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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 28 - Témoignages du 28 septembre 2017


OTTAWA, le jeudi 28 septembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté).

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables collègues, nous avons le quorum, et je déclare la séance ouverte.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Kelvin Ogilvie. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. Je vais commencer par demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l’Ontario.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci, chers collègues. Pour le compte rendu, mentionnons que nous sommes ici pour étudier le projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté).

L’honorable sénatrice Carolyn Stewart Olsen a parrainé le projet de loi. Il y a des témoins qui l’accompagnent, au bout de la table, et je vais les présenter d’entrée de jeu parce que je crois savoir que, pour commencer, la sénatrice Stewart Olsen prendra la parole, après quoi chacun des trois groupes présentera un exposé. Ensuite, nous pourrons poser des questions à tous les témoins, ensemble.

Voici nos témoins : Barbara Cartwright, chef de la direction de la Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux, Troy Seidle, directeur principal de la Humane Society International, Tricia Stevens, gestionnaire des dons caritatifs et des campagnes éthiques, et Hilary Jones, directrice, Éthique mondiale, de LUSH Cosmétiques frais faits à la main.

Dans les grandes lignes, le projet de loi aura pour effet de modifier la Loi sur les aliments et drogues. J’ai mentionné la marraine du projet de loi. Le projet de loi a été déposé au Sénat le 10 décembre 2015, et il a été référé à notre comité.

Ainsi, nous allons commencer l’étude du projet de loi, et j’invite l’honorable sénatrice Carolyn Stewart Olsen, marraine du projet de loi, à nous le présenter.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen, marraine du projet de loi : Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d’être là. Je vous remercie aussi beaucoup d’être là pour témoigner.

Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi S-214, connu par son titre abrégé, la « Loi sur les cosmétiques sans cruauté ».

Les essais de cosmétiques sur les animaux sont une pratique rétrograde qui n’a plus sa place au Canada en 2017. Bon nombre d’entre vous ont vu l’émission d’enquête troublante diffusée par CTV en mars, cette année. Nous savons que le processus d’essais de cosmétiques sur des animaux vivants, malgré les garanties que donnent les sociétés pharmaceutiques et cosmétiques, sont souvent pénibles et cruels.

Cela dit, le projet de loi S-214 ne vise pas à démoniser l’industrie canadienne des cosmétiques. Au cours des récentes décennies, les entreprises de cosmétiques au Canada et partout dans le monde ont réduit volontairement leur recours aux essais sur des animaux. Les représentants de l’industrie vous diront dans le cadre de la présente étude que, en fait, très peu d’essais sur les animaux sont réalisés au Canada. Nous n’avons pas de chiffres exacts pour le Canada, mais, si on regarde ce qui se passe du côté de l’Union européenne, avant l’interdiction prévue par la loi, seulement 0,0125 p. 100 des essais sur les animaux étaient liés à des produits cosmétiques.

De grandes entreprises, y compris L’Oréal, ont cessé volontairement de tester leurs produits sur des animaux sauf si la loi l’exige. D’autres, comme Unilever, se sont engagés publiquement à réduire au minimum ce genre d’essais.

Des essais nouveaux et novateurs sont mis au point chaque jour pour réduire et éliminer le besoin de procéder à des essais sur les animaux. Bon nombre de ces nouveaux essais sont beaucoup plus exacts et efficaces que les essais sur les animaux, dont certains s’appuient encore sur les connaissances scientifiques des années 1930 et 1940.

Il n’y a rien dans la Loi sur les aliments et drogues ou le Règlement sur les cosmétiques qui exige d’avoir recours à des essais sur les animaux pour les produits cosmétiques ou leurs ingrédients. C’est un fait que m’ont confirmé les ministres de la Santé des gouvernements libéral et conservateur. Ce fait m’a aussi été confirmé par écrit par le ministère de la Santé.

À la lumière de cette réalité, je crois qu’il est temps et pertinent pour nous de rejoindre les plus de 30 pays qui ont interdit cette pratique.

Le projet de loi S-214 n’a pas été élaboré en vase clos. J’ai travaillé en étroite collaboration avec Humane Society International et d’autres organisations de protection des animaux, comme la Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux, qui, soit dit en passant, est membre du Comité du bien-être des animaux de l’Association canadienne des médecins vétérinaires. Le Comité du bien-être des animaux s’intéresse directement à l’utilisation des animaux dans le milieu scientifique.

J’ai reçu le soutien d’entreprises bien connues comme LUSH, The Body Shop et H&M, qui sont d’importants producteurs de cosmétiques éthiques, au Canada et à l’étranger. J’ai aussi consulté des organisations de l’industrie, comme l’Association canadienne des cosmétiques, produits de toilette et parfums, qui représente de grandes et petites entreprises canadiennes.

Le projet de loi S-214 bénéficie d’un important soutien public. Je suis sûre que vous avez tous reçu de nombreux courriels et de nombreux appels téléphoniques destinés à des politiciens de partout au pays.

Selon un sondage réalisé par The Strategic Counsel au nom de la Humane Society International, 88 p. 100 des Canadiens croient qu’on ne devrait pas causer ce genre de souffrance aux animaux simplement pour tester la sécurité de produits cosmétiques, surtout lorsqu’il y a déjà des ingrédients sécuritaires accessibles. De plus, 81 p. 100 des Canadiens croient que cette pratique devrait être totalement interdite, comme le propose le projet de loi S-214.

Je veux que mes intentions dans le cadre du projet de loi soient claires. Je ne suis pas une militante des droits des animaux. Je n’ai absolument pas l’intention de m’ingérer dans les pratiques des chasseurs et des agriculteurs qui respectent les lois. Je suis favorable à une chasse au phoque durable au Canada. Ces enjeux ne sont pas liés aux questions abordées dans le projet de loi S-214.

D’un point de vue scientifique, je comprends qu’il y a des situations où des essais sur des animaux sont nécessaires pour assurer la sécurité des humains. Il n’y a pas de solution de rechange fiable lorsqu’on réalise des essais relativement à des choses comme la toxicité générale sur l’organisme. Je sais aussi qu’il y a une certaine confusion réglementaire dans la Loi sur les aliments et drogues et que certains produits cosmétiques sont réglementés comme des médicaments et vice-versa.

Des préoccupations du genre ont été soulevées par un détracteur du projet de loi, durant la deuxième lecture, et par des représentants de l’industrie, lorsque je les ai consultés. J’ai écouté leurs préoccupations et, par conséquent, je vais présenter un amendement durant l’étude article par article mercredi prochain qui permettra de préciser la portée du projet de loi relativement aux essais sur les animaux réalisés au Canada et atténuer certaines des restrictions imposées aux données obtenues dans le cadre d’essais sur les animaux réalisés dans le passé.

Je crois que le projet de loi S-214 peut être une réussite canadienne dont nous serons fiers. Elle harmonisera l’industrie des cosmétiques avec le plus important marché des produits de beauté du monde, l’Union européenne et d’autres pays comme la Norvège, la Suisse, Israël, l’Inde, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Turquie, Taïwan et plusieurs États brésiliens. Le projet de loi poussera les innovateurs du milieu scientifique canadien à sortir des sentiers battus et à créer de nouveaux tests qui n’exigent pas d’essais sur des animaux.

L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe étant maintenant en vigueur, le projet de loi S-214 donnera accès au Canada à tout le marché européen, qui a banni les produits mis au point grâce à des essais sur les animaux depuis 2013.

Plus de 500 entreprises de cosmétiques ont obtenu une certification « sans cruauté ». Elles utilisent des milliers d’ingrédients qui existent déjà et des produits figurant sur la liste de plus en plus étoffée des produits testés grâce à des tests de rechange à la fine pointe de la technologie.

Le marché des cosmétiques sans cruauté croît. Un récent rapport de Market Research Future indique que la part du marché des fabricants sans cruauté augmentera de 6,1 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Il est possible d’être un solide fabricant et détaillant canadien et de livrer concurrence au sein du marché international, et ce, sans s’appuyer sur des essais sur les animaux.

J’espère que vous allez vous joindre à moi afin que nous fassions de 2017 l’année où le Canada a mis fin à cette pratique horrible. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Je vais donner la parole aux témoins dans l’ordre où ils apparaissent dans l’ordre du jour. Cela signifie que je vais commencer par céder la parole à Mme Cartwright de la Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux. S’il vous plaît.

Barbara Cartwright, chef de la direction, Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux : Merci. Bonjour. Je tiens à commencer par remercier le comité de l’attention qu’il porte à ce travail important et, bien sûr, de son dur travail au nom des Canadiens.

Je m’appelle Barbara Cartwright. Je suis chef de la direction de la Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux. Je comparais aujourd’hui devant vous pour fournir le soutien des sociétés d’assistance aux animaux et des SPCA — en plus des millions de personnes qui les soutiennent partout au pays — à l’égard du projet de loi S-214.

Nous sommes une organisation nationale qui représente les sociétés d’assistance aux animaux et les SPCA au Canada, les organisations sur lesquelles les Canadiens se fient non seulement pour prendre soin des animaux maltraités et abandonnés dans nos collectivités, mais aussi pour appliquer la loi, promouvoir de meilleurs soins et de meilleures protections pour les animaux et fournir des ressources, des recherches et de la sensibilisation à la défense des animaux. Ces organisations locales et provinciales servent le public canadien depuis 148 ans, ce qui en fait certaines des institutions sociales les plus anciennes et les plus dignes de confiance au pays.

La FSCAA a été fondée en 1957, en partie directement par votre chambre, puisqu’un de nos trois fondateurs était le sénateur Frederic A. McGrand, du Nouveau-Brunswick. Nous représentons 55 membres différents dans 10 provinces et deux territoires, et nos membres œuvrent partout, des plus grands centres urbains aux plus petites collectivités côtières.

Nous sommes fiers de représenter la plus importante SPCA du continent, la SPCA de la Colombie-Britannique, et certaines des plus petites, comme la SPCA de Happy Valley—Goose Bay et celle du comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick.

Au cours des 60 dernières années, la FSCAA a travaillé au nom de ses membres pour mettre fin à la cruauté envers les animaux, améliorer la protection des animaux et promouvoir le traitement sans cruauté de tous les animaux. La fédération et ses membres croient que chaque animal possède une valeur intrinsèque, une remarquable complexité et une dignité inhérente et, par conséquent, qu’il mérite notre respect et notre préoccupation morale. La fédération promeut le traitement sans cruauté, les soins et la protection universelle pour tous les animaux et insiste pour que tous les animaux utilisés par les humains bénéficient des plus hauts niveaux de soins pour assurer leur santé, le bien-être et le respect de leurs normes comportementales.

Pour cette raison, la FSCAA s’oppose à l’utilisation des animaux dans le cadre des essais de substances inessentielles comme des cosmétiques, qui peuvent causer des douleurs inutiles, de la souffrance et la mort sans être légalement requis au Canada. La fédération tente aussi de faire réduire le nombre d’essais sur les animaux dans le cadre des recherches biomédicales et des autres recherches scientifiques, essais qui sont actuellement une exigence légale au Canada. Elle soutient l’élaboration et l’utilisation de solutions de rechange ne faisant pas intervenir des animaux pour réaliser tous les essais et croit que les entreprises de tests ont une responsabilité d’aider à mettre au point de telles solutions de rechange ne s’appuyant pas sur les animaux.

Notre objectif, c’est de limiter le recours aux animaux dans le cadre des activités de recherche aux domaines qui ne mettent pas en danger leur bien-être physique, mental et émotionnel tout en s’efforçant d’en arriver à une époque où toutes les recherches et les essais sur les animaux seront désuets ou inutiles.

Le bien-être des animaux et le risque de douleur et de détresse qu’ils peuvent vivre lorsqu’ils sont utilisés dans le cadre de recherches, d’essais et d’activités d’enseignement préoccupent le public général et les chercheurs attentionnés depuis longtemps. Malheureusement, la politique canadienne sur cette question n’a pas suivi l’opinion publique, l’opinion du milieu scientifique et du milieu de la recherche et ce qu’on fait dans d’autres administrations.

Parlons d’opinion publique. La sénatrice Stewart Olsen a déjà mentionné qu’un des sondages réalisés récemment par The Strategic Counsel permet de constater que 88 p. 100 des Canadiens estiment que les essais de nouveaux produits cosmétiques ne valent pas la douleur et la souffrance provoquée aux animaux. J’aimerais aussi souligner un autre sondage réalisé par Nanos, une société d’étude nationale. Nanos a réalisé un sondage concernant les essais sur les animaux dans le cadre des recherches scientifiques et des essais médicaux, et la majeure partie des Canadiens ont reconnu que le bien-être des animaux était important au moment de déterminer ce en quoi consiste une utilisation acceptable ou inacceptable des animaux. Il est clair que le public canadien est préoccupé par cet enjeu et par le bien-être des animaux.

Le milieu scientifique au Canada reconnaît depuis longtemps que des considérations éthiques sont liées au fait d’utiliser des animaux dans le cadre de recherches, d’essais et d’activités d’enseignement, comme le prouve la création du Conseil canadien de protection des animaux, en 1968, pour dissiper les préoccupations éthiques concernant l’utilisation des animaux dans le cadre de recherches scientifiques, de tests réglementaires et d’activités d’enseignement au Canada.

Le CCPA est responsable d’établir les normes en matière de soins et d’utilisation des animaux dans le cadre des activités scientifiques, d’évaluer et d’accréditer les institutions participantes et de réaliser des initiatives d’éducation et de formation pour assurer le respect des pratiques exemplaires. Un Certificat de bonnes pratiques animales est requis pour recevoir du financement d’un important organisme de recherche au Canada, comme les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, aussi appelé CRSNG.

La FSCAA est membre fondateur du Conseil canadien de protection des animaux, siège à son comité sur les normes et les lignes directrices et participe à des comités d’évaluation chapeautés par le CCPA. Grâce à notre travail en collaboration avec le CCPA, la fédération travaille de pair avec l’industrie et reconnaît les principes liés au bien-être des animaux associés aux activités de recherche et d’essai sur les animaux, le plus important étant l’application du cadre des 3R, publié pour la première fois en 1959 et qui contient maintenant les principes éthiques communément acceptés qui sous-tendent le travail du CCPA et encadrent la réalisation des recherches scientifiques fondées sur des animaux au Canada.

Les 3R signifient remplacement, réduction et raffinement. Aux fins de la présente déclaration et en ce qui a trait à la pertinence par rapport au projet de loi S-214, le premier « R » et le plus important, le remplacement, qui consiste à utiliser des méthodes qui permettent d’éviter et remplacent le recours aux animaux dans des domaines où, sinon, on les aurait utilisés.

Au cœur de ce cadre, comme il est décrit sur le site web du CCPA, il y a une notion que reflète la citation suivante :

Chaque animal est un individu et devrait être traité à ce titre. Nous devons veiller à ce que les animaux ne soient pas sujets à de la douleur ou de la détresse inutile. Que les animaux soient disponibles ne justifie en aucun cas que l’on en utilise un nombre excessif. De plus, aucun animal ne devrait être utilisé s’il existe un modèle également convenable qui permette d’obtenir les mêmes résultats.

Même si nous soutenons totalement les 3R et le fait que le CCPA les ait adoptés, il faut mentionner certaines faiblesses du CCPA, et c’est la raison pour laquelle le projet de loi S-214 est important, outre le fait que les organisations et les sociétés privées n’ont pas à être membres du CCPA et n’ont pas à respecter ses lignes directrices. De plus, le processus n’est pas complètement transparent. Le CCPA a fait l’objet d’importantes compressions de son financement et s’appuie maintenant en partie sur les institutions qu’il surveille pour obtenir du financement et, ce qui est plus important encore, même si le conseil adhère aux 3R et en fait la promotion, il n’a pas de pouvoir réglementaire sous-jacent lui permettant d’exiger des institutions qu’elles s’y conforment.

Dans d’autres administrations similaires, nous avons déjà entendu parler de ce qu’elles ont fait, alors je vais me concentrer sur la partie de ma déclaration qui concerne le Canada.

Le Canada est en retard sur les administrations similaires lorsqu’il est question de législation générale sur le bien-être des animaux. Nous ne possédons pas une loi complète sur le bien-être des animaux permettant d’encadrer l’utilisation des animaux au Canada. Nous avons plutôt un système à la pièce, vraiment périmé et souvent en décalage par rapport aux connaissances scientifiques actuelles sur le bien-être des animaux.

Pour ce qui est des essais de cosmétiques sur les animaux, la situation n’est pas différente. La Loi sur les aliments et drogues du Canada interdit la vente de tout produit cosmétique contenant des ingrédients néfastes ou des contaminants, mais n’exige pas la réalisation d’essais sur des animaux. Cependant, on en fait quand même. Le Canada a pris du retard sur d’autres administrations, comme la sénatrice Stewart Olsen l’a souligné.

Alors quelle est la solution de rechange? On a accès à un nombre de plus en plus important de méthodes de rechange aux essais sur les animaux. Beaucoup sont fondées sur des modèles informatiques qui simulent les réactions humaines. D’autres méthodes utilisent des solutions de rechange in vitro, comme de la peau artificielle ou des cornées artificielles fabriquées à partir de cellules humaines. Des dizaines d’importantes compagnies cosmétiques, comme LUSH, dont vous allez entendre parler tantôt, ont laissé tomber les essais sur les animaux volontairement et réussissent tout de même à produire des produits de beauté nouveaux, sécuritaires et très prisés. Ces entreprises réussissent à le faire en choisissant parmi les plus de 20 000 ingrédients bruts qui existent pour produire des cosmétiques et qui ont déjà été testés dans le passé plutôt que de mettre au point de nouvelles variations des produits chimiques qu’il faut alors tester sur des animaux.

En conclusion, la fédération soutient le virage continu et important à l’échelle mondiale visant à éliminer le recours aux animaux dans les essais de produits cosmétiques. Le projet de loi S-214 est un important pas vers l’avant dans ce virage qui permettra de protéger le bien-être des animaux, de générer des innovations et de réduire et d’éliminer la douleur et la souffrance inutiles associées aux essais de cosmétiques.

Il convient de prendre un moment pour vous rappeler ce en quoi ces essais peuvent consister. Ce peut être de mettre une substance chimique dans l’œil de lapins, habituellement, qui sont placés dans du matériel pour les immobiliser, leurs paupières étaient maintenues ouvertes avec des pinces, dans certains cas, pendant des journées, pour qu’ils ne puissent pas cligner des yeux et éliminer ainsi la solution mise à l’essai. Pensons aussi aux tests cutanés, où dans le cadre desquels la fourrure des animaux est rasée, après quoi on enlève plusieurs couches de peau grâce à une bande adhésive avant que des techniciens appliquent des substances mises à l’essai. La zone écorchée est ensuite recouverte d’une feuille de plastique, ce qui cause souvent d’intenses brûlures, des démangeaisons et de la douleur et elle peut entraîner chez l’animal des ulcères et des saignements.

Les essais de cosmétiques sur les animaux ne sont pas requis, ils ne sont pas nécessaires et ils causent de la douleur, de la souffrance et la mort pour quoi? Un produit de beauté? Nous soutenons le projet de loi S-214. Nous avons hâte à un avenir progressiste qui protégera le bien-être des animaux au Canada. Merci d’étudier le projet de loi.

Le président : Merci. Nous allons maintenant passer à M. Seidle, de la Humane Society International.

Troy Seidle, directeur principal, Humane Society International : Merci beaucoup et bonjour, honorables sénateurs. Je suis responsable à l’échelle internationale des recherches et de la toxicologie pour la HSI, dont les bureaux sont situés à Toronto. Mon organisation est aux premières lignes de la tendance mondiale dans les politiques publiques qui abandonne les essais sur les animaux pour les produits cosmétiques, et elle a travaillé avec les décideurs, les organismes de réglementation et l’industrie réglementée dans le monde entier pour élargir le modèle sans cruauté créé par l’Union européenne dans d’autres grands marchés des produits cosmétiques.

Comme vous l’avez déjà entendu, plus de 37 économies majeures ont adopté des lois interdisant ou limitant les essais cosmétiques sur les animaux et/ou le commerce des animaux à de telles fins, et des projets de loi similaires sont à l’étude actuellement aux États-Unis, en Australie, au Brésil et en Amérique latine et, bien sûr, ici au Canada, grâce au projet de loi S-214, que la HSI soutient sans réserve. Elle remercie d’ailleurs la sénatrice Stewart Olsen du leadership dont elle a fait preuve en le présentant.

Barbara a déjà mentionné certains des facteurs qui expliquent pourquoi le projet de loi et cet enjeu sont importants pour les Canadiens, alors mes commentaires entreront davantage dans les détails du projet de loi en tant que tel.

Le projet de loi S-214 ne modifie pas la définition d’un cosmétique au titre de la Loi sur les aliments et drogues, et c’est important. La portée de l’interdiction au Canada serait plus étroite que celle de l’Union européenne et d’autres pays qui ont déjà pris une mesure similaire. Par conséquent, le projet de loi n’aurait pas d’incidence sur des produits comme les écrans solaires, qui, au Canada, sont définis dans la loi comme étant soit des produits de santé naturels, soit des médicaments.

Cependant, le projet de loi fait une distinction entre un « essai de cosmétiques sur des animaux » et un « essai sur des animaux à d’autres fins réglementaires ».

Le projet de loi introduit ensuite une interdiction des essais de cosmétiques sur les animaux au Canada afin d’encadrer les activités d’expérimentation des entreprises au pays. Cependant, cette mesure n’empêche pas que de nouveaux essais sur des animaux soient effectués dans d’autres parties du monde et on peut donc contourner le critère en important des ingrédients ou des produits nouvellement testés à l’extérieur de nos frontières. Pour cette raison, une restriction de ventes complémentaire est incluse dans le projet de loi pour prévenir le contournement de la restriction d’expérimentation et, ce qui est important, pour assurer des règles du jeu uniformes pour l’industrie des produits de beauté canadienne dans le marché international.

Cependant, à elles seules, les restrictions sur les essais et les ventes n’empêchent pas la vente de produits ou d’ingrédients qui ont fait l’objet de nouveaux essais de cosmétiques sur des animaux après la fabrication, ce qui crée une faille. De plus, le produit de loi n’interdit pas l’utilisation de nouvelles données sur les animaux dont on affirme qu’elles ont été obtenues à la suite d’essais non liés à des produits cosmétiques, que ce soit des essais chimiques, des essais pharmaceutiques ou d’autres types d’essais. Pour éliminer ces deux failles importantes, le projet de loi inclut une interdiction supplémentaire sur l’utilisation des données probantes tirées d’essais sur des animaux réalisés après l’entrée en vigueur de l’article pour confirmer la sécurité de produits ou d’ingrédients cosmétiques au titre de la réglementation ou du droit canadiens.

On me demande souvent pourquoi le projet de loi S-214 contient trois niveaux de restriction tandis que la réglementation européenne sur les cosmétiques n’en compte que deux. Puisque j’œuvre dans le domaine depuis près de 20 ans, je vous dirais de considérer cette distinction comme une leçon apprise à la lumière des défis juridiques rencontrés, au sein de l’Union européenne en particulier, où les tractations de la fédération européenne des ingrédients ont mené à une révision judiciaire ayant pour effet de contester ou de remettre en question les critères associés aux interdictions de vente au sein de l’UE.

Dans sa décision de décembre 2016, la Cour de justice européenne a confirmé ce qui suit :

[…] le fait d’avoir invoqué, dans le rapport sur la sécurité d’un produit cosmétique, des résultats d’expérimentations animales portant sur un ingrédient à usage cosmétique afin de démontrer la sécurité de cet ingrédient pour la santé humaine doit être considéré comme suffisant pour établir que ces expérimentations ont été réalisées pour satisfaire aux exigences du…

Pour satisfaire aux exigences du règlement sur les cosmétiques.

… afin d’obtenir l’accès au marché de l’Union.

En d’autres mots, le choix d’une entreprise d’utiliser les données tirées de nouveaux essais sur des animaux pour confirmer la sécurité d’un ingrédient ou d’un produit cosmétique entraîne une interdiction au sein de l’UE. Par conséquent, la conservation du paragraphe dans le projet de loi S-214 est importante, non seulement pour fournir une clarté similaire, ici, au Canada — et, on l’espère, prévenir des contestations juridiques similaires —, mais aussi pour éliminer les failles auxquelles j’ai fait allusion tantôt.

Le projet de loi S-214 inclut également une dérogation similaire à celle de la loi de l’UE, selon laquelle le ministre de la Santé du Canada peut autoriser de nouveaux essais sur des animaux dans des situations exceptionnelles et pour des ingrédients existants lorsqu’il n’y a pas de méthode de rechange, et lorsqu’il y a des problèmes de santé humaine précis et avérés associés à un produit cosmétique ou un ingrédient qui sont utilisés à grande échelle et qui ne peuvent pas être remplacés par un autre ingrédient pouvant assumer une fonction similaire.

Il convient de souligner que depuis l’interdiction des essais au sein de l’Union européenne, il y a près de 10 ans, depuis 2009, en fait, il n’y a pas eu de situation d’urgence liée à la santé publique. Il n’a jamais été nécessaire d’utiliser la dérogation pour régler un problème de santé publique.

Ma formation universitaire est dans le domaine des sciences de la santé. J’ai œuvré dans des laboratoires canadiens, comme Barb y a fait allusion. J’ai vu des rangées de lapins immobilisés par le cou et dont les yeux larmoyants et la peau présentaient une inflammation. J’ai vu des animaux que l’on gavait de mégadoses d’un produit chimique mis à l’essai, parfois chaque jour et pendant des semaines, des mois ou des années. La toxicologie classique du siècle dernier s’assimile à un empoisonnement chimique, et il n’y a rien d’humain là-dedans. Il n’y a aucune atténuation de la douleur.

La plupart de ces tests ont été mis au point il y a plus de 50 ans, durant les années 1950, et certains autres remontent jusqu’aux années 1920. La plupart n’ont jamais été validés scientifiquement conformément aux normes modernes pour déterminer s’ils prédisent vraiment de façon exacte les effets sur la santé que vous et moi ressentirons, dans le monde réel. Ce que la littérature publiée au cours des décennies nous apprend, c’est que même les espèces qui sont très proches l’une de l’autre, comme les rats et les souris, peuvent seulement permettre de prédire les effets les uns sur les autres avec une exactitude, en moyenne, de 60 p. 100. La concordance animal-humain est habituellement plus basse.

Il y a 10 ans, le National Academy of Sciences des États-Unis a publié un rapport intitulé Toxicity Testing in the 21st Century : A Vision and a Strategy. Ce rapport reconnaît lui aussi les limites de l’utilisation des animaux pour prédire la sécurité pour les humains et demandait un changement de paradigme dans le domaine de la toxicologie.

Le Conseil national de recherches a défini sa vision d’un « […] avenir pas si lointain dans lequel presque tous les essais de toxicité de routine seraient effectués sur des cellules humaines ou de lignée cellulaire » ajoutant que « ces progrès devraient rendre les essais toxicologiques plus rapides, moins dispendieux et plus pertinents pour les expositions chez l’humain ».

Grâce à ces percées scientifiques, un avenir sans essai sur des animaux pourrait bientôt être à portée de main, mais, pour ce qui est du secteur des cosmétiques, nous en sommes déjà là. Grâce au projet de loi S-214, le Canada peut mettre fin aux essais de produits cosmétiques sur les animaux et les échanges connexes immédiatement sans préjudice pour les consommateurs, la rentabilité de l’industrie ou le commerce international. Trente-sept pays l’ont déjà fait; c’est à notre tour. Merci.

Le président : Merci. Nous passons maintenant à LUSH Cosmétiques frais faits à la main.

Tricia Stevens, gestionnaire, Dons caritatifs et campagnes éthiques, LUSH Cosmétiques frais faits à la main : Bonjour à tous. Merci de l’occasion que vous nous offrez de comparaître devant le comité. Au nom de LUSH et en tant que Néo-Brunswickoise, moi aussi, je tiens à remercier la sénatrice Stewart Olsen de son leadership dans le cadre de la lutte pour mettre fin aux essais de cosmétiques sur les animaux au Canada.

LUSH est heureux d’être ici pour soutenir le projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté).

La fabrication et la vente de cosmétiques sans cruauté et la transparence dans notre chaîne d’approvisionnement sont les valeurs centrales que LUSH respecte depuis sa création, il y a plus de 20 ans. Ces valeurs nous ont permis d’assurer la croissance exponentielle de notre entreprise au cours des deux dernières décennies. Nous comptons actuellement 49 boutiques au Canada et plus de 200 aux États-Unis. Ces boutiques sont approvisionnées à partir de nos installations de fabrication à Toronto et Vancouver. Au cours des 24 derniers mois seulement, nous avons plus que doublé nos ventes en Amérique du Nord, atteignant 680 millions de dollars de ventes. En outre, nos plans de croissance prévoient tripler ces résultats d’ici 2020, ce qui nous amènera tout près des 2 milliards de dollars de ventes.

Non seulement nous envisageons d’ajouter des boutiques à notre portefeuille, mais nous augmentons aussi la superficie de ces boutiques pour répondre aux besoins des gens qui veulent magasiner chez nous et vivre l’expérience LUSH. Cette tendance est à l’opposé de ce que l’on constate actuellement chez d’autres détaillants traditionnels, qui ferment des boutiques vedettes à différents endroits et transfèrent leurs activités principalement en ligne.

En Amérique du Nord, nous employons actuellement 7 000 employés pendant toute l’année, et ce nombre passera à 13 000 durant la saison occupée des Fêtes. Pour ce qui est de l’expansion et de la mobilisation des clients, l’année dernière, 50 millions de personnes sont venues dans nos boutiques. Nous avons eu plus de 34 millions de visiteurs uniques dans nos canaux en ligne et avons plus de 6 millions d’abonnés dans nos sept canaux des médias sociaux.

Nous croyons vraiment que créer des produits sans cruauté a contribué de façon importante à cette croissance et continuera de le faire à l’avenir. Assurément, c’est probablement vrai pour les 600 marques de produits cosmétiques nord-américaines qui ont déjà la certification « sans cruauté ».

Soyons clairs : les mesures proposées dans le projet de loi S-214 n’auront aucune incidence sur la capacité de LUSH d’être un partenaire commercial concurrentiel dans les régions qui ont déjà pris des mesures pour mettre fin aux essais sur les animaux ou les interdire. Le Canada ne doit pas oublier que, sans loi nationale, les entreprises canadiennes seront confrontées à des obstacles commerciaux puisqu’un nombre de plus en plus important de pays adoptent des projets de loi similaires, comme le projet de loi H.R.2790, la loi sur les produits cosmétiques sans cruauté actuellement à l’étude par le Congrès américain. Nous croyons que le projet de loi, tel qu’il est actuellement rédigé, fera du Canada un chef de file tout en permettant à l’industrie des cosmétiques de prospérer et de fournir aux clients les produits qu’ils veulent. L’heure est venue d’ajouter le Canada à la liste des pays ayant adopté des lois sur les produits cosmétiques sans cruauté. Merci du temps que vous nous accordez.

Hilary Jones, directrice, Éthique mondiale, LUSH Cosmétiques frais faits à la main : Bonjour. Je m’appelle Hilary Jones. Je suis directrice de l'éthique mondiale chez LUSH et je vous remercie tous de permettre à Brit et moi de vous parler de cet important dossier.

LUSH Cosmétiques crée, fabrique et vend des produits pour les cheveux, la peau et le corps ainsi que des cosmétiques colorés. Nous avons ouvert notre première petite boutique au Royaume-Uni il y a 20 ans, et nous sommes maintenant présents dans 49 pays, avec 931 boutiques, 38 sites web expédiant dans le monde entier et un réseau mondial d’applications, de canaux de diffusion et de communication numérique dans plus de 30 langues. L’an dernier, nos ventes ont atteint 723 millions de livres, soit environ 1,2 milliard de dollars canadiens. Il s’agit d’une augmentation de 26 p. 100 comparativement à l’année précédente. Cette année, nous prévoyons atteindre 1 milliard de livres pour la première fois.

Bien que nous ne soyons pas l’entreprise la plus imposante dans le marché des cosmétiques, nous sommes maintenant un joueur de taille. Les activités canadiennes de notre entreprise sont une grande partie de la marque globale et ont maintenant plus de boutiques et un taux de roulement plus élevé qu’au Royaume-Uni.

Nous voulons faire les choses proprement — ce qui est probablement une bonne chose pour une entreprise de savon —, alors sachez que, d’entrée de jeu, LUSH s’oppose fermement aux essais sur les animaux. Nous avons activement participé au mouvement populaire en Europe qui a mené à l’introduction de la première interdiction au monde sur les essais de produits cosmétiques sur des animaux. Mais nous sommes aussi des entrepreneurs qui doivent produire des cosmétiques pour remplir nos boutiques, des produits qu’il faut vendre à des fins lucratives tout en maintenant l’innovation et la croissance.

Nous espérons que nos chiffres démontrent qu’une entreprise peut croître à l’échelle internationale sans recourir aux essais sur les animaux.

Nous avons toujours cru que les essais sur les animaux sont une pratique cruelle qui date de l’époque victorienne et qui n’est pas adaptée à l’ère moderne. Divers secteurs de l’industrie des cosmétiques et les scientifiques qui apportent leur contribution continuent d’employer cette pratique désuète malgré qu’une large part de l’opinion publique et des consommateurs souhaite avoir accès à des cosmétiques sans cruauté. La seule et unique façon de changer les choses dans ce secteur de l’industrie, c’est, pour des gouvernements visionnaires, d’adopter une loi poussant les entreprises à trouver des solutions de rechange aux essais sur les animaux. Le public peut exercer de la pression, mais c’est au gouvernement d’aller de l’avant.

Puisque notre entreprise est issue du mouvement sans cruauté, nous connaissons très bien les arguments utilisés par nos compétiteurs pour justifier la cruauté animale. Notre simple présence sur le marché mondial vient mettre en lumière leur mensonge. Nous savons que de nombreuses entreprises masquent l’expérimentation d’ingrédients cosmétiques sous le couvert de l’expérimentation de médicaments ou de substances chimiques. Par conséquent, lorsque nous avons écrit notre politique d’interdiction d’essais sur les animaux, nous avons exclu non seulement les essais sur les animaux à des fins cosmétiques, mais les essais sur les animaux, peu importe l’intention. Notre politique exclut aussi toute expérimentation sur des animaux, peu importe où elle s’effectue dans le monde afin d’éliminer le risque d’expérimentation à l’étranger.

Lorsqu’il est question de créativité, nous n’avons pas été limités par notre refus d’effectuer des essais sur les animaux. Si vous visitez nos boutiques, vous découvrirez une gamme entière de produits qui répondent à tous les besoins. De plus, notre refus de croire que l’innovation exige de nouveaux produits chimiques et agents de conservation faisant l’objet d’essais sur des animaux signifie que tous nos efforts de R-D ont visé à travailler avec des matières naturelles pour trouver des façons de stabiliser et de conserver nos produits.

Par exemple, nous réduisons la quantité d’eau dans nos produits, l’environnement primaire dans lequel la croissance bactérienne a lieu, et nous incluons des produits comme de la glycérine, du sel, des argiles et d’autres ingrédients qui empêchent la croissance des bactéries et de la moisissure et qui, de plus, sont moins nocifs pour les humains et notre environnement. L’insistance pour maintenir des modèles exigeant des essais sur des animaux et l’idée fausse que les consommateurs sont seulement attirés par des arguments scientifiques concernant de nouveaux produits chimiques non seulement retardent les progrès liés aux nouvelles méthodes scientifiques d’essai sans expérimentation animale, mais elles ne tiennent pas compte du désir du grand public de se procurer des produits sans cruauté. En outre, ce n’est pas ainsi qu’on répondra aux besoins environnementaux futurs de notre planète.

LUSH soutient fermement le libellé actuel du projet de loi S-214 et vous félicite de faire preuve de leadership à cet égard.

Le président : Comme vous pouvez le voir, nous avons cinq témoins. Je vais demander à mes collègues de poser directement leur question à un témoin précis pour commencer. Le cas échéant, d’autres témoins peuvent me signaler s’ils veulent compléter la réponse.

S’il vous plaît, ne répétez pas simplement la réponse initiale. Si vous êtes d’accord, dites-le, et nous poursuivrons.

Si un de mes collègues pose une question ouverte, que celui qui veut répondre me l’indique, et je l’inviterai à répondre en premier. Nous allons ensuite passer aux autres, mais je vais essayer de forcer mes collègues à diriger leur question d’entrée de jeu.

Cela dit, nous allons commencer par le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Merci à vous tous d’être là. Ma question est destinée à la marraine du projet de loi, à notre collègue, la sénatrice Stewart Olsen.

Le discours à l'étape de la deuxième lecture de notre collègue, la sénatrice Lillian Dyck, a eu pour effet de soulever un certain nombre d’enjeux. Elle a conclu ainsi :

[…] je souscris au principe de ce projet de loi, sous réserve que les préoccupations relatives à l’innocuité soient prises en compte.

J’ai l’impression que c’est un peu ce que vous avez dit vous aussi dans votre déclaration aujourd’hui. Je ne crois pas que quiconque ici présent veuille autre chose que de mettre fin à la cruauté à l’égard des animaux.

La question qu’elle a soulevée dans son discours sur la deuxième lecture à cet égard visait à déterminer si des essais sur les animaux peuvent ne pas être cruels. Le projet de loi n’interdit pas les essais sur les animaux. Il interdit les essais au Canada liés aux produits cosmétiques, mais il continuera d’y avoir des essais sur des animaux dans le domaine médical, par exemple, lorsqu’ils sont encore considérés comme nécessaires pour assurer la sécurité humaine. Cet enjeu était inclus dans sa déclaration. La Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux a mentionné que cette question était régie par le Conseil canadien de protection des animaux et qu’on tente d’imposer certaines limites aux essais de façon à les éliminer et à réduire toute cruauté possible.

On dit que les animaux ne devraient pas faire l’objet d’essais à des fins cosmétiques, mais les animaux ne savent pas si les essais sont réalisés à des fins cosmétiques. S’ils éprouvent de la douleur, s’ils souffrent et s’ils meurent, peu importe la raison, si la pratique est cruelle, elle est cruelle. Pourquoi tentez-vous d’interdire tous les essais sur les animaux, puisqu’il y en a très peu qui sont réalisés au Canada, et pourquoi ne mettez-vous pas plutôt l’accent sur la cruauté envers les animaux?

La sénatrice Stewart Olsen : Je demande une interdiction visant les essais sur les animaux pour les produits cosmétiques. Je ne suis pas une scientifique, mais il y a plusieurs besoins qui se chevauchent. Par exemple, des essais sur des animaux sont encore réalisés à des fins médicales. Je ne suis pas allée jusque-là, et ce n’est pas ce que je ferai avec le projet de loi. Le projet de loi s’intéresse aux produits cosmétiques et demande si cette pratique est vraiment nécessaire pour produire des cosmétiques. Je ne crois pas.

À mesure que nous avançons, nous créons de nouveaux systèmes et de nouvelles façons de faire des essais. Dans notre étude sur la robotique, nous avons vu de nouvelles innovations. Nous avons vu un très grand nombre de choses. On peut maintenant faire croître des cornées et de la peau dans des boîtes de petri. Je crois qu’il faut faire les choses progressivement. Je crois que le Canada est prêt à passer à l’action dans le dossier. Je ne crois pas que les milieux de la science et de l’enseignement sont prêts à éliminer complètement les essais sur les animaux. Je comprends notre critique. Apparemment, elle a travaillé dans un laboratoire d’essai, alors elle a une expérience directe de la chose. Elle a mentionné que les gens tentent de ne pas être cruels, mais, malheureusement, si un animal a une réaction indésirable après l’essai lié à un produit, il souffre, et c’est cruel.

Nous pouvons y aller un petit pas à la fois, et je crois que c’est ce qu’il faut faire. Nous pouvons nous occuper de ce qui se passe au Canada et essayer de mettre fin à ces pratiques, mais je ne peux pas aller plus loin. Je ne connais pas l’industrie. Je crois qu’il y a des gens qui font des inspections, mais je sais que certains laboratoires sont difficiles à trouver. Nous n’avons pas de statistiques sur les essais de produits cosmétiques au Canada. C’est quelque chose qu’il faut aussi admettre, c’est-à-dire qu’il y a des essais dont on ne sait rien. Je crois que nous devons prendre les premières mesures, ici.

M. Seidle : Je serais heureux de compléter ce que la sénatrice a dit.

Pour ce qui est de la toxicologie, que je distingue ici de la recherche biomédicale, dans le cadre des recherches en santé, des analgésiques sont souvent administrés parce qu’on n’est pas préoccupés au sujet de l’interaction entre un produit analgésique et le produit chimique qu’on teste. C’est une différence fondamentale avec la toxicologie, où on parle d’études sur de hautes doses sans analgésiques. Certains des essais — je peux vous les nommer — donnent des doses létales de 50 p. 100. L’intention est de donner une dose aux animaux jusqu’à ce que la moitié du groupe témoin meure. C’est le genre de choses dont on parle.

Si nous parlons d’interdire ces essais à d’autres fins, je pense que, dans son ensemble, mon organisation ne parle pas d’essais concernant des produits médicaux ni même des produits chimiques. C’est un domaine où l’innovation est possible grâce à l’utilisation de milliers d’ingrédients dont on sait que l’usage est sécuritaire. Nous n’avons donc pas besoin d’une méthode de rechange pour effectuer de nouveaux essais sur 20 000 ingrédients. Ceux-ci ont déjà été soumis à des essais. Cela s’est produit dans le passé. Ces essais n’auraient aucune incidence sur l’utilisation de ces ingrédients dans l’avenir.

Le secteur des cosmétiques se distingue des autres secteurs de produits réglementés, parce qu’on ne fait pas massivement de nouveaux essais sur les animaux. Avec ce projet de loi, comme avec ses équivalents à l’échelle mondiale, l’intention est vraiment de légiférer sur ce qui est le statu quo pour la grande majorité des entreprises.

Le sénateur Eggleton : Le projet de loi, du moins sous sa forme originale, traite aussi de l’importation et de la vente à l’intérieur du pays. J’aimerais bien savoir si cela fait aussi partie de ce que font les pays d’Europe.

J’aimerais aussi savoir comment vous composez avec le fait que 75 p. 100 des cosmétiques au pays proviennent des États-Unis, qui n’ont pas d’interdiction. Je ne connais pas leurs pratiques, mais ils n’ont pas d’interdiction, et c’est de là que proviennent la plupart des produits. Que va-t-il se passer au produit qui aboutit sur les tablettes là-bas?

La sénatrice Stewart Olsen : Je présume que la question m’était adressée, mais, comme je l’ai dit, je vais présenter un amendement, parce que j’aimerais qu’on s’occupe du Canada avant de s’attaquer au reste du monde. Je pense que, maintenant, de nombreuses entreprises, presque par attrition, ne font pas d’essais sur les animaux parce que les gens disent qu’ils n’en veulent plus.

Comme vous l’avez entendu, un projet de loi a été présenté au Congrès, le même genre de chose, mais, dans le cadre du présent projet de loi, nous pouvons nous occuper de notre pays et espérer servir d’exemple.

Le sénateur Eggleton : Servir d’exemple, oui.

La sénatrice Seidman : Merci, madame la sénatrice Stewart Olsen, d’avoir parrainé ce projet de loi. Je suis sûre, comme vient de le dire le sénateur Eggleton, que nous ne pouvons nous empêcher d’appuyer son intention.

Ma question s’adresse à M. Seidle. Les représentants de LUSH ont peut-être quelque chose à dire, mais je vais commencer par M. Seidle, si vous me le permettez, particulièrement parce que parmi les documents que vous nous avez présentés, il y avait une carte où étaient indiqués les pays du monde qui ont actuellement en place des interdictions, où on étudie des projets de loi, et il y a une très grande section de la carte en noir où il est actuellement nécessaire de mener des essais sur les animaux, et cette section est la Chine.

D’après une des plus grandes entreprises de services financiers des États-Unis, la Chine devrait devenir le plus grand marché au monde pour les produits de beauté, et, de toute évidence, si cette interdiction devait s’appliquer aux produits fabriqués au Canada, réduirait-elle les occasions pour le Canada d’exporter ses produits vers le plus grand marché au monde, qui sera la Chine? Auriez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Seidle : Bien sûr. À l’heure actuelle, je dirais que l’Union européenne est le plus grand marché, et nous avons donc affaire aux normes du marché telles qu’elles existent aujourd’hui. Je pense que, en ce qui concerne la Chine, un changement se produit. En ce moment, les essais de cosmétiques sur les animaux comme condition préalable à la mise en marché sont exigés pour la plupart des types de produits. Ce n’est pas parce que la Chine s’oppose à des méthodes de rechange; c’est parce qu’il y a eu des investissements très limités dans les infrastructures du pays et un taux de roulement très élevé au sein de la China Food and Drug Administration, et le pays a pris du retard.

D’autres pays ont eu plus de temps pour bâtir leurs infrastructures et perfectionner leurs compétences selon des méthodes de rechange modernes. Ces méthodes sont adoptées comme directives de l’OCDE pour l’essai. La Chine ne fait pas partie de l’OCDE, et elle accuse donc un retard, mais elle travaille à rattraper le temps perdu. À mesure que des méthodes de tests sans cruauté seront adoptées en Chine, le changement se produira. Je crois que c’est une question de temps plutôt que d’un type de situation où s’opposent les deux côtés de la médaille.

En ce qui concerne le libellé même du projet de loi, à la question de savoir ce qui déclencherait les essais, nous ne ferions pas d’essais au Canada; les essais se font en Chine pour quiconque veut accéder au marché chinois, donc l’interdiction touchant les essais ne s’appliquerait pas. Pour ce qui est de la restriction de vente, ces produits seraient exportés depuis le Canada ou d’autres pays vers la Chine. De nouveau, si ces produits étaient mis au point sans qu’il y ait d’abord eu des essais sur les animaux, la restriction de vente prévue dans le projet de loi S-214 ne s’appliquerait pas, parce qu’elle s’applique uniquement aux essais de cosmétiques sur des animaux effectués à des fins de développement ou de fabrication. C’est donc le point de départ de l’introduction.

L’interdiction de l’utilisation de données, à l’article 18.1, ne s’appliquerait pas non plus, parce que si ces produits sont commercialisés et réglementés par Santé Canada dans notre pays sans qu’on procède à de nouveaux essais sur les animaux, il ne serait pas nécessaire pour les entreprises de se fonder sur des données générées pour la Chine et de ramener cela au Canada.

Le projet de loi est donc rédigé d’une façon très intelligente, de façon à ce qu’on comprenne quelles données sont exigées à des fins réglementaires canadiennes sans toutefois fermer la porte aux exportations vers d’autres pays comme la Chine.

Ma réponse courte est donc non, je ne vois pas d’effet délétère émanant du projet de loi.

La sénatrice Seidman : J’essaie toutefois juste de comprendre. C’est nouveau pour moi, et vous travaillez avec cela depuis longtemps. Donc, si j’essaie de comprendre ce que vous dites, si un produit cosmétique est fabriqué ici, au Canada, sans qu’on procède à des essais sur les animaux, peut-il être importé en Chine pour y être vendu?

M. Seidle : Toute importation de tout pays à l’extérieur de la Chine continentale sera assujettie aux exigences préalables à la mise en marché des essais sur les animaux par le gouvernement chinois.

La sénatrice Seidman : Bien. Donc comment ferait-on les essais sur les animaux, dans ce cas-là? Les ferait-on après l’exportation du produit du Canada vers la Chine? Est-ce que la Chine même procéderait aux essais du produit sur les animaux? Est-ce bien ce que vous dites?

M. Seidle : Oui. Si je suis une entreprise et que je veux exporter ce produit en Chine, je dois fournir un échantillon au gouvernement. Le pays a des installations enregistrées qu’il reconnaît. Ces installations en Chine, au nom du gouvernement, s’occuperaient des essais.

Le président : Si je peux intervenir, c’est exactement la même chose que pour tous les médicaments humains qui sont mis à l’essai dans tous les pays en ce qui concerne les règlements. Le médicament est importé pour y être mis à l’essai afin de satisfaire aux exigences du pays.

La sénatrice Seidman : D’accord. Mais si vous jouez un rôle de leadership, tenteriez-vous ou pouvez-vous imaginer qu’on tenterait, à l’échelle nationale ou mondiale, de changer cette approche en Chine?

M. Seidle : Des efforts sont déployés du côté des entreprises et des ONG, mais je pense qu’un des principaux facteurs pour ce qui est de parler avec des représentants chinois — officieusement, s’entend —, c’est le fait que ces mesures législatives nationales sont introduites et que la Chine est mise de côté. C’est la conclusion. Auparavant, il n’y avait pas de règles. Puis, l’Europe a été la première à en imposer. Maintenant, nous sommes 37 pays, et la Chine est là-bas. Elle ne veut pas faire bande à part. Elle souhaite que les inscriptions « Fabriqué en Chine » soient un signe d’honneur. Elle essaie de rattraper son retard, et plus les pays créent un obstacle commercial qui fait en sorte que tout ce qui est testé sur les animaux en Chine ne peut sortir... Elle ne peut pas envoyer ses produits en Europe et dans d’autres pays. Si le Canada et les États-Unis ainsi que d’autres marchés maintiennent cette tendance, nous y arriverons plus rapidement.

Mme Jones : Juste pour insister sur ce que Troy dit, l’interdiction européenne a créé un énorme effet domino dans l’ensemble du marché des cosmétiques. Des endroits comme la Chine. Le Japon aussi travaille sans relâche pour rattraper les autres pays, parce qu’il ne veut pas perdre le marché européen. Avec un peu de chance, si vous laissez en place votre interdiction de mise en marché, le projet de loi permettra de fournir du leadership quant aux biens qui arrivent au Canada et en Europe en provenance des entreprises qui font des essais sur les animaux. Ces pays doivent donc s’aligner sur vous pour vendre des produits à vos ressortissants.

Mais en ce qui concerne les produits qui sortent, tout à fait. Il y a des entreprises de cosmétiques européennes qui vendent en Chine et elles sont parfaitement capables de le faire sur le plan légal, parce que c’est le gouvernement chinois qui effectue les essais sur son territoire, et pas sur le nôtre.

Aux fins du compte rendu, je dirai que LUSH assume un rôle de leadership, et nous refusons donc absolument de faire du commerce avec la Chine pendant que cela se produit. C’est une décision d’entreprise. Nous n’avons pas de présence physique en Chine. Nous parlons aux autorités chinoises et nous le faisons parallèlement à des organisations comme HSI, qui fait beaucoup de travail en Chine, parce que le public chinois nous veut. Il achète en masse durant des congés aux États-Unis, au Canada et en Europe, puis rapporte chez lui les produits, parce que nous sommes très populaires en Chine. Mais nous ne pouvons pas avoir de présence physique pendant que le gouvernement de la Chine fait cela.

Tout cela exerce des pressions sur la Chine pour qu’elle rectifie le tir.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci pour vos présentations. Je voulais faire suite aux questions de ma collègue. Vous avez parlé de produits fabriqués ici, au Canada, qui sont destinés à la Chine et qui doivent être testés. Mais qu’arrive-t-il des produits qui partent de la Chine et qui sont vendus en ligne? Je parle en connaissance de cause. Il y a des produits que je connais pour la peau qui ont été commandés de Chine, parce que c’est de loin meilleur marché, et qui sont envoyés ici. Qui teste ces produits? Ces produits proviennent d’une industrie, d’une boutique ou autre et se rendent jusqu’au consommateur et ne passent donc par aucun filtre. Qu’est-ce qui arrive? Est-ce que le consommateur peut se plaindre si le produit lui a fait du mal ou a entraîné des réactions? Auprès de qui peut-il se plaindre, puisque ce produit n’a pas du tout été testé? Existe-t-il un contrôle que le Canada pourrait exercer afin d’éviter cela? Je n’en connais pas, mais si vous êtes au courant, cela pourrait nous aider.

[Traduction]

M. Seidle : Le commerce électronique n’est pas abordé dans le projet de loi; c’est donc une question indépendante pour Santé Canada en ce qui concerne la façon dont le ministère, qui est responsable de la réglementation touchant les cosmétiques sécuritaires au sein de nos frontières, traiterait cette question.

Si nous parlons de l’exemple d’un cosmétique qui est fabriqué dans la Chine continentale par une entreprise chinoise — ce sont généralement de très petites exploitations qui utilisent une toxicologie des années 1950, donc les ingrédients et les produits finis ont fait l’objet d’essais sur les animaux, et il a donc été mis à l’essai.

Le fait de savoir si ces essais sont un prédicteur de la sécurité humaine est une question scientifique fondamentale. Nous découvrons que certains ingrédients qui ont fait l’objet d’essais sur les animaux et semblent corrects causent aujourd’hui des allergies cutanées, et on les retire systématiquement du marché. Les essais sur les animaux ne sont pas nécessairement un prédicteur de ce dont nous avons besoin pour assurer la sécurité des consommateurs.

Mais je devrais renvoyer votre question à Santé Canada. Si j’achète quelque chose en ligne, je le fais en acheteur averti, mais s’il y a d’autres initiatives du gouvernement qui vont au-delà de cela, c’est important d’en tenir compte.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse encore à M. Seidle. Vous avez dit qu’on peut faire mieux en ce qui a trait aux expérimentations afin d’éviter la cruauté envers les animaux. Par exemple, eu égard aux produits pour la peau, il y a moyen de faire pousser de l’épiderme en laboratoire. Si on voulait faire l’expérimentation d’un produit cutané, est-ce que vous pensez que l’épiderme fabriqué en laboratoire pourrait être utilisé à cette fin, au lieu que le produit soit testé sur des animaux? Est-ce possible?

[Traduction]

M. Seidle : Tout à fait, oui. Les méthodes d’essais sans cruauté qui sont accessibles aujourd’hui ont été validées pour des centaines de produits chimiques, donc nous savons comment ceux-ci réagissent chez les humains — des volontaires — la culture des cellules de la peau, les lapins et d’autres animaux. Le fait d’être en mesure de comparer la prédictivité des essais côte à côte... sans surprise, nous savons que le fait d’utiliser des modèles — cultures — de peau humaine en trois dimensions permet de mieux prévoir les réactions des humains dans le monde réel.

Donc, oui, les essais sont non seulement fournis, mais ils sont plus rapides, moins chers et plus prévisibles.

La sénatrice Raine : Merci à vous tous. Plus particulièrement, j’aimerais remercier Mme Jones d’être venue du Royaume-Uni pour comparaître devant nous.

J’aimerais juste obtenir des précisions au sujet de la fin de votre déclaration où vous avez dit que vous approuvez le projet de loi sous sa forme actuelle. J’aimerais entendre vos commentaires sur l’amendement que l’on peut apporter au projet de loi. À votre avis, cela changera-t-il le projet de loi de façon importante?

J’aimerais aussi demander à la sénatrice Stewart Olsen de fournir des commentaires sur les amendements en particulier, à savoir pourquoi elle les a déposés, et quelles en seraient les répercussions.

La sénatrice Stewart Olsen : En toute justice, nous n’avons pas vu les amendements. Ils ne sont pas encore achevés d’un point de vue juridique.

J’ai expliqué dans mes notes que, selon ce que j’ai entendu de la part des critiques et de l’industrie des cosmétiques, j’essaie de faire avancer cette législation de la meilleure façon possible pour qu’elle puisse avoir la chance de passer à la Chambre des communes. Si nous essayons de trop forcer les choses, en toute sincérité, nous perdrons le projet de loi. Je préférerais que le projet de loi soit adopté, qu’on travaille dans notre pays et qu’on montre l’exemple. Je pense que les choses vont évoluer — les pressions mondiales exercées par les organisations et tout le monde.

Mais nous devons commencer dans notre pays. Il est ressorti clairement dans certains des discours présentés ici que nous accusons un retard important. Nous devons commencer, et c’est une bonne façon de le faire. Essentiellement, ces amendements rendront le projet de loi plus acceptable et réellement moins réglementaire. C’est une chose très difficile que d’introduire un projet de loi qui comprend l’importation depuis d’autres pays. C’est une tout autre difficulté. Vu votre expérience avec votre propre projet de loi, vous comprenez que même notre Loi sur les aliments et drogues puisse semer la confusion à certains égards.

Ce sont toutes des choses qui devront être travaillées. J’ai dû examiner ce que je pourrais et ce que je ne pourrais probablement pas accomplir.

En toute justice, je n’ai pas avec moi les amendements pour les montrer aux gens, mais nous devons commencer quelque part.

La sénatrice Raine : À ce propos, pourriez-vous préciser votre pensée? Je crois comprendre qu’un de vos amendements sera de clarifier si les essais passés effectués sur des produits d’origine animale qui ont créé ce bassin d’ingrédients que nous savons être sécuritaires ne seront pas touchés par cette législation. Ce qui a déjà été mis à l’essai et approuvé ne sera donc pas changé?

La sénatrice Stewart Olsen : Je ne pense pas que cela sera changé. Honnêtement, j’ai dû laisser beaucoup de choses aux responsables juridiques pour qu’ils voient ce que nous pourrions faire et ce que nous ne pouvons pas faire, mais je ne vois aucune raison pour laquelle les produits qui ont déjà été mis à l’essai et approuvés… Pour laquelle nous agirions sur quoi que ce soit. Mais je dois attendre qu’ils nous disent ce qui peut être adopté dans le cadre de notre Loi sur les aliments et drogues et ce qui peut être efficace. Je vous prie de bien vouloir patienter. Merci.

Mme Jones : La façon la plus facile de le décrire, c’est probablement de dire que, chez LUSH, nous sommes vraiment de fiers membres de l’industrie des cosmétiques. On peut avoir honte de beaucoup de choses dans cette industrie. L’une d’elles est le fait de se soustraire sans fin à la législation adoptée. Il a fallu 20 ans pour adopter pleinement la législation européenne, entre le moment où elle a été adoptée et celui où elle a été enfin appliquée, parce que l’industrie des cosmétiques a trouvé d’innombrables façons de dire que la législation ne devrait pas être adoptée au rythme où les choses allaient.

Comme je l’ai dit, notre existence même remonte à cette période, et nous avons prouvé qu’elle peut être adoptée et que vous pouvez exister sans elle. J’ai parlé principalement de deux façons possibles de le faire : les essais à l’étranger n’ont pas été protégés pendant longtemps dans le cadre de notre législation. C’était un de deux éléments qui devaient l’être; c’était un processus en trois étapes. Pour contourner la législation, les entreprises de cosmétiques ont procédé aux essais d’ingrédients à l’étranger.

Désolée, je vais devoir consulter mes notes. Troy va prendre la parole à ma place parce qu’il avait aussi quelque chose à dire.

M. Seidle : Bien sûr. Merci. Selon notre expérience, comme Hilary l’a dit, le processus long de plusieurs décennies pour adopter la réglementation européenne a été maintes fois retardé comme conséquence du lobbying de l’industrie qui, d’une part, dit : « Nous ne faisons presque aucun essai sur les animaux pour nos cosmétiques », et vous voyez cette très forte réaction négative, pour ensuite dire : « Et puis, où est le problème? » La nature de la situation, c’est que des essais de produits se font en Chine, mais pratiquement nulle part ailleurs. Ce dont il est question, ce sont les essais touchant les ingrédients et le fait que très peu de choses sont exclusivement des ingrédients cosmétiques. Ce sont des produits chimiques. Ils pourraient être utilisés ici dans des produits pharmaceutiques, des emballages alimentaires, peu importe. C’est le genre de jeu où il revient seulement à dire, si les essais de cosmétiques sur les animaux sont interdits, que le nouveau produit a été mis à l’essai conformément à la législation sur les produits chimiques, puis l’entreprise essaie de balayer cela sous le tapis. C’est le jeu auquel on joue. C’est la raison pour laquelle la restriction de vente européenne existe. C’est pourquoi l’interprétation sur l’utilisation des données existe, parce que, si vous ne pouvez pas utiliser les données dérivées de nouveaux essais sur les animaux, la mesure incitative pour effectuer les essais disparaît. C’est la vérité fondamentale de l’affaire.

Je suis une personne pragmatique. Je fais cela depuis longtemps, et il est important d’obtenir des résultats. Mais obtenir quelque chose qui aura vraiment des conséquences… Nous avons l’Union européenne, l’Inde, Israël. Des pays se sont déjà rendus très loin, et je ne vois aucune raison pour laquelle le Canada doit s’arrêter en deçà de cela. Il ne s’agit pas juste d’idéalisme; il s’agit de commerce mondial et d’harmonisation réglementaire. Pourquoi n’harmoniserions-nous pas nos normes jusqu’à atteindre la meilleure norme?

Le président : D’accord. Merci. Nous traiterons de la question lorsque l’amendement sera réellement présenté, et le lieu approprié pour le faire est durant l’étude article par article.

La sénatrice Omidvar : Merci, sénatrice Stewart Olsen, de votre travail à ce sujet. J’aime votre stratégie de gradualisme, parce que je choisirais le bien avant la perfection n’importe quand.

Mais j’ai une question. D’une part, j’entends tous les témoins dire que c’est un problème. Le Canada doit rattraper les autres pays. L’Union européenne a déjà fait cela. D’autres administrations l’ont déjà fait. D’autre part, je vous ai entendu dire que très peu d’essais sur les animaux se font actuellement au Canada.

Est-ce donc dire que la législation doit rattraper la pratique? Je ne suis pas sûre de comprendre l’ampleur du problème aujourd’hui. Combien d’essais sur les animaux se font pour les cosmétiques? Qui les fait? Vous avez mentionné dans votre note que vous avez parlé à des organisations de l’industrie, comme l’Association canadienne des cosmétiques, produits de toilette et parfums, et cetera, mais quelle a été leur réponse? J’ai plein de questions.

La sénatrice Stewart Olsen : Vous les aurez devant vous à la prochaine réunion. Ce que j’ai découvert, c’est qu’il est extrêmement difficile d’obtenir une réponse au sujet des essais sur les animaux dans notre pays. Il n’y a pas de chiffres, mais il n’a pas été très difficile pour W5 de trouver un laboratoire.

Je n’aime pas dire : « Eh bien, nous savons que cela arrive. » Je pourrais peut-être poser la question aux personnes des sociétés d’assistance aux animaux. Je pense que nous avons quelques statistiques. Je pense qu’elles disent que quelque 99 p. 100 des produits ne sont pas testés sur les animaux. Nous ne sommes pas certains, mais, afin de pouvoir pénétrer les marchés de l’Union européenne, qui était une des principales choses pour notre petite industrie des cosmétiques assez dynamique au Canada, et d’offrir plus de marchés, vous devez en réalité avoir des lois en place qui disent : « Nous n’effectuons pas d’essais de cosmétiques sur les animaux au Canada. » C’était une de mes motivations principales, mis à part le fait que je déteste les essais sur les animaux. C’était une de mes raisons principales, c’est-à-dire offrir des marchés à nos propres entreprises ici au Canada.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup de vos exposés. Merci beaucoup, sénatrice, d’avoir parrainé ce projet de loi très important. Je pense que nous sommes toutes deux d’accord pour dire que même une faible quantité d’essais, c’est encore trop.

Ma question — et pardonnez-moi si vous y avez répondu en partie, parce qu’il y avait beaucoup d’information —, c’est que j’essaie de comprendre si, à votre avis, le projet de loi est assez bien rédigé pour qu’on s’assure qu’il n’y aura pas d’échappatoires. Ce que je me dis, c’est que, si quelqu’un veut mener des essais en dehors du monde des cosmétiques puis utiliser ces résultats d’une certaine façon, y a-t-il une protection? Le projet de loi est-il conçu de façon à ce que cette personne ne soit pas en mesure de faire une telle chose, à votre avis?

M. Seidle : Merci de votre question. Je pense que c’est exactement la raison d’être de l’article 18.1 proposé. C’est l’éliminateur d’échappatoires, parce que le seul l’alinéa 16d) permet encore un certain trafic si vous effectuez les essais après la mise en marché ou si vous affirmez que les essais avaient des fins différentes ou si, effectivement, ils avaient des fins différentes, mais que vous souhaitez les appliquer après coup. Cet article 18.1 est essentiel pour éliminer ces échappatoires. La seule façon dont on pourrait s’en prévaloir, c’est si une entreprise présentait volontairement des données générées après l’entrée en vigueur de l’amendement, et il n’y aurait donc pas de système de surveillance coûteux pour permettre à Santé Canada de passer en revue l’ensemble des ingrédients afin de détecter la présence d’ingrédients. Essentiellement, c’est une entreprise qui fait un choix, et c’est une façon très élégante, en plus d’être efficace, d’éliminer les échappatoires.

Mme Jones : J’aimerais juste dire que c’est pour cela que nous avons dû rédiger notre politique de cette façon, afin d’éliminer ces deux échappatoires qu’ont laissées la législation européenne et son lent processus d’adoption. Nos clients nous demandent d’éliminer ces échappatoires. Ils cherchent des personnes comme nous pour le faire, et vous avez ici l’occasion de vous assurer, avec le présent projet de loi, que ces échappatoires n’y figurent pas en premier lieu.

La sénatrice Hartling : Merci, sénatrice Stewart Olsen, d’avoir porté ce projet de loi à notre attention. Je trouve très intéressant que vous soyez tous ici et que vous en expliquiez les divers aspects. Je n’ai qu’une question simple. En tant que consommatrice, je vais magasiner pour me procurer quelques produits. Je suis ici à Ottawa et j’essaie de trouver un endroit où magasiner. Je décide donc d’aller au centre commercial.

Mme Jones : S’il vous plaît, magasinez chez nous. Abstraction faite des essais sur les animaux, nous voulons votre argent.

La sénatrice Hartling : Est-ce partout au Canada, partout au pays?

Mme Jones : Les produits testés sur les animaux ou notre entreprise?

La sénatrice Hartling : Non, votre entreprise.

Mme Jones : Oh, oui. Je peux vous en obtenir maintenant si vous voulez.

La sénatrice Hartling : Envoyez-moi quelques produits. Quoi qu’il en soit, ma question est…

Le président : Veuillez répéter votre question dans le compte rendu pour que tout le monde comprenne bien la question et la réponse.

La sénatrice Hartling : Répéter la question?

Le président : S’il vous plaît.

La sénatrice Hartling : Je m’en vais magasiner pour m’acheter quelques produits — et, évidemment, je connais maintenant votre entreprise — y a-t-il une façon pour moi de savoir s’ils ont été testés sur les animaux? Y a-t-il quelque chose d’écrit sur les produits ou bien y a-t-il eu des annonces ou des campagnes faites à ce sujet?

Mme Jones : Oui. En tant qu’entreprise de cosmétiques, il y a divers régimes à participation facultative auxquels vous pouvez vous joindre et qui peuvent vous fournir une licence pour utiliser le logo d’organisations qui ont une politique et un logo de licence qui va rassurer les consommateurs sur le fait que vous répondez à ces critères aux yeux de cette organisation. Vous verrez donc partout dans le monde des gens qui cherchent à avoir le logo du lapin qui saute.

Mais au-delà de cela, les consommateurs inquiets ont dû envoyer d’interminables lettres aux entreprises de cosmétiques. Certains mots leur permettent de se dérober, comme « à des fins de réglementation seulement » et « seulement lorsque les gouvernements l’exigent ». C’est caché sous des couches de jargon technique. Donc, le consommateur est incroyablement confus, et c’est là que la législation gouvernementale vient tout changer.

La sénatrice Hartling : Je vais rechercher le logo du lapin qui saute.

Mme Jones : Vous pouvez le chercher.

La sénatrice Hartling : D’accord. Merci.

La sénatrice Frum : Juste du point de vue de la conformité, lorsqu’un nouveau produit cosmétique canadien arrive sur le marché, Santé Canada ou les responsables de la Loi sur les aliments et drogues doivent-ils évaluer s’il est maintenant sécuritaire pour les humains? Pourquoi faut-il dans les faits mener des essais de quelque façon que ce soit sur les animaux ou autres choses, s’il n’y a aucune exigence concernant le fait d’évaluer la sécurité?

M. Seidle : C’est une réponse biaisée. J’essaierai d’être bref.

Si c’est un cosmétique ordinaire et que je veux l’inscrire, je dois aviser Santé Canada, ce qui suppose de fournir certains renseignements de base, y compris une liste d’ingrédients. C’est un processus d’avis qui se fait en ligne.

Si c’est un ingrédient complètement nouveau pour le monde ou nouveau pour le Canada, cela fera sourciller Santé Canada, qui dira : « Nous n’avons pas vu cela auparavant; quelles sont les conséquences? »

En vertu du Règlement sur les cosmétiques, Santé Canada a le pouvoir de fouiller davantage et d’exiger que les entreprises soumettent des renseignements pour étayer la sécurité d’un ingrédient ou d’un produit. Légalement, la façon dont cela fonctionne dans le monde, à l’extérieur de la Chine, c’est que les entreprises recueillent tous les renseignements au sujet des ingrédients bruts, puis elles mènent une évaluation des risques du produit au cours de laquelle elles examinent la toxicité. Disons que j’ai 20 ingrédients différents; quelle est la concentration de ces ingrédients dans le produit? Est-ce que je suis convaincu que, si vous le frottez sur votre visage trois fois par jour, vous n’aurez pas d’irritation ni de réaction allergique, ou Dieu sait quoi? Les entreprises ont une obligation légale en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de ses équivalents d’autres pays de s’assurer que les produits sont sécuritaires s’ils sont utilisés conformément aux instructions. C’est l’exigence réglementaire fondamentale.

Les entreprises disposent maintenant d’un système très efficace leur permettant d’assurer par elles-mêmes l’innocuité des produits. Dans ce cas, la question est de savoir si le règlement devrait être plus spécifique. Pour l’instant, c’est au cas par cas, et cela semble bien fonctionner au Canada.

Le sénateur Eggleton : Ma question s’adresse à Mme Jones. Je voudrais comprendre ce que fait le Royaume-Uni ou l’Union européenne au sujet de l’importation de cosmétiques qui pourraient ou non faire l’objet d’essais sur des animaux.

Au Canada, comme je l’ai souligné, la grande majorité — 75 p. 100 — des cosmétiques sont importés des États-Unis, qui n’ont pas d’interdiction, mais cela ne signifie pas que les cosmétiques importés ont nécessairement été soumis à des essais sur des animaux. Je ne sais tout simplement pas quel pourcentage le sont et quel pourcentage ne le sont pas. Il n’y a aucune limite à cet égard. Que font le Royaume-Uni ou l’Union européenne au sujet de l’importation, ou bien la fabrication est-elle effectuée en grande partie à l’intérieur des pays?

Mme Jones : Non, nous ne fabriquons pas les cosmétiques. Nous les importons en grande partie, et c’est pourquoi la troisième partie de notre loi européenne était très importante, c’est-à-dire l’interdiction de commercialisation pour les marchandises importées. Chez LUSH, nous exportons nos produits, alors la loi n’a pas d’incidence sur nous dans ce sens, et nous sommes en dehors de son cadre, car nous avons déjà établi notre propre politique, qui est plus que rigoureuse, et qui dépasse les lois européennes.

Je pense que Troy pourra probablement vous en dire plus au sujet de la façon dont c’est contrôlé par l’Union européenne, puisqu’il y a déjà travaillé.

M. Seidle : Merci. Selon la loi, toutes les entreprises qui commercialisent leurs produits dans l’Union européenne doivent tenir un dossier de renseignements sur le produit qui contient toute l’information concernant l’ensemble des ingrédients que connaît l’entreprise. En se fondant sur le dossier de renseignements sur le produit, les responsables rédigent un rapport sur l’innocuité du produit, et il s’agit de la démonstration ou de l’affirmation auprès d’une autorité réglementaire comme Santé Canada ou un État membre européen du fait qu’il s’agit effectivement d’un produit sûr, s’il est utilisé selon les directives.

Les entreprises peuvent sélectionner les données du dossier de renseignements qu’elles intègrent à la fiche de la sécurité du produit. Le dossier de renseignements est un classeur. Votre évaluation de l’innocuité, c’est votre analyse de ces données. Alors, si l’un de vos ingrédients est soumis à un nouvel essai sur des animaux et que vous n’aviez rien à voir là-dedans, vous devez reconnaître que c’est arrivé; toutefois, si vous n’en tirez pas profit, que vous ne présentez pas le résultat de ces essais à un organisme de réglementation en disant : « Regardez, mon produit est plus sûr que nous le pensions », il n’y a pas de problème. Est-ce que vous comprenez?

Le sénateur Eggleton : J’essaie de comprendre. Les entreprises sont-elles tenues d’admettre que des essais ont été effectués sur des animaux? Cela fait-il partie de la vérification qu’elles doivent fournir? Si l’ingrédient a fait l’objet d’essais sur des animaux, est-il interdit de l’importer dans l’Union européenne?

M. Seidle : Ce n’est problématique que si l’entreprise qui l’importe utilise les données découlant du nouvel essai mené sur des animaux ou qu’elle compte sur ces données.

Le sénateur Eggleton : Nouvel essai sur des animaux?

M. Seidle : Oui. En l’occurrence, il s’agit de quoi que ce soit qui a été mené après le 11 mars 2013, dans l’Union européenne. Si un essai a été effectué après cette date et qu’une entreprise utilise ces données à des fins réglementaires, elle a un problème. Disons qu’il s’agit de bicarbonate de soude; je pourrais utiliser cet ingrédient dans ma chaîne d’approvisionnement, tout comme LUSH et un millier d’entreprises. Quelqu’un décide de soumettre l’ingrédient à un nouvel essai sur des animaux, mais les autres 999 entreprises n’avaient rien à voir avec cet essai. Elles ne seront pas pénalisées, sauf si elles utilisent les résultats de l’essai sur des animaux pour leur propre profit.

Ainsi, le droit européen et le projet de loi S-214 sont vraiment conçus pour faire en sorte que seules les entreprises qui utilisent les données de nouveaux essais sur des animaux menés après la mise en œuvre et qui cherchent à en tirer un profit aient un problème.

Le sénateur Eggleton : Je vois. D’accord.

Le président : C’est très clair. Les nouveaux essais sur des animaux menés après 2013. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai lu, dans le document fourni par la Humane Society International, que le ministre de la Santé pourrait autoriser des tests sur les animaux lorsqu’il n’existe aucun autre moyen de procéder à l’évaluation d’un produit spécifique; cependant, ailleurs dans le document, il est noté que, jusqu’ici, selon la loi européenne, aucune demande de dérogation n’a été formulée.

Considérons l’hypothèse que, au Canada, un produit nécessiterait absolument un test sur les animaux. En auriez-vous entendu parler? Êtes-vous déjà au courant de tests qui ont nécessité des essais sur les animaux parce qu’il n’y avait pas d’alternative pour en vérifier l’innocuité?

[Traduction]

M. Seidle : Je ne suis au courant d’aucun exemple de ce genre. Je vais vous donner l’exemple pratique d’un agent de conservation. Le Comité scientifique des produits de consommation de l’Union européenne a récemment interdit un agent de conservation dont l’utilisation était très répandue, dont il avait été démontré qu’il causait de graves allergies cutanées. Il s’agit donc de quelque chose qui était sur le marché et qui avait fait l’objet d’essais sur les animaux dans le passé. Essentiellement, on a le choix. Si on reçoit des plaintes des consommateurs, si on sait qu’il y a un problème sur le plan des ingrédients, à quoi d’autres essais vous serviront-ils? Si des humains sont atteints d’eczéma, la solution ne consiste pas à mener d’autres essais. Il faut soit réduire la concentration de cet ingrédient, soit s’en débarrasser et le remplacer par autre chose. Alors, c’est une réponse indirecte à votre question, mais il s’agit de la situation dans le vrai monde. Si nous avons un problème, une option pourrait consister à générer des données d’essais supplémentaires. Toutefois, il ne s’agit pas de la seule option qui s’offre à nous. Souvent, si nous voulons vraiment protéger les consommateurs, nous devons nous éloigner d’ingrédients qui se révèlent être dangereux plutôt que de continuer à les soumettre à des essais.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question concernait la période qui précède l’utilisation du produit par les humains. Santé Canada recevrait le produit et serait au courant que des tests ont été effectués sur les animaux et, à la suite de l’enquête, pourrait décider qu’il n’y a pas d’alternative, que c’est la seule façon de vérifier l’innocuité du produit, avant même qu’il arrive au consommateur.Est-ce que cela s’est déjà produit? Qu’est-ce que Santé Canada pourrait faire dans un tel cas? La loi lui donne la possibilité d’accepter le produit et de le mettre sur le marché. C’est un peu cet aspect que je voulais soulever.

[Traduction]

M. Seidle : C’est compris. L’article 18.2 a pour but de refléter la dérogation européenne, qui s’applique après la mise en marché. Il est question d’ingrédients existants dont l’utilisation est déjà répandue. L’article ne concerne pas une situation antérieure à la mise en marché, où on soumettrait à des essais un nouvel ingrédient ou un ingrédient nouveau au Canada. Le but est vraiment de régler la question des ingrédients qui ont été distribués dans le passé, mais de préciser que le fait de continuer à élaborer de nouveaux produits chimiques pour les cosmétiques, alors que des dizaines de milliers d’ingrédients sont déjà accessibles, est un choix. Si ce choix suppose que l’on procède à de nouveaux essais sur des animaux à des fins cosmétiques, les 28 pays membres de l’Union européenne ont déclaré que ce n’est pas suffisant. Alors, il s’agit d’une décision relative aux politiques publiques plutôt qu’à la réglementation. Le droit l’interdirait.

La sénatrice Seidman : Je pourrais poser cette question à M. Seidle.

Nous avons entendu parler des formidables progrès scientifiques qui offriraient de meilleures solutions de rechange aux essais sur les animaux et d’autres options afin de déterminer comment les humains pourraient réagir à une substance chimique particulière. Y a-t-il des aspects de la santé et de la sécurité qui ne peuvent pas être vérifiés par un autre moyen que les essais sur les animaux? En connaissez-vous?

M. Seidle : Oui. Dans le cas de la plupart des essais de toxicité systémique, tout ce qu’on avale, inhale, absorbe par la peau… Nous n’avons aucune méthode de remplacement pour vérifier ces types de résultats finaux, comme nous les appelons. Alors, d’un point de vue universitaire, oui, il existe des essais sur les animaux pour lesquels nous ne disposons d’aucun remplacement direct, aujourd’hui. Cela n’empêche pas les entreprises d’avoir recours à des stratégies ne supposant pas d’essais, comme l’étude des propriétés physiques et chimiques d’une nouvelle substance. Il y a aussi la modélisation computationnelle, qui permet, dans certains cas, d’effectuer ce qu’on appelle une lecture croisée pour affirmer que nous savons que tel produit chimique comporte tels groupes fonctionnels et que, si ces éléments causent des malformations congénitales, dans ce cas, nous craignons que cet autre produit chimique puisse avoir un effet semblable.

Alors, il existe des stratégies ne supposant pas d’essais qui sont largement utilisées dans les industries chimique et cosmétique. Je n’entrerai pas dans tous les détails. Une approche appelée le seuil de préoccupation toxicologique examine l’ampleur de l’exposition humaine attendue. Si elle est très faible, devons-nous investir, par exemple, dans un essai de cancérologie de deux ans qui va coûter de 3 à 4 millions de dollars à exécuter et qui va prendre trois ans à analyser? C’est une analyse coût-avantage, alors l’industrie a mis en place un certain nombre de stratégies, en particulier dans le cas des essais coûteux pour lesquels nous n’avons pas de solution de rechange, mais qui ne sont presque jamais menés parce qu’ils coûtent très cher et s’échelonnent sur une longue période.

La réponse à votre question, c’est que nous n’avons pas de solution de rechange pour tout, mais à quelle fréquence ces essais sont-ils menés en premier lieu?

Mme Cartwright : En ce qui concerne le Canada, je pense que le moment est opportun pour mentionner, à la lumière de ce que disait Troy, qu’il y a une innovation continuelle sur le marché canadien; on cherche à trouver de plus en plus de solutions de rechange. Je voulais simplement mentionner quelque chose de très pertinent par rapport à cette conversation : lundi, un nouveau centre ouvrira ses portes à l’Université de Windsor, le Canadian Centre for Alternatives to Animal Methods. Il s’agit d’une nouvelle initiative située à Windsor. Elle portera principalement sur le développement de la recherche et sur des modèles fondés sur la biologie humaine ainsi que sur la création de programmes scientifiques universitaires visant à remplacer les essais sur les animaux. Les responsables vont également travailler avec les organismes de réglementation canadiens afin d’accélérer la validation et l’acceptation du développement d’autres modèles d’essais sur les animaux au Canada. Nous voyons le projet de loi S-214 contribuer à stimuler cette innovation et le désir de trouver de nouvelles solutions de rechange, là où il n’y en a peut-être pas déjà.

La sénatrice Seidman : Je comprends que c’est très futuriste, mais vous affirmez qu’il n’y a actuellement aucune solution de rechange aux essais sur les animaux pour évaluer les produits cosmétiques à l’égard de certains aspects liés à la santé et à la sécurité. Par exemple, vous avez affirmé qu’il n’y avait aucune solution de rechange dans le cas de l’inhalation.

M. Seidle : Exact. Mais, si vous demandiez à l’industrie à quand remonte la dernière fois qu’un essai d’inhalation a été effectué, cela n’a jamais eu lieu. Vous pourrez dire : « Voici une liste de 50 essais sur des animaux menés il y a des décennies. Combien concernent les produits cosmétiques ou les ingrédients, et à quelle fréquence sont-ils menés? » Les essais pour un produit fini servent à étudier les effets locaux — les yeux, la peau —, et nous avons des solutions de rechange à ces essais. Les tests les plus souvent requis sont remplaçables. Dans un cas exceptionnel, on pourrait se demander si ce nouveau produit chimique cause le cancer. C’est une question valable, mais demandez aux gens de l’industrie s’ils ont vu un essai relatif au cancer être mené au cours des 10 dernières années. Ces essais n’ont pas lieu.

La sénatrice Frum : Ils devraient probablement avoir lieu. Je comprends mieux comment le projet de loi S-214 aidera les fabricants de cosmétiques canadiens à rendre leurs produits accessibles dans l’Union européenne. Je suis simplement curieuse de savoir, dans le cas d’entreprises comme LUSH, qui, pour des raisons éthiques, refuse de vendre leurs produits en Chine... Y a-t-il des produits LUSH de contrefaçon en Chine, ou bien voit-on des imitations de ces produits là-bas?

Mme Jones : Non seulement il y a des produits LUSH de contrefaçon, il y a aussi des magasins LUSH de contrefaçon. On falsifie toute la façade de nos magasins, et il s’agit d’un vrai problème pour nous. C’est désolant quand on a établi sa marque délibérément de manière à ce qu’elle soit sans cruauté pour ensuite voir son nom affiché dans un pays où les essais sur les animaux sont obligatoires. Alors, c’est un problème pour nous, et c’est pourquoi nous souhaitons si ardemment travailler avec les autorités chinoises pour tenter d’accélérer le processus. Et cela aura lieu. Tout le monde sur le terrain pense que cela aura lieu. Il est tout simplement incroyablement difficile de faire faire demi-tour au train une fois qu’il est sur sa lancée, et il y a de très nombreuses variantes.

Certes, ce sont les souhaits des consommateurs, comme toujours. Même en Chine, les consommateurs sont à la recherche de produits n’ayant pas fait l’objet d’essais sur les animaux. Ils recherchent les mêmes choses que nous tous. Ils sont tout simplement coincés dans un système qui n’avance pas très rapidement pour eux. Alors, oui, c’est un problème.

La sénatrice Frum : Merci.

Le président : Merci beaucoup à vous tous. Je crois que nous avons certainement épuisé les questions. Je fais simplement une double vérification. Je veux vous remercier tous de votre présence. Tout d’abord, je veux remercier la sénatrice Stewart Olsen de son exposé et d’avoir présenté le projet de loi. Merci aux témoins de leur contribution à cette étude.

Je pense — je m’adresse à mes collègues — qu’à mesure que nous irons de l’avant, nous devrons nous concentrer sur le projet de loi et sur l’effet qu’il aura en ce qui a trait à la nature de son règlement d’application et les limites qu’il imposera, plutôt que sur les situations hypothétiques qui ne seront pas prévues dans le projet de loi ou qu’il ne préviendra pas absolument, et nous nous tournerons vers la marraine du projet de loi afin de clarifier les questions de ce genre, s’il y en a.

Le sénateur Eggleton : Pour mentionner un élément, je pense que nous devrions nous organiser pour faire comparaître un représentant de Santé Canada. À l’occasion de la prochaine séance, nous devrions entendre le point de vue de ce ministère également, car il a été mentionné à un certain nombre d’occasions, et il s’agira de l’entité responsable.

La sénatrice Omidvar : Il assurerait la surveillance.

Le président : Merci à tous.

(La séance est levée.)

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