Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 57 - Témoignages du 11 avril 2019
OTTAWA, le jeudi 11 avril 2019
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel on a renvoyé le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi.
La sénatrice Chantal Petitclerc(présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, tout le monde. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Français]
Je suis Chantal Petitclerc, du Québec. C’est un grand plaisir et un privilège de présider cette réunion ce matin.
[Traduction]
Avant de céder la parole à notre témoin, et nous sommes ravis que vous soyez des nôtres aujourd’hui, j’inviterais mes collègues à se présenter.
La sénatrice Seidman : Bonjour. Judith Seidman, de Montréal, Québec.
La sénatrice Poirier : Bonjour. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Eaton : Bienvenue. Nicky Eaton, de l’Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : Bonjour et bienvenue. Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Munson : Jim Munson, de l’Ontario. Avant que nous commencions, je sais que la présidente a parlé hier de l’excellent travail du Dr Wilbert Keon, ce que nous avons souligné, mais en ce moment, il y a un service en son honneur à la cathédrale St. Patrick ici à Ottawa, et je voulais y assister. Je sais que le Dr Keon aurait préféré que nous soyons ici à faire notre travail au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Le Dr Keon a été un mentor pour moi lorsque je suis arrivé au Sénat, il y a de cela 15 ans et demi. Il m’a beaucoup conseillé dans le cadre des travaux que je menais sur l’autisme même à l’époque.
Le Dr Keon a non seulement réalisé son étude sur la santé, mais il a aussi été le coprésident dans le cadre de la rédaction du rapport Kirby sur la santé mentale intitulé De l’ombre à la lumière. Il a été une figure marquante, un trésor national et un incroyable coprésident de ce comité. Par respect pour le Dr Keon, je suggère d’observer un moment de silence et de nous remémorer le travail qu’il a fait ici et l’importante incidence que ses efforts auront sur nous tous à l’avenir.
Nous allons maintenant observer un moment de silence en l’honneur du Dr Keon.
[Minute de silence.]
[Français]
La présidente : Merci beaucoup, sénateur Munson, pour ces paroles.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.
[Traduction]
J’aimerais faire savoir à tout le monde que si vous assistez à la réunion aujourd’hui, nos délibérations sont interprétées en American Sign Language et en langue des signes québécoise. Le sous-titrage est également disponible dans la salle du comité dans les deux langues officielles. Pour les auditeurs qui nous suivent en ligne, la diffusion en ASL et en LSQ sera disponible une semaine après chaque séance sur le projet de loi C-81.
[Français]
Je vous présente notre premier groupe de témoins pour aujourd’hui. D’Accès troubles de la communication Canada, nous avons parmi nous Mme Barbara Collier, directrice générale; de l’Institut national canadien pour les aveugles, Diane Bergeron, vice-présidente, Mobilisation et Affaires internationales; et, enfin, de la Marche des dix sous du Canada, Mme Zinnia Batliwalla, gestionnaire nationale, Relations gouvernementales et représentation. Bienvenue.
[Traduction]
J’aimerais vous rappeler que vous avez cinq minutes pour faire vos déclarations liminaires, qui seront suivies des questions des sénateurs. Nous allons commencer avec vous, madame Collier.
Barbara Collier, directrice générale, Accès troubles de la communication Canada : Merci et bonjour, sénateurs. Je suis ravie d’être des vôtres ce matin.
Je représente Accès troubles de la communication Canada, ATCC. Nous sommes un organisme à but non lucratif oeuvrant pour les personnes handicapées qui se consacre à améliorer l’accès aux services pour les personnes ayant des troubles de la parole et du langage qui ne sont pas causés principalement par la surdité. ATCC a participé aux consultations qui ont mené au projet de loi C-81. Nous félicitons le gouvernement d’avoir présenté ce projet de loi, qui est un important pas en avant en vue de créer un Canada accessible pour toutes les personnes handicapées.
Nous appuyons ce projet de loi et nous voulons qu’il reçoive la sanction royale le plus tôt possible. Cependant, comme vous en avez déjà entendu parler, nous pensons qu’il pourrait être renforcé. Nous approuvons les recommandations qui ont été formulées hier par l’ARCH Disability Law Centre, l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité et l’AODA Alliance, dont vous entendrez le témoignage plus tard ce matin.
Nous croyons qu’une loi canadienne sur l’accessibilité robuste a le potentiel d’améliorer l’accessibilité pour plus d’un demi-million de Canadiens qui ont une incapacité qui nuit à la façon dont ils comprennent ou traitent la langue parlée, qui ont des difficultés d’élocution ou qui communiquent au moyen d’images, de symboles, de tableaux à lettres, de dispositifs de synthèse vocale ou de l’aide d’autres personnes.
Je parle des gens qui ont des troubles de la parole et du langage en raison d’une paralysie cérébrale, du trouble du spectre de l’autisme, du syndrome de Down, de difficultés d’apprentissage, du syndrome d’alcoolisation fœtale, d’une déficience cognitive et intellectuelle, de lésions cérébrales acquises, d’aphasie après un AVC, d’un cancer de la tête et du cou, de la maladie de Lou Gehrig ou SLA, de la maladie de Parkinson et de la sclérose en plaques. Nous parlons de nombreuses incapacités qui peuvent contribuer aux troubles de la parole et du langage de certaines personnes qui ne sont pas sourdes ou qui ne souffrent pas d’une déficience auditive sévère.
En octobre 2018, nous avons témoigné devant le Comité permanent des ressources humaines et avons demandé que le projet de loi soit amendé pour inclure la communication — sans le « s » — en tant que secteur prioritaire en matière d’accessibilité. Cet amendement a été apporté. Par conséquent, ce projet de loi est maintenant la seule mesure législative en matière d’accessibilité qui fait la distinction entre la communication et l’information et les communications.
À l’heure actuelle, les lois et les lignes directrices provinciales, territoriales et internationales en matière d’accessibilité ont tendance à se concentrer sur la façon dont l’information est communiquée à une personne, notamment les sites web accessibles et les formats de rechange en langage clair. Bien que ces mesures d’adaptation soient essentielles, elles ne contribuent pas à éliminer les obstacles auxquels sont confrontés les gens lorsqu’ils interagissent avec d’autres — et on ne peut accéder à aucun service sans interagir avec quelqu’un.
La Loi canadienne sur l’accessibilité aurait le potentiel d’élaborer des normes et des règlements relatifs à une communication efficace qui veilleront à ce que les gens puissent utiliser la méthode de communication qu’ils privilégient, interagir avec des personnes qui ont reçu une formation sur la façon d’interagir avec eux, et obtenir les mesures d’adaptation dont ils ont besoin pour communiquer — au téléphone et à des réunions. Par ailleurs, il est très important qu’ils puissent obtenir les services de soutien à la communication dont ils ont besoin, notamment dans des situations liées à des services de police ou à des services légaux et juridiques, et lorsqu’ils doivent donner leur consentement dans des situations sérieuses, comme l’aide médicale à mourir.
Contrairement à la nécessité d’offrir des services d’interprétation en langage gestuel ou à des services de traduction, les mesures d’adaptation et les services de soutien à la communication pour les personnes qui souffrent de troubles de la parole et de langage ne sont pas bien connus. Ils sont souvent omis dans la réglementation et sont gravement sous-développés au Canada. Pourtant, de nombreuses recherches ont été menées dans le cadre de projets pilotes qui confirment que bien des gens ont besoin de services de soutien à la communication dans ces situations sérieuses.
Nous avons deux recommandations qui pourraient renforcer le projet de loi, outre les autres recommandations que nous approuvons et appuyons. Nous avons deux recommandations à vous faire pour renforcer le projet de loi pour les personnes qui ont des troubles de la parole et du langage. Premièrement, nous voulons que le projet de loi clarifie le terme « communication ». Lorsque nous y réfléchissons, bien des gens pensent à la façon de communiquer l’information à une personne, et pas nécessairement à la façon dont je vais comprendre l’information qui m’est communiquée. Nous recommandons donc que le terme « communication » au paragraphe 5(c.1) soit clarifié dans la section des définitions comme étant « un processus bidirectionnel et interactif dans le cadre duquel les gens donnent et reçoivent de l’information en utilisant diverses méthodes de communication dans les interactions en personne au téléphone, en ligne et par la lecture et l’écriture ». Je pense que ce libellé couvre tout. Il fera ressortir que la communication est une priorité. C’est ce que nous faisons valoir.
Deuxièmement, nous recommandons de reconnaître que les gens ont le droit d’utiliser un éventail de méthodes de communication et de soutiens à la communication. La raison pour laquelle nous réclamons cette reconnaissance est que les gens communiquent de différentes façons et ont le droit d’utiliser les méthodes de communication et les soutiens à la communication qui cadrent le mieux avec leurs besoins, ceux de la personne avec qui ils interagissent et le contexte.
Nous estimons qu’il est important que ce soit précisé et que les gens soient représentés dans le projet de loi. Nous recommandons d’ajouter un énoncé de principe à l’article 6 qui stipule ceci : « Toute personne a le droit de communiquer en utilisant la méthode de communication ou le soutien à la communication qu’elle privilégie, ce qui inclut la parole, l’écriture, les images, les tableaux à symboles et à lettres, les dispositifs de synthèse vocale, de même que les services à la personne, tels que l’ASL, la LSQ et l’ISL, l’interprétation, le sous-titrage en temps réel, et l’aide à la communication formelle et informelle. » Ce doit être inclusif.
Merci de m’avoir donné l’occasion de vous faire part de ces renseignements. Pour terminer, nous appuyons ce projet de loi. Nous espérons que vous pourrez le renforcer et mettre en œuvre nos suggestions. Nous avons de nombreuses autres suggestions concernant le déploiement, mais je vais m’arrêter ici pour le moment.
La présidente : Merci.
Madame Bergeron, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire pour nous également.
Diane Bergeron, vice-présidente, Mobilisation et Affaires internationales, Institut national canadien pour les aveugles : Oui. Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de l’occasion de comparaître ici aujourd’hui. Je suis Diane Bergeron. Comme toujours, je suis accompagnée de la charmante Lucy, qui se trouve à mes pieds.
L’an dernier, l’INCA a célébré son 100e anniversaire — nous avons consacré 100 ans à changer le sort des Canadiens ayant une déficience visuelle. Nous offrons des programmes novateurs et nous travaillons sans relâche pour défendre les intérêts des personnes atteintes de cécité afin qu'elles puissent concrétiser leurs rêves et en vue d'éliminer les obstacles à l'inclusion.
J’aimerais commencer par reconnaître le travail des autres groupes voués à la cause des personnes handicapées qui comparaissent ici aujourd’hui. Nous travaillons sans relâche depuis quelques années. En tant que collaborateurs, en tant que communauté, nous travaillons ensemble pour répondre aux préoccupations qui concernent le projet de loi C-81. Il est important de tenir compte de toutes les opinions concernant cette importante mesure législative.
J’ai vécu avec un problème de cécité presque toute ma vie. J’avais 5 ans lorsqu’on m’a diagnostiqué un trouble de la vue : une rétinite pigmentaire.
Au fil des ans, j’ai été confrontée à de nombreux obstacles en qui a trait à ma participation au sein de la société — qu'il s'agisse des édifices, des moyens de transport, de la technologie ainsi que de l'attitude et de la perception des gens pour ce qui est des capacités des personnes ayant une déficience visuelle.
En dressant des obstacles, les gouvernements ont nui à ma participation au sein de la société. Cependant, je crois que certains aspects du projet de loi C-81 contribueront à améliorer ma vie et la vie d’autres Canadiens ayant une déficience visuelle ou d'autres handicaps.
Pour ce faire, nous devons miser sur la technologie. Aujourd’hui, je peux lire mes notes grâce à mon ordinateur et à un système de synthèse vocale. Je répète ce que j’entends dans mon écouteur. Cela se fait comme par magie.
La technologie est un excellent outil pour améliorer l’accessibilité des personnes ayant une déficience visuelle. Mon iPhone, que j’ai ici, me permet non seulement de lire des courriels et de faire des appels, mais aussi de lire des documents inaccessibles et des graphiques. Il peut m’aider à démêler de la monnaie papier. Il peut me mettre en communication avec un agent qui peut m’aider en temps réel à m'orienter dans un édifice municipal pour trouver un bureau de scrutin. Il peut m’aider à me situer dans un édifice ou dans un quartier au moyen de balises dotées de la technologie Bluetooth.
Le gouvernement peut utiliser la technologie, au moyen de balises, pour rendre les édifices gouvernementaux plus accessibles et pour éliminer les obstacles pour les personnes ayant une déficience visuelle, ce qui est un élément clé du projet de loi C-81.
L’INCA félicite le gouvernement fédéral de cette mesure législative. Toutefois, le projet de loi C-81 n’est pas parfait. Après de nombreuses années de consultations et de participation, nous sommes d’avis que le projet de loi C-81 devrait être adopté dans sa forme actuelle. Comme vous le savez tous, le projet de loi C-81 a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes en raison des amendements importants qui ont renforcé la loi. Pourrait-il être amélioré? La réponse est oui. Cependant, nous savons qu'aucune mesure législative n'est parfaite.
Bien que l’INCA estime que cette mesure législative peut être améliorée, nous sommes également d'avis qu’elle doit être adoptée dans les plus brefs délais. Cette mesure législative historique n’éliminera pas les obstacles à l’inclusion des Canadiens ayant une déficience visuelle ou tout autre handicap si le projet de loi meurt au Feuilleton au Sénat ou à la Chambre des communes. C’est l'avis qu'exprime l'INCA depuis le début. Nous croyons que le gouvernement devrait mettre en place de nouvelles structures et élaborer et mettre en œuvre une réglementation musclée qui qui feront du Canada un pays plus accessible et plus inclusif. En bout de ligne, nous croyons que c’est la meilleure méthode de reddition de comptes du gouvernement fédéral pour entamer ces processus le plus rapidement possible.
Nous aimerions souligner que lorsque la ministre Qualtrough a comparu devant ce comité la semaine dernière, elle a souligné deux aspects où des améliorations devraient être apportées.
En ce qui concerne l’ASL et le CIQ, l’INCA croit qu’il devrait y avoir un moyen de souligner et de reconnaître l’importance de la langue des signes pour la communauté des personnes sourdes. Nous estimons également qu’il est important de clarifier l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées afin de veiller à ce que le projet de loi C-81 n’affaiblira pas les obligations fédérales en matière de droits de la personne.
Selon notre expérience, l'adoption d'une mesure législative sans aucun mécanisme de reddition de comptes n'est pas suffisante. Pour mise sur la responsabilisation du gouvernement envers les Canadiens handicapés, aux Canadiens handicapés, l’INCA propose les recommandations suivantes, pas dans le cadre de la mesure législative, mais à titre de suggestions au gouvernement.
Nous croyons qu’il est important que le gouvernement rende publics sans délai tous les résultats du projet de loi C-81.
Deuxièmement, nous pensons que le gouvernement du Canada devrait publier ses échéanciers prévus pour la mise en œuvre de la mesure législative durant l’été. Ces échéanciers devraient illustrer les résultats escomptés au cours de la prochaine année ou d’ici les deux ou cinq prochaines années. Même si nous reconnaissons que les gouvernements ne publient habituellement pas ce genre d'échéanciers, cela prouverait à la communauté des personnes handicapées que les objectifs de cette mesure législative sont réels et constituent une priorité importante.
Enfin, pour vraiment examiner et analyser l’incidence de la mesure législative visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, le gouvernement du Canada devrait allouer du financement aux organismes œuvrant en faveur des personnes handicapées pour surveiller la mise en œuvre de la mesure législative. Cette approche serait similaire aux travaux de ces organismes en ce qui concerne la mise en œuvre par le Canada de la Convention relative aux droits des personnes handicapées au moyen d’un rapport parallèle. Ces travaux contribueraient à façonner l’examen législatif quinquennal et à fournir la meilleure rétroaction possible. En fait, l’article 14 à la partie 1 confère à la ministre de l’Accessibilité le pouvoir de créer des subventions et des contributions pour appuyer les programmes et les projets en lien à des questions d’accessibilité. La création de ces occasions de financement est déjà prévue dans cette mesure législative.
Comme je l’ai signalé plus tôt, la technologie peut contribuer à améliorer l’accessibilité et à éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes ayant une déficience visuelle. Le projet de loi C-81 ne fournit pas de détails sur la façon de procéder, car c’est le rôle de la réglementation. Bon nombre des applications de cette mesure législative qui auront une incidence directe sur les Canadiens ayant une déficience visuelle ne seront pas respectées jusqu’à ce que le règlement soit élaboré et mis en œuvre. Rien de cela ne sera possible à moins que cette mesure législative soit adoptée.
Je tiens à tous vous remercier du temps et de l’occasion que vous m’accordez pour m’adresser à vous aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Zinnia Batliwalla, gestionnaire nationale, Relations gouvernementales et représentation, Marche des dix sous du Canada : Bonjour, sénateurs. Pour commencer, je veux vous remercier de m’avoir invitée aujourd’hui pour discuter de l’importance du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, au nom de la Marche des dix sous du Canada.
La Marche des dix sous du Canada est l’organisme communautaire le plus important au Canada qui offre des programmes et des services aux personnes atteintes d’un handicap physique. Notre mission consiste à maximiser l’indépendance, l’enrichissement personnel et la participation communautaire des personnes qui ont un handicap physique. Même si notre mission est au cœur de chaque programme et service que nous offrons, nous savons également que les programmes et les services ne sont pas suffisants pour réaliser la vision de notre organisme d’une société ouverte aux personnes handicapées.
Des lois, des politiques et des règlements rigoureux et efficaces sont également nécessaires pour éliminer les obstacles qui empêchent l’inclusion des personnes handicapées chaque jour.
C’est pourquoi nous réclamons depuis longtemps une loi nationale sur l’accessibilité et c’est pourquoi nous sommes ravis de discuter du projet de loi C-81, qui a le potentiel de rapprocher le Canada d’une société plus équitable et plus juste pour les Canadiens handicapés.
J’aimerais souligner que le temps presse pour exhorter le Sénat à accorder la priorité à l’adoption de ce projet de loi.
En raison des échéanciers serrés, il est regrettable que nous soyons hésitants à présenter des amendements. Nous sommes d’avis que le projet de loi, dans sa forme actuelle, a le potentiel d’accomplir beaucoup plus qu’il le ferait s’il meurt au Feuilleton.
Cela dit, nous reconnaissons que le projet de loi pourrait faire beaucoup plus pour rendre le Canada accessible et exempt d’obstacles, particulièrement en ce qui concerne la responsabilisation.
Nous appuierons les amendements proposés pour le renforcer, notamment à l’égard de nos sujets de préoccupation, dont je parlerai, mais nous ne voulons pas en retarder l’adoption pour cette raison. Pour le reste de mon temps de parole, je veux mettre en évidence des moyens importants qui permettront d'obtenir la reddition de comptes pour des changements susceptibles de se traduire en actes.
Que ces sujets de préoccupation soient traités ou non avant ou après l’adoption du projet de loi, nous exhorterons le gouvernement de désormais s'en charger. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition, notamment le processus d’examen énoncé dans le projet de loi pour informer le gouvernement et collaborer avec lui à cette tâche après l’adoption du projet de loi.
L’adoption de projets de loi comme le projet de loi C-81 permet à des organismes comme le nôtre de collaborer avec les fonctionnaires qui sont nos partenaires pour responsabiliser le gouvernement et toutes les entités réglementées afin qu’ils atteignent l’objectif d’accessibilité. Par exemple, depuis la mise en œuvre de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, la Marche des dix sous du Canada s’est invariablement servi de deux mécanismes, le processus d’examen et l'échéancier de 2025 pour que l'Ontario devienne une province accessible, afin d'encourager l’atteinte de cet objectif.
La mouture actuelle du projet de loi C-81 ne comporte ni dates ni échéanciers pour atteindre l’objectif visant à faire du Canada un pays exempt d'obstacles ou pour appliquer les principales exigences nécessaires à l’élimination ou à la prévention d’obstacles.
Afin que des organismes comme le nôtre puissent mesurer les progrès et de préconiser des changements, il importe d'établir des échéanciers pour faciliter la collaboration avec nos partenaires des administrations publiques afin de nous rapprocher de l’objectif d’un Canada accessible et inclusif.
Dans le même ordre d’idées — je sais que la question a déjà été soulevée à maintes reprises —, même si le projet de loi donne au gouvernement et à d’autres organismes le pouvoir d’édicter et de faire appliquer des exigences en matière d’accessibilité, il n’exige pas l’usage de ce pouvoir, à cause de son libellé laxiste.
À l’instar des échéanciers, l’obligation pour le gouvernement et ses entités réglementées d’élaborer et de faire respecter des exigences en matière d’accessibilité permettra à des organisations comme la nôtre de s’assurer que ces acteurs respectent leurs engagements en vue d'atteindre notre objectif en matière d'accessibilité.
Jusqu’ici, je me suis exclusivement concentrée sur la façon dont certaines organisations, comme la Marche des dix sous du Canada, pourraient avoir recours à certains éléments de la loi pour assurer la responsabilisation du gouvernement. Cependant, comme l'ont dit d'autres témoins, le gouvernement fédéral a raté une belle occasion, soit de tenir responsables ses partenaires au-delà des entités réglementées pour s'assurer que les fonds publics dépensés ou transférés ne servent pas à créer ou à maintenir les obstacles auxquels sont confrontées les personnes handicapées.
Enfin, je tiens à parler, relativement à la responsabilisation, du partage des responsabilités en ce qui concerne l’application de la loi entre le nouveau commissaire à l’accessibilité, le CRTC et l’Office des transports du Canada. Ce partage des responsabilités n’est pas susceptible de faire naître une culture favorisant la responsabilisation.
Pour renforcer le projet de loi C-81, il faudrait envisager de centraliser les mesures de surveillance relatives à l’application de la loi et au traitement des plaintes dans un but de simplicité et pour éviter toute confusion.
Encore une fois, je vous remercie tous de m'avoir donné l'occasion de parler au nom de la Marche des dix sous du Canada. De toute évidence, le projet de loi est un pas dans la bonne direction pour un Canada accessible et inclusif à l’égard des personnes handicapées. Cependant, nous sommes conscients qu’il reste encore beaucoup à faire pour assurer l’atteinte de cet objectif, notamment le renforcement de cette loi pour en assurer l’efficacité et l’impact à long terme. Nous avons hâte de collaborer avec tous les parties prenantes de l’administration fédérale, nos collectivités et tous les autres joueurs.
La présidente : Je vous remercie pour vos exposés.
La sénatrice Seidman : Merci pour vos exposés. Comme je l’ai dit hier à nos témoins, merci de vous faire les porte-parole des personnes handicapées. Il y a beaucoup de voix à faire entendre, et nous devons en prendre conscience. M. Estey, du Conseil des Canadiens avec déficiences, nous a dit, hier, que nous étions plus ou moins à la fin du processus. Quelles sont nos priorités? Qu’est-ce qui est le plus important? C'est tout un défi.
Je pense que nous nous sentons tous concernés et je sais que vos témoignages sont semblables à ceux d’hier. Ça commence vraiment bien; c’est un projet de loi efficace. Il est vraiment important pour les collectivités, mais on pourrait le renforcer. On pourrait l’amender, mais nous ne savons pas vraiment si les amendements doivent venir de vous parce que nous ne voulons pas retarder son adoption. D’autre part, certains disent que le projet de loi est tellement peu contraignant qu’il serait préférable de s'en passer.
J’essaie de vous inciter à nous aider. Je sais que c’est une tâche difficile, parce que je sais que vous voulez être les porte-parole fidèles de vos membres. D’autre part, les nombreuses lettres que nous avons reçues nous indiquent que les personnes handicapées ne veulent pas risquer l’adoption de cette loi.
Voici une question difficile : si vous pouviez renforcer un élément du projet de loi, comment le formuleriez-vous?
Mme Collier : Il y a trois réponses probables. Vous l’avez si bien dit : il s'agit d'une situation très difficile. Nous souhaitons l’adoption du projet de loi. Quel serait notre plus grand souhait? Ce serait de rendre la loi contraignante. C’est d’avoir un engagement ferme à cet égard. Tout de suite après, notre deuxième souhait serait l’établissement d’échéanciers.
La sénatrice Seidman : Merci.
Mme Bergeron : Les propos de la ministre Qualtrough, la semaine dernière, semblent privilégier deux des plus importants éléments du projet de loi, c’est-à-dire la reconnaissance de la American Sign Language (ASL) et la langue des signes québécoise (LSQ) ainsi que la modification du libellé pour assurer la mise en place de mesures d’adaptation en faveur des personnes handicapées et le respect des droits de la personne. S’ils se sont dits en faveur d'apporter des amendements en ce sens, et ces amendements sont importants, je vous encourage à persévérer dans vos efforts à ce chapitre. Ainsi, cela permettrait que le dossier soit traité à temps.
Mme Batliwalla : En tant qu'organisation qui souhaite accroître l’accessibilité et l’inclusion, il s’agit de trouver une manière d’assurer la responsabilisation du gouvernement une fois que cette loi sera adoptée.
Il y a aussi la possibilité de réunir ces deux enjeux, bien que, sur le plan technique, vous deviez peut-être en saisir l’alliance ALD et l’ARCH. D'un point de vue organisationnel, cela nous permettra de miser sur la responsabilisation.
Le sénateur Munson : Merci beaucoup d’être des nôtres. De toute évidence, en tant que parrain de ce projet de loi, je dois l'appuyer. Les éventuels amendements doivent être précis, clairs, brefs et concis. Je ne crois pas très utile d’en avoir une dizaine ou une quinzaine. S’ils sont bien sentis, peut-être que le gouvernement les acceptera. Espérons-le.
Une déficience se fait discrète dans nos discussions. Je suis heureux, madame Collier, que vous soyez des nôtres. Il ne s'agit pas seulement de l’autisme, mais aussi des déficiences intellectuelles, parce que, l’inclusion c’est bien plus que l’inclusion. C’est aussi des emplois. L’inclusion, c’est le reste de ce que fait la société, et c’est une obligation morale et une obligation sur le plan des droits de la personne à l’égard des personnes sans emploi. Chez les personnes handicapées, c’est plus que la construction d’une rampe d’accès, plus qu’un bouton qui ouvre une porte.
Je suis vraiment heureux que vous soyez des nôtres pour parler du volet des communications. Si vous pouviez être plus précise sur la façon dont la loi fonctionnerait du point de vue des emplois tant dans la fonction publique, à Transports Canada, dans les banques, qui sont des lieux très fréquentés par le public. C’est une chose que de profiter des mesures d'inclusion quand on a un syndrome d’Asperger. Même si on a de la difficulté de tisser des liens sociaux, on est quand même futé dans de nombreux domaines.
De 20 à 40 p. 100 des personnes souffrant de déficiences intellectuelles sont sans emploi. La loi aiderait-elle à réduire ce pourcentage? Comment ferait-elle?
Mme Collier : Je vous remercie de votre question, sénateur Munson. Je pense que la loi donnera ce résultat. Honnêtement, avec la population que nous aidons, dont les déficiences l’empêchent de bien communiquer — J’en ai énuméré délibérément pour vous donner un aperçu de l’ampleur du problème. Beaucoup de personnes ont des déficiences multiples, des déficiences intellectuelles. Beaucoup de personnes n’en n’ont pas. Pourtant, si elles ont de la difficulté à s'exprimer et qu'on a du mal à les comprendre, on croit à tort qu'elles ont un handicap cognitif et qu'elles doivent être représentées par quelqu'un, ce qui n'est pas vrai dans tous les cas.
Il s’agit ici de reconnaître, en de donner une priorité aux communications en examinant plus particulièrement leurs besoins du point de vue de l'emploi, entre autres. Lors de nos travaux de recherche, elles nous ont dit qu'elles étaient incapables de consulter leur médecin, de dénoncer un abus à la police ou de communiquer avec le chauffeur de l'autobus adapté. On parle ici de besoins criants. Oui, la sensibilisation et l’emploi font également partie de la question.
Je pense qu’il y a encore beaucoup à faire en matière de sensibilisation aux besoins de cette population. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Ces gens dovent disposer d'outils de communication. Dans certaines régions du Canada, saviez-vous qu'il est impossible d'avoir accès à des services ou des appareils de communication? Comment peut-on même commencer à parler d'emplois?
Certaines provinces ne fournissent même pas d’ordinateurs. Il n’y a ni financement ni mesures de soutien. Comment ces personnes peuvent-elles réussir à se trouver un emploi alors qu'elles souffrent de paralysie cérébrale, d'une déficience intellectuelle, d'un handicap physique ou d'un trouble de la communication? C’est un enjeu colossal. Il faut examiner tous ces éléments.
Selon moi, ce n'est qu'un début. Il faudrait que le ministre chargé de l’accessibilité communique avec les provinces afin de fournir à ces personnes un accès aux technologies d'assistance et aux services dont elles ont besoin. Il est également essentiel d'instaurer des services d'aide à la communication en parallèle avec le langage des signes. Les deux vont de pair pour répondre aux besoins des personnes ayant un trouble de la communication. Je pense que c'est l’une des premières choses à mettre en place. Il faut y aller de l'avant pour examiner quels sont leurs besoins en matière de communication par téléphone ou par écrit, et leurs besoins en milieu scolaire et sur le marché du travail.
Vous venez de poser une question complexe, sénateur Munson, et je ne crois même pas y avoir répondu. En réalité, je ne fais que mentionner d'autres problèmes. Si cette loi met l'accent sur les communications en tant qu'entité, elle commencera déjà à porter fruit.
Le sénateur Munson : Si vous me le permettez, j'aimerais attendre au prochain tour.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : J’ai plusieurs questions, et j’espère avoir l’occasion de vous les poser durant le temps qui m’est alloué.
J’aimerais d’abord vous poser une question par rapport à l’échéancier qui pourrait être attribué à l’exercice de rédaction et de mise en œuvre des premiers règlements en vertu de ce projet de loi. En entendant le témoignage de la ministre la semaine dernière, j’ai trouvé qu’elle avait bien répondu à la question en disant qu’elle comptait pousser prioritairement les institutions fédérales à adopter la première réglementation dans un délai de deux ans. Jugez-vous que c’est un délai raisonnable, compte tenu de tout le travail qui devra être fait, mais compte tenu également de l’urgence que l’on ressent par rapport aux questions traitées?
[Traduction]
La présidente : Souhaitez-vous qu'une personne en particulier réponde à cette question?
La sénatrice Forest-Niesing : Je vous laisse en débattre entre vous, mais j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
Mme Bergeron : Je dirais qu’un délai de deux ans est raisonnable. Il donne aux intéressés le temps de participer au processus. Plus les règlements seront mis en place rapidement, plus la loi sera appliquée rapidement. Vu le délai de cinq ans pour l’examen de la loi, il faut du temps pour l’appliquer, en examiner les modalités, donner des avis et suivre l'évolution de sa mise en œuvre. Voilà pourquoi je pense qu'un délai de deux ans est tout indiqué.
Mme Collier : Je suis d’accord. Le plus tôt sera le mieux. Je tiens à vous dire que nous offrons de nombreuses solutions. Il s'agit simplement d'appuyer sur le bouton pour entamer le processus et aller de l'avant. Nous avons les compétences nécessaires pour le faire. Nous ne sommes pas le seul pays à le faire. Il s'agit simplement de mettre l'épaule à la roue.
La sénatrice Forest-Niesing : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Mme Batliwalla : J'aimerais rapidement ajouter quelque chose.
La sénatrice Forest-Niesing : Je vous en prie.
Mme Batliwalla : Il importe de préciser que les règlements à venir seront techniques. Ils porteront principalement sur les plans pour améliorer l’accessibilité, les rapports sur l’avancement des travaux et les processus de rétroaction, particulièrement, mais ça ne signifie pas nécessairement des délais pour concrétiser des changements susceptibles de se traduire en actes. Il est très important de faire cette distinction.
La sénatrice Forest-Niesing : Je vous remercie. Nous avons entendu de nombreux témoins jusqu'à présent. Hier, quatre entités administratives qui seront chargées du traitement des plaintes sont venues témoigner. Il existe, semble-t-il, un processus, qu’elles l’ont qualifié de « sans fausse route ». En raison des nombreuses questions qui ont été soulevées, nous nous demandons s'il serait préférable d'avoir un guichet unique. Notre comité devra en débattre pendant qu’il étudiera plus en profondeur le projet de loi. Toutefois, j'aimerais connaître aussi vos opinion. Je vous laisse décider lequel d’entre vous souhaite répondre.
Mme Collier : Je peux essayer de vous répondre.
La sénatrice Forest-Niesing : Merci.
Mme Collier : Je suis d’accord. Je suis en faveur du guichet unique. À notre avis, cela devrait être confié au commissaire à l’accessibilité et le processus de traitement des plaintes devrait aussi être lancé. Cependant, nous avons aussi besoin d’un processus permettant de déposer une plainte par procuration, par l'entremise d'un procureur.
Je vais vous parler du cas d’une femme qui communique au moyen d’un tableau alphabétique et qui m’a dit, récemment, avoir essayé de porter plainte en Ontario en raison d'un problème d’accessibilité. La direction générale compétente lui a essentiellement dit de se débrouiller seule ou de s’adresser à la Commission canadienne des droits de la personne.
Cette femme est incapable de parler. Elle ne peut se permettre de passer à travers tout ce processus. J’espère vraiment que le traitement des plaintes ne se bornera pas à leur enregistrement, mais qu’on tentera vraiment de trouver une solution et que la commission saura où obtenir l'expertise nécessaire. Parce que les solutions que proposent un tribunal fédéral sont très différentes de celles qu’offrent Services Canada.
Mme Bergeron : Je vais vous donner mon point de vue. J’ignore si vous avez déjà passé par un processus de traitement d’une plainte. Dans plusieurs pays — presque tous ceux où je suis allée, et les Affaires étrangères m’ont conduite à beaucoup d’endroits —, il y a habituellement plus d’une voie possible pour le traitement d’une plainte.
La personne handicapée qui porte plainte contre négligence ou violation de ses propres droits ou autres, veut seulement qu’on reconnaisse qu'ils ont été violés. Parfois, cette personnes est prête à consacrer les cinq prochaines années de sa vie à cette mission, malgré le stress, l’insomnie, les critiques que cela comporte et au risque d'étaler sa vie sur la place publique. C’est le parcours du combattant. Alors, j’en conviens, un guichet unique, c’est peut-être important, mais j’ignore si chaque plaignant voudra suivre le même processus que les autres. Prévoyez un guichet unique, mais veillez à proposer diverses solutions afin de favoriser des négociations en douceur.
Vivre avec un handicap, c’est épuisant, et je ne le lance pas à la légère. Tout devient plus compliqué pour les personnes handicapées en raison de la discrimination, de la violation des droits, des nombreuses lois et des critiques auxquelles elles sont confrontées, et des gens qui cherchent à les dénigrer. Plus le processus sera optimisé, plus il y aura de solutions possibles. Voilà ce que j'en pense.
La présidente : Vouliez-vous y ajouter quelque chose?
Mme Batliwalla : Je crois qu’ils ont très bien expliqué tous les points que j’aurais abordés.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Eaton : Madame Bergeron, ce que vous avez dit est très émouvant, car je peux comprendre à quel point ce doit être épuisant au quotidien. Parmi les questions que nous avons posées hier soir, nous avons entre autres abordé la question d'un site web commun et des gens formés pour répondre aus appels téléphoniques.
Croyez-vous que ce projet de loi provoquera un changement de culture qui s’étendra au-delà de l’échelon fédéral? Nous savons maintenant qu’il y a un chevauchement avec certaines lois provinciales. Je me demande donc ce qu’il faudra faire pour changer le cours des choses. Oui, il y a des obstacles physiques, mais je pense que vous devez aussi surmonter des obstacles psychologiques liés, par exemple, à la discrimination. Que faudra-t-il faire pour éliminer ces obstacles et produire un véritable changement de culture?
Mme Bergeron : La question s’adresse-t-elle à l’une de nous en particulier?
La sénatrice Eaton : J’aimerais que vous répondiez toutes les deux. Vous subissez ces contraintes. Mme Collier connaît certainement les répercussions que cela comporte sur la vie des gens et les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Mme Bergeron : Je crois que l’intention du projet de loi contribuera à entraîner un changement de culture. Dans notre pays, le gouvernement fédéral a la possibilité — et, selon moi, l’obligation — d’être un chef de file dans ce domaine. Si le gouvernement fédéral prend les devants, je crois que les provinces, les municipalités, le secteur privé et d’autres intervenants suivront aussi. Ils mettront la main à la pâte lorsqu’ils observeront un engagement important au sein du gouvernement, ainsi que la mise en œuvre de processus et de règlements.
Toutefois, cela n’arrivera pas du jour au lendemain. Si le gouvernement fédéral fait preuve de leadership en mettant en place des normes et des règlements qui favoriseront l'atteinte de ses objectifs, je crois que nous avons de bonnes chances de réussir. Il faudra simplement prendre le temps nécessaire.
Mme Collier : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Ce projet de loi reconnaît les gens qui ont des troubles de communication. C’est une première. Je ne connais aucun comité sur l’accessibilité au Canada dont l’un des membres a un trouble de la parole ou du langage.
Nous observons la situation et nous nous disons que c’est une très bonne occasion à saisir. Toutefois, un changement de culture se produira plus on sera exposé à leur difficultés et bien au fait de leur situation. Cela ne se produira pas parce que j’en parle. Ce changement se produira au fil de vos rencontres avec des personnes qui ont des troubles de communication, et parce que vous ne craindrez pas ces personnes et que vous aurez acquis une certaine expertise et reçu la formation appropriée. Si le gouvernement commence à embaucher des personnes qui ont des troubles de la communication afin de tirer profit de leur expertise dans l'élaboration d'un plan d’accessibilité qui tient compte de leurs besoins, les enseignants deviendront les instructeurs. Cela fonctionnera, car ils agiront à titre de consultants. Toutefois, cela ne se fait pas actuellement. Je pense qu’il s’agit d’une excellente occasion à saisir.
La sénatrice Eaton : Vous avez dit que le Canada était très mal desservi en matière de communications. Quel pays pourrait nous servir d’exemple dans ce dossier?
Mme Collier : Je pense que nos organismes sont à la fine pointe dans ce domaine, car nous avons commencé à former des assistants en communication et des orthophonistes — encore une fois, il s’agit d’un projet pilote — pour qu’ils travaillent avec les forces de l'ordre et dans les milieux juridiques et judiciaires. Nous nous sommes inspirés du Royaume-Uni, un chef de file en matière de soutien aux personnes qui souffrent d’un trouble de la parole ou du langage dans ces situations. Ce pays a des intermédiaires certifiés, car ce sont des orthophonistes. Nous tentons de mettre une telle initiative en œuvre — sans financement — d’un bout à l’autre du Canada, mais nous sommes encore loin du but.
On ne connaît pas ce service ici. Il est mal financé et on ne l’utilise pas. Saviez-vous que, au Royaume-Uni, ces services reçoivent 6 000 renvois par année? Nous avons lancé un service d’intermédiaires ici et nous avons reçu 11 renvois. Ce n’est pas parce que les besoins sont inexistants. C’est parce que personne n’utilise ce service. Personne ne connaît son existence, et le projet de loi pourrait permettre d’accroître son utilisation. Il s’agit de lancer le processus.
La sénatrice Poirier : Je voulais poser trois questions, mais vous avez déjà répondu à deux d’entre elles; il m’en reste donc une seule.
La semaine dernière, la ministre nous a dit que dans le financement total de 290 millions de dollars, on avait réservé 185,7 millions de dollars pour créer les nouveaux organismes et les nouveaux postes proposés dans le projet de loi. Ce montant, semble-t-il, servira à couvrir les frais d’administration. Comme vous le savez, tout le monde souhaite créer un Canada accessible, mais ce qui me préoccupe, c’est l’utilisation de ce financement — nous voulons veiller à ce qu’il soit utilisé de façon appropriée. J’aimerais donc savoir si, à votre avis — et les trois témoins peuvent répondre —, c’est la bonne façon d’utiliser ce financement. Comment votre organisme souhaiterait-il que ces fonds soient dépensés?
Mme Collier : Nous répondrons à la question. Voulez-vous répondre en premier?
Mme Bergeron : Pourquoi inverser la tendance? D’accord. Je ne m’attendais pas à cette question, et je dois donc être franche. Il est important de veiller à ce que le financement pour les projets, les subventions et les autres types de fonds soient, dans la mesure du possible, attribués aux organismes et à la communauté, afin que nous puissions offrir les meilleurs services et que nous soyons consultés.
L’autre élément important, selon moi, c’est la création de L’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité, l’OCENA, qui fait appel à des personnes handicapées — le fait de donner aux personnes handicapées la possibilité de façonner leur propre avenir n’a pas de prix; on ne peut pas quantifier cela. S’il faut un certain montant, c’est ce qu’il faut. Peu importe comment l’argent sera dépensé, il faut s’assurer qu’il aide à éliminer les obstacles en tenant compte des conseils de ceux et celles qui vivent cette situation.
La sénatrice Poirier : Merci. Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter?
Mme Collier : Je ne crois pas que cela puisse se faire sans un financement en faveur de la participation active des organismes voués aux personnes handicapées. Nous connaissons les normes et les règlements dont nous avons besoin. Nous avons l’expertise nécessaire dans ce domaine.
Je ne peux pas formuler de commentaires sur la répartition de ces fonds, mais on doit prévoir du financement pour notre participation. À l’heure actuelle, on n’a pas prévu un tel financement, mais nous en avons besoin. Nous avons également besoin de fonds pour les services de soutien en matière de communication dont j’ai parlé plus tôt, car ce sont des mesures de soutien en matière d’accessibilité. Il ne suffit pas de parler de ce qui doit être fait; nous devons mettre en œuvre les mesures de soutien qui nous permettront d’atteindre notre but.
La sénatrice Poirier : Merci.
Mme Batliwalla : J’aimerais ajouter que ce n’est pas une question facile, surtout lorsqu’il s’agit de déterminer où les fonds devraient être versés, mais le fait que ce projet de loi crée trois organismes voués à l’accessibilité représente un engagement important de la part du gouvernement et un pas dans la bonne direction, ce qui est très positif.
La sénatrice Poirier : Merci.
[Français]
La sénatrice Mégie : Nous avons reçu un document en braille ce matin. Je vois que la technologie a également créé un système de reconnaissance vocale pour communiquer avec les non-voyants. Quelle est maintenant la place du braille dans votre système de communication?
[Traduction]
Mme Bergeron : Absolument. À une certaine époque, nous aurions répondu qu’on utilisait moins le braille comme outil d’alphabétisation, tout simplement en raison de l’arrivée des systèmes audio et des systèmes de transmission de la voix sur les ordinateurs, et cetera. Malheureusement, nous avons trop misé sur ces systèmes, et nous avons créé une génération de personnes analphabètes. En effet, on ne peut pas savoir comment un mot s’écrit ou reconnaître la structure d’une phrase lorsqu’on utilise seulement des moyens audio.
L’invention de l’afficheur braille dynamique — et l’utilisation de la technologie qui permet à ces afficheurs de fonctionner — a permis d’utiliser le braille sur un appareil électronique qui affiche le braille dynamique— plutôt que le papier, comme dans les documents que nous vous avons fournis. Grâce à cette invention, l’utilisation du braille est à la hausse. Nous l’enseignons davantage, il est plus portatif, il est plus accessible et il donne un second souffle à l’alphabétisation chez les personnes aveugles ou malvoyantes. La technologie liée au braille est donc essentielle.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Je crois que l’une d’entre vous a souligné qu’aucune loi n’était parfaite. Toutes les personnes présentes sont confrontées à ces choix : devrions-nous adopter un projet de loi qui représente un bon point de départ, puisqu’il n’y a rien d’autre, ou devrions-nous tenter de créer un projet de loi parfait?
Ma question s’adresse à Mme Batliwalla. Dans votre mémoire, vous avez fait une affirmation — nous n’avons pas beaucoup entendu parler de cet enjeu, et nous aimerions donc que vous nous en parliez davantage — dans laquelle vous indiquez que le libellé permissif du projet de loi soumet les organismes à la loi, mais qu’il n’exige pas que le gouvernement lui-même s’y soumette.
Pourriez-vous préciser ce point? Comment veillerez-vous à ce que les objectifs, les principes et les instruments du projet de loi s’appliquent à l’ensemble du gouvernement, plutôt que seulement à certaines de ses parties?
Mme Batliwalla : Oui. Je tenterai de répondre au mieux de mes connaissances. Toutefois, je vous recommanderais d’examiner les mémoires du Centre du droit des personnes handicapées et de l’AODA Alliance. On parle, dans ce cas-ci, d’un libellé permissif dans lequel on utilise le verbe « pouvoir » plutôt que le verbe « devoir ». Comme les intervenants de La Marche des dix sous du Canada, j’observe que, dans ce projet de loi, le gouvernement a dit qu’il pourrait éliminer et prévenir les obstacles, mais nous tentons de faire du lobbying et de travailler avec le gouvernement pour changer cela, car rien ne se concrétise. Ce libellé permissif complique beaucoup les choses pour les organismes comme le nôtre.
C’est la raison pour laquelle — étant donné les échéanciers et le libellé permissif — nous devons veiller à ce que les organismes comme le nôtre puissent demander des comptes au gouvernement, afin qu’on puisse accomplir des progrès sur les plans de l’accessibilité et de l’inclusion.
La sénatrice Omidvar : Merci. Je n’en suis pas certaine, mais vous connaissez peut-être ce sujet mieux que moi. Le projet de loi contient-il une disposition qui exige la tenue d’un examen après cinq ans? Oui? D’accord. Seriez-vous prête à suivre les activités du gouvernement pendant ces cinq années et à évaluer ses progrès?
Mme Batliwalla : Certainement. Dans notre déclaration, nous avons dit que nous utiliserions ce processus d’évaluation. Je crois que la disposition du projet de loi prévoit une période de sept ans. En tout cas, c’est plus que cinq ans. C’est peut-être deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, et peut-être cinq ans par la suite. Nous utiliserons tous les outils disponibles, mais dans le cadre d’un processus continu, nous devons permettre aux organismes de demander des comptes au gouvernement.
La sénatrice Omidvar : Merci.
La sénatrice M. Deacon : Je suis très heureuse d’entendre tous vos témoignages, mais surtout la partie sur les communications. Ces éléments sont regroupés depuis longtemps. Nous devons réellement aborder la question sous plusieurs angles.
Dans le cadre de votre examen du projet de loi, la question que j’aimerais soulever ne concerne pas autant les échéanciers que la formation — en effet, il faut veiller à ce que la formation soit présente dans ces travaux très importants et qu’elle soit bien intégrée au processus. Avez-vous l’impression qu’elle est intégrée — qu’elle est inhérente — au projet de loi jusqu’ici ou croyez-vous qu’elle doit l’être davantage?
Mme Collier : J’aimerais vous répondre. C’est une très bonne question. J’ai entendu des gens dire qu’il était admis qu’il s’agit d’une activité horizontale. Je crois que si on peut l’intégrer au projet de loi, on devrait le faire. Une grande partie de cela, surtout en ce qui concerne les communications, revient à la formation. Ce n’est pas un élément technologique. Encore une fois, c’est à cause de mon aversion pour les technologies de l’information et de communication. C’est la façon dont on peut interagir avec les personnes qui ont un trouble de la parole ou du langage. C’est plus qu’une question de respect. Vous devez apprendre à communiquer avec moi si vous ne comprenez pas le langage que j’utilise. Si j’utilise un tableau ou un instrument — vous pouvez faire certaines choses pour faciliter vos interactions avec moi. Vous pouvez aussi faire certaines choses qui réduisent ces interactions. Cela peut aussi servir à contrôler la situation. Par exemple, me poser des questions auxquelles il faut répondre par oui ou non — ce qui arrive souvent — permet de contrôler la conversation.
Nous souhaitons offrir cette formation. Nous voulons parler du fait que les gens communiquent 180 mots à la minute — parfois même 200 mots à la minute lorsque nous nous exprimons très rapidement —, mais il se peut qu’une personne qui utilise un tableau alphabétique communique 10 mots à la minute. Il faut donc réfléchir aux mesures d’adaptation que l’on peut prendre pour aider cette personne, au lieu de lui poser de simples questions auxquelles il faut répondre par oui ou non.
Nous pouvons faire certaines choses. Les gens n’utilisent pas le téléphone s’ils ne peuvent pas communiquer avec cet appareil. Il se peut qu’ils retiennent les services d’un assistant. Une personne que je connais a tenté de communiquer avec l’ARC au sujet de ses impôts. Elle a fait appel à une assistante qui a dit à la personne au bout du fil que sa cliente l’autorisait à parler à sa place, car elle ne peut pas communiquer et elle ne peut pas parler. La personne au bout du fil a répondu qu’il fallait utiliser l’appareil de télécommunication pour personnes malentendantes. Toutefois, cette personne n’est pas malentendante, et elle n’a donc pas un tel appareil. Nous pouvons résoudre ces situations en offrant la formation appropriée et en mettant ces mesures en œuvre.
C’était une longue réponse. Je suis désolée d’avoir pris tout ce temps. Oui, nous devrions peut-être prévoir la formation dans le projet de loi, car une grande partie de l’accessibilité dépend de la formation.
La présidente : Madame Bergeron.
Mme Bergeron : Donc, oui, il faut absolument inclure la formation. On ne peut pas mettre ce projet de loi en œuvre sans offrir une formation adéquate. Cela ne fonctionnera pas.
Suis-je d’avis qu’on devrait l’inclure dans le projet de loi? Je crois que de nombreuses choses devraient être incluses dans le projet de loi. Je veux toutefois éviter que cela ralentisse le processus. À mon avis, la situation se résume à ceci : il faut que ce soit fait. Il reviendra au gouvernement de démontrer qu’il offrira la formation appropriée pour réussir la mise en œuvre des mesures. Il démontrera, par ses actions, que c’est un devoir plutôt qu’une possibilité. On peut parler de possibilités dans le cas d’un grand nombre de choses. L'important, c’est que ce soit fait. C’est au fruit que l’on connaît l’arbre. Le gouvernement doit profiter des cinq prochaines années pour concrétiser son engagement à réaliser l’intention du projet de loi, y compris la partie sur la formation.
La présidente : Merci. Vouliez-vous ajouter quelque chose?
Mme Batliwalla : Non, merci.
La présidente : Je crois que c’est ce qui met fin à cette partie de la séance. Je vous remercie très chaleureusement. Vous avez fourni au comité de l’information et des connaissances qui, à mon avis, vont au-delà du projet de loi C-81, et je crois que tous les sénateurs seront d’accord avec moi. Nous vous en remercions infiniment.
Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour laisser le prochain groupe de témoins prendre place.
Avant de présenter les témoins, je veux demander à mes collègues de rester ici après la séance, car nous avons quelques questions d’ordre administratif à régler à huis clos. Je sollicite donc leur indulgence à cet égard.
Nous poursuivons avec notre deuxième groupe.
[Français]
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons, de l’Alliance de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, M. David Lepofsky, président; de la B.C. Aboriginal Network on Disability Society, par vidéoconférence, M. Neil Belanger, directeur général; et, enfin, de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, Mme Camille Desforges, directrice générale adjointe.
[Traduction]
Merci. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à nous présenter. C’est M. Bélanger qui commence. Il sera suivi de Mme Desforges et, ensuite, de M. Lepofsky. Vous avez la parole.
Neil Belanger, directeur général, B.C. Aboriginal Network on Disability Society : Bonjour, sénateurs. Je veux tout d’abord remercier les peuples algonquin et salish du littoral; nous nous rencontrons sur leurs territoires. J’aimerais également remercier le comité de me donner l’occasion de comparaître ici aujourd’hui.
Au cours des deux dernières années, notre organisme a communiqué avec des Premières Nations de partout au Canada au sujet du projet de loi C-81 pour leur faire connaître le projet de loi et définir les obstacles à l’accessibilité qui existent et, récemment, les moyens de communication privilégiés relativement à un processus de mobilisation de nation à nation.
De plus, notre organisme est membre de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité qui, comme l’a dit Bill Adair hier, est une coalition de plus de 90 organisations de personnes handicapées qui ont collaboré pour présenter 11 recommandations, au sujet du projet de loi C-81, et je crois que le comité les a reçues.
J’aimerais également profiter de l’occasion pour souligner que bien que, comme d’autres, nous avons formulé des recommandations au sujet du projet de loi C-81 — sur des amendements à apporter et des aspects à prendre en considération —, nous appuyons entièrement son adoption et sa sanction royale. On parle de mesures législatives novatrices pour le Canada et pour les personnes handicapées.
Nous comprenons que, comme c’est le cas, j’imagine, pour la plupart des mesures législatives, des éléments seront peu contraignants au départ, et que nous tirerons des leçons de notre expérience. Toutefois, cela ne devrait pas dissuader les gens d’adopter ce projet de loi historique. Nous ne pouvons pas avancer sans faire un premier pas. L’adoption du projet de loi C-81 constitue ce premier pas.
J’aimerais également vous parler brièvement de trois sujets qui sont liés au projet de loi. Les sénateurs savent peut-être qu’on estime que le taux de personnes handicapées est deux fois plus élevé chez les peuples autochtones du Canada que dans l’ensemble de la population canadienne.
En outre, de nombreuses communautés des Premières Nations font face à des inégalités et à des difficultés importantes dans certains secteurs : milieu bâti, emploi, information et communication, logement, santé, éducation, et cetera. Les communautés des Premières Nations relèvent de la compétence fédérale, et des personnes handicapées y vivent, y fondent des familles, veulent travailler et veulent pouvoir réussir en tant que membres de communautés exemptes d’obstacles. Malgré cela, le projet de loi C-81 ne tient pas compte de plus de 630 communautés des Premières Nations du Canada à l’heure actuelle.
En 2017, l’Assemblée des Premières Nations a adopté une résolution demandant la création d’une loi sur l’accessibilité distincte pour les Premières Nations, ce qui inclut un processus parallèle pour la participation des Premières Nations à l’élaboration de cette loi.
À l’heure actuelle, ce processus — un processus de mobilisation de nation à nation — n’a pas été entièrement mis en œuvre en raison des ressources limitées et d’autres facteurs, et les travaux sur l’élaboration d’une loi sur l’accessibilité distincte pour les Premières Nations ont été reportés. Par conséquent, une fois que le projet de loi C-81 sera adopté — et il devrait l’être —, les communautés des Premières Nations et leurs membres qui vivent avec un handicap ne seront protégés par aucune mesure législative sur l’accessibilité.
Ensuite, j’aimerais parler du conseil d’administration de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité, l’OCENA. Nous sommes d’avis qu’il doit compter des Autochtones ayant une expérience concrète. De plus, si une loi sur l’accessibilité distincte pour les Premières Nations devait être élaborée, nous pensons qu’un poste d’agent de liaison entre le conseil d’administration de l’OCENA et l’Assemblée des Premières Nations devrait être créé de sorte que la personne qui l’occupe puisse observer le fonctionnement du conseil d’administration ainsi que l’élaboration de normes et de règlements, de politiques et de pratiques pour déterminer quels éléments pourraient être inclus ou modifiés pour répondre aux besoins distincts des communautés des Premières Nations.
Enfin, je veux répéter un point que bon nombre de mes collègues ont soulevé devant votre comité et le Comité des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes — la prise en compte de l’ASL, de la LSQ et de la langue des signes autochtones. Cela doit être intégré dans le libellé du projet de loi C-81 pour faire en sorte que ces membres trop souvent exclus de notre nation aient accès aux ressources nécessaires et puissent communiquer. C’est d’ailleurs ce que nous recommandons pour toute mesure législative distincte pour les Premières Nations qui pourrait être adoptée.
En terminant, sénateurs, j’aimerais une fois de plus remercier le comité de m’avoir donné cette occasion, et vous signaler — et je sais que vous en êtes conscients — qu’il est important que le projet de loi soit adopté pour tous les Canadiens qui vivent avec un handicap. Merci.
La présidente : Merci beaucoup.
Madame Desforges.
[Français]
Camille Desforges, directrice générale adjointe, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec : Bonjour. Avant de commencer, j’aimerais préciser que la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec est un regroupement québécois d’action communautaire autonome de défense collective des droits. La COPHAN a pour mission de rendre le Québec inclusif afin d’assurer la participation sociale pleine et entière des personnes qui ont des limitations fonctionnelles et de leurs familles. Nous comptons une cinquantaine d’organismes et de regroupements provinciaux et régionaux de personnes ayant des limitations fonctionnelles de tout type.
D’abord, je remercie le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de nous avoir invités à présenter notre mémoire sur le projet de loi C-81.
Je vais présenter rapidement les principaux éléments de notre mémoire. Tout d’abord, en ce qui a trait aux définitions, nous demandons que la définition de « handicap » renvoie davantage à la notion du résultat de l’interaction entre les personnes ayant des limitations fonctionnelles et les barrières comportementales et environnementales, comme le définit la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, et qu’elle inclue le concept de « handicap social ».
La loi doit également contenir les définitions de la conception universelle, de l’obligation d’accommodement et de la contrainte excessive.
Un enjeu majeur est ignoré dans le projet de loi : c’est le levier financier fédéral, à savoir les différentes ententes et programmes fédéraux qui soutiennent les acteurs tant publics que privés; par exemple, les transferts de fonds aux provinces dans les domaines de la santé, des services sociaux, en éducation ou en emploi.
Selon la COPHAN, le gouvernement fédéral ne peut pas instaurer la loi pour qu’elle s’applique en vase clos uniquement dans ses champs de compétence. Pour assurer un développement durable de l’ordre social, tous les transferts d’argent du gouvernement fédéral doivent également être régis par la loi avec des critères d’accessibilité précis. Pour illustrer cette idée, la COPHAN propose le concept de socioresponsabilité, que nous avons déjà mis de l’avant pour assurer une meilleure gouvernance dans le développement durable.
De la même façon, le gouvernement canadien doit développer un réflexe de handi-responsabilité. Je vous parle, à titre d’exemple, d’une situation dénoncée par nos membres en ce qui concerne la lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale. Les personnes ayant des limitations fonctionnelles qui sont en situation de pauvreté, notamment en situation d’itinérance, n’ont pas souvent accès aux ressources d’aide, parce que plusieurs lieux et services leur sont peu ou pas accessibles.
Le gouvernement pourrait également envisager la mise en œuvre de clauses d’insertion sociale. Par exemple, lorsque le gouvernement fait un appel d’offres, les entreprises qui fournissent des biens accessibles et qui ont un taux élevé de personnel ayant des limitations devraient être avantagées.
En cohérence avec la réflexion de handi-responsabilité, nous voudrions que la liste suivante soit, de facto, incluse dans les domaines visés par l’objet de la loi : les langues officielles, la participation politique, l’immigration, la justice, la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale et le logement social.
Un autre aspect crucial a été complètement ignoré par le projet de loi même s’il assurerait son efficacité et la possibilité d’évaluer ses impacts, et c’est la nécessité d’avoir des échéanciers précis entourant l’élaboration des normes et des règlements.
Nous recommandons également que la loi fasse l’objet d’une évaluation indépendante tous les cinq ans.
Quant au champ d’application, nous tenons à rappeler l’importance d’une approche transversale afin que l’application de la loi soit étendue à l’ensemble des activités de l’État fédéral. Le champ d’action de la loi doit également inclure toutes les sommes demandées dans les sphères d’activité du choix du gouvernement fédéral, communément appelé le « pouvoir de dépenser », et les transferts intergouvernementaux. Une façon simple de faire cela serait d’inclure une clause d’accès-conditionnalité, soit que l’attribution de tout financement fédéral est conditionnelle au respect de certaines exigences en matière d’accessibilité.
En ce qui a trait à l’article 15 du projet de loi, nous insistons sur le fait qu’il faut imposer à tous les ministères et organismes publics dans toutes les recherches et études statistiques, comme c’est le cas de l’analyse différenciée selon les sexes, une analyse différenciée selon les capacités, c’est-à-dire qu’il faut faire ressortir la spécificité des personnes ayant des limitations fonctionnelles dans l’ensemble des données collectées.
Par rapport à l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, les normes d’accessibilité élaborées ne doivent pas devenir un plafond de verre, mais plutôt agir comme un seuil minimal, avec une volonté à inciter les différents acteurs à dépasser ces normes. On doit concevoir des normes d’accessibilité comme moyen permettant d’obtenir une meilleure accessibilité.
L’obligation d’adopter des plans d’accessibilité n’est pas étrangère à la situation québécoise. À l’heure actuelle, les plans d’action à l’égard des personnes handicapées qui sont produits et mis en œuvre par de nombreux ministères, organismes publics et municipalités sont très discutables au Québec et n’offrent aucune garantie quant à la pertinence et à la qualité des objectifs et mesures présentés. Nous ne voulons pas reproduire les erreurs du Québec, à savoir l’absence de sanctions, le manque de contenu et l’absence de mécanismes de reddition de comptes. Il faut inclure au minimum dans le projet de loi une précision entourant le processus de consultation des personnes elles-mêmes. Des responsables de plans d’accessibilité doivent être identifiés et leurs coordonnées publiées, et l’ensemble des plans d’accessibilité doivent être disponibles de facto en formats accessibles sur les sites web des différentes organisations. Il en va de même pour la reddition de comptes.
Rappelons finalement que la loi fait référence à la publication de nombreux règlements dont nous ne connaissons pas l’impact, d’où la nécessité de prévoir un processus d’évaluation indépendant de la loi. Nous restons toutefois très prudents, puisque l’objet de la loi vise à diminuer les obstacles à l’accessibilité sans effort spécifique pour les personnes elles-mêmes. Merci.
La présidente : Merci à vous.
[Traduction]
David Lepofsky, président, Alliance de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario : Bonjour, sénateurs.
Le projet de loi C-81 est riche en bonnes intentions, mais il est manifestement faible sur le plan de la mise en œuvre. On l’appelle la Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, mais il n’exige pas l’élimination d’un seul obstacle où que ce soit au Canada. Les personnes handicapées méritent mieux que cela.
Le projet de loi C-81 repose fondamentalement sur l’idée louable selon laquelle le gouvernement fédéral adoptera des règlements exécutoires, appelés normes d’accessibilité, qui indiqueront aux organismes sous réglementation fédérale ce qu’ils doivent faire. Or, il n’exige pas l’adoption de normes fédérales d’accessibilité en tant que règlements exécutoires. Les personnes handicapées méritent mieux.
Je vais être clair : les règlements dont le projet de loi exige l’adoption dans les deux ans concernent des questions de procédure et non des normes d’accessibilité comme telles. Le gouvernement fédéral pourrait respecter cet échéancier simplement en prescrivant les formulaires que les personnes handicapées doivent utiliser si elles veulent exprimer leur avis à Air Canada ou à Bell Canada. Les personnes handicapées méritent mieux.
Le projet de loi répartit son application et l’établissement de règlements exécutoires entre différents organismes fédéraux. La ministre a admis que si elle devait recommencer à zéro, elle ne ferait pas nécessairement les choses de la même façon. Or les explications qu’elle a données donnent la prépondérance à la bureaucratie fédérale par rapport à l’égalité pour les personnes handicapées.
La question qui se pose est celle de savoir ce que nous devons faire à cet égard. Il ne s’agit pas de savoir si le projet de loi sera adopté par les sénateurs. Puisque vous allez l’adopter, mettons cette question de côté. C’est là le point de départ.
La question qui se pose, c’est de savoir si votre comité y apportera des amendements avant de l’adopter. À notre avis, vous devez le faire. En fait, ce projet de loi doit faire l'objet de nombreux amendements, non pas pour le rendre parfait — c’est un leurre —, mais pour renforcer son contenu afin qu’il corresponde davantage aux besoins des personnes handicapées et qu'il leur offre ce qu'elles méritent.
Du côté de la Chambre des communes, de nombreux amendements ont été proposés. Grâce aux efforts soutenus qui ont été déployés la fin de semaine dernière, nous avons résumé cela à une série d’amendements que nous proposons — et vous avez reçu des courriels de témoins qui les appuient —, qui sont contenus dans trois pages et demie et couvrent quelques thèmes centraux. Je ne vais parler que de deux ou trois d’entre eux, mais je tiens à dire clairement qu’il reste suffisamment de temps pour faire cela. Votre comité votera le 2 mai. Je crois comprendre que l’étape de la troisième lecture commencera le 16 mai. Nous demandons aux partis fédéraux qu’une fois les amendements adoptés — s’ils le sont —, la Chambre les examine rapidement, de sorte que la question de l’adoption rapide du projet de loi, qu’il soit modifié ou non, ne vous empêche pas de faire ce que nous vous demandons.
Que devriez-vous faire, alors?
Eh bien, permettez-moi de parler de deux ou trois des amendements, mais vous pourrez me poser des questions sur tous ceux que nous avons proposés. Passons aux grands titres. Hier, le gouvernement de l’Ontario a annoncé un plan qui représente des milliards de dollars pour la construction de nouvelles lignes de métro à Toronto. Toutefois, ce plan sera mis en œuvre seulement si d’autres administrations, y compris le gouvernement fédéral, s'engagent à financer une partie du projet. Ce n’est pas inhabituel. Or, avant que notre argent soit dépensé pour un tel projet, il faut que le gouvernement fédéral soit tenu de dire que certaines exigences fédérales en matière d’accessibilité doivent être respectées.
La ministre a comparu devant votre comité il y a une semaine et elle a dit que le gouvernement ne pouvait pas le faire, qu’il n’avait pas le pouvoir constitutionnel de le faire. Avec tout le respect que je lui dois, je dirais que la ministre a tort. On parle ici du pouvoir fédéral de dépenser. Avez-vous entendu parler de la Loi canadienne sur la santé? Elle stipule que si les provinces obtiennent des fonds fédéraux pour des programmes de santé provinciaux, les exigences fédérales en matière d’accessibilité doivent être respectées. Il ne s’agit pas de l’accessibilité pour les personnes handicapées, mais de l’accessibilité financière.
Si ce que la ministre vous a dit est vrai, alors la Loi canadienne sur la santé est inconstitutionnelle depuis plus de trois décennies, depuis qu’elle a été promulguée. J’aurais du mal à croire que c’est la position du gouvernement fédéral actuel. S’il peut le faire à ce moment-ci, il peut au moins imposer des conditions lorsqu’il accepte d'allouer des crédits pour des projets locaux et pas seulement pour la construction d'édifices fédéraux.
Vous allez sans doute me dire : « Voyons donc, en 2019, nous n’allons certainement pas utiliser des fonds publics pour construire une ligne de transport en commun qui présente des obstacles à l’accessibilité ». Sénateurs, je vous invite à regarder sur YouTube une vidéo de notre alliance portant sur les transports en commun. Elle a été diffusée durant les élections provinciales du printemps dernier. Elle a été regardée des milliers de fois et a été couverte par les médias. Nous y montrons de graves problèmes d’accessibilité dans des stations du métro de Toronto qui ont été ouvertes au cours des derniers 18 mois.
Mesdames et messieurs, il ne s'agit pas d'avoir un projet de loi parfait. On parle ici d’égalité fondamentale, de sorte que nous demandons qu’un amendement soit apporté au projet de loi qui, au moins, obligerait les ministres fédéraux ou leur ministère — s’ils acceptent de donner de l’argent à une province, à une municipalité, à un collège ou à une université pour un projet — à imposer une condition exécutoire, comme dans la Loi canadienne sur la santé, selon laquelle des exigences en matière d’accessibilité doivent être respectées. Pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il permettre que les fonds publics fédéraux soient utilisés dans le but de créer ou de maintenir des obstacles?
Permettez-moi de vous proposer un autre principal amendement. Ma collègue de l’Institut national canadien pour les aveugles a dit que la semaine dernière, la ministre avait accepté de modifier le projet de loi pour s’assurer qu’il ne réduit pas de quelque manière que ce soit la portée du Code des droits de la personne et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. J’espère qu’elle le fera, mais je ne l’ai pas entendu le dire. Je crois qu’elle a dit qu’en tant qu’ancienne avocate des droits de la personne, elle a veillé à ce que le projet de loi ne fasse pas obstacle à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Or, cela risque d’arriver.
L’article 172 du projet de loi perpétue une disposition contenue dans la Loi sur les transports au Canada qui laisserait l’Office des transports du Canada adopter un règlement. Une fois que ce sera fait, il établirait des normes pour le transport accessible, peu importe si elles sont peu contraignantes, et quelles que soient ses lacunes au chapitre des droits de la personne. Les voyageurs ayant un handicap, comme moi, d’autres membres de ma coalition et d’autres personnes au Canada, n’ont pas le droit et ne peuvent pas demander quoi que ce soit d’autre pour ce qui est des garanties contre les obstacles abusifs au titre de la loi.
En ce qui concerne cette disposition dans la loi, nous sommes d’avis qu’il ne faudrait jamais que des normes soient adoptées par l’office, car il risque de nous enlever nos droits. Un simple amendement supprimerait cette disposition.
Permettez-moi de conclure en vous invitant à poser des questions sur les autres questions que nous avons soulevées. Nous ne faisons pas que dire ce qui ne fonctionne pas. Nous faisons des propositions constructives sur ce qui est juste, et les amendements que nous avons présentés sont pensés en fonction d’un Sénat qui dispose d’un temps limité pour agir, d’un engagement à respecter les décisions politiques prises par la Chambre des communes et d’une volonté de veiller à ce que ces amendements soient examinés par la Chambre rapidement et facilement, avec l'espoir qu'ils seront pris au sérieux. Ils sont conçus en fonction de nos besoins et de ce que la ministre vous a dit la semaine dernière. Nous vous demandons donc de les prendre tous au sérieux. Ils sont tous substantiels, et ils ont tous trait aux besoins de toutes les personnes handicapées.
En terminant, je tiens à souligner que je parle au nom de ma coalition, mais je suis venu témoigner au Parlement pour la première fois il y a 39 ans, quand j’étais beaucoup plus jeune — lorsqu’elle a vu la vidéo, ma femme a dit que j’avais des cheveux à l’époque —, devant le comité permanent qui examinait la Charte de droits. À l’époque, la Charte proposait de garantir l’égalité, mais pas aux personnes handicapées. Un certain nombre de gens et moi-même avons défendu notre point de vue, et nous sommes parvenus à faire modifier la Charte pour que ce droit y soit inclus.
Je termine en vous faisant part de deux réflexions. Les amendements que nous proposons visent à faire en sorte que ce droit devienne une réalité, qu’il ne s’agisse pas seulement de bonnes intentions, mais qu’il soit appliqué.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Lepofsky. Nous avons une liste de sénateurs qui sont impatients de poser des questions.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie tous beaucoup de vos exposés.
Monsieur Lepofsky, je vais relever votre défi. Je cherche des points communs. Je comprends ce que vous dites, soit que nous voulons des amendements clairs, précis et utiles qu’on peut espérer voir adopter de l’autre côté, car c’est exactement ce qui devra se passer dans ce processus.
Ma question s’adresse à vous. Vous avez parlé de trois éléments qui ont besoin d’être renforcés à l’aide de 11 amendements. Ma question porte précisément sur votre amendement sur les échéanciers. Il est vrai que le Comité des ressources humaines de la Chambre des communes a entendu des témoignages à ce sujet, mais il a décidé de ne pas modifier le projet de loi pour inclure une échéance. Vous en proposez une. En fait, je crois qu’il s’agit du 1er janvier 2040.
J’aimerais que vous expliquiez pourquoi vous tenez à ce qu’une échéance soit fixée et pourquoi vous proposez cette date.
M. Lepofsky : Nous avons établi deux échéanciers. Le premier est que le gouvernement serait tenu — pas seulement autorisé, mais tenu — d’adopter des normes et des règlements en matière d’accessibilité dans les cinq ans. Le deuxième est d’assurer l’accessibilité au Canada d’ici 2040. Ces propositions ont été faites au comité HUMA. Les partis d’opposition, de gauche comme de droite, ont appuyé cette mesure, mais le gouvernement n’était pas d’accord.
Nous espérons qu’après mûre réflexion, en vous inspirant des expériences qui vous ont amenés au Sénat, vous saisirez de nouveau la Chambre de cet enjeu pour qu’en juin, plusieurs mois avant les élections, tous les députés de la Chambre jugent pertinent de les adopter.
Pour être clair, j’ai un rendez-vous avec la ministre cet après-midi pour livrer ce message. Nous aimerions travailler avec le Sénat et la Chambre pour voir s’il est possible de trouver une solution touchant tous les aspects.
En ce qui concerne l’échéance de 2040, j’ai eu le privilège de diriger la coalition qui s’est battue pendant des décennies pour l’adoption de la loi ontarienne sur l’accessibilité, et je dirige maintenant la coalition qui lutte depuis 14 ans pour qu’elle soit réellement mise en œuvre. La ministre doutait de l’utilité d’inclure une échéance dans la loi. Nos 14 années d’expérience sur le terrain démontrent sans équivoque que c’est utile. La ministre craignait que cela ait un effet dissuasif, que les gens pensent qu’il faut attendre à 2039 avant de commencer. Ce n’est pas le cas. En outre, le libellé que nous proposons apporte des précisions qui atténueront certainement les préoccupations de la ministre.
Nous savons pertinemment que si vous dites que des mesures seront accessibles au cours du prochain millénaire, rien se sera fait. Par contre, sénatrice, en établissant l'échéancier de 2040, Air Canada saura que cette date butoir s’appliquera à ses plans et à ses exigences en matière d’accessibilité. L’OCENA sait que les normes qu’elle recommande doivent satisfaire à ces exigences, et le cabinet et tous les autres organismes de réglementation seront mis au courant de l’échéancier. Sans cet outil, les efforts que nous avons déployés en Ontario — c’était une dure bataille, vous pouvez me croire — auraient été beaucoup plus difficiles.
Le sénateur Munson : Merci d’être des nôtres. Je pense qu’il faut reconnaître le travail d’un ancien sénateur, David Smith, qui a mené la charge pour faire inclure les personnes handicapées dans la Charte. Cela a été omis; je tenais à le souligner.
J’ai deux petites questions, une pour M. Belanger et une pour M. Lepofsky.
Monsieur Belanger, vous appuyez le projet de loi, mais il semble que les Autochtones ont été laissés en plan. Je ne comprends pas pourquoi. Je sais qu’on a discuté de la question des relations de nation à nation, mais elles sont plus de 600. Donc, vous l’appuyez, même si vous êtes exclus. J’aimerais que vous parliez de cet aspect.
Monsieur Lepofsky, vous n’êtes pas vraiment partisan du CRTC et de l’OTC, notamment. Vous proposez un amendement. Pourriez-vous nous l’expliquer et nous dire comment cela fonctionnerait? Il n’y a pas de mauvaise porte, semble-t-il, mais elles sont nombreuses. Je vous invite donc à parler de votre amendement, aux fins du compte rendu.
M. Belanger : Merci, sénateur. Notre organisme n’examine pas cet enjeu uniquement du point de vue des Premières Nations ou des Autochtones. Nous nous préoccupons du bien-être et de l’inclusion de tous les Canadiens handicapés.
Lorsque le gouvernement a entrepris ce processus il y a deux ans, personne ne pensait que l’Assemblée des Premières Nations adopterait cette résolution, mais maintenant que c’est fait, il faut en tenir compte. Le gouvernement s’est engagé à favoriser l’autodétermination, la réconciliation et les relations de nation à nation. La question est de savoir quand et comment aller de l’avant.
S’il faut une mesure législative distincte pour les Premières Nations, alors faisons-le. Le gouvernement doit lancer ce processus, avec les ressources nécessaires. Des mesures ont été prises, mais sans nécessairement nous donner la certitude qu’une mesure législative parallèle pour les Premières Nations est imminente.
Voilà la demande formulée par l’Assemblée des Premières Nations. Le gouvernement doit y répondre, mais de notre point de vue, le projet de loi vise tous les Canadiens, Autochtones et non-Autochtones.
Le sénateur Munson : Avez-vous un commentaire, monsieur Lepofsky?
M. Lepofsky : Merci. C’est parfois une bonne chose d’être aveugle lorsqu’on se retrouve devant un écran de fumée. Je dirais, respectueusement, que l’argument selon lequel il n’y a pas de mauvaise porte, comme certains l’avancent, est un écran de fumée ou il en joue le rôle.
J’entends par là que depuis le début, nous appuyons sans réserve l’idée d’un guichet unique : une agence, une entité, un organisme de réglementation. C’est plus rapide, plus efficace, plus équitable et certainement plus simple pour nous.
Le régime actuel ne sert que les intérêts des organismes qui misent sur la division pour nous compliquer la vie. Toutefois, nous savons que les amendements que vous adopterez au cours des deux prochaines semaines ne seront pas une réécriture d’une grande partie du projet de loi.
Donc, que faut-il faire? Comment peut-on régler cela? Dire qu’il n’y a pas de mauvaise porte fait référence à l’accès, mais ce n’est pas le plus important. Que se passe-t-il ensuite? Actuellement, il y a quatre organismes. Cela signifie quatre procédures différentes, quatre ensembles de politiques et de pratiques différents et, éventuellement, quatre ensembles de formulaires différents et sans doute quatre échéances différentes. Pour nous, c’est le chaos garanti, mais ce sera formidable pour les transporteurs aériens, car ils connaissent tout cela, ou pour les diffuseurs, qui s’y adaptent et ont la structure nécessaire pour le faire.
La solution que nous proposons est un simple amendement indiquant que les principaux organismes sont tenus de créer, dans un délai précis, une série de processus axés sur l’harmonisation pour qu’ils aient des procédures identiques ou, du moins, des procédures très similaires.
Hier, les dirigeants de ces organismes ont indiqué avoir commencé à travailler ensemble là-dessus, mais ils ne se sont pas engagés à assurer l’uniformité. Dans sa forme actuelle, aux articles 94 à 110, le projet de loi autorise le commissaire à l’accessibilité à recourir à divers processus accélérés. À notre avis, ce serait formidable que l’OTC et le CRTC procèdent rapidement, mais selon l’expérience des personnes handicapées auprès de ces organismes, c’était plutôt l’inverse.
Mon dernier point est le suivant : hier, les représentants des organismes ont tenu des propos généralement sérieux sur les mesures qu’ils ont prises, et cela se comprend. Puis-je prendre une minute pour vous parler de ce qui se passe réellement? Je vais parler de ma propre expérience. Je pourrais y inclure tous les commentaires que nous recevons.
Le bilan de l’OTC à cet égard est plutôt misérable. L’OTC a enfin commencé à s’occuper des enjeux liés à la religion il y a trois ans, et a entrepris d’élaborer la réglementation. Or, l’OTC détient ce pouvoir depuis plus de 30 ans. Où était-il pendant tout ce temps? Je suis aveugle et je voyage partout dans le monde. Je peux vous dire que je redoute de revenir dans l’espace aérien canadien, non pas parce que nous n’avons jamais accès à des services, mais parce qu’ils sont bien moins fiables ici qu’ailleurs.
Aux États-Unis, la loi fédérale exige, depuis 2016, je crois, que les câblodistributeurs fournissent un enregistreur numérique personnel (ENP). Au Canada, que fait le CRTC? Ce n’est pas exigé. Cela devrait l’être, mais ce n’est pas le cas.
Je vous invite à examiner leurs bilans. Vous comprendrez que notre scepticisme est tout à fait justifié. Notre solution, c’est qu’à court terme, vous pourriez au moins exiger que ces organismes, s’ils sont là pour de bon, ne se contentent pas d’affirmer leur volonté d’agir rapidement, comme ils l’ont fait hier, mais qu’ils prennent des mesures concrètes en ce sens. Voilà ce que nous proposons avec notre amendement.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous de votre présence ici. Je crois que vous venez de répondre à ma principale question, mais je suis encore à l’étape d’assimiler l’information que nous recevons ce matin. Je vais donc passer à ma deuxième question.
Monsieur Belanger, j’ai entendu votre réponse à la question du sénateur Munson ce matin concernant les Autochtones, et je me demande comment nous pouvons nous assurer de bien faire les choses. Lorsque nous examinons le projet de loi dans sa forme actuelle, selon vous, que devons-nous inclure dans un amendement pour nous assurer de bien faire les choses?
M. Belanger : Parlons-nous du projet de loi dans sa forme actuelle ou d’une mesure législative propre aux Premières Nations?
La sénatrice M. Deacon : Le projet de loi dans sa forme actuelle.
M. Belanger : Je me fais l’écho des recommandations de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité dont il a été question ici, notamment les recommandations concernant la commission. Indépendamment de l’adoption d’une mesure législative propre aux Premières Nations, les Autochtones doivent être représentés. C’est également nécessaire de l’inclure. Nous offrirons notre soutien en ce qui concerne les communications, les échéanciers pour y arriver et les recommandations que le Sénat a reçues.
La sénatrice M. Deacon : Je vous en remercie.
Monsieur Lepofsky, j’aimerais revenir sur la question de la sénatrice Seidman, et c’est vraiment la grande question de l’équilibre à atteindre pour y arriver — je ne peux pas faire autrement que de le répéter une dernière fois — d’une manière qui est efficace, rapide et respectueuse, et il faut trouver l’équilibre entre des préoccupations et des amendements importants qui sont souvent assez interreliés. Maintenant que nous avons cela, comment pouvons-nous nous assurer que c’est fait?
M. Lepofsky : Il y a deux choses. Premièrement, nous avons l’habitude des situations difficiles. La défense des droits des personnes handicapées revient à monter les chutes Niagara à la nage, mais cela ne nous décourage pas. Nous continuons de persévérer. Lorsque des gens sont hésitants et se disent, par exemple, que nous ferions mieux de prendre seulement ce que nous pouvons obtenir, je comprends cela. Toutefois, nous n’avons jamais pensé comme cela. Nous ne reculons pas devant l’adversité.
Si nous avions adopté ce point de vue, nous n’aurions jamais obtenu un amendement concernant les personnes handicapées en 1982. Nous aurions probablement accepté une loi faible sur l’accessibilité en Ontario en 2001 au lieu de tenir notre bout et d’obtenir une loi plus rigoureuse en 2005. Dans le cas présent, les trois partis ont adopté cette mesure législative à la Chambre des communes, mais l’opposition a dit que le projet de loi était trop limité. Nous avons écrit aux chefs des trois partis pour leur dire que nous voulons éliminer ce risque et leur demander de promettre de proposer de nouveau le projet de loi à l’automne, si le projet de loi n’est pas adopté.
Bref, nous exerçons plus de pressions sur les partis. Voici ce que nous disons aux partis : nous voulons vous revenir avec des amendements adoptés par le Sénat, s’il est d’accord, et nous demandons de rendre une décision rapidement pour examiner le projet de loi comme il se doit. Faites ce que vous devez faire; adoptez-le avec des amendements ou non. C’est possible de le faire avant que la Chambre des communes s’ajourne. Qui plus est, tous les groupes que vous avez entendus exercent ensemble des pressions sur les partis et les implorent d’adopter le projet de loi.
Bref, les députés devront prendre la décision. Toutefois, nous avons la chance d’avoir des partis d’opposition. Nous sommes non partisans, et nous appuyons les amendements à la Chambre des communes. Nous espérons — et je rencontrerai la ministre cet après-midi — que les députés se rendent compte de l’utilité de renforcer le tout.
Sénatrice, la dernière chose que j’ajouterais, c’est que c’est une préoccupation légitime, mais je crois que c’est une préoccupation à laquelle nous avons répondu. La ministre Qualtrough a répondu à votre préoccupation la semaine dernière. Le sénateur Munson lui a demandé si elle serait disposée à apporter des amendements. Elle aurait pu répondre que c’est trop serré, que la charge de travail est trop importante, qu'il n'y aura pas suffisamment de temps. Bref, elle aurait pu tout simplement dire de l'adopter tel quel. et que nous n’aurons pas le temps de l’adopter et que vous devriez tout simplement l’approuver.
Ce n’est pas ce qu’elle a dit. Elle est aussi au courant que quiconque ici des échéanciers législatifs à la Chambre des communes. Elle en est probablement même plus consciente, étant donné qu’elle fait partie du gouvernement. Elle a dit que le gouvernement est ouvert à des amendements et qu’il souhaite proposer le meilleur projet de loi possible.
Notre court mémoire de trois pages d’amendements abordent certains enjeux fondamentaux qui ont déjà été soulevés par les gens du comité HUMA. Cela contribuera à suivre la voie qu'elle avait proposée. Je vous suggère donc d’accepter son offre et de lui demander de respecter son engagement.
La sénatrice Forest-Niesing : Je remercie les témoins de l’expérience dont ils nous font bénéficier durant ces travaux très importants.
Mon intervention se veut un suivi par rapport à un sujet qui a été soulevé à la suite de l’examen des recommandations formulées par la représentante de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité lors de son témoignage hier. Ma question s’adresse à vous, monsieur Belanger.
J’ai de la difficulté avec votre position, et ma question est simple. Le projet de loi dont nous sommes saisis concerne toutes les personnes handicapées. Je crois comprendre que vous estimez que le projet de loi ne protège pas adéquatement les Autochtones ou les Autochtones avec un handicap. Pourquoi affirmez-vous cela? Ensuite, êtes-vous d’accord avec moi que cela soulève des questions si nous avons une reconnaissance distincte ou un projet de loi distinct adapté aux besoins précis des Autochtones? Créons-nous une sous-catégorie et affaiblissons-nous le caractère inclusif du libellé du projet de loi?
M. Belanger : Merci, sénatrice. Je ne peux certainement pas parler au nom de l’Assemblée des Premières Nations ou des communautés des Premières Nations au Canada. Comme je l’ai mentionné, l’Assemblée des Premières Nations a adopté une résolution qui demandait une mesure législative distincte sur l’accessibilité pour les Premières Nations. Cette résolution a été adoptée en 2017, et je présume que le gouvernement en a été informé à l’époque.
Je ne suis pas constitutionnaliste. Cependant, selon ce que j’en comprends, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, le gouvernement a l’obligation de consulter les communautés des Premières Nations lorsqu’une mesure législative peut avoir une incidence sur leurs droits ou leurs droits issus de traités. Je crois que vous serez d’accord avec moi, sénatrice, que des lois adoptées par le gouvernement du Canada par le passé n’ont pas été particulièrement avantageuses pour les Premières Nations et les Autochtones, et nous en avons constaté les effets.
Je peux comprendre la raison pour laquelle l’Assemblée des Premières Nations souhaite avoir une loi distincte. Dans l’esprit de l’autodétermination, qui a reçu l’appui du gouvernement lorsqu’il a reconnu la Convention des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, je comprends la mentalité et la raison pour laquelle ce groupe a fait cette proposition.
Est-ce que je crois que cela créerait un sous-groupe? Pas nécessairement. Je crois que les communautés des Premières Nations ont le droit de le faire en vertu du principe de l’autodétermination. Cependant, la question est de déterminer la forme que cela prendra et ce qui sera inclus dans la mesure législative. Nous avons également soulevé des préoccupations à ce sujet. Cet organisme envisageait d’examiner le projet de loi C-81 pour voir s’il était possible de l’adopter au complet ou partiellement ou s’il ne retiendrait aucun élément.
Il faut aller de l’avant. Nous devons voir la forme que cela prendra du point de vue des Premières Nations. Cette consultation n’a pas eu lieu. Si c’est requis en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, il faut donc le faire. C’est la raison pour laquelle j’ai recommandé qu’il y ait un agent de liaison au conseil d’administration de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité.
Si cela va de l’avant, allons-y et assurons-nous que les Premières Nations peuvent voir ce que fera cette organisation et son fonctionnement, et qu’elles peuvent inclure ce qu’elles peuvent dans cette loi parallèle sur l’accessibilité pour les Premières Nations.
Je ne considère pas cela comme quelque chose de distinct. Je le vois comme une reconnaissance du statut des Premières Nations au Canada et de leur nécessité d’être reconnues au pays.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c’est ce que je pense.
[Français]
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à M. Lepofsky. J’ai cru comprendre que vous avez collaboré à l’élaboration de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario. Ai-je bien compris?
[Traduction]
M. Lepofsky : Oui. Voici un résumé — en 1980.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je voulais juste ajouter ma vraie question.
Avaient-ils un échéancier? S’ils en avaient un, est-ce que vous observez un mouvement vers la mise en œuvre de cet échéancier?
[Traduction]
M. Lepofsky : Il y avait un mouvement pour l’adoption de la loi, et j’ai eu le privilège d’être à la tête de ce mouvement. Le projet de loi a été adopté à l’unanimité en 2005. L’échéancier de 2025 est l’idée du gouvernement; ce n’est pas la nôtre. La marraine du projet de loi a témoigné devant le comité de la Chambre des communes et elle a dit que vous devriez aussi le faire, et nous étions d’accord avec elle. C’était une excellente idée. Nous avons donc saisi l’occasion. C’était une idée géniale. Cela ne se déroule peut-être pas aussi rapidement que nous l’aurions voulu, mais nous avons pu mettre en branle le processus. Le gouvernement respecte-t-il le calendrier établi? Non.
Sénatrice, vos collègues ont posé des questions sur l’examen quinquennal. Nous en avons eu trois en Ontario. Le principal objectif est de déterminer si nous respectons l’échéancier. Les trois examens ont confirmé — le plus récent était le plus cinglant à ce propos — que nous ne respectons pas l’échéancier et que nous avons besoin de mesures plus dynamiques.
Sans cet échéancier, cet examen pourrait être informatif, mais cela ne nous permettrait pas d’avoir le même message, soit de confirmer que nous accusons beaucoup de retard. Cette question a été abordée hier pendant la période des questions à l’Assemblée législative de l’Ontario. C’est un outil essentiel.
J’aimerais vous donner un autre exemple, étant donné que vous cherchez à déterminer si ce sera utile. La Commission de transport de Toronto gère un métro et une panoplie de stations de métro. Environ la moitié d’entre elles n’ont pas d’ascenseur. Toutefois, il faut reconnaître que la Commission de transport de Toronto a un plan pour rendre toutes ses stations de métro accessibles d’ici 2025, parce qu’elle a lu la loi ontarienne.
En fait, le gouvernement ontarien n’a pas adopté de règlement concernant les stations de métro, mais la seule présence de cette date dans la loi a forcé cet important métro à adopter ce plan.
J’ai une dernière chose à dire. Les autorités ont essayé de rebrousser chemin par rapport à ce plan et de repousser l’échéance, et nous sommes allés devant les médias pour dire que ce n’était pas juste et que la loi prévoit que ce soit fait d’ici 2025. La pression exercée par les médias a forcé la Commission de transport de Toronto à faire marche arrière et à respecter l’échéance de 2025.
Si la démarche de la ministre par rapport à cette loi avait eu le dessus en Ontario, nous accuserions un retard encore plus grand en vue de rendre accessibles ces stations de métro.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : J’aimerais particulièrement parler de votre rencontre avec la ministre cet après-midi. En vue d’agir de manière efficiente et surtout efficace, lors de votre rencontre avec la ministre, pourriez-vous lui demander ce qu’elle serait prête à faire et pourriez-vous nous faire part de vos observations ou des promesses, des engagements, des renseignements, et cetera? Cela nous aidera pour la suite des choses, compte tenu du temps qu'il nous reste et des suggestions que vous nous avez faites. Je considère vos suggestions comme sérieuses et détaillées. Ce sera peut-être très facile, mais je suis nouvelle au Sénat.
Si vous pouviez apprendre de la ministre ce qu’elle est prête à faire — et je ne dis pas que cela déterminera ce que nous ferons —, cela nous serait grandement utile dans nos travaux. Nous serons ainsi en mesure de comprendre ce qui est possible et ce que nous pouvons tous nous attendre à obtenir du processus. Puis-je vous demander cela?
M. Lepofsky : À titre de délégué qui est bien connu pour donner de longues réponses, ma réponse est oui.
La sénatrice Dasko : Nous avons hâte d’entendre ce que vous aurez à nous dire, et je sais que la sénatrice Omidvar a une question.
La sénatrice Omidvar : Merci de votre présence ici. Merci, monsieur Lepofsky, de votre correspondance avec moi et tout le monde. J’aimerais vous poser des questions concernant votre évaluation de la capacité du CRTC et de l’Office des transports du Canada en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées. Des représentants ont témoigné devant le comité hier. Je leur ai lu une partie de votre lettre qui se voulait une évaluation cinglante du peu de progrès réalisés. Les représentants ont répondu en expliquant qu’ils étaient très fiers des progrès accomplis. Je vais vous citer des extraits du mémoire soumis au comité par le CRTC. Il est question des progrès réalisés. Au milieu des années 1980, le CRTC a rendu obligatoire le service de relais par téléscripteur. En 2009, cette décision a été élargie pour inclure la prestation du service de relais téléphonique par protocole Internet. Cinq ans plus tard, c’était le tour de la prestation du service de relais vidéo. Les entreprises doivent actuellement offrir un service 911. En 2009, le CRTC a commencé à obliger les télédiffuseurs à offrir quatre heures de vidéodescription par semaine. Utiliseriez-vous encore le terme « minables » pour décrire les progrès du CRTC?
M. Lepofsky : Seulement en public. En privé, mon langage est un peu plus coloré.
La sénatrice Omidvar : Dites-nous ce que vous pouvez.
M. Lepofsky : Je ne dis pas cela seulement pour me montrer désinvolte, mais nous ne disons pas que ces organismes n’ont rien fait. Je dois avouer que Scott Streiner, qui est à la tête de l’Office des transports du Canada, est une bonne personne avec un excellent bilan en matière de droits de la personne. Si vous pouviez adopter un amendement pour le rendre immortel, vous auriez notre soutien.
La sénatrice Omidvar : Cela ne relève pas de notre compétence.
M. Lepofsky : Je ne sais pas si cela relève de votre compétence. C’est peut-être une compétence provinciale.
J’ai deux choses à dire par rapport à ces organismes. Premièrement, ils ne possèdent pas d’expertise fondamentale en la matière. Ce n’est pas leur domaine. Ce sont des spécialistes de la télédiffusion et des transports et non de l’accessibilité. C’est ce que sera le commissaire à l’accessibilité.
Prenez le bilan de l’Office des transports du Canada. Cela fait trois décennies et leur propre projet de règlement, qui a été publié aux fins de commentaires, reconnaît que l’office n’en a pas fait suffisamment. Pourquoi ne pas l’avoir fait il y a des années? Cela ne date pas d’hier que des personnes handicapées prennent l’avion ou le train. Ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas sorcier.
J’aimerais parler d’une dernière chose; c’est l’aspect sur lequel l’amendement met l’accent. Ces organismes ont des procédures labyrinthiques qui sont conçues pour prendre des décisions réglementaires importantes. Je le comprends. Toutefois, ce n’est pas adapté à nous. Voilà pourquoi nous félicitons le gouvernement pour les articles 94 à 110 du projet de loi; il arrive à quelque chose d’encore plus simplifié que le processus parfois plus labyrinthique de la Commission des droits de la personne.
Cependant, il faut que ces autres organismes affirment non seulement qu’il n’y aura pas de mauvaises portes, mais aussi que les procédures seront aussi rapides et comparables une fois que vous aurez franchi cette porte. Je ne les ai pas entendus dire que c’est ce qu’ils feront et je ne les ai pas non plus entendus dire qu’ils s’engageront à le faire. Voilà pourquoi nous avons besoin de cet amendement.
La sénatrice Omidvar : D’accord. Merci.
La présidente : Merci. Je sais que le temps est déjà légèrement dépassé, mais j’estime que les personnes handicapées au Canada — et je fais partie de cette communauté — attendent ce projet de loi depuis plus de 40 ans. Nous pouvons donc prendre cinq minutes de plus.
[Français]
J’aimerais poser une courte question.
Madame Desforges, on a beaucoup parlé de l’expérience ontarienne, mais je m’en voudrais de ne pas vous demander votre opinion au sujet de la langue française. Vous en avez parlé un peu. Dans le projet de loi, on utilise souvent l’expression « personnes handicapées ». Vous l’avez mentionné, de même que des sénateurs, comme le sénateur Cormier en Chambre, en suggérant qu’on devrait peut-être plutôt préciser, comme on le fait à l’échelle internationale, qu’il s’agit de personnes « en situation de handicap ». Est-ce que c’est important, et est-ce qu’on devrait au moins en faire une observation, à votre avis?
Mme Desforges : Oui, bien entendu. Le Canada vient de signer le protocole facultatif à la convention internationale de l’ONU. Ce serait donc un élément pertinent à ajouter dans le projet de loi. Par contre, dans la plupart des lois provinciales, y compris au Québec, on parle de personnes handicapées. Si on faisait cette modification, il faudrait voir comment les lois des deux ordres de gouvernement pourraient s’arrimer, mais il serait certainement pertinent d’adopter l’expression « personnes en situation de handicap », comme c’est le cas dans la convention de l’ONU.
[Traduction]
La présidente : Merci de vos réponses. Merci de vos excellentes questions. Nous avons eu de précieux échanges pour notre étude du projet de loi C-81.
Cela dit, à moins que vous vouliez parler d’autres travaux, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)