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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 35 - Témoignages du 31 janvier 2018


OTTAWA, le mercredi 31 janvier 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi instituant des jours de fête légale (jour du Souvenir), se réunit aujourd’hui, à 16 h 32, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis le sénateur Art Eggleton, de Toronto, et je préside le comité. Je vais inviter mes collègues à se présenter, en commençant à ma gauche.

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Omidvar, de l’Ontario.

Le sénateur Day : Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

Le président : La sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, vient d’arriver.

Nous sommes ici aujourd’hui pour étudier le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi instituant des jours de fête légale (jour du Souvenir).

Notre séance a été écourtée, tant au début qu’à la fin. Elle était initialement censée durer deux heures. Il ne nous reste plus qu’environ 25 minutes, car certains sénateurs devront aller se réunir en caucus avant le vote prévu à 17 h 30 et, vu le temps qu’il a fallu à certains d’entre vous pour arriver ici en autobus, surtout à cause de la circulation, il faudra peut-être plus de 15 minutes pour retourner à l’édifice du Centre et se rendre à la salle du Sénat. Nous allons donc devoir nous y prendre très rapidement.

Heureusement, nous ne recevons que deux témoins : Colin Fraser, député de Nova-Ouest, qui est le parrain du projet de loi, et Brad White, secrétaire national de la Légion royale canadienne. Nous avons également parmi nous deux représentants du ministère du Patrimoine canadien : Denis Racine et Marie-Lise Julien. Ils sont ici pour répondre à toute question que vous pourriez avoir.

Dans les 25 prochaines minutes, nous devrons compléter deux séries d’observations et de questions, le cas échéant, après quoi il nous faudra décider si nous sommes prêts à procéder à l’étude article par article — le projet de loi ne contient qu’un seul article — ou si nous préférons la reporter à un autre jour.

Sur ce, je cède la parole au parrain du projet de loi, Colin Fraser, député de Nova-Ouest. Soyez le bienvenu.

Colin Fraser, député, Nova-Ouest, parrain du projet de loi : Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis très honoré d’être parmi vous aujourd’hui. Mes observations seront brèves, et je me ferai certes un plaisir de répondre à toutes vos questions.

Je tiens, d’abord et avant tout, à remercier le sénateur Day d’avoir parrainé mon projet de loi au Sénat et je lui suis très reconnaissant du travail qu’il a accompli pour en saisir votre comité.

J’aimerais également remercier Wilma McNeil, une résidante de Sarnia, en Ontario, qui défend avec beaucoup de passion les intérêts des anciens combattants. J’ai eu le bonheur de m’entretenir avec Mme McNeil à plusieurs reprises, et je lui transmets mes remerciements et mes félicitations pour les efforts qu’elle a déployés pendant plus de 25 ans afin que cette modification soit apportée à la Loi instituant des jours de fête légale.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur le président. C’est un grand honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui. Je suis très heureux que mon projet de loi C-311 ait été adopté à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes grâce à un vote de 205 contre 76, à la suite duquel il se retrouve devant votre comité.

[Traduction]

Je tiens aussi à remercier et à souligner les efforts des membres de tous les partis qui, au fil des ans, ont présenté des mesures législatives semblables à celle-ci, sous la forme de projets de loi d’initiative parlementaire, mais qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas réussi à les faire adopter.

Je voudrais commencer par expliquer pourquoi j’estime que le jour du Souvenir est si important.

Notre magnifique et paisible pays n’est pas le fruit du hasard. Il a été bâti, au prix d’efforts soutenus et consciencieux, par ceux qui nous ont précédés, ceux qui ont protégé et défendu nos libertés, nos valeurs et nos droits, ceux qui ont servi notre pays dans les Forces canadiennes.

On souligne le jour du Souvenir le 11 novembre, parce que c’est à cette date, en 1918, que la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale, a pris fin. C’est à cette date que nous nous souvenons solennellement de ceux qui ont fait le sacrifice ultime au service de leur pays. Des batailles d’Ypres, des Flandres et de la crête de Vimy, pendant la Première Guerre mondiale, à celles de Dieppe, d’Italie, d’Afrique, de Normandie et du Pacifique, pendant la Seconde Guerre mondiale, en passant par la guerre de Corée, les missions de maintien de la paix, la guerre du Golfe, la guerre en Afghanistan, ainsi que d’autres conflits, nos militaires ont sans cesse fait preuve de bravoure et de dévouement.

Dans le passé, au présent et à l’avenir, nous devons leur rendre hommage et souligner leur sacrifice, et il est juste qu’un pays reconnaissant rende hommage aux disparus et aux militaires en service, qu’il les remercie et qu’il honore leur mémoire de façon appropriée.

Par conséquent, je crois que le jour du Souvenir est très important pour notre pays et pour tous les Canadiens. Selon moi, nous devrions en rehausser le profil chaque fois que nous en avons l’occasion. Nous devrions nous assurer que cette journée est célébrée comme il se doit.

Il est important de noter que l’année 2017 marquait le 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Cette année, en 2018, nous célébrerons le 100e anniversaire de l’armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale et, l’année prochaine, ce sera le 75e anniversaire du jour J et de la bataille de Normandie au cours de la Seconde Guerre mondiale. Je crois donc qu’il s’agit d’un moment particulièrement émouvant pour discuter du jour du Souvenir au Canada.

J’aimerais parler un instant des mécanismes prévus dans le projet de loi C-311, dont vous êtes saisis. Le projet de loi contient, comme le président l’a indiqué, un seul article. Au fond, je demande que la Loi instituant des jours de fête légale soit modifiée par substitution, aux mots « jour férié », des mots « jour de fête légale » dans l’article qui porte sur le jour du Souvenir. La Loi instituant des jours de fête légale concerne trois journées précises : la fête du Canada, la fête de Victoria et le jour du Souvenir. Le libellé ayant trait à la fête du Canada et à la fête de Victoria diffère de celui utilisé pour le jour du Souvenir. Je signale d’ailleurs que le libellé est différent tant en français qu’en anglais.

Mon projet de loi vise à uniformiser le libellé pour faire en sorte que ces trois journées soient désignées de la même façon, d’autant plus qu’il faut reconnaître, bien entendu, que l’expression « jour férié » en droit n’a pas le même sens que celui qui est peut-être généralement utilisé ou considéré comme jour de congé. À mes yeux, le jour du Souvenir n’est pas une journée de repos ou de solitude. C’est l’occasion de se souvenir solennellement de ceux qui ont tout donné pour notre pays. Je crois toutefois que, si l’on s’en tient au sens ordinaire, il est important que le même libellé soit employé pour les trois jours mentionnés dans la loi. Selon moi, cela permettra également d’élever le statut du jour du Souvenir dans la loi fédérale au même rang que la fête du Canada et la fête de Victoria.

Qu’est-ce que le projet de loi permet de faire? C’est une mesure modeste qui vise à rendre plus cohérente la Loi instituant des jours de fête légale et qui veille à ce que l’uniformité soit observée. Le projet de loi permet également de confirmer la très grande importance que le Parlement accorde au 11 novembre au Canada, une journée de commémoration solennelle et de recueillement pour ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays. Je crois que cela met en lumière l’importance de cette journée, et toute mesure que nous, les parlementaires, pouvons prendre à cet égard est une démarche fort louable.

Qu’est-ce que le projet de loi ne fait pas? Il ne crée pas une fête nationale. Ce n’est pas possible. Cela ne relève pas de la compétence du Parlement. C’est aux provinces et aux territoires de déterminer quels seront les jours fériés dans leur administration. Je n’aurais pas d’objection à ce que les provinces examinent si le jour du Souvenir est observé de façon appropriée sur leur territoire, mais le projet de loi ne change rien à la décision de donner congé aux travailleurs ou aux étudiants dans une province ou un territoire.

Le projet de loi n’accorde pas une journée de congé à ceux qui ne l’ont pas déjà. Tous les fonctionnaires fédéraux ont déjà congé le jour du Souvenir en vertu des conventions collectives ou du Code canadien du travail.

Les étudiants qui ont déjà un jour de congé d’école pour souligner le 11 novembre avec leur famille et leur collectivité continueront d’y avoir droit, mais le projet de loi n’accorde pas un jour de congé à ceux qui sont actuellement censés être à l’école ce jour-là.

Deux principaux arguments ont été invoqués contre le projet de loi, et je sais que vous entendrez dans un instant M. White, de la Direction nationale de la Légion royale canadienne. Je dois dire que j’ai le plus grand respect pour la Légion royale canadienne et pour tout ce qu’elle fait pour les anciens combattants de tout le pays. Je suis fier de la présence de 14 filiales dans ma circonscription, que je consulte d’ailleurs très souvent, et il va de soi que j’ai demandé leurs points de vue sur le projet de loi.

D’après ce que je crois comprendre, la Légion royale canadienne a certaines réserves au sujet du projet de loi, premièrement, parce qu’elle estime que les enfants devraient être en classe le 11 novembre, mais le projet de loi ne change rien dans le cas des écoles parce que cela relève des provinces. Deuxièmement, si je comprends bien, la légion craint que ce jour devienne tout simplement un congé comme un autre.

Or, dans les provinces et les territoires où il s’agit d’un congé, nous observons une participation accrue aux cérémonies du jour du Souvenir. C’est certainement le cas dans ma province, la Nouvelle-Écosse.

Nous avons également vu des anciens combattants se rendre dans des écoles durant les jours précédant le jour du Souvenir pour souligner l’importance du 11 novembre, mais aussi pour encourager les élèves à assister aux cérémonies organisées au cénotaphe de leur localité, s’ils sont en congé, afin de partager l’expérience collective avec leur famille et la population locale.

Je tiens aussi à remercier l’association ANAVETS pour le mémoire qu’elle a présenté à votre comité, monsieur le président. Sa position est que le 11 novembre devrait être considéré comme un jour de congé, chose que le projet de loi ne fait évidemment pas, mais l’association appuie mon projet de loi parce qu’elle estime que cela attire l’attention sur l’importance de cette journée.

J’ai également distribué la transcription des délibérations du comité de la Chambre des communes qui a étudié ce projet de loi; si cela vous intéresse, vous pourrez lire les témoignages de Wilma McNeill, de Dave Geddes et de John FitzGerald pour savoir ce qu’ils ont dit en faveur du projet de loi.

En conclusion, monsieur le président, je crois qu’il s’agit d’un projet de loi raisonnable dont l’incidence est modeste. Cette mesure législative améliore l’uniformité du libellé, et c’est aussi une façon pour le Parlement d’affirmer son engagement à témoigner tout le respect mérité à cette journée très importante de recueillement, journée durant laquelle nous remercions les Canadiens tombés au combat.

Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions.

Brad White, secrétaire national, Légion royale canadienne : Merci de me donner l’occasion de représenter la Légion royale canadienne et de discuter avec vous aujourd’hui de notre position sur le projet de loi C-311.

La position de la légion, qui a été déterminée par nos membres dans le cadre d’un processus de résolution pendant le congrès national, est que le 11 novembre ne devrait pas être une fête légale ou un jour férié. Il s’agit de la politique nationale sur laquelle nos délégués se sont prononcés lors d’un vote.

Je vais écourter de beaucoup mes observations d’aujourd’hui, car nous voulons avoir un peu plus de temps.

Tous les jours, la légion encourage les Canadiens à se souvenir de ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays et à honorer ceux qui ont servi notre pays et qui continuent de le servir. Le jour du Souvenir est l’occasion pour tous les Canadiens de se souvenir des hommes et des femmes qui ont servi notre pays. En cette journée, nous encourageons les gens, jeunes et vieux, à prendre une pause, à être reconnaissants et à se souvenir.

La légion comprend que certains voudraient que le jour du Souvenir devienne un jour férié parce que cela permettrait aux Canadiens qui travaillent et aux étudiants d’assister à des cérémonies du jour du Souvenir. Nous comprenons aussi que certains estiment qu’en en faisant un jour férié, on soulignerait, à l’échelle nationale, l’importance de ceux qui sont tombés au combat.

Nous reconnaissons que bon nombre de Canadiens profiteraient de l’occasion pour assister à une cérémonie du jour du Souvenir afin de rendre hommage aux anciens combattants du Canada, mais nous ne croyons pas que faire de ce jour un jour férié permettrait d’atteindre le but ultime, soit de perpétuer le souvenir ou de souligner l’importance de la journée.

Je vous remercie de m’avoir permis de faire cette déclaration abrégée. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir été aussi bref.

Passons maintenant à la période des questions. Il y a trois noms sur ma liste et, comme le veut notre coutume, nous allons commencer par le parrain du projet de loi au Sénat. Pourriez-vous, chers collègues, vous en tenir à des questions brèves et directes, compte tenu du temps? Nous voulons sortir d’ici dans 15 minutes.

Le sénateur Day : Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d’être ici. Nous n’avons pas encore entendu M. Racine ou Mme Julien, mais vous venez d’entendre les observations. Avez-vous des commentaires à faire sur ce qui a été dit jusqu’ici?

Denis Racine, directeur général, Événements majeurs, commémorations et expérience de la capitale, Patrimoine canadien : Non.

Le sénateur Day : Nous vous remercions de votre présence.

Monsieur Fraser, merci d’avoir pris l’initiative de présenter ce projet de loi. À titre d’information pour nos collègues, le projet de loi vient de la Chambre des communes. Vous avez entrepris cette démarche à l’autre endroit. Après avoir satisfait à tous les critères et franchi tous les obstacles à la Chambre des communes, le projet de loi a été renvoyé ici; est-ce exact?

M. Fraser : Oui. Il a été adopté en juin 2017 par un vote de 205 voix contre 76.

Le sénateur Day : Le résultat du vote à la Chambre des communes était donc de 205 pour et 76 contre. Notre merveilleux processus parlementaire exige qu’une mesure soit adoptée par les deux Chambres avant qu’elle puisse devenir loi. C’est ainsi que vous vous retrouvez maintenant devant le Sénat pour présenter un projet de loi émanant de la Chambre des communes et pour nous demander de l’examiner.

M. Fraser : C’est exact.

Le sénateur Day : Avez-vous apporté des amendements pendant l’étude à la Chambre des communes, ou le projet de loi a-t-il été adopté sans amendements?

M. Fraser : Le projet de loi, dans sa version originale, comportait trois articles. Les articles 2 et 3 ont été supprimés à l’étape de l’étude en comité, et c’est ce que j’ai proposé et recommandé de faire après de plus amples consultations avec le ministère et après mûre réflexion sur la façon dont je pouvais améliorer le projet de loi. Par conséquent, le projet de loi dont vous êtes saisis en ce moment ne contient qu’un article à la suite de l’amendement adopté par le comité, puis appuyé à la Chambre des communes lors du vote en troisième lecture.

Le sénateur Day : Nous avons affaire ici à certaines questions de sémantique. L’expression « jour férié » évoque différentes choses en fonction des personnes. Pour certains d’entre nous, cela signifie plier bagage pour partir en vacances d’été à bord de leur Volvo, ce qui n’est pas faux, mais le projet de loi porte sur un sens beaucoup plus restreint. Ce que vous cherchez à modifier, c’est la Loi instituant des jours de fête légale, car c’est là que le jour du Souvenir est mentionné; est-ce exact?

M. Fraser : C’est exact. La Loi instituant des jours de fête légale est la loi fédérale qui définit la portée des trois journées : la fête du Canada, la fête de Victoria et le jour du Souvenir. Or, l’article portant sur le jour du Souvenir comporte un libellé différent. Le texte anglais n’inclut pas le mot « legal » et le texte français emploie les mots « jour férié », ce qui est différent du libellé utilisé pour les deux autres journées.

Si je devais m’en tenir au sens ordinaire, je dirais que le jour du Souvenir ne semble pas avoir le même statut que la fête du Canada ou la fête de Victoria en raison de l’utilisation d’un libellé différent. Voilà pourquoi j’estime que nous devrions corriger cet aspect. À mon sens, il se peut fort bien qu’une erreur de rédaction se soit glissée dans la version originale de la loi, mais je pense que l’uniformisation du libellé permettrait non seulement d’améliorer cette loi, mais aussi de donner au Parlement l’occasion d’affirmer sa position, à savoir que le jour du Souvenir revêt une très grande importance pour le Canada et que tous les Canadiens devraient rendre hommage de façon appropriée.

Le président : Sénateur Day, je suis désolé, mais je vais devoir céder la parole au prochain intervenant.

Le sénateur Day : J’y reviendrai peut-être au deuxième tour, si nous en avons l’occasion.

Le président : Il y a quatre personnes qui souhaitent poser des questions et, compte tenu de l’heure et sachant que la plupart de ces gens doivent se rendre à une réunion de caucus, je vais devoir invoquer la règle limitant les questions à une seule.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question est une question linguistique. Lorsqu’on parle de « fête légale », c’est une mesure fédérale; est-ce que les provinces doivent aussi utiliser les termes « fête légale » ou « fériée »? En français, on dit « férié ». Mais lors d’un jour férié, les gens ne sont pas censés travailler. Est-ce la même chose pour une fête légale? Est-ce que les deux ont la même connotation? Est-ce que la conséquence d’une fête légale est que les magasins ou le bureau de poste, par exemple, seront fermés?

M. Fraser : C’est le Parlement du Canada qui légifère pour déterminer les jours de congé dans les provinces. C’est une matière constitutionnelle. Pour moi, il est important d’utiliser les mêmes mots en français et en anglais, mais aussi entre les différentes dispositions du projet de loi.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Très brièvement, monsieur White, cette question s’adresse à vous. Je vous remercie tous de votre présence.

Si le projet de loi de M. Fraser, tel qu’il nous est présenté, ne fait qu’uniformiser le libellé concernant les trois jours, il n’y a rien qui changera. Les enfants iront à l’école. Pourquoi alors êtes-vous contre le projet de loi au juste?

M. White : Nous avons tenu beaucoup de consultations et, lorsque ce projet de loi a été présenté dans sa version précédente, un des grands conseils scolaires de Toronto s’est allié à nous en déclarant qu’il n’appuyait pas l’idée d’en faire un jour férié.

[Français]

En 2008, la Ville d’Ottawa a pris un règlement administratif pour imposer la fermeture des magasins jusqu’à 12 h 30 le jour du Souvenir.

[Traduction]

Quand vous devez adopter des lois secondaires pour vous assurer que les magasins restent fermés et que les gens ne vont pas au travail, cela aggrave le problème qui nous préoccupe. Lorsque j’étais en service, j’allais dans des écoles, notamment dans celles de mes enfants, pour parler du jour du Souvenir et expliquer comment cela touche les militaires et leur famille; selon moi, il est important qu’une telle discussion ait lieu.

Oui, il est vrai que, dans certains cas, nous avons observé une affluence accrue. Le jour du Souvenir attire des foules plus nombreuses depuis 2001, comparativement aux années précédentes. À mon avis, c’est parce que les gens comprennent que les hommes et les femmes qui sont allés se sacrifier venaient de leur collectivité, et ils les connaissent aujourd’hui; cela devient donc plus personnel pour eux.

Pourtant, je ne vois pas de foules à Ottawa. Le taux de participation demeure toujours à peu près le même, peu importe la présence ou l’absence de fonctionnaires. Ce qui nous inquiète, c’est que le jour du Souvenir est déjà considéré comme le début des achats de Noël; par conséquent, si vous en faites un jour férié, la situation ne fera qu’empirer.

La sénatrice Raine : Pourriez-vous me dire en quoi consistaient les articles qui ont été supprimés — les articles 2 et 3?

M. Fraser : Oui. Il s’agissait des articles 2 et 3 — je ne me rappelle pas ce qui venait en premier —, mais l’un d’entre eux prévoyait que le drapeau canadien serait en berne sur la tour de la Paix le 11 novembre. Cette disposition était problématique parce que, par exemple, si la reine était en visite à Ottawa ce jour-là, alors c’est son étendard qui, conformément au protocole, devrait flotter au sommet de la tour de la Paix. On avait donc des préoccupations légitimes quant à l’idée d’inscrire dans la loi quelque chose ayant trait au protocole. J’ai accepté cet argument, et c’est pourquoi j’ai proposé au comité de supprimer cette disposition.

L’autre article prévoyait que si le 11 novembre tombait un samedi ou un dimanche, le lundi suivant serait considéré comme le jour de fête légale, ce qui arrive, mais en pratique, c’est précisé dans les codes du travail et les conventions des employés fédéraux. Cependant, je ne crois pas que ce soit correct. Selon moi, le jour du Souvenir devrait toujours être célébré le 11 novembre. On le souligne toujours le 11 novembre, peu importe si ce jour tombe une fin de semaine. J’ai donc proposé au comité que cet article soit également supprimé.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question s’adresse à M. White. Dans votre texte, vous mentionnez que depuis le 11 novembre, les filiales de la Légion royale canadienne de partout au pays et d’ailleurs tiennent des cérémonies du jour du Souvenir dans leurs communautés à l’occasion de ce jour solennel et sacré. Vous accordez une grande importance au 11 novembre et vous concluez en disant que faire de ce jour un jour férié permettrait d’atteindre le but ultime de perpétuer le souvenir. Je n’arrive pas à comprendre la logique. Vous dites que c’est un jour solennel et sacré et que de le décréter officiellement jour férié, on ne contribuerait pas à atteindre cet objectif.

[Traduction]

M. White : Je crois que la question est de savoir en quoi la désignation du jour du Souvenir comme jour de fête légale permet d’en augmenter l’importance. Je ne vois pas la logique : en le nommant comme tel dans la Loi instituant des jours de fête légale, pourquoi cela le rend-il soudainement important? Cette journée est déjà importante. Pourquoi avons-nous besoin d’une autre mesure législative qui dit que le 11 novembre est une date importante, alors que c’est déjà le cas?

Nous menons des activités de défense des droits. Nous organisons la cérémonie. Nous dirigeons la cérémonie nationale au nom de notre pays. Les filiales de la légion se consacrent entièrement à l’organisation de cette cérémonie à l’échelle de leurs collectivités respectives. La Légion royale canadienne remet les couronnes aux députés afin qu’ils les déposent dans leur circonscription à l’occasion du 11 novembre.

Nous ne voyons tout simplement pas comment l’attribution du statut de jour de fête légale dans la Loi instituant des jours de fête légale accorde une importance accrue à cette journée, sachant qu’il s’agit d’une journée de commémoration. C’est ici que cela se passe. Ce n’est pas en disant que c’est un jour de fête légale. C’est ici. C’est le cumul de nos expériences. C’est ce que nous avons vécu dans l’armée. Ce sont les souvenirs que nous gardons de notre expérience dans les Forces canadiennes.

Pendant les défilés, je me souviens de mon grand-père, un ancien combattant de Dieppe. Je me souviens de ses compagnons d’armes. Aujourd’hui, les jeunes qui prennent part aux défilés se souviennent de ceux qui étaient à leurs côtés il n’y a pas si longtemps et qui ne sont plus là. Voilà, selon moi, ce qui importe. Nul besoin d’établir un jour férié pour que ce soit important.

Le président : Il nous reste un peu de temps pour un second tour, mais je rappelle que les fonctionnaires de Patrimoine Canada sont là si vous avez des questions à leur poser. Nous avons également reçu une déclaration écrite d’Anciens Combattants Canada — elle se trouve dans la documentation. Vous devriez l’avoir là-dedans. En somme, le ministère affirme que le fait de rehausser le statut, de se souvenir du dévouement de nos soldats et de rendre hommage à tous ceux qui ont servi notre pays est une bonne idée. Le ministère ajoute que cela constitue un geste symbolique important à l’appui de la commémoration. Je voulais porter cela à votre attention.

Le sénateur Day : Il s’agit davantage d’une observation que d’une question. Nous devrions souligner, aux fins du compte rendu, tout le travail qu’accomplit la Légion royale canadienne. Je sais que M. Fraser en a déjà parlé, et M. White connaît très bien mon dévouement envers les anciens combattants et mon attachement au jour du Souvenir.

La difficulté, selon moi, c’est que les gens associent à cette journée d’autres idées plus générales en raison de la Loi instituant des jours de fête légale, mais c’est là qu’on trouve cette mention. Telle est la terminologie qui a été utilisée. Nous n’essayons pas de changer le titre de la loi. C’est ce qui existe.

Toutefois, dans la Loi instituant des jours de fête légale, d’après ce que je crois comprendre en examinant le texte législatif actuel, le jour du Souvenir n’est pas qualifié de la même manière que les autres journées pour une raison quelconque, et il ne semble pas y avoir d’explication à ce sujet. Ai-je raison?

M. Fraser : Oui, sénateur. C’est ce que je crois comprendre, moi aussi; quand on examine la loi, on constate que le libellé n’est pas le même, car la fête du Canada et la fête de Victoria sont désignées comme des jours de fête légale, tandis que le jour du Souvenir est désigné seulement comme un jour férié. C’est donc déjà reconnu dans une loi fédérale. Ce n’est pas comme si nous changions ce fait. Par ailleurs, il incombe aux provinces et aux territoires de décider si c’est un jour férié, c’est-à-dire un jour de congé.

Le projet de loi ne modifie pas juridiquement la décision d’en faire ou non un jour férié, mais il uniformise le libellé. À mon avis, cela corrige aussi une erreur de rédaction qui a probablement été commise au départ lorsque la Loi instituant des jours de fête légale est entrée en vigueur.

Le sénateur Day : Monsieur White, est-ce bien ce que vous comprenez? Le projet de loi ne crée pas un jour de congé?

Le président : C’est une question par personne. Je continue de faire de mon mieux pour donner la parole à d’autres intervenants.

[Français]

La sénatrice Mégie : Si je compare les deux présentations, monsieur White, vous avez dit que cela ne changera pas les choses si on l’appelle « fête légale ». Toutefois, ne craignez-vous pas que cela puisse tomber dans l’oubli? Peut-être que non. Les nouvelles générations peuvent dire : « C’était mon grand-père, mon arrière-grand-père, bof... » Je ne sais pas. Je pose la question.

[Traduction]

M. White : Encore une fois, si je peux me permettre de répondre en anglais, je crois que le jour du Souvenir ne perdra jamais de son importance pour qui que ce soit, car nous sommes les citoyens soldats du pays. Le Canada a une très riche histoire militaire. Nous nous sommes battus du côté du bien pendant de nombreuses années. C’est grâce aux sacrifices de nos soldats que nous goûtons les joies qui nous sont offertes aujourd’hui. C’est ce qui permet notre mode de vie actuel.

Le jour du Souvenir ne cessera jamais. Je me souviens, comme je l’ai fait pendant mes 23 ans de service dans les forces armées et comme je le fais chaque fois que je prends part à un défilé et que je pense à mon grand-père. Pourtant, le souvenir de mon grand-père n’a pas rendu cette journée moins importante.

C’est également une occasion de penser à ceux qui étaient avec moi et qui sont tombés au champ d’honneur. De nos jours, cela prend une connotation plus personnelle parce que les jeunes militaires d’aujourd’hui ont perdu leurs camarades. Ils ont perdu leurs amis qui étaient là avec eux. C’est plus réel. C’est aussi plus réel pour les collectivités d’aujourd’hui parce que, parmi les 25 p. 100 de militaires qui sont allés en Afghanistan, la plupart venaient de petites collectivités et d’unités de réserve.

Ils ont donc dû quitter leur collectivité pour être déployés à l’étranger. Maintenant qu’ils sont de retour dans leur collectivité, c’est plus réel pour les habitants locaux parce qu’ils comptent parmi eux des anciens combattants qui sont jeunes. Par conséquent, nous ne perdrons jamais de vue l’importance et la pertinence de cette journée.

La sénatrice Omidvar : Vos arguments m’interpellent, monsieur White, mais j’ai toujours du mal à comprendre ceci : si la loi ne fait que désigner le jour du Souvenir comme jour de fête légale, alors rien ne change. Ce que vous contestez, me semble-t-il, c’est la loi originale. Vous auriez préféré que le jour du Souvenir ne soit carrément pas visé par la Loi instituant des jours de fête légale, mais le projet de loi à l’étude ne change rien à cela. J’ai donc un peu de mal à suivre votre raisonnement. Aidez-moi à comprendre, je vous prie.

M. White : Ce que je conteste, pour reprendre votre terme, c’est le fait qu’on donne aux provinces le choix d’en faire ou non un jour de congé, et on ouvre ainsi la porte à cette possibilité.

La sénatrice Omidvar : Merci. Là, je comprends.

Le président : Chers collègues, il est maintenant un peu plus de 17 heures. Normalement, nous ne procéderions pas à l’étude article par article le même jour que les témoignages. Il s’agit toutefois d’un petit projet de loi, qui ne contient qu’un article.

Je veux que vous soyez à l’aise avec cette question. J’aimerais donc savoir si vous souhaitez procéder, à ce stade-ci, à l’étude article par article ou si vous préférez la reporter à une autre journée, comme le veut l’usage.

La sénatrice Raine : J’aimerais obtenir une précision relativement à la dernière observation.

Si c’est un jour de fête légale en vertu de la Loi instituant des jours de fête légale, cela permet-il aux provinces d’accorder plus facilement un jour de congé aux gens?

M. Fraser : Monsieur le président, permettez-moi de répondre.

Non. Selon la Constitution, il appartient aux provinces et aux territoires de déterminer quels sont les jours fériés dans leur administration. L’uniformisation du libellé de la loi n’aura donc rien à voir avec la possibilité d’instaurer plus facilement ou non un jour férié dans une province ou un territoire.

Le président : Permettez-moi de préciser un point. Si je comprends bien, ce que vous essayez de faire dans la Loi instituant des jours de fête légale, c’est de rendre la terminologie équivalente à celle employée pour la fête de Victoria ou la fête du Canada, n’est-ce pas? La fête de Victoria n’est-elle pas célébrée dans l’ensemble du pays?

M. Fraser : Il y a quatre provinces où la fête de Victoria n’est pas un jour férié.

Le président : La fête du Canada est soulignée à l’échelle du pays, mais cette décision a-t-elle été prise par les provinces?

M. Fraser : Oui.

Le président : Très bien. Donc, essentiellement, si vous conférez un statut équivalent à cette journée, vous avez alors un argument à faire valoir aux provinces; ainsi, vous pouvez leur dire que le gouvernement fédéral reconnaît le jour du Souvenir comme un équivalent et leur demander si elles sont maintenant disposées à en faire un jour de congé pour les gens. Cela nous ramène, bien entendu, à l’argument invoqué par la légion en faveur de l’idée que les gens obtiennent les connaissances nécessaires dans les écoles ou par tout autre moyen, et je pense que M. White l’a expliqué de façon très éloquente : c’est quelque chose que nous devons avoir dans notre cœur. En tout cas, voilà le résumé des arguments.

M. Fraser : Monsieur le président, permettez-moi de mentionner une chose très brièvement.

Il y a quatre provinces où ce n’est pas un jour férié : l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba. La Nouvelle-Écosse et le Manitoba en ont fait un jour de congé aux termes de mesures législatives autres que leur loi régulière instituant des jours de fête légale. Par conséquent, ce n’est pas un jour de congé en Ontario, au Québec et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Day : Je propose que nous passions maintenant à l’étude article par article.

Le président : Les sénateurs se sentent-ils à l’aise de procéder à l’étude article par article?

Des voix : D’accord.

Le président : Nous allons donc entamer maintenant l’étude article par article.

La question officielle est la suivante : plaît-il au comité de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi instituant des jours de fête légale (jour du Souvenir)?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté.

L’étude du titre est-elle réservée?

Des voix : D’accord.

Le président : L’article 1, soit le seul article, est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Le projet de loi — il n’y a aucun amendement — est-il adopté?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté.

Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport?

Des voix : Non.

Le président : Est-il convenu que je fasse rapport au Sénat du projet de loi sans observations et sans amendements?

Des voix : D’accord.

Le président : Adopté.

Voilà, c’est fait.

Félicitations, monsieur Fraser; le projet de loi sera maintenant renvoyé au Sénat pour l'étape de la troisième lecture.

(La séance est levée.)

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