Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 20 - Témoignages du 6 avril 2017


OTTAWA, le jeudi 6 avril 2017

Le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, je déclare la séance ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, président du comité. J'aimerais d'abord que mes collègues se présentent, en commençant à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

Le président : Je rappelle que nous sommes ici pour entendre des témoins au sujet du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence.

Nous pourrons au départ poser une question par tour de table, et nous ferons autant de tours de table que le temps nous le permettra.

Pour ce qui est des témoins, je vous encourage à ne pas trop vous perdre en préambules. Vous pouvez supposer que nous avons lu tous les documents qui nous ont été fournis. Nous avons reçu, comme vous le savez, de nombreux documents de référence.

Je demanderai à mes collègues d'adresser leurs questions directement au témoin concerné en premier lieu. Comme vous en avez été informés, si les autres témoins souhaitent intervenir, ils n'ont qu'à le signaler au président.

Sur ce, je vous souhaite la bienvenue et vous invite à vous présenter suivant l'ordre qui figure dans l'ordre du jour. En premier lieu, j'invite M. Daniel David, président de l'Electronic Cigarette Trade Association of Canada, à se présenter. Monsieur David.

Daniel David, président, Electronic Cigarette Trade Association of Canada : Merci monsieur le président. Je remercie les membres du comité de nous avoir invités à faire part de nos réflexions sur le projet de loi S-5. Je suis ici en qualité de représentant de l'Electronic Cigarette Trade Association of Canada, ou ECTA.

L'ECTA est un organisme d'autoréglementation actif depuis 2011 dans l'industrie des produits de vapotage. Pendant cette période, nous avons élaboré et mis en œuvre des règlements et des normes de conformité qui répondent directement aux besoins des consommateurs, à l'évolution des technologies et des tendances, et au corpus en croissance continue des recherches scientifiques sur le vapotage et la réduction de ses risques.

Nos membres observent volontairement les exigences de l'ECTA ainsi que les plus hautes normes des secteurs du commerce de détail et de gros, et de la fabrication. Nous reconnaissons et acceptons le besoin essentiel d'assurer la saine réglementation de l'industrie des produits de vapotage. Nous élaborons continuellement des normes et des politiques fondées sur des interactions directes avec des scientifiques, des chercheurs, des décideurs, des experts de l'industrie et des consommateurs.

L'ECTA a pris l'engagement de mettre en œuvre son programme et d'assurer son évolution continue. Nous améliorons continuellement nos normes en fonction des préoccupations soulevées dans le cadre d'études scientifiques, du développement des produits et des exigences des consommateurs en ce qui a trait à la qualité des produits.

Nous avons pris connaissance il y a deux ans de nouvelles études indiquant que l'inhalation d'une composante couramment utilisée afin d'aromatiser le liquide pour cigarettes électroniques était probablement nocive. Nous avons incorporé cette composante à nos protocoles d'essai et nous avons fixé des seuils au terme de consultations menées auprès d'experts compétents. Ce processus a permis de produire et de vendre un liquide pour cigarettes électroniques de meilleure qualité. Il a aussi permis d'établir de nouveaux critères de qualité pour l'ensemble de l'industrie canadienne.

À mesure que les dispositifs se multiplient, nous observons une augmentation du nombre d'incidents de défaillance des piles qui sont directement liés à l'insuffisance de l'information communiquée aux consommateurs. L'ECTA a réagi en exigeant que ses membres incluent des avertissements avec certaines catégories de dispositifs.

Plus récemment, on a observé des incidents ayant mené à des blessures en raison de piles mal entreposées. En réaction, l'ECTA a uni ses forces avec celles de la CVA afin de créer la semaine pour la sécurité des piles. Tout au long de cette initiative, nous avons élaboré des renseignements de sécurité et des détails informatifs qui sont distribués gratuitement à chaque boutique de produits de vapotage au pays. Nous avons produit 50 000 étuis de rangement de piles qui permettent d'entreposer les piles de rechange, et ainsi éviter les risques de blessure.

Les tendances, les technologies et la science en vapotage évoluent constamment et ont une incidence directe sur l'efficacité de la réglementation des produits du vapotage. L'ECTA possède des compétences uniques dans ce domaine. Nous travaillons de concert avec la CVA à l'élaboration de programmes de certification et d'accréditation conçus pour s'ajouter en complément et soutenir l'évolution de la réglementation fédérale, mais, fait encore plus important, renforcer l'observation au sein de l'industrie.

Nous allons lancer un cours de certification en ligne afin de nous assurer que les exploitants et les employés ont une connaissance optimale des produits et de la sécurité et se conforment aux règlements fédéraux et provinciaux sur les produits de vapotage. Nous allons aussi lancer un rigoureux programme d'accréditation à l'intention des fabricants et des boutiques de produits de vapotage pour assurer et maintenir l'observation des normes de conformité tout en favorisant la simplification, la production de rapports et la vérification.

Même si nous appuyons fondamentalement la réglementation pour l'industrie, nous avons certaines préoccupations en ce qui concerne le projet de loi S-5. En 2014, j'ai exposé en détail devant le comité HESA les raisons qui justifient la création d'une réglementation sur mesure pour les produits de vapotage comme produits de consommation visant à réduire les risques. De nombreux présentateurs ont ensuite fait écho à cette recommandation. Nous avons été encouragés par le fait que le rapport du comité HESA recommande la création d'un nouveau cadre législatif.

Le projet de loi S-5 établit un nouveau cadre relatif aux produits de vapotage dans la Loi sur le tabac. Nous estimons en conséquence qu'il n'y a pas lieu que la réglementation des produits de vapotage dans la Loi soit harmonisée de trop près avec celle des produits du tabac. En effet, les lois sur le tabac ont été conçues pour exercer un effet dissuasif et préventif sur d'éventuels nouveaux utilisateurs comme mesure cruciale de santé publique. Cette approche est clairement pertinente, puisque les cigarettes constituent le produit de consommation légal le plus mortel sur le marché.

Le vapotage est une solution révolutionnaire de réduction des risques. Comme tout autre produit de réduction des risques, le vapotage n'est pas entièrement sans risque, mais le fait de l'incorporer à la Loi sur le tabac, même si le texte législatif est bien conçu, ne pourra jamais permettre d'atteindre le juste équilibre entre le risque et le bienfait.

Nous estimons qu'à long terme, l'objectif doit consister à bien classifier les produits de vapotage parmi les produits de réduction des risques. La science commence à prendre conscience du vapotage comme méthode de réduction des risques. C'est dans ce contexte que nous demandons instamment à ce comité de prévoir dans le texte législatif un examen obligatoire après une période de deux ans.

L'industrie des produits du vapotage au Canada connaît une croissance exponentielle. Alors qu'elle était autrefois l'apanage exclusif d'ex-fumeurs et de petites entreprises en démarrage, elle se transforme rapidement en une industrie grand public entièrement réglementée. Même si les vapoteurs et notre industrie y travaillent depuis de nombreuses années, nous sommes aussi tous conscients que l'industrie du tabac attend avec impatience cette même loi. Tant que le projet de loi n'est pas adopté et que la réglementation n'est pas mise en place, cette industrie demeure largement dépourvue de produits de vapotage de l'industrie du tabac.

Nous estimons en outre que le projet de loi S-5 confère un avantage concurrentiel aux grandes compagnies de tabac en vertu d'un processus d'autorisation de commercialisation. Dans les faits, il procure un avantage au seul secteur qui a l'intention et les ressources voulues pour développer des produits de vapotage autorisés sur le marché, et j'ai nommé l'industrie du tabac.

Je parle en particulier des dispositions suivantes de la loi. L'article 30.43 interdit la publicité de produits de vapotage qui compare les effets de ces produits sur la santé avec ceux du tabac. Toutes les preuves scientifiques établissent que le vapotage est moins nocif sous l'angle du risque relatif. Cette disposition vient annuler la raison la plus importante d'abandonner la cigarette au profit du vapotage, tout en prévoyant une exception au profit des compagnies qui ont les ressources nécessaires pour obtenir une autorisation de commercialisation.

Le projet de loi S-5 donne aussi un avantage injustifié aux produits autorisés sur le marché sous forme de publicité au moyen du nom d'un produit. Nous ne croyons pas qu'il ait été prouvé que l'autorisation de commercialisation puisse permettre, par exemple, de faire la publicité d'un arôme de gâteau au fromage aux bleuets, alors que d'autres segments du marché n'y seraient pas autorisés.

Si la promotion de catégories d'arômes jugées attrayantes pour les jeunes soulève de véritables préoccupations, les modalités de l'annexe 3 devraient être les mêmes pour tous les produits de vapotage. Nous suggérons donc que l'exception prévue à l'annexe 3, qui s'applique aux produits de vapotage remis sur ordonnance, soit abolie.

Afin de nous assurer que les boutiques de produits de vapotage décrivent les arômes offerts avec honnêteté et précision pour les vapoteurs et les fumeurs adultes, tout en respectant l'esprit de la loi et les interdictions connexes, nous soumettons une proposition de modification de l'article 30.48. Nous proposons l'ajout de l'expression « dans un lieu auquel les jeunes ont accès » à la fin de la disposition.

En vertu de cette modification, les clients n'auraient accès aux produits décrits à l'annexe 3 que dans les boutiques de produits de vapotage interdites aux clients d'âge mineur. La réglementation pourrait préciser la façon dont ces descriptions peuvent être fournies.

Le Canada est dans une position unique. Nous sommes reconnus comme un chef de file mondial de la promotion de la réduction des risques. Les produits de vapotage représentent un ajout important, en matière de réduction des risques, qui ne pourra être utilisé à sa juste valeur qu'au moyen d'un texte de loi juste et équilibré. Nous avons l'avantage de profiter d'un bon niveau de communication et de collaboration entre les administrations publiques, l'industrie du vapotage et les consommateurs, chacun ayant pour objectif de faire des choix responsables qui ont un impact positif sur notre santé, à titre individuel et en matière de santé publique. La conception d'une bonne loi bien équilibrée qui présente le vapotage comme une solution de réduction des risques représente peut-être le meilleur moyen d'éliminer la cause de maladie et de décès la plus facilement évitable au Canada.

Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Je cède maintenant la parole à Shai Sinnis, commissaire à l'Association canadienne de la vape. Bienvenue.

D. Meshaila Sinnis, commissaire, Association canadienne de la vape : Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de venir parler aujourd'hui de cet important texte législatif, le projet de loi S-5. Nous avons soumis un rapport officiel à l'attention du comité.

J'aimerais profiter du temps qui m'est alloué pour mettre en relief certains points de ma présentation. Je n'ai aucune compétence, formation ou spécialisation particulière me permettant de me poser en spécialiste du vapotage ou de la réduction des risques. J'ai toutefois une profonde connaissance de l'industrie, puisque je suis l'une des fondatrices de l'Association canadienne de la vape. Nous avons une opinion éclairée de l'industrie, et nous défendons les points de vue et les aspirations de centaines de milliers de vapoteurs de partout au Canada.

Je n'ai aucune opinion ni aucune conclusion à soumettre. Mes commentaires sont fondés sur de sérieuses recherches que notre organisme a commandées à des experts cliniques et juridiques, et à des spécialistes des politiques publiques.

Cela dit, depuis ses modestes débuts il y a six ans, l'industrie du vapotage au Canada a connu une croissance exponentielle. Le nombre de produits de vapotage s'est multiplié partout au Canada, et l'on estime qu'il existe actuellement plus de 800 établissements de détail et de fabrication, soit plus de 5 000 employés au service de centaines de milliers de clients, qui produisent des revenus de plus de 350 millions de dollars.

Il importe de comprendre que la croissance de l'industrie n'a pas été le fruit de campagnes de publicité dispendieuses. Elle a été le résultat direct d'une demande substantielle pour ces produits chez des millions de fumeurs au Canada à la recherche d'une solution de rechange à la cigarette.

La majorité des propriétaires de boutiques de produits de vapotage, des fabricants de liquides pour cigarettes électroniques et des défenseurs de l'industrie au Canada sont, un peu comme moi, d'ex-fumeurs qui sont passés de la cigarette au vapotage, et qui ont pris conscience du potentiel de cette technologie soi-disant dérangeante et des bienfaits du vapotage comme solution de rechange au tabagisme moins nocive.

J'affirme en tout respect que nos membres ont pris des risques substantiels pour s'acquitter d'une mission qui correspond étroitement au projet de loi S-5. Bon nombre de personnes prendraient d'autres moyens d'affronter le gouvernement pour défendre ce qu'ils considèrent comme leur droit de vapoter. Nous croyons plutôt qu'il est normal pour nous de collaborer avec le gouvernement à l'élaboration de ce projet de loi.

Nous estimons à de nombreux égards que le Canada sert d'exemple à d'autres pays pour élaborer et mettre en œuvre des moyens efficaces de réduire les effets nocifs du tabagisme, et la loi canadienne antitabac représente la pierre angulaire de cet effort. Le Canada assume de nouveau le leadership en mettant en œuvre une loi convenable et efficace qui fait en sorte que les fumeurs adultes ont accès à des produits qui peuvent réduire de manière substantielle les effets nocifs connus de la cigarette.

Nous sommes heureux que Santé Canada ait assumé un rôle de chef de file dans le cadre de la COP7 en n'interdisant pas le vapotage, comme l'Organisation mondiale de la Santé a voulu l'imposer à un si grand nombre d'autres pays. Créer dans le projet de loi une catégorie pour le vapotage est non seulement une mesure bienvenue, mais aussi une occasion pour le Canada d'adopter une réglementation efficace. Nous sommes impatients de collaborer avec vous à cet égard.

La CVA a fondé sa réflexion sur un examen continu de la base grandissante d'éléments probants, y compris des publications spécialisées, des études et des recherches sur le vapotage, entre autres choses. Nous sommes persuadés que le vapotage constitue un bien meilleur choix que la cigarette, et de loin, et qu'il a le potentiel de réduire radicalement les maladies et les décès causés par la cigarette.

La tâche de votre comité consiste à bien écouter les débats et à examiner l'intention de ce texte de loi, et à délibérer avec objectivité au sujet du projet de loi. Nous avons rencontré à l'avance plusieurs des membres de votre comité et nous leur avons offert nos conseils. Dans cette optique, nous soumettons les modifications éclairées et mûrement réfléchies qui devraient selon nous être apportées à ce projet de loi.

Permettez-moi de m'expliquer. Des études récentes menées globalement suggèrent que le vapotage est moins nocif que le tabagisme. La ministre elle-même a renforcé le message de la CVA, suggérant dans sa déclaration aux médias diffusée en novembre dernier, au moment où la loi a été annoncée, que la science commence à rattraper son retard sur le vapotage. À ce sujet, nous recommandons que la loi institue un examen obligatoire après deux ans, de façon que les législateurs prennent connaissance des résultats des recherches et des études scientifiques en cours à temps pour pouvoir réglementer comme il se doit.

En ce qui a trait à la réglementation, nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'Electronic Cigarette Trades Association et d'autres organismes à mission pédagogique à l'élaboration et à la mise en œuvre de programmes d'accréditation et de certification à l'échelle nationale. La mosaïque réglementaire constituée des initiatives législatives provinciales de partout au Canada a semé la confusion dans l'industrie pendant qu'elle attendait cet important moment.

Le projet de loi S-5 établit un cadre national pour les détaillants et les fabricants de produits de vapotage. Puisque la CVA est la porte-parole nationale de l'industrie, nous avons pris l'initiative de créer des normes visant la technologie et les produits, dont mon collègue de l'ECTA vous a parlé plus tôt.

Pour ce qui est des bienfaits pour la santé, les preuves indiquent que les cigarettes électroniques constituent un outil efficace de réduction des risques. En fait, bon nombre d'experts cliniques et d'universitaires pourront probablement en témoigner. Je peux vous dire que la technologie s'est améliorée au fil des ans. Le projet de loi S-5 dans sa forme actuelle menace la capacité qu'a l'industrie de maximiser les bienfaits pour la santé publique en encourageant les fumeurs à adopter la technologie moins nocive de la cigarette électronique. Nous demandons instamment au comité de se pencher sur la modification de cette interdiction. Nous avons suggéré un autre libellé dans notre présentation écrite.

Dans les articles 30.48 et 30.49 proposés dans le projet de loi, il est fait mention des arômes, et une liste de types d'arômes dont la publicité et la fabrication seront interdites figure à l'annexe 3.

Il est paradoxal de constater que malgré la raison même pour laquelle ce projet de loi a été lancé, à savoir rendre les produits de vapotage plus acceptables pour les fumeurs comme moyen de réduire les effets nocifs, on interdit par ailleurs les arômes qui aideraient les éventuels utilisateurs à les adopter. Il est renversant que le projet de loi établisse une telle interdiction, quand il est manifeste que ces arômes aideraient les fumeurs à faire la transition vers le vapotage.

La CVA peut assurément aider l'industrie à s'engager et à soumettre une présentation équilibrée par l'entremise de l'ECTA en ce qui concerne les arômes. Nous, de l'industrie, devons être plus innovateurs, et nous le serons. Le meilleur exemple est probablement l'anis, dont le goût ressemble à celui de la réglisse, mais qui n'est pas un produit de confiserie.

Nous invitons le comité à rechercher un meilleur équilibre dans cette partie du projet de loi. La CVA est plus que disponible pour aider Santé Canada dans cette optique. Nous avons inscrit une proposition en ce sens dans notre présentation écrite.

Je profite de l'occasion, monsieur, pour demander respectueusement à votre comité d'envisager la mise sur pied d'un comité consultatif de l'industrie. Nous avons présenté notre proposition dans notre présentation écrite. Je vous demande instamment de la prendre en considération. Elle est innovatrice et elle illustre notre volonté de travailler de concert avec les responsables de la réglementation.

La CVA est entièrement d'accord pour affirmer la nécessité de la réglementation. L'objectif de cette réglementation doit consister à ce que des bienfaits maximums soient réalisés tout en réduisant les effets nocifs potentiels. Nous craignons que dans sa forme actuelle, le projet de loi S-5 ait des répercussions substantielles sur une industrie en croissance qui offre une solution de rechange à la cigarette, et qui permettrait aux consommateurs de faire un choix moins nocif.

La CVA est entièrement d'accord pour que la vente aux mineurs soit restreinte. Nous constatons qu'il est inévitable que l'utilisation dans les espaces publics soit limitée. Nous sommes d'accord pour dire que des publicités qui présentent le vapotage comme style de vie sont inopportunes. Nous estimons que nos modifications permettent de faire en sorte que les jeunes n'aient pas accès à ces produits. L'utilisation et l'achat d'outils de vapotage sont limités aux espaces publics auxquels les mineurs n'ont pas accès. En outre, ces modifications permettraient aux utilisateurs adultes d'avoir accès à l'aide fournie par les employés compétents des boutiques de produits de vapotage, une aide qui peut être cruciale pour le fumeur qui recherche une solution de rechange à la cigarette.

La qualité de la technologie du vapotage a fait des pas de géant. La recherche a aussi permis de déboulonner certains mythes qui ont été créés par quelques médias grand public au sujet du vapotage. Puisque la technologie s'améliore, la solution du vapotage pourrait s'avérer révolutionnaire dans la lutte antitabac.

Je détesterais que cette technologie si prometteuse soit anéantie, marginalisée ou même reléguée aux oubliettes en raison d'une campagne de désinformation sur l'efficacité du vapotage de la part de ceux qui devraient selon nous être les principaux défenseurs de son utilisation efficace et responsable à titre d'outil visant à aider les fumeurs à délaisser cette habitude nocive.

Je vous remercie de votre attention, et je suis prête à répondre à vos questions.

Le président : Je rappelle à tous que cette séance prendra fin au plus tard à 11 h 30. J'invite maintenant mes collègues à poser leurs questions.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie tous deux de vos présentations. Tout le monde s'entend sur l'objectif du projet de loi S-5, qui doit être de protéger nos jeunes et de permettre aux fumeurs d'avoir accès au vapotage.

La publicité sur les arômes peut être attrayante pour nos jeunes. Vous en avez parlé un peu, mais j'aimerais vous entendre parler plus longuement de la restriction. J'ai cru comprendre que ce n'est pas la composition chimique ni l'arôme en soi qui seront interdits, mais plutôt leur publicité. De l'extérieur, il me semble que les gens pourront s'y adapter. Ils s'adapteront aux nouveaux noms.

J'aimerais que vous nous en parliez étant donné que les vapoteurs semblent y attacher une grande importance. J'aimerais un peu mieux comprendre. Pourquoi la nuance du nom est-elle si importante pour vous, alors que cela ne change rien à l'arôme?

Mme Sinnis : Fondamentalement pour l'instant, je suis d'accord pour dire qu'il devra y voir une certaine adaptation en ce qui concerne les arômes. Ce ne sont pas tant les vapoteurs actuels qui nous préoccupent. Évidemment, nous avons tous nos arômes préférés.

Je suis surtout préoccupée par les personnes qui se rendent dans les boutiques pour adopter la cigarette électronique. Elles ne connaissent pas les produits offerts. Si j'ai bien compris, à mesure que nos papilles gustatives s'habituent au bout de quatre à cinq jours, le liquide avec lequel nous avons commencé devient rance, et les gens ne veulent alors plus vapoter.

Comment peuvent-ils trouver quelque chose qu'ils aiment? Ils ne le pourront pas s'ils ne savent pas que cela existe. Ils ne trouveront pas l'arôme qui leur convient et retourneront acheter des cigarettes ordinaires, et c'est ce que nous voulons éviter à tout prix. Si cela signifie que nous devons offrir un liquide à l'arôme de gâteau au fromage, eh bien nous l'offrirons. S'il est interdit aux enfants d'entrer dans les boutiques, cet aspect du marketing ne doit pas s'étendre aux boutiques. Il doit s'accompagner d'un certain niveau de sensibilisation, et nous devons en tenir compte en tant qu'industrie, surtout pour ceux qui songent à adopter la cigarette électronique.

M. David : Pour faire écho à ce que dit Mme Sinnis, nous comprenons les conséquences dans ce cas particulier. L'interdiction frapperait non seulement les noms d'arôme, mais aussi leurs descriptions. L'éventail des arômes est l'un des aspects cruciaux du vapotage. Bon nombre de boutiques de vapotage offrent jusqu'à 100, 200, voire 300 différents types d'arômes.

Chacun a ses propres goûts. Certains des plus importants relèvent de ces catégories. Notre préoccupation la plus cruciale ne concerne pas la publicité télévisée d'un arôme de gâteau au fromage, sa description, ni quoi que ce soit de semblable. Quand nos clients se présentent dans une boutique et veulent savoir à quoi ressemble véritablement un arôme portant un nom plutôt vague, nous voulons qu'ils puissent avoir un accès raisonnable à une description raisonnable.

Nous ne demandons pas l'autorisation d'afficher ces renseignements partout, mais si nos clients sont dans une boutique de produits de vapotage à laquelle les mineurs n'ont pas accès, ils devraient pouvoir profiter d'une description exacte qui ne tourne pas autour du pot. C'est le sujet de notre proposition de modification.

La sénatrice Seidman : Ma question s'adresse à vous deux. M. David pourrait commencer, et Mme Sinnis pourrait poursuivre.

Selon des statistiques de Santé Canada et du Surgeon General des États-Unis pour 2015, 25 p. 100 des jeunes entre 12 et 19 ans ont essayé la cigarette électronique. Certains craignent, même si aucune preuve ne le justifie, que la cigarette électronique ait un effet de passerelle vers l'accoutumance à la nicotine pour une nouvelle génération d'utilisateurs et remette le tabagisme au goût du jour.

J'aimerais connaître votre avis sur deux aspects qui pourraient être incorporés à la loi afin d'apaiser cette crainte ou cette préoccupation. Le premier concerne les niveaux de nicotine contenus dans les liquides de vapotage. Nous savons tous que la nicotine est une substance extrêmement addictive, voire toxique. À l'heure actuelle, la loi ne précise aucun niveau de concentration.

Vous qui êtes des experts ayant une longue expérience du vapotage, que pensez-vous du liquide de vapotage et des niveaux de nicotine? Mon autre question concerne la publicité et le marketing. Les restrictions relatives à la publicité et au marketing inscrites dans le projet de loi S-5 sont moins strictes que pour l'usage du tabac comme tel. Même si ce texte de loi s'ajoute à la Loi sur le tabac et la modifie pour inclure le vapotage, les aspects de la publicité et du marketing ne sont pas aussi stricts que pour le tabac.

J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects.

M. David : En ce qui a trait à la teneur en nicotine des liquides, il faut tenir compte du vaste éventail de types de dispositifs. Certains sont plus puissants, et d'autres sont des systèmes fermés. Certains de ces dispositifs sont plus efficaces que d'autres pour ce qui est de l'inhalation de la nicotine.

Ma recommandation, de la part de notre organisme, consiste à fixer un niveau plus élevé d'environ 24 milligrammes de nicotine par millilitre de liquide, ce qui est assez élevé. Cela permet aussi de satisfaire les gros fumeurs qui fument jusqu'à deux paquets de cigarettes par jour. Ils ont besoin de ce niveau pour avoir leur dose de nicotine. Cela permet aussi de tenir compte des dispositifs moins efficaces, mais plus pratiques qui ne produisent pas autant de vapeur ou qui ne fournissent pas autant de vapeur lorsque l'utilisateur inhale.

Un niveau trop peu élevé serait nuisible, en ce sens qu'il ne permettrait pas de tenir compte des besoins en nicotine de tous les utilisateurs. En revanche, il est inutile de fixer un niveau trop élevé. Aux débuts de l'industrie, certains liquides pouvaient contenir jusqu'à 36 milligrammes, ce qui est inutilement élevé. Ma recommandation serait donc celle que je viens de vous donner.

Pour ce qui est de la publicité et du marketing, comme l'a dit Mme Sinnis dans sa présentation, l'efficacité de notre industrie n'est pas le fruit de campagnes de publicité aux budgets astronomiques. Il y a eu un fort effet de bouche à oreille, et la publicité et le marketing ont surtout eu cours dans les boutiques de vapotage. Il est assurément essentiel de pouvoir communiquer de l'information sur les descriptions des arômes et de pouvoir parler de différentes choses, de mettre des affiches sur les murs et ce genre de choses.

Les interdictions au niveau du marketing du vapotage ne devraient pas être les mêmes que pour le tabac. Le vapotage est la solution de réduction des risques. Il ne devrait jamais être interdit au même titre que le tabac. C'est une bonne solution, et sa publicité devrait être plus largement autorisée, surtout dans les boutiques de produits de vapotage.

Mme Sinnis : En ce qui concerne la publicité et le marketing, je suis du même avis que Daniel. Je dirais qu'une grande partie de ce qui peut être perçu comme des activités de marketing dans cette industrie vient des consommateurs eux-mêmes. Du point de vue de l'industrie, il s'agit surtout de marketing éducatif visant à commercialiser le produit comme un outil de réduction des risques. Nos activités de marketing prennent la forme d'études et de recherches scientifiques menées par des médecins et des scientifiques.

Pour ce qui est de la théorie de l'effet de passerelle, l'étude la plus efficace pour réfuter ce que vous avez dit a été commandée par les IRSC, et elle a été menée à l'Université de Victoria. Elle précise qu'à l'heure actuelle, avec les données scientifiques dont nous disposons, rien n'indique que le vapotage incite les jeunes à fumer.

C'est une chose que j'aimerais faire comprendre à tous. Nous ne voulons pas du tout mettre ce produit dans les mains de personnes mineures. Nous nous entendons sur ce point. C'est la raison pour laquelle nous voulons nous assurer que les efforts de marketing demeurent axés sur l'information.

La sénatrice Stewart Olsen : Je serai très franche avec vous. Je n'aime pas ce texte de loi. Je crois que nous ne contrôlons pas les nouveaux produits de vapotage comme nous le devrions. Nous avons en place un gouvernement permissif qui songe à faire adopter une loi visant à légaliser la marijuana. Ce n'est là qu'une autre des mesures qu'il met en place pour rendre ces produits plus facilement accessibles pour nos enfants et les adultes.

Je suis consciente que vous êtes responsable et que vous faites du mieux que vous le pouvez en tant qu'industrie. Je vous remercie de l'information selon laquelle l'Organisation mondiale de la Santé conseille de ne pas suivre la voie que le gouvernement s'apprête à suivre.

Je vois toutefois un aspect positif, et j'aimerais que vous me répondiez brièvement à ce sujet. Avez-vous songé à informer vous-même le public des dangers et des risques du vapotage, et de la façon de les éviter?

M. David : Pour ce qui est d'éduquer ou d'informer le public, notre organisme fournit beaucoup d'information au public sur notre site web. Ce site renferme une mine de renseignements sur les normes d'essai des liquides, ce qui est mis à l'essai et pourquoi, le contrôle de la qualité et ce genre de choses, ainsi que les préoccupations concernant les piles. Tous les documents que nous élaborons et diffusons aux fabricants et aux commerçants sont accessibles au public.

Nous encourageons tous nos membres à diriger leurs clients vers le site de l'ECTA. Même les documents inclus avec les encarts de mise en garde qui accompagnent nos produits précisent l'adresse du site web et où se diriger pour obtenir plus d'information. L'éducation est primordiale, et nous devons absolument poursuivre dans cette voie. Les boutiques de produits de vapotage constituent l'une des meilleures voies à suivre en ce sens.

Mme Sinnis : À la CVA, nous nous tournons vers l'ECTA afin de connaître les normes réglementaires pour produire ces études. Nous travaillons en collaboration avec nos propres experts et nous veillons à ce que l'information soit accessible à tous.

Pour ce qui est de l'aspect éducatif, il sera interdit si aucune modification n'est apportée au projet de loi. Encore une fois, l'aspect éducatif est primordial. Quelque 37 000 Canadiens meurent chaque année. Nous voulons nous assurer de réduire enfin ce nombre après des décennies. Nous disposons ici d'un outil qui pourrait permettre de réduire les effets nocifs du tabac, et qui le fera, mais nous devons pouvoir informer les consommateurs et le public, même les non- vapoteurs et les non-fumeurs, afin qu'ils sachent en quoi consiste notre produit, et comment il permet de réduire les effets nocifs.

Le sénateur Dean : J'écoute fort attentivement cette intéressante discussion. Pour moi, la question se résume comme suit. Nous voulons atteindre un juste équilibre entre le modèle de réduction des risques et le modèle réglementaire. Il existe toutefois clairement un troisième élément dont il faut tenir compte. La commercialisation croissante de cette pratique et de cette industrie touche d'autres intérêts, si je peux m'exprimer ainsi. Il faut aussi tenir compte de certains intérêts économiques. En bout de ligne, le gouvernement et le Sénat devront trouver le juste équilibre.

Il ne fait aucun doute que la réduction des risques fait de plus en plus partie de l'approche de lutte contre l'accoutumance et la toxicomanie. C'est ce dont il est question ici selon moi. Nous savons que la réduction des risques est souvent invoquée, mais elle doit aller de pair avec une réglementation assez stricte.

Il n'y a aucune incohérence selon moi. Les pratiques observées en matière de politiques et les pratiques réglementaires doivent pouvoir coexister. Nous n'avons pas à sacrifier les unes au profit des autres. Il s'agit de déterminer le bon dosage.

Certains diraient, et je m'inclus dans ce groupe en raison de mon expérience des blessures en milieu de travail qui auraient pu être évitées, que la réduction des risques est un objectif vraiment louable, mais quand il est question du risque, de la sécurité et de la santé publique, nous ne devrions pas invoquer la réduction des risques sans réfléchir à une approche réglementaire opportune, et parfois stricte.

Qu'en pensez-vous? C'est le dilemme auquel seront confrontés en fin de compte les décideurs, du moins à mon point de vue. Quel est le bon dosage? Les opinions diffèrent dans ce domaine. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. David : Je suis d'accord avec à peu près tout ce que vous venez de dire. Avec un produit de réduction des risques comme le vapotage, nous sommes entièrement d'accord pour dire qu'il faut une réglementation stricte. Celle-ci doit mettre l'accent sur la qualité du produit et le contrôle de la qualité, afin de veiller à ce que les quelques ingrédients du liquide de la cigarette électronique soient mesurés avec précision, et que les avertissements qui s'imposent accompagnent les produits, par exemple pour préciser que le liquide contient de la nicotine et qu'il ne faut pas le boire. La réglementation doit être stricte en ce sens qu'on ne peut pas mettre n'importe quoi sur l'étiquette d'un flacon. Certaines informations sont incontournables.

Je suis d'accord pour dire que la réglementation doit être très stricte dans une certaine mesure. Les liquides doivent être testés régulièrement. Le projet de loi renferme des dispositions prévoyant des essais de détermination des émissions, des essais de produits et des limitations concernant les ingrédients. Toutes ces mesures sont entièrement nécessaires.

L'équilibre est surtout important pour s'assurer que la réglementation ne va pas trop loin lorsque nous n'arrivons pas à communiquer notre message aussi bien que nous le voulons, quand nous ne sommes pas en mesure de fournir de l'information aux fumeurs qui sont curieux d'en apprendre davantage pour adopter le vapotage.

La réglementation doit faire en sorte que la publicité et le marketing ne ciblent que les fumeurs adultes. Comme ce produit est conçu pour les fumeurs adultes, la réglementation doit les cibler. Nous devons être prudents avec cet équilibre, de façon que rien n'indique que ce produit est semblable au tabac, et qu'ils sont pareils. Nous devons préciser clairement qu'il s'agit d'un produit de réduction des risques, puisque c'est ce qui incite des gens à délaisser la cigarette pour le vapotage.

Mme Sinnis : J'aimerais ajouter quelque chose en ce qui concerne les étiquettes. L'ECTA, comme nous l'avons dit, s'occupe de normes d'autoréglementation pour l'ensemble de l'industrie. Elle a même conçu une étiquette en 2013. La plupart des fournisseurs au Canada utilisent cette étiquette, qui relève du Règlement sur les produits chimiques et contenants de consommation.

Il renferme de l'information sur les premiers soins à prodiguer. On y explique de ne pas avaler le produit et de ne pas le laisser à la portée des enfants. Le symbole de la lutte antipoison figure sur le devant du flacon. Les flacons sont aussi munis de capuchons à l'épreuve des enfants et de sceaux de garantie. Nous nous assurons donc de prendre les mesures préventives qui s'imposent.

La plupart des parents ne laissent rien traîner, mais cela peut tout de même arriver. C'est pourquoi cette mesure a été conçue. Le flacon est non seulement à l'épreuve des enfants, mais les renseignements sur les premiers soins à donner sont là pour aider les parents en cas d'ingestion accidentelle.

La sénatrice Frum : Mme Sinnis, vous avez dit à la fin de votre présentation que les cigarettes électroniques constituaient un outil responsable pour permettre aux fumeurs de délaisser la cigarette, plus nocive. Cela me semble clair, et je suis d'accord avec vous à ce sujet.

La sénatrice Seidman a toutefois cité une statistique selon laquelle 25 p. 100 des jeunes avaient essayé la cigarette électronique. Des statistiques de la FDA, aux États-Unis, révèlent aussi qu'il y a trois millions de jeunes utilisateurs de la cigarette électronique, et nous parlons ici de jeunes d'écoles intermédiaires et secondaires. Dans le rapport de la FDA, 81 p. 100 des jeunes utilisateurs de cigarettes électroniques ont indiqué qu'ils avaient adopté la cigarette électronique en raison des arômes attrayants.

J'ai bien entendu votre argument. Comment en effet faire en sorte que les fumeurs se tournent vers la cigarette électronique? Celle-ci doit être attrayante. C'est peut-être M. David qui a signalé que les arômes doivent être attrayants, sans quoi les utilisateurs éventuels ne l'adopteront pas. Nous savons aussi que ces produits et ces arômes sont attrayants pour les jeunes qui n'ont pas encore l'âge légal de les adopter.

Comment pouvons-nous trouver un juste équilibre entre ces deux préoccupations?

Mme Sinnis : Je le répète, et comme je ne suis pas une scientifique, je ne suis pas en mesure de réfuter quoi que ce soit, mais on ne peut pas du tout comparer l'industrie au Canada avec celle des États-Unis. Le marketing qui s'y fait n'a jamais été fait au Canada. Leurs panneaux d'affichage et leurs efforts de marketing, que ce soit à la télé ou en ligne, n'ont jamais été déployés ici au Canada. Nous avons été assez responsables, et nous le devons en grande partie à l'ECTA, qui s'est manifestée tôt dans le processus pour dispenser de judicieux conseils aux compagnies.

En ce qui concerne les arômes, il n'est pas facile d'inciter les gens à adopter le vapotage. Nos papilles gustatives s'adaptent très rapidement, et quiconque vapote peut en attester. De façon générale, les vapoteurs commencent avec un liquide à l'arôme de tabac. Personnellement, ce n'est pas ce que j'ai fait. J'ai commencé avec un arôme de bonbon qui me plaisait. Après avoir fumé deux paquets par jour, cette solution a fonctionné pour moi. Je l'ai essayée et je l'ai immédiatement adoptée, mais la plupart des personnes ne savent pas par où commencer. En entrant dans la boutique, ils commencent par dire qu'ils n'ont pas l'intention de fumer une cigarette électronique à saveur de fruit ou de gâteau. Après quatre ou cinq jours toutefois, leurs papilles gustatives s'adaptent. Leur odorat se replace et ils ne savent plus quoi faire. Ils nous disent à quel point le goût est horrible et comment ils veulent changer de goût, et c'est ici qu'entre en jeu l'importance des arômes.

Les étiquettes causent-elles des problèmes? Tout à fait. Comme je l'ai indiqué, il est essentiel que des étiquettes conformes au Règlement sur les produits chimiques et contenants de consommation soient restrictives. Les consommateurs peuvent y lire le nom de l'arôme, les premiers soins à dispenser en cas d'urgence et le nom de la compagnie. C'est une étiquette très neutre, mais elle permet de commercialiser le produit sans aller trop loin. Pour trouver l'équilibre, il nous faut examiner certains règlements de l'ECTA.

M. David : Une grande partie de ce qui est prévu dans ce projet de loi permet de trouver ce judicieux équilibre, en ce sens que nous fixons des restrictions d'âge en ce qui a trait au produit en soi. Certaines de nos recommandations vont même plus loin et proposent que les boutiques de produits de vapotage restreignent l'accès pour les jeunes.

L'un des principaux endroits où les gens se décident à faire le changement, c'est dans les magasins de produits de vapotage, car ceux-ci ont l'expérience et les connaissances nécessaires pour renseigner le consommateur. Les contrôles sur la publicité médiatique, l'interdiction de vente aux mineurs et tout ce qu'il y a pour limiter la saveur, des noms de saveurs très descriptifs, sont plus que suffisants.

La sénatrice Hartling : Comme ancienne fumeuse d'il y a bien des années, je dois dire c'est un tout nouveau monde. Je trouve que c'est une dépendance insidieuse et les fumeurs que je rencontre feraient tout pour cesser.

Lorsque vous parlez d'aller dans un magasin de vapotage et de moindres méfaits, le personnel peut-il nous aider à considérer les étapes à suivre pour cesser de fumer? Qu'en est-il des coûts et de ce genre d'aspects? Quel serait le processus? Si je fumais toujours, que se passerait-il si je me rendais dans le magasin en demandant de l'aide pour cesser?

M. David : Vous entrez bien entendu dans le magasin et vous dites quel est votre objectif. Nous parlerions sans doute un peu de ce que vous savez sur le vapotage, de ce que vous avez entendu dire à son sujet.

Il s'agirait essentiellement de vous poser des questions, savoir combien vous fumez, depuis quand, quel genre et quelle taille de dispositif vous recherchez et d'autres choses toutes simples.

L'un des aspects clés pour que la méthode réussisse réside une fois de plus dans les saveurs. Les gens qui font la transition ont tendance à commencer par choisir une saveur de tabac, ce qui facilite le processus. Beaucoup optent également pour d'autres saveurs, tels les fruits. Il s'agit d'explorer les divers goûts disponibles, de découvrir ce que la personne veut et de l'essayer physiquement au magasin. Je sais qu'il y a des provinces où c'est interdit, mais c'est un aspect très important pour le processus. Une fois qu'une saveur a été sélectionnée, on parlera de la teneur en nicotine.

Ce que nous ferions en tant que magasin de produits de vapotage serait de vous décrire les divers niveaux disponibles. Selon notre expérience, les gens qui fument un paquet de cigarettes par jour iront chercher 6 milligrammes ou 12 millilitres sous forme liquide.

Les explications que nous donnons aux clients font partie du processus de certification que nous sommes en voie d'élaborer afin de normaliser les informations qui devraient être transmises de façon uniforme dans tout le pays et de veiller à ce que tout le personnel sache ce qu'il est censé dire et soit au courant de toute restriction imposée par les règlements provinciaux et fédéraux.

La sénatrice Hartling : Qu'en est-il du coût par rapport au prix d'un paquet de cigarettes?

M. David : Le coût est probablement de l'ordre de 50 à 80 p. 100 inférieur à celui du tabac. L'investissement initial est un peu élevé. Il peut varier de 80 à 300 $, suivant ce que vous voulez obtenir. La moyenne serait d'environ 120 $ pour démarrer.

Une fois que vous avez la trousse, il ne reste plus qu'à vous procurer le liquide régulièrement, ce qui peut coûter de 20 à 40 $ par mois. Cette somme est infime par rapport au prix des cigarettes.

Mme Sinnis : Côté coût, le fumeur moyen qui fume un paquet par jour et achète les marques moins dispendieuses dépense environ 4 825 $ par année, alors que le passage à la cigarette électronique ne lui coûterait que 400 $ par année. C'est juste pour l'achat de liquide s'il choisit de continuer.

[Français]

La sénatrice Mégie : J'ai une question que je voudrais vous poser en français. Avant de la poser, je voudrais éclaircir quelque chose que je pense avoir mal compris. Monsieur David, vous avez dit qu'il faudrait peut-être augmenter le taux de nicotine dans les produits de vapotage jusqu'à 36 milligrammes. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. David : Non, les 36 milligrammes c'était quand l'industrie a commencé il y a 7 ans. Le niveau de nicotine a diminué depuis. Personne n'utilise des doses aussi élevées. Je voulais parler de la vente au détail du produit. Le niveau de concentration de la nicotine est en train de baisser.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci, cela m'inquiète moins. Donc, ce qu'on sait, c'est que pour suivre le régime afin d'arrêter de fumer, on commence à 21 pour les plus grands fumeurs, puis on diminue de 21 à 14 à 7, selon le nombre de semaines adapté à la personne. Y a-t-il des gens parmi les membres de votre personnel qui peuvent donner des conseils pour bien gérer cet aspect? Souvent, dans les programmes pour cesser de fumer, il y a un suivi qui est fait par un professionnel de la santé pour voir comment tout se passe et comment la personne tolère le traitement. Il y a tout cela. Est-ce que votre personnel aurait reçu la formation nécessaire pour gérer cela?

[Traduction]

M. David : Leur formation est certainement excellente. C'est une industrie assez expérimentée au point où nous en sommes. Cela dit, nous ne sommes pas des fournisseurs de soins de santé. Nous ne sommes pas là pour concevoir un programme de cessation personnalisé pour nos clients. Le vapotage dépend du besoin ou du désir personnel du consommateur.

Le client peut vouloir essayer le vapotage pour cesser de fumer et se donner deux mois pour y arriver, sans quoi il cessera le vapotage également. S'il pose des questions précises sur la manière de réussir, nous pouvons l'orienter et lui expliquer qu'il pourrait passer d'un niveau élevé à un niveau moyen et ensuite plus faible. Mais il n'appartient qu'à lui de choisir la méthode.

Ce que vous expliquez se rapporte davantage au côté cessation, qui n'est pas la méthode qui nous occupe.

[Français]

La sénatrice Mégie : L'objectif d'orienter les gens vers le vapotage, c'est souvent de les aider à faire la transition entre la cigarette et l'arrêt du tabac. Si le résultat, avec le vapotage, est le même que s'ils fumaient, je n'en vois pas l'utilité. J'ai l'impression que toutes les saveurs, comme celle de la « gomme à mâcher », existent simplement pour masquer le fait que le produit contient de la nicotine. Je ne sais pas.

[Traduction]

M. David : Bien sûr. Or, la nicotine n'est pas cancérigène. Ce n'est pas la partie du tabagisme qui est nocive pour le corps. Ce qui est nocif, c'est le résultat de la combustion de substances chimiques, l'accumulation de goudron. La nicotine crée très certainement une dépendance, comprenez-moi bien, mais ce n'est pas vraiment l'élément le plus inquiétant. Ce sont les substances chimiques qui entrent dans la combustion.

La sénatrice Raine : Je voudrais poser des questions au sujet de la publicité et de la promotion qui s'adresseraient aux enfants et aux jeunes. Je me demande comment vous faites la distinction entre la commercialisation qui cible les adultes et celle qui cible les jeunes.

M. David : C'est une bonne question. À un moment donné, notre organisation essayait de définir la publicité en fonction des styles de vie. Il est difficile de faire la distinction.

Je dirais que les méthodes de commercialisation et la publicité qui de par leur nature même ciblent les adultes devraient être ouvertes et disponibles. Ce ne serait pas le cas pour les annonces à la télévision aux heures de grande écoute. C'est là que certaines restrictions du projet de loi sur notre manière de voir les choses sont appropriées. Définir ce qui attire oui ou non les jeunes est une question difficile, car mon avis sur ce qui peut attirer un jeune peut être foncièrement différent de celui d'autrui.

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Sinnis?

Mme Sinnis : Oui et non. Êtes-vous en fait en train de parler de la commercialisation du produit ou de la promotion des saveurs? Ce sont deux aspects complètement différents que nous étudions.

La sénatrice Raine : Je dirais que nous parlons de n'importe quel message qui pourrait faire croire aux jeunes qu'il est « cool » de vapoter.

Mme Sinnis : J'ai quatre enfants, mais je ne réussis pas à savoir ce qu'ils trouvent « cool ». Les enfants font ce qu'ils veulent, mais quand il s'agit de saveurs, disons que je n'ai pas perdu mes papilles gustatives en devenant une adulte. Qui dirait non à un gâteau d'anniversaire? Lorsque nous consommons une boisson alcoolisée, nous lui ajoutons bien une saveur pour en adoucir la puissance et améliorer le goût.

À toutes fins pratiques, un enfant peut aimer le gâteau au fromage, mais la plupart d'entre nous aussi. Quand on parle de saveurs et qu'on se demande ce qu'un enfant pourrait aimer, eh bien, les enfants, ils aiment tout. Côté commercialisation, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir des annonces à la télé avec une fille hyper sexy en robe rouge en train de vapoter une cigarette électronique. Comme toute autre publicité visant des adultes, les annonces devraient passer tard la nuit, voire pas du tout.

La sénatrice Raine : De nos jours, la commercialisation ne se fait pas uniquement dans la presse, la télévision, les panneaux publicitaires et dans les magasins. On la fait également en ligne avec des personnages des dessins animés de Disney ou le témoignage de célébrités comme Justin Bieber. Quels devraient être d'après vous les paramètres à suivre pour ce genre de témoignages publicitaires pour dissuader les enfants et les jeunes de commencer le vapotage, pour qu'ils le trouvent moins désirable ou appétissant?

Mme Sinnis : Le projet de loi contient de nombreuses dispositions à cet effet, surtout quand il s'agit de promouvoir un style de vie. Car l'incitation se produit au niveau du style de vie. Quand nous songeons aux réseaux sociaux, nous étudions toutes les plateformes et, en tant qu'entreprises, nous pouvons alors établir la lignée à suivre pour les attirer, tout comme pour les autres consommateurs. Mais pour y arriver, il nous faut miser sur les plateformes, car nous ne saurions le faire sans elles.

Le projet de loi mettra fin en grande partie à tout cela une fois pour toutes et rendra la publicité appropriée.

Le président : Je ne crois pas que nous puissions approfondir davantage. On vous a répondu comme on a pu, alors passons.

La sénatrice Petitclerc : Si vous les permettez, j'ai une question toute courte et puis une autre.

Le président : En tant que parrain du projet de loi, je vous accorde cette petite liberté supplémentaire.

La sénatrice Petitclerc : Ma question courte est la suivante : je comprends que vous cherchez à réduire les effets nocifs, mais c'est aussi un marché et un produit qui génère des bénéfices. J'ai été ravie de vous entendre dire, monsieur David, que vous voulez le commercialiser uniquement parmi les fumeurs adultes.

Je n'ai pas entendu ce que vous aviez à dire à ce sujet, madame Sinnis. J'aimerais savoir si vous êtes du même avis. Nous ne sommes pas en train de bâtir un nouveau marché; c'est pour les fumeurs.

Mme Sinnis : Absolument, à 110 p. 100.

La sénatrice Petitclerc : Monsieur David, votre site web indique que l'industrie tout entière est gravement menacée par le projet de loi S-5. J'aimerais connaître votre avis là-dessus. C'est très fort. En quoi ce projet de loi menace-t-il l'industrie?

M. David : Dans son libellé actuel, le projet de loi a une portée très générale. Il en est de même pour les règlements connexes. Le moment venu, des amendements qui semblent assez raisonnables pour l'instant peuvent donner lieu à des restrictions tellement onéreuses que notre industrie nationale ne pourra pas se permettre de participer et nous finirons par avoir un marché noir.

Il s'agit d'une inquiétude généralisée à l'égard de l'orientation de ce projet de loi. Les saveurs sont un aspect primordial et il est absolument essentiel de pouvoir fournir des informations justes et précises.

Le site web se rapporte à ce contexte, à toute l'étendue et à l'esprit du libellé du projet de loi et des règlements connexes.

Le président : Il ne nous reste malheureusement plus de temps. Il nous faut du temps pour passer au groupe de témoins suivants. Je tiens à remercier les témoins de leur présence ici ce matin et des réponses qu'ils ont données à mes collègues, élucidant des aspects importants pour notre étude de ce projet de loi.

Je demande aux témoins de quitter la salle rapidement. Si quelqu'un veut vous poser des questions, que ce soit à l'extérieur de la salle.

Chers collègues, nous allons accueillir deux nouveaux groupes de témoins, que je vais interpeller dans l'ordre indiqué ici. Je vous rappelle que vous avez une question par tour et que la séance prendra fin d'ici 12 h 30.

Eric Gagnon, directeur, Affaires réglementaires et relations gouvernementales, Imperial Tobacco Canada Ltd., est le premier de ma liste. Vous avez la parole, monsieur Gagnon.

[Français]

Eric Gagnon, directeur, Affaires réglementaires et relations gouvernementales, Imperial Tobacco Canada Ltd. : Merci de nous donner l'occasion de vous faire part de nos commentaires sur ce projet de loi, qui est d'une complexité exceptionnelle, et qui porte sur deux enjeux très différents, la cigarette électronique ainsi que la normalisation des emballages et des cigarettes. Étant donné la complexité de ce projet de loi, je vous invite à passer en revue notre mémoire pour mieux comprendre notre position. Mes commentaires aujourd'hui seront d'ordre plus général.

[Traduction]

Nul ne saurait questionner les objectifs de santé publique du gouvernement qui cherche à réduire les méfaits du tabagisme et surtout, à empêcher les jeunes de fumer; même pas un fabricant de tabac. Les jeunes ne devraient pas fumer, un point c'est tout. Les risques pour la santé sont connus et seules devraient fumer des personnes adultes qui choisissent de le faire en toute connaissance de cause.

C'est pourquoi Imperial Tobacco Canada appuie des règlements raisonnables fondés sur des preuves, plus particulièrement ceux qui cherchent à garder les produits du tabac hors de la portée des jeunes Canadiens. Cela dit, nous nous opposons à des règlements qui ne répondent pas aux objectifs énoncés en matière de santé, surtout à ceux qui finiront par s'avérer contre-productifs. Nous estimons également que les produits à base de nicotine moins nocifs ont un rôle important à jouer du moment qu'ils peuvent encourager des fumeurs adultes à opter pour la consommation de nicotine sous une forme potentiellement moins nocive pour la santé.

Par conséquent, nous saluons l'esprit du projet de loi S-5 qui cherche à légaliser les produits du vapotage partout au Canada. Ce projet de loi est un bon premier pas dans cette voie, mais il est incomplet sans un cadre de réglementation adéquat.

Une fois que la loi sera adoptée, Santé Canada devrait en toute première priorité introduire des règlements sur le vapotage pour empêcher que la santé des consommateurs soit compromise par des produits de mauvaise qualité qui pourraient s'avérer dangereux.

Par ailleurs, la disposition du projet de loi qui limite la capacité des fabricants et vendeurs de communiquer avec les consommateurs est problématique. Restreindre la promotion de ces produits moins nocifs fera qu'il sera plus difficile de faire comprendre aux fumeurs adultes l'avantage de changer de produit. Nous proposons dans notre mémoire des amendements raisonnables à ces dispositions restrictives. Si la santé publique est le but ultime, ces amendements doivent être incorporés au projet de loi.

Aussi, nous nous opposons vivement aux dispositions du projet de loi qui cherchent à standardiser l'apparence des paquets de tabac, mais aussi celle des cigarettes elles-mêmes, et ce, pour diverses raisons.

Premièrement, ces mesures violent les droits afférents à nos marques de commerce. En tant qu'entreprises qui vendent un produit légal, nous avons le droit fondamental d'utiliser nos marques.

Deuxièmement, la standardisation de l'emballage et du produit fera qu'il sera impossible pour les consommateurs, les vendeurs et même les forces de l'ordre, de faire la distinction entre un produit légitime et un produit illicite. Le Canada est déjà confronté à un énorme problème de contrebande, et le tabac illicite représente plus de 50 p. 100 du marché dans certaines régions de l'Ontario. À en croire la GRC, il existe une cinquantaine d'usines illicites de fabrication de cigarettes au Canada et leur capacité collective est suffisante pour monopoliser le marché canadien.

Il existe des centaines de groupes criminels organisés qui se chargent d'écouler ces marchandises illicites. Ces groupes ne perçoivent pas de taxes, n'en payent pas non plus et font fi des dispositions législatives sur le tabac. Ils vendent des cigarettes à une fraction du prix légal et n'ont aucun scrupule à en vendre à des Canadiens mineurs.

Si ces mesures sont adoptées, le crime organisé ne sera que mieux équipé pour envahir le marché canadien avec des produits de contrebande et de contrefaçon. D'aucuns estiment que le Canada est à l'abri d'une poussée de ce commerce illicite en raison des avertissements graphiques et des timbres d'accise qui figurent sur les produits légitimes. Comme vous le verrez dans notre mémoire, ces étiquettes et timbres paraissent déjà sur les produits illicites, incroyablement même sur les sacs de cigarettes.

Une troisième raison pour laquelle nous nous opposons à un emballage neutre, c'est que cela ne fonctionne tout simplement pas. Le seul pays où cette politique a été mise en œuvre pendant longtemps est l'Australie. Malgré ce que certains groupes vous diront, la vérité selon les données d'une enquête menée par le gouvernement australien sur sa stratégie nationale en matière de drogues, c'est que le déclin du taux de tabagisme ne s'est nullement accéléré depuis que ce pays a introduit le conditionnement neutre. À l'instar du Canada, l'Australie connaissait déjà un déclin d'année en année et cette tendance ne s'est pas accélérée à la suite de l'adoption de l'emballage neutre.

Au Canada, les paquets de tabac portent déjà des avertissements graphiques sur les risques pour la santé sur 75 p. 100 de leur surface. Les paquets sont cachés du public dans les magasins où ils sont en vente. On n'a présenté aucune preuve voulant que la partie restante où figure la marque influe le moindrement sur la décision d'une personne de commencer à fumer.

Santé Canada veut aller encore plus loin et standardiser l'apparence des cigarettes elles-mêmes à l'intérieur du paquet, suggérant que si infime soit-elle, une mini indication de la marque sur une cigarette peut inciter les gens à fumer.

Évoquant l'absence de preuves, d'autres pays ont à juste titre renoncé à des efforts comme ceux de Santé Canada pour imposer la standardisation de l'apparence des cigarettes comme le veut la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l'Organisation mondiale de la Santé.

Selon une enquête de l'Association pulmonaire du Canada, 70 p. 100 des jeunes qui fument affirment qu'ils ont commencé parce que leurs amis fumaient ou qu'ils se sentaient sous pression. Pas un seul ne l'a attribué à un logo qui figurait dans la partie inférieure du paquet ou de la marque imprimée sur la cigarette.

Le meilleur moyen d'empêcher les jeunes de fumer et de réduire le tabagisme est de lancer des campagnes d'éducation et de sensibilisation ciblant les populations vulnérables. C'est l'approche suivie aux États-Unis où, sans aucune des mesures extrêmes introduites au Canada et en Australie, les taux de tabagisme ont chuté à des niveaux record tout aussi faibles.

Pour conclure, je ne puis achever sans faire allusion aux contradictions de ce gouvernement lorsqu'il s'agit de lutter contre le tabac par opposition à la marijuana. Le gouvernement a dit qu'il a l'intention de légaliser la marijuana parce que l'interdiction ne fonctionne pas et la légalisation protégera les jeunes puisque le produit ne sera plus entre les mains du crime organisé.

En revanche, le projet de loi S-5 ne servira qu'à encourager la croissance du marché du tabac illicite, laissant la distribution encore davantage entre les mains de criminels. Aussi, le taux de tabagisme au Canada a atteint un niveau d'une faiblesse inédite, 3 p. 100 selon une étude de Santé Canada. Cette même étude a trouvé que 17 p. 100 des jeunes avaient utilisé de la marijuana au cours de la dernière année.

Les sénateurs devraient se demander si la standardisation de l'emballage et du produit est vraiment la priorité numéro un pour protéger la santé des jeunes Canadiens ou si ce n'est qu'une politique pour se donner une tape sur l'épaule et qui n'aura pas de véritable incidence sur la santé publique. Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Ce sera maintenant au tour de Rothmans, Benson & Hedges Inc. Nous accueillons MM. Peter Luongo et Michael Klander, directeur général et directeur des affaires corporatives, respectivement. Monsieur Luongo, je crois comprendre que c'est vous qui ferez l'exposé.

Peter Luongo, directeur général, Rothmans, Benson & Hedges Inc. : Monsieur le président, je suis ici pour vous parler du projet de loi S-5, mais je crois que ce que j'ai à dire peut vous surprendre.

Le gouvernement du Canada a récemment annoncé son objectif d'obtenir un taux de tabagisme de 5 p. 100 d'ici 2035. Ce taux peut être atteint, mais il est en fait peu ambitieux. Je crois que nous pourrions mieux faire et atteindre ce but plus rapidement. Nous comptons bien arrêter de vendre des cigarettes un jour, certes, mais la question est de savoir comment y arriver.

Les professionnels de la santé reconnaissent que la cause essentielle des maladies liées à l'usage du tabac ne réside pas dans la présence du tabac, pas plus que de la nicotine. C'est la combustion. Ce sont les milliers de substances chimiques qui se dégagent dans la fumée quand le tabac est brûlé. C'est en éliminant la combustion et la fumée dans un produit qui demeure agréable pour les fumeurs adultes que nous verrons une chute vraiment spectaculaire du taux de tabagisme ici au Canada.

Je voudrais vous parler de notre tout nouveau produit sans fumée, iQOS. Il s'agit d'un appareil électronique qui chauffe le tabac à des températures contrôlées pour dégager la nicotine, tout en réduisant radicalement le niveau de produits chimiques nocifs auxquels on serait normalement exposé en fumant.

Il a fallu des années de recherche et des milliards de dollars pour la mise au point d'iQOS. Selon les recherches et les preuves scientifiques récoltées à ce jour, y compris des essais cliniques et des études examinées par des pairs sur la chimie et la toxicologie des aérosols, nous pouvons affirmer sans crainte que les fumeurs qui ont l'intention de continuer à fumer des cigarettes auraient tout avantage à passer à iQOS, qui est un bien meilleur choix et comporte sans doute moins de risques pour la santé. En fait, nous avons récemment présenté plus de deux millions de pages de recherches et de données scientifiques à la FDA pour corroborer notre évaluation d'iQOS.

Nous comprenons bien que vous soyez quelque peu sceptiques. Aussi, nous vous encourageons, vous, le gouvernement ou tout expert externe à faire vos propres recherches sur le produit, à faire vos propres essais et à évaluer les preuves vous-mêmes. En définitive, nous croyons que les faits et les données scientifiques parleront d'eux-mêmes. Nous pouvons fondamentalement atteindre l'objectif du gouvernement de 5 p. 100 d'ici 2035 plus rapidement en encourageant les fumeurs canadiens récalcitrants à opter pour des produits qui sont potentiellement moins dangereux tels les cigarettes électroniques ou les produits du tabac chauffés.

Qu'est-ce qui nous fait croire que nous puissions faire cela au Canada? Une des raisons, c'est que d'autres pays ont déjà démontré que c'est faisable. Par exemple, le Japon, où le volume de cigarettes a reculé l'an dernier environ trois fois le déclin de 1,6 p. 100 que nous avons enregistré au Canada. La tendance est attribuable au fait que plus d'un million de consommateurs japonais ont renoncé à la cigarette en optant pour iQOS. Au total, plus de 1,4 million de fumeurs adultes dans le monde entier ont réussi à renoncer aux cigarettes combustibles pour s'abonner entièrement à iQOS.

Nous savons qu'il y a une occasion exceptionnelle à saisir ici. Nous pouvons offrir un meilleur choix à nos clients. Nous pouvons faire ce qui se doit. Nous pouvons utiliser l'influence de notre entreprise pour aider à atteindre l'objectif d'éradiquer les cigarettes entièrement un jour. Ce faisant, nous pouvons aider à mettre en œuvre les objectifs de Santé Canada, qui sont de prévenir et de réduire les risques pour la santé, de promouvoir des styles de vie plus sains et de renseigner les Canadiens pour les aider à prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Cela dit, nous devons pouvoir dire aux fumeurs canadiens que ces produits existent, leur montrer comment ils fonctionnent, leur apprendre où se les procurer et leur fournir des renseignements scientifiques éprouvés pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées à l'égard de leur bien-être personnel.

Malheureusement, le projet de loi S-5 ne permettrait à personne de faire la comparaison entre deux produits du tabac ou entre un produit du tabac et un produit de vapotage, même s'il existe des données scientifiques probantes confirmant qu'il existe une différence entre ces produits.

Par exemple, selon le libellé actuel du projet de loi S-5, je ne pourrais pas vous dire que ce produit ou tout autre produit substitut ou produit de vapotage est un meilleur choix que de fumer des cigarettes. Je ne pourrais pas vous dire qu'ils ne produisent pas de fumée. Je ne pourrais pas vous dire que le passage intégral de la cigarette à ce produit présente moins de risques nocifs que le fait de continuer à fumer. Selon le projet de loi S-5, il serait fondamentalement illégal pour nous de fournir aux consommateurs des renseignements à titre de comparaison sur des produits qui pourraient faire une différence au niveau des risques pour la santé.

Je veux être parfaitement clair. Nous ne prétendons nullement qu'iQOS ou tout autre substitut sans fumée ne comporte aucun risque. La meilleure solution pour un fumeur est de cesser complètement, s'il craint les maladies associées à la cigarette, mais le passage intégral à iQOS est un meilleur choix que de continuer à fumer. J'estime que les quatre millions de Canadiens qui fument devraient avoir cette information. Qui plus est, ils ont le droit fondamental de connaître cette information.

Il est un scénario qui devrait nous inquiéter tous. Pouvez-vous imaginer une situation où il existe un produit moins dangereux que la cigarette, qu'il s'agisse d'iQOS ou de tout autre produit, qu'il soit de notre fabrication ou de celle d'un concurrent? Imaginez maintenant qu'une personne continue à fumer parce qu'elle n'est pas au courant de l'existence de ce produit ou qu'elle ne comprend pas les différences fondamentales entre les produits. J'estime que ce serait terrible, sans parler de l'incroyable occasion qu'on laisserait passer en termes de santé publique.

Pour conclure, je recommanderais que le comité veuille bien prendre en considération les amendements au projet de loi S-5 qui permettront la communication d'informations scientifiques concrètes sur le degré relatif de nocivité attribuable aux produits sans fumée par opposition au fait de fumer. J'estime que les fumeurs ont le droit d'avoir cette information et je crois fermement qu'ils seraient du même avis.

Je recommanderais également que le comité songe à modifier le projet de loi de manière à mieux faire la distinction entre les produits du tabac conventionnels tels la cigarette et des produits chauffés tel iQOS, afin de permettre que ce dernier soit classé comme un produit de vapotage et que les Canadiens comprennent la différence entre les deux.

Le président : Votre temps est écoulé. Veuillez achever.

M. Luongo : J'espère sincèrement que vous nous laisserez vous aider à obtenir un Canada sans fumée.

La sénatrice Petitclerc : Ma question s'adresse à M. Gagnon. Je voudrais que vous m'expliquiez quelque chose. J'ai tendance à croire que les gestes sont plus éloquents que les paroles. J'ai lu le mémoire de votre organisation. Vous dites clairement que l'emballage neutre n'est pas une bonne idée pour de nombreuses raisons, dont le fait que cela ne fonctionne tout simplement pas.

Ce sont vos paroles, mais considérons maintenant les gestes. Nous avons vu hier de nombreux exemples d'emballages. Ils sont très divers en termes de taille, couleur, style et attrait. La fabrication de ces divers emballages a exigé énormément de ressources, d'expertise et d'argent.

J'essaie de voir la cohérence dans tout cela. D'un côté, vous dites que cela ne fonctionne pas, de l'autre, si cela ne fonctionne pas, pourquoi dépenser autant d'énergie pour les emballages?

M. Gagnon : Merci pour la question. Je crois qu'il y a deux ou trois facteurs à relever. Certes, nous investissons dans l'emballage, mais c'est entre autres parce que, à l'instar de toute autre industrie légale, nous voulons nous assurer que nos produits et nos marques de commerce sont difficiles à copier. C'est pourquoi vous constaterez que les produits vendus par le marché illicite sont foncièrement différents des nôtres. Le format et les paquets sont très différents. En fait, certains groupes défenseurs de la santé sont en train de proposer que le Canada adopte le modèle que les trafiquants utilisent aujourd'hui, le paquet à coulisse. Voilà pour un des facteurs.

Un autre facteur pour moi c'est que l'apparence du paquet n'est pas la véritable raison pour laquelle les gens commencent à fumer. Il n'y a pas la moindre preuve qu'il en est ainsi dans aucune des recherches évoquées par Santé Canada.

« Avez-vous commencé à fumer à cause du paquet? » La réponse à la question est non. Les gens qui commencent à fumer de nos jours ne voient pas un paquet et se disent : « Tiens, Il y a du rouge sur ce paquet. Je crois que je vais commencer à fumer. » Ce n'est pas ainsi que cela se passe.

Oui, nous investissons dans les marques. Une fois qu'un consommateur entre dans le marché, il essaiera diverses marques, mais la question au départ est la suivante : « Cette personne a-t-elle commencé à fumer à cause du paquet? » La réponse est « non ». Quand nous disons que cela ne fonctionne pas, nous voulons dire que cela ne va pas diminuer l'incidence du tabagisme au pays ni empêcher les jeunes de commencer à fumer.

La sénatrice Petitclerc : Pour continuer rapidement, vous dites que la diversité, le style et l'attrait des emballages n'incitent pas quelqu'un à commencer à fumer. Est-ce qu'ils l'encouragent à demeurer fidèle à un produit plutôt qu'à un autre?

M. Gagnon : Comme pour toute autre marque légale, les consommateurs préféreront une marque à une autre, mais cela ne veut pas dire qu'ils commenceront à fumer à cause de cela.

Un autre facteur, c'est le conditionnement. Si le conditionnement est problématique, parlons-en, mais le gouvernement n'a pas pour autant le droit de supprimer des marques de commerce. Si le conditionnement pose problème, nous pouvons en discuter, mais ce n'est pas cela qui constitue la marque de commerce proprement dite.

Si vous supprimez les marques de commerce, les trafiquants monopoliseront le marché. Je sais que d'aucuns diront que la contrebande n'est pas un problème au Canada. Si vous ne croyez pas les fabricants de tabac, allez voir ce qu'en pensent la GRC, la SQ, la PPO ou encore le département de la Sécurité intérieure aux États-Unis. Ils sont en première ligne et la contrebande est un problème.

La sénatrice Seidman : J'aimerais vous poser une question, monsieur Luongo. Vous avez évoqué le désir de pouvoir parler du continuum du risque parmi les divers produits. À ce que j'ai compris, avec le projet de loi S-5, vous pouvez faire des allégations relatives à la santé comme celles que vous proposez pourvu qu'elles aient fait l'objet d'essais analogues à ceux qui sont menés pour les produits pharmaceutiques au Canada. Vous pourriez faire ces allégations à condition de respecter les exigences habituelles en termes de preuves scientifiques fondées sur des essais cliniques et approuvées par Santé Canada.

À en croire ce que vous nous avez dit sur les recherches et les preuves scientifiques récoltées à ce jour, y compris des essais cliniques et des études examinées par des pairs sur la chimie et la toxicologie des aérosols, vous avez bien ce degré de confiance.

Je vous pose donc la question : Ne seriez-vous pas en mesure de présenter vos preuves scientifiques à la FDA et à Santé Canada pour pouvoir éventuellement faire le même genre d'allégations santé que pour tout produit pharmaceutique scientifiquement éprouvé au Canada?

M. Luongo : La question est excellente, car si ce cheminement est possible pour la cigarette électronique, il ne l'est pas pour les produits du tabac. Un aspect qui nous inquiète du libellé actuel du projet de loi, c'est que comme le produit iQOS dont je vous ai parlé contient du tabac, il serait spécifiquement réglementé comme un produit du tabac. Par conséquent, il ne pourrait pas suivre le cheminement que vous venez de décrire.

J'estime que le comité devrait se pencher très attentivement sur la question et songer à autoriser des produits qui contiennent du tabac mais qui ne sont pas à combustion, ni ne produisent de la fumée, et envisager la possibilité de les réglementer comme produits de vapotage. Aussi, il faudrait qu'un processus et un cheminement soient mis en place pour pouvoir faire des allégations santé.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai un commentaire rapide et ensuite une question. Je serais plutôt de votre avis en ce qui a trait à l'emballage neutre. Si ce genre d'emballage fonctionnait vraiment, je ne crois pas que nous verrions plus de 50 p. 100 des fumeurs de l'Ontario opter pour les cigarettes de contrebande. L'emballage n'y est manifestement pour rien.

Quelle est la différence entre iQOS et les produits de vapotage, monsieur Luongo?

M. Luongo : La différence fondamentale, c'est qu'iQOS chauffe le tabac, alors que les produits de vapotage chauffent un liquide qui contient de la nicotine. Un avantage de chauffer le tabac à une température où la nicotine est libérée c'est que le produit dégage également la saveur du tabac sans atteindre une température qui provoquerait la combustion, d'où l'absence de fumée.

L'avantage aussi c'est qu'on obtient une quantité de nicotine analogue à celle de la cigarette. Les fumeurs obtiennent la nicotine voulue et une saveur plus proche de celle de la cigarette, et nous avons donc trouvé que les gens sont plus susceptibles de passer de la cigarette à iQOS qu'à la cigarette électronique que beaucoup ont de la difficulté à adopter, l'usage mixte étant beaucoup plus fréquent parmi eux.

Autre avantage, comme il contient du tabac, les gens qui n'ont jamais fumé ou qui sont des ex-fumeurs savent que ce produit n'est pas pour eux. C'est un facteur très important pour nous.

La sénatrice Stewart Olsen : Je voudrais une précision si possible. Vous avez dit qu'iQOS réduit radicalement le niveau des substances chimiques. Il resterait donc des produits chimiques nocifs dans le produit.

M. Luongo : Comme je l'ai dit, il contient de la nicotine, ce qui crée une dépendance. Certes, l'aérosol contient des substances chimiques, mais leur niveau est nettement inférieur à celui de la cigarette. Suivant les produits chimiques dont il s'agit, on peut parler en moyenne d'une réduction de 90 à 95 p. 100 du niveau des substances chimiques.

La sénatrice Frum : Monsieur Luongo, vous avez dit dans votre exposé que la vision de Rothmans, Benson & Hedges est de ne plus vendre des cigarettes un jour. Ma question se rapporte également à iQOS pour savoir dans quelle catégorie vous le placez. Ce n'est pas un produit de vapotage; c'est un produit du tabac.

M. Luongo : Selon le libellé actuel du projet de loi, oui.

La sénatrice Frum : Parce qu'il contient du tabac.

M. Luongo : Tout à fait.

La sénatrice Frum : Pour continuer dans l'idée que vous voulez renoncer à vendre des cigarettes, l'abandon du tabac n'est pas la raison d'être de Rothmans, Benson & Hedges. Votre affaire consiste à vendre un produit récréatif. Vous voulez simplement passer de fabriquer un type de produit à en fabriquer un autre et comme vous ne voudriez pas faire faillite, il me semble que vous iriez chercher de nouveaux consommateurs pour ces nouveaux produits.

M. Luongo : Compte tenu des presque quatre millions de Canadiens qui fument de nos jours, il suffirait que ces gens optent pour des produits à moindre risque pour que nos affaires réussissent.

La sénatrice Frum : Votre modèle de commerce total serait donc de vous contenter de vos clients actuels?

M. Luongo : Nous nous attachons à commercialiser le produit parmi les fumeurs adultes, absolument.

La sénatrice Hartling : Je m'intéresse au produit dont vous parlez et à son coût par rapport à un paquet de cigarettes. Quels genres de coûts? J'ai constaté que les gens qui fument sont souvent ceux qui ont le moins d'argent, alors je m'interroge sur le coût.

M. Luongo : C'est une excellente question, car c'est en fait un aspect que nous cherchons à résoudre. Pour vous répondre de manière concrète, le prix de vente du dispositif a été fixé à 125 $, mais comme nous venons de le lancer, nous avons prévu divers escomptes pour le rendre plus accessible. Ces escomptes fluctuent entre 75 et 110 $; ils sont donc assez importants.

Le prix des bâtonnets chauffants, qui représentent la partie de tabac consommable, est comparable à celui des marques de cigarettes plus prestigieuses. Nous estimons que c'est important pour deux raisons : nous tenons à ce que les gens comprennent qu'il s'agit d'une technologie différente, mais en même temps, nous ne voulons pas que ce soit tellement abordable que les anciens fumeurs qui avaient cessé à cause du prix ou que les jeunes en aient envie juste parce que c'est bon marché. Nous voulons sincèrement nous limiter à faire en sorte que les fumeurs adultes actuels optent pour le produit.

La sénatrice Hartling : Et vous ne voudrez probablement pas perdre de l'argent, n'est-ce pas?

M. Luongo : Nous sommes une entreprise.

La sénatrice Hartling : Un aspect à retenir, selon moi.

M. Luongo : Nous sommes une entreprise.

Le sénateur Neufeld : Tout comme d'autres autour de la table, je ne pense pas qu'un emballage neutre fasse une différence. En fait, cela risque d'aggraver les choses. Nous devrions parler des paquets, car nous en avons vu hier avec une coulisse qui fait qu'on ne voit pas de graphiques à l'extérieur du paquet, ou quelque chose dans ce genre.

Monsieur Luongo, les témoins qui ont parlé de vapotage dans leur exposé ont dit qu'il fallait des saveurs sucrées ou autre pour que les gens aient envie de vapoter. Vous nous dites quant à vous, du moins je l'entends ainsi, que vous n'avez pas besoin d'autres saveurs que celui du tabac.

Pourriez-vous me dire combien de tabac se trouve en fait dans un iQOS? Il n'y a pas de saveur. C'est le tabac à lui seul qui donne la saveur. Votre campagne de commercialisation ne fait que commencer. Croyez-vous pouvoir vendre votre produit sans aucune saveur à part celle du tabac?

M. Luongo : Le président m'accorderait-il la permission de vous montrer un bâtonnet chauffant? Serait-ce admissible?

Le président : Vous pouvez le montrer sans quitter votre siège. Vous ne pourrez pas le faire circuler pendant la réunion.

M. Luongo : Voici le bâtonnet chauffant et voici le tabac qu'il contient. Il libère environ la même quantité de nicotine qu'une cigarette conventionnelle. C'est beaucoup moins de tabac. Il contient un tiers du tabac présent dans une cigarette conventionnelle, car on ne perd pas ce que l'on perd normalement sous forme de fumée latérale en fumant une cigarette. L'expérience peut être analogue en termes de durée, de goût et de nicotine, mais avec moins de tabac.

Le sénateur Neufeld : Vous pouvez donc le commercialiser sans saveur ajoutée.

M. Luongo : Oui.

La sénatrice Raine : Ma question s'adresse à M. Luongo. La dépendance à la nicotine est ce qui pousse vos consommateurs à acheter un produit qui libère cette substance. Vous nous dites que votre produit est moins nocif que si on brûle du tabac et qu'on laisse les vapeurs de goudron s'en dégager, mais si vous voulez maintenir votre chiffre d'affaires, vous serez bien obligés de faire en sorte que de nouveaux consommateurs deviennent accrocs à la nicotine, n'est-ce pas?

M. Luongo : Non. Une fois de plus, je crois qu'il suffira d'inciter les fumeurs adultes actuels à faire le changement pour avoir un excellent chiffre d'affaires pendant longtemps. Comme je l'ai dit, il y a quelque quatre millions de fumeurs au Canada. Nous pensons qu'il suffira de les persuader que nos solutions de rechange sans fumée sont un meilleur choix pour obtenir notre part du marché.

La sénatrice Raine : Dans cette veine, alors, l'industrie du vapotage prétend qu'elle peut sevrer les gens de leur dépendance à la nicotine en leur offrant des saveurs à vapoter. Elle cible donc ce même marché de quatre millions de fumeurs et affirme que les gens n'aiment plus la saveur du tabac une fois qu'ils ont goûté au vapotage.

Je me dis qu'à un moment donné le marché va prendre deux directions diamétralement opposées. Comment comptez-vous garder votre part de marché? Comment pouvons-nous avoir la certitude que vous n'allez pas vous mettre à cibler de nouveaux fumeurs?

M. Luongo : On ne saurait placer tous les fumeurs dans le même sac. Chacun sera attiré par un type de produit différent, qu'il s'agisse de la teneur en nicotine ou de la saveur. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est un fait avéré qu'ils sont nombreux à essayer les produits du vapotage dans les marchés du monde entier. Certains sont capables de passer entièrement à ces produits, ces cigarettes électroniques, alors que d'autres en font un usage mixte en continuant à fumer ou finissent par reprendre la cigarette, au détriment de la santé publique.

Ce que nous avons constaté avec iQOS, c'est qu'en moyenne, il existe une diversité de marchés où quelque 60 à 70 p. 100 des gens qui se procurent le produit sont pour la plupart capables de changer d'habitude complètement. C'est important pour nous, car ce n'est qu'en obtenant que les gens l'adoptent entièrement que nous pourrons exercer un véritable effet sur la santé publique.

Quant à qui l'emportera sur l'échiquier des parts de marché, nous n'avons en fait rien contre les cigarettes électroniques. C'est fort possible que si elles sont légalisées en vertu de cette loi nous pourrons introduire nos propres solutions et laisser le marché décider pour lui-même. Je ne pense pas que le comité devrait s'inquiéter de qui l'emportera au final.

La sénatrice Petitclerc : Ma question s'adresse à vous, monsieur Luongo. Vous avez parlé du nouveau produit, iQOS. J'ai consulté le site ce matin. Il y avait un article qui vous mentionnait dans le Bloomberg Businessweek encore récemment, en février. Vous avez dit que ce produit contient 95 p. 100 moins de produits chimiques que le tabac.

J'essaie de m'y retrouver, car le secteur du vapotage a énergiquement fait valoir son optique sur les risques de ses produits en fonction des données et des études qu'il a menées. Je suis curieuse. J'ai peut-être manqué de le faire en vous écoutant, mais j'aimerais me faire une idée de la mesure dans laquelle votre industrie estime qu'iQOS est beaucoup moins nocif que fumer.

Quelle est la différence sur le plan des risques? Sur le plan de la dépendance? Est-ce moins addictif? D'où provient l'information?

M. Luongo : Pour commencer par la question de la dépendance, je vous dirais qu'il libère la même quantité de nicotine qu'une cigarette. Vous pouvez en tirer vos propres conclusions. Nous n'avons pas de recherches concrètes à proprement parler sur la dépendance au produit.

Quant à la mesure dans laquelle les effets nocifs sont réduits, la question est extrêmement complexe. Nous pouvons affirmer que l'aérosol contient 90 à 95 p. 100 de substances chimiques en moins. Ce n'est pas de la fumée. C'est juste un aérosol. Nous savons aussi qu'il y a d'autres avantages sur le plan toxicologique en raison de l'absence de certaines matières particulaires nocives.

Traduire la mesure de réduction des risques en chiffres concrets est une affaire très complexe. De quoi parlons-nous? Du risque de cancer du poumon, de la MPOC ou d'une autre maladie cardiovasculaire? Il est très difficile de le quantifier.

Nous ne voulons pas induire les gens en erreur en leur disant que c'est moins dangereux, car le produit n'est potentiellement pas dépourvu de risques. Nous devons être très clairs. Ce produit s'adresse uniquement à des fumeurs adultes. Si vous êtes fumeur et avez l'intention de cesser, vous devriez faire la transition. Mais si vous êtes non-fumeur, mineur ou ex-fumeur, abstenez-vous d'utiliser ce produit. Il contient du tabac et il n'est pas dépourvu de risque. Nous savons que c'est mieux que de fumer, mais nous ne voulons pas induire les gens en erreur en leur disant exactement à quel point.

La sénatrice Petitclerc : Vous me dites que vous ne savez pas à quel point ce produit est moins dangereux. Nous devons donc faire attention, n'est-ce pas?

M. Luongo : Il est très important que le produit soit adéquatement réglementé. Comme je l'ai dit, le mémoire que PMI a présenté à la FDA avait plus de deux millions de pages. Il y a eu de nombreuses études. Nous avons publié 170 études à ce sujet dans des magazines spécialisés revus par des pairs. La question est extrêmement complexe. Elle doit être réglementée comme il faut. Nous voulons tout au moins être en mesure de parler aux fumeurs et de leur faire part de nos connaissances, car en ce moment il y a une interdiction générale qui s'avère très problématique pour nous.

La sénatrice Seidman : Monsieur Gagnon, c'est peut-être à vous que je poserais ma question cette fois-ci. Hier, nous avons entendu le témoignage de Gary Grant, porte-parole de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande, sur une proposition qu'il avait pour nous aider à aborder la question du tabac de contrebande et des mèches d'acétate intervenant dans la fabrication des filtres. Il proposait que la Loi sur l'accise soit modifiée de manière à imposer des restrictions sur l'importation de ce produit. Que répondriez-vous à ce genre de proposition?

M. Gagnon : En toute franchise, n'importe quelle idée pour lutter contre la contrebande est la bienvenue. C'est utile si on peut couper l'approvisionnement des matières premières, mais je crois qu'il faut aller plus loin.

Nous avons demandé une enquête aux soins de la Chambre ou du Sénat qui rassemblerait les provinces, le gouvernement fédéral, les Premières Nations et l'industrie pour tenter de trouver une solution afin d'éliminer la contrebande du tabac dans le pays et formuler des recommandations à cet effet.

Ce genre de mesures est utile. Il me semble aussi qu'il existe un modèle québécois qui fonctionne bien et qui a permis de réduire sensiblement ce commerce illicite. Je crois que l'Ontario devrait adopter ce modèle sans plus tarder.

Il y a des mesures que l'on peut prendre à l'endroit de l'offre et de la demande, mais le problème subsistera tant que l'approvisionnement illicite de cigarettes se poursuivra au Canada. J'estime qu'une enquête avec quelques recommandations et la participation de tous les intéressés sera utile.

La sénatrice Raine : Ma question s'adresse à M. Luongo de nouveau. Vous avez dit que le prix d'iQOS serait analogue à celui des cigarettes d'une marque prestigieuse. Quel pourcentage de ce prix des cigarettes correspond aux taxes de tous les ordres de gouvernement et quel serait ce pourcentage pour iQOS?

M. Luongo : En moyenne, ces taxes représentent environ 70 p. 100 du prix des cigarettes. Pour iQOS, ce taux serait considérablement inférieur, car en ce moment, il est classé dans la catégorie du tabac fabriqué et des produits du tabac autres que les cigarettes. C'est en fonction de la classification de l'ARC comme produit sans fumée.

La sénatrice Raine : Pourriez-vous nous donner le pourcentage exact? « Considérablement inférieur » ne nous apprend rien.

M. Luongo : C'est moins de 10 p. 100.

La sénatrice Petitclerc : Monsieur Gagnon, je ne puis m'empêcher de vous poser une question que j'ai déjà posée hier. Nous avons accueilli l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation et la Coalition nationale contre le tabac de contrebande, comme vous le savez peut-être. Je leur ai mentionné le texte en PowerPoint de l'Imperial Tobacco qui a été divulgué par La Presse.

J'ai essayé de leur poser une question toute simple que de nombreuses personnes posent depuis des années, même au Sénat. Quelle est la nature de votre relation? Plus exactement, combien d'argent obtiennent-ils de vous?

M. Gagnon : Je suis heureux que vous m'ayez posé la question. Cela me permettra de tirer les choses au clair. C'est une vieille histoire dont on s'est occupé à maintes reprises. La réponse est oui, nous sommes membres de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation et nous sommes membres de la Coalition nationale. Nous sommes membres de la Chambre de Commerce du Canada et la liste ne s'arrête pas là.

Nous travaillons avec toute tierce partie désireuse d'éliminer le tabac de contrebande au Canada. Nous avons même tendu la main à des groups défenseurs de la santé qui ont comparu devant vous. Ils ont tous refusé notre aide, probablement parce qu'ils sont plus enclins à contrer l'industrie qu'à s'intéresser à la santé. Ils ne veulent pas travailler avec nous pour éliminer ce problème dans le pays.

Il ne m'appartient pas de dire quel est le montant, sénatrice Petitclerc, car chaque association a ses propres politiques. Certaines le divulgueront, d'autres non. Je pense que c'est à elles qu'il faut poser ce genre de questions.

Je voudrais juste ajouter toutefois... S'agit-il d'un diaporama que les lobbyistes de la lutte antitabac auraient utilisé pour empêcher un véritable débat sur le projet de loi S-5 et sur les répercussions qu'il aura sur le tabac illicite au pays?

La sénatrice Petitclerc : Ne convenez-vous pas avec moi qu'il y a une grande différence entre travailler avec les associations et les financer?

M. Gagnon : Je ne le crois pas. En toute justice, en tant que société légale, nous finançons et sommes membres de diverses organisations de la même manière que les groupes défenseurs de la santé sont financés par des entreprises privées à but lucratif. Cela fait partie de travailler au Canada comme société légale. Nous sommes au Canada depuis plus de 100 ans. Nous avons été membres de nombreuses associations au fil des ans et nous continuerons à l'être.

La sénatrice Seidman : J'aimerais savoir si vous êtes au courant de tout contentieux qui pourrait être en cours, sur le conditionnement neutre en particulier, et dont nous devrions tenir compte dans le cadre de notre étude sur le projet de loi S-5. Il va de soi que nous tenons à bien faire les choses.

M. Gagnon : À l'heure actuelle, comme je l'ai dit, l'Australie est le premier pays qui ait introduit le conditionnement neutre depuis un certain temps. Il a été introduit en 2012. Le Royaume-Uni, l'Irlande et la France l'ont fait tout récemment.

Quand l'Australie a introduit le conditionnement neutre, la mesure a été contestée par l'OMC. La question n'a pas encore été résolue. Au départ, il serait peut-être sage que le Canada attende de voir quelle en est la conclusion. Les pays qui ont contesté la mesure australienne affirment que le conditionnement neutre est illicite et l'OMC est en train d'étudier la question.

Au chapitre des contentieux, je tiens à souligner que ce n'est pas parce que l'industrie a perdu le recours contre le conditionnement neutre au Royaume-Uni ou en Australie que nous devions tenir pour acquis qu'on obtiendra le même résultat au Canada. La Constitution et les lois du Canada sont différentes. Nous continuons à croire qu'en tant que société légale, nous avons le droit fondamental d'utiliser des marques de commerce pour nos produits.

Le président : Je crois que nous avons eu une discussion très approfondie. Les réponses que nous avons obtenues à nos questions ont été parfaitement compréhensibles, du moins pour moi. Je remercie les témoins de leur présence et mes collègues des questions qu'ils vous ont posées.

Sur ce, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

Haut de page