Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 30 - Témoignages du 19 octobre 2017
OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada, se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude du projet de loi.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Mon nom est Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je suis président du comité. J’inviterais mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant par mon collègue à ma droite.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président du comité.
Le président : Je tiens à rappeler au public que nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada.
Nous accueillerons aujourd’hui deux groupes de témoins. Notre premier groupe est composé de Carolyn Pullen, directrice, Politiques, représentation et planification stratégique, Association des infirmières et infirmiers du Canada; du Dr J. David Henderson, président, Société canadienne des médecins de soins palliatifs; et du Dr Frank Molnar, président, Société canadienne de gériatrie. Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau.
Ceci dit, j’inviterais les témoins à nous présenter leur exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres.
Carolyn Pullen, directrice, Politiques, représentation et planification stratégique, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
Je suis infirmière autorisée et directrice des politiques pour l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Notre association professionnelle nationale représente plus de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés et infirmières et infirmiers de première ligne de toutes les provinces et de tous les territoires du pays. Je suis fière de dire que l’AIIC compte parmi ses membres 1 350 infirmières et infirmiers ayant obtenu la certification spécialisée de l’AIIC en soins de fin de vie et en soins palliatifs.
L’AIIC appuie le projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada. En mars dernier, nous avons présenté au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes nos recommandations relativement au projet de loi concerné. Le comité a adopté la plupart de nos recommandations et nous continuons d’appuyer la version du projet de loi adoptée par la Chambre des communes.
Je suis ici, aujourd’hui, pour vous formuler quatre recommandations visant à renforcer davantage un régime complet de soins palliatifs au Canada.
Premièrement, il faut accorder une plus grande place à l’approche palliative des soins. Je vous présente cette recommandation aux fins de considération.
Nous recommandons l’adoption d’une approche palliative des soins axée sur la planification préalable des soins. Cette approche fondée sur des données probantes vise à améliorer la qualité de vie des patients atteints d’une maladie limitant leur espérance de vie en réduisant la souffrance des patients grâce à une identification, à une évaluation et à un traitement précoces répondant à leurs besoins physiques, culturels, psychosociaux et spirituels. Grâce à l’éducation et à la formation, les membres d’une équipe intégrée de soins pourraient adopter une approche palliative des soins, peu importe le milieu de soins de santé.
Comme vous l’ont déjà dit d’autres témoins, une telle approche permettrait non seulement d’améliorer les expériences de fin de vie des patients et de leur famille, mais aussi la qualité et la durabilité d’un système de soins de santé financé par les fonds publics.
Afin de renforcer davantage le projet de loi, nous proposons de modifier l’alinéa 2(1)a) afin qu’il se lise comme suit : « d’établir en quoi consistent les soins palliatifs et l’approche palliative des soins. »
Deuxièmement, nous encourageons le comité à soutenir l’élaboration et la mise en place des normes fondées sur des données probantes pour des soins palliatifs intégrés.
Il n’existe actuellement aucune politique ou norme nationales fondées sur des données probantes pour assurer la mise en place d’une approche palliative des soins dans l’ensemble du continuum de soins. De plus, il n’existe aucune méthode normalisée et largement adaptée pour guider les fournisseurs de soins de santé, y compris les infirmières et les infirmiers, sur le moment et la façon de mettre en place une approche palliative des soins.
L’absence d’informations complètes et de grande qualité sur la santé empêche également la conception et la prestation de soins palliatifs. Peu importe la région, nous manquons toujours de définitions de données cohérentes et de systèmes de collecte de données interopérables. Il est difficile, voire impossible, de partager et de lier des données sociales et sur la santé.
Les données ne tiennent pas compte des populations mal desservies, comme les Premières Nations, Inuits et Métis, ce qui nuit à notre capacité à comprendre, à évaluer et à améliorer les soins dont ont besoin ces populations.
Incapables de suivre et de comparer leur rendement, les provinces et territoires sont limités dans leur capacité à comprendre les soins palliatifs qui doivent être améliorés, où et comment. Des normes nationales pour des soins palliatifs intégrés ainsi que des données complètes de grande qualité nous aideraient beaucoup à mieux comprendre les lacunes du système et l’impact de ces lacunes sur les initiatives d’amélioration de la qualité.
Par conséquent, nous recommandons que l’alinéa 2(1)d) soit modifié afin qu’il se lise comme suit : « de promouvoir la recherche ainsi que la collecte de données sur les indicateurs liés aux normes nationales fondées sur des données probantes en ce qui concerne les soins palliatifs. »
Troisièmement, l’AIIC convient de la nécessité de mettre en œuvre une campagne nationale sur les soins palliatifs qui comprendrait de l’information sur les programmes du gouvernement fédéral destinée aux aidants naturels.
Une fois que la loi aura été adoptée, la ministre de la Santé pourra jouer un rôle important dans la sensibilisation du public, notamment les patients et les aidants naturels.
Dans un rapport publié récemment, le Partenariat canadien contre le cancer met en lumière des facteurs clés en appui à une expérience en douceur pour les patients. Les infirmières et infirmiers jouent un rôle essentiel et central en matière de communication et de navigation en dirigeant et en soutenant des équipes de soins, y compris les patients et leur famille, et en assurant des transitions en douceur en matière de soins.
Nous savons depuis longtemps que les expériences les plus positives pour les patients sont lorsque les soins sont axés sur le patient et sa famille et que les modèles utilisés correspondent aux préférences des patients et de leur famille.
Le fait que la majorité des décès au Canada surviennent encore dans les hôpitaux, alors que la grande majorité des Canadiens nous disent qu’ils préfèrent mourir à la maison ou dans un milieu semblable, montre qu’il y a encore du travail à faire.
En tant qu’association, nous nous assurons de promouvoir des modèles palliatifs prometteurs et sommes fiers d’aider les infirmières et infirmiers du Canada à obtenir leur certification spécialisée.
Finalement, nous soutenons une recommandation clé proposée par l’Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, la CINA, dans le cadre de sa présentation prébudgétaire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Ensemble, nous demandons au gouvernement fédéral d’investir annuellement 25 millions de dollars sur quatre ans pour améliorer les services de soins à domicile, y compris les soins palliatifs, afin de répondre aux besoins des communautés autochtones rurales et éloignées.
Tous les ordres de gouvernement doivent soutenir la prestation équitable de services aux populations autochtones du Canada, y compris l’accès dans les réserves et les régions locales et éloignées à des services de soins de grande qualité et adaptés à leur culture.
Une approche durable serait que tous ceux qui prennent soin de patients en fin de vie comprennent ce qu’est une approche palliative des soins et aient accès aux outils disponibles pour assurer la prestation de ces soins.
Nous soutenons également la recommandation de la CINA d’intégrer les connaissances et pratiques de guérison autochtones dans le cadre de la prestation de services et de la gestion des patients atteints de maladies chroniques et qui nécessitent des soins de fin de vie. Nous travaillons avec la CINA afin de trouver les meilleures façons d’intégrer les connaissances autochtones dans les services de soins à domicile et la prestation de ces services.
En terminant, j’insiste pour dire que l’AIIC défend ardemment le recours à des soins palliatifs de grande qualité et l’adoption d’une approche palliative des soins accessibles à tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, et dans les milieux qui répondent le mieux à leurs besoins individuels.
Merci. Je suis impatiente de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Dr J. David Henderson, président, Société canadienne des médecins de soins palliatifs : Je crois qu’il convient de donner un peu de contexte, étant donné la forte représentation maritime au comité. Je suis consultant en soins palliatifs. J’ai grandi au Nouveau-Brunswick et fait mes études de médecine à Terre-Neuve, mais je vis et travaille maintenant en Nouvelle-Écosse.
La Société canadienne des médecins de soins palliatifs représente plus de 500 médecins travaillant à titre de consultants en soins palliatifs ou médecins de famille ou autres types de médecin ayant un intérêt particulier pour les soins palliatifs.
Les médecins de ce groupe font beaucoup d’enseignement et dirigent de nombreux programmes de soins palliatifs à l’échelle du pays. Cela nous donne une bonne idée de ce qui est enseigné quotidiennement dans les centres d’études dans les régions rurales, éloignées et urbaines du pays.
Mme Pullen a très bien décrit certaines des préoccupations entourant la normalisation et les lignes directrices nécessaires à l’échelle du pays pour uniformiser les règles du jeu. Je ne répéterai pas ce qu’elle a dit.
Je tiens à rappeler deux choses. Notre taux de mortalité est toujours de 100 p. 100. La littérature parle bien d’un cas survenu il y a environ 2 000 ans, mais, depuis, le taux de mortalité est de 100 p. 100.
Nous sommes dans une courbe ascendante en ce qui a trait au vieillissement. En 2011, environ 14 p. 100 de la population était âgée de 65 ans ou plus. Vers 2025, nous serons environ 20 p. 100 à faire partie de ce groupe, dont moi. D’ici 2061, jusqu’à 25 p. 100 de la population, y compris un de mes enfants, aura 65 ans ou plus.
Nous devons également réfléchir à demain. La courbe dans laquelle nous nous trouvons s’accentuera de façon exponentielle au cours des 30 ou 40 prochaines années. Les décisions que nous prenons aujourd’hui auront non seulement un impact sur nos vies, mais également sur la vie de nos enfants et petits-enfants. Nous devons en être conscients.
J’aimerais parler de quelques-uns des écarts qui ont été identifiés. Nous avons des problèmes en matière de ressources humaines. Dans de nombreux endroits au pays, les citoyens n’ont toujours pas accès à de bons soins primaires, à des médecins de famille ou à des soins à domicile. Si l’on regarde un peu plus loin, ils sont aussi nombreux à ne pas avoir accès à des médecins, à des infirmières et infirmiers, à des travailleurs sociaux et à des pharmaciens, notamment, ayant une formation supplémentaire en soins palliatifs pour soutenir les fournisseurs de soins primaires qui font la majorité du travail.
Il ne faut pas oublier également que nous sommes inclus dans le vieillissement de la population. Y aura-t-il suffisamment de ressources humaines pour nous remplacer et combler ces écarts lorsque nous prendrons notre retraite ou mourrons?
Concernant les écarts sur le plan public, le problème de l’accès a déjà été identifié à l’échelle du pays. L’accès à des soins à domicile est important pour toutes les communautés, y compris les communautés autochtones. Maintenant que nous vivons plus longtemps, la situation se complique davantage. Selon certaines études, alors que les gens de plus de 65 ans vivent plus vieux, ils seront atteints de deux comorbidités graves ou plus. Plus ils approchent la fin de leur vie, plus ils seront atteints de conditions qui, combinées, compliqueront leurs situations.
Nous devons également nous pencher sur la situation des aidants naturels. Habituellement, plus nous vieillissons et approchons de la fin de notre vie, nos partenaires, nos familles et nos aidants naturels vieillissent eux aussi. Dans un pays où les familles ont tendance à être dispersées, il n’est pas inhabituel que des partenaires soient tous les deux octogénaires ou nonagénaires. C’est un autre problème. Nous devons être prêts à devenir des aidants naturels et nous ajuster en conséquence.
Comme d’autres l’ont déjà souligné, nous avons besoin d’indicateurs, de normes et de mécanismes de rapport et de surveillance nationaux pour mettre la barre de niveau afin de mettre en place un bon système durable et efficace pour l’ensemble du pays.
J’aimerais maintenant formuler un commentaire au sujet de l’aide médicale à mourir. Lorsqu’il n’y a pas d’autre choix, l’aide médicale à mourir n’est pas un choix. Toutes les études et recherches documentées sur l’élaboration et la légalisation de l’aide médicale à mourir montrent qu’il est pratiquement obligatoire de disposer d’un bon système de soins palliatifs durable dans l’ensemble du pays pour éviter que les gens aient à faire des choix, parce qu’ils n’ont pas accès à des soins palliatifs de bonne qualité.
L’adoption et la mise en œuvre de ce projet de loi permettront d’assurer la prestation de soins palliatifs et de satisfaire aux exigences du gouvernement fédéral. Les Premières Nations, Inuits, membres actifs des Forces canadiennes, vétérans admissibles, détenus dans les pénitenciers fédéraux et certains groupes de demandeurs d’asile dépendent tous du gouvernement fédéral pour des soins de bonne qualité.
La Loi canadienne sur la santé stipule que tous les Canadiens doivent bénéficier d’un accès universel et complet aux soins. L’adoption du projet de loi C-277 assurera la mise en place de normes canadiennes pour l’accès à des soins palliatifs de qualité pour les gens de tous âges — y compris les enfants, il ne faut pas oublier cette population — ainsi que pour toutes les régions géographiques et pour tous les diagnostics.
Nous tentons de souligner que beaucoup de bons travaux ont été accomplis au pays et que le gouvernement fédéral a joué un rôle à cet égard en finançant l’élaboration de l’initiative Aller de l’avant. Cette initiative offre un bon cadre pour le fonctionnement d’un programme ou de lignes directrices nationales, mais il faut investir dans les mesures de suivi et la mise en œuvre de ce genre de lignes directrices. Il a été démontré qu’il est possible de disposer d’un système de prestations de services rentable et de grande qualité pour venir en aide aux Canadiens atteints de maladies graves.
Pour la plupart d’entre nous, c’est logique. Nous savons que c’est nécessaire, mais, au bout du compte, quelqu’un doit payer. La SCMSP a présenté un rapport au gouvernement l’an dernier. Celui-ci est disponible sur notre site web; vous pouvez donc le consulter. Ce rapport porte sur la rentabilité des soins palliatifs. La littérature nous apprend qu’un tel système peut permettre de réduire jusqu’à 30 p. 100 des coûts et libérer des ressources limitées, comme des lits aux soins intensifs occupés par des gens qui n’ont pas besoin d’être là.
Nous recommandons l’adoption du projet de loi C-277. Toutefois, celui-ci doit être accompagné d’un certain investissement. Le gouvernement fédéral doit assurer une certaine surveillance pour faire progresser ce dossier.
Nous ne voulons pas d’une grande organisation bureaucratique. De bons travaux ont déjà été accomplis et je crois que les résultats de ces travaux doivent être mis en œuvre par un petit groupe compétent et souple capable de solliciter la participation d’intervenants clés au moment opportun afin d’assurer la réussite de cette initiative.
Je vais m’arrêter ici. Je suis impatient de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Il est ironique que je dirige cette discussion. Ceux qui connaissent l’histoire comprendront immédiatement.
Docteur Molnar, vous avez la parole.
Dr Frank Molnar, président, Société canadienne de gériatrie : Merci de me donner l’occasion de m’exprimer sur une question qui touche la vie de tous les Canadiens. Je proposerai une approche complémentaire et parlerai des soins palliatifs et de la façon de mieux les soutenir.
À titre de spécialiste en médecine gériatrique, je soigne les aînés dans les années, les mois et les jours qui précèdent le moment où ils optent pour des soins palliatifs. La préparation de ces soins, y compris les discussions sur la planification préalable des soins et les objectifs des soins, ne peut ni ne doit être séparée du cadre de soins palliatifs. Ces discussions préalables créent la base de l’expérience des soins palliatifs.
Avant d’amorcer la prestation de soins palliatifs, nous sommes confrontés à trois défis importants. D’abord, les patients et leurs proches ne sont pas prêts à discuter de la planification préalable des soins et des soins palliatifs. Il existe d’excellentes ressources sur la planification préalable des soins qui sont fondées sur des données probantes, par exemple, la trousse « Parlons-en », disponible à l’adresse www.planificationpréalable.ca.
Malheureusement, les patients et fournisseurs de soins nous ont dit qu’ils ne savent pas comment utiliser les ressources de planification préalable des soins. Ils ont peut-être lu la trousse, mais ne savent pas comment entamer la discussion. Ils ne savent pas vraiment quoi dire. Ils jugent également que le document n’est pas assez précis et qu’il n’offre aucun renseignement détaillé sur les maladies courantes, comme la démence, l’insuffisance cardiaque congestive et la maladie pulmonaire chronique, pour leur permettre d’anticiper et d’aborder la trajectoire et les symptômes attendus. L’information fournie est très générique.
Parmi les solutions possibles, il y a l’élaboration d’une stratégie de formation améliorée pour les patients et leur famille sur la façon de tenir des discussions sur la planification préalable des soins. Ces compétences se traduiront finalement en amélioration des compétences pour tenir des discussions sur la fin de vie. Ces compétences sont les mêmes.
Une autre solution éventuelle est de travailler avec d’autres spécialités pour élaborer des modules propres aux maladies pour des maladies communes entraînant le décès, y compris la démence, l’insuffisance cardiaque, la maladie pulmonaire chronique et le cancer. On pourrait ensuite intégrer ces modules à des ressources de planification préalable aux soins dont la trousse « Parlons-en ». C’est le premier défi.
Le deuxième défi est que les médecins ne sont pas prêts à discuter de la planification préalable des soins et des soins palliatifs. Les médecins sont mal formés sur les derniers stades de la maladie et ne savent pas toujours comment les reconnaître et y réagir. Il arrive donc qu’ils ne discutent pas de cette planification préalable à temps.
À l’hôpital, souvent, nous ne nous apercevons pas qu’un patient est en train de mourir sous nos yeux. Nous attendons si longtemps qu’il ne lui reste plus que quelques jours à vivre. Nous n’avons pas le temps de négocier un processus excessivement complexe pour planifier des soins palliatifs communautaires afin de préparer un patient à mourir chez lui, entouré de ses proches. Le processus devient très précipité, et les familles sont traumatisées et sous le choc.
Des solutions éventuelles pourraient être d’élaborer une stratégie de formation pour les fournisseurs de soins de santé concernant la façon de reconnaître les signes qu’un patient a atteint les derniers stades de la maladie. Nous pouvons fournir un article sur l’insuffisance cardiaque pour illustrer ce point. Le fait de reconnaître qu’un patient a atteint les derniers stades de sa maladie pourrait donner lieu à des discussions plus détaillées et éclairées sur la planification préalable des soins et les objectifs de soins.
Pour ce faire, il faut deux choses. Nous avons besoin de codes de facturation provinciaux pour la planification préalable des soins afin d’encourager les médecins à tenir cette discussion difficile sans précipiter les choses. Nous avons également besoin de modules de formation en ligne et en classe pour former les médecins sur la manière de discuter de la planification préalable des soins. Ces ressources de formation doivent être accréditées par le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
Le troisième défi, dont vous avez déjà entendu parler, est que la formation est inadéquate en soins palliatifs pour les fournisseurs de soins de santé qui soignent des patients mourants. Dans les hôpitaux, la plupart des médecins et des infirmiers ne sont pas formés pour offrir des soins palliatifs. Par conséquent, nous utilisons souvent les mauvais médicaments ou les mauvaises doses. Nous utilisons des doses trop faibles par crainte d’accélérer la mort. Cela cause souvent des souffrances inutiles aux patients et aux membres de la famille.
Quelques solutions possibles pourraient inclure l’élaboration d’une approche qui reproduit l’approche de réanimation cardiorespiratoire. Nous avons une réanimation cardiorespiratoire, ou RCR, et une réanimation cardiorespiratoire spécialisée qui prévoit l’administration de médicaments et l’intubation.
Pouvons-nous également élaborer des approches de soins palliatifs de base pour les premières heures et les premiers jours jusqu’à ce que l’équipe des soins palliatifs puisse arriver pour prodiguer des soins palliatifs avancés?
Pouvons-nous demander que chaque service ou aile pour les patients à risque de mourir aient suffisamment de professionnels en soins palliatifs, des gens certifiés en soins palliatifs de base, pour assurer une disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7?
Pour les spécialistes qui sont encore en formation, pouvons-nous demander au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada d’intégrer les soins palliatifs de base à la formation et aux exigences relatives aux permis de tous les spécialistes qui pratiqueront dans des domaines où ils prendront soin de patients mourants?
Pour les médecins praticiens qui ont déjà réussi leurs examens et qui n’ont pas besoin de faire les examens menant à l’obtention d’un permis, pouvons-nous élaborer des modules de formation en ligne accrédités et des cours en temps réel pour enseigner les soins palliatifs de base?
Une approche complémentaire pourrait être une approche s’inspirant des protocoles utilisés dans les hôpitaux. Nous avons des protocoles pour différents problèmes comme la douleur. Pouvons-nous élaborer des protocoles de soins palliatifs de base qui décrivent les médicaments courants pour commencer pouvant être adaptés à une maladie précise telle qu’une insuffisance cardiaque, ainsi que les doses requises pour combler les lacunes sur le plan des connaissances et surmonter la réticence à administrer des doses plus élevées par crainte de précipiter la mort?
Rien ne remplace les soins palliatifs que les équipes sont en mesure d’offrir. Leur contribution va bien au-delà des médicaments. Elle se manifeste notamment par la compassion, les connaissances, la sagesse et l’expérience qui entrent en ligne de compte dans leurs interactions avec les patients et leur famille lorsqu’elles les conseillent et les appuient. Les idéaux décrits ne visent pas à remplacer les soins palliatifs avancés mais plutôt à s’assurer que certains soins palliatifs de base sont offerts avant l’arrivée de l’équipe de soins palliatifs, et à veiller à ce que les équipes aient des partenaires compétents avec qui travailler. Cela ne change rien au fait que nous avons besoin de plus d’investissements dans les soins palliatifs, comme les intervenants précédents l’ont expliqué.
J’espère que certaines de ces idées en amont d’une spécialité qui porte sur les soins palliatifs seront utiles. Merci.
Le président : Je m’aperçois qu’un grand nombre de membres du comité ne comprendront peut-être pas mon allusion au navire, mais c’est le Bluenose, qui vient de faire l’objet d’une rénovation majeure en Nouvelle-Écosse. Le gouvernail causait d’énormes problèmes. C’était une remarque très pertinente, alors je voulais vous en faire part.
Nous avons trois témoins. Nous allons poser une question par intervention. Veuillez mentionner à qui vous adressez votre question, si possible. Sinon, je vais nommer l’un des témoins.
Lorsque la première personne aura répondu, les autres témoins auront l’occasion d’intervenir. Ne le faites que lorsque vous avez quelque chose à ajouter, s’il vous plaît, car j’aimerais que nous puissions poser le plus de questions possible aux experts ici présents.
La sénatrice Eaton : Madame Pullen, nous savons qu’il y a une pénurie de généralistes qui sont formés dans le domaine de la gériatrie. Nous avons également entendu parler hier de programmes très intéressants que diverses provinces mènent, dont l’Alberta et la Colombie-Britannique. Comme le président le dit, le problème au pays, c’est que tout est si cloisonné entre les provinces et les instances.
Avez-vous pensé à la façon de faire tomber ces cloisons et de faire en sorte que toutes les provinces et instances partagent les meilleurs programmes?
Mme Pullen : Le rôle d’une association professionnelle nationale consiste à atteindre des buts comme ceux-là. Nous sommes vraiment une plaque tournante dans un pôle et un porte-parole. Nous travaillons en collaboration avec les instances que nous représentons.
Un exemple d’un cas où nous avons essayé de dégager des pratiques prometteuses et exemplaires et de les diffuser le plus largement possible, c’est avec la certification spécialisée du personnel infirmer. Dans 21 domaines spécialisés différents, l’AIIC offre des examens de certification. Un domaine qui a un bon taux de participation serait celui des soins palliatifs.
C’est un exemple de la façon dont nous pouvons encourager le personnel infirmier qui travaille dans un secteur où il interagit fréquemment avec des patients en fin de vie à se spécialiser dans ce domaine et à atteindre ce que nous considérerions comme étant une norme nationale qui devrait être aussi confirmée et éprouvée qu’elle devrait l’être.
La sénatrice Eaton : Partagez-vous ces programmes? C’est ce que je demande. Sont-ils utilisés dans plusieurs instances?
Mme Pullen : Oui. À titre d’exemple, tout membre du personnel infirmier qui remplit les conditions requises pour faire l’examen peut le faire.
Par ailleurs, en tant qu’association nationale, nous avons aussi de nombreuses occasions en ligne et en personne d’apprendre et d’échanger des renseignements. En fait, ces ressources ne sont pas seulement offertes au personnel infirmier. À l’heure actuelle, dans le contexte de l’AIIC, bon nombre des ressources sont mises à la disposition des fournisseurs de soins de santé.
C’est un facteur essentiel à prendre en considération dans le cadre de cette discussion, car dans certains domaines, les ressources seront limitées à une seule discipline. Tandis qu’ils ont peut-être reçu du financement fédéral pour élaborer ces programmes ou ces ressources, cela semble aller à l’encontre de l’objectif de rehausser les normes pour tous les professionnels de la santé afin de pouvoir avoir des pratiques exemplaires, par exemple, dans des soins palliatifs intégrés adoptés par tous les membres de l’équipe.
Nous savons que ces exemples existent dans des régions un peu partout au pays où nous pouvons les cerner et les communiquer. Nous faisons de notre mieux pour les communiquer dans le plus grand nombre possible de disciplines. Nous essayons d’éliminer les obstacles artificiels à l’accès à l’information et de vraiment promouvoir ces modèles. Nous appuyons fermement cette approche, avec les ressources que nous avons, et nous faisons tout pour atteindre précisément ce but.
Le président : Docteur Henderson, avez-vous une remarque rapide à faire?
Dr Henderson : Oui. Je veux parler précisément de cela. Il y a un organisme établi à Ottawa du nom de Pallium Canada, qui a élaboré du matériel didactique qui est disponible partout au pays. Le processus a été mis au point dans l’Ouest, puis a été ensuite utilisé à Ottawa, où la base d’attache se trouve à l’heure actuelle. Du financement fédéral a été versé pour aider à élaborer ce matériel didactique. Il a été conçu de manière à être axé sur les compétences de base. Ce matériel est destiné aux infirmières, aux médecins, aux travailleurs sociaux et aux pharmaciens.
Il y a les approches d’apprentissage essentielles aux soins palliatifs et aux soins en fin de vie. Il y a les concepts fondamentaux que tous les fournisseurs de soins devraient connaître à la fin de leurs études professionnelles. Maintenant, un programme intitulé LEAP pour les soins de longue durée a été créé, qui est axé sur les établissements de soins de longue durée. Une partie de ce programme est destiné au personnel infirmier et aux médecins en soins de longue durée qui travaillent dans ces établissements, mais il y a une partie distincte qui travaille conjointement avec cela, qui met l’accent sur les assistants en soins prolongés ou les préposés aux services de soutien à la personne, selon la terminologie qui est utilisée dans chaque province. Ils représentent la grande majorité des personnes qui œuvrent dans le domaine des soins de longue durée.
Il existe de merveilleux outils nationaux comme ceux qui sont disponibles au pays. Si vous voulez y jeter un œil, consultez le site web pallium.ca.
Le président : Docteur Molnar, avez-vous une remarque à faire rapidement?
Dr Molnar : Je pense qu’il y a d’excellentes ressources. Nous avons besoin de mesures incitatives pour amener les médecins, surtout ceux qui exercent déjà, à commencer à les utiliser. Il y a bien trop de spécialistes qui exercent dans des secteurs où leurs patients meurent, notamment en cardiologie et en pneumologie, qui n’ont pas vraiment d’expérience en soins palliatifs, en planification préalable des soins ou en discussions sur les objectifs des soins. Il y a une énorme lacune. Je ne sais pas si le collège royal a vraiment examiné la question. C’est absolument nécessaire, et nous devons maintenant trouver un moyen d’intégrer et de promouvoir ces soins.
La sénatrice Petitclerc : Merci infiniment de vos exposés et de votre engagement.
Vous avez tous parlé des lacunes et des défis. Le projet de loi prévoit une évaluation du rétablissement du secrétariat, qui était en place de 2002 à 2005, sauf erreur. Je veux savoir comment vous entrevoyez cette possibilité de remettre sur pied le secrétariat.
Dr Henderson : Je pense que le secrétariat serait l’entité centrale qui réunit quelques-uns des intervenants clés. Là encore, notre idée serait que la personne responsable à l’échelle fédérale regroupe des organismes clés de partout au pays, des organismes nationaux, pour commencer à examiner un modèle de mise en œuvre, plutôt que de partir de zéro et de tout reconcevoir, puis d’attirer d’autres intervenants clés à mesure que vous allez de l’avant.
Selon moi, d’autres intervenants clés se tourneraient vers les provinces. Ce qui est bien avec nos organismes nationaux, c’est que nous avons des gens qui travaillent dans toutes les provinces. Dans nos provinces, nous avons établi des relations avec nos gouvernements provinciaux. Il est vraiment important de trouver ces champions dans chaque province et de les regrouper autour de la table afin d’éviter qu’une entité fédérale dicte aux provinces quoi faire. C’est un groupe fédéral qui travaille avec les représentants des provinces pour leur dire : « Il est temps de faire beaucoup mieux que ce que nous faisons à l’heure actuelle. » Là encore, nous savons que nous sommes dans cette courbe de vieillissement de la population. Il n’y a pas de temps à perdre. Nous sommes déjà en retard. C’est ce qui doit se produire.
Le sénateur Eggleton : Merci de vos exposés. Je vais adresser mes questions au Dr Molnar, mais je serais certainement ravi d’entendre l’opinion de tous les témoins à ce sujet.
Le gouvernement fédéral précédent a mis en place l’initiative Aller de l’avant, une approche palliative intégrée aux soins qui a versé quelque 3 millions de dollars sur trois ans. Un cadre a été créé, et je pense que c’est là où le secrétariat entre en ligne de compte. Cela faisait partie du plan.
Comment pouvons-nous passer à l’étape suivante? Plutôt que de simplement réinventer ce cadre, comment utilisons-nous ce que nous avons appris de cet exercice pour assurer une mise en œuvre beaucoup plus exhaustive du programme de soins palliatifs?
Dr Molnar : Je pense que mes collègues sont peut-être plus qualifiés que moi pour répondre à la question de façon plus détaillée. J’aborderais la question du point de vue des hôpitaux et demanderais quels sont les catalyseurs. Les catalyseurs sont les suivants : Pouvons-nous réduire la durée des séjours à l’hôpital? Pouvons-nous économiser de l’argent? Nous le pouvons. Les recherches révèlent que si l’on regarde les soins palliatifs en tant que moyen d’économiser et de réinvestir les ressources ailleurs, alors on a un moteur qui peut être intégré au rôle des hôpitaux et du ministère.
Si les PDG de tous les hôpitaux comprennent que des économies peuvent être réalisées et que nous pouvons transférer les gens là où ils veulent passer leurs derniers jours, alors je pense que vous auriez une mesure solide.
Mme Pullen : J’ajouterais que c’est une évolution. Je ne considère pas comme étant des échecs les initiatives passées qui ont été mises en œuvre puis qui ont stagné ou qui n’ont pas progressé aussi rapidement. Il y avait des étapes.
Lorsque j’ai obtenu mon diplôme en soins infirmiers au début des années 1990, nous ne parlions pas des soins palliatifs. Ces soins ne faisaient pas du tout partie du programme d’études. Or, maintenant, presque 25 ans plus tard, ils font partie intégrante de la conversation qui a été lancée à la suite des débats entourant l’aide médicale à mourir, les changements démographiques, et cetera.
L’étape suivante devrait faire fond sur le travail qui a déjà été effectué, mais je pense que ce peut être fait simplement et rapidement pour nous faire progresser. Je pense que les signaux sont très bons. Vous avez les organismes nationaux et les intervenants dans l’ensemble des services de santé et des services sociaux qui sont au courant des soins palliatifs et qui en parlent. C’est un bon moment de tirer parti d’une crise et de terminer le travail ou de faire d’énormes progrès en vue d’intégrer les soins palliatifs au vocabulaire et à la pratique des professionnels de la santé, peu importe l’environnement.
Dr Henderson : Je suis ravi que le sénateur Eggleton ait soulevé ce point, car c’est une partie importante du travail qui a été effectué et qui peut tracer la voie.
Il y a des éléments clés sur lesquels nous devons nous concentrer. Pour l’avenir, il faut penser à un squelette. Nous devons mettre de la chair sur les os, et il y a quelques mesures que nous devons prendre tout de suite.
Comme Mme Pullen l’a dit, en 1990, il y avait très peu de formation sur les soins palliatifs dans les écoles de soins infirmiers, dans les écoles de médecine, et cetera. Malheureusement, de nos jours, malgré le fait que des compétences fondamentales ont été acquises en soins infirmiers, en travail social, en médecine et en soutien spirituel, le défi est d’intégrer les soins dans toutes les écoles pour que les nouveaux diplômés possèdent ces compétences de base à la fin de leurs études. Cela a été un défi de taille. Nous savons que c’est ce qui s’est passé en médecine, en soins infirmiers, en pharmacie, et cetera. C’est quelque chose que nous devons faire.
À ce niveau national, nous pourrions renforcer ces compétences de base. Nous nous assurons que nos écoles reconnaissent qu’en tant qu’établissements d’enseignement professionnel, elles ne répondent pas aux besoins des Canadiens. Ces compétences de base doivent être intégrées dans les systèmes scolaires pour veiller à ce que tous les nouveaux diplômés aient cette formation dans ces compétences de base. C’est l’approche palliative. Tout le monde en assume la responsabilité.
Une autre mesure doit être prise au niveau fédéral. Nous devons examiner les problèmes liés aux ressources humaines au pays. Nous devons accroître la capacité de tout le monde à faire ce travail, que ce soit le personnel infirmier ou les travailleurs sociaux. Il y a un grand mouvement à l’heure actuelle entourant les collectivités animées par la compassion, dans le cadre duquel on examinera des moyens d’accroître la responsabilité des collectivités à l’égard des soins palliatifs également. Il doit y avoir une structure en place pour examiner les besoins des ressources humaines pour venir en aide aux gens qui offrent ces soins.
Je vais parler un peu des équipes spécialisées. Notre objectif est d’encourager tous les médecins de famille, les gérontologues et les cardiologues à apporter leur contribution, mais ils ont besoin du soutien de l’équipe des soins palliatifs pour obtenir de la formation et des conseils, pour pouvoir poser des questions et pour offrir des soins partagés nécessaires lorsque les cas sont vraiment complexes.
À mon avis, et dans la formule que nous mettons au point à l’échelle nationale, les soins infirmiers seront essentiels. Dans les programmes auxquels j’ai travaillé, les infirmières assurent le leadership à bien des égards, surtout pour ce qui est de la prestation des soins palliatifs. Les infirmières ont l’habitude de travailler efficacement avec les médecins pour que les choses fonctionnent et avancent sur le terrain.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie tous de votre présence ici et de vos exposés. Ma question sera pour vous, docteur Henderson.
Nous avons entendu dire que le projet de loi n’est pas parfait. Bien entendu, aucun projet de loi ne l’est. Cependant, en vertu de celui-ci, des consultations seraient menées dans les six mois et un cadre serait mis au point et présenté au Parlement un an après l’entrée en vigueur du projet de loi. Je dis tout cela parce que des gens nous ont parlé d’amendements possibles, de ce genre de choses.
Je fais remarquer que la Société canadienne des médecins de soins palliatifs recommande l’adoption du projet de loi. En fait, c’est indiqué à la première page de l’exposé que vous avez préparé pour nous, docteur Henderson. Vous dites que l’adoption du projet de loi garantirait l’établissement au Canada de normes sur l’accès à des soins palliatifs de qualité pour les gens de tous les groupes d’âge, y compris les enfants, dans toutes les régions et pour tous les diagnostics. Il est très important pour nous de savoir pourquoi vous nous dites que nous devrions approuver cette mesure législative.
Dr Henderson : Excellente question. J’ai parlé un peu d’un sentiment d’urgence. J’aime ce qu’on a dit à propos de certains amendements. L’accent sur l’approche palliative est essentiel. Je le vois également ici. Une fois que les intervenants uniront leurs efforts, ils se concentreront essentiellement là-dessus. Nous ne pouvons pas dire que nous avons besoin d’un certain nombre d’équipes spécialisées qui s’occuperont de tout le monde. Ce n’est pas ce qu’on veut. Ce n’est pas raisonnable. Cela n’a aucun sens.
Les documents de l’initiative Aller de l’avant nous ont donné une excellente stratégie pour y parvenir. Ce qui nous manque, ce sont les conseils et le soutien pour la mettre sur pied, la formation nécessaire pour les ressources humaines et la sensibilisation du public qui devra avoir lieu afin que les gens comprennent de quoi nous parlons. Nous pouvons le faire au moyen d’une campagne de sensibilisation du public, mais il faut tout de même des troupes sur le terrain, dans les collectivités, pour communiquer l’information, pour en parler et pour sensibiliser non seulement les autres professionnels de la santé, mais aussi nos collectivités.
C’est là qu’il faut commencer pour vraiment changer les choses. C’est grâce à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté que les gens sont au fait des soins palliatifs, dans la mesure où ils peuvent l’être. Nous savions depuis des années que c’était la seule chose qui pouvait retenir l’attention du public, car personne ne veut parler de la mort dans notre culture et notre société. C’est un tabou. Nous vivons dans une société vraiment axée sur la notion que tout est remplaçable, dans laquelle les gens ne veulent même plus de funérailles. Ils veulent passer à autre chose. On n’est pas censé être en deuil. Ils ne veulent pas que cela traîne.
Ce qu’il nous faut en partie, c’est un changement de culture, car la vie ne fonctionne pas ainsi. Le travail sera colossal, mais beaucoup de bonnes choses peuvent se produire, comme on l’observe déjà. Comme nous en avons parlé plus tôt, des choses se font ici et là, à différents endroits d’un bout à l’autre du pays. Comment pouvons-nous en tirer parti pour que cela se fasse partout?
Je travaille dans une région plus petite. C’est un vaste pays. Nous devons faire preuve de souplesse et être capables de nous adapter. Nous devons examiner les technologies qui permettent de communiquer avec les gens des régions éloignées. Il n’y aura pas de spécialiste dans toutes les villes. Les gens doivent avoir accès à l’information. Comme je l’ai déjà dit, les programmes de soins à domicile seront importants. Ils doivent être liés au programme de soins palliatifs pour qu’on sache qui appeler face à une situation donnée.
Tout cela est très faisable. Il n’est pas nécessaire que cela coûte beaucoup plus cher. Nous devons investir dans les ressources humaines. Encore une fois, les études montrent que nous pouvons rentabiliser ces démarches. C’est important, mais ce qui l’est encore plus, c’est l’amélioration de la qualité de vie des gens. Leurs symptômes sont mieux gérés, et ils peuvent avoir une mort douce. Notre culture commence à changer lorsqu’on affirme que la mort n’est pas une chose que l’on doit craindre et éviter à tout prix.
Mme Pullen : Je suis d’accord avec vous. Je n’ai rien à ajouter.
Le président : Je vois que Dr Molnar n’a rien à ajouter non plus.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vois le projet de loi comme un projet de loi d’aspirations, mais je voulais m’adresser plus particulièrement à vous, madame Pullen, pour vous demander si vous seriez prête, lors de l’entrée en vigueur du projet de loi, grâce au détachement d’un groupe de chercheurs en soins infirmiers et de représentants d’autres organisations, et grâce à la présentation de moyens possibles d’atteindre les objectifs décrits dans le document.
Pour revenir à la question du sénateur Eggleton, peu importe le nombre de réunions auxquelles vous participerez, ce qu’il vous faut, ce sont des propositions concrètes. Je penche du côté des infirmières, car je crois qu’elles peuvent généralement faire preuve de bon sens pour proposer de bonnes manières de procéder. Pour desservir nos régions rurales et le Grand Nord, nous devrons trouver des idées novatrices.
Nous pouvons dire de toutes les manières possibles qu’il faut agir et que ce serait formidable, mais nous avons besoin de sortir des sentiers battus pour trouver des idées, et je suis pas mal certaine que vous pouvez tous en donner. Avez-vous songé à la possibilité que les infirmières du Canada assurent le leadership dans ce dossier?
Mme Pullen : Je dois dire que nous y avons énormément réfléchi étant donné que c’est ainsi que l’AIIC et d’autres organisations interviennent dans ce genre de situations. Un bon exemple serait de suivre la Loi sur l’aide médicale à mourir. Nous avons rassemblé un groupe semblable à celui que vous venez de décrire. Il était multidisciplinaire dans une certaine mesure, mais nous avons certainement tiré parti de l’expertise du milieu des soins infirmiers, et nous avons élaboré un cadre national pour l’application de la Loi sur l’aide médicale à mourir au sein du milieu des soins infirmiers.
Je dois dire que la participation et la portée du document ont dépassé les frontières du Canada et le milieu des soins infirmiers. Nous sommes très fiers du travail que nous avons accompli. Il a eu une influence et un effet, ce qui est précisément ce qu’il nous fallait.
Que le projet de loi soit adopté ou non, nous allons poursuivre le travail que nous faisons depuis de nombreuses années dans le domaine des soins palliatifs étant donné que les soins infirmiers et les soins palliatifs vont vraiment ensemble. Cela remonte à très longtemps. Pendant que mon collègue parlait, j’ai réfléchi à ma mère qui est bénévole dans un centre local de soins. Ses collègues bénévoles et elle sont des infirmières à la retraite. Les choses ont beaucoup progressé.
Pour répondre brièvement, c’est précisément la tactique que nous appliquerions. Espérons que le projet de loi sera adopté. Même sans loi, le travail progresserait probablement. Nous avons un incitatif, l’expérience et une grande partie des ressources nécessaires pour y parvenir. Ce sont les régions rurales et éloignées qui présentent certaines des plus grandes difficultés. Les infirmiers praticiens prodiguent l’essentiel des soins primaires dans le Nord, auprès de plus de trois millions de Canadiens. De nombreuses pratiques novatrices sont déjà appliquées. Ils consultent des spécialistes à distance ou ils se sont spécialisés eux-mêmes et en font profiter leurs collègues. L’utilisation de la technologie et d’autres stratégies afin que les soins palliatifs soient les plus répandus et les meilleurs possible demeurera sans aucun doute un de nos objectifs.
Le président : Docteur Molnar, avez-vous des commentaires?
Dr Molnar : La Société canadienne de gériatrie n’aurait certainement pas les ressources nécessaires pour prendre les devants. Nous avons une expertise auprès de certaines populations mal desservies : les personnes âgées fragiles, les patients dont la situation médicale est complexe parce qu’ils souffrent de quatre ou cinq maladies actives, et les personnes atteintes de démence. Nous avons l’expertise. Nous serions heureux de nous associer à d’autres organisations qui pourraient prendre les devants dans le cadre d’une collaboration.
Dr Henderson : Notre organisation est elle aussi dirigée par un groupe de bénévoles. Cela représente un défi, mais nous nous penchons malgré tout sur différentes choses comme un modèle de dotation intégré pour les soins palliatifs, ce qui n’existe vraiment nulle part ailleurs dans le monde pour l’instant. C’est tout un défi. Combien de personnes faut-il pour faire ce genre de travail?
Notre modèle s’appuie sur un modèle qui a été mis à l’essai au Canada. Nous voyons qu’il peut fonctionner. Nous en sommes maintenant à la prochaine étape, qui est l’atteinte d’un meilleur consensus à ce sujet.
De plus, à propos de la formation complémentaire, nous sommes en train de créer un groupe pour mettre l’accent sur les compétences de base que doivent avoir les médecins spécialistes, les spécialistes qui ne sont pas des médecins de famille, les cardiologues, les néphrologues, les neurologues et ainsi de suite qui travailleront auprès des patients en phase terminale et qui aideront également le collège royal à intégrer une partie de ces pratiques dans la formation.
Jusqu’à maintenant, le collège royal s’est montré très ouvert et intéressé, ce qui est formidable. Il est devenu beaucoup plus ouvert au concept. Il y a maintenant une sous-spécialisation en soins palliatifs qui est offerte depuis 2017. Les choses ont bien progressé à cet égard. Au sein du collège, on reconnaît que c’est nécessaire et que cela progresse.
[Français]
Le sénateur Cormier : Madame Pullen, dans votre présentation, vous parlez de « delivery of services including access to culturally safe high-quality health services ». J’aimerais savoir de quelle manière les dimensions culturelles sont prises en compte dans la livraison des services, et comment cela s’incarne dans les formations offertes aux fournisseurs de services et aux aidants.
Mme Pullen : C’est une excellente question. Nous avons d’ailleurs des discussions à l’échelle nationale à ce sujet.
[Traduction]
Nous sommes très fiers de notre accord de partenariat avec la Canadian Indigenous Nurses Association, la CINA. Dans le cadre de ce partenariat entre les gens de la CINA et nos membres, qui forment un groupe très homogène, nous sommes hautement sensibles au besoin d’améliorer la protection de la culture dans les services de santé, les services sociaux et d’autres services au Canada. Pour y parvenir, nous travaillons main dans la main avec la CINA, une organisation dirigée par des Autochtones qui oriente vraiment l’AIIC vers une meilleure compréhension de ce qu’il faudra pour avoir un système de santé, y compris dans la prestation des services palliatifs, qui garantit réellement la protection de la culture des patients et des familles et qui préconise un sentiment d’humilité culturelle au sein des fournisseurs de services qui interagissent tous les jours avec les patients et les familles.
À cette fin, nous prenons les mesures structurelles normales et évidentes, comme des énoncés de position, qui expliquent ce que nous entendons par là et qui transmettent les connaissances sur ces outils pour essayer de sensibiliser les gens et échanger des renseignements. Par ailleurs, il faut investir beaucoup plus dans la sensibilisation, l’amélioration des compétences et un véritable changement culturel pour que la majorité des professionnels de la santé sachent ce que nous devons faire pour prodiguer des soins dans le respect de la culture.
J’ajouterai que nous travaillons très étroitement avec les experts les mieux informés de la Canadian Indigenous Nurses Association pour nous aider à comprendre ce qui manque actuellement dans les curriculums et dans d’autres ressources qui tiennent compte des modes de connaissance autochtones, et pour comprendre les lacunes dans la prestation des soins.
Dans le contexte des soins palliatifs, parmi les bons exemples qui me viennent à l’esprit, il faut entre autres déterminer s’il est possible que des bévues commises dans les établissements ne déclenchent pas de signaux d’alarme, qu’il n’y ait aucun mécanisme pour les prévenir. L’Autorité de la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique donne de beaux exemples de circonstances où on a été en mesure de dresser des tentes canadiennes à l’extérieur des murs de béton de l’établissement pour que les gens puissent passer leurs derniers jours exactement dans le cadre où leur famille et eux se sentent le plus à l’aise, lorsque les soins spécialisés ne sont peut-être pas offerts dans leur collectivité éloignée et que nous leur avons donc demandé de passer leurs derniers jours dans un milieu qui leur est parfaitement étranger.
Il y a énormément de travail à accomplir. Nous essayons vraiment de faire preuve de respect et non pas de mépris en disant que nous pensons avoir toutes les réponses. Nous savons que notre organisation sœur, les infirmières autochtones, les médecins autochtones et d’autres groupes similaires ont vraiment la sagesse dans laquelle nous devons puiser pour mieux comprendre la question.
Dr Molnar : Je n’ai rien à ajouter.
Dr Henderson : Je suis parfaitement d’accord. Je vais mentionner une autre excellente organisation, soit le Portail canadien en soins palliatifs, qui a consacré beaucoup d’efforts à la santé des Autochtones et aux soins palliatifs. Certains programmes sur les compétences culturelles ont été élaborés par l’entremise du Portail canadien en soins palliatifs en partenariat avec Pallium.
Nous essayons de sensibiliser davantage à la question nos fournisseurs de soins de santé. Cela dit, il y a des variations d’un bout à l’autre du pays. Il n’existe pas de solution universelle. La clé, c’est de réunir les gens à l’échelle locale pour qu’ils amorcent des discussions ouvertes sur la façon dont nous pouvons mieux les soutenir dans le respect de leur culture. N’ayez pas peur de poser ce genre de questions.
La sénatrice Omidvar : Ma question est similaire. Je viens tout juste de voir les chiffres, et il est étonnant, même pour moi, de constater que de 28 à 29 p. 100 des aînés du Canada sont des immigrants. Cela signifie qu’ils ne sont pas nés au Canada ou qu’ils n’avaient pas la citoyenneté canadienne à leur arrivée. La plupart d’entre eux vivent à Toronto et à Vancouver.
Un autre facteur entre en ligne de compte dans ce dossier, et vous le connaissez. Plus on vieillit, plus on souffre et plus on est susceptible de perdre sa langue seconde. Une diminution des compétences linguistiques est attribuable à l’âge, à la douleur et à la souffrance. Pouvez-vous parler de la politique publique à l’égard de l’énorme proportion d’aînés immigrants au Canada dans le contexte précis de la langue et des services offerts dans une langue donnée? Cette politique publique se trouvent-elles dans le projet de loi C-277? Pouvons-nous y voir certaines mesures prises à cet égard?
Mme Pullen : C’est une question très importante et je ne suis pas certaine d’être parfaitement outillée pour vous donner beaucoup de renseignements. En vous écoutant, j’ai pensé à un problème distinct qui constitue un facteur déconcertant dans le cadre de votre question. Disons que non seulement 30 p. 100 des Canadiens proviennent d’un autre pays, mais que cette proportion se reflète également dans la profession infirmière. Nous n’avons actuellement pas de systèmes parfaits en place pour que les infirmières qui migrent vers le Canada obtiennent le titre d’infirmières autorisées.
Nous continuons de nous attaquer à des difficultés rencontrées dans le système. Nous voulons que les nouveaux Canadiens trouvent au Canada les emplois viables et les excellents débouchés qu’ils sont venus y chercher. Ils possèdent les différentes langues et cultures des gens que nous soignons dans les hôpitaux.
Différents éléments entrent en ligne de compte ici. Je ne veux pas donner de renseignements inexacts ou trompeurs, mais je dirais que vous posez une question très importante. Il est très important d’avoir un effectif infirmier ou, globalement, des travailleurs de la santé qui sont à l’image de la population canadienne.
Dr Molnar : Le concept de la perte d’une langue est intéressant. Cela peut se produire pour différentes raisons, dont la démence. L’un des premiers signes de la démence chez les immigrants est la perte du français et de l’anglais et le retour à leur langue maternelle. La démence est souvent diagnostiquée beaucoup plus tard, ce qui fait en sorte qu’il n’est plus possible de discuter de la planification préalable des soins et de la fin de leur vie. Cela crée donc beaucoup de difficultés.
Nous devons percevoir la démence comme une maladie en phase terminale, ce qui n’est souvent pas le cas. À ma connaissance, la démence n’est pas perçue ainsi par le collège royal. Nous devons commencer à nous faire à l’idée étant donné que la démence est unique. C’est ainsi dans tous les cas où on ne peut pas avoir ces discussions importantes à cause de la perte d’une langue.
Dr Henderson : Je ne suis pas assez qualifié pour en dire beaucoup à ce sujet, mais je dois mentionner que de nombreux bons outils d’évaluation et d’aide à la communication ont été mis au point. Partout au pays, on se sert d’un outil appelé le SESE, le système d’évaluation des symptômes d’Edmonton. Ce terme a été traduit dans de nombreuses langues. Des mesures de ce genre sont prises, mais à mon avis, on ne le fait pas assez régulièrement.
Au bout du compte, le projet de loi doit répondre aux besoins de toutes les populations marginalisées du pays. Ottawa offre un programme continu, Humaniser les soins de santé. Dans une vidéo, un conférencier du Danemark parlait des établissements de soins de longue durée et des mesures que nous pouvons prendre pour enrichir la vie des personnes qui y séjournent, mais faisait aussi valoir que ces personnes font partie d’une population marginalisée à de nombreux égards. Souvent, leur famille ne vient plus les voir. Certaines personnes ne quittent jamais leur établissement.
Le simple fait d’être dans un établissement de soins de longue durée fait de vous un membre d’une population marginalisée, alors imaginez si vous perdiez en plus votre capacité de communiquer. Il faut que l’on tienne compte de cette réalité dans le projet de loi et dans l’approche globale associée à toutes les stratégies en matière de soins palliatifs.
Le président : Encore une fois, nous avons entendu parler d’un large éventail de problèmes existants, que connaissent nos témoins experts. On a étudié ces problèmes et on comprend qu’il faut les régler. On y a longuement réfléchi. Il faut que le Canada élabore une stratégie très claire qui tient compte de tous les groupes. Bien sûr, cela commence par une collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral, en plus des grands sous-groupes associés à ces enjeux.
Ce qui me frappe dans notre étude sur la démence, c’est le besoin croissant d’établir une force d’intervenants des services de santé qui comprend les enjeux associés à cette population et qui sait comment les gérer dans un contexte global. Cela revient, comme vous l’avez dit, à la formation des professionnels de la santé dès le départ. Je commence à penser à la grande quantité de connaissances que les travailleurs de la santé modernes — surtout les travailleurs de première ligne — devront acquérir.
D’après notre récente étude sur l’intelligence artificielle, je comprends que nous n’avons pas le temps de tout apprendre à ces intervenants dès le départ. Il y a peut-être une façon, par l’entremise de notre compréhension intelligente, de la reconnaissance des symptômes et ainsi de suite, d’ajouter à la formation des travailleurs de la santé et de leur donner des outils qui pourraient les aider rapidement.
Si l’on revient à la réalité, c’est-à-dire à la situation actuelle et aux mesures que nous pouvons prendre, vous nous avez montré qu’il y a de nombreuses connaissances sur le terrain et qu’il faudra rapidement mettre en œuvre une stratégie, surtout si elle permet d’interagir avec les groupes comme ceux qui sont représentés ici aujourd’hui.
Je tiens à vous remercier au nom du comité et à remercier mes collègues pour leurs questions.
Notre prochain groupe de témoins est composé des représentants de SoinsSantéCAN et de l’Ontario Long Term Care Association. Je vais vous présenter les témoins, puis nous passerons aux déclarations et aux questions du comité.
Je suis heureux de voir les représentantes de SoinsSantéCAN : Jennifer Kitts, directrice, Politiques et stratégie, et la Dre Jill Rice, directrice médicale par intérim du département de médecine palliative du centre de soins continus Bruyère.
Jennifer Kitts, directrice, Politiques et stratégie, SoinsSantéCAN : Nous sommes ici pour appuyer le projet de loi C-277. Pour ceux d’entre vous qui ne nous connaissent pas, SoinsSantéCAN est une organisation nationale qui représente les hôpitaux canadiens et les autorités régionales de la santé. L’offre de services de santé palliatifs à tous les Canadiens est une priorité clé pour notre organisation et tous ses membres.
Comme nous le savons tous, trop peu de Canadiens — seulement 30 p. 100, en fait — ont accès à des soins palliatifs de qualité lorsqu’ils en ont besoin. Ce problème est particulièrement grave dans les régions rurales et éloignées, comme nous l’avons entendu aujourd’hui.
En 2016, SoinsSantéCAN a présenté de nombreuses observations au gouvernement au sujet du projet de loi C-14, le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, notamment au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Tout comme les associations nationales et les intervenants de l’ensemble du pays, nous avons fortement appuyé l’engagement du gouvernement lorsqu’il a présenté le projet de loi C-14 pour l’amélioration des soins palliatifs. À notre avis, cela fait partie de l’initiative actuelle.
Nous appuyons l’investissement accru du gouvernement dans les services de soins palliatifs de qualité et nous croyons que le projet de loi C-277 est une étape importante en vue de l’amélioration de ces services.
Pour nous, les soins palliatifs ne sont pas seulement synonymes de soins plus appropriés, mais sont aussi synonymes de soins plus économiques dans de nombreux cas, comme nous l’avons entendu aujourd’hui. La principale priorité des cadres de la santé publique de nos hôpitaux et autorités régionales de la santé est l’offre de soins de qualité axés sur les patients.
En même temps, nombre de nos hôpitaux doivent composer avec des budgets réduits en matière de soins de santé. Nous savons que l’offre d’un accès facile aux soins palliatifs est la bonne chose à faire et est sensée sur le plan économique.
Je suis heureuse d’être ici avec la Dre Jill Rice du Département des soins palliatifs du centre de soins continus Bruyère. Elle est une experte du domaine. Je vais lui céder la parole pour la deuxième partie de notre déclaration.
Dre Jill Rice, directrice médicale par intérim, Département de médecine palliative, Soins continus Bruyère, SoinsSantéCAN : Je tiens à remercier SoinsSantéCAN et le centre de soins continus Bruyère de m’avoir demandé de les représenter.
Le centre de soins continus Bruyère est une organisation locale d’Ottawa fondée il y a plus de 170 ans. Les soins palliatifs ont été au cœur de sa pratique pendant la majeure partie — si ce n’est la totalité — de ces 170 années. Il s’agit également du site principal de la division de la médecine palliative de l’Université d’Ottawa. Nous sommes donc un site d’enseignement au sein d’un centre universitaire.
Avant de me spécialiser en soins palliatifs, j’ai travaillé à titre de médecin de famille dans les régions éloignées et semi-rurales de Terre-Neuve et dans une petite ville de l’Ontario. Je travaille maintenant uniquement dans le domaine des soins palliatifs. D’après mes collègues et les autres fournisseurs de soins, l’accès aux soins palliatifs et leur qualité varient grandement selon les divers contextes.
Certains d’entre nous ont reçu une formation de base en médecine palliative au début de notre carrière, dans le cadre de notre formation en médecine familiale, mais bon nombre d’entre nous n’ont pas été formés. Cela donne lieu à une grande variabilité relative à l’accès aux soins et aux connaissances.
Un cadre national en la matière pourrait être utile. Il permettrait de désigner les besoins en matière d’éducation et de formation, ce qui constituerait la première étape en vue d’intégrer certains éléments aux mécanismes d’attestation des hôpitaux et des sociétés d’éducation en soins de santé. Lorsque ces éléments feront partie des programmes de formation des médecins, nous pourrons alors assurer leur mise en œuvre. Il s’agit d’une première étape importante.
Si tous les fournisseurs de soins de santé ont une solide base en matière de soins palliatifs, cela permettra de régler de nombreux problèmes associés à la géographie. Si tous les spécialistes, médecins de famille, infirmiers et physiothérapeutes ont une compréhension de base à l’égard des soins palliatifs et sont capables de cibler les patients qui en ont besoin… Même dans la petite ville de Terre-Neuve où je travaillais, je savais cibler ces patients et je savais quand intervenir, parce que j’avais été formée pour le faire. Je pouvais donc entreprendre une conversation avec eux. Si nous intégrons les soins palliatifs à tous les niveaux de soins de santé, nous pourrons aborder les enjeux des régions rurales et éloignées.
L’intérêt est là. Nous n’arrivons pas à répondre aux demandes des étudiants en soins de santé qui veulent une formation sur les soins palliatifs. Nous n’avons pas suffisamment de place ou d’enseignants pour les former. Leur intérêt est très grand.
J’aimerais voir de nouvelles cibles en matière d’éducation. À l’heure actuelle, on cible les fournisseurs de soins, mais dans d’autres pays, on offre un programme d’éducation en soins palliatifs et en soins de fin de vie au niveau primaire et secondaire. Cela fait partie d’un changement de vision et d’attitude à l’égard de la mort qui vise non seulement les fournisseurs de soin, mais aussi nos enfants et notre population, qui doivent assimiler ces notions. Nos enfants et nos adolescents sont confrontés à la mort, mais nous ne leur enseignons pas comment y faire face.
On reconnaît aussi le besoin de mettre sur pied des systèmes pour promouvoir l’accès à des spécialités médicales comme la cardiologie et la pneumologie, et aussi aux spécialités plus rares. Il faut élaborer des systèmes qui favorisent l’accès. Nous réalisons un projet pilote local en télémédecine palliative afin d’offrir un accès aux spécialistes par l’entremise de la télémédecine. Je travaille avec une équipe d’infirmiers et d’infirmiers praticiens, ce qui nous permet de couvrir un territoire plus vaste.
De nombreuses bonnes initiatives sont en cours. La recherche et la collecte de données nous aideront à élargir notre cadre. Certains membres de notre équipe se centrent sur la collecte de données et les stratégies connexes. Ces mesures nous permettront d’offrir un accès spécialisé dans certains créneaux.
À l’heure actuelle dans le domaine de la recherche, la norme de pratique vise une équipe de soins de santé interprofessionnelle. Malheureusement, pour de nombreuses raisons fonctionnelles et financières, l’équipe est composée uniquement de médecins et d’infirmiers. L’accès aux autres membres de l’équipe, surtout dans un contexte communautaire, peut être très restreint. Il serait important d’améliorer l’accès réel à l’équipe.
La transportabilité représente un autre enjeu. Certains de mes patients viennent de la Colombie-Britannique en Ontario pour obtenir des soins de fin de vie. Nos soins de santé sont transportables, mais ils ne s’appliquent qu’aux hôpitaux et aux médecins. Je ne peux offrir à mes patients des soins à domicile que lorsque la période d’attente de trois mois est passée. Lorsqu’on est en fin de vie, une attente de trois mois peut être un obstacle insurmontable. Le cadre pourrait aborder certains enjeux en matière de transportabilité au pays pour les soins palliatifs, lorsque les limites associées aux soins à domicile sont critiques.
Le cadre a un très grand potentiel. Il sera important d’y ajouter des éléments, mais il représente une excellente occasion de créer les structures qui nous permettront d’aborder certains de ces enjeux.
Le président : Je vais maintenant céder la parole à la représentante de l’Ontario Long Term Care Association. Nous sommes heureux de vous revoir, Candace Chartier.
Candace Chartier, présidente exécutive, Ontario Long Term Care Association : Je suis heureuse d’être de retour. Je remercie tous les sénateurs de consacrer du temps à cette étude d’une grande importance.
J’ai le plaisir de travailler dans le domaine des soins de longue durée de deux manières distinctes : à titre de présidente exécutive de la Canadian Association for Long Term Care, je travaille pour une organisation nationale qui vise toutes les associations provinciales et tous les fournisseurs de soins de longue durée qui offrent des services de soins de santé publics aux aînés dans l’ensemble du pays. Les membres de la CALTC représentent les fournisseurs de soins qui offrent des services de soutien à domicile de même que des soins aux jeunes adultes handicapés. Je suis aussi la présidente exécutive de l’Ontario Long Term Care Association.
Aujourd’hui, notre organisation est la seule à représenter l’ensemble des fournisseurs de soins de longue durée, qu’ils soient privés, sans but lucratif, caritatifs ou municipaux. Nous représentons 70 p. 100 des 630 établissements de soins de longue durée des diverses collectivités de l’Ontario. Nos membres offrent des soins et des services d’hébergement à plus de 100 000 aînés chaque année.
Les aînés représentent la tranche de population dont le nombre augmente le plus rapidement. Au cours des prochaines années, les aînés seront plus nombreux que les jeunes pour la toute première fois de l’histoire du pays. La population d’aînés représentait 8 p. 100 de la population générale dans les années 1970; aujourd’hui, les aînés représentent 25 p. 100 de la population. Le nombre d’aînés qui auront besoin d’aide augmentera; les résidents des établissements de soins de longue durée vivent plus longtemps. Ils entrent dans nos établissements à un âge plus avancé et ont des problèmes de santé beaucoup plus complexes; ils sont aussi beaucoup plus fragiles sur le plan physique. Le nombre de résidents qui souffrent de démence continue de croître, tout comme le nombre d’aînés qui souffrent d’autres problèmes de santé.
Nous savons que neuf résidents sur dix présentent certains troubles cognitifs. Un résident sur trois est gravement atteint. La grande majorité des résidents souffrent de multiples maladies chroniques qui compromettent gravement leur santé. La presque totalité des résidents a besoin d’une certaine aide pour les soins personnels, pour s’habiller et pour manger.
Depuis 2010, la proportion de résidents de centres de soins de longue durée qui souffrent d’Alzheimer et d’autres démences augmente de façon constante : deux résidents sur trois souffrent maintenant de ces maladies. Comme vous pouvez l’imaginer, la population des établissements de soins de longue durée est très précise : ce sont les gens les plus vulnérables de notre société, les personnes âgées et celles qui sont atteintes de maladies chroniques complexes, qui ont besoin de soins en tout temps.
En Ontario, on a mis en place un processus pour normaliser les soins par l’entremise de Qualité des services de santé Ontario. On met en place des structures par l’entremise des réseaux locaux d’intégration des services de santé afin d’aider les fournisseurs de soins. L’Ontario s’engage aussi à créer des centres de soins palliatifs indépendants. Ces centres ne pourront toutefois pas remplacer les soins offerts dans les établissements de soins de longue durée aux patients qui souffrent de maladies complexes.
Les personnes qui vivent dans nos établissements y meurent également. En Ontario seulement, 20 p. 100 de tous les décès ont eu lieu dans nos établissements. Les normes, la quantité de soins et la qualité des soins offerts varient d’une région à l’autre du pays. Chaque centre de soins de longue durée fait du mieux qu’il peut avec les ressources physiques dont il dispose. Dans un monde idéal, tout le monde aurait une chambre individuelle et bénéficierait d’un aménagement physique pour recevoir les membres de sa famille. C’est une chose possible dans certains centres, mais pas dans d’autres, ce qui est décevant.
Par exemple, Winnipeg compte un centre de soins palliatifs indépendant doté de 6 lits et un centre affilié à un hôpital qui offre 28 lits. La ville compte également un hôpital doté d’une unité de soins palliatifs qui offre 24 lits. Dans la province, tous les grands hôpitaux devraient avoir un ou deux lits prévus à cette fin, mais la liste d’attente est longue en raison des collectivités mal servies dont vous avez entendu parler aujourd’hui.
Au Nouveau-Brunswick et dans de nombreuses autres régions du Canada, les gériatres, les spécialistes du soulagement de la douleur ou les médecins spécialisés en soins palliatifs se trouvent dans les zones urbaines. Il est impossible d’obtenir ces services dans les régions rurales et l’accès à des services de qualité ne changera pas sans une norme provinciale à cet effet.
Nous nous réjouissons de cette étude et du projet de loi parce qu’il faut accorder une attention particulière aux structures de soins palliatifs du pays, qui sont centrées sur les personnes, à partir du développement jusqu’à l’accès aux soins. Il faut normaliser les pratiques de soins et offrir le soutien nécessaire pour faire des soins de qualité une réalité; il faut former et aider le personnel à cet égard.
Ces intervenants aident une population précise partout au pays. Les initiatives pour des soins palliatifs de qualité nous aideront à améliorer les soins offerts à la population que nous servons. Elles nous aideront à comprendre les objectifs des gens à cette étape avancée de leur vie, à leur offrir la meilleure qualité de vie possible et à les rendre confortables en fin de vie.
En juin, nous avons lancé un programme de trois ans entièrement financé par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée pour la mise en œuvre d’outils de soutien clinique dans tous les centres de soins de longue durée de la province. L’objectif est d’en élargir la portée à l’ensemble du Canada par l’entremise de la CALTC.
Les six premiers volets du programme visent les soins de fin de vie. Nous voulons que tous les intervenants qui sont en contact avec les résidents de ces centres, y compris les PSSP, puissent offrir ce niveau de soins.
Merci beaucoup. Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui.
Le président : Chers collègues, je vous rappelle que la réunion d’aujourd’hui se terminera au plus tard à 12 h 30.
Veuillez poser une question par série de questions. Veuillez s’il vous plaît commencer par votre question. Chaque paire de témoins aura la chance d’y répondre.
La sénatrice Petitclerc : Docteure Rice, nous avons beaucoup entendu parler de soins palliatifs, bien entendu. Les enjeux et défis sont nombreux.
Je veux en revenir à la question sur laquelle porte précisément le projet de loi. Si on tient compte de tous les éléments soulevés dans cette mesure législative, qu’il s’agisse de la définition, de l’éducation, du soutien ou de l’accès, estimez-vous qu’elle soit suffisamment exhaustive et précise pour faire en sorte qu’aucun des points importants mentionnés ne passe entre les mailles du filet ou ne soit oublié? Le projet de loi couvre-t-il tout? C’est ce que j’aimerais savoir.
Dre Rice : Cela dépendra un peu de la façon dont les gens rendront le projet de loi opérationnel. Si les gens adoptent une optique étroite à l’égard de l’éducation et des fournisseurs de soins de santé, il est possible que des éléments passent entre les mailles du filet. Tout dépend de la manière dont vous utilisez le cadre comme point de départ.
Les principaux éléments sont tous présents et peuvent être élaborés à partir des éléments sans qu’il y ait d’adjonctions. Il importe de leur donner l’interprétation la plus large possible pour nous assurer de combler ces lacunes.
Mme Chartier : Je suis d’accord. Si nous plaçons vraiment le patient au centre du cadre, cette transition harmonieuse nous permettra, espérons-le, de relever ces lacunes qui, à l’heure actuelle, sont importantes.
Le sénateur Eggleton : Je veux parler du fardeau du coût, en particulier pour les personnes à faible et à moyen revenu.
Si un patient est aux soins palliatifs dans un hôpital, son traitement sera couvert par la Loi canadienne sur la santé; cependant, s’il se trouve dans un centre de soins palliatifs ou un centre de soins de longue durée ou s’il reçoit des soins à domicile, ce ne sera pas le cas, bien qu’il puisse bénéficier d’autres types de financement gouvernemental à l’échelon provincial pour l’aider, par exemple. Il arrive que les gens soient assurés mais, dans bien des cas, ils ne le sont pas.
Combien devront-ils payer ou combien paient-ils pour tous ces services? Nous voulons offrir des services de qualité et nous voulons y avoir accès, mais nous voulons que toutes les personnes dans le besoin puissent s’en prévaloir. Que devons-nous faire pour changer la situation en matière de financement? À titre d’exemple, les centres de soins palliatifs ou même les installations de soins de longue durée pourraient-ils s’affilier aux hôpitaux et ensuite, peut-être que les hôpitaux pourraient les intégrer à leurs opérations au titre de la Loi canadienne sur la santé? J’ignore si c’est possible, mais il est clair que c’est ainsi que les coûts seront mieux assumés.
Dites-moi ce que vous pensez que nous devions faire pour gérer le fardeau du coût, en particulier pour les personnes à faible et à moyen revenu.
Dre Rice : Je suis tout à fait d’accord avec vous. J’œuvre surtout à l’échelon communautaire et le coût est un facteur de taille pour les gens avec qui je travaille tous les jours. Ils doivent louer de l’équipement. Ils doivent compléter les soins à domicile. L’ironie est que c’est en partie fonction de notre cloisonnement.
Malheureusement, la solution par défaut pour bien des gens qui n’ont pas d’assurance et ne peuvent pas financer de soins privés est d’aller à l’hôpital. Nous savons que ce n’est pas une solution rentable. Elle règle la question du coût pour cette personne, mais le fait que nous ayons cloisonné les soins de longue durée et les soins à domicile à l’extérieur des hôpitaux et du système de soins de santé au lieu de les y intégrer aggrave le problème, encore une fois. En fait, elle hausse nos coûts. En ce moment, la seule façon pour les gens de compenser ces coûts est d’aller à l’hôpital. Il est primordial de régler cette question.
Il serait merveilleux qu’on modifie le système en tant que tel de manière à ce que, non seulement nos hôpitaux soient transportables, mais que d’autres parties du système de soins de santé le soient aussi.
Mme Chartier : Nous avons mené bien des travaux de recherche avec Colin Pereira sur les capacités en Ontario, et nous avons dégagé six modèles de soins non cloisonnés concernant les soins de longue durée plus. Les soins palliatifs sont au nombre de ces modèles. Pour 175 $ par jour, vous pouvez mourir en paix dans une résidence de soins de longue durée plutôt que de payer 900 $ par jour dans un hôpital.
Je crois vraiment que personne ne devrait mourir à l’hôpital. C’est un gaspillage de nos précieuses ressources. Personnellement, j’ai perdu ma sœur il y a quatre ans. Il existe une lacune dans les soins de santé à domicile, si bien que les gens peuvent mourir chez eux. Par exemple, les membres de votre famille peuvent vous couper en vous déplaçant sur votre matelas et, sans crier gare, vous vous retrouvez avec des plaies ouvertes parce qu’on n’a aucun équipement pour vous soulever à la maison. C’est impossible d’offrir pareil service à toutes les personnes qui bénéficient de soins à domicile. Cela dépend du degré de soins palliatifs.
Je me suis assise à ses côtés et je l’ai regardée mourir pendant quatre semaines dans un hôpital avec trois infirmiers autorisés en poste. Je suis infirmière autorisée. Je voulais simplement la prendre et l’emmener à quelques pas de là au petit centre de soins infirmiers où je travaillais, car il y avait des préposés aux services de soutien personnel en tout temps pour s’occuper des gens au-delà de leurs heures rémunérées.
Les travaux de recherche en Ontario qui ont été publiés cette année montrent que des quatre modèles, les soins palliatifs arrivaient au premier rang, les soins de longue durée, au deuxième, les soins en milieu hospitalier, au troisième, et les soins à domicile, au quatrième. C’est ce que vous dit le grand public.
Mme Kitts : Je suis d’accord avec le point que vous soulevez, c’est clair. SoinsSantéCAN voudrait s’assurer que tous les Canadiens aient un accès égal aux services de soins palliatifs et de soins de santé où qu’ils vivent et quel que soit leur revenu.
J’ai des statistiques récentes de l’OCDE concernant la surpopulation de nos hôpitaux. J’ignore si les gens savent que le Canada figure parmi les pays membres de l’OCDE qui ont les capacités les plus élevées. En 2015, nos capacités étaient de 91,6 p. 100, et n’étaient surpassées que par celles d’Israël et de l’Irlande. Elles étaient, en outre, de beaucoup supérieures à celles des États-Unis. Elles ont augmenté depuis les années 1960, alors qu’elles se situaient à 75 p. 100.
Le sénateur Eggleton a mentionné le concept des antennes pendant les audiences d’hier soir. Les hôpitaux pourraient éventuellement avoir des antennes où les gens pourraient bénéficier de soins accrus. Les directeurs d’hôpitaux que j’ai eu le privilège de côtoyer lorsque j’ai examiné diverses questions, qu’il se soit agi de santé mentale ou de santé des enfants, aiment l’idée d’antennes où l’on offre des soins à l’extérieur de nos installations surchargées. Je suis tout à fait d’accord avec le principe de votre question.
La sénatrice Seidman : J’aimerais d’abord adresser ma question à la Dre Rice, si vous me le permettez.
Je suis troublée par un article publié par l’Association médicale canadienne à la fin de 2012, et j’aimerais savoir ce que vous en pensez. Il commence ainsi :
Au Canada, si quelqu’un souhaite offrir des soins palliatifs, des soins de fin de vie ou des soins à domicile aux malades en phase terminale ou aux personnes âgées, a-t-il besoin de formation? D’un certificat? D’un agrément? Est-il tenu de démontrer périodiquement ses compétences ou sa conformité à une quelconque norme?
Quelle est la réponse brève à tous les points soulevés précédemment?
En général, c’est non…
L’absence de normes nationales et d’exigences juridiques signifie essentiellement que, dans la plupart des régions au pays, presque n’importe qui peut se lancer pour offrir les aspects non pharmaceutiques des soins de fin de vie…
L’agrément des fournisseurs de soins de santé et des installations est surtout volontaire au Canada. Il y a peu d’exceptions.
Est-ce vrai?
Dre Rice : Je crois que oui. Les normes d’agrément sont nombreuses, évidemment, si vous vous lancez comme fournisseur de soins palliatifs. On l’observe avec les organismes de soins à domicile qui offrent des soins palliatifs. Il s’agit d’entreprises privées dont certaines ont du personnel dûment formé, mais peut-être pas certaines autres. C’est problématique, j’en conviens.
Même les fournisseurs de soins de santé accrédités ne sont pas toujours formés à offrir des soins palliatifs. Malheureusement, je pense que c’est probablement vrai.
La sénatrice Stewart Olsen : Docteure Rice, je tiens à vous féliciter de la liste concrète que vous avez dressée de choses à faire pour avancer plus facilement. Je veux aussi parler d’agrément, mais surtout celui des hôpitaux ou des installations.
Si, pour recevoir l’agrément, chaque hôpital et installation était tenu d’avoir un centre de soins palliatifs, qu’il soit grand ou qu’il ne compte qu’un ou deux lits, estimez-vous que cela nous permettrait d’offrir plus de soins palliatifs?
Dre Rice : Il y a peut-être des choses que nous pourrions faire même avant cela, des choses très simples comme de s’assurer d’identifier une personne appropriée pour prendre des décisions à la place du malade lorsqu’il entre à l’hôpital. Dans les dossiers d’hôpitaux, il arrive encore souvent qu’on y mentionne le plus proche parent. Cela ne me dit pas si cette personne convient pour prendre des décisions à la place du patient.
Afin d’obtenir l’agrément, les systèmes doivent avoir le nom de décideurs substituts dans leurs dossiers pour faire avancer grandement les choses. Il serait aussi utile d’avoir des étapes pour indiquer si on a pris des dispositions concernant les soins à prodiguer à cette personne avant son hospitalisation; dans l’affirmative, assurez-vous que les fournisseurs de soins de santé disposent d’un mécanisme pour le savoir, en faire le suivi et l’inclure. Dans la négative, instaurez un système pour en faire le suivi.
Il s’agirait là de mesures très élémentaires qui pourraient être normalisées à l’échelle nationale. Des choses comme des lits individuels varieront en fonction des besoins régionaux, mais des mesures très élémentaires nous permettraient d’avancer facilement : savons-nous qui prend les décisions? Savons-nous ce que les gens ont dit? En avons-nous discuté?
Mme Chartier : Personnellement, j’ai travaillé dans un organisme offrant des soins de longue durée, à tous les échelons, pendant une vingtaine d’années. Une des raisons pour lesquelles le projet que nous menons concernant les outils de soutien clinique est si essentiel est qu’il est multidisciplinaire à tous les points de vue. Il est aussi axé sur le patient et le résident.
Si vous prenez simplement l’agrément, je trouve que ses normes sont très élevées. C’est l’aspect administratif. Nous aidons Qualité des services de santé Ontario à y apposer leur sceau de qualité pour qu’il soit axé sur le patient. Nous verrons des résultats plus concrets lorsqu’il est question des soins aux patients et pas sur le plan administratif.
Le sénateur Dean : Premièrement, merci pour le travail que vous faites. Je me doute bien que la plupart des personnes autour de cette table ont été touchées par la question d’une façon ou d’une autre. Un de mes parents est mort à l’hôpital et l’autre, dans un centre de soins palliatifs. C’étaient des expériences matériellement différentes pour toutes les raisons que vous avez énoncées. Au bout du compte, la solution la plus rentable a aussi été la meilleure des deux.
Cela m’amène à observer, comme vous l’avez mentionné, docteure Rice, que la question est celle de mourir et de déterminer si on optera pour l’aide médicale à mourir ou les soins palliatifs, qui évoquent la mort, car il est ici question d’aider les gens à mourir. Je dirais que, dans bien des cas, il n’existe probablement pas de distinction claire entre ces deux domaines de pratique, qu’il y a plutôt une continuité, mais je ne vous pose pas de question à ce sujet.
Vous avez tous été en relation étroite avec des aidants familiaux. Un élément de ce projet de loi exigerait de nous que nous cernions les soutiens dont ces aidants ont besoin. En vous fondant sur votre expérience, pouvez-vous nous donner une idée de la gamme de soutiens qui seraient, selon vous, le plus profitables aux aidants? Je sais qu’il s’agit ici de circonstances qui varient d’une personne à l’autre, mais qu’est-ce qui ressort comme éléments les plus utiles aux aidants familiaux?
Mme Chartier : Vous devez commencer par prendre en compte la personne et chaque aspect de sa vie quotidienne en tant que personne. Voilà pourquoi j’ai fait allusion aux lacunes dans le cas de ma sœur, car tout le monde se concentrait sur le lit et sur sa présence dans ce lit, et pas sur toutes les autres mesures qu’on devait prendre en parallèle.
En tant qu’infirmière autorisée qui a travaillé dans tous les contextes du système de soins de santé, j’ai aussi été sidérée que son cheminement ait commencé en août pour se terminer en novembre avec sa mort. Deux semaines avant son décès, elle m’a demandé ce que signifiait le terme « palliatif ». Mon fils de 13 ans ne savait pas pourquoi tout le monde parlait de la signification de « palliatif ». Je crois fermement qu’on a besoin de le faire. La Dre Rice a formulé un commentaire concernant le système scolaire. Comme je suis la seule infirmière dans une famille de huit enfants, c’est moi qui ai dû dire à ma sœur qu’elle était mourante.
Personne ne comprend ce que supposent les soins palliatifs en termes simples. Je pense que c’est très important de pouvoir le comprendre et de pouvoir dire : « C’est épatant que tu te lèves tous les jours; tu dois te concentrer sur tout ce que tu fais pour t’occuper de ta santé et de tes autres affaires. » C’est ce que ce cadre doit couvrir.
Dre Rice : Je rencontre des familles presque tous les jours. Un des principaux points soulevés est qu’elles ont besoin de savoir qui appeler lorsqu’elles ont une question ou qu’elles ne savent pas quoi faire. Les stades précoces de la maladie peuvent être très difficiles pour elles, car elles ont affaire à de multiples fournisseurs de soins. En toute fin de vie, lorsque le patient bénéficie de soins à domicile, la situation devient encore plus ardue. L’aspect 24 heures est vraiment essentiel : savoir avec qui on peut prendre contact 24 heures sur 24. Quel numéro de téléphone dois-je signaler? Peut-on me permettre de rejoindre les gens dont j’ai besoin? L’accessibilité en tout temps est essentielle.
Les gens ont souvent du mal à s’y retrouver dans les renseignements concernant les services disponibles, la maladie et ses stades, ainsi que les secteurs de service. Une bonne partie du travail que nous faisons porte souvent sur l’information et la façon de les obtenir. Il est primordial de savoir qui on doit appeler et à quel moment ainsi que les services qui sont offerts.
Un autre point important est de reconnaître le travail que font les aidants familiaux : ils consacrent des centaines, voire des milliers, d’heures à faire du travail non rémunéré pour leurs êtres chers, ce qui finit par miner leur propre santé. Ils ne peuvent pas aller au travail et faire une contribution. Il est crucial de le reconnaître ainsi que de fournir des mécanismes pour les soutenir.
Je suis toujours très soulagée lorsque le médecin qui s’occupe de la famille en entier les aide à prendre soin du patient à la maison avec notre soutien spécial. Alors je sais qu’il ou elle peut veiller sur les membres de la famille et sur divers aspects de leur santé vu qu’il leur arrive souvent d’être très mal en point. Les travaux de recherche montrent qu’il faut parfois des années à une famille pour se remettre d’avoir prodigué des soins à un de leurs membres. Nous sous-estimons le fardeau que cela représente.
Mme Kitts : Je vais ajouter un point au dernier argument que vous avez soulevé. Nous essayons de faire en sorte que le milieu de travail comprenne les exigences qui pèsent sur les gens, que ce soit pour offrir des soins palliatifs ou pour prendre soin de parents âgés. Je pense que nous avons tous été dans cette situation ou que nous le serons. Nous nous dirigeons graduellement vers cela.
On a mentionné les congés pour prendre soin d’un proche et la souplesse au travail. Il arrive que ce soit pour une journée et que, deux mois plus tard, il faille reprendre une autre journée de congé. L’employé ne prend pas nécessairement deux mois de congé. Nous devons avoir une main-d’œuvre qui comprend que les gens sont précieux et que les employés ont périodiquement besoin de prendre congé pour s’occuper de parents âgés.
Le sénateur Dean : Vous avez abordé les sujets qui m’intéressaient.
[Français]
La sénatrice Mégie : Au Québec, nous avons les soins à domicile et les soins à l’hôpital. Pour les soins palliatifs, il y a ce que l’on appelle les maisons de soins palliatifs qui sont financées par des collectes de fonds, puisque ce sont des organismes à but non lucratif qui les gèrent. Est-ce la même méthode de financement pour les hospices à travers le Canada?
Dre Rice : Il y a des éléments qui sont les mêmes et d’autres qui sont différents. En Ontario, il y en a moins. Il y a une partie du financement des hospices qui relève du gouvernement et une partie qui relève de la communauté. J’ai des amis qui travaillent dans ces maisons au Québec, et les soins sont à peu près les mêmes.
La sénatrice Mégie : Oui, il y a une petite partie du financement qui provient de l’aide gouvernementale, et pour le reste, ce sont des collectes de fonds.
Dre Rice : Il y a peut-être d’autres variations entre les provinces, car certaines provinces reçoivent plus de financement de la part du gouvernement, et d’autres, moins.
[Traduction]
Le président : Avant de passer à la deuxième série de questions, docteure Rice, vous avez mentionné quelque chose qui m’a interpellé. C’était ainsi que les choses se passaient quand j’étais enfant et qu’une famille avait un médecin. Si j’en juge par mon expérience d’adulte vieillissant, les familles n’ont pas un seul médecin. Vous avez décrit les avantages et l’importance capitale d’avoir un praticien de la santé qui soit en mesure d’évaluer les besoins et les capacités d’une famille dans ces situations qui, bien sûr, englobent la démence.
Vous avez ajouté un point précis à notre discussion qui, selon moi, est très utile, alors je vous en remercie.
La sénatrice Petitclerc : Lorsqu’il est question de soins de santé et de soins palliatifs, une grande partie des responsabilités revient aux provinces.
Madame Chartier, dans quelle mesure arrivons-nous à bien recenser et partager les pratiques exemplaires? Dans quelle mesure importera-t-il de faire preuve d’excellence ou de doigté pour tenir des consultations et mettre en œuvre la future stratégie?
Mme Chartier : Il existe depuis de nombreuses années des réseaux de soins palliatifs très bien établis en Ontario qui ont été mis en place au moment de la création des réseaux locaux d’intégration des services de santé. Ma crainte, c’est que chacun commence à créer des programmes alors que nous avons déjà des pratiques exemplaires éprouvées. Nous avons simplement besoin de les coordonner.
C’est pourquoi nous avons choisi la fin de vie pour notre initiative. En parallèle avec cette initiative, nous convertissons nos protocoles, une fois complets, en applications téléchargeables que nous pourrons utiliser de façon virtuelle. Nous allons prendre nos pratiques en soins de longue durée et les intégrer dans les collectivités pour que l’offre de soins soit prête et se fasse de façon harmonieuse lorsque le patient arrive.
C’est pourquoi le comité directeur que nous avons créé réunit des représentants des médecins spécialisés, des pharmaciens, du ministère, de Qualité des services de santé Ontario et des aidants naturels. Nous commençons par recueillir les pratiques exemplaires de tous les intervenants autour de la table. Nous sommes très enthousiastes à l’idée d’avoir un tel niveau de cohérence.
Ajoutons aussi l’éloignement au pays. Il existe des centres de soins de longue durée dans 634 collectivités en Ontario. Dans certaines d’entre elles, nous sommes le seul fournisseur de soins de santé et le principal employeur, alors nous cherchons des moyens de préserver les petites collectivités en misant sur elles. Que pouvons-nous leur offrir d’autre dans les régions rurales de la province et du pays?
Mme Kitts : C’est tout un défi. Je suis certaine que d’autres intervenants vous ont parlé de la mise en commun des pratiques exemplaires.
Comme l’a mentionné ma collègue, Mme Pullen, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, un peu plus tôt aujourd’hui, nous sommes une association nationale, et en collaboration avec nos hôpitaux membres, nous jouons un rôle à cet égard.
Je devrais souligner également que de nombreux témoins qui sont ici aujourd’hui font partie d’une coalition appelée Coalition pour des soins de fin de vie de qualité au Canada. Nous travaillons bien ensemble. Nous nous réunissons et nous mettons en commun nos pratiques exemplaires. Ce travail se fait sans grands moyens. Sharon Baxter est assurément une chef de file en la matière. C’est une question de volonté politique, de ressources et de changement catalyseur.
Les gens ont parlé du secrétariat dont il est question dans le projet de loi. Les gens ont aussi parlé du modèle, et cetera, que serait la Commission de la santé mentale. Vous savez sans doute que notre ministre de la Santé a annoncé la semaine dernière un examen de tous les organismes financés par le fédéral, comme la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé, l’ICSP, l’ICIS, la Commission de la santé mentale, et cetera.
Dans le cadre de cet examen, il serait intéressant de s’interroger sur notre façon de nous occuper des personnes âgées dans ces organismes. Travaillons-nous en collaboration et de façon coordonnée? Nous travaillons beaucoup à améliorer les soins palliatifs, et cette analyse pourrait nous apporter des renseignements très utiles. Je voulais simplement mentionner ce point.
La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à la Dre Jill Rice. J’ai remarqué dans le document que vous nous avez remis que vous terminez en disant que le projet de loi veut créer un cadre, mais qu’il ne peut porter directement sur les soins, car le gouvernement fédéral n’est pas responsable de la prestation des services.
Nous avons entendu beaucoup parler de normalisation et d’indicateurs. Quels aspects des soins palliatifs devraient être normalisés et quels aspects devraient être ouverts aux variantes et à l’innovation? Avez-vous une idée où se trouve le point d’équilibre?
Dre Rice : Certains éléments dont nous avons parlé peuvent assurément être normalisés, comme l’établissement de normes minimales en matière d’éducation pour tous les fournisseurs de soins de santé au primaire et aux autres niveaux d’éducation. Un cadre peut-il régir le volet transférabilité lorsque ce ne sont pas les hôpitaux et pas nécessairement les médecins qui offrent les services de base aux patients en soins palliatifs, mais les autres secteurs et qu’ils peuvent devenir transférables? Le fonctionnement variera grandement selon que l’on se trouve dans le Nord de l’Ontario, dans les régions rurales du Québec ou au centre-ville de Toronto. Il faut que les gens aient de la latitude, mais les grandes questions liées à la transférabilité peuvent être traitées dans le cadre.
J’aimerais souligner quelque chose au sujet des pratiques exemplaires. Les soins palliatifs sont une discipline relativement jeune. Dans certains domaines de la médecine, nous ne savons pas encore quelles sont les pratiques exemplaires. La recherche est donc un aspect crucial du cadre, car il y a des pans entiers de la médecine palliative où nous en sommes encore à l’étape de la recherche pour déterminer les pratiques exemplaires.
Le président : Excellent point, merci.
Mme Chartier : Il pourrait y avoir normalisation aussi en ce qui concerne les ressources humaines, qui sont très rares au pays. Les personnes âgées dépassant les moins de 15 ans en nombre croissant, nous devons travailler beaucoup plus intelligemment.
J’hésiterais avant d’imposer des restrictions à ceux qui assurent la prestation des soins palliatifs. L’approche multidisciplinaire est très utile. Tous les intervenants doivent faire partie des soins axés sur le patient. Cela ne peut pas être réservé aux infirmières autorisées, ou encore aux infirmières auxiliaires autorisées. Il faut une approche disciplinaire avec un volet sociologique.
Le président : Merci beaucoup. Nous avons encore une fois entendu les propos d’un groupe de témoins possédant une expérience et une expertise fantastiques sur le sujet et ses divers aspects.
Plusieurs témoins nous ont dit qu’avec une solution réaliste, l’argent dépensé actuellement dans le système pourrait être redistribué de façon à améliorer grandement l’aide accordée aux patients.
Toutefois, nous avons ce qu’on appelle la Loi canadienne sur la santé, qui est très précise sur divers éléments. Les tentatives de changement qui ont eu lieu ailleurs semblent avoir échoué, à l’étape de l’examen en comité à tout le moins, et cela aurait sans doute été le cas à un niveau plus élevé, si on avait passé cette étape.
Cela se voit dans ce que je qualifierais presque de crise que doit surmonter le système de soins de santé, car les provinces et les territoires éprouvent beaucoup de difficultés à collaborer concrètement ensemble. Comme nous avons pu le constater dans une étude précédente sur les professions au sein du système, nous avons beaucoup de difficultés à trouver des modèles financiers beaucoup plus souples que notre belle approche bureaucratique. Je ne veux pas être désobligeant ici, car il faut pouvoir faire les vérifications qui s’imposent. Il faut un système où l’on est en mesure d’approuver les fonds lorsque la facture arrive, et la façon la plus simple pour ce faire c’est d’avoir des catégories précises. On n’est pas parvenu à se doter d’une approche souple pour favoriser la collaboration même entre les différents fournisseurs de soins dans une clinique.
Nous avons, à titre d’exemple, toutes sortes d’études pilotes qui montrent à quel point cela fonctionne bien, mais à la fin de l’étude pilote en particulier, la province qui l’a financée n’est pas en mesure de continuer à le faire, car il n’y a pas de mécanisme de facturation adéquat. Ce sont là des problèmes qu’il faudra régler rapidement en faisant preuve d’innovation. L’innovation ici sera cruciale si on veut ouvrir la porte à d’autres innovations.
Je vous remercie d’avoir soulevé ces enjeux. Nous avons toujours apprécié votre expertise par le passé. Je vous remercie également de votre présence aujourd’hui. Encore une fois, je remercie mes collègues d’avoir mis en évidence ces questions pour que nous les ayons sur papier, car si le projet de loi va de l’avant, le dossier sera un des éléments qui servira de référence et sera utilisé, nous l’espérons, pour la mise en œuvre.
(La séance est levée.)