Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 29 - Témoignages du 4 octobre 2017
OTTAWA, le mercredi 4 octobre 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté), se réunit aujourd’hui, à 16 h 14, pour étudier ce texte de loi.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je suis le président du comité. J’invite mes collègues à se présenter en commençant par ma gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : Merci, chers collègues. Je vous rappelle que nous sommes ici pour poursuivre notre étude du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté).
Pour ce qui est de notre premier groupe de témoins, nous accueillons Darren Praznik, président et chef de la direction, et Laura Gomez, conseillère juridique, de l’Alliance de l’industrie cosmétique du Canada. Je vais demander à M. Praznik de présenter son exposé. Nous vous poserons ensuite des questions comme à l’habitude. Allez-y, s’il vous plaît.
Darren Praznik, président et chef de la direction, Alliance de l’industrie cosmétique du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d’être ici et d’avoir l’occasion de vous parler du projet de loi à l’étude.
Ma collègue, qui est notre avocate, n’est pas ici parce que nous avons l’intention de vous mettre des bâtons dans les roues ou de débattre d’enjeux juridiques. Elle est ici parce qu’elle s’est beaucoup intéressée au détail du projet de loi, dont certains éléments nous préoccupent et exigent, selon nous, quelques amendements.
Je tiens à commencer par dire que notre association ne s’oppose pas au principe général sous-jacent au projet de loi. En fait, au sein de notre industrie, les essais sur les animaux de produits cosmétiques finis — ce que nos entreprises produisent — ont quasiment été éliminés. Je crois que la sénatrice Stewart Olsen l’a mentionné dans sa déclaration. Le chiffre que nous avançons, c’est que probablement plus de 99 p. 100 des nouveaux produits dans notre catégorie qui entrent sur le marché n’ont exigé aucun essai sur les animaux.
Je reviendrai sur ce point très précis à la fin, tout comme je reviendrai sur certains des enjeux que nous voulons porter à votre attention.
Le document que je vous ai fourni aujourd’hui contient ma déclaration préliminaire. Je ne vais pas la lire. Dans une autre vie, j’ai eu l’occasion d’être ministre de la Santé et député à l’Assemblée législative du Manitoba. J’ai déjà joué un rôle similaire au vôtre, et je sais que lire une déclaration n’est pas la façon la plus efficace de communiquer avec un comité.
Cependant, je crois que le document présente certains renseignements contextuels qui peuvent vous être utiles. Vous apprendrez qui nous sommes en tant qu’association et pourrez connaître la nature des produits des entreprises que nous représentons. Il y a certains renseignements contextuels en ce qui a trait aux essais sur les animaux dans notre industrie. J’aimerais souligner que certaines des choses qui ont été dites sur l’utilisation des lapins et d’autres techniques liées à la mise à l’essai des produits finis sont de l’histoire très ancienne. Des méthodes comme le test de Draize ne sont plus utilisées et ne l’ont pas été depuis des décennies, et ce, presque partout dans le monde. En outre, il n’est pas nécessaire de les utiliser.
Je voulais m’assurer que vous étiez au courant de ces renseignements contextuels.
Si vous me le permettez, à la lumière de mon expérience parlementaire passée, beaucoup d’efforts ont été déployés pour déterminer de quelle façon il faut interdire les essais sur les animaux dans une loi. Je tiens à dire que, dans une certaine mesure, mon association est très favorable à une telle interdiction.
Les enjeux dont je veux vous parler concernent le caractère complexe d’un tel processus. Il peut sembler très simple de le faire à première vue, mais il y a beaucoup d’éléments complexes dont il faut tenir compte, et il est possible de le faire dans certains cas grâce à des amendements. Nous avons eu l’occasion de travailler en collaboration avec la marraine du projet de loi. En fait, nous nous sommes même rencontrés aujourd’hui, et nous avons formulé d’autres commentaires sur d’éventuels amendements.
Par conséquent, je crois que nous entreprenons un processus pour voir si nous pouvons créer un texte législatif pouvant être adopté par tous les parlementaires tout en étant viable pour tous les intervenants. C’est quelque chose que nous sommes vraiment déterminés à faire.
J’ai inclus dans votre trousse d’information un petit graphique. C’est une publicité que nous avons utilisée pour soutenir le cadre d’autosoins. Je voulais vous donner une idée de la gamme de produits visée par la définition de « cosmétique ». On ne parle pas seulement de produits de beauté, comme on les appelle parfois. Si vous devez imposer certaines restrictions pour un groupe de produits, il faut respecter la définition. Au Canada, la définition de « cosmétique » est très large. Nous ne parlerons pas de cette question, mais la définition peut même inclure certains produits vétérinaires pour animaux. La définition est très large.
Ce que je voulais illustrer grâce à ce graphique, c’est la portée de ce produit, mais, aussi le fait que, au titre de la Loi sur les aliments et drogues du Canada, n’importe lequel de ces produits peut, actuellement, être défini comme un cosmétique, un médicament ou un produit de santé naturel. Par conséquent, le rouge à lèvres est l’un des problèmes très concrets que nous rencontrons. Tout dépendant s’il est assorti d’une allégation de protection solaire ou comporte des ingrédients actifs, il peut être visé par l’un de trois ensembles de règlements, comme ce pourrait être le cas pour un shampoing ou encore une pâte dentifrice. Ce n’est pas comme si on feuilletait nonchalamment la Loi sur les aliments et drogues pour dire qu’on peut cibler un groupe précis. Je crois que la sénatrice a essayé de reconnaître cette situation dans une partie du projet de loi, mais cela crée certains problèmes.
Chacun de ces règlements est assorti d’exigences différentes. Par exemple, si le projet de loi est adopté et qu’on découvre un manquement, si le manquement concerne un rouge à lèvres qui est considéré comme un médicament, le contrevenant s’exposerait à une pénalité de 5 millions de dollars. Cependant, si le rouge à lèvres est considéré comme un produit de santé naturel ou comme un produit cosmétique, la pénalité pour la même infraction s’élèvera seulement à 5 000 $.
La raison pour laquelle la situation devient importante, c’est que nous demandons depuis 10 ans que tout soit réglé, et Santé Canada est actuellement au beau milieu d’une importante réforme, le cadre pour la réforme des produits d’autosoins. Il y a eu de nombreuses consultations partout au pays, et le ministère essaie de créer un nouveau cadre qui tiendra compte de tous ces produits, qui seraient enfin réunis sous une même structure réglementaire, un seul cadre de réglementation.
Actuellement, en fait, ces produits sont réglementés par deux directions générales de Santé Canada. Nous avons remarqué que les représentants de Santé Canada que vous rencontrez viennent seulement d’une de ces directions générales, et ce n’est même pas la direction générale responsable de la réforme. Par conséquent, ce que nous demandons — et nous ne pouvons pas parler pour Santé Canada, pas plus que nous savons à quoi leur cadre ressemblera —, c’est que peu importe ce qui ressortira du processus, il faudra assurer l’harmonisation avec le cadre d’autosoins, parce qu’il s’agit probablement d’une réforme unique pour ces produits, et nous ne voudrions pas qu’il y ait des conséquences imprévues. À notre avis, la réforme doit être intégrée dans les processus de réflexion liés au projet de loi afin que l’on puisse voir de quelle façon le tout pourra être harmonisé.
Le deuxième enjeu dont nous vous faisons part, ici… La question de la portée des produits nous amène à parler de notre autre enjeu. Qu’on parle d’un rouge à lèvres, d’un shampoing, d’une pâte dentifrice ou d’une crème hydratante, il y a des chevauchements avec beaucoup d’autres produits réglementés. Il peut s’agir des colorants dans un rouge à lèvres coloré et d’autres couleurs que les produits peuvent avoir en commun, des ingrédients qui se retrouvent dans un shampoing et qu’on utilise aussi dans un nettoyant ou un désinfectant, ou encore d’une crème hydratante qui possède bon nombre des mêmes composantes qu’une crème médicamentée.
En réalité, dans notre industrie, il y a très peu d’ingrédients qui sont uniquement utilisés dans les produits cosmétiques. Les ingrédients que nous utilisons font partie d’un très large éventail d’ingrédients utilisés dans toute une gamme d’autres produits réglementés. Par conséquent, si un projet de loi s’intéresse à l’intention ou à la façon dont un produit ou un ingrédient est utilisé, où cela nous amène-t-il? De quelle façon peut-on intégrer cet aspect des choses dans ce cadre précis? Ce qui nous préoccupe, ce ne sont pas les essais sur les produits finis. Il n’y en a pas. Nous reconnaissons aussi que le but est de changer non pas ce qui s’est produit dans le passé, mais seulement ce qui se produira à l’avenir. Il n’y a pas beaucoup de nouveaux ingrédients qui voient le jour, mais il y en a de temps à autre. Un domaine où notre industrie manque vraiment de nouveaux ingrédients potentiels, c’est celui des agents de conservation et des antimicrobiens. Ce sont les ingrédients qui assurent l’innocuité des produits; ils préviennent les infections et la transmission des microbes. Il y en a très peu.
Si, un jour, on met au point un nouvel antimicrobien, il sera utilisé dans toute une gamme de produits, des produits pharmaceutiques, des produits cosmétiques, éventuellement, des médicaments, et des aliments. La question est la suivante : s’il était approuvé par les organismes de réglementation sous réserve qu’on réalise certains essais toxicologiques pour lesquels il n’y a pas de solution de rechange aux essais sur les animaux, de quelle façon l’ingrédient serait-il traité? Cet ingrédient précis pourrait-il être utilisé dans un aliment et un produit pharmaceutique, mais pas dans un produit cosmétique, alors que, en fait, il ne serait pas nécessaire de réaliser ne serait-ce qu’un essai supplémentaire sur des animaux?
Par conséquent, il y a là un problème. C’est l’infime exception, moins de 0,001 p. 100, qui nous préoccupe. C’est un domaine que, de façon générale, nous ne contrôlons pas parce que nous achetons habituellement nos ingrédients de fournisseurs qui produisent et mettent à l’essai les ingrédients pour un très grand marché. Même si les gens croient que les cosmétiques sont une grande industrie, nous sommes de très petits acheteurs de tous ces ingrédients. Nous n’utilisons pas beaucoup d’ingrédients, pas en grande quantité, pour produire nos marchandises.
Nous sommes aussi préoccupés par la façon dont le projet de loi sera structuré, parce qu’il y a d’autres cadres législatifs obligatoires fédéraux et provinciaux qui exigent des essais. Prenons la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. On procède actuellement à l’examen d’environ 23 000 substances, dont au moins 1 000 sont utilisées dans des cosmétiques. On examine ces substances pour en évaluer l’incidence sur la santé humaine et l’environnement. Il faudra peut-être réaliser des essais, dont certains essais toxicologiques pour lesquels il n’existe pas de solution de rechange aux essais sur des animaux.
Alors la question devient la suivante : de quelle façon cet examen s’inscrit-il dans tout ça, et que dire aussi des lois sur la santé et la sécurité au travail? Nous soutenons l’objectif du projet de loi, mais nous trouvons qu’il y a beaucoup de problèmes liés à certains de ces détails et à ce très petit pourcentage, mais, au bout du compte, nous ne voulons pas nous retrouver avec des exigences réglementaires absurdes parce que nous n’avons pas tenu compte, justement, de ces détails.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais offrir la première série à la sénatrice Stewart Olsen, la marraine, et à la sénatrice Dyck, sa critique.
La sénatrice Stewart Olsen : Si vous me le permettez, j’aimerais passer en dernier.
La sénatrice Dyck : Merci de votre exposé, des renseignements que vous avez fournis et d’avoir expliqué la complexité du classement des divers produits de soins personnels.
Vous avez mentionné que Santé Canada envisage une réforme des produits d’autosoins. Saviez-vous que, aux États-Unis, il y a une initiative similaire et qu’un projet de loi devant le Congrès concerne là aussi les produits de soins personnels? L’accent est mis principalement sur l’innocuité. Vous avez parlé rapidement d’innocuité, mais il y a eu de récents cas connexes, par exemple, des écrans solaires — je ne sais pas dans quelle catégorie il faudrait mettre les écrans solaires, s’agit-il d’un cosmétique? — et on a déterminé que des écrans solaires avaient causé de graves problèmes de cloques. Il y a aussi eu des cas de rouges à lèvres contenant du plomb. Que pensez-vous de l’innocuité et du besoin d’avoir recours à des essais sur les animaux?
M. Praznik : Si vous me permettez une distinction, à la lumière des essais requis pour un produit fini, il n’est pas nécessaire de réaliser des essais sur des animaux pour les choses que vous soulevez. Là où il peut y avoir un problème, c’est du côté de l’innocuité des ingrédients. Lorsque des fabricants de cosmétiques créent un produit, ils regardent le profil que le fournisseur remet quant aux essais et le profil lié à l’utilisation de cet ingrédient pour déterminer dans quelle mesure il est approprié pour un produit.
Ce qui est très important, c’est que les produits — c’est ce que la Loi sur les aliments et drogues exige au Canada — soient sécuritaires, comme les cosmétiques, lorsqu’on les utilise de la façon indiquée. Dans le cas d’un médicament et d’un produit de santé naturel, il faut obtenir un certain niveau de préapprobation avant de pouvoir les mettre sur le marché. Santé Canada, en tant qu’organisme de réglementation, établit les normes en vertu desquelles il veut garantir l’innocuité. Par conséquent, lorsqu’il est question de respecter ces aspects toxicologiques, c’est la réglementation qui, au bout du compte, doit décider si, oui ou non, il y a suffisamment de données pour prouver l’innocuité.
Selon nous, les produits doivent être sécuritaires. Nous tentons de nous assurer qu’ils le sont. Nous sommes au fait d’un exemple qui date d’environ un an et demi et qui concerne un écran solaire qui a été fabriqué sans agent de conservation, ce qui a provoqué un problème de contamination. Il s’agissait d’un écran solaire pour enfants, et le produit a dû être retiré du marché pendant un certain temps jusqu’à ce que le problème soit réglé.
Par conséquent, il y a des risques pour la santé humaine si on n’a pas les bons ingrédients et qu’on n’assure pas l’innocuité d’un produit; et les agents de conservation sont très importants à cet égard.
La sénatrice Dyck : Pouvez-vous alors formuler des commentaires sur l’équilibre qu’il faut trouver entre l’innocuité pour les humains et les essais sur les animaux? Vous savez, l’initiative est fondée sur le fait que certains essais sur les animaux sont considérés comme cruels. Cependant, il est aussi important de protéger les consommateurs et le public.
M. Praznik : C’est une bonne question, et l’équilibre est légitime. Selon moi, ce que vous avons reconnu — et c’est même le cas des partisans du projet de loi —, c’est qu’il y a certains domaines, lorsqu’il est question de sécurité humaine et de produits pharmaceutiques, d’aliments, et cetera, où la santé humaine est très importante et doit l’emporter. Les cosmétiques ont toujours été considérés comme des produits frivoles et ils ne le sont pas, comme vous pouvez le constater en voyant ces produits. Les cosmétiques ont été pointés du doigt même s’ils utilisent ces mêmes ingrédients pour cette position précise.
Cependant, je crois que la bonne réponse est, a toujours été et devrait continuer d’être un réel effort pour mettre au point des méthodes de rechange aux essais sur les animaux qui sont valides scientifiquement. C’est vraiment là où il faut en venir. Notre industrie, particulièrement au sein de l’Union européenne et aux États-Unis, avec deux instituts, a fait beaucoup de travail pour mettre au point des solutions de rechange qui nous ont permis de ne pas avoir recours aux essais sur des animaux. C’est le même genre d’impulsion qui est nécessaire dans d’autres endroits aussi.
Ce qui rend la situation étrange, c’est que les ingrédients dont on parle sont aussi utilisés dans toute une gamme d’autres produits et dans des catégories de produits différents. Cependant, on semble dire ici qu’il faut choisir et mettre à part un type d’utilisation dans le groupe.
Si ce projet de loi est adopté, je dirais qu’il n’y aura probablement quasiment aucun changement en ce qui concerne le nombre d’animaux visés au Canada. Assurément, cela n’a rien changé en Europe, dans le cas de la Grande-Bretagne, par exemple. Je connais les chiffres. Ce qu’il faut vraiment faire, c’est trouver des solutions de rechange pour les essais généraux qui sont réalisés si nous voulons vraiment réduire le nombre d’animaux utilisés dans le cadre d’essais.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup tous les deux d’être là. En ce qui a trait aux cosmétiques, vous dites que les essais sur les animaux sont quasi inexistants au Canada. Vous avez même donné un pourcentage, soit : 99 p. 100.
M. Praznik : Plus de 99 p. 100.
Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de comprendre ce qu’il advient du reste, le 1 p. 100. S’agit-il surtout d’essais à des fins pharmaceutiques, lorsqu’on a un ingrédient qu’on veut peut-être inclure dans un produit?
M. Praznik : Premièrement, les essais ne sont pas nécessaires pour les produits finis. Deuxièmement, la liste d’ingrédients que nous utilisons est, de façon générale, très bien connue. Nous avons beaucoup d’ingrédients avec lesquels travailler ou avec lesquels créer de nouvelles formules, alors ce n’est pas nécessaire de réaliser de nouveaux essais sur des animaux. C’est la raison pour laquelle nous pouvons parler de plus de 99,9 p. 100, parce que ce n’est qu’à de rares occasions ou dans de rares circonstances qu’il y a un nouvel ingrédient ou une nouvelle utilisation d’un ingrédient existant dont l’innocuité doit être prouvée relativement à une utilisation, et que, pour les aspects toxicologiques exigés par l’organisme de réglementation, il n’y a peut-être pas de solution de rechange aux essais sur les animaux.
Mais n’oubliez pas, les essais ne sont pas réalisés par notre industrie; ils le sont par le fournisseur de l’ingrédient, qui regarde l’ingrédient et se dit : « Si nous pouvons créer un profil d’innocuité, le produit pourra être utilisé dans des produits pharmaceutiques, des aliments et d’autres produits .» Les entreprises de cosmétiques seraient l’un de ces petits utilisateurs.
Tel qu’il est rédigé, le projet de loi pourrait faire en sorte qu’on pourra utiliser un agent de conservation précis dans un aliment, parce qu’on aura des données sur l’innocuité pour un aliment ou pour un produit pharmaceutique, mais on ne pourra pas utiliser les mêmes données existantes sur l’innocuité — il n’y a aucun lien avec des animaux — pour pouvoir l’utiliser dans la confection d’un produit pharmaceutique. C’est donc ce tout petit élément et, encore une fois, nous mettons l’accent sur des choses comme les agents de conservation, qui sont extrêmement importants pour assurer l’innocuité des produits.
Le sénateur Eggleton : Par conséquent, vous dites que si les essais pharmaceutiques sont réalisés, on utilisera des animaux parce que c’est une exigence de Santé Canada.
M. Praznik : Tout dépend.
Le sénateur Eggleton : Vous dites donc que, si vous utilisez certains résultats d’essais — relativement à un ingrédient que vous intégrez dans un produit cosmétique —, on ne devrait pas vous pénaliser de le faire et on ne devrait pas vous dire que vous ne pouvez pas le faire, parce que cela n’a rien à voir avec des essais cosmétiques, et tout à voir avec des essais pharmaceutiques?
M. Praznik : C’est exact, mais, plus précisément, il sera plus probablement question d’un ingrédient, comme un agent de conservation, qu’on voudrait utiliser dans un produit pharmaceutique, un produit cosmétique ou un aliment. Il ne s’agira vraisemblablement pas d’un ingrédient pharmaceutique actif, même si, au Canada, des produits comme des écrans solaires sont considérés comme des médicaments ou des produits de santé naturels et non pas comme des cosmétiques.
Le sénateur Eggleton : Je comprends le problème que vous soulevez.
On nous dit que 75 p. 100 des cosmétiques vendus au pays viennent des États-Unis. Dans quelle mesure ces produits seront-ils touchés par la version initiale du projet de loi? Nous comprenons qu’il y aura peut-être certains amendements, mais nous ne les avons pas encore vus.
M. Praznik : Notre avocate, Laura, a préparé un certain nombre d’amendements. Nous éprouvons certaines préoccupations quant à la façon dont le projet de loi a été rédigé et au sujet de son application. Cependant, s’il est bien rédigé, il devrait s’appliquer à tous les produits vendus au Canada, qu’ils soient importés ou non. En passant, au Canada, nous importons deux fois plus de produits que nous en exportons, mais, grâce au libre-échange, nous sommes devenus très efficients, et la plupart de nos fabricants exportent de 70 à 98 p. 100 de leur production. Nous sommes une industrie très intégrée. En fait, nos fournisseurs sont très présents à l’échelle internationale et sont très intégrés. Ce n’est donc pas comme si une bonne partie de ce travail est fait dans beaucoup d’endroits au Canada. Le travail est fait par un fournisseur pour le marché mondial dans lequel il fournit les ingrédients.
Le sénateur Eggleton : Votre organisation représente-t-elle certaines des entreprises dont ces produits sont importés des États-Unis?
M. Praznik : Oui. La plupart de nos entreprises membres exportent et importent des produits, et ainsi de suite.
Le sénateur Eggleton : Alors les essais sur les animaux sont quasiment inexistants au Canada, ou au moins à plus de 99 p. 100.
M. Praznik : Je dirais que c’est le cas pour l’industrie dans le monde entier.
Le sénateur Eggleton : Vous dites que c’est aussi le cas aux États-Unis?
M. Praznik : Oui. L’industrie est très intégrée. Encore une fois, notre industrie à l’échelle internationale a été, de façon générale, favorable aux interdictions et aux lois éliminant les essais sur les animaux. La seule petite chose qui revient souvent, c’est la question des nouveaux ingrédients destinés à une utilisation générale. Si l’ingrédient n’a pas été mis au point pour un produit cosmétique, cela signifie-t-il que l’organisme de réglementation peut interdire qu’on l’utilise dans un produit cosmétique? Je sais que l’ingrédient est sécuritaire, mais je ne peux l’utiliser, pour aucune raison.
Ce tout petit enjeu nous préoccupe dans ce genre de projet de loi. C’est très limité. C’est la raison pour laquelle je dis que, de façon générale, nous sommes favorables à l’initiative. Selon moi, si beaucoup de personnes très intelligentes se réunissaient au bon moment — y compris mes collègues de la Société protectrice des animaux, de l’Alliance animale et d’autres intervenants, avec le bon avocat —, nous pourrions probablement trouver une façon d’éliminer ces lacunes.
La sénatrice Stewart Olsen a travaillé en collaboration avec nous. Il faut ce genre d’effort. La seule mise en garde que je formulerais, c’est que les vraies bonnes personnes qui doivent être dans la salle sont les représentants de Santé Canada et les personnes qui travaillent sur le cadre parce que ce sont elles qui doivent faire le travail.
Le sénateur Eggleton : Ils sont là.
M. Praznik : Aujourd’hui, ils ne représentent pas la bonne direction générale.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je poursuis dans la même veine que le sénateur Eggleton lorsque vous dites qu’il y a plus de 90 p. 100 de ces produits qui ne font plus l’objet d’essais sur les animaux. Est-ce que cela veut dire que si des produits portent la mention « fabriqués au Canada » ou « vendus au Canada », on est assuré qu’ils n’ont pas été testés sur les animaux? Qu’en est-il des produits qui viennent d’ailleurs? Un témoin nous a dit qu’il existe déjà des lois qui interdisent les essais sur les animaux.Ce projet de loi pourrait-il assurer notre protection contre ces produits?
[Traduction]
M. Praznik : Premièrement, il faut comprendre que l’industrie des cosmétiques est une industrie internationale. Les produits ont tendance à être fabriqués dans un ou deux endroits pour les marchés mondiaux. On ne peut jamais garantir ce qui se passe dans les autres administrations, mais nous pouvons contrôler ce qui se passe au sein de nos frontières. Lorsque les données sur le recours à des essais sur les animaux entrent dans le système, c’est lorsqu’on offre sur le marché canadien un produit et qu’il faut soit fournir des données sur l’innocuité, soit pouvoir indiquer que le produit est sécuritaire. Que ce soit un cosmétique qui fait l’objet de l’avis ou un cosmétique qui est un médicament ou un produit de santé naturel, il doit y avoir des données sur l’innocuité. Si nous interdisons ou limitons l’utilisation de ces données, on ne peut tout simplement pas les utiliser, donc, si quelque chose se passe dans une autre administration, il ne vaut pas la peine d’importer ce produit au Canada.
Le deuxième volet concerne les cosmétiques qui sont fabriqués au Canada et exportés, et là, nous sommes très favorables. Nous avons prévu certaines améliorations du libellé pour qu’il soit plus clair, mais pour ce qui est des produits cosmétiques finis fabriqués au Canada, nous serions favorables à une interdiction des essais sur ces produits au Canada. On n’en fait pas actuellement. C’est quelque chose que nous pouvons contrôler.
Certains pays dans le monde utilisent des essais sur les animaux dans le cas de produits finis, essentiellement des produits importés, pour des raisons liées au commerce. Très franchement, nous devrions tous les encourager. Notre industrie travaille à l’échelle internationale afin que la Chine mette fin à de telles pratiques. Cependant, ce que nous pouvons contrôler, c’est ce qui se produit au Canada ou de quelle façon les produits pénètrent le marché, ici, et les données requises pour les soutenir.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je vais oser vous poser une autre question. Comme cela ne se fait presque plus au Canada, iriez-vous jusqu’à remettre en question l’utilité de ce projet de loi, puisqu’il ne s’applique qu’à un petit nombre de produits?
[Traduction]
M. Praznik : Oui, on pourrait probablement le dire, mais je vais vous donner une explication, et je crois que certaines des personnes et des organisations qui ont offert leur soutien seraient probablement d’accord. Si on fait bien les choses, et que nous pouvons tous nous assurer que cela fonctionne sans créer d’absurdité au niveau de la réglementation, je crois qu’on envoie un message très symbolique au monde afin que tout le monde s’efforce, de façon générale, d’éliminer les essais sur les animaux et de mettre au point des solutions de rechange, scientifiquement, pour éliminer les essais sur les animaux. C’est aussi une façon d’envoyer un message aux organismes de réglementation : lorsque ces méthodes sont mises au point et validées par les organismes de réglementation, il convient de les utiliser comme méthode d’approbation en ce qui a trait à l’industrie.
Il n’y a pas une situation urgente et pressante, et nous ne sauverons pas d’animaux, aujourd’hui, au Canada, parce que je ne crois pas qu’il y ait d’animaux à sauver. Ce qu’on fera en procédant ainsi, c’est envoyer un message très symbolique; il est donc important de peaufiner les moindres détails et de s’assurer de ne pas créer des absurdités en ce qui a trait à la réglementation. Vous pouvez voir le graphique. La tâche peut sembler insurmontable, mais il n’est pas impossible de bien faire les choses. C’est la raison de ce symbolisme.
Le sénateur Dean : Merci de votre exposé. On voit bien vos compétences ministérielles pleines et entières, ici. C’est très impressionnant.
Revenons au 1 p. 100. Nous avons entendu des témoins plus tôt affirmer qu’il y avait déjà des solutions de rechange accessibles aux essais sur les animaux. Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet?
Dans les cas où ce n’est pas possible, il y a une exemption au titre de l’article 18.2 en vertu duquel le ministre peut permettre des essais sur des animaux dans des situations précises. Cette exemption n’est-elle pas assez générale pour dissiper vos préoccupations? Dans l’affirmative, y a-t-il une approche d’exemption réglementaire qui serait un peu plus générale que celle-ci ou qu’on pourrait parfaire afin de dissiper votre préoccupation? Franchement, je regarde tout ça, et j’estime que c’est un problème qui peut être réglé lorsque je regarde les produits.
Premièrement, on nous a dit qu’il y a des solutions de rechange aux essais sur les animaux pour le 1 p. 100. Est-ce vrai ou non?
Deuxièmement, quel est le problème avec l’exemption que nous avons déjà et les pouvoirs ministériels déjà prévus dans le projet de loi?
M. Praznik : Merci, monsieur le sénateur. Veuillez s’il vous plait consulter la deuxième page du document que j’ai distribué. Sous la rubrique « L’élaboration de méthodes de remplacement de l’expérimentation animale », au deuxième paragraphe de la section 2b), je souligne certains des domaines où des solutions de rechange ont été mises au point.
Il ne suffit pas de les mettre au point; les organismes de réglementation doivent juger les méthodes suffisantes.
Le paragraphe suivant précise certains des domaines où la science n’a tout simplement pas encore été capable de produire une solution de rechange aux essais sur les animaux qui soit suffisante pour prouver un aspect toxicologique.
C’est ici qu’il peut y avoir un nouvel ingrédient ou une nouvelle utilisation d’un ingrédient sans qu’il y ait d’autres façons de prouver l’innocuité à la satisfaction d’un organisme de réglementation à part des essais sur des animaux. C’est de ces situations que nous parlons. Les ingrédients qui nous préoccupent particulièrement sont des substances comme les agents de conservation, parce que nous n’en avons pas beaucoup. Vous pouvez voir là où nous avons peu de choix.
Pour revenir à la disposition dont vous avez parlé, le problème, selon nous, c’est qu’il faut un préavis et une audience publique. Nous croyons que les audiences publiques ont probablement été soutenues par certaines personnes parce que, vraiment, quelle entreprise demandera une audience publique pour ensuite être attaquée par un grand nombre de groupes? Qui voudra passer par tout ça? Le jeu n’en vaudra probablement pas la chandelle.
Si vous me permettez, je vais mettre mon ancien chapeau de ministre de la Santé. Lorsqu’on rédige un projet de loi, il est toujours important de prévoir une soupape de sécurité quelconque qu’un ministre peut utiliser dans l’intérêt de la sécurité publique. À notre avis, dans un projet de loi responsable, il doit y avoir une telle mesure. Si on s’en sert, ce pourrait être au sujet d’un agent de conservation.
Je vais vous donner un exemple rapide qui n’est pas tout à fait lié aux essais sur les animaux. Vous connaissez les parabènes. Beaucoup de personnes se sont élevées contre les parabènes. Il s’agit d’un agent de conservation couramment utilisé.
Il y a quelques années, les entreprises ont commencé à adopter un autre agent de conservation appelé MI/MCI, parce qu’il était considéré comme plus sécuritaire que les parabènes. Le problème, c’est que tout le monde l’a adopté, et on a découvert peu après qu’il augmentait la sensibilité de la peau dans 1 ou 2 p. 100 de la population, ce qui est beaucoup. Je ne me souviens pas du nombre exact. Par conséquent, les organismes de réglementation d’Europe et du Canada l’ont interdit dans les produits sans rinçage, et les gens ont dû recommencer à utiliser les parabènes.
On revient à la question de l’innocuité et à la question de savoir comment un ministre peut avoir accès à une soupape de sécurité. De quelle façon l’industrie ou un organisme de réglementation se comportent-ils lorsqu’ils savent qu’un agent de conservation précis est sécuritaire? Ils ont vu les données sur l’innocuité, mais ils ne peuvent pas les utiliser lorsque le produit est considéré comme un cosmétique. De quelle façon peut-on composer avec une telle situation? C’est une question très précise à laquelle nous devons réfléchir afin de trouver une solution.
Je comprends que d’autres diront : « Créez-vous ainsi un moyen détourné d’avoir accès à des essais sur les animaux »? Je comprends cet argument, mais il faut réunir toutes ces parties et dire : « Voilà où nous traçons la ligne », puis trouver une façon de s’assurer de pouvoir quand même répondre à ce besoin public très rare tout en s’assurant qu’il n’y a pas de façon de contourner le principe sous-jacent. Il est là, le défi, et nous sommes déterminés à aider à trouver une solution.
En guise de contexte, je veux aussi ajouter qu’il n’y a pas beaucoup de nouveaux ingrédients. Il n’y a pas beaucoup de nouveautés. Nous sommes toujours en train de faire de nouveaux mélanges et de trouver de nouvelles façons de faire, mais il y a de rares occasions où ça se produit, particulièrement lorsqu’on parle des agents de conservation, et là, ça devient important.
Ce qui nous préoccupe avec la disposition, c’est que nous ne croyons pas qu’elle fonctionnera. De quelle façon peut-on régler ce problème? C’est ça qui est inquiétant. Je crois que nous devons réunir de grands esprits, y compris ceux de Santé Canada, afin de trouver une façon d’y arriver.
Le sénateur Dean : Croyez-vous que la réponse se trouve à l’article 18.2?
M. Praznik : Eh bien, il y a différentes façons de le faire. Vous pourriez donner au ministre le pouvoir de permettre l’utilisation d’un ingrédient lorsqu’il croit qu’il est important de le faire pour des raisons de santé publique et de sécurité.
Lorsque j’étais ministre, une résidence pour personnes âgées au Manitoba tombait en ruines. Ma seule option était de retirer le permis et de mettre 40 personnes dans la rue alors qu’il faisait moins 40, en février, parce que je n’avais aucun pouvoir pour intervenir et faire la bonne chose. J’ai dû supplier les propriétaires de le faire. Nous avons modifié la loi pour donner une prérogative aux ministres dans certaines circonstances.
La protection de la sécurité publique fait partie du tout. Chaque fois qu’on limite la façon dont on peut utiliser un produit, il faut prévoir une soupape de sécurité.
La sénatrice Petitclerc : Vous avez déjà répondu en grande partie à ma question. Vous avez parlé d’un « moyen détourné ». D’après ce que je comprends, et vu tous les témoignages que nous avons entendus, si nous avons déjà ces dizaines de milliers de produits chimiques déjà testés et ces entreprises prospères qui ont prouvé qu’elles peuvent s’en sortir sans essai sur les animaux, d’après ce que j’en comprends, nous ne sommes pas là pour sauver des vies. J’ai de la difficulté à comprendre que des essais, quels qu’ils soient, soient justifiés.
J’ai compris ce que vous avez dit, mais ma crainte, c’est qu’avec ces exceptions, vous estimez… C’est un secteur très important. Il peut y avoir des chevauchements ou même des partenariats, et certains ingrédients peuvent faire l’objet d’essais sous prétexte que c’est pour des médicaments, mais je ne sais pas… C’est peut-être juste moi qui vois là une théorie du complot. J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que vous en avez déjà parlé un peu, mais j’ai l’impression que c’est une crainte justifiée.
M. Praznik : Chaque fois que j’ai été de votre côté de la table et qu’il y avait des enjeux difficiles, ardus et complexes, si on réussissait à réunir toutes les parties — mes collègues, qui représentent ici diverses organisations, Santé Canada et les avocats dans la salle —, on pouvait habituellement trouver une solution.
Je ne veux pas parler pour quiconque, mais si j’étais de l’autre côté et que vous permettiez une exemption... Est-ce qu’on pourrait l’utiliser pour repousser les limites? C’est une crainte légitime. D’un autre côté, on ne peut pas refuser de régler un problème légitime auquel il faut trouver une solution. Il faut trouver une façon d’y arriver.
Nous avons certaines idées à ce sujet, mais, pour être juste, il devrait y avoir plus de personnes dans la salle.
Pour revenir au nœud de votre question, si vous regardez certains des types de produits que nous utilisons, il ne s’agit pas uniquement de produits de beauté, comme un rouge à lèvres ou des cosmétiques colorés. Les « cosmétiques », au Canada, incluent beaucoup de choses, y compris les shampoings. Si vous ajoutez un écran solaire dans un produit, il devient un médicament ou un produit de santé et il sera protégé. On parle de protection solaire, d’hygiène et de toutes ces choses.
Beaucoup de ces produits contiennent de l’eau. Ils peuvent se détériorer, et les bactéries peuvent se propager. Il y a eu une situation en Angleterre, quelques années plus tôt. Quelqu’un appliquait un produit sur un enfant, ce qui réinfectait toujours la blessure, parce que le produit ne contenait pas un agent de conservation approprié. C’est donc une question de santé.
Là où on s’en va — et l’exception confirme la règle, dans une certaine mesure —, c’est dans la catégorie où nous avons le moins d’ingrédients, et la liste raccourcit. Et ce n’est pas seulement nous, mais tout le monde. Un agent de conservation est essentiel à la plupart de ces produits. Si on ferme la porte à un nouvel agent de conservation, comme on l’a vu pour le MI/MCI, que fera-t-on?
Je comprends l’argument : devrions-nous permettre l’utilisation d’un nouvel ingrédient magique qui nous donne tous l’air d’avoir… J’aime dire aux gens que j’ai 85 ans, mais que j’utilise de très bons produits anti-âge, mais vous ne me croiriez pas. Je comprends l’équilibre à trouver, mais, d’un autre côté, comment peut-on fermer la porte? Comment pouvez-vous, en tant que comité, dire, un jour, qu’on ne peut pas utiliser un bon agent de conservation dans un produit parce qu’il a fallu procéder à des essais sur des animaux, nous forçant ainsi à utiliser un agent de conservation de moins bonne qualité qui n’est peut-être pas aussi sécuritaire?
N’oubliez pas que les agents de conservation sont des antimicrobiens. Ce sont des toxines qui tuent des microbes. Leur puissance doit être suffisante pour tuer un microbe, mais pas trop de façon à ne pas être préjudiciable pour les humains qui l’utilisent.
Le président : Monsieur Praznik, c’est une situation dans laquelle on se retrouve souvent. Au bout du compte, la question est la suivante : un produit cosmétique est-il nécessaire au point où il faut utiliser une composante non sécuritaire? Il y a des enjeux plus importants que là où vous semblez vouloir aller, alors passons à autre chose.
M. Praznik : Oui.
La sénatrice Raine : Merci de nous fournir ces renseignements. Je crois comprendre qu’il y a déjà beaucoup de produits… Comme vous l’avez dit dans votre déclaration, nous avons, par le passé, misé sur une utilisation sécuritaire, nous avons des profils d’innocuité bien connus, et il y a beaucoup de produits sur le marché.
Nous nous penchons vraiment sur la question des nouveaux ingrédients dans de nouveaux produits. Qu’est-ce qui nous pousse à vouloir du nouveau si ce qu’on a fonctionne déjà? Est-ce, peut-être, parce que le produit sera moins cher pour le fabricant — on procéderait alors pour des raisons de profits — ou est-ce pour des raisons de commercialisation, pour dire « nouveau et amélioré », « éliminer plus de rides » et ainsi de suite?
Si on procède ainsi pour ces raisons, qu’on franchit la ligne et qu’on affirme qu’il faut réaliser des essais sur les animaux, je ne suis pas à l’aise avec ça. Qu’est-ce qui crée le besoin pour de nouveaux produits cosmétiques?
M. Praznik : Si vous regardez l’historique des produits cosmétiques et de la mode, ce sont des domaines nouveaux. J’ai en mémoire des entreprises qui produisent des cosmétiques colorés sans procéder à des essais sur des animaux, et, chaque année, à tout moment, de 16 à 20 p. 100 de leurs produits sont des nouveautés. Il y a de nouvelles couleurs pour la saison. C’est la nature du secteur. Il y aura toujours de nouveaux produits.
Tous les produits qu’on présente sur le marché sont habituellement créés à partir de produits existants et ne seront pas touchés par ce qu’on fait ici. Le problème concerne les rares occasions où il y a vraiment un nouvel ingrédient ou une nouvelle utilisation pour un ingrédient et qu’il faut en prouver l’innocuité aux organismes de réglementation. Ce n’est pas que l’industrie fait des essais pour améliorer un produit. C’est parce que les gouvernements exigent qu’on mette à l’essai ces substances, et pas seulement pour le produit qui sera offert sur le marché, mais on le fait aussi, au titre de la LCPE, pour connaître les effets environnementaux d’un produit, comme on le fait pour des raisons liées à la santé et la sécurité au travail.
Je comprends votre préoccupation, mais il y aura beaucoup de nouveaux produits, chaque année, madame la sénatrice, et ces produits n’auront pas fait l’objet d’essais sur les animaux. De tels essais n’auront pas été nécessaires. Cependant, il y a de rares situations où des essais peuvent être requis en vertu d’autres cadres réglementaires.
Le président : Cependant, monsieur Praznik, l’objectif du projet de loi n’est-il pas de prévenir ces essais lorsqu’un produit est considéré comme un cosmétique?
M. Praznik : Pouvez-vous répéter, monsieur le sénateur? Je veux m’assurer de bien comprendre ce que vous dites.
Le président : L’objectif du projet de loi n’est-il pas de dire qu’on ne peut pas demander des essais sur des animaux pour un produit qui servira à créer un cosmétique, si c’est le motif principal? Vous êtes ici pour défendre l’industrie des cosmétiques. L’industrie pharmaceutique est tout à fait capable de se défendre.
M. Praznik : Ce que je dis, monsieur le président, c’est qu’il n’est pas nécessaire de réaliser des essais sur un produit, et ce n’est pas requis pour un produit.
Le président : Vous parliez de nouvelles composantes dans un nouveau produit.
M. Praznik : Et notre obligation au titre de la loi actuelle, c’est de produire un produit sécuritaire. Les ingrédients qui nous sont accessibles et sont grandement utilisés dans d’autres choses... Et si on parle d’un nouvel ingrédient — parce que les produits existants ne comptent pas —, vous nous empêcheriez de l’utiliser.
Le président : Exactement.
M. Praznik : Oui.
Le président : Exactement. C’est l’objectif du projet de loi, non?
M. Praznik : Oui. Et notre problème tient à la petite proportion de…
Le président : Exactement. Vous avez beaucoup parlé de tout ce qui entoure la question, mais j’aimerais que nous revenions au cœur du problème. Je veux m’assurer que le comité comprend. Peut-être les membres seront-ils d’accord avec vous, mais il est temps d’en venir au fait.
La sénatrice Raine : Sur la même lancée, disons que nous accordons au ministre le pouvoir discrétionnaire de soustraire ce petit nombre de cas à l’application de la loi, cela pourrait-il se faire?
M. Praznik : Peut-être. Il faudrait d’abord voir le libellé. Avec la formulation actuelle, je ne crois pas que ça fonctionnerait.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie d’être ici. Je dois mentionner que ce projet de loi est au programme depuis un bon moment. Il y a certaines choses que j’ai apprises ici que je n’avais jamais entendues avant aujourd’hui. Je sais que des efforts ont été déployés pendant la rédaction du projet de loi afin de consulter tous les intervenants, vous par exemple, et la Société protectrice des animaux en particulier. Alors le fait de dire que les gens n’ont pas été consultés…
Lorsque vous mettez un nouveau produit sur le marché ou que vous ajoutez un nouvel ingrédient à votre produit, pourquoi ne pouvez-vous pas travailler avec les organismes de réglementation pour contourner la loi ou demander d’en être exempté? Je ne comprends pas. Les lois parfaites n’existent pas, mais celle-ci est aussi parfaite que possible… nous faisons ce que nous pouvons, mais vous voyez trop loin dans l’avenir avec des « peut-être, si, et ».
Il y a de cela quelques années déjà, l’Union européenne a fait la même chose, et le même type d’arguments ont été soulevés. De fait, l’interdiction de l’Union européenne a aussi été contestée, mais la contestation a été rejetée.
Je voulais savoir pourquoi vous croyez que nous devrions améliorer ou réviser le projet de loi? Je ne comprends pas vraiment. Nous avons déjà une disposition de dérogation, alors je ne suis pas sûre de comprendre votre point de vue.
M. Praznik : En un mot : clarté. Les gens concernés par ce projet de loi — ces amendements de la Loi sur les aliments et drogues — que ce soient les gens qui vont devoir faire appliquer les dispositions ou les entreprises qui vont devoir s’y conformer, méritent que le texte législatif soit aussi clair que possible quant à son intention et à ses objectifs.
La façon dont sont formulées quelques dispositions crée de l’incertitude dans certaines situations. Nous avons demandé à Laura de réaliser une analyse des questions soulevées pendant notre discussion afin que vous puissiez envisager de l’utiliser ultérieurement.
La clarté est d’une importance capitale. Vous ne pouvez pas dire aux bureaucrates que votre intention est d’interdire toute donnée tirée de tests sur les animaux, mais qu’il serait peut-être possible de trouver un compromis quelque part.
Pour ce qui est de l’Europe, brièvement, une décision rendue restreignait l’utilisation de données à celles provenant de sources extérieures à l’Union européenne. L’Europe a de la difficulté à utiliser correctement les données provenant d’autres sources. C’est une question en suspens, et aucune décision définitive n’a encore été rendue. Cela n’a pas été mentionné dans la décision du juge avocat souvent mentionnée par les gens.
Si nous décidons d’agir pour atteindre un but commun, pourquoi n’essayons-nous pas de bien faire les choses et d’avoir un texte législatif qui convient à tout le monde et qui pourra être appliqué à long terme sans entraîner de difficulté? Les gens qui vont devoir se conformer à cette loi méritent qu’elle soit claire.
La sénatrice Stewart Olsen : Je ne suis pas de votre avis. J’ai confiance en nos bureaucrates, monsieur. Ils sont assez intelligents pour savoir ce qu’ils doivent faire.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre réponse.
[Français]
Le sénateur Cormier : Pour faire suite à votre dernier commentaire, j’aimerais avoir quelques exemples pour mieux comprendre le manque de clarté à l’intérieur du projet de loi. Pouvez-nous nous donner quelques exemples précis?
[Traduction]
M. Praznik : Je veux demander à Mme Laura Gomez de répondre. Elle a travaillé dans ce domaine.
Laura Gomez, conseillère juridique, Gowling WLG (Canada) LLP, Alliance de l’industrie cosmétique du Canada : L’examen du projet de loi que nous avons mené avec notre client nous a permis de soulever plusieurs préoccupations d’ordre juridique relatives au libellé du projet de loi. Premièrement, il y a la définition de « essai de cosmétiques sur des animaux ». La définition renvoie aux tests effectués dans le but de créer ou de fabriquer des produits cosmétiques. Comme Darren l’a mentionné précédemment, cela suppose d’établir l’intention sous-jacente aux tests au moment où les tests sont menés.
Cela est susceptible d’être mal interprété — d’où le problème de clarté —, parce que les cosmétiques et les ingrédients d’un cosmétique peuvent avoir été testés sur des animaux dans d’autres administrations, dans le but de se conformer aux exigences de la loi ainsi qu’à d’autres exigences réglementaires ou pour justifier l’utilisation dans d’autres types de produits. Donc, il faut clarifier la terminologie utilisée dans la définition de « essai de cosmétiques sur des animaux », puis reformuler la disposition interdisant d’utiliser des données provenant des essais sur des animaux pour un cosmétique donné. Ce que vous voulez faire, c’est essayer de modifier la disposition de façon à retirer ce qui concerne l’intention; il faut que l’interdiction cible l’utilisation de l’information.
Un autre exemple serait la mention des produits cosmétiques finis par rapport à l’interdiction des essais au Canada. C’est la même terminologie.
D’autres problèmes tiennent au fait qu’on n’a pas clairement défini qui est responsable de faire appliquer la loi. Selon le Règlement sur les cosmétiques, ce devrait être le fabricant — un terme bien défini — qui est responsable de communiquer les données permettant d’établir l’innocuité, et c’est aussi le fabricant ou l’importateur qui est responsable d’aviser les personnes appropriées lorsqu’un nouveau produit va être mis en vente.
L’une des dispositions que nous avons proposées clarifie ce qu’on veut dire par « il est interdit à un importateur ou à fabricant de se fier à une preuve ». La loi serait ainsi plus claire pour l’industrie, et il n’y aurait plus d’ambiguïté en ce qui concerne la personne responsable de veiller à la conformité avec la loi dans la chaîne d’approvisionnement mondiale qui existe pour ces produits. De cette façon, on exclut aussi les détaillants et les vendeurs à domicile qui pourraient être visés, vu la portée actuelle du libellé.
Il y a également des dispositions qui restreignent le pouvoir discrétionnaire de l’organisme de réglementation, comme Darren l’a déjà dit, mais il serait possible de clarifier le texte de façon à habiliter le ministre, dans les cas où c’est nécessaire pour protéger ou promouvoir la santé et la sécurité du public, à se servir de son pouvoir discrétionnaire pour autoriser certaines activités.
Le président : Je crois que la discussion sur le sujet a été plutôt constructive jusqu’ici, et nous aurons l’occasion de recueillir d’autres points de vue sur cette question. Je tiens à rappeler à tous que l’objet du projet de loi concerne les ingrédients utilisés dans la création des cosmétiques. C’est important que le comité garde cela à l’esprit.
Je pose la question suivante aux membres du comité : consentez-vous à ce que nous invitions deux représentants de Santé Canada à participer à l’étude article par article?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci beaucoup.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos collègues de Santé Canada. Je tiens à rappeler à mes collègues que nous sommes ici pour étudier le projet de loi, et rien d’autre. Nous ne sommes pas ici pour faire la refonte du système de classification de Santé Canada pour tous les produits qui existent. Ces classifications existent pour une raison, et cela ne nous concerne pas.
La question à laquelle nous devons répondre est de savoir si l’objet du projet de loi, avant toute chose, est pertinent en ce qui nous concerne, et deuxièmement, si le projet de loi n’occasionne pas de nouveaux problèmes ou ne crée pas davantage de confusion, c’est-à-dire que le projet de loi permet raisonnablement d’atteindre les objectifs établis dans le projet de loi lui-même.
Nous avons avec nous des collègues de Santé Canada. Je crois qu’il serait préférable de commencer avec l’étude article par article, et nous demanderons des éclaircissements pour faciliter notre interprétation des dispositions lorsque nous serons arrivés à la partie mentionnée dans les témoignages que vous avez entendus. Je crois qu’il est préférable de procéder ainsi au lieu de demander à Santé Canada de nous présenter un exposé. Je crois que c’est plus pertinent dans la situation actuelle, puisqu’ils sont ici pour ça.
Êtes-vous d’accord?
La sénatrice Dyck : De votre point de vue, j’aimerais savoir pourquoi nous leur avons demandé d’être ici?
Le président : Pour répondre à des questions précises sur des problèmes dans le projet de loi.
La sénatrice Dyck : Je me demandais seulement…
Le président : C’est un projet de loi d’initiative parlementaire, et non un projet de loi émanant du gouvernement.
La sénatrice Dyck : Oui, mais je me demandais aussi, puisque nous savons que Santé Canada envisage également une refonte majeure, si nous pouvions leur demander de nous fournir un survol de cette refonte, relativement au projet de loi. Je crois que ce serait pertinent, dans ce contexte.
Le président : Je crois qu’il vaudrait mieux s’en tenir au projet de loi lui-même. Il nous est impossible de prévoir ce qui s’en vient, et je suppose que c’est aussi vrai pour eux. Ils pourraient nous parler de leurs activités, mais ce n’est pas pertinent pour la séance. Je crois donc que nous allons devoir prendre une décision à propos du projet lui-même. Si l’on pose une question et que ce qui se passe à Santé Canada a un lien direct avec la réponse, je suis certain qu’ils vont nous en parler.
Nous allons commencer l’étude article par article; êtes-vous d’accord?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci. Je vais poser la question officiellement : est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté)?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté. Merci.
Êtes-vous d’accord de suspendre l’adoption du titre?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté.
Êtes-vous d’accord pour suspendre l’adoption de l’article 1, qui contient le titre abrégé?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté. Merci.
Nous en venons maintenant au projet de loi lui-même. Je pose la question : l’article 2 est-il adopté?
Le sénateur Eggleton : J’aurais une question à poser aux représentants de Santé Canada. Je voudrais savoir s’ils ont des commentaires à faire sur les définitions dans le projet de loi. Est-ce qu’il vous serait difficile d’interpréter ces définitions et de faire appliquer la loi?
Geoff Barrett, directeur, Bureau de la gestion du risque, Direction générale, santé environnementale et sécurité des consommateurs, Santé Canada : Je vous remercie de la question ainsi que de nous avoir invités ici aujourd’hui.
En ce qui concerne la façon dont sont formulées les définitions ici, nous n’avons pas de commentaires ou de suggestions précises par rapport à la façon dont cela pourrait avoir une incidence sur nos activités dans un avenir proche. Je suis d’accord pour dire que tout éclaircissement pourrait nous aider à long terme à faire appliquer la loi et dans nos interactions avec les intervenants, mais c’est tout ce que j’ai à dire là-dessus.
Le président : Avez-vous d’autres questions au sujet de l’article 2?
L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 2 est adopté.
L’article 3 est-il adopté?
La sénatrice Stewart Olsen : J’ai un amendement à proposer pour cet article, et j’aimerais l’expliquer brièvement.
La version originale du projet de loi prévoyait d’interdire les essais sur des animaux dès l’entrée en vigueur de la loi. Après y avoir réfléchi, je me suis dit que cela pourrait entraîner des difficultés indues pour les entreprises de produits cosmétiques, c’est pourquoi je crois que l’approche de l’Union européenne serait préférable pour le Canada. Elle a défendu son approche, et maintenant son industrie des cosmétiques et de la beauté est la plus prospère au monde.
Je propose donc que le projet de loi S-214 soit modifié, à l’article 3, à la page 1, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :
« animaux effectués plus de quatre ans après la date d’entrée en vigueur ».
Le président : Je veux que ce soit absolument clair. En l’occurrence, je parle pour moi-même : si je vous comprends bien, vous croyez qu’il y a des activités et des essais en cours qui sont déjà assez avancés, et votre amendement a pour objectif de ne pas entraîner des conséquences non prévues pour les entreprises qui avaient déjà entrepris ce genre d’activités avant que le projet de loi ne soit présenté au Parlement?
La sénatrice Stewart Olsen : C’est exact. Merci.
Le sénateur Eggleton : J’ai une question pour la sénatrice. L’amendement proposé ou plutôt l’article modifié aura-t-il une influence sur les importations?
La sénatrice Stewart Olsen : L’amendement prolongerait la période pour les importations. Mais comme nous l’avons entendu dans les témoignages d’aujourd’hui, les cosmétiques importés aujourd’hui ne font pratiquement jamais l’objet d’essais sur les animaux. Leurs seules objections concernaient ce qui pourrait se passer dans l’avenir : qu’arrive-t-il si cela se produit dans l’avenir? Donc, cela ne touche pas les produits antérieurs ni ce qui se passe durant les quatre prochaines années. Mais je m’attendrais à ce que l’industrie ait le temps de s’adapter en quatre ans.
Le sénateur Eggleton : Au Canada ou à l’étranger?
La sénatrice Stewart Olsen : Exact.
Le sénateur Eggleton : J’aimerais connaître l’opinion de Santé Canada quant aux éléments ou aux ingrédients qui ont également fait l’objet d’essais pharmaceutiques. C’est un fait que les essais pharmaceutiques doivent être faits sur les animaux. Comment l’article modifié influencerait-il la situation?
Emily Contreras, chef d’unité, cosmétiques, Bureau de la gestion du risque, Direction générale, santé environnementale et sécurité des consommateurs, Santé Canada : Je dirais que ce n’est pas tant les essais pharmaceutiques qui nous préoccupent que les autres exigences prévues dans différentes lois, par exemple la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles.
M. Barrett : Encore une fois, notre direction traite beaucoup plus de la réglementation après-vente pour les cosmétiques. C’est très différent de ce que font nos collègues dans d’autres secteurs de Santé Canada, par exemple en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et les produits de santé naturels, où il faut qu’il y ait une vérification préalable à la commercialisation; il faut qu’il y ait des données et des preuves qui confirment l’efficacité alléguée du produit ou son innocuité.
De notre côté, c’est l’après-vente qui nous concerne. Nous surveillons de près les produits finaux et la conformité des entreprises avec les exigences, par exemple celle de fournir la liste des ingrédients d’un produit. Mais en vertu des lois actuelles, la provenance des données et ce qui se fera dans l’avenir ne pèseraient pas dans notre décision sur l’innocuité d’un produit. Je ne suis pas sûr d’avoir répondu à votre question.
Le président : Je crois que vous allez devoir entrer un peu plus dans les détails pour répondre à la question du sénateur. D’après ce que vous dites, on dirait que vous vérifiez la liste des ingrédients, sans plus. En réalité, vous vérifiez la liste des ingrédients, et votre évaluation tient compte de ce que l’on sait de ces ingrédients, n’est-ce pas?
M. Barrett : C’est exact. De fait, nous avons une liste administrative. C’est notre liste critique, où figurent un certain nombre de substances que Santé Canada a examinées. Si une substance est interdite d’utilisation dans les cosmétiques, nous procédons à une étude scientifique pour vérifier pourquoi. Dans d’autres cas, l’utilisation de la substance est permise, mais à usage restreint, seulement dans une certaine quantité, et les substances figurent également dans la liste critique des ingrédients des cosmétiques. Nous vérifions aussi dans ce cas l’innocuité de la substance. Actuellement, toutefois, nous ne nous intéressons pas à l’endroit d’où proviennent les données scientifiques sur l’efficacité ou l’innocuité. Si cela devient une exigence imposée pour les ingrédients des cosmétiques, nous allons devoir prendre des mesures pour vérifier cela, pour nous conformer à la nouvelle exigence et l’appliquer.
Le sénateur Eggleton : Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. L’article prévoit d’interdire les produits cosmétiques fabriqués par un procédé comportant des essais sur des animaux, et l’amendement précise que ce sera « quatre ans après la date d’entrée en vigueur ».
Donc, disons que l’industrie des cosmétiques crée un nouveau produit, et l’un des ingrédients du produit a fait l’objet d’essais sur des animaux à des fins pharmaceutiques. Selon votre interprétation, cela veut-il dire que l’industrie ne pourrait pas utiliser ce produit pharmaceutique qui a déjà fait l’objet d’essais obligatoires à des fins pharmaceutiques?
M. Barrett : Notre interprétation du texte est que non, l’ingrédient ne pourrait pas être utilisé dans les cosmétiques, même si les essais étaient à d’autres fins. C’est ce que je comprends après avoir lu le texte.
Mme Contreras : Selon moi, ce n’est pas vraiment l’alinéa 16d) qui est applicable à ce sujet, mais plutôt l’article 18.1.
Le sénateur Eggleton : Les essais autorisés par le ministre, oui.
Le président : Soyons clairs : si nous comprenons bien, il semble, à première vue, que cela ne règle pas le problème, et si l’industrie décidait de faire pression pour qu’un produit soit accepté, il faudrait que le ministre l’autorise, comme cela est mentionné plus loin dans le projet de loi, oui?
Mme Contreras : Excusez-moi, peut-être que j’ai une version différente, mais dans la version du projet de loi, l’article 18.1 dit : « Il est interdit de présenter ou d’utiliser une preuve découlant d’essais sur des animaux effectués après l’entrée en vigueur ». J’imagine que cela concerne ce qui peut être utilisé ou présenté pour établir l’innocuité d’un produit cosmétique. Dans ce cas, oui.
Le président : Et cette interdiction pourrait être levée à la discrétion du ministre établie à l’article suivant, exact?
Est-ce clair pour tous? Merci beaucoup.
La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à la sénatrice Stewart Olsen. C’est à propos de la période de quatre ans. Est-ce que cela reflète ce qui s’est fait dans l’Union européenne?
La sénatrice Stewart Olsen : Oui, effectivement.
La sénatrice Petitclerc : Je voulais poser exactement la même question. Merci de la réponse.
La sénatrice Dyck : J’ai une question pour la sénatrice Stewart Olsen.
Plus tôt, quand vous avez présenté le projet de loi en deuxième lecture, vous avez mentionné les États-Unis et le fait qu’ils préparaient une loi similaire.
La sénatrice Stewart Olsen : Oui.
La sénatrice Dyck : Est-ce déjà fait, et ont-ils ajouté le même genre de réglementation que vous?
La sénatrice Stewart Olsen : Je sais qu’ils ont un projet de loi similaire. Il a été déposé au Congrès, alors ils en sont environ à la même étape. Tout le monde semble se diriger dans cette direction, et j’aimerais que le Canada soit un chef de file ou l’un des chefs de file en Amérique du Nord à ce chapitre, mais c’est un souhait personnel. Je suis passablement convaincue que c’est ce qui va arriver.
La sénatrice Dyck : L’article à l’étude présentement interdirait-il, essentiellement, la vente de cosmétiques aux États-Unis si les Américains procédaient à des essais sur des animaux dans la fabrication de leurs cosmétiques?
La sénatrice Stewart Olsen : Je n’ai pas vu leur projet de loi.
La sénatrice Dyck : Je parle du nôtre.
La sénatrice Stewart Olsen : Oui, dans quatre ans, si un produit est fabriqué aux États-Unis avec un ingrédient qui a fait l’objet d’essais sur les animaux, alors il faudrait l’autorisation du ministre pour qu’il soit vendu au Canada. En ce qui concerne les cosmétiques importés actuellement, cela ne change rien.
La sénatrice Raine : On a déjà répondu à ma question.
Le président : Je vais lire la motion. Il est proposé par l’honorable sénatrice Stewart Olsen que le projet de loi S-214 soit modifié, à l’article 3, à la page 1, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit... Me dispensez-vous de le lire?
Des voix : D’accord.
Le président : Êtes-vous prêts pour la mise aux voix?
Des voix : Oui.
Le président : L’amendement est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’amendement est adopté.
L’article 3 modifié est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 3 modifié est adopté.
L’article 4 est-il adopté?
La sénatrice Omidvar : La période de quatre ans doit-elle être mentionnée à nouveau ici aussi?
La sénatrice Stewart Olsen : C’est exactement pour cette raison que notre conseillère juridique…
La sénatrice Omidvar : Donc, cela n’a aucune incidence sur les autres articles?
La sénatrice Stewart Olsen : À l’article 5.
La sénatrice Omidvar : Il est question de l’article 4 ici.
Le président : Ce qu’elle veut dire, c’est que cela revient à l’article 5, mais la conseillère juridique était d’avis que cela ne concernait pas l’article 4. C’est ce qu’elle a répondu.
La sénatrice Omidvar : D’accord, si vous en avez la conviction.
La sénatrice Stewart Olsen : J’ai confiance en son avis juridique.
Le président : Pas de commentaires. Excusez-moi, j’avais quelque chose dans la gorge.
La sénatrice Dyck : Est-ce que cela veut dire que nous interdisons les essais de cosmétiques sur des animaux au Canada dès l’entrée en vigueur du projet de loi, mais que nous donnons un passe-droit aux pays desquels nous importons?
La sénatrice Stewart Olsen : Non. Je laisse à l’industrie une période d’adaptation de quatre ans.
Le président : La réponse est que cela s’appliquera partout, sur toute la ligne.
La sénatrice Dyck : Vous dites que l’interdiction des essais sur les animaux va entrer en vigueur au Canada immédiatement.
Le président : Il est clairement indiqué : « essais de cosmétiques sur des animaux effectués plus de quatre ans après la date d’entrée en vigueur ». Cela devrait s’appliquer aux produits de toute origine.
La sénatrice Stewart Olsen : Oui, effectivement.
La sénatrice Dyck : Pour la création ou la fabrication?
Le président : Selon la marraine du projet de loi, c’est censé s’appliquer à toutes les sources.
Le sénateur Eggleton : Les représentants de Santé Canada croient-ils que l’article 4 pourrait entraîner des problèmes ou des difficultés?
M. Barrett : Non, pas du tout.
Le président : Y a-t-il d’autres questions?
Êtes-vous prêts à ce que je mette l’article 4 aux voix?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 4 est adopté.
L’article 5 est-il adopté?
La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Pour les mêmes raisons, je propose que le projet de loi S-214 soit modifié, à l’article 5, à la page 2, par substitution, à la ligne 10, de ce qui suit :
« effectués plus de quatre ans après la date d’entrée en vigueur du présent ».
Le président : La motion a-t-elle bien été comprise? Y a-t-il des questions?
Le sénateur Eggleton : J’ai une question. Votre motion concerne-t-elle uniquement l’article 18.1 ou tout ce qui est compris dans l’article 5?
La sénatrice Stewart Olsen : L’article 5 au grand complet, oui.
Le sénateur Eggleton : Dans ce cas, on mentionne au paragraphe 18.2(2) ce qui suit :
[…] tient des consultations publiques avant d’émettre une autorisation en vertu du paragraphe 1 […]
Qu’est-ce que cela implique? De quel genre de consultations publiques parle-t-on? Est-ce qu’il y a une procédure de prévue? Peut-être que Santé Canada pourrait nous répondre. Y a-t-il une procédure que vous suivez actuellement lorsque vous tenez des consultations publiques à ce sujet? Est-ce que c’est publié dans la Gazette du Canada ou quelque chose du genre? Qu’est-ce qu’on veut dire?
M. Barrett : C’est exact. Nos consultations font l’objet d’une publication dans la Gazette du Canada pendant 60 jours, sauf indication contraire.
Le sénateur Eggleton : Je comprends comment vous interprétez l’article, d’accord.
Mme Contreras : Puis-je ajouter quelque chose? Cela s’applique aux consultations réglementaires. Peut-être qu’il faudrait un amendement au règlement dans ce cas, mais je n’en suis pas sûre.
La sénatrice Stewart Olsen : Je crois que oui, parce que cela concerne les essais sur des animaux liés aux cosmétiques. C’est là l’objet du projet de loi, mais je crois que les consultations publiques resteraient du ressort du ministre.
Le sénateur Dean : Dans tous les cas, l’article 18.2 ne serait pas applicable avant quatre ans, n’est-ce pas?
Le président : C’est exact.
L'honorable sénatrice Stewart Olsen propose que le projet de loi S-214 soit modifié, à l’article 5, à la page 2, par substitution, de la ligne 10, de ce qui suit :
« effectués plus de quatre ans après la date d’entrée en vigueur du présent »
C’est ce qu’on veut ajouter. Le comité comprend-il bien la motion? Êtes-vous prêts à ce que je mette la motion aux voix?
Des voix : Oui.
Le président : L’amendement est adopté.
L’article 5 modifié est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 5 modifié est adopté.
Nous sommes de retour à l’article 1. L’article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté. Le titre est adopté.
Le projet de loi, tel qu’amendé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le projet de loi, tel qu’amendé, est adopté.
Est-ce que le comité veut annexer des observations au rapport?
Des voix : Non.
Le président : D’accord. Aucune observation ne sera annexée.
Est-il convenu que je fasse, à titre de président, rapport de ce projet de loi tel qu’amendé au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord. Merci beaucoup.
Chers collègues, selon moi, vous avez posé de très bonnes questions aujourd’hui, des questions bien importantes, parce que l’information que nous avons reçue aujourd’hui aurait pu rendre difficile la compréhension exacte de ce que nous avions devant nous. Je pense franchement que nous avons été en mesure de démêler tout cela et avons compris, au bout du compte, exactement ce dont il était question.
Je tiens à féliciter la sénatrice Stewart Olsen de sa patience, au cours des mois qu’il a fallu pour tout cela. Je vous présente nos félicitations au nom du comité et je tiens à remercier les représentants de Santé Canada, de leur présence. Vous nous avez beaucoup aidés aujourd’hui, merci beaucoup.
(La séance est levée.)