sénateur Dean: Cette discussion est des plus intéressantes. Pour ce qui est de l'application de la robotique et de l'intelligence artificielle, j'accepte que ce soit l'avenir, en partie parce que nous avons déjà fait une bonne partie du chemin, et en partie à cause de ce que nous avons déjà vu de la transformation industrielle. De nombreux éléments font déjà partie de la technologie que nous utilisons. Si vous jumelez cela au concept économique voulant que nous ayons déjà dans le système de la santé recours au fournisseur compétent qui propose les plus bas coûts, il s'avère dans certains cas que c'est un robot maintenant. Si c'est la voie de l'avenir — et j'en suis convaincu —, je peux voir un robot dans chaque maison de soins de longue durée et peut-être dans chaque domicile où quelqu'un est passé des soins de longue durée aux soins à domicile.

À l'autre extrémité du spectre, lorsque nous pensons à la chirurgie la plus avancée, la chirurgie assistée par robot, la question est vraiment une question de capitalisation dans le monde de la santé. Est-ce que nous sommes en train de démocratiser les soins de santé ou est-ce que nous sommes en train de les transformer en produits à mesure que nous progressons sur cette voie? Nous avons beaucoup parlé du secteur privé, et c'est bien compréhensible.

Où est-ce que cela nous amène, en particulier dans le segment supérieur, pour ce qui est de l'accès aux soins? Nous savons déjà qu'il est difficile pour les gouvernements de réglementer tout ce qui est numérisé et franchit rapidement les frontières. Où est-ce que cela nous amène? S'agit-il en fin de compte d'une démocratisation ou de savoir qui peut se permettre d'acheter ce qu'il y a de plus récent, le meilleur robot et le plus récent, la meilleure technologie pour la chirurgie avancée?

Dr Sutherland: Bien entendu, la question est épineuse. Il y aura toujours des gens qui exigeront les soins les plus avancés, les meilleurs soins, et il y aura toujours une installation quelque part qui offrira ce produit. Ces gens iront se procurer ce produit.

Notre mandat est différent. Nous devons offrir d'excellents soins de santé à la population canadienne. Ce que la robotique peut faire, qu'il s'agisse d'un robot qui se promène ou d'un robot qui consulte les renseignements sur vos soins de santé et qui est doté d'un apprentissage machine, c'est de fournir aux Canadiens une normalisation des soins.

Si je donne un paradigme de soins de santé ordinaire pour traiter quelque chose — peu importe quoi, il pourrait s'agir d'une hernie —, j'améliorerai le résultat et je réduirai les coûts. Cela est bien établi; des études nombreuses le montrent. Donc, il s'agit de normalisation. Si je fais intervenir la technologie robotique et l'intelligence artificielle, si je prévois vous opérer à l'hôpital Z, cette carte s'affichera et me dirigera vers cette opération précise, ce qui constituerait une aide incroyable pour les soins de santé d'un bout à l'autre du pays.

Voilà quelque chose qui pourrait vraiment aider les soins de santé au Canada, parce que cela deviendra la norme. Si vous développez un méningiome, vous avez une carte de soins standard pour vous et elle améliorera le résultat. Si vous vous présentez avec ce méningiome, mais vous voulez aller ailleurs, vous pouvez prendre l'avion pour y aller et le faire. Il y aura toujours des gens qui iront dans les centres de soins de santé suprêmes, comme nous les appelons — où ils ne reçoivent pas nécessairement des soins de santé suprêmes, mais ils ont l'impression qu'ils reçoivent des soins de santé suprêmes.

Le sénateur Dean: Excellente réponse, et vous obtenez des points supplémentaires parce que je n'aurais jamais pensé que vous saviez à propos de ma hernie.

Dr Sutherland: Nous pouvons y faire quelque chose.

Mme Nejat: Puis-je ajouter un commentaire rapide? Au sujet des soins normalisés, ainsi qu'à l'accès à ces soins, que vous soyez à Yellowknife, à Montréal, à Vancouver ou à Winnipeg, vous obtenez ces soins.

Le président: Nous regardons le côté positif de tout cela.

La sénatrice Petitclerc: Je vous remercie d'être venus. C'est fascinant. J'aimerais m'éloigner des robots et revenir aux humains. Ma question s'adresse à vous, docteur Sutherland. Vous avez parlé des chirurgiens et de l'équilibre dans la technologie et la machine qui est plus précis, mais de l'humain qui possède l'expérience et la capacité d'exécution. Nous revenons à l'acceptation, mais cette fois de la part du chirurgien. J'aimerais donc savoir comment elle est acceptée.

Il y a trois volets: comment est-ce que les chirurgiens et la communauté en général acceptent cette nouvelle technologie? Que change-t-elle s'ils doivent retourner aux études? Qu'est-ce que cela implique du côté des chirurgiens qui doivent maintenir leurs connaissances à jour à mesure que la technologie s'améliore? Comment voyez-vous l'avenir de l'équilibre? La technologie va-t-elle devenir plus importante pendant que la contribution des humains et leur expérience diminuent à mesure que la technologie gagne en précision? J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces trois aspects.

Dr Sutherland: Votre question est passablement vaste. Les chirurgiens sont des gens conservateurs. Vous avez un groupe de gens très conventionnels, mais ils sont aussi très au courant de la non-durabilité et ils savent que la technologie procure un avantage, ou pourrait effectuer quelque chose plus rapidement et de façon moins invasive. Je reviens à la chirurgie laparoscopique au moment où je faisais mes études. Nous, les chirurgiens traditionnels, la regardions de haut. Il fallait six heures à la personne qui procédait à cette opération, pendant que je pouvais retirer une vésicule biliaire en deux minutes. Bien entendu, je fais mon difficile, mais cette personne qui faisait la laparoscopie a gagné. Il suffit maintenant de quelques minutes pour réaliser cette opération, et c'est ce que tous les patients veulent.

Si je donne une façon précise et exacte de vous prendre en charge, c'est ce que vous voudrez et, moi, en tant que chirurgien, je devrai adopter cette technologie, sinon vous irez voir ailleurs. Les chirurgiens et les gens adopteront ce qui vous rend meilleur, plus rapide. Ils voudront voir les preuves. Nous n'en avons pas beaucoup parlé, mais ils voudraient voir une carte de traitement fondée sur des preuves. Quelles sont les preuves? Dans quelle revue scientifique ont-elles été publiées? Qui l'envisage? Est-ce que nos sociétés ont adopté ces principes? Si c'est le cas, la chirurgie prendra cette orientation. Le programme d'études comprend déjà la simulation chirurgicale.

J'aimerais revenir à un autre thème qui a été mentionné. Les jeunes jouent à des jeux et utilisent beaucoup cet environnement virtuel. Je peux vous dire que les jeunes résidents qui cherchent de nouveaux postes veulent ceux qui comportent la haute technologie. C'est ce qu'ils veulent voir. Ils adoptent ces choses. Nous créons un système de soins de santé pour l'avenir, et non pas pour les gens d'aujourd'hui ou d'hier. Nous voulons avoir quelque chose d'excellent que les jeunes de notre pays adoptent et s'orientent vers cette discipline.

Je pense avoir contourné la réponse. Je peux vous dire que les patients le veulent. Si je reçois un patient dans ma clinique et lui dis: «Dans votre cas, je vais effectuer la neurochirurgie traditionnelle», il est un peu fâché. Il dira probablement: «J'ai entendu parler du neuroArm, et je me demandais si on peut y recourir dans mon cas.» Les patients adoptent les nouvelles technologies qui pourraient les aider.

Le président: Avant de passer au deuxième tour, j'aurais quelques questions à poser.

Docteur Sutherland, votre discipline se développe de façon spectaculaire. Vous nous donnez un excellent exemple de la façon qu'elle se développe, sans oublier qu'en chirurgie en général, il y a énormément de choses à l'horizon.

J'aimerais revenir à la question de la commercialisation des nouveaux développements en robotique au Canada. À Hamilton, il y a le Centre for Surgical Invention and Innovation. Le connaissez-vous et avez-vous communiqué avec des gens là-bas au sujet du neuroArm?

Dr Sutherland: Je connais ce centre. Nous n'avons pas communiqué, mais j'ai fait autre chose relié au neuroArm: j'ai réuni des chefs d'entreprise à Calgary qui ont formé ce que j'ai appelé un comité consultatif. Lorsque je dis «je», je parle de Doc Seaman. Il a appelé ses amis et nous avons tenu des réunions. Ce groupe d'entrepreneurs du centre-ville de Calgary nous a guidés dans la façon de gérer la propriété intellectuelle; comment concevoir la propriété intellectuelle, ou PI, dans ce domaine; comment amener notre PI aux brevets et sécuriser tout cela; comment créer une entreprise à Calgary; et comment cette entreprise interagirait avec d'autres entreprises. Voilà ce que nous avons fait. Nous n'avons pas communiqué avec un autre centre, à Hamilton ou ailleurs, parce que nous recevions une orientation.

D'après moi, l'orientation qui nous manquait, c'était l'installation manufacturière. Si j'avais suffisamment d'argent pour construire ou louer un entrepôt près de l'aéroport à Calgary, et si j'avais suffisamment de gens qui viendraient à Calgary et m'aideraient à fabriquer le robot, je créerais une installation manufacturière pour le développement de ces robots et, à terme, j'aurais dans un sens à créer un partenariat avec une autre entreprise pour la distribution partout dans le monde.

L'une des choses que vous voyez aux États-Unis ou en Europe lorsque vous songez à un partenariat, c'est que si je m'associe à une entreprise comme Stryker, une entreprise américaine, elle est dans tous les hôpitaux de la planète et négocie donc avec tout le monde. Un partenariat est probablement ce que j'envisagerais comme installation manufacturière au Canada pour amener les produits médicaux sur le marché.

Puis-je ajouter d'autres précisions?

Le président: Je cherchais surtout à savoir si vous aviez eu des communications avec des responsables de ce qui semble se faire à Hamilton. Je ne sais pas à quel point nous voulons approfondir l'aspect de la commercialisation, mais si vous avez un élément précis dont vous aimeriez nous faire part, allez-y.

Dr Sutherland: Le seul point est que la plupart de nos organismes de financement sous-estiment le coût de la protection de la PI et celui de la mise en marché du produit. C'est un aspect totalement différent de celui du financement de la recherche axée sur la découverte.

Le président: Vous avez parfaitement raison pour ce qui est de vos préoccupations. Nous n'avons tout simplement pas la capacité totale de soutien à ce niveau. Je voulais savoir à propos de ce centre, parce que sa mission est apparemment dans ce domaine. Nous allons examiner cette question davantage, mais je voulais tout simplement savoir si vous aviez communiqué avec ces gens-là.

Compte tenu de votre expérience, vous avez agi à un niveau excessivement élevé et vous avez obtenu énormément de succès avec le développement ciblé de neuroArm pour la neurochirurgie, ce qui est à peu près le plus haut que vous pouvez aller en termes d'application. Nous avons vu dans une brochure récente l'idée de viser une chirurgie différente — je vous demande de conjecturer un peu ici — le cancer de la prostate, par exemple. Il est difficile pour un chirurgien dans des conditions normales et qui utilisent des techniques normales de vraiment bien saisir le caractère tridimensionnel de la prostate. On dit qu'on est à mettre au point une imagerie 3D qui peut s'appliquer à la prostate, et le concept vise à permettre aux chirurgiens d'être beaucoup plus précis, et la précision dans cette situation est absolument critique.

Voyez-vous le jumelage de la capacité des IRM 3D avec les techniques chirurgicales assistées par robot dans ce domaine bientôt?

Dr Sutherland: Je ne me limiterais pas à l'IRM.

Le président: C'était seulement un exemple.

Dr Sutherland: Disons imagerie 3D. Un ensemble de données d'imagerie 3D, c'est ce que vous voulez, parce que cette technologie peut enregistrer n'importe quel dispositif que vous avez dans cet espace 3D et permettre une introduction précise dans la cible et corriger le problème. Si j'ajoute l'imagerie interprocédure, je sais alors que la tâche est terminée aux fins d'assurance de la qualité.

Je dirais que l'imagerie 3D est rendue à ce stade. Si vous n'avez pas une imagerie 3D du cerveau, pourquoi vous donnez-vous la peine d'effectuer de telles opérations ici, au Canada? Vous devriez avoir un ensemble de données d'imagerie en trois dimensions. Je peux en dire tout autant pour de nombreuses autres cibles dans le corps. Nous avons la capacité de produire l'image en trois dimensions, que vous pouvez compléter avec des ensembles de données métaboliques de cette structure tridimensionnelle pour votre plan et l'exécution de cette cible.

Quand vous parlez de la prostate, vous savez que da Vinci, ou Intuitive Surgical, a beaucoup de brevets dans ce domaine; vous devriez donc songer à la façon dont vous créez vos partenariats.

Le président: Je n'entrais pas dans les aspects commerciaux. J'en suis conscient et c'est pour cette raison que j'ai soulevé la question, et je sais aussi que puisque le cerveau est la partie du corps la plus soumise à l'imagerie tridimensionnelle, d'autant plus que c'est votre domaine d'expertise, je voulais que vous conjecturiez à propos de ces autres domaines.

Dr Sutherland: N'oubliez pas, dès que vous obtenez une image par résonnance magnétique, l'ensemble de données tridimensionnelles existe, et vous pouvez le reconstruire et l'afficher pour les médecins.

Le président: Madame Nejat, vous avez couvert la plupart des aspects de la question des robots dans, disons, les concepts de soins de longue durée et de soins à domicile, et cetera, dont je voulais vous parler. Mes collègues ont élucidé la plupart d'entre eux. Vous avez parlé de leur acceptation. De toute évidence, il vous faut une rétroaction des groupes de concertation et des utilisateurs, et cetera. Vous avez mentionné l'acceptation de ces robots et vous avez abordé dans une certaine mesure la différence de réceptivité en fonction de l'âge. Vous avez fait une incursion chez les gens plus âgés. Qu'ils souffrent ou non de démence, la littérature indique qu'il y a des gens qui aiment avoir beaucoup de stabilité dans leur vie à mesure qu'ils avancent en âge et qu'ils ont certaines déficiences. Vous avez parlé de l'importance de la reconnaissance du robot par les personnes appartenant à cette catégorie.

L'un des robots dont nous avons entendu parler est un agent numérique sur le dessus d'une console au milieu d'une pièce qui surveille un aîné en particulier, peut-être atteint de démence, qui se déplace dans cet environnement. Il détermine à quel moment les gens ont besoin de prendre leurs pilules, s'ils les ont prises ou non, et donne des communications. Il semble que les personnes âgées n'ont pas beaucoup de difficulté à accepter les commandes d'un robot immobile, mais dès que cela vient de quelque chose qui commence à imiter une personne, ils ont plus de difficulté.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter aux réponses que vous avez données à mes collègues au sujet de la réceptivité dans ce groupe d'âge?

Mme Nejat: Vous soulevez un excellent point. Je devrais ajouter que même si ces robots ressemblent à des humains, ce ne sont pas des humanoïdes ou des androïdes que nous voyons. Ils ne sont pas conçus pour ressembler exactement à un humain et pour agir comme un humain. Ils sont toujours faits de métal ou de matière plastique imprimée en trois dimensions; ils ont donc des fonctionnalités qui indiquent qu'ils sont des robots, et c'est un élément clé sur lequel nous nous sommes concentrés dans la conception de nos robots. Nous ne voulons pas tromper qui que soit et lui faire penser qu'il s'agit d'une personne. Il s'agit toujours d'un robot. Même dans le cas de l'un de nos robots pendant une interaction, soit la surveillance du repas, nous avons intentionnellement augmenté le bruit que le robot fait, et cela aide les gens à se rendre compte qu'ils interagissent avec un système et non une personne, et que le bruit et le mouvement lorsque le robot interagit leur permettent de comprendre cela.

Bien entendu, tout dépend du niveau de déficience cognitive des gens, mais quelles que soient leurs capacités résiduelles de communication, nous nous efforçons de faire en sorte qu'ils puissent quand même interagir avec le robot, et c'est à ce moment-là que la communication non verbale prend toute son importance. Nous concevons nos robots pour qu'ils puissent saisir le langage corporel et les expressions faciales et la distraction par des mouvements de la tête comme quoi on se détourne d'une tâche, et ce, afin de pouvoir aider à reprendre l'attention des gens, et c'est vraiment essentiel dans le cas du groupe d'utilisateurs auquel nous nous adressons.

Le sénateur Eggleton: Docteur Sutherland, on vous cite pour avoir dit que dans 100 ans, les humains n'opéreront plus des humains; les robots le feront. Je ne m'inquiète pas pour dans 100 ans d'ici, mais l'idée que des robots exécuteront beaucoup d'opérations gagne du terrain. Quelle surveillance humaine aurons-nous alors? Les opérations sur le corps humain peuvent mal tourner et il peut y avoir des complications. Je suppose qu'une surveillance humaine serait vraiment nécessaire, alors pourquoi est-ce que quelqu'un irait à l'école de médecine pour se spécialiser dans un domaine qui sera la spécialité d'un robot? Comment est-ce que tout cela fonctionnera pour ce qui est de la surveillance humaine?

Dr Sutherland: Voulez-vous que je me projette dans 100 ans d'ici maintenant?

Le sénateur Eggleton: Dix ans me suffiront.

Dr Sutherland: L'intelligence artificielle constitue une variable préoccupante lorsque vous commencez à former des machines qui peuvent opérer comme l'être humain. J'ai mentionné l'expérience des chirurgiens. L'expérience fait en sorte que le chirurgien réagira à un ensemble de données incomplet en fonction de son expérience passée. Lorsque les ordinateurs réagiront à des ensembles de données incomplets, ils modéliseront davantage le cerveau humain.

Je reviens maintenant à la prostate sous forme d'image tridimensionnelle et je vais ajouter à cette image le profil métabolique de la tumeur. Elle est quelque part dans la prostate, mais disons que je la vois à la fois comme image tridimensionnelle et dans son métabolisme. Un robot pourrait viser cette cible mieux que n'importe quel chirurgien. Je pourrais donc effectuer une petite incision dans votre abdomen, les outils robotiques viseraient la cible, l'enlèveraient pendant qu'elle est numérisée, et l'opération est terminée.

Le sénateur Eggleton: C'est en combinaison avec un humain.

Dr Sutherland: L'imagerie avancée et le robot, parce que si je devais faire une image des cellules anormales, on peut écrire un programme. Ciblez ces cellules anormales, et vous avez un effet final, ou disons un laser, et vous enlevez cette cible. Dans ce paradigme, le chirurgien commande le robot ou est en mesure de l'arrêter en cas de panne de logiciel ou de matériel. Dans ce cas, le rôle du chirurgien consistait à aider à la planification de l'opération et à arrêter le robot s'il n'exécutait pas ce plan.

Lorsque les gens affirment qu'un robot peut déraper et se tromper, souvenez-vous que les humains en sont tout aussi capables. Qu'est-ce qui est préférable: un robot qui fait une erreur sur 1000 chirurgies ou un chirurgien qui en fait 10 sur 1000?

Je vous rappelle que même les systèmes robotiques peuvent connaître des ratés lorsqu'ils sont jumelés à l'apprentissage machine et à l'automation. À l'heure actuelle, la FDA ne vous permettra pas d'avoir cette automation. C'est pourquoi notre groupe de recherche, comme tous les groupes de recherche dans le monde, se concentre sur le bras armé. Comment le robot est-il contrôlé? En réalité, un bras armé est un robot sur lequel vous posez votre main. Vous bougez votre main et le robot se déplace comme vous. Le bras armé est assez avancé, puisqu'il intéresse des organismes comme la FDA et Santé Canada. Êtes-vous en mesure de nous confirmer que l'utilisation de ces appareils dans le milieu des soins de santé est sécuritaire?

Beaucoup de travail a été fait sur ce sujet. Au final, je crois que le jour viendra où un robot sera mieux habilité à retirer une tumeur au cerveau qu'un humain, mais ce n'est pas pour demain. C'est pourquoi j'ai dit que je me donnais 100 ans pour m'en assurer, car aujourd'hui, il n'existe aucun robot mécanique qui possède autant de dextérité qu'un humain.

Le sénateur Eggleton: On parle aussi de la surveillance humaine. Je peux difficilement m'imaginer que nous pourrions nous fier entièrement sur un robot, sans qu'un humain le surveille. Pourquoi aller à l'école et développer une expertise dans une tâche qui sera exécutée par un robot? Il n'y aurait donc plus d'experts dans ce domaine.

Dr Sutherland: Non, vous étudiez parce que vous devez aiguiser votre jugement. Devrais-je faire l'ablation de cette prostate? Devrais-je le faire moi-même ou m'en remettre entièrement à la technologie? Quelle est la preuve? Voyez- vous, l'apprentissage machine pourrait me fournir les preuves, mais aujourd'hui, mon jugement demeure très important et le sera aussi pour les années à venir. Je pourrais dire à un jeune chirurgien que le retrait de cette masse ou de cette tumeur n'est pas problématique. Vous devez décider si vous allez la retirer ou pas. Vous avez devant vous une personne âgée de 90 ans. Devrions-nous l'opérer? Quelle est votre décision? Comment allez-vous communiquer avec le patient et sa famille? Concentrons-nous sur cela.

Je me plais à dire que nous donnons des béquilles qui vont changer la donne. Les résultats des opérations chirurgicales ne sont pas tous identiques. Je souhaite qu'ils le soient et qu'ils soient de haut niveau.

La sénatrice Seidman: Docteur Sutherland, permettez-moi de paraphraser ce que vous avez affirmé dans votre intervention: au fur et à mesure que les systèmes robotiques évolueront, les interventions chirurgicales deviendront normalisées et de moins en moins invasives. Les soins pourraient alors passer des centres de soins tertiaires à des sites communautaires. Si possible, j'aimerais beaucoup que vous nous donniez des exemples de ce genre de changement.

Dr Sutherland: Par ailleurs, notre stratégie de recherche actuelle est basée sur cet énoncé.

J'aimerais revenir sur l'opération de la cataracte. Quand j'étais à l'université, une opération de la cataracte était considérée comme une intervention majeure. On prévoyait trois heures. Le patient était transféré dans une salle d'opération, il y avait beaucoup d'agitation, puis l'opération de la cataracte était terminée.

Je suis déménagé à Calgary, puis j'ai appris qu'un de mes chirurgiens ophtalmologistes, un dénommé Gimbel, ne pouvait pas avoir suffisamment de temps d'opération, puisque, chaque jour, il avait deux opérations de la cataracte à l'horaire. Puis, il a décidé : «Je ne le fais plus. Je vais déplacer toutes les opérations de la cataracte vers un centre commercial.» On l'appelait le Market Mall. Je suis allé voir ce qui se passait et tout le monde se déplaçait avec un pansement sur l'œil. Il réalisait l'opération de la cataracte en 14 minutes, donc quatre patients par heure. Il opérait pendant environ sept ou huit heures d'affilée.

Il a donc été question de déplacer les interventions d'un centre de soins tertiaires très dispendieux vers un centre commercial. Je ne dis pas que nous allons nécessairement faire les chirurgies cérébrales, des neurochirurgies, dans un centre commercial, mais il y a plusieurs choses que nous faisons dans les centres de soins tertiaires qui, si les procédures étaient normalisées, me permettraient de dire : «Vous avez des douleurs au dos et à la jambe, mais pas de douleur significative aux disques, donc nous allons vous faire une injection dans la facette articulaire de votre colonne vertébrale.» Je vous enverrai dans un centre, où vous serez pris en compte. Un système robotique guidé par image procédera à l'injection dans votre facette articulaire pour éliminer votre douleur. Ensuite, on passerait au patient suivant. Je pourrais en prévoir des centaines. Seul le patient serait soumis à la radiation. À l'heure actuelle, cette chirurgie est pratiquée par un radiologiste ou par quelqu'un d'autre, par exemple un technicien. Celui-ci insère manuellement l'aiguille dans la facette articulaire pendant qu'il prend une radiographie et s'expose donc aux radiations. Ce n'est qu'un exemple de chirurgie où une plateforme robotisée à vocation unique équipée d'un simple ensemble d'outils pourrait être très utilisée, ce qui permettrait de déplacer une foule de patients hors de l'hôpital.

Je pourrais abonder dans le même sens pour la prostate, dont nous avons déjà parlé et qui devrait être une cible relativement simple. L'imagerie en 3D et un soutien technologique approprié nous permettraient d'intervenir hors des murs des hôpitaux, dans des centres de soins tertiaires. Ensuite, nous pourrions envisager de faire la même chose pour une panoplie de chirurgies. Je vous rappelle que je suis neurochirurgien, donc je ne suis pas au courant de tout. Si je dois pratiquer une biopsie mammaire, pourquoi la ferais-je dans un centre de soins tertiaires? Et si je disposais d'un système guidé par l'image qui était toujours précis? Nous pourrions nous déplacer vers un petit bureau dans la communauté, ce qui en ferait un traitement communautaire et non pas un traitement tertiaire. Ce ne sont que certains exemples de cette philosophie.

La sénatrice Merchant: Docteur Sutherland, vous avez peut-être déjà répondu à cette question, mais le temps d'attente est l'un des irritants du système canadien de soins de santé, ce qui force parfois les gens à trouver une solution hors du système. Ce n'est pas uniquement pour obtenir de meilleurs soins, mais aussi pour les obtenir plus rapidement. Pourriez-vous nous dire, d'après votre boule de cristal, comment ceci pourrait changer?

Dr Sutherland: Oui.

La sénatrice Merchant: Est-ce que plus de gens aimeraient recevoir plus de traitements?

Dr Sutherland: Une normalisation des interventions basée sur des preuves. Ceci aurait un impact important sur notre système de soins de santé. Je ne ferai aucune chirurgie qui ne reposerait pas sur des paradigmes de traitement fondés sur des preuves. Donc, vous n'accèderiez pas au système de soins de santé. Un patient qui a été blessé d'un coup de couteau à la poitrine, par exemple, accède rapidement au système de soins de santé.

Au Canada, nous avons des problèmes intéressants. Dans mon domaine, la douleur lombaire est l'un de ces problèmes. Il peut y avoir une attente d'un an pour ces maux. C'est ridicule, selon moi. Un patient ne devrait jamais attendre un an avant de voir un médecin. Ce serait merveilleux d'avoir des stratégies d'automation et d'utiliser un système informatique pour dépister ce groupe de patients afin que nos médecins ne voient que les patients qu'ils doivent rencontrer et non pas 10 autres personnes qu'ils ne sont pas obligés de rencontrer.

En tant que Canadien, je tiens à ce que nous profitions tous de cette technologie. J'aimerais que le dépistage de la population soit une réalité afin que nous ne voyions les patients que nous devons rencontrer. L'informatique et l'intelligence artificielle ne sont qu'une partie des systèmes robotiques. J'ai mentionné qu'en utilisant un robot, je pouvais réduire rapidement le nombre de gens qui reçoivent des injections à la facette articulaire. Ce serait une intervention rapide et normalisée.

J'ai aussi parlé de l'augmentation des interventions non invasives, qui a déjà commencé. Les chirurgiens en pratiquent de plus en plus. On réduit ainsi la durée de l'hospitalisation. Si je parviens à réduire la durée de l'hospitalisation, je devrais être en mesure de libérer des ressources de soins de santé.

Cependant, je ne voudrais pas affirmer que ce sont les seuls facteurs qui ont un impact sur le coût des soins de santé. C'est un sujet compliqué, puisque nous parlons d'un système. Ai-je répondu à votre question?

La sénatrice Merchant: Oui, merci.

Le président: Je vous remercie. C'était très intéressant, surtout après la séance futuriste de jeudi dernier, où nous avons tenté de déterminer dans quelle direction iront les choses à long terme. Vous nous avez donné un aperçu de ce qui nous attend dans le futur, tout en nous montrant comment nous y arriverons, ce que vous faites en ce moment et comment le tout pourrait évoluer.

Docteur Sutherland, j'ai bien aimé votre intervention. Non seulement avez-vous parlé des difficultés que nous rencontrons en matière de commercialisation, ce qui est l'un des problèmes majeurs que nous devons régler pour le bon développement social et économique de la société, mais vous nous avez aussi donné des exemples concrets de vos propres avancées en la matière, qui ont retenu l'attention. Ce fut un plaisir de vous recevoir ici pour nous parler de vive voix de vos expériences antérieures et de ce que vous prévoyez pour le futur.

Mais il est important aussi que nous comprenions que ces choses sont introduites par les humains et que ce sera un processus évolutif que de répondre à plusieurs des questions concernant notre façon de gérer le tout. En réponse aux questions qui vous ont été posées, vous avez fourni des exemples de l'évolution et de l'approche médicale, ainsi que la direction que nous prendrons.

Madame Nejat, les exemples que vous avez fournis concernent des domaines qui nous intéressent et nous préoccupent grandement. En novembre dernier, nous avons déposé un rapport public sur la démence. Bien entendu, lorsque l'on parle de démence, cela englobe toutes les questions du vieillissement de la population, dont plusieurs s'appliquent à ceux qui ne souffrent pas de démence, mais qui vieillissent, tout simplement. Il y a aussi toute la question de la prestation de soins, de la bonne prise de médicaments prescrits, de savoir quand quelqu'un est tombé ou est en danger, ainsi que l'impact potentiel des systèmes robotiques dans ces domaines.

L'une des choses que vous avez tous deux soulevées, à partir d'exemples bien différents, est la possibilité d'augmenter significativement l'accès aux soins dans plusieurs domaines clés pour les Canadiens si nous sommes en mesure d'intégrer les développements qui pourraient survenir d'une manière appropriée.

Docteur Sutherland, nous avons étudié la Loi canadienne sur la santé. Les éléments qui ont attiré notre attention étaient la chirurgie des yeux au laser, les cataractes et l'exemple d'être en mesure de passer d'un rythme d'une chirurgie chaque heure ou deux à un rythme de quatre en une heure. À l'époque, la problématique du système des soins de santé était le progrès pour le patient, mais pas au niveau des coûts. Dans une autre intervention, on nous a expliqué que, dans un milieu industriel ou une entreprise privée, si l'on arrivait à produire quatre unités d'un produit en une heure, plutôt qu'une unité en trois heures, le coût unitaire pourrait diminuer. Mais au moment où nous menions notre étude, le témoignage que nous avons entendu, et je ne parle pas du témoignage entendu aujourd'hui, disait que non seulement le coût par chirurgie n'avait-il pas baissé, mais il avait plutôt augmenté. Ceci serait dû au fait que cette technique demande une plus grande expertise, ce qui fait augmenter les coûts, en vertu du système de facturation.

Par contre, selon moi, nous en sommes à un stade où les exemples que vous nous avez présentés aujourd'hui mèneront à des progrès au niveau du traitement et de l'accès des patients, ainsi qu'à la réduction des coûts totaux pour le système de soins de santé. Ou encore, si l'on se fie à votre exemple, docteur Sutherland, les ressources seront libérées au profit d'autres aspects des soins de santé qui n'ont pas encore été automatisés, ou pour les chirurgies qui ne peuvent pas être réalisées de la même manière. Les gens y auront accès beaucoup plus rapidement, ce qui affecte un élément important de la santé générale, soit la qualité de vie.

Je peux vous assurer que votre intervention et la façon dont vous avez répondu aux questions nous ont été très utiles. Bien entendu, nous sommes heureux d'avoir deux personnes dont le travail dans le contexte canadien est reconnu mondialement. Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier d'être venus nous présenter votre témoignage.

Sur ce, je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)

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