Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 16 - Témoignages du 16 février 2017
OTTAWA, le jeudi 16 février 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude du projet de loi.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je préside le comité. Je vais inviter mes collègues à se présenter.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, de Montréal, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Nancy Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de l'Ontario. Je suis aussi vice-président du comité.
Le président : Merci, chers collègues. Je vous rappelle que nous poursuivons notre étude du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.
Nous avons deux groupes de témoins, ce matin. Pour la première discussion qui se terminera au plus tard à 11 h 30, nous accueillons Reis Pagtakhan, avocat spécialiste de l'immigration, et Craig Forcese, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Je vais vous donner la parole dans le même ordre que sur ma liste, alors je vais vous prier de commencer, monsieur Pagtakhan?
Reis Pagtakhan, avocat spécialiste de l'immigration, à titre personnel : Merci. J'aimerais commencer par souligner que nous sommes aujourd'hui réunis sur un territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabeg
Mesdames et messieurs, je vais me concentrer, dans mon exposé, sur trois aspects. Premièrement, j'encourage les sénateurs à modifier le projet de loi en fonction de la recommandation 94 se trouvant dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Comme les sénateurs le savent peut-être, cette recommandation ajouterait au serment de citoyenneté l'engagement que prendraient les nouveaux Canadiens d'observer fidèlement les lois du Canada, y compris les traités conclus avec les peuples autochtones.
Les sénateurs pourraient être tentés de conclure qu'une telle modification dépasse la portée et le principe du projet de loi ou qu'elle n'est pas pertinente à la teneur du projet de loi, mais le Parlement est suprême et les sénateurs et membres de la chambre devraient s'occuper rapidement de cette question.
Pourquoi est-ce urgent? Tout simplement parce que, chaque année, des dizaines de milliers de résidents permanents du Canada prêtent le serment de citoyenneté. Plus le Parlement tardera à modifier le serment de citoyenneté, moins la question de la réconciliation restera une préoccupation de premier ordre pour les nouveaux Canadiens.
De nombreux nouveaux Canadiens ne connaissent pas l'histoire du Canada et de ses peuples autochtones. Les nombreux nouveaux Canadiens d'âge qui arrivent à l'âge adulte n'auront pas eu l'occasion d'apprendre cette histoire à l'école. À cause de cela, à moins que nous leur en donnions l'occasion, il est possible qu'ils n'en sachent jamais rien.
Il serait vraiment malheureux de laisser encore des milliers de personnes devenir des citoyens canadiens sans les informer d'un des enjeux les plus importants de notre pays. Pour que la réconciliation se concrétise, il est important que tous les Canadiens y contribuent, et cela comprend les nouveaux Canadiens.
En ce qui concerne la teneur du projet de loi, j'aimerais parler de l'exigence selon laquelle les demandeurs doivent pouvoir maîtriser le français ou l'anglais avant qu'on leur accorde la citoyenneté. J'estime que la maîtrise d'une des langues officielles ne devrait pas du tout être exigée.
La proposition visant à réduire la fourchette d'âge des personnes qui doivent maîtriser une des deux langues officielles est une excellente première étape, mais je crois que cette exigence devrait être complètement éliminée. Cela ne signifie pas que la maîtrise d'une des deux langues n'est pas importante. Cependant, si le gouvernement croit que le français ou l'anglais est nécessaire pour avoir du succès et pour contribuer à la société au Canada, la maîtrise de la langue devrait être un prérequis à l'obtention de la résidence permanente, plutôt qu'à celle de la citoyenneté.
Imposer un minimum de connaissances linguistiques à de nouveaux arrivants des années après leur arrivée est inutile. Si nous n'exigeons pas d'une personne qu'elle maîtrise le français ou l'anglais avant d'obtenir sa résidence permanente, nous ne devrions pas l'exiger pour qu'elle puisse obtenir sa citoyenneté.
Les sénateurs savent certainement qu'une fois que toute personne qui obtient sa résidence permanente a le droit le travailler, d'étudier et de vivre au Canada. De plus, les résidents permanents ont l'obligation de payer des impôts et de se conformer aux lois canadiennes. En retour, ils peuvent profiter de notre système de soins de santé et d'autres formes de soutien social. Si un résident permanent ne devient jamais un citoyen, ces droits, obligations et avantages vont demeurer, peu importe la langue parlée.
En refusant la citoyenneté à un résident permanent, on l'empêche de voter. Cependant, les résidents permanents ont indirectement depuis des années une voix dans le choix du premier ministre, par l'intermédiaire des partis politiques. Les résidents permanents ne peuvent pas voter aux élections générales, mais ils peuvent participer au choix des chefs des grands partis politiques canadiens. Ainsi, un résident permanent qui n'a pas le droit de voter à une élection générale a cependant le droit de voter pour un premier ministre. Ce vote vient sans l'exigence de subir un examen linguistique.
Quand des immigrants arrivent au pays, nous déterminons, au moyen de politiques, les immigrants qui doivent maîtriser une langue officielle et ceux qui n'en ont pas l'obligation. Si nous déterminons que la maîtrise d'une langue officielle n'est pas nécessaire, nous ne devrions pas l'exiger ultérieurement, à l'étape de la citoyenneté.
En ce qui concerne la révocation de la citoyenneté canadienne des citoyens ayant une double citoyenneté qui sont trouvés coupables de terrorisme, je continue de soutenir les dispositions législatives qui auraient cet effet pour le terrorisme, mais aussi pour la trahison et l'espionnage, dans les cours canadiennes seulement. Les terroristes trouvés coupables dans les cours canadiennes ont toutes les protections de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ont le droit d'avoir recours à un avocat, d'interjeter appel de leur déclaration de culpabilité et de profiter de la présomption d'innocence ainsi que de la nécessité pour la cour de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Si une personne est trouvée coupable de terrorisme devant une cour canadienne et que cette personne a la double citoyenneté, sa citoyenneté devrait être révoquée une fois tous les recours épuisés.
Cependant, je ne crois pas qu'on devrait révoquer la citoyenneté des Canadiens trouvés coupables de terrorisme à l'étranger. À l'extérieur du Canada, les Canadiens n'ont pas la protection de notre Charte. Il n'y a qu'à regarder le cas de Mohamed Fahmy : conclure à l'équivalence d'une déclaration de culpabilité de terrorisme à l'étranger représenterait une décision politique. Les sénateurs se souviendront que, peu de temps après que M. Fahmy a été trouvé coupable de terrorisme en Égypte, le gouvernement a garanti aux Canadiens que sa citoyenneté ne serait pas révoquée. Cette décision n'a pas été rendue par une cour de justice, mais par des fonctionnaires et des politiciens. Cela ne représente pas une mesure de protection suffisante des droits des citoyens.
Mesdames et messieurs, je serai ravi de répondre à vos questions sur ces enjeux et sur n'importe quel autre aspect du projet de loi. Merci.
Craig Forcese, professeur, faculté de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel : Bonjour, et merci.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître, ce matin, au sujet du projet de loi C-6. Dans mon exposé, je vais me concentrer exclusivement sur le dernier sujet dont mon collègue a traité, c'est-à-dire la révocation de la citoyenneté en cas de terrorisme. Ce sont des pouvoirs qui, comme vous le savez, ont été intégrés dans la loi en 2014, et qui seraient abrogés par le projet de loi C-6. J'appuie cela.
Je vais m'arrêter sur deux éléments clés. Premièrement, les dispositions visant la révocation de la citoyenneté pour terrorisme sont différentes des autres règles, comme la révocation pour fraude. Deuxièmement, elles sont problématiques du point de vue de la sécurité.
En ce qui concerne le premier élément, ceux qui préconisent les dispositions législatives de 2014 visant la révocation affirment parfois que les criminels de guerre se font retirer leur citoyenneté et que la loi de 2014 n'est par conséquent pas différente de cela.
Cette analogie est trompeuse. Des collaborateurs nazis ont perdu leur citoyenneté parce qu'ils ont menti à propos de leur conduite à l'époque où ils sont devenus des Canadiens. La révocation est attribuable à la fraude, et non aux crimes de guerre. Aucun Canadien n'a perdu sa citoyenneté pour avoir commis un crime de guerre alors qu'il était un Canadien.
La loi de 2014 fait quelque chose de différent. Elle utilise la révocation de la citoyenne comme punition supplémentaire pour les Canadiens ayant une double citoyenneté qui ont fait quelque chose alors qu'ils étaient des Canadiens. Ce faisant, ces dispositions ont pour effet de faire des nombreux Canadiens ayant une double citoyenneté des Canadiens en probation.
Permettez-moi de vous dire pourquoi la révocation de la citoyenneté pour cause de terrorisme représente une mauvaise pratique en matière de sécurité. Premièrement, il n'y a tout simplement aucune base empirique pour conclure que les détenteurs d'une double nationalité posent un risque plus grave pour la sécurité que les citoyens ayant uniquement la citoyenneté canadienne. Faire particulièrement risquer aux détenteurs d'une double nationalité la révocation de leur citoyenneté canadienne n'a par conséquent pas de lien rationnel avec un objectif de sécurité; il s'agit d'une lacune létale du point de vue de la sécurité et du point de vue de la Constitution. J'ai remis au greffier la copie d'un article d'examen de la loi qui traite des lacunes constitutionnelles du régime actuel de la Loi sur la citoyenneté en matière de révocation.
De plus, le Canada a travaillé sans relâche et a déployé des outils comme les listes d'interdiction de vol, la révocation du passeport, les engagements de ne pas troubler l'ordre public et les poursuites pénales formelles pour empêcher des Canadiens de voyager dans le but de participer à des activités terroristes. Cependant, le but de la révocation de la citoyenneté est, au bout du compte, de déporter ces personnes. Si des personnes dangereuses sont déportées, l'effet net pourrait être de lancer les combattants étrangers sur la voie rapide. Encore une fois, les questions de rationalité se posent.
Cependant — c'est mon troisième point —, ce qui est ironique de la structure des lois canadiennes en matière de terrorisme, c'est qu'on ne révoquera pas la citoyenneté des personnes les plus dangereuses. Les infractions de terrorismes sont conçues de telle manière dans le Code criminel que les personnes qui risquent le plus d'en être accusées sont les conspirateurs, mais non les meurtriers. Une fois qu'une personne devient un meurtrier, la police et les procureurs vont plus probablement accuser la personne de meurtre que d'infractions de terrorisme. C'est la raison pour laquelle Justin Bourque, Richard Bain et, récemment, Alexandre Bissonnette, du moins à ce jour, n'ont pas été accusés d'infractions de terrorisme.
Absolument aucune des personnes actuellement en prison au Canada pour une infraction de terrorisme — infraction établie après les événements du 11 septembre — n'a en fait commis un acte de violence. Leurs gestes ont été devancés, si bien qu'en tant que comploteurs dont les plans ont été contrecarrés, ils risquent maintenant la révocation de leur citoyenneté s'ils ont une double nationalité. Ce ne serait pas le cas des meurtriers.
Quatrièmement, pour la révocation, il pourrait être nécessaire d'utiliser énormément de ressources, alors que ces ressources pourraient être utilisées à meilleur escient. Mises à part les inévitables contestations constitutionnelles que la révocation en soi pourrait susciter, il serait ardu d'expulser par la suite ces personnes qui ne sont plus des Canadiens. Le risque de mauvais traitements dans les pays étrangers peuvent être élevés, ce qui mettrait le Canada dans la position peu enviable d'essayer de renvoyer des personnes vers des pays où elles risquent la torture.
Ce n'est pas la première fois que nous vivons cela. Pensez aux certificats de sécurité en matière d'immigration. À la fin de la dernière décennie, le gouvernement dépensait des millions de dollars par année, par certificat de sécurité, souvent dans une vaine tentative pour défendre ces mesures. C'était du gaspillage. En fait, on a consacré nettement plus d'argent à essayer de renvoyer des gens du Canada qu'à financer des stratégies de désengagement de l'extrémisme violent et du terrorisme.
Les programmes de ce genre n'ont pas été éprouvés ou testés, mais c'est un aspect pour lequel le Canada doit manifestement améliorer ses pratiques. Au bout du compte, même pour les personnes trouvées coupables de terrorisme, la réadaptation est la stratégie sécuritaire la plus plausible. Pas le déplacement vers d'autres pays.
C'est parce que, cinquièmement, les personnes dangereuses qui sont déplacées demeurent dangereuses, et en fait, peut-être même plus que si elles restaient au Canada. Il sera vraisemblablement impossible pour les services de sécurité canadiens de les surveiller; elles ne seront pas soumises à des restrictions, comme les engagements de ne pas troubler l'ordre public, et l'histoire nous porte à croire que les personnes dangereuses qui se trouvent à l'étranger continuent de faire du tort aux Canadiens et aux intérêts du Canada.
En plus, sixièmement, les autres pays ne vont pas facilement accueillir des personnes radicalisées à la violence au Canada, et les personnes qui purgent des peines pour terrorisme sont presque toutes des terroristes « faits au Canada ». Les objectifs antiterrorismes du Canada sont mal desservis si nous exportons l'instabilité plutôt que d'investir dans le travail difficile du désengagement du terrorisme.
En somme, j'estime qu'il y a peu de raisons de recommander la révocation de la citoyenneté pour des raisons de terrorisme, et beaucoup de raisons de condamner cette option. Je vous remercie de votre attention, et je serai ravi de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Les sénateurs vont maintenant poser leurs questions, et je leur rappelle que nous avons une question par série. Nous allons essayer de faire autant de tours que le permet la longueur des questions et des réponses.
La sénatrice Omidvar : Ma question s'adresse à M. Forcese. On nous a parlé hier de quelque 22 autres pays — le Royaume-Uni, d'autres parties de l'Europe, d'autres parties du monde — où l'on a adopté la révocation de la citoyenneté des personnes ayant une double nationalité, et on demande toujours si c'est la même chose que nous faisons. Pouvez-vous nous donner des précisions à savoir si c'est ce que les États-Unis font, et la France, et nous dire si vous pensez que le Royaume-Uni est un endroit plus sûr parce que dans ce pays, les déportations se font sans hésitation?
M. Forcese : Je vais faire de mon mieux. Aux États-Unis, il est essentiellement impossible de révoquer la citoyenneté de quelqu'un, en guise de pénalité supplémentaire, en raison de la jurisprudence en matière constitutionnelle dans ce pays. La révocation comme moyen d'imposer une peine supplémentaire serait une violation du huitième amendement de la constitution américaine qui interdit les châtiments cruels et inusités. Cette jurisprudence se construit depuis presque un demi-siècle.
De plus, selon le droit américain, dans la mesure où la révocation serait autorisée, il faut qu'elle soit entreprise avec le consentement de la personne dont la citoyenneté est en cours de révocation. Il y a donc d'étroites manifestations de ce consentement, qui peuvent inclure, au moins en principe, la participation à la lutte armée d'une force étrangère contre les États-Unis.
Au bout du compte, même dans de telles circonstances, les normes d'application régulière de la loi en vertu du cinquième amendement, aux États-Unis, exigent que la norme de preuve dépasse le doute raisonnable. Autrement dit, ce sont essentiellement les mêmes normes que pour une procédure criminelle, ce qui signifie qu'en pratique, la révocation n'est pas un outil utilisé généralement aux États-Unis. En fait, on estime que c'est un anathème, d'après les discussions que j'ai eues avec des collègues des États-Unis qui ont travaillé dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, ainsi qu'avec des outils antiterrorisme.
En ce qui concerne la France, ce pays a eu pendant un certain temps des dispositions visant la révocation pour les citoyens naturalisés depuis une période donnée, en cas d'infractions de terrorisme. La citoyenneté peut être révoquée si, à l'intérieur d'une période donnée suivant la naturalisation, une personne commet une infraction de terrorisme.
Dans le sillage des attaques de Paris, on a cherché à étendre la portée de cela et en fait, de modifier la constitution de la France afin de permettre encore plus de révocations. Les Français ont abandonné cet effort, craignant d'opter pour une solution contre-productive, en ce sens qu'il s'agirait d'un contre-discours — une chose très dévastatrice sur le plan du pluralisme et de l'inclusion —, mais aussi parce qu'on viserait en particulier les détenteurs d'une double nationalité.
Dans le contexte du Royaume-Uni, il existe depuis des années la perspective d'une révocation, bien que ce soit seulement pour les détenteurs d'une double nationalité, parce que vous ne pouvez faire en sorte qu'une personne soit apatride. Il y a eu plusieurs cas de révocation de la citoyenneté.
Pour la question à savoir si cela a rendu le Royaume-Uni plus sûr, je ne suis pas sûr que nous ayons une base empirique nous permettant d'en arriver à cette conclusion. Je dis cela en partie parce que c'est un concept relativement nouveau, mais aussi, en plus, parce qu'au bout du compte, les personnes dont la citoyenneté est révoquée ont tendance à être des combattants étrangers qui sont à ce moment-là engagés dans des conflits armés dans des endroits comme en Syrie et en Iraq, et que bon nombre de ces personnes sont tuées de toute façon. La question de savoir si elles auraient pu causer le chaos est un faux débat, car elles ne peuvent retourner pour des raisons évidentes.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
La sénatrice Frum : Monsieur Pagtakhan, je suis très intriguée par vos observations au sujet de la maîtrise des langues officielles. Vous avez dit des choses qui sont à la fois provocatrices et intéressantes, et je veux vous interroger sur cette idée selon laquelle il serait sensé, pour avoir des citoyens qui maîtrisent le français ou l'anglais, de les soumettre à des tests à l'étape de la résidence permanente, ou de ne pas le faire du tout.
Je présume que si nous avons le système que nous avons plutôt que celui que vous proposez, c'est parce que nous donnons aux éventuels citoyens la possibilité d'apprendre le français ou l'anglais quand ils arrivent au Canada. Nous ne mettons pas la barre à une hauteur telle qu'ils ne pourraient jamais faire leur entrée au Canada en tant qu'éventuels citoyens s'ils ne connaissent ni le français ni l'anglais. Nous disons qu'ils peuvent venir ici; avant, ils avaient cinq ans, et maintenant, ils en ont trois pour apprendre une des deux langues. Je présume que c'est le fondement de la politique que nous avons maintenant. Diriez-vous que c'est sensé?
M. Pagtakhan : C'est peut-être à l'origine de cela, sénatrice, mais la raison pour laquelle je fais cette recommandation, c'est que vous n'avez pas besoin d'apprendre le français ou l'anglais pour devenir un citoyen du Canada, si vous êtes un résident permanent. En fait, vous pouvez attendre d'avoir 64 ans, ou 55 ans avec le nouveau projet de loi. Nous disons aux gens qu'ils n'ont pas besoin de maîtriser une des deux langues, et qu'ils peuvent simplement attendre.
La plupart des gens qui vont venir au Canada à titre d'immigrants économiques seront obligatoirement soumis à un examen linguistique dès l'arrivée, de toute façon, alors pour ces gens, la question de la maîtrise d'une des deux langues est réglée. Leurs enfants vont évoluer dans le système scolaire, et il leur sera ainsi presque impossible de le faire sans apprendre le français ou l'anglais. Pourquoi, alors, imposer un examen linguistique s'ils atteignent l'âge adulte pendant ces années-là du processus?
Aussi, penchons-nous sur les données démographiques relatives aux immigrants de la catégorie du regroupement familial — ceux que nous devrions peut-être viser particulièrement — et aux réfugiés, qui n'ont pas besoin de subir d'examen linguistique pour venir ici. Les parents et grands-parents auront probablement plus de 55 ans, alors nous leur disons essentiellement qu'ils peuvent venir ici sans subir d'examen linguistique et devenir des citoyens sans parler l'une des deux langues. Quant aux réfugiés, nous leur disons que nous les faisons venir ici pour les protéger, mais que nous ne leur permettrons pas de devenir des citoyens s'ils ne connaissent pas une des deux langues.
Ce n'est pas la citoyenneté, ou le serment de citoyenneté, qui va motiver ces gens à apprendre le français ou l'anglais. La motivation, c'est : « Je peux nourrir ma famille en trouvant un emploi, ou je peux aller à l'école, ou communiquer avec mes voisins .»
Normalement, ce que l'on constate, c'est que la plupart des gens qui viennent ici vont finir par apprendre l'une des deux langues. Si nous disons aux gens qu'ils n'ont pas besoin du français ou de l'anglais — et c'est ce que nous faisons, en limitant l'âge où cette connaissance est requise, et c'est ce que le dernier gouvernement a fait quand il a augmenté l'âge, car cela demeurait une exemption —, laissons tomber cela. Débarrassons-nous des coûts que cela représente pour les immigrants qui viennent au Canada et doivent subir le test. Débarrassons-nous des coûts que le gouvernement du Canada doit subir pour évaluer les compétences linguistiques, étant donné que, franchement, nous ne l'exigeons pas au-delà d'un certain âge.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie tous les deux de vos exposés. Vous avez tous les deux parlé de la révocation de la citoyenneté pour des actes terroristes, mais vous n'avez pas mentionné la révocation pour fausses déclarations ou fraude. L'une des choses que nous entendons depuis que nous avons commencé à écouter des témoins, hier, c'est qu'il n'y a pas de dispositions visant une audience ou le droit à une audience. Tout se fait par écrit, et il n'existe pas de droit d'appel ou de possibilité de saisir un tribunal d'un dossier. Que pensez-vous de cela?
M. Forcese : Ma première réaction, c'est qu'il vaut mieux plus que moins de protection par l'application régulière de la loi, et ce, en partie parce qu'il est difficile d'imaginer un résultat plus radical que la révocation de la citoyenneté d'une personne, selon la jurisprudence américaine dans ce domaine. On dit très couramment que la citoyenneté, c'est le droit d'avoir des droits. C'est au cœur de ce qui permet par exemple à une personne d'être au Canada. Si la citoyenneté peut être révoquée, il semble approprié de prévoir des protections suffisantes.
Ce problème a surgi dans le passé. La révocation pour fraude est le seul motif de révocation qui fait partie de notre Loi sur la citoyenneté depuis le début, et on a soulevé la question des normes d'application régulière de la loi dans le passé, y compris la question de savoir s'il y a des attentes d'ordre constitutionnel. Les cours sont divisées à ce sujet, du moins en ce qui concerne la fraude.
Je ne sais pas s'il y a en soi une solide obligation constitutionnelle, mais de l'autre côté, je pense qu'il y a une excellente raison politique de dire qu'il faudrait des freins et contrepoids dépassant ce qui se produit simplement dans le bureau du ministre ou dans l'appareil bureaucratique, à cause de la gravité des conséquences.
M. Pagtakhan : Je suis tout à fait d'accord avec M. Forcese. Nous ne sommes pas d'accord sur la question de la révocation de la citoyenneté pour terrorisme, mais en cas de révocation pour terrorisme, ils ont en réalité de plus grandes protections, dans le sens qu'il faut prouver leur culpabilité au-delà de tout doute raisonnable devant un tribunal avant d'enclencher ce processus.
Sénateur Eggleton, je pense que le processus devrait comporter des freins et contrepoids. Je pense qu'il devrait être possible d'interjeter appel. Il devrait être possible de demander un contrôle judiciaire pour tous les cas où la citoyenneté risque d'être révoquée. La personne devrait avoir la possibilité de démontrer que sa citoyenneté ne doit pas être révoquée.
La sénatrice Stewart Olsen : Avec vos visions opposées, vous rendez les choses très difficiles. J'aimerais vraiment entrer dans les détails avec vous deux, mais je dois m'adresser à M. Forcese. Nous avons déjà croisé le fer, vous et moi. En raison de vos convictions — et vous êtes très bon pour réfuter tous les points de vue —, avez-vous pensé que la révocation aurait peut-être plus que tout un effet dissuasif, si c'est ce qui vous pend au bout du nez? Nous cherchons des moyens dissuasifs qui stopperont le cours des choses avant qu'elles se produisent. D'après votre expérience, que dites-vous de cela?
M. Forcese : Au bout du compte, il existe divers moyens de dissuader une personne qui risque d'adopter un comportement terroriste, comme aller à l'étranger pour se joindre à un groupe comme Daech, et les principaux se trouvent en réalité dans le Code criminel. Je crois fermement aux outils de la justice pénale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, et je me méfie généralement des outils administratifs, car je doute de leur efficacité. Si je voulais investir des efforts, de l'argent et du temps, ce serait dans l'amélioration des outils de la justice pénale, là où nous n'avons comparativement pas eu autant de succès, c'est-à-dire les poursuites contre les combattants étrangers, en partie à cause de la difficulté de miser sur le renseignement comme preuve. C'est une tout autre discussion que nous pourrions avoir.
Je ne suis personnellement pas persuadé de l'effet dissuasif de la révocation de la citoyenneté qui vient s'ajouter. C'est l'opinion que je partage avec Phil Gurski, par exemple, qui a travaillé au SCRS et qui tient maintenant un blogue très actif. Son expérience l'a amené à croire que la révocation de la citoyenneté risquerait très peu d'avoir un effet dissuasif.
En fait, au contraire, nous aurions cette mesure que nous mettrions en place. Quelles seraient les conséquences en aval, sur la sécurité, aussi bien pour nos alliés que pour nous? En fin de compte, comme je l'ai indiqué dans mon exposé, je pense qu'elles seraient très sérieuses. Même si cela avait un effet dissuasif, je pense qu'il ne ferait absolument pas le poids par rapport aux effets potentiellement négatifs sur la sécurité.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les deux. Monsieur Pagtakhan, je vous prie de transmettre mes meilleurs vœux à votre père. Dites-lui qu'il nous manque beaucoup. Il a fait beaucoup de travail dans ce domaine.
J'ai une question pour vous, monsieur Forcese. Ce qui me trouble vraiment, c'est que si vous êtes un résident permanent, vous obtenez une audience si vous avez commis une fraude à votre arrivée au pays. Si vous êtes un réfugié qui arrive, vous obtenez une audience. Cependant, si vous êtes un citoyen canadien, le ministre a tout simplement le pouvoir de vous enlever votre citoyenneté sans que vous puissiez être entendu par la Cour fédérale. Comme vous le savez, à la Cour fédérale, il est aussi possible d'avoir une audience en matière de droit humanitaire.
Ce que je vais dire va trahir mon âge. Nous avons vu cela avant, l'absence d'audience pour les réfugiés. Après, les cours ont déterminé qu'il fallait des audiences. En vertu de l'article 7, il faut une prise de décision impartiale et indépendante, sans quoi c'est inconstitutionnel.
Je pense que cela va aboutir devant les tribunaux si nous ne prévoyons pas d'appel dans ce processus. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire.
M. Forcese : Il y a en gros trois scénarios qui pourraient découler de la révocation. Le premier, c'est que le ministre révoque la citoyenneté parce que la personne a participé à des combats à l'étranger. La Cour fédérale serait alors saisie du dossier. Le deuxième, c'est la perspective que la citoyenneté soit révoquée parce que la personne a été trouvée coupable au Canada d'une infraction de terrorisme, et il y avait en effet des cas de cela au moment où la loi est entrée en vigueur. Le troisième, c'est la perspective de la révocation de la citoyenneté en raison d'une déclaration de culpabilité à l'étranger.
Je suis d'accord avec mon collègue. Le scénario le moins pernicieux des trois est la révocation de la citoyenneté à la suite d'une déclaration de culpabilité au Canada, sur le plan de la Constitution et de l'application régulière de la loi, pour certaines des raisons qu'il a données, notamment que dans le contexte pénal au Canada, l'application régulière de la loi est garantie.
Comme il l'a aussi dit, la révocation suivant des activités terroristes à l'étranger est beaucoup plus problématique. Je pense qu'on se trouve immédiatement en terrain difficile, sur le plan constitutionnel. La cour estimera vraisemblablement que la révocation, en pareil contexte, représente une sanction supplémentaire. Si c'est le cas, l'article 11 de la Charte entre en jeu, de même que l'article 7, concernant les attentes relatives à l'application régulière de la loi.
Par exemple, selon la disposition de la loi actuelle, il incombe à la personne de démontrer qu'elle n'a pas la double nationalité. Cette inversion du fardeau de la preuve n'est pas nécessairement évidente, mais on s'interrogera sur la constitutionnalité de cela s'il s'agit d'une sanction supplémentaire. Il n'y a donc pas que l'audience et l'absence d'audience qui importent. Il y a aussi le risque que le fardeau imposé par la loi à la personne soit inconstitutionnel ou qu'il suscite le doute concernant sa constitutionnalité.
La sénatrice Seidman : J'aimerais vous poser ma question, monsieur Pagtakhan. Elle découle de votre discussion avec la sénatrice Frum concernant la question de la langue, car vous avez effectivement tenu des propos très provocateurs et intrigants. Avant, cependant, j'aimerais vous dire que, selon Statistique Canada, les adultes âgés de 55 à 64 ans forment 36 p. 100 de notre population active, et que c'est une proportion très considérable. Il leur reste encore peut-être 20 ans à travailler. Si vous avez 55 ans, vous pourriez travailler encore 20 ans et, de nos jours, ce pourrait être encore plus.
Estimez-vous qu'une personne qui immigre au Canada a plus de facilité à s'intégrer, à travailler et à s'établir dans sa collectivité si elle peut fonctionner dans l'une de nos deux langues officielles?
M. Pagtakhan : Tout à fait. Si vous pouvez fonctionner en français ou en anglais, ou dans les deux langues, vous aurez plus de facilité à vous établir. C'est la raison pour laquelle nous faisons cela pour les immigrants économiques dès leur arrivée. Ce que je pense, c'est que l'examen linguistique se fait à la fin. Si nous voulons vraiment veiller à ce que la personne réussisse, n'ait pas de difficulté, n'ait pas de problème à trouver un emploi ou n'ait pas de problème à s'intégrer dans la société, nous devrions lui faire subir l'examen linguistique au début, plutôt qu'à la fin.
Nous avons de bonnes raisons de ne pas l'imposer au début pour certaines personnes, comme les réfugiés et les personnes de la catégorie du regroupement familial. Je suis d'accord avec cela. La greffière m'a dit que je devrais vous signaler que je lui ai fourni des articles d'opinion que j'ai rédigés sur cela et d'autres sujets. Je suis d'avis que cela représente un fardeau inutile pour le demandeur et pour le gouvernement.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question s'adresse à M. Pagtakhan, mais il vient de répondre, en grande partie, à ma préoccupation sur la question linguistique.
D'entrée de jeu, je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Pagtakhan, quant à l'importance de l'inclusion d'information sur les traités des Premières Nations et l'histoire du Canada dans le serment de citoyenneté au Canada, et ce, pour assurer une meilleure intégration des nouveaux citoyens.
Par ailleurs, êtes-vous aussi d'avis que la connaissance des deux langues officielles, ou d'une des deux langues officielles, permet une meilleure connaissance de l'histoire du Canada et, conséquemment, favorise une meilleure intégration du citoyen? En ce sens, j'entends intégration au point de vue économique, mais aussi culturel à l'intérieur de notre pays.
[Traduction]
M. Pagtakhan : Tout à fait. Sénateur, n'allez pas croire que mon opposition aux examens linguistiques au moment du processus d'obtention de la citoyenneté signifie que la langue n'est pas importante à mon point de vue. Je pense que la langue est extrêmement importante. Je pense simplement que l'examen linguistique devrait se faire au début et non à la fin. D'après moi, le faire à la fin est redondant et, dans bien des cas, inutile. À tout le moins, si vous retirez les exigences linguistiques et gardez les exigences actuelles, il faudra une certaine maîtrise du français ou de l'anglais, sans quoi vous ne pouvez passer l'examen pour l'obtention de la citoyenneté. La langue est très importante — je suis d'accord. Ce que je dis, c'est qu'il faut faire subir le test au début, ou ne pas le faire subir du tout, car nous accordons déjà de la valeur au moment où il faut le faire. Nous permettons déjà à ces personnes de vivre ici. Si nous imposons un examen linguistique et qu'elles échouent, ces personnes peuvent quand même vivre ici. Elles peuvent quand même travailler ici, et étudier ici. Elles peuvent aller s'installer dans n'importe quelle province ou n'importe quel territoire, car elles ont la résidence permanente. Nous ne créons pas un problème, mais nous ne réglons pas un problème en faisant subir le test linguistique à l'étape de la citoyenneté.
La sénatrice Raine : Ma question s'adresse à M. Pagtakhan. Avez-vous des données sur le coût du programme d'évaluation linguistique? Je sais qu'il semble manquer de fonds pour les programmes linguistiques à l'intention des réfugiés. Si nous nous débarrassions de l'examen linguistique au moment de l'obtention de la citoyenneté, est-ce que ces fonds pourraient alors être affectés à la formation linguistique des réfugiés?
M. Pagtakhan : Malheureusement, sénatrice, je n'ai rien sur les coûts, mais je sais que la personne doit payer quelques centaines de dollars — peut-être dans les milliers de dollars, selon la taille de la famille — pour subir l'examen. Je ne sais pas ce qu'il en coûte au ministère, alors je ne peux pas vous le dire, mais il y a manifestement des coûts. Le gouvernement doit faire l'évaluation pour déterminer si la personne maîtrise la langue. Des agents doivent être affectés à cela. Il y a des critères, et il y a du travail à faire. Peu importe le coût — je suis désolé de ne pas avoir les données —, il disparaîtrait avec l'élimination de l'examen linguistique.
En passant, si le projet de loi est adopté, vous éliminez l'examen linguistique pour les personnes de moins de 18 ans et de plus de 55 ans. S'il n'est pas adopté, vous éliminez quand même l'examen linguistique pour les personnes qui se situent en dehors du groupe d'âge établi.
Le sénateur Meredith : Merci à vous deux de vos exposés de ce matin. Monsieur Pagtakhan, cette question est directement pour vous, mais je veux également entendre vos observations, monsieur Forcese, à propos des deux catégories de citoyens.
Dans un article d'opinion sur le projet de loi C-6 qui a été publié par CBC, vous avez dit en faveur de la révocation que :
Même si l'on crée ainsi deux niveaux de citoyenneté, il n'y a rien de mal à avoir un niveau pour les personnes reconnues coupables de terrorisme, d'espionnage et de trahison et un autre niveau pour tous les autres citoyens.
Il n'est pas vraiment exact de dire que le projet de loi C-24 crée deux niveaux, à savoir la double et la simple citoyenneté. Pourquoi punir les terroristes différemment plutôt que de mettre davantage l'accent sur l'acte terroriste commis ici au Canada? Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet?
M. Pagtakhan : Les terroristes — des espions, en fait, et aussi des gens qui commettent un acte de trahison — ont été reconnus coupables hors de tout doute raisonnable. Ils ont bénéficié de la présomption d'innocence et des protections découlant des droits garantis par la Charte.
De plus, selon la Cour suprême du Canada — et je pense que cela pourrait également avoir une incidence et être applicable en matière de citoyenneté —, les tribunaux sont autorisés à tenir compte des conséquences d'une condamnation en ce qui a trait à l'immigration. Dans le contexte criminel, les tribunaux pourront donc tenir compte du fait que la citoyenneté pourrait être ou serait révoquée, selon ce qui est fait avec ce projet de loi. Pour cette raison, je pense que la personne concernée bénéficierait d'une protection adéquate.
Les terroristes, les espions et ceux qui commettent un acte de trahison devraient se faire retirer leur citoyenneté et être en mesure de prouver qu'ils devraient la garder. Je reconnais qu'il y a des situations comme celle de feu Nelson Mandela. Il devrait y avoir des moyens de dire que lorsque quelqu'un a été terroriste à un moment donné, mais qu'il s'est ensuite engagé sur la voie de la paix, on ne devrait peut-être pas le priver de sa citoyenneté.
Ce que je dis, c'est que je pense que ces personnes devraient perdre leur citoyenneté parce qu'elles ont été reconnues coupables hors de tout doute raisonnable, et que ces actes sont très odieux et représentent des attaques qui touchent non seulement des personnes, mais aussi la société et les valeurs canadiennes — dans la mesure où on peut employer le terme « valeurs canadiennes » de nos jours.
M. Forcese : Je ne veux pas me répéter, mais je pense que les répercussions sur la sécurité sont en grande partie l'inconvénient de la révocation.
À propos de la double citoyenneté, le droit international explique pourquoi le gouvernement a décidé de cibler les personnes ayant une double nationalité. Toutefois, en procédant ainsi, il a instantanément ouvert la porte à un argument fondé sur le droit à l'égalité prévu à l'article 15 de la Charte, qui consiste à dire que nous avons maintenant une catégorie de personnes naturalisées au Canada. Environ 3 p. 100 des Canadiens possèdent une double nationalité, parmi lesquels environ 75 p. 100 sont des immigrants. Le risque associé à ces personnes diffère grandement du risque associé à quelqu'un qui n'a qu'une simple nationalité.
Pour régler le problème, on propose entre autres que les personnes concernées renoncent à leur autre nationalité, mais ailleurs dans le monde, ce sont les autres États qui régissent leur loi sur la nationalité, et cette renonciation est impossible dans beaucoup de pays. Il y a ce qu'on appelle le concept d'une nationalité entêtée, car on ne peut pas s'en défaire une fois qu'on la possède.
Cela signifie que les personnes qui ont une double nationalité courent un risque particulier auquel ne font pas face les autres personnes qui pourraient commettre des actes tout aussi odieux. Une fois de plus, je répète qu'il n'y a pas de raison de croire que ceux qui possèdent une double nationalité sont plus dangereux ou plus susceptibles d'être terroristes que les autres. En fait, nous observons une hausse du nombre de combattants étrangers et de Canadiens n'ayant aucun lien avec un autre pays.
La sénatrice Petitclerc : Il y a quelques minutes, je voulais poser à M. Pagtakhan une question sur la langue. Comme j'ai obtenu la réponse, je vais poser une question d'ordre général à M. Forcese. J'espère que vous l'aimerez.
Je m'intéresse à l'aspect social, pas juridique, des répercussions de la révocation. Vous pouvez peut-être m'aider à comprendre à quoi ressemblent les répercussions sociales, positives ou négatives, sur le plan individuel, familial ou communautaire. Avez-vous des exemples provenant des données ou de la documentation? À quelles répercussions sociales pouvons-nous nous attendre si nous nous engageons dans cette voie plutôt qu'une autre?
M. Forcese : À propos de la révocation, on entend essentiellement deux discours. Selon le discours qui y est favorable, en commettant des actes de ce genre, on fait preuve de déloyauté envers le Canada, la société et les valeurs canadiennes, et il s'agit donc d'une mesure appropriée, ce qui est un point de vue qui peut paraître convaincant pour certains.
L'autre discours, bien entendu, est qu'en ciblant les personnes ayant une double citoyenneté, dont 75 p. 100 ont immigré récemment, on crée un contre-discours qui dit que ces personnes sont particulièrement dangereuses et, qui plus est, qu'elles ne font pas vraiment partie de la société canadienne parce qu'elles n'ont qu'un simple statut probatoire.
Pour ceux dont le travail est de contrer l'extrémisme violent — et je suis un disciple de ceux qui font de la recherche dans ces domaines —, ce genre de discours qui consiste à dire que ces personnes ne sont pas tout à fait comme nous risque de nuire grandement aux efforts d'intégration et de lutte contre la radicalisation qui devraient être au cœur de nos démarches visant à éviter la radicalisation menant à la violence.
On peut voir les deux côtés de la médaille, mais le discours qui m'interpelle le plus est celui selon lequel nous risquons, en ciblant cette sous-catégorie de la population pour contrer ce risque particulier, de faire de la propagande au détriment de nos objectifs ultimes de sécurité.
Le président : Avant de commencer le deuxième tour, je vais commenter les réponses de M. Pagtakhan au sujet de la langue. Je ne poserai pas de question, car je comprends très bien votre point de vue.
Je tiens à souligner que notre comité a étudié les déterminants sociaux dans les villes du Canada ainsi que les difficultés d'adaptation à la vie canadienne et d'amélioration des débouchés dans nos grandes villes. Or, nous avons établi que la langue est un des aspects les plus importants de la capacité de réussir. Je signale seulement que je ne souscris personnellement pas à votre approche. Je pense qu'il y a une autre façon de s'y prendre, mais il ne me revient pas de la faire valoir ici. Je tenais juste à ce que cela figure au compte rendu.
La sénatrice Omidvar : Cette nouvelle idée concernant la langue m'intrigue beaucoup, mais je ne vais pas en parler maintenant.
Je vais poser une autre question à M. Forcese au sujet de l'examen du projet de loi C-24 effectué par le SCRS. J'ai cru comprendre que vous avez présenté une demande d'accès à l'information pour voir quel était le raisonnement du SCRS en matière de sécurité dans sa réponse concernant le projet de loi C-24. Pouvez-vous nous parler de la réponse de l'organisme?
M. Forcese : De toute évidence, dans mon étude des répercussions sur la sécurité du projet de loi C-24 et des dispositions sur la révocation, j'étais intéressé de savoir quel genre de diagnostic politique avait été fait pour appuyer les changements en 2014. J'avais parlé à d'anciens employés du SCRS. Ils avaient des doutes. À vrai dire, j'ai des coupures de journaux où des personnes comme Ray Boisvert soulèvent certaines préoccupations. Ray Boisvert a occupé des fonctions de cadre supérieur au SCRS et a soulevé certaines préoccupations que j'ai moi aussi exprimées.
Je voulais savoir s'il y avait des documents officiels sur la question, et j'ai donc présenté au cours des trois dernières années des demandes d'accès à l'information auprès du SCRS et d'autres ministères. Il est difficile d'extrapoler à partir de ce qu'on obtient en présentant des demandes d'accès à l'information, mais rien n'indique qu'on a considéré davantage les répercussions sur la sécurité de cette mesure. En fait, le document que j'ai obtenu du SCRS ne comptait qu'une seule page, sur laquelle un seul paragraphe disait que le SCRS jouerait le rôle qui lui revient en mettant en œuvre la politique du gouvernement du Canada.
On n'a donc pas évalué les répercussions. Je n'ai trouvé aucune trace d'évaluation en recourant à la Loi sur l'accès à l'information, ce que je trouve inquiétant, en partie parce qu'il est plutôt facile d'énumérer les inconvénients potentiels de cette mesure sur le plan de la sécurité.
La sénatrice Frum : J'aimerais avoir l'opinion juridique des deux témoins en leur demandant s'ils croient qu'un nouveau citoyen se rend coupable de fraude lorsqu'il prête le serment suivant :
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine [...] à ses héritiers et successeurs et je jure d'observer fidèlement les lois du Canada et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.
et qu'il commet ou tente de commettre ensuite un acte de terrorisme. Ce nouveau citoyen commet-il une fraude?
M. Forcese : Le concept de fraude renvoie à la situation qui avait lieu au moment de prêter serment. Il s'agit donc du scénario d'un crime de guerre. « Étiez-vous un collaborateur nazi? » « Non, je n'étais pas un collaborateur nazi. » « Oh, vous avez menti. Vous avez donc commis une fraude. »
La sénatrice Frum : J'observerai les lois du Canada.
M. Forcese : Pour prouver que c'est une fraude, vous auriez à démontrer que la personne, lorsqu'elle a prêté serment, avait l'intention de le rompre. Il vous faudrait démontrer son état d'esprit. Dans notre droit pénal, la fraude ne dépend pas uniquement de l'action, mais aussi de l'état d'esprit requis. Dans bien des cas, quand nous parlons de révocation, nous parlons de personnes — par exemple les 18 de Toronto — qui sont arrivées ici alors qu'elles étaient de très jeunes enfants, qui ont fait l'objet au Canada d'une radicalisation menant à la violence et qui, au moins dans un cas, sont nées ici.
La sénatrice Frum : Et l'une de ces personnes, l'instigatrice, est arrivée à l'âge de 14 ans.
M. Forcese : Ce qu'il faut retenir, c'est que nous parlons d'appliquer une norme de révocation à des personnes qui n'ont peut-être même jamais prêté votre serment.
La sénatrice Frum : Lorsque des parents prêtent serment, ils le font au nom de leurs enfants.
M. Forcese : Sur le plan juridique, je pense qu'il serait très difficile d'attribuer la fraude en passant des parents à l'enfant.
M. Pagtakhan : Je ne verrais pas comme une fraude la situation où une personne commet un crime après avoir prêté serment. Je suis d'accord avec M. Forcese : il est question du moment où l'on prête serment.
Si vous parlez de personnes qui violent le serment, il est vrai qu'elles s'engagent à observer toutes les lois du Canada. Si ma femme, qui était résidente permanente et qui est maintenant citoyenne, se faisait prendre pour excès de vitesse, on pourrait dire qu'elle n'a pas observé les lois. Je ne pense vraiment pas que c'est l'outil qui devrait être utilisé. Si votre objectif est la révocation de la citoyenneté des terroristes, je pense que le bon outil est celui qui existe déjà dans la loi actuelle.
Le sénateur Eggleton : Je veux passer à un autre aspect du projet de loi, qui porte sur la question de la présence effective au Canada à partir du moment où la personne est admise jusqu'à celui où elle demande la citoyenneté.
En resserrant les dispositions à cet égard, le gouvernement était en partie préoccupé par ce qu'il appelait un « port de complaisance », c'est-à-dire la situation où les personnes vivent la plupart du temps dans un autre pays, peut-être celui où ils sont nés, plutôt qu'au Canada, même si elles veulent obtenir la citoyenneté canadienne.
Ce projet de loi change maintenant l'exigence, qui passe de quatre années sur six à trois années sur cinq. On reconnaît aussi aux résidents temporaires, comme ceux qui viennent ici pour étudier, une demi-journée pour chaque journée passée au Canada. On a également éliminé la disposition sur l'« intention de résider ».
L'objectif est l'attachement au Canada, mais, de nos jours, dans un contexte de mondialisation, il arrive assez souvent qu'on décroche un emploi à l'étranger. On reconnaît que s'ils travaillent pour l'armée ou pour une entité canadienne, ils seraient exemptés, mais il est possible qu'ils travaillent pour une ONG, une société par actions ou un établissement d'enseignement. Beaucoup de monde se déplace partout dans le monde, beaucoup plus qu'avant.
Je me demande si vous pouvez parler de l'attachement au Canada dont il est question dans ces dispositions. S'agit-il des bonnes modifications à apporter, ou vont-elles trop loin ou pas assez loin?
M. Pagtakhan : J'ai appuyé la modification relative à la résidence proposée dans le dernier projet de loi. Le grand changement qui était important selon moi, et qu'on ne retrouve pas ici, concerne le critère de présence effective. Je pense qu'il doit y avoir une présence effective. Si la personne assure une présence effective trois années sur cinq, plutôt que quatre années sur six, c'est encore considérable. Je ne m'oppose pas trop à cette mesure.
Je n'ai également rien contre le crédit de temps réduit de moitié que l'on retrouve dans le projet de loi à l'intention des résidents temporaires avant qu'ils ne deviennent des résidents permanents, à moins que ces résidents temporaires soient des touristes. Je ne pense pas qu'un crédit devrait être accordé à ceux qui sont ici comme touristes, mais il doit certainement y avoir ce genre de crédit pour les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants étrangers ou internationaux.
Pour ce qui est de l'intention de résider, je conviens que cela devrait être supprimé. Je pense qu'il est formidable que les gens aient l'intention de résider au Canada, mais, monsieur le sénateur, je conviens comme vous que nous vivons dans une société planétaire, et nous encourageons les Canadiens à parcourir le monde. Nos établissements d'enseignement les encouragent à se déplacer, tout comme nos accords commerciaux.
L'accent devrait être mis sur l'élimination de l'intention de résider, qui est une bonne idée selon moi; sur le rétablissement du crédit de temps réduit de moitié pour les résidents temporaires autres que les touristes; et sur le changement de la période de quatre années sur six à trois années sur cinq. Je favorisais quatre années sur six, mais je ne m'oppose pas à trois années sur cinq tant que le critère de présence effective s'applique et pas l'ancien critère de résidence qui permettait d'être résident sans présence effective.
La sénatrice Jaffer : J'ai pour vous deux une question qui porte sur les immigrants et le terrorisme. Une étude faite en 2010 par le SCRS et obtenue par le Globe and Mail a révélé que les Canadiens de naissance sont plus susceptibles d'être radicalisés que les immigrants. Le fait de mettre l'accent sur la citoyenneté pour punir les gens détourne-t-il l'attention d'autres stratégies de lutte contre le terrorisme et contre la radicalisation?
Le Sénat a tenu beaucoup de discussions sur la double citoyenneté, et comme vous le savez tous les deux, la double citoyenneté peut exister à l'insu de la personne concernée. Par exemple, parmi les 17, certains sont considérés comme Pakistanais même s'ils n'ont jamais eu de contact avec le Pakistan et qu'ils ignoraient avoir la citoyenneté pakistanaise. Si je ne m'abuse, les enfants d'un parent pakistanais ou iranien obtiennent automatiquement la nationalité pakistanaise ou iranienne.
Ce qui me pose problème, c'est que nous ne mettons pas l'accent au bon endroit. Nous devrions nous pencher sur ce qui arrive à nos enfants ici. Nous mettons nos ressources au mauvais endroit. J'aimerais que vous me fassiez part tous les deux de vos observations.
M. Pagtakhan : Je ne pense pas que cela détourne l'attention tout simplement parce qu'une personne dont la citoyenneté est révoquée doit avoir passée par l'ensemble du système de justice pénale. Il faut donc qu'elle ait d'abord passé par le mécanisme d'application. C'est pour cette raison, madame la sénatrice, que je ne pense pas que cela détourne l'attention, pour répondre directement à votre question.
M. Forcese : Je pense que c'est une distraction. Je vais vous donner un exemple. M. Mohamed Hersi a été la première personne reconnue coupable d'avoir tenté de voyager pour se joindre à un groupe terroriste, à savoir Al- Chabaab en Somalie. Il purge maintenant une peine de 10 ans pour cette raison. Selon la rumeur, il faisait partie de la prochaine tranche de personnes dont la citoyenneté canadienne devait être révoquée, ce qui ferait de lui un Somalien et se traduirait par une expulsion vers la Somalie à la fin de sa peine. Dans ce cas-ci, nous le renverrions exactement où il tentait de se rendre, ce qui a mené à sa peine de 10 ans de prison. En dépit de la situation actuelle en Somalie, qui est très prometteuse en vue d'obtenir un nouveau gouvernement, nous ne ferions vraisemblablement que précipiter le moment où il pourrait joindre Al-Chabaab, un groupe qui peut s'avérer profondément déstabilisant.
Voilà où c'est une distraction. Le problème, c'est la mentalité qui repose sur des renseignements tenus pour véridiques; le Service correctionnel du Canada estime qu'une grande partie de ses problèmes relatifs à la réadaptation pourraient être réglés, tout simplement parce que ces personnes seraient renvoyées du Canada après avoir purgé leur peine et qu'elles ne seraient plus le problème du Canada. Cela me semble erroné, parce qu'il ne serait pas possible de les renvoyer du Canada dans bien des cas, même si nous leur retirons la citoyenneté, en raison des risques de torture.
Qui plus est, cela nous décourageait d'investir sérieusement dans ce que nous appelons le désintéressement du terrorisme. En fin de compte, nous devons vraiment investir dans ce domaine, parce qu'un grand nombre de personnes, même si nous pouvons leur retirer la citoyenneté, n'auront pas une double citoyenneté et qu'il faut concevoir des outils de réadaptation dans le domaine du désintéressement du terrorisme. D'autres pays ont de la difficulté à cet égard actuellement, et je crois que nous accusons du retard en la matière, en partie parce que nous essayons de trouver des raccourcis.
Le sénateur Meredith : Monsieur Forcese, cela concerne un peu la nature de mes questions et de celles de ma collègue, la sénatrice Jaffer, en ce qui concerne les investissements nécessaires. Vous affirmez que nous consacrons de loin plus d'argent à essayer de renvoyer des gens du Canada que nous l'avons fait jusqu'à maintenant pour lutter contre l'extrémisme violent et le terrorisme. Nous parlons de la radicalisation et de l'engouement des jeunes qui sont attirés par le groupe État islamique, Al-Chabaab ou Boko Haram.
Que faut-il faire? Quelles sont les répercussions financières des investissements? Pouvez-vous nous donner des chiffres? Que devrions-nous faire maintenant? Vous pouvez tous les deux me répondre à ce sujet, parce que je crois que c'est le point crucial.
Je siège aussi au comité de la défense, et nous parlons d'interruption; nous ne voulons pas que cela arrive, mais nous sommes au premier rang pour nous assurer que rien ne se produit, ce qui nous coûte encore plus cher. Pensons à nos établissements où des personnes sont détenues. Nous investissons plus dans leur détention que nous le faisons pour nous assurer d'éviter qu'elles s'y retrouvent. J'aimerais que vous nous expliquiez les répercussions financières pour le Canada.
M. Forcese : Je vais vous donner les chiffres que j'ai en mémoire, mais je vais devoir les vérifier. De mémoire, le gouvernement du Canada a dépensé 60 millions de dollars sur deux ans pour cinq certificats de sécurité pour cause de terrorisme concernant des non-Canadiens faisant l'objet de mesures de renvoi au cours des dernières années de la dernière décennie. Cela soulevait de nouveaux enjeux constitutionnels, mais une grande partie des coûts provenait de la surveillance jour et nuit et d'autres mesures auxquelles avait recours l'ASFC.
En comparaison, jusqu'en 2015, nous essayions de lancer un programme à la GRC pour lutter contre l'extrémisme violent, dont le budget était de 2,5 millions de dollars pour l'ensemble du pays. Je crois que le gouvernement actuel s'est engagé à investir 10 millions de dollars sur cinq ans et à le renouveler. Encore aujourd'hui, même si le gouvernement fédéral prend des mesures pour lutter contre l'extrémisme violent, les investissements en la matière sont encore, à mon avis, insuffisants.
Le problème est que la lutte contre l'extrémisme violent est encore un domaine nouveau. Les sciences sociales dans le domaine sont encore à un stade rudimentaire. Il y a beaucoup de projets intéressants en cours dans le monde. Je crois que nous devons investir considérablement dans ce domaine. Comme le dit le proverbe, mieux vaut prévenir que guérir. Cependant, la guérison est très dispendieuse lorsqu'il est question du renvoi de personnes.
M. Pagtakhan : Je suis d'accord avec les commentaires du professeur Forcese. Je crois que le retrait de la citoyenneté est un outil, mais ce n'est qu'un outil parmi tant d'autres. Je préférais voir des gens ne pas devenir des terroristes, parce que nous pouvons les désintéresser du terrorisme et avoir recours plus tôt à certaines interventions. Voilà où je crois que nous devrions investir.
Ne voyez pas mon soutien à l'égard du retrait de la citoyenneté pour des terroristes comme la seule et unique solution à ce problème. Il y a évidemment de nombreuses solutions avant même que cette personne soit accusée et reconnue coupable d'avoir commis un acte terroriste. À cet égard, je suis d'accord avec M. Forcese. Je crois que nous devons intervenir plus tôt, et c'est à ce chapitre que nous devrions faire des investissements. La protection des Canadiens est ce qui importe.
Le président : Nous avons entendu d'excellentes questions. Nous avons eu des réponses très intéressantes qui contribueront certainement à notre capacité d'analyser le projet de loi dont nous sommes saisis.
Chers collègues, je suis ravi d'accueillir nos deux prochains témoins, que nous connaissons bien. Je vais les présenter dans l'ordre qu'ils apparaissent sur la liste. Je souhaite en premier la bienvenue à Avvy Yao-Yao Go, directrice de clinique de la Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic. Madame Go, allez-y.
Avvy Yao-Yao Go, directrice de clinique, Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic : Merci. Bonjour. Je tiens à dire quelques mots au sujet de notre clinique d'aide juridique. Nous sommes un organisme sans but lucratif à Toronto qui fournit des services juridiques gratuits aux membres à faible revenu des communautés chinoises et de l'Asie du Sud-Est. Notre organisme a été fondé en 1987; il existe donc depuis près de 30 ans. La majorité de nos clients ne parlent pas anglais et se heurtent à des barrières linguistiques et à d'autres obstacles pour avoir accès à des services juridiques.
Je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-6. Dans mon exposé, je vais souligner ce matin certains problèmes concernant le projet de loi et ses conséquences sur nos clients. J'aimerais en particulier aborder la question des exigences relatives aux compétences linguistiques et aux connaissances et les frais liés à la demande.
J'aimerais tout d'abord mentionner les changements positifs proposés par le projet de loi C-6, qui abroge un grand nombre de dispositions troublantes du précédent projet de loi, soit le projet de loi C-24. Nous appuyons notamment le rétablissement des exigences relatives aux compétences linguistiques et aux connaissances de manière à ce qu'elles ne s'appliquent qu'aux demandeurs de 18 à 54 ans plus tôt qu'à ceux de 14 à 64 ans, comme le prévoit le projet de loi C-24. Nous sommes heureux de ce changement qui profitera à bon nombre de clients de notre clinique d'aide juridique en raccourcissant le chemin qui les sépare de la citoyenneté.
Cependant, selon le libellé actuel, un demandeur doit encore prouver au début du processus qu'il possède des compétences linguistiques suffisantes, sans quoi Citoyenneté et Immigration ne traitera pas sa demande. Cette exigence nuit aux résidents permanents dont la langue maternelle n'est pas l'anglais ou le français, et bon nombre d'entre eux appartiennent à des minorités ethniques ou visibles.
Même si nous comprenons que l'imposition d'exigences linguistiques strictes vise à nous assurer que les demandeurs de citoyenneté possèdent des compétences linguistiques suffisantes, ce qui contribuera à réduire leur marginalisation, ces exigences créent malheureusement l'effet exactement opposé.
Notre organisme existe depuis 1987, et nous avons aidé littéralement des dizaines de milliers d'immigrants et de réfugiés à faible revenu qui occupent des emplois précaires. Un grand nombre d'entre eux ne possèdent pas les compétences linguistiques suffisantes pour réussir l'examen pour la citoyenneté. Certains d'entre eux ont un faible niveau d'alphabétisation, et ce, même dans leur langue. Ils doivent souvent travailler de très longues heures pour joindre les deux bouts et n'ont tout simplement pas beaucoup de temps ou de ressources à consacrer à l'amélioration de leurs compétences linguistiques. Bon nombre d'entre eux possèdent tout juste les compétences linguistiques suffisantes pour vivre et travailler au Canada et apporter leur contribution en travaillant ou en faisant du bénévolat. Cependant, ce n'est pas parce qu'ils ne possèdent pas des compétences linguistiques suffisantes qu'ils sont moins canadiens pour autant.
Les immigrantes sont tout particulièrement touchées par les exigences strictes relatives aux compétences linguistiques et aux connaissances puisqu'elles sont plus susceptibles que les hommes d'être venues au Canada en tant qu'épouses parrainées sans devoir satisfaire à l'exigence relative à la connaissance de l'anglais ou du français et qu'elles ont moins d'occasions de mettre à niveau leurs compétences linguistiques en raison de leurs responsabilités à l'égard de leur famille et des enfants. L'application à ces personnes du critère strict relatif à l'évaluation des compétences linguistiques revient tout simplement à leur refuser la citoyenneté, ce qui ne permettra pas de les rendre plus autonomes.
Si le gouvernement veut vraiment améliorer le sort des communautés marginalisées, je crois donc que la meilleure chose à faire est d'augmenter considérablement les investissements dans les cours de langue pour les nouveaux arrivants et de leur accorder des prestations de remplacement du revenu et des subventions pour les services de garde à l'enfance. Ainsi, un plus grand nombre d'immigrants et de réfugiés à faible revenu pourront en fait tirer profit de ces cours de langue. Par conséquent, nous recommandons de supprimer la politique qui exige dès le départ une preuve écrite de compétences linguistiques et l'exigence voulant que le demandeur passe l'examen de connaissances dans l'une des langues officielles.
Pour la même raison, nous demandons également au Sénat d'élargir le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre pour qu'il puisse attribuer la citoyenneté en dispensant des exigences relatives aux compétences linguistiques et aux connaissances des personnes qui, pour diverses circonstances, ne pourront réussir à satisfaire à ces exigences.
En ce qui concerne les frais liés à la demande, nous nous inquiétons évidemment énormément que les frais aient triplé au cours des dernières années. Ce montant exorbitant fait en sorte que la citoyenneté n'est plus à la portée d'un grand pan de la population et en particulier des personnes à faible revenu, et les groupes marginalisés, comme les femmes, les personnes handicapées et les minorités ethniques, sont bien entendu surreprésentés parmi les groupes à faible revenu. Ce sont donc eux qui portent le fardeau de ces hausses.
En conclusion, nous voulons rappeler que la Loi sur la citoyenneté est l'une des mesures législatives les plus importantes au Canada. La citoyenneté nous définit en tant que peuple et définit le Canada en tant que nation. Par le passé, de nombreux membres de minorités ethniques ne pouvaient pas devenir citoyens. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis, et toute modification à la Loi sur la citoyenneté au Canada doit être examinée dans l'optique de l'égalité et de l'inclusion pour nous assurer de ne pas répéter les erreurs du passé.
C'est dans l'intérêt du Canada d'encourager plus d'immigrants à devenir citoyens et de leur permettre de le faire. L'élimination des obstacles à la citoyenneté nous permettra d'atteindre cet objectif et profitera au Canada et aux immigrants. Merci.
Le président : Merci. J'invite maintenant Mme Taub, avocate spécialisée en droit de l'immigration qui témoigne à titre personnel, à prendre la parole.
Julie Taub, avocate spécialisée en droit de l'immigration, à titre personnel : Merci. Je tiens à remercier les membres du comité de m'avoir invitée à venir parler du projet de loi C-6, que je n'appuie pas.
J'aimerais commencer par une citation. Sir John A. Macdonald, le premier premier ministre canadien, a dit que le Sénat devait être la Chambre de second examen objectif pour que les projets de loi fassent l'objet d'un examen adéquat et minutieux avant de devenir lois. Voilà pourquoi je suis ici. Je demande que l'analyse se fonde sur des critères objectifs et non partisans et les commentaires que je formulerai.
Je traiterai de deux enjeux en particulier : la réduction des exigences en matière de résidence et l'élimination de la possibilité de retirer la citoyenneté aux personnes reconnues coupables de terrorisme et aux grands criminels.
Certains affirment que plus un résident permanent reçoit rapidement sa citoyenneté, plus il devient attaché au Canada. Eh bien, c'est peut-être vrai dans la majorité des cas, mais trop de résidents permanents deviennent des citoyens de complaisance qui vivent et travaillent ailleurs tout en profitant des avantages d'un passeport canadien et tout en se servant du Canada comme d'une police d'assurance dans le cas où un conflit politique éclaterait dans leur pays de résidence. Nous avons l'exemple classique des 26 000 citoyens de complaisance canadiens qui vivent au Liban et qui ont trouvé refuge au Canada lorsque la guerre a éclaté entre le groupe terroriste Hezbollah et Israël et qui sont rapidement retournés au Liban lorsque la poussière était retombée.
J'aimerais vous donner des informations à mon sujet. Lorsque ma famille a immigré au Canada en 1949 et que j'étais un bébé de six mois, l'exigence liée à l'obligation de résidence était de cinq ans, et mon père ou tout autre immigrant devait occuper un emploi rémunéré durant cette période. Il n'y avait pas d'aide sociale. Il n'y avait pas d'exceptions. Ma défunte mère, mon défunt père et ma sœur beaucoup plus vieille étaient tous des survivants de l'Holocauste. Ils ont appris la langue; ils ont contribué au Canada et ont réussi l'examen pour la citoyenneté. Tout ce qu'ils ont eu de gratuit était des cours de langue pour apprendre l'anglais. C'est tout, et ils ont occupé des emplois rémunérés, ont contribué au Canada et sont restés au pays.
À l'heure actuelle, le rétablissement de cette exigence à ce qu'elle était sous le précédent gouvernement libéral ne sert aucunement les intérêts du Canada. Je ne pense pas qu'il y a un autre pays qui accueille des immigrants où l'exigence liée à l'obligation de résidence est aussi courte que ce que propose le gouvernement actuel, soit trois ans sur cinq. Par exemple, au Royaume-Uni, c'est de cinq ans, et la personne doit demeurer au pays neuf mois par année. Aux États- Unis, c'est de cinq ans. En Allemagne, c'est de huit ans, et il faut maîtriser l'allemand. Ce n'est pas une langue facile à apprendre; je l'ai apprise à l'école secondaire. En Suisse, l'obligation de résidence est de 12 ans; en Australie, c'est de quatre ans, comme au Canada. En Norvège, c'est de sept ans. En Nouvelle-Zélande, c'est de cinq ans. Voilà des exemples de démocraties occidentales qui accueillent des immigrants.
Le président : J'aimerais mentionner que vous avez utilisé quatre minutes de votre temps. Je devrai vous interrompre après sept minutes.
Mme Taub : J'aimerais rapidement faire référence au rapport de mai 2016 du vérificateur général dans lequel il était question de la fraude dans le programme d'immigration et de citoyenneté. La citoyenneté canadienne peut être accordée à des fraudeurs sans que cela fasse l'objet de vérifications. C'est tiré du rapport du vérificateur général réalisé sous le gouvernement actuel. Le Bureau du vérificateur général a examiné des dossiers de juillet 2014 à octobre 2015, soit trois ans après l'annonce par le précédent gouvernement conservateur de mesures de répression concernant la fraude dans le programme de citoyenneté. Le gouvernement conservateur avait à l'époque affirmé qu'il enquêtait sur 1 800 personnes qu'il suspectait d'avoir menti pour obtenir leur citoyenneté canadienne. En 2012, le gouvernement a élargi la portée des mesures et a affirmé que l'enquête visait près de 11 000 personnes qui étaient impliquées dans un stratagème frauduleux pour obtenir leur résidence.
Les citoyens de complaisance demeurent au Canada pour la durée minimale requise et s'en vont ensuite. Ils vivent et travaillent ailleurs; ils paient leurs impôts ailleurs ou n'en paient pas, s'ils vivent dans les États du Golfe. Cependant, ils enverront leurs enfants dans des écoles canadiennes à nos frais, alors qu'ils ne paient aucun impôt ici, ou les enverront à l'université et paieront les mêmes taux réduits que les gens qui habitent au Canada. En retournant à l'ancien système qui avait cours sous le précédent gouvernement libéral, il est fort probable que le nombre de citoyens de complaisance augmente de nouveau. Cela se fera au détriment du Canada.
Je vais passer par-dessus certains passages pour traiter de la question du retrait de la citoyenneté pour les citoyens ayant une double nationalité reconnus coupables de terrorisme ou de trahison. Cette disposition ne devrait pas être abrogée. Comme nous le savons, il est admis comme raisonnable de retirer la citoyenneté pour cause de fraude ou de fausse déclaration. Il devrait donc être justifiable de retirer la citoyenneté pour cause de terrorisme ou d'infraction grave. Après tout, les nouveaux citoyens prêtent serment de respecter les lois canadiennes et proclament leur allégeance envers le Canada durant la cérémonie de citoyenneté. En commettant un acte de terrorisme ou une infraction grave, ils rompent leur serment.
Il est très facile pour un demandeur de citoyenneté de commettre une fraude, parce qu'il est très difficile de nous assurer qu'un résident permanent a respecté l'exigence liée à l'obligation de résidence pour obtenir la citoyenneté ou maintenir son statut de résident permanent. Le problème avec la carte de résidence permanente, c'est que ce n'est pas une carte à puce. Il est plus difficile d'entrer dans un club sportif avec leur carte de membre, qui est une carte à puce, que la carte de résident permanent du Canada.
Le président : Pourriez-vous conclure votre exposé?
Mme Taub : Oui. Il n'existe aucun contrôle de sortie. Il n'est donc pas vraiment possible de savoir si un résident permanent a vécu au Canada durant la période qu'il prétend, et nous savons que des citoyens de complaisance vivent dans les États du Golfe, au Liban et à Hong Kong. Il y a même des citoyens qui n'ont jamais vécu au Canada. Ils ont acheté des propriétés à Vancouver et à Toronto, ont entretenu ces propriétés qui sont demeurées vides et ont ensuite présenté une demande de citoyenneté.
Le président : Je cède maintenant la parole à mes collègues. Vous connaissez les règles. La sénatrice Omidvar a la parole en premier.
La sénatrice Omidvar : Je vais traiter des dispositions sur la langue et les compétences linguistiques des personnes plus âgées. Nous ne les appelons pas des « aînés », parce que 50 ans est le nouveau 30 ans ou peu importe ce que c'est. C'est certainement l'impression que j'en ai, même si j'ai plus de 50 ans. Toutefois, je sais que si je devais apprendre une nouvelle langue — j'essaie de m'en sortir sans connaître le français au Sénat et j'essaie de l'apprendre — ce serait difficile. Pouvez-vous nous expliquer comment les immigrants plus âgés, soit ceux qui ont plus de 55 ans, contribuent au pays même s'ils connaissent peu ou ne connaissent pas l'anglais ou le français?
Mme Go : Merci de votre question. Je peux seulement me fonder sur mon expérience avec mes clients, mais je crois qu'ils contribuent de deux manières. Premièrement, ils sont sur le marché du travail. Je crois qu'une sénatrice a mentionné plus tôt que, si vous avez 55 ans, il est possible de travailler pendant encore 20 ans de nos jours, et c'est en partie parce que nos clients ont un faible revenu. Ils n'ont pas de régime de retraite et ils ne sont peut-être pas admissibles, même s'ils ont 65 ans, aux prestations du RPC ou de la Sécurité de la vieillesse, tout dépendant du nombre d'années qu'ils ont vécu au Canada. Bref, bon nombre d'entre eux sont toujours sur le marché du travail.
Même ceux qui ne sont pas sur le marché du travail apportent leur contribution en aidant les membres de leur famille qui sont sur le marché du travail. Selon l'évaluation de Citoyenneté et Immigration du Programme de réunion des familles, 97 p. 100 des parents et des grands-parents parrainés fournissent un soutien affectif; 92 p. 100 fournissent un soutien en aidant la famille à élever leurs petits-enfants; et 43 p. 100 fournissent du soutien pour que les parrains ou les époux puissent trouver un emploi, travailler plus d'heures ou suivre des cours de perfectionnement. Bon nombre d'entre eux apportent directement et indirectement une contribution sur le plan économique ou sur le plan social et culturel.
Si certains d'entre eux viennent au Canada alors qu'ils sont plus âgés et peu scolarisés dans leur propre langue, il sera extrêmement difficile pour eux d'acquérir une nouvelle langue. J'ai moi-même de la difficulté à apprendre une nouvelle langue, et je détiens trois diplômes. Je suis donc à même de comprendre pourquoi c'est difficile pour certains de mes clients de connaître suffisamment bien la langue pour réussir l'examen pour la citoyenneté.
Mme Taub : J'aimerais faire un commentaire au sujet des langues, et je suis d'accord pour dire que les gens qui ne parlent pas anglais occupent normalement des emplois modestes. Ne serait-il donc pas avantageux pour les nouveaux immigrants d'améliorer leurs compétences linguistiques et d'ainsi pouvoir améliorer leurs perspectives d'emploi et occuper des emplois plus spécialisés lorsqu'ils auront maîtrisé l'anglais ou le français? S'ils n'apprennent pas l'une des deux langues officielles, ils occuperont des emplois modestes toute leur vie au Canada.
Je suis tout à fait d'accord. Il n'y a pas suffisamment de cours de langue, et les listes d'attente sont longues. Nous devrions y investir beaucoup plus d'argent et offrir plus de cours d'anglais ou de français pour donner aux immigrants l'occasion d'apprendre l'anglais ou le français et ainsi améliorer leurs chances d'occuper des emplois plus spécialisés.
La sénatrice Frum : Madame Taub, comme vous n'êtes pas sans le savoir, l'une des dispositions du projet de loi C-6 vise à abroger la disposition sur l'intention de résider que le précédent gouvernement avait adoptée par l'entremise du projet de loi C-24. Nous avons entendu que cette disposition était de nature symbolique, parce qu'il est impossible de vérifier l'intention de résider. La présence de cette disposition est-elle donc pertinente?
Mme Taub : Je crois que c'est pertinent de conserver la disposition dans la loi de manière symbolique, et je crois que cette disposition et l'obligation de résidence de quatre ans sur six réduiront le phénomène des citoyens de complaisance.
Nous affirmons ouvertement que vous devez passer trois ans au Canada et que la moitié du temps que vous avez passé ici à titre d'étudiant ou de travailleur étranger sera pris en compte dans le calcul des trois ans. Passez ici le temps minimal requis, et nous vous remettrons un passeport. Vous pourrez aussi voter aux élections canadiennes et aller faire ce que vous voulez, parce que c'est ce que cela signifie. Je le sais. Je le vois depuis 2001. J'ai eu des clients de partout dans le monde qui m'ont dit : « J'y passe le temps requis; présentez ma demande de citoyenneté. » Je ne le ferais jamais par principe, même si c'était légal. J'ai catégoriquement refusé de représenter de tels clients, parce que je trouvais cela odieux et contraire aux intérêts canadiens.
Mme Go : Les précédents témoins ont également mentionné que cette disposition n'était pas exécutoire, parce que c'est un droit garanti par la Charte. Je comprends l'inquiétude à l'égard des citoyens de complaisance, mais il est seulement possible d'être un citoyen de complaisance si vous en avez les moyens. Je me base sur ma pratique, et c'est peut-être simplement en raison des clients que nous rencontrons. Pour la majorité des gens, ils vivent, travaillent et demeurent ici. Ils n'ont pas les ressources pour voyager dans le monde, tout en essayant d'entretenir une résidence sans la louer. Je crois qu'il est question ici d'un petit groupe.
Il y a d'autres manières de nous en occuper. Le comité ne sera peut-être pas d'accord avec ma proposition, mais nous devrions tout simplement imposer les contribuables en fonction du revenu étranger. Si des gens viennent ici pour utiliser nos ressources alors qu'ils vivent ailleurs, je suis d'accord que ce n'est pas bon pour le Canada. Si nous tentons de régler le problème en passant par la citoyenneté, vous risquez de pénaliser des gens qui ne sont pas dans cette situation. Il suffit d'utiliser le régime fiscal pour viser les personnes concernées.
Le sénateur Eggleton : Madame Go, vous avez soulevé le problème des frais de traitement. Même s'il n'en est pas question dans le projet de loi, je considère que cet enjeu semble néanmoins créer certains problèmes. J'ai lu dans les journaux que les demandes de citoyenneté sont en baisse. Il y a seulement deux ans, les frais de traitement étaient de 100 $; ils s'élèvent aujourd'hui à 530 $. Il faut en plus payer des frais de 100 $ pour la citoyenneté. Quels commentaires entendez-vous de vos clients en ce qui concerne leur capacité de payer ces frais? Cela me semble certainement un obstacle pour les gens à faible revenu.
Mme Go : Je vais vous donner un exemple concret. Tout juste avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-24, nous avons organisé une clinique d'aide juridique en vue de permettre à certains clients de 55 ans d'essayer d'obtenir leur citoyenneté avant que les nouvelles dispositions entrent en vigueur, au lieu d'attendre jusqu'à ce que la loi soit modifiée et qu'ils n'y soient plus admissibles en raison de leurs lacunes en matière de compétences linguistiques. Lorsque nous avons ouvert la clinique d'aide juridique, beaucoup de clients ont communiqué avec nous, mais un grand nombre ont décidé de laisser tomber, lorsqu'ils ont entendu ce qu'il en coûtait pour présenter une demande.
Cela coûte 630 $ par personne. Pour une famille de quatre personnes avec des enfants, les frais s'élèvent à 1 600 $. Si vous avez un faible revenu, votre revenu mensuel est peut-être justement de 1 600 $. C'est beaucoup d'argent. Je suis persuadée que vous avez entendu des statistiques sur les groupes qui sont démunis au cours de votre étude sur l'inclusion sociale. Vous pénalisez les personnes marginalisées : les femmes, les personnes handicapées et les minorités visibles. Cela a donc des conséquences disproportionnées.
Mme Taub : Je ne sais pas si la réduction du nombre de demandes est seulement liée à la hausse des frais liés à la demande de citoyenneté. Il ne faut pas oublier que les dispositions actuelles rendent plus strictes les exigences liées à l'obligation de résidence; elles sont de quatre ans et de trois relevés d'impôt. Ces mesures pourraient avoir réduit le nombre de demandes, parce que les gens n'y sont pas admissibles. Par ailleurs, les exigences plus strictes en matière de compétences linguistiques pourraient avoir influé sur le nombre de demandeurs. Je crois que c'est exagéré de dire que c'est seulement lié à la hausse des frais.
Les frais doivent être maintenus, parce que les contribuables canadiens ne devraient pas subventionner les demandes de citoyenneté. Le gouvernement ne fait pas cela pour réaliser un profit. Il se fait rembourser ce que cela lui coûte. Nous devrions aider les immigrants à faible revenu qui n'ont pas vraiment les moyens de payer les frais de traitement, mais cela représente un petit nombre de demandeurs. Bref, nous ne devrions pas toucher aux frais de traitement, mais nous devrions aider les gens dont le faible revenu peut être prouvé par des relevés d'impôt ou des avis de cotisation. Par contre, les frais doivent être maintenus, parce que les contribuables canadiens ne sont pas censés les payer.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie toutes les deux de votre présence ici. Madame Go, je suis ravie de vous revoir. Vos témoignages nous sont très utiles. Vous donnez vraiment une voix à vos clients et aux démunis. Vous nous expliquez toujours tout très clairement; vous contribuez aussi vraiment aux travaux du Sénat. Je vous en remercie.
Nous avons entendu parler de tout ce que les immigrants ne font pas. Vous travaillez avec eux chaque jour, soit les plus pauvres de notre société, qui ont de la difficulté et qui construisent notre pays, comme l'ont fait d'autres immigrants qui sont venus au Canada. Notre histoire est remplie d'immigrants qui ont construit notre pays.
J'aimerais que vous nous expliquiez les conséquences de priver ces citoyens de leurs droits, lorsque nous retardons leur citoyenneté. Quels effets cela a-t-il sur les immigrants plus âgés?
Nous avons entendu hier Mme Caruso nous expliquer que les grands-mères contribuent au bien-être d'enfants canadiens. Vous en êtes témoin directement. Pouvez-vous nous l'expliquer?
Mme Go : Cela ne concerne pas seulement les immigrants plus âgés. Si le projet de loi est adopté, les exigences en matière de compétences linguistiques ne s'appliqueront plus aux personnes de 55 ans et plus.
Je vais vous donner l'exemple de l'une de mes clientes. Elle est arrivée au Canada. Elle a quatre enfants nés au Canada. Elle a fait une dépression post-partum et avait d'autres problèmes de santé. Elle était la seule de sa famille à ne pas avoir la citoyenneté canadienne. Son mari maîtrisait mieux l'anglais et a donc été en mesure d'obtenir sa citoyenneté. Lorsqu'elle a essayé d'obtenir sa citoyenneté, elle a fait parvenir un billet médical pour expliquer qu'elle avait de la difficulté à apprendre l'anglais. Elle a essayé. Comme elle soutenait sa famille, s'occupait des enfants et travaillait à temps partiel dans un restaurant, elle n'a pas été en mesure de maîtriser suffisamment la langue pour réussir l'examen pour la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté a eu l'amabilité de lui accorder la citoyenneté.
Le ministère de la Justice a décidé d'en appeler de la décision. C'est à ce moment qu'elle est venue nous consulter. Nous sommes allés devant la Cour fédérale et avons encore une fois essayé de convaincre le juge de la citoyenneté en faisant valoir les renseignements que nous avons concernant ses problèmes de santé. Tout le processus prend environ trois ans. Entretemps, elle fait son travail, à l'instar de toute autre femme. Elle élève ses enfants, malgré son handicap. Elle essayait de travailler à temps partiel dans un restaurant pour gagner de l'argent pour sa famille et elle essayait en même temps de s'intégrer. Voilà pourquoi elle voulait obtenir sa citoyenneté. Indépendamment de l'énergie qu'elle consacrait à la tâche, elle n'était pas en mesure de réussir l'examen pour la citoyenneté.
Je pourrais dire la même chose pour bon nombre de mes clients. Le problème n'est pas qu'ils ne veulent pas devenir bons en anglais, mais je crois que la majorité d'entre eux choisiront de travailler et d'avoir les moyens d'avoir de la nourriture sur la table aujourd'hui plutôt que d'avoir la chance d'obtenir un jour leur citoyenneté après avoir réussi tous les examens et avoir payé 630 $. Ils ne peuvent pas abandonner leur travail pour suivre un cours de langue. La majorité des employeurs ne leur permettraient pas de s'absenter durant la journée pour suivre des cours de langue. Nous n'avons pas de système en place qui permet aux gens de recevoir des prestations de remplacement du revenu pendant qu'ils suivent des cours de langue. Les immigrants et les réfugiés à faible revenu n'ont donc pas vraiment le choix.
Mme Taub : J'aimerais parler de mon expérience dans ma pratique et des clients que j'ai rencontrés.
Je ne reçois pas d'appels de potentiels demandeurs de citoyenneté qui travaillent à l'étranger ou qui veulent seulement passer le temps minimal requis et obtenir leur passeport. Cela a cessé à la suite de l'adoption des dispositions actuelles. Ces citoyens de complaisance ne communiquent plus avec moi, mais j'ai peur que cela recommence.
Avoir le statut de résident permanent, plutôt que celui de citoyen, n'est pas vraiment une catastrophe. J'ai de nombreux amis et connaissances de l'Europe ou des États-Unis qui vivent au Canada, qui se portent bien et qui sont heureux sans jamais avoir obtenu leur citoyenneté; ils sont seulement des résidents permanents, parce qu'ils ne se sont tout simplement jamais donné la peine de présenter une demande en ce sens. Cela ne les a pas empêchés de voyager; cela ne les a pas empêchés de travailler; cela ne les a pas empêchés de profiter de leur vie. Ils ont finalement obtenu leur citoyenneté, parce que je n'arrêtais pas de leur dire de le faire étant donné qu'ils vivaient ici depuis 20 ou 25 ans. Ils l'ont fait. Ils n'avaient pas leur citoyenneté, tout simplement parce qu'ils ne s'étaient pas donné la peine de présenter une demande en ce sens. Toutefois, un résident permanent possède les mêmes droits qu'un citoyen, mis à part le passeport et le droit de vote. Outre cela, un résident permanent possède les mêmes droits qu'un citoyen.
La sénatrice Jaffer : Madame Taub, avoir la citoyenneté ne signifie-t-il pas que vous avez à cœur le pays? N'est-ce pas une qualité que les Canadiens recherchent chez les autres?
Le président : C'est une question qui donne matière à réflexion.
Le sénateur Meredith : Madame Go, je fais écho au sentiment exprimé par la sénatrice Jaffer sur le travail de mobilisation que vous faites auprès de la collectivité asiatique et sud-asiatique en matière d'obtention de la citoyenneté; c'est tout à fait essentiel. Ayant moi-même immigré dans ce pays, je suis fier d'être ici, au Sénat du Canada, et me voici maintenant en train d'examiner le projet de loi C-6 et de nouer le dialogue avec les autres.
Madame Taub, vous semblez croire que nous devrions revenir en arrière en ce qui concerne les délais imposés aux immigrants pour l'obtention de la citoyenneté. Pourquoi êtes-vous si opposée à l'exigence d'une présence de trois ans sur cinq au Canada comme condition pour obtenir la citoyenneté, sachant que cela est si utile pour faire participer les immigrants au processus politique et électoral? Oui, la résidence permanente a ses avantages. Toutefois, la citoyenneté revêt une valeur et une importance accrues sur le plan du processus politique, d'autant plus qu'elle permet de participer pleinement à la société canadienne, que l'on habite ici ou à l'étranger. Il en découle quand même des retombées pour le Canada. Pourquoi êtes-vous contre l'exigence de trois ans sur cinq? Vous avez parlé de l'expérience de vos parents lorsqu'ils sont arrivés au Canada et de la façon dont ils ont apporté leur contribution.
Mme Taub : Je ne retourne pas en arrière. Je demande plutôt le maintien du statu quo. En fait, je suis dans le moment présent. Comme je l'ai dit tout à l'heure, aucun autre pays occidental n'impose un délai aussi court en matière de résidence. Que savons-nous qu'ils ignorent?
Deuxièmement, une exigence de quatre ans sur six n'est pas du tout déraisonnable, ni non plus les critères rigoureux qui y sont associés. Raccourcir la période et, en particulier, permettre aux gens de faire compter le temps qu'ils ont passé au Canada comme étudiants étrangers ou travailleurs étrangers ne contribuent pas à leur attachement au Canada. Au contraire, cela facilite la fraude et le phénomène de la citoyenneté de complaisance. Je sais, à la lumière de mon travail avec mes clients, qu'il y a plusieurs centaines de cas de ce genre.
Le sénateur Meredith : Avez-vous des statistiques sur les cas de fraude, madame Taub?
Mme Taub : Non, ce n'est pas seulement de la fraude.
Le sénateur Meredith : Vous faites là une déclaration générale.
Mme Taub : Être un citoyen de complaisance, ce n'est pas de la fraude, mais on en augmente les risques lorsqu'on affaiblit ou assouplit les critères à remplir pour devenir citoyen.
Devenir citoyen canadien est un privilège. Le travail à l'étranger ne contribue pas au Canada si vous ne payez pas d'impôt ici. Une personne qui a un passeport canadien et qui ne passe que le temps minimal — trois ans — au Canada, pour ensuite vivre à l'étranger et payer des impôts ailleurs ou n'en payer aucun, comme dans les États du Golfe, n'apporte aucune contribution au Canada.
Mme Go : Pour revenir à mon observation précédente, nous ne voyons pas ce genre de problème, tout simplement en raison de la nature de notre clientèle. Il est peu probable que nos clients aient l'option d'agir ainsi. Ce que nous observons plutôt, c'est combien il est difficile de devenir citoyen, même si on inclut l'exigence en matière de résidence. Je ne sais pas si l'un ou l'autre d'entre vous a examiné le questionnaire sur la résidence. J'ai moi-même eu du mal à le remplir parce qu'il y a beaucoup de questions. Les gens doivent tenir d'excellents dossiers concernant tous leurs voyages à l'étranger. Par exemple, certains pourraient ne pas avoir tous les timbres de passeport, et cetera. Si vous allez aux États-Unis, votre passeport n'est pas toujours estampillé. Comme il n'y a pas de contrôle des sorties, les passeports ne sont pas estampillés à la sortie. Cette procédure, en elle-même, est extrêmement difficile. Je trouve qu'il est difficile d'obtenir la citoyenneté en raison de l'obligation de résidence et de l'exigence relative à la preuve de résidence.
Je vais vous donner un exemple, et c'est un autre cas où nous avons dû nous adresser à la Cour fédérale. J'avais une cliente qui était venue au Canada comme réfugiée. Elle n'avait pas de passeport parce qu'elle craignait d'être persécutée dans son pays d'origine. Elle ne voulait pas faire une demande de passeport. Elle est entrée clandestinement au Canada, et elle ne voulait pas présenter une demande de passeport à partir de son pays d'origine. Elle a été acceptée comme réfugiée, et elle a obtenu la résidence permanente sans passeport.
À l'étape de la citoyenneté, on voulait qu'elle produise un passeport qu'elle n'avait pas, d'où le rejet de sa demande. Entre-temps, la loi a été modifiée, et elle devait du coup respecter l'exigence de trois ans sur cinq. Nous avons dû passer par la Cour fédérale et présenter une autre demande.
Il s'agit d'un processus difficile. Ce n'est pas du tout facile, même avec les exigences actuelles en matière de résidence.
Par ailleurs, les résidents permanents sont soumis, eux aussi, à une exigence de résidence très stricte. Votre statut de résident permanent peut être retiré si vous ne gardez pas votre résidence au Canada.
Parfois, nous voyons des clients qui, pour des raisons comme la nécessité de prendre soin d'un proche dans leur pays d'origine parce qu'ils sont enfants uniques ou parce qu'ils n'arrivent pas à trouver un emploi au Canada, sont obligés de laisser leur épouse et leurs enfants ici et de retourner en Chine pour travailler. Ils risquent donc de perdre leur statut de résident permanent parce qu'ils restent à l'extérieur du Canada pendant trop longtemps. Ce n'est pas facile.
La sénatrice Hartling : Madame Go, merci beaucoup de votre travail. J'ai bien l'impression que vous êtes un véritable pilier et une fervente défenseure des personnes avec qui vous travaillez.
Vous semblez dire que les familles sont vraiment importantes, et les gens jouent divers rôles au sein de leur famille pour en assurer le bon fonctionnement, mais je me demande quelle est l'incidence sur la famille si un des membres est privé de ses droits ou si la citoyenneté est retardée. Comment cela touche-t-il sa santé mentale et physique?
Mme Go : Je vais reprendre l'exemple de ma cliente. Elle était la seule de sa famille à ne pas être citoyenne. Rendre le processus de citoyenneté plus difficile pour elle au moyen de l'exigence linguistique ne changera pas la donne. En fait, ce sera du pareil au même. Elle n'aura jamais la capacité de maîtriser l'anglais, ce qui signifie qu'elle devra attendre d'avoir 55 ou 65 ans, selon que la loi est modifiée ou non. Donc, pour elle, c'est très difficile. Elle voulait devenir citoyenne, comme le reste de sa famille.
Pour ma part, j'essaie simplement de trouver des moyens de faciliter les choses pour elle. L'exigence linguistique ne rend pas la tâche facile pour des gens comme elle.
La sénatrice Hartling : Cela engendre-t-il du stress et d'autres réactions de ce genre?
Mme Go : Oui. Comme je l'ai mentionné, ma cliente souffre de dépression et elle a le sentiment d'être traitée différemment du reste de sa famille. Elle a l'impression de ne pas être acceptée dans la société, de ne pas être considérée comme une égale, ce qui renforce sa dépression et son anxiété.
La sénatrice Petitclerc : Merci à toutes les deux. C'est très intéressant. Ma question s'adresse à vous, madame Taub, mais n'hésitez pas à intervenir, vous aussi, madame Go, si vous le souhaitez.
J'ai du mal avec votre opinion très arrêtée sur l'intention de résider, la citoyenneté de complaisance et la période de résidence. J'ai du mal parce que j'entends peut-être plus d'exemples négatifs et de cas possibles de fraude, mais je veux entendre davantage d'exemples positifs. Vous pouvez peut-être m'aider avec cela, parce que nous vivons dans le contexte de la mondialisation. Les gens vont à l'école, lancent des entreprises et redonnent tant au Canada grâce à tout ce qu'ils apprennent en exerçant leur liberté d'aller dans d'autres pays.
La raison pour laquelle je pense à cela, c'est parce que, dans une vie antérieure, j'étais une athlète qui représentait le Canada. Je connais de nombreux exemples d'athlètes qui voyagent et qui se trouvent à l'étranger six mois par année et, pourtant, nous ne pouvons pas nier qu'ils contribuent assurément au Canada, et ce, non seulement du point de vue des taxes ou parce qu'ils portent l'unifolié.
J'aimerais donc comprendre un peu l'autre côté de la question. Aussi, comment appuyez-vous ces occasions et comment se fait-il que vous ne craigniez pas de les perdre? Cela a-t-il du sens?
Mme Taub : Oui, je comprends ce que vous dites. Si quelqu'un quitte le Canada pendant une période de six mois à un an, voire pendant plusieurs années, ce n'est pas la même chose que lorsqu'une personne passe trois ans au Canada, puis le reste de sa vie à l'étranger.
Je ne fais pas allusion aux courts séjours à l'étranger. Je parle plutôt de certains de mes clients qui viennent déposer leur famille ici et qui retournent dans les États du Golfe pour y travailler, et ce, non pas parce qu'ils ne peuvent pas trouver du travail au Canada, mais parce que c'est très payant dans les États du Golfe ou à Hong Kong. Leur famille reste ici. Ils n'ont pas recours à l'aide sociale parce qu'ils subviennent aux besoins de leur famille, mais ils le font en travaillant à l'étranger. J'ai connu des milliers de situations de ce genre, parce que j'ai aidé ces gens à immigrer au Canada et, au bout du compte, les soutiens de famille sont repartis. Ils ne paient pas d'impôt dans les États du Golfe. Je ne sais pas trop si c'est le cas aussi à Hong Kong, mais ils n'en paient pas au Canada. Leurs proches deviennent citoyens. Je les ai aidés à préparer leurs demandes de citoyenneté, mais outre le fait de payer des taxes municipales, les épouses n'ont pas à travailler parce qu'elles reçoivent beaucoup d'argent de leur mari qui travaille à l'étranger et qui revient les visiter périodiquement. Ils ne paient pas d'impôt sur le revenu au Canada. Alors, j'ignore comment le Canada peut en tirer avantage.
En ce qui concerne les exigences en matière de résidence, oui, ils sont difficiles à établir. On doit tenir un dossier. Pour résoudre le problème, il suffirait de créer une carte intelligente de résidence permanente. Ainsi, on n'aurait plus besoin de passeport. On ne serait plus obligé de garder ses billets d'avion, ses estampilles et tout le reste. Glissez la carte à la sortie, puis à l'entrée. Point à la ligne. On obtiendrait ainsi une trace parfaite du temps passé au Canada, et on n'aurait plus à remplir ces questionnaires sur la résidence.
La technologie de la carte intelligence remonte aux années 1970 ou 1980. Ce n'est pas une nouvelle technologie révolutionnaire. Tous les clubs athlétiques y ont recours. Pourquoi la carte de résidence permanente du Canada n'est- elle pas une carte intelligente? Cela faciliterait la vie aux agents d'immigration et aux agents des services frontaliers ainsi qu'aux demandeurs qui n'auraient plus besoin de conserver des tonnes de dossiers relatifs à leurs déplacements.
Mme Go : Je suppose que je vais me répéter. Selon moi, la solution à ce genre de situations consiste à instaurer une taxe internationale au lieu d'essayer de s'attaquer au problème du point de vue de la citoyenneté. Chose certaine, les membres de la famille qui restent ici devraient obtenir leur citoyenneté. Ils remplissent toutes les exigences. Mais, en même temps, il faut reconnaître qu'il y a des circonstances où des gens doivent aller à l'étranger, que ce soit pour promouvoir le Canada ou pour des raisons personnelles, comme je l'ai mentionné.
La sénatrice Raine : Ma question s'adresse à Mme Go. Je vous suis très reconnaissante de ce que vous faites pour vos clients. Quelle aide offre-t-on actuellement aux gens à faible revenu pour ce qui est des cours d'anglais ou de français? Y a-t-il moyen de recourir à l'apprentissage à distance ou à des programmes audiovisuels d'apprentissage des langues, ainsi qu'à des outils audiovisuels qui permettent de les renseigner sur le Canada? Ce travail est-il accompli par nos responsables de la citoyenneté et de l'immigration? Cela rejoint un peu l'idée d'une carte intelligente pour la résidence permanente. C'est une technologie moderne. Nous disposons de moyens technologiques modernes pour l'apprentissage des langues, entre autres, à l'aide d'outils audiovisuels pouvant être utilisés chez soi.
Mme Go : Dans un autre ordre d'idées, je peux vous dire qu'il y a quelques années, nous avons fait un sondage auprès de nos clients qui viennent demander de l'aide sur des questions de droit familial et, pendant un mois, nous avons demandé à chaque client : « Avez-vous accès à des sites web pour trouver des renseignements sur le droit de la famille? » Parmi tous les clients à qui nous avons parlé, seulement deux avaient accès à Internet. Ce n'est tout simplement pas un outil dont ils se servent largement. Je crois que ce genre de site web audiovisuel s'adresse à une génération plus instruite, plus jeune, et il se peut que les gens dont la langue maternelle est le français ou l'anglais soient plus susceptibles de les utiliser. Si la personne se heurte à une barrière linguistique, elle n'accédera pas au même site web que vous et moi, déjà en partant. Je ne suis pas enseignante, mais je suis portée à croire qu'il serait plus facile d'apprendre une langue si on interagit avec quelqu'un. Il est donc préférable de suivre des cours de langue en personne.
Le problème tient, bien sûr, au fait qu'à cause des nombreuses compressions financières, les organismes d'établissement ont du mal à faire leur travail. Je me trompe peut-être, et les sénateurs connaissent peut-être le chiffre exact, mais si je ne m'abuse, en 2011, une somme de 40 millions de dollars a été retranchée du budget des services d'établissement en Ontario. J'ignore si d'autres provinces ont subi le même sort. Ces compressions ont également détérioré la capacité de nombreux organismes d'établissement de fournir des services, ce qui nuit à l'accès aux cours de langue et aux services d'établissement pour les gens à faible revenu.
La sénatrice Raine : Je ne faisais pas allusion à l'accès Internet pour la formation linguistique. Il existe de très bons DVD ou CD, mais on parle maintenant de DVD...
Mme Go : Encore faut-il que la personne possède un lecteur à la maison et qu'elle sache comment l'utiliser.
La sénatrice Raine : Ces appareils coûtent environ 50 $. Je suppose que les organismes de services aux immigrants pourraient utiliser ces programmes s'ils les avaient, mais les compressions financières entravent évidemment leur capacité.
Mme Go : Oui.
Le président : Nous allons entamer une deuxième série de questions.
La sénatrice Omidvar : En vous écoutant toutes les deux, je suis frappée de constater que vous vivez chacune dans deux mondes différents. Vous travaillez avec des clients différents qui n'ont pas les mêmes besoins, aspirations et réalités. J'essaie de trouver un compromis, et je vais vous demander, madame Go, de déconstruire votre réponse au projet de loi C-6 du point de vue des classes.
Mme Go : Je crois que le système actuel désavantage les gens à faible revenu, et ce, de plusieurs façons. Il y a d'abord, bien entendu, les frais de demande. C'est assez évident. Ensuite, il y a l'exigence linguistique, parce qu'on impose ainsi un fardeau à la personne sans reconnaître que les gens issus de différents milieux socioéconomiques ont un accès différent à la capacité d'acquérir une nouvelle langue.
Les gens comme nous en ont le luxe. Si nous voulons apprendre une langue, nous pouvons engager un professeur particulier. Certains de mes clients gagnent moins que le salaire minimum; ils sont si vulnérables que leurs employeurs ne se soucient même pas des normes du travail. Ils doivent donc travailler de très longues heures. La semaine de travail de sept jours n'est pas rare pour bon nombre de mes clients. Ils n'ont tout simplement pas le temps d'apprendre la langue, et ils ne peuvent pas renoncer à leur emploi pour suivre une formation linguistique. Cette exigence désavantage ces gens, qui ont tendance à avoir un faible revenu. Donc, la classe sociale est un facteur qui vient s'ajouter aux autres dimensions, notamment la race et le sexe.
Mme Taub : Il faut souligner que je suis également une avocate de l'aide juridique. J'ai de nombreux clients qui sont bénéficiaires de l'aide juridique, et j'ai siégé au groupe d'aide juridique en matière d'immigration à Ottawa pendant de nombreuses années, jusqu'à ce qu'on en réduise le financement. Il n'y a donc pas de distinction de classe. J'ai travaillé avec des clients de toutes les strates de la société, des assistés sociaux aux hommes d'affaires très riches qui parcourent le monde à la recherche de paradis fiscaux. Bref, j'ai une expérience à tous les niveaux, et je tenais à le dire pour corriger une fausse perception que pourraient avoir les membres du comité.
La sénatrice Frum : Madame Go, d'après ce que je crois comprendre, il est logique que l'âge limite de l'exigence linguistique actuelle soit fixé à 65 ans, puisque c'est lié à l'âge de la retraite. L'idée de l'abaisser à 55 ans est, me semble- t-il, un peu arbitraire. Je ne sais pas sur quoi repose cette décision — quelle en est la raison? Pensez-vous que l'âge de 55 ans soit le bon? Selon vous, devrait-on imposer une exigence linguistique, peu importe l'âge?
Mme Go : Je comprends l'utilité des exigences linguistiques. C'est pourquoi nous vous recommandons de permettre aux gens qui ne sont pas capables de remplir l'exigence linguistique d'avoir une solution de rechange.
J'ignore pourquoi l'âge limite est fixé à 55 ou 65 ans. Qu'importe si c'est l'âge de la retraite? Je ne comprends pas le raisonnement, moi non plus. L'âge limite de 55 ans existe depuis longtemps, alors je ne sais pas ce qui avait motivé ce choix. On reconnaît peut-être par là les cas où une personne habite ici depuis assez longtemps — disons que vous avez 35 ans et que vous n'êtes pas en mesure d'apprendre la langue, mais quand vous aurez 55 ans, vous aurez vécu ici pendant 20 ans. C'est assez long pour acquérir le droit de devenir citoyen.
On acquiert le droit à la citoyenneté de bien des façons : en travaillant, en aidant sa famille et en faisant du bénévolat. L'évaluation des compétences linguistiques n'est pas un très bon critère. Je songe à ma mère. Elle est venue avec moi en 1982, et elle est devenue citoyenne quand elle avait dans les 70 ans. Elle s'est attelée à la tâche. Elle a suivi le cours sur la citoyenneté et elle a essayé d'apprendre. Bien entendu, nous étions là pour l'appuyer. Elle était très fière d'être citoyenne canadienne, mais j'aurais voulu qu'elle ne soit pas obligée d'attendre aussi longtemps. J'éprouve le même sentiment pour bon nombre de mes clients.
La sénatrice Frum : Avez-vous une idée de la raison pour laquelle on a choisi l'âge de 55 ans?
Mme Taub : C'est peut-être parce qu'on présume à tort que plus on vieillit, plus on perd son agilité mentale, mais il se trouve que je ne suis pas de cet avis. Je ne pense pas que notre cerveau cesse de fonctionner à 55 ans. J'ai moi-même plus de 65 ans, et je suis en train de réapprendre l'allemand, sans douter de mes capacités. Je parle le français et l'anglais, tous deux étant des langues que j'ai apprises. Ma langue maternelle est le hongrois. Je trouve qu'il est plutôt insultant pour les personnes âgées d'entendre dire : « Oh, à 55 ans, on ne peut pas y arriver. À 65 ans, encore moins. » Je ne suis pas d'accord.
Si quelqu'un a vécu ici pendant 20 ans et qu'il a joué un rôle actif dans la société, comment ne peut-il pas avoir appris la langue? Je conviens toutefois qu'il devrait y avoir des exemptions pour des raisons médicales, notamment pour des motifs psychologiques. Mais de là à présumer que notre cerveau cesse de fonctionner à l'âge de 55 ou 65 ans, c'est, à mon avis, très offensant.
Le président : Sur cette question, il faut reconnaître que, depuis l'entrée en vigueur des règles initiales, nous avons assisté à une énorme transition sociale dans la façon dont les gens se comportent et agissent en société. Le problème, c'est que la tranche d'âge de 55 à 65 ans n'est plus l'âge de la retraite, même si plusieurs personnes aujourd'hui l'ont qualifiée ainsi. Comme nous l'avons entendu, plus de 30 p. 100 de la population active fait actuellement partie de ce groupe d'âge. La notion de l'espérance de vie a changé radicalement, non seulement sur le plan des statistiques, mais aussi en ce qui concerne la façon dont les gens perçoivent leur rôle dans la vie. C'est sans parler de la perception et de l'expérience des sénateurs à cet égard. Je n'essaie pas de faire valoir un argument. Je ne fais que souligner le contexte. Madame Go, vous avez voulu savoir d'où venait cette décision. Je crois qu'il y a eu un changement dans la façon dont nous percevons l'espérance de vie et nos rôles aux différentes étapes de la vie. Ce n'est qu'une observation.
Le sénateur Eggleton : À ce sujet, une partie du problème tient probablement à la rigidité des règles. Nous devons prévoir une souplesse accrue dans certaines de ces règles pour nous adapter aux différentes situations.
Madame Go, j'aimerais vous interroger sur la souplesse au regard du critère de la résidence effective. Vous vous êtes dit préoccupée par ce point, et vous avez cité des cas comme l'obligation de prendre soin d'un proche malade à l'étranger, et cetera. Je dois ajouter que, de nos jours, dans le contexte de la mondialisation, nous encourageons les gens à offrir des services dans d'autres pays aux termes d'accords commerciaux conclus à l'échelle internationale — les gens vont et viennent, ils travaillent quelques années ici et là, puis ils retournent au pays en apportant avec eux beaucoup d'expertise. La souplesse n'est peut-être pas au rendez-vous. Vous nous avez proposé de rétablir le critère de la résidence présumée. Expliquez-moi la différence entre les deux.
Mme Go : Si on ne fait pas preuve de souplesse, on s'en tient à la résidence effective, sans tenir compte des cas où une personne est profondément attachée au Canada, mais pour des raisons comme les obligations familiales, le travail ou peu importe, elle n'est pas en mesure de remplir l'exigence relative à la résidence effective. Dans certains cas, contrairement à ce que Mme Taub disait, les gens ont des liens très forts avec le Canada, alors pourquoi ne pas leur accorder la citoyenneté canadienne? La seule façon d'y parvenir, c'est en faisant preuve de souplesse et en examinant la question de la résidence présumée.
L'Association du Barreau canadien a formulé une recommandation semblable dans son mémoire, en plus de prévoir des cas pour des raisons de « compassion » — c'était peut-être formulé autrement. En même temps, nous voulons éviter les situations que nous avons déjà connues, c'est-à-dire lorsque différents juges utilisent différents critères. C'est pourquoi nous estimons qu'il faut instaurer un critère souple et, comme l'Association du Barreau canadien l'a mentionné, permettre des appels devant la Cour d'appel fédérale. Laissez à la Cour d'appel fédérale le soin d'établir le critère de sorte qu'on applique un seul critère à tout le monde et qu'on sache de quoi il s'agit. Espérons que ce sera un critère souple.
Le président : Madame Taub, qu'en pensez-vous?
Mme Taub : C'est justement pourquoi il a fallu modifier la loi. Les dispositions législatives étaient devenues si souples qu'on pouvait avoir des cas comme celui d'une joueuse de volleyball originaire, je crois, de la France, qui était venue au Canada, mais qui, au bout de quelques mois, était repartie à l'étranger pour jouer dans le circuit professionnel, parce qu'elle n'arrivait pas à obtenir une place dans une équipe de volleyball professionnelle au Canada. C'est un de mes collègues qui s'était occupé de cette affaire. Après un séjour d'à peine quelques mois comme résidente permanente au Canada, la cour fédérale a décidé qu'elle pouvait obtenir la citoyenneté. Elle n'est jamais revenue vivre ici. Elle allait d'un pays à l'autre pour jouer au volleyball professionnel jusqu'à ce qu'elle soit trop vieille pour le faire, mais elle n'a vécu que quelques mois au Canada.
Non. Je ne suis pas d'accord. Il faut un critère solide en matière de résidence, comme c'est le cas dans les pays que j'ai mentionnés dans mon exposé. Si vous avez de la famille ailleurs, si vous avez un emploi ailleurs, alors quels sont vos liens avec le Canada, mis à part le fait d'avoir un passeport de complaisance qui vous permet de revenir ici de temps en temps pour aller chez le médecin?
Le président : Nous avons eu droit à un débat pas mal fascinant. J'ai entendu des arguments fort intéressants. Je songe, entre autres, au concept de la carte intelligente — bien franchement, le Canada semble être très en retard pour ce qui est de l'utilisation de technologies électroniques. Par exemple, un dossier de santé électronique serait quelque chose de très évident de nos jours. Malgré les milliards de dollars que nous avons dépensés à cette fin, nous n'avons même pas jeté les bases nécessaires pour un système national de dossier de santé électronique.
Madame Go, j'ai été fasciné par votre idée d'un mécanisme fiscal qui permettrait d'examiner les responsabilités liées à la citoyenneté canadienne. Je trouve cela intéressant. Je crois qu'il y a quelques exemples intéressants dans le monde entier, peut-être même tout près d'ici, pour régler ce genre de questions.
Je tenais toutefois à dire que certains d'entre nous ont entendu votre témoignage précédent sur les problèmes d'ordre linguistique dans les quartiers défavorisés et les difficultés rencontrées par les conjoints, en particulier, pour pouvoir venir ici. Vous aviez fait un certain nombre d'observations sur la façon de les aider à cet égard. Je crois que vous aviez reconnu alors que la langue était un facteur important. La question était de savoir comment trouver des moyens d'encourager cela. Si vous consultez nos rapports, vous verrez que nous avons bel et bien écouté ce que vous aviez à dire. En fait, c'est dans le cadre de cette étude que nous en sommes venus à la conclusion que la langue est un des facteurs déterminants de la capacité de progresser dans le contexte social. Comme vous nous l'avez fait comprendre à ce moment-là, une des solutions consiste manifestement à trouver des moyens d'aider les gens.
Chers collègues, une fois de plus, nous avons eu droit à une séance intéressante, et les témoins nous ont donné de bonnes réponses à ces questions. Il y avait deux points de vue très différents. Ce sont des questions dont les Canadiens sont saisis dans leur quotidien. Je suis content que nous les ayons abordées. Nous devons les prendre en considération.
(La séance est levée.)