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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 59 - Témoignages du 8 mai 2019


OTTAWA, le mercredi 8 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 18, pour étudier le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bon après-midi à tous.

[Traduction]

Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Français]

Je m’appelle Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec. C’est un plaisir et un privilège de présider cette réunion. Avant de donner la parole à nos témoins d’aujourd’hui, j’invite mes collègues à se présenter, en commençant à ma droite, avec la vice-présidente du comité.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Poirier : Bienvenue. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Bienvenue. Nicky Eaton, Ontario.

Le sénateur Ravalia : Bienvenue. Mohamed Ravalia, Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Pate : Bienvenue à vous tous, anciens et nouveaux. Je m’appelle Kim Pate, de l’Ontario.

Le sénateur Manning : Bienvenue à tous. Fabian Manning, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Bienvenue. Victor Oh, Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Bonjour. Marty Deacon, Ontario.

Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de Toronto, qui représente l’Ontario.

La sénatrice Moodie : Bienvenue. Rosemary Moodie, de l’Ontario.

Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, Saskatchewan.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, territoire visé par le Traité no 6, Alberta.

Le sénateur Munson : Jim Munson, Canada.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario. Bonjour et bienvenue.

[Traduction]

La présidente : Comme nous pouvons le constater, nous sommes nombreux au comité aujourd’hui au moment où nous commençons notre étude du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

[Français]

Je vous présente tout de suite nos témoins d’aujourd’hui. Nous accueillons l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Avec monsieur le ministre, nous recevons, de Sécurité publique Canada, Mme Angela Connidis, directrice générale, Direction générale de la prévention du crime, des affaires correctionnelles et de la justice pénale.

Du Service correctionnel du Canada, nous accueillons Mme Anne Kelly, commissaire, ainsi que Mme Jennifer Wheatley, commissaire adjointe, Services de santé et, du ministère de la Justice, Mme Juline Fresco, avocate.

Bienvenue chez nous.

[Traduction]

Nous allons commencer par entendre le ministre pendant la première heure. Nous allons ensuite suspendre la séance pendant quelques minutes et poursuivre avec les fonctionnaires pour la deuxième heure.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

L’honorable. Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Madame la présidente, merci beaucoup. Vous pouvez voir, d’après l’éventail des témoins d’aujourd’hui, que nous avons atteint un équilibre parfait entre les sexes.

[Français]

Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant votre comité au sujet du projet de loi C-83. Cette mesure législative a déjà suscité beaucoup d’intérêt au Sénat, et je suis heureux d’avoir l’occasion de vous expliquer comment il sera possible d’améliorer le système correctionnel.

[Traduction]

Je suis heureux d’être accompagné de la commissaire Kelly, du Service correctionnel du Canada, ainsi que d’autres représentants de mon ministère, du Service correctionnel du Canada et du ministère de la Justice du Canada.

Notre gouvernement travaille très fort depuis trois ans et demi pour que notre système correctionnel se concentre sur sa principale vocation, qui est de préparer les gens qui ont enfreint la loi à retourner dans leur collectivité à titre de citoyens productifs et respectueux des lois. C’est un objectif très louable et très important.

À cette fin, nous avons investi massivement dans la santé mentale en milieu correctionnel. Nous avons renouvelé les ententes avec les pavillons de ressourcement autochtones et accru leur capacité. Nous avons mis fin au gel des transferts aux organismes communautaires qui gèrent des maisons de transition. Nous avons rétabli les prisons agricoles. Nous avons rétabli le financement du programme des Cercles de soutien et de responsabilité, qui a permis de réduire les taux de récidive chez les délinquants sexuels. Nous avons également créé l’Initiative sur les services correctionnels communautaires destinés aux Autochtones afin d’aider les Autochtones qui ont déjà été incarcérés à se réadapter et à trouver de bons emplois. Maintenant, nous proposons une nouvelle approche pour les détenus qui seraient autrement à l’isolement.

J’ai été heureux d’entendre à l’étape de la deuxième lecture que les sénateurs croient de façon générale que ce projet de loi est fondé sur de bonnes intentions, et je suis heureux d’essayer de montrer comment les réalités pratiques du projet de loi C-83 concorderont avec ces bonnes intentions.

Le projet de loi C-83 propose de mettre fin à la pratique de l’isolement et de créer un nouveau système d’unités d’intervention structurée, les UIS. Ce n’est pas un simple changement de nom. À l’isolement, les détenus sont confinés à leur cellule jusqu’à 22 heures par jour, avec peu ou pas de contacts humains réels ou de programmes de réadaptation. Dans une UIS, les détenus auront droit à deux fois plus de temps hors de leur cellule et à au moins deux heures de contact humain réel chaque jour. De plus, grâce aux nouveaux investissements que nous faisons pour correspondre à ce projet de loi, les UIS donneront accès à des programmes, à des interventions de réadaptation et à des soins de santé mentale qui ne sont tout simplement pas disponibles actuellement à l’isolement. Ce sont là des distinctions essentielles lorsqu’on examine la constitutionnalité éventuelle du projet de loi C-83.

Il y a eu beaucoup de litiges concernant l’isolement au cours des dernières années et d’importantes décisions rendues par divers tribunaux, bien qu’il y ait des appels en instance. Il est important de se rappeler, cependant, que dans tous ces cas, c’est le système actuel, tel qu’il existait en 2015 ou avant, qui était en cause devant les tribunaux. Les tribunaux nous ont parlé des limites et de la surveillance qu’ils jugent nécessaires pour assurer la conformité à la Charte lorsqu’ils utilisent un système d’isolement préventif qui confine les gens 22 heures par jour avec peu ou pas d’interaction humaine réelle. Les critiques des tribunaux à l’égard de l’isolement préventif ont été et demeurent si générales que nous avons choisi de faire de notre mieux pour nous débarrasser complètement de ce système.

Les conclusions des tribunaux au sujet de cet ancien système ne s’appliquent pas également au nouveau système que nous proposons dans le projet de loi C-83 parce qu’il est qualitativement différent. Pour répondre aux impératifs constitutionnels, un système d’UIS moins restrictif et plus humain exige des mesures de contrôle, d’examen et de recours différentes, et non les mêmes que celles qui s’appliquaient à l’ancien système qui existait avant 2015 et qui ont fait l’objet de décisions judiciaires.

J’ai entendu les critiques selon lesquelles l’infrastructure matérielle des unités d’intervention structurée sera essentiellement la même que celle de l’isolement, et dans bien des cas, c’est vrai, même si le SCC apporte des changements afin de créer plus d’espace pour les interventions et les programmes. Toutefois, les cellules en soi ne sont pas la question clé. D’une part, les types de cellules qui sont actuellement utilisées à l’isolement et qui le seront dans la plupart des cas dans les UIS sont pratiquement indissociables de toutes les autres cellules dans un établissement pour hommes à sécurité maximale. Ce qui crée l’isolement, ce n’est pas la cellule matérielle, c’est le manque de contact humain. C’est l’isolement. Selon la Cour d’appel de l’Ontario :

[...] ce qui caractérise avant tout l’isolement cellulaire, c’est l’élimination de toute forme d’interaction ou de stimulation sociale valable.

C’est exactement ce que le projet de loi C-83 tente de régler. À l’isolement, la quantité d’interaction sociale réelle ou de stimulation est presque nulle. Par contre, le projet de loi C-83 exige que les détenus des unités d’intervention structurée se voient offrir au moins deux heures par jour. Ce n’est pas un changement mineur; c’est assez fondamental.

Pourtant, même si les UIS seront moins restrictives que l’isolement, la surveillance proposée dans le projet de loi C-83 est plus grande. Dans le système actuel, le directeur d’établissement décide de mettre quelqu’un à l’isolement. Ensuite, le directeur nomme des gens pour examiner sa décision. Puis, le résultat de l’audience menée par les personnes nommées par le directeur se traduit par une recommandation au directeur, à laquelle ce dernier est libre de donner suite ou non. De plus, la fréquence de ces examens est établie dans le règlement, et non dans la loi en soi. Avec le projet de loi C-83, nous proposons, pour la toute première fois, la surveillance du placement des détenus par un décideur indépendant à l’extérieur du système correctionnel. Cette surveillance n’aboutira pas seulement à des recommandations, mais à des jugements qui doivent être observés.

Le projet de loi prévoit plusieurs circonstances dans lesquelles ce mécanisme d’examen externe entrera en vigueur, y compris si un détenu n’obtient pas ses quatre heures à l’extérieur de la cellule ou ses deux heures de contact humain réel pendant cinq jours consécutifs ou 15 jours sur 30. Autrement dit, si les conditions d’un détenu dans une unité d’intervention structurée commencent à devenir trop semblables à celles d’une ancienne unité d’isolement, un système de surveillance externe exécutoire entrera en vigueur en aussi peu que cinq jours. Toutes les décisions du décideur externe indépendant pourront être portées en appel devant la Cour fédérale.

Maintenant, bien sûr, une unité d’intervention structurée demeure tout de même un environnement restrictif. C’est pourquoi le projet de loi C-83 indique clairement que les détenus ne peuvent pas y être transférés et ne peuvent pas y rester à moins que ce soit absolument nécessaire, mais ce l’est parfois.

Lors de l’étude en comité à la Chambre, l’enquêteur correctionnel, Ivan Zinger, a déclaré :

[...] si l’on a besoin de l’isolement disciplinaire pour certaines personnes.

Catherine Latimer, de la Société John Howard, a déclaré :

La capacité de séparer rapidement les détenus qui s’attaquent les uns aux autres ou s’attaquent au personnel est une mesure à court terme importante pour réduire la violence. Les prisons peuvent être des endroits terriblement violents, et les gens peuvent y être blessés.

Les anciens détenus Lawrence Dasilva et Lee Chapelle sont d’accord.

Selon la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, et je cite encore :

L’isolement préventif ou un autre régime plus adéquat doivent être instaurés afin de protéger les détenus dont la sécurité serait menacée au sein de la population générale et d’assurer la sécurité des personnes qui travaillent dans les établissements carcéraux.

Je sais que la sénatrice Pate a proposé certaines mesures qu’elle considère comme des solutions de rechange à l’isolement et aux UIS. Les mesures qu’elle a proposées, comme le recours accru aux pavillons de ressourcement, les partenariats avec les programmes provinciaux de soins de santé et de lutte contre les gangs, sont toutes de très bonnes idées auxquelles nous devons travailler ensemble, mais je ne crois pas qu’il s’agisse de solutions de rechange véritables ou absolues aux UIS. Par exemple, si quelqu’un dans la cour d’exercice commence à agresser violemment des membres du personnel ou d’autres détenus, on ne peut pas résoudre ce problème en les inscrivant à un programme antigang. Il faut une autre solution pour mettre fin à la violence. Si un détenu pose un trop grand risque pour la sécurité de la population générale dans une prison fédérale, l’envoyer dans un hôpital ou un pavillon de ressourcement n’est peut-être pas une option viable. En fait, il serait assez difficile de trouver un administrateur d’hôpital ou de pavillon de ressourcement qui serait prêt à les accueillir.

En fin de compte, il faut que le service correctionnel ait une façon humaine et bien gérée de séparer les détenus de la population générale pour des raisons de sécurité. Toutefois, en séparant certains détenus de la plupart des autres détenus pour des raisons de sécurité, il ne faut pas les priver des programmes, des interventions, des soins de santé mentale et de l’interaction sociale réelle dont les premiers ont besoin pour corriger leurs problèmes. C’est pourquoi nous avons proposé le projet de loi C-83. C’est un grand pas en avant pour notre système correctionnel.

Nous avons affecté 450 millions de dollars à l’embauche de personnel et à la prestation de services pour la mise en œuvre du nouveau système. Beaucoup de gens ont dit que les idées contenues dans le projet de loi C-83 sont excellentes, mais vont-elles vraiment changer fondamentalement le système? Le ministre des Finances est là pour faire les investissements qui seront nécessaires et je vais nommer un comité de surveillance externe indépendant pour examiner la mise en œuvre du projet de loi C-83, comme il se doit, afin de nous assurer qu’il est appliqué comme nous l’espérons et comme nous nous y attendons.

Il y a beaucoup d’autres détails, madame la présidente, et je remercie le comité sénatorial de son attention cet après-midi. Je vous remercie de m’avoir invité et je vais faire de mon mieux pour répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous avons beaucoup de questions, je peux vous l’assurer. J’ai déjà une liste. C’est un projet de loi qui soulève beaucoup d’intérêt et de passion chez les sénateurs. Nous connaissons tous la différence entre une déclaration et une question. Je vous invite aujourd’hui à vous concentrer sur les questions, puisque nous avons l’occasion d’accueillir le ministre et ses collaborateurs. Nous allons commencer par la vice-présidente, la sénatrice Seidman, qui sera suivie du sénateur Klyne, qui parraine le projet de loi au Sénat.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre exposé.

Le projet de loi vise à modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en parlant du Service correctionnel, comme suit :

il prend les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, sont les moins privatives de liberté;

Vous avez soutenu que cette disposition est simplement une disposition humanitaire et qu’elle n’a pas d’impact plus large, mais en fin de compte, le recours aux mesures les moins privatives de liberté semble laisser entendre que l’objectif sera de gérer les délinquants au niveau de sécurité le plus bas possible, y compris, bien sûr, dans la collectivité.

J’aimerais savoir si vous avez vu des évaluations internes au sujet de l’impact potentiel de cette disposition sur la libération conditionnelle anticipée des détenus, par exemple. Sera-t-il plus difficile de maintenir un délinquant reconnu coupable d’une infraction particulièrement grave à un niveau de sécurité plus élevé?

M. Goodale : Sénatrice, vous avez parlé du niveau de sécurité le plus bas possible, mais je parlerais plutôt du niveau de sécurité le plus bas qui soit nécessaire.

La sénatrice Seidman : D’accord.

M. Goodale : Ce que vous venez de dire est vraiment très important :

[…] les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, sont les moins privatives de liberté;

Autrement dit, le principe de la sécurité est enchâssé dans l’expression juridique, et c’est le libellé qui est utilisé depuis 1992. Je crois que c’est sous le gouvernement de M. Mulroney qu’on l’a inscrit pour la première fois dans la loi. Je crois que l’expérience de l’application de ce principe opérationnel a été, dans l’ensemble, positive.

Nous reconnaissons tous qu’il s’agit de certains des éléments les plus dangereux de notre société, et nous devons veiller à ce que la sécurité publique et la sécurité des collectivités soient toujours assurées et protégées. C’est le premier principe directeur. Ce faisant, je pense qu’il faut reconnaître que la grande majorité des détenus seront un jour libérés. Il est préférable pour notre société qu’ils soient libérés en toute sécurité, qu’ils soient bien préparés à mener une vie productive et respectueuse des lois, plutôt que de sortir du système correctionnel dans un pire état d’esprit qu’au moment de leur incarcération. L’objectif est de rendre nos collectivités plus sûres.

La sénatrice Seidman : J’aimerais simplement savoir si vous avez des preuves, des statistiques ou autre chose sur l’impact potentiel du concept des « mesures les moins privatives de liberté », qui avait été retiré du projet de loi et que vous êtes en train de rétablir.

M. Goodale : C’est exact, et nous croyons que c’est la bonne décision, en matière de politique publique, qui nous a d’ailleurs été recommandée par un vaste éventail d’experts. Je vais essayer de vous fournir, sénatrice, une note écrite qui vous donnera le contexte expérientiel.

La sénatrice Seidman : D’accord. Vous pourriez peut-être l’envoyer au greffier.

M. Goodale : Oui, c’est ce que je ferai.

La sénatrice Seidman : Ce serait merveilleux. Merci.

Le sénateur Klyne : Merci, monsieur le ministre Goodale. J’ai hâte de discuter avec vos collègues par la suite.

Vous avez mentionné dans votre exposé qu’un organisme indépendant serait mis sur pied pour veiller à ce que la mise en œuvre se déroule comme prévu. Pouvez-vous nous dire quelle surveillance externe indépendante sera assurée après la mise en œuvre?

M. Goodale : Eh bien, le groupe consultatif restera en place aussi longtemps qu’il le faudra pour s’assurer que la mise en œuvre est réussie et que les nouvelles UIS fonctionnent comme prévu.

Nous avons sollicité un grand nombre de suggestions et de recommandations afin de trouver des personnes compétentes pour exercer cette capacité de surveillance avec le type d’expérience et d’expertise approprié. Honnêtement, s’il y a des recommandations que les membres du Sénat aimeraient faire pour que les gens soient pris en considération pour ce rôle, je serais heureux de les recevoir. Nous devrons aller de l’avant avec ce projet de loi afin que ces gens soient prêts à avancer lorsque le projet de loi aura été adopté.

L'objectif ici consiste à s’assurer que la réalité de la mise en œuvre correspond aux attentes. Je voulais mettre en place un système pour surveiller la situation et m’assurer que nous atteignons les objectifs du projet de loi C-83. Ce système restera en place aussi longtemps que nous en aurons besoin.

Le sénateur Klyne : Merci.

Il a beaucoup été question de la nécessité de veiller à ce que les délinquants séparés dans une unité d’intervention structurée et présentant des problèmes de santé mentale reçoivent le traitement qui s’impose. On peut présumer que l’évaluation et le diagnostic de la maladie mentale se feraient dans les 24 heures suivant le placement dans une unité d’intervention structurée. Lorsque ce diagnostic sera accompagné d’une recommandation de relocalisation du délinquant, quelles ressources seront disponibles pour donner suite à cette recommandation et comment fera-t-on observer cette recommandation?

M. Goodale : Pour commencer, une partie importante des 450 millions de dollars prévus pour la mise en œuvre du projet de loi C-83 sera consacrée au renforcement de la capacité du système en matière de soins de santé mentale. Dans les deux budgets précédents, nous avons déjà affecté 80 millions de dollars à l’amélioration de la capacité du système correctionnel en matière de soins de santé mentale. Maintenant, nous ajoutons une partie de ces 450 millions de dollars pour nous assurer que nous avons les professionnels en place pour faire le travail requis.

Vous avez raison de dire que lorsqu’une personne arrive dans un établissement fédéral, on évalue sa santé mentale. Cela vise à nous permettre, du point de vue diagnostique, de comprendre dès le départ quels sont leurs problèmes pendant qu’ils sont encore gérables, plutôt que d’attendre qu’ils s’aggravent et qu’ils explosent plus tard en incident mineur ou majeur. Le diagnostic est donc établi très tôt.

Les professionnels de la santé orienteront ces personnes vers le traitement qui leur est offert lorsqu’elles sont dans les UIS. Bien sûr, si ce traitement n’est pas fourni comme il est censé l’être, le mécanisme d’examen indépendant aurait le pouvoir d’ordonner qu’il le soit, au besoin.

Le sénateur Klyne : Merci.

Le sénateur Munson : Monsieur le ministre, je suis sûr que les juristes poseront de nombreuses questions sur la constitutionnalité de ce projet de loi, mais j’aimerais plutôt aborder la question de l’esprit humain, puisqu’il a beaucoup été question de la santé mentale dans les prisons. J’ai été président du Comité sénatorial des droits de la personne pendant deux ans, et j’ai visité bon nombre de ces prisons où j’ai été témoin de la pratique de l’isolement cellulaire. Je m’inquiète beaucoup d’un problème resté dans l’ombre, c’est-à-dire les personnes ayant des déficiences intellectuelles ou développementales, comme l’autisme. Il y a des milliers de prisonniers dans le système carcéral qui ont des problèmes de santé mentale.

Vous ne pouvez peut-être pas répondre à la question, mais il se peut que les fonctionnaires qui vous accompagnent le puissent. Oui, une évaluation est effectuée lorsqu’une personne est incarcérée. On peut la faire faire, mais il y a suffisamment de professionnels dans le système chaque jour pour comprendre qu’une personne a une déficience intellectuelle. Par exemple, ces lumières pourraient conduire quelqu’un de sa cellule à l’isolement cellulaire ou à une unité d’intervention structurée, ce qui risque de la placer dans de très mauvaises dispositions. Cela m’inquiète.

Je ne suis pas certain que ce projet de loi règle ce problème dans le système. À l’extérieur du système, nous avons déjà assez de difficulté à prendre soin des personnes ayant une déficience intellectuelle. Je veux qu’on se penche sur cette question à l’intérieur du système carcéral, parce qu’elle est très grave.

M. Goodale : Sénateur Munson, vous avez tout à fait raison de soulever cette question. Il y a toutes sortes de problèmes de santé mentale et de problèmes psychologiques qui touchent les gens dans notre système correctionnel. Si je me souviens bien des statistiques, si vous incluez tout, des difficultés légères aux difficultés très graves, vous constatez que près de 70 p. 100 des hommes dans le système souffrent d’un problème de santé mentale. C’est probablement très près de 100 p. 100 pour les femmes. C’est un problème très important.

Jennifer Wheatley pourrait peut-être vous parler plus particulièrement de la distinction à faire entre un problème de santé mentale et une incapacité fonctionnelle.

Jennifer Wheatley, commissaire adjointe, Services de santé, Service correctionnel du Canada : Je comprends la distinction que vous faites entre le traitement et la nécessité d’accommoder les personnes dans le système, par opposition au traitement qui pourrait se faire dans un centre de soins de santé.

Pour ce dont le ministre parlait tout à l’heure, cette évaluation précoce, la formulation du cas et le plan de traitement incluront également la sensibilisation des collègues des opérations et des interventions au sujet de ce qui est nécessaire pour accommoder cette personne dans notre environnement, qu’il s’agisse du syndrome de la Tourette, du syndrome d’Asperger ou du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, TSAF. Pour cette personne en particulier et ses besoins particuliers en matière de santé, comment le système doit-il répondre à ses besoins et qu’est-ce qui serait approprié? Ce genre de conseils sur la façon de simplifier les instructions, de gérer l’environnement matériel et de régler les alarmes — de tels conseils aideraient la personne à réussir le mieux possible — ferait partie du rôle du professionnel de la santé, en fonction de cette évaluation, de la formulation du cas et de l’admission.

Le sénateur Munson : Le professionnel a-t-il la formation requise pour faire cela avec ce projet de loi ou avec l’argent qui est dépensé à cette fin? Il est difficile, à l’extérieur du système, d’avoir suffisamment d’argent pour former des gens pour faire un travail adéquat jour après jour. On parle de conditions particulières pour différentes personnes. Que se passe-t-il avec les gens qui ont une déficience intellectuelle? Oui, la majorité d’entre eux développeront un problème de santé mentale à l’intérieur, mais c’est là où il faut régler le problème initial dont je parle. J’ai bien peur qu’ils passent encore entre les mailles du filet malgré ce que nous essayons de faire ici.

Mme Wheatley : Par l’entremise de notre Comité consultatif médical national (CCMN), nous avons mis en place un système de perfectionnement professionnel pour nous assurer que nous ciblons la formation et le perfectionnement continus de nos professionnels de la santé dans des domaines exactement comme ceux dont vous avez parlé, où notre personnel doit accroître ses compétences. Lorsque nous n’avons pas de personnel compétent dans un domaine particulier, s’il s’agit d’une évaluation très spécialisée, nous avons la capacité, grâce au financement prévu dans le projet de loi C-83, de faire appel à des spécialistes de la collectivité pour effectuer ces évaluations.

Le sénateur Munson : Merci.

La sénatrice Eaton : Monsieur le ministre, merci d’être des nôtres avec les fonctionnaires de votre ministère.

Nous connaissons tous l’histoire épouvantable d’Ashley Smith. Nous savons tous que des gens l’ont regardée se suicider dans sa cellule. Vous avez investi de l’argent, des soins et beaucoup d’attention dans ce projet de loi, mais comment allons-nous changer la culture dans nos prisons, qui fait en sorte que des gardiens peuvent regarder un écran de surveillance et voir quelqu’un se suicider sans rien faire pour l’en empêcher? C’est un problème de culture, n’est-ce pas, qui requiert probablement de la formation? Est-ce que cela fait partie du projet de loi?

M. Goodale : Plusieurs éléments du projet de loi permettraient de remédier à ces situations tragiques, madame. Nous avons examiné attentivement les recommandations de l’enquête. Grâce au projet de loi C-83, nous instaurerons des soins infirmiers et des services de défense des droits des patients, et ce, jour et nuit, 7 jours sur 7. Ces mesures faisaient partie des recommandations issues de l’enquête au sujet d’Ashley Smith. Les défenseurs des droits des patients aideront les détenus à s’y retrouver dans leurs droits et responsabilités en matière de soins de santé. Le projet de loi C-83 fera en sorte qu’aucun détenu ne sera à l’isolement pendant une période prolongée en mettant fin à l’isolement comme tel et en assurant une interaction humaine réelle sur une base quotidienne, en mettant l’accent sur les interventions de réadaptation et les soins de santé mentale. En outre, nous avons prévu un examen exécutoire.

La sénatrice Eaton : Une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, avez-vous fixé des délais pour la mise en place de personnel infirmier de défense des droits des patients et l’établissement de toutes ces mesures?

M. Goodale : Nous sommes en train de recruter des gens pour remplir ces nouvelles fonctions. C’est un défi parce que nous n’avons pas l’autorité juridique nécessaire pour aller de l’avant, mais nous essayons très fort de faire nos devoirs de façon informelle pour pouvoir démarrer rapidement.

Puis-je demander à la commissaire Kelly de parler de la réaction institutionnelle du SCC à la situation d’Ashley Smith et des recommandations découlant de l’enquête? Pouvez-vous nous donner plus d’information sur la façon dont le service progresse dans cette situation?

Anne Kelly, commissaire, Service correctionnel du Canada : Bien sûr. Ce fut une terrible tragédie. Je peux vous dire qu’en ce qui concerne le projet de loi C-83, c’est vraiment une transformation, mais cette transformation n’est pas nouvelle; elle a commencé il y a quelque temps. En 2015, nous avons commencé à apporter des changements à la façon dont nous gérons l’isolement, et nous sommes passés d’un maximum de 800 délinquants à moins de 300 aujourd’hui. Toutefois, cela fluctue. Avec le projet de loi C-83, nous avons en place une équipe de mise en œuvre. Je peux dire que la réaction est très bonne. Les gens veulent travailler avec les délinquants. Il est certain, comme le disait le ministre, que la grande majorité des délinquants vont devenir nos voisins un jour — vos voisins, mes voisins, les voisins de mes êtres chers. Comment voulons-nous qu’ils soient lorsqu’ils seront libérés? Nous voulons qu’ils soient de meilleurs citoyens. Dans tous mes discours, avec les nouvelles recrues, ou quand je vais à l’étranger, je dis toujours qu’il n’y a pas de plus grande responsabilité que d’avoir les soins et la garde d’autres êtres humains. C’est très important. J’en suis à ma trente-sixième année au SCC. J’ai encore la passion pour mon travail. Je crois fermement en notre mandat, qui consiste à aider et à encourager les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en veillant à ce que nos établissements soient sécuritaires et à ce qu’ils offrent des services empreints d’humanité. Encore une fois, en ce qui concerne le projet de loi C-83, je le vois, et j’ai rencontré certains groupes qui travaillent aux unités d’intervention structurée, et nous avons l’impression qu’ils veulent vraiment participer à cette initiative. Il y a de l’enthousiasme. Cela a commencé il y a quelques années, et nous allons maintenant de l’avant.

Le sénateur Manning : Merci à nos témoins. J’aimerais commencer par dire que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a annoncé son intention de construire une nouvelle prison à Terre-Neuve-et-Labrador pour remplacer notre vieille bâtisse qui date de 150 ans.

M. Goodale : On m’en a parlé à plusieurs reprises.

Le sénateur Manning : J’ai visité cette prison à quelques reprises et il faut la remplacer.

M. Goodale : Dans quelles circonstances l’avez-vous visitée, monsieur?

Le sénateur Manning : Pas dans celles auxquelles vous pensez, monsieur le ministre.

M. Goodale : Nous avons déjà travaillé très proches l’un de l’autre.

Le sénateur Manning : J’espère que nous trouverons un moyen d’aider. Je croyais en profiter pour le faire aujourd’hui. J’estime aussi que le projet de loi repose sur de bonnes intentions.

Non seulement dans la prison de Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi dans différentes prisons du pays, il y a des émeutes et des combats et, dans certains cas, il y a des victimes. Craint-on que l’élimination de l’isolement disciplinaire augmente le nombre d’infractions commises dans les prisons, et quelles mesures avons-nous mises en place? Nous allons prendre certains délinquants et les intégrer à la population générale d’une façon ou d’une autre. Êtes-vous inquiet pour la suite des choses?

M. Goodale : Je vais demander à la commissaire Kelly de répondre à cette question, étant donné ses nombreuses années de service dans le système. Vous avez raison de dire qu’il y a eu historiquement deux types différents d’isolement — disciplinaire et préventif. La commissaire Kelly pourrait peut-être nous en dire plus sur la solution de rechange, sans l’outil disciplinaire.

Mme Kelly : Nous éliminons l’isolement préventif et l’isolement disciplinaire.

Pour ce qui est de l’isolement disciplinaire, je peux dire que sur une base annuelle, sur 10 000 accusations potentiellement graves, il y en avait peut-être 700 pour lesquelles une sanction d’isolement était imposée, mais en fin de compte, moins de 2 p. 100 des délinquants aboutissaient à l’isolement. Bien que le président indépendant puisse imposer une sanction pouvant aller jusqu’à 30 jours, normalement, les délinquants y restaient en moyenne 10 jours.

Nous avons d’autres mécanismes que l’isolement à utiliser pour imposer des sanctions. Pour répondre à votre question, lorsqu’un incident se produit, nous avons toujours des moyens de séparer les délinquants. Au lieu d’être envoyés à l’isolement, ils se retrouvent dans une unité d’intervention structurée, où l’action est fortement axée sur les interventions.

Bien qu’il y ait certainement des mesures de sécurité à adopter pour faciliter nos interventions auprès des délinquants, il y aura aussi des agents de libération conditionnelle, des agents de programme, des agents de programmes sociaux, des agents de liaison autochtones, des aînés et des aumôniers. Dans les établissements pour femmes, il y aura des conseillers en comportement et des ergothérapeutes qui pourront travailler avec les délinquantes.

Pour répondre à votre question, nous espérons qu’il y aura une réduction du nombre d’agressions et une amélioration de la façon dont les délinquants gèrent les conflits parce que nous allons les motiver, travailler avec eux et leur offrir des programmes. En fin de compte, nous croyons que cela mènera à un environnement plus sûr au sein des établissements. Également, grâce aux interventions, les délinquants seront encouragés à participer à leur plan correctionnel. En fin de compte, cela mènera à de meilleurs résultats en matière de sécurité publique.

Le sénateur Manning : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ce que serait un contact humain réel?

M. Goodale : Par exemple, il y a la capacité de recevoir des soins de santé mentale ou la capacité pour un délinquant autochtone de rencontrer un aîné ou un autre conseiller autochtone. Il pourrait aussi y avoir toutes sortes d’activités de formation professionnelle pour que les gens aient la possibilité, pendant qu’ils sont dans une unité d’intervention structurée, de faire des progrès dans leur plan correctionnel plutôt que de rester là à ne rien faire et de vivre du ressentiment parce qu’ils sont enfermés pendant 22 heures sur 24 sans voir personne. L’idée est de poursuivre les interventions normales, peut-être même de les améliorer dans certaines circonstances, au bout du compte, pour aider les détenus à se réadapter.

Le sénateur Manning : Je vous souhaite bonne chance.

M. Goodale : C’est un travail difficile.

La sénatrice Pate : Merci à tous d’être ici.

Vous avez indiqué que 450 millions de dollars ont déjà été investis, et vous avez parlé de certaines des options qui sont disponibles. Pratiquement tout ce qui se trouve dans le projet de loi à l’heure actuelle n’exige pas l’autorisation légale du Service correctionnel du Canada. La preuve en est qu’il est en train d’être mis en œuvre en ce moment même. Cependant, toutes les recherches internationales montrent que la meilleure façon de réduire la dépendance à l’égard de la sécurité, surtout de la sécurité statique, y compris l’isolement, consiste à investir dans des interventions de nature plus dynamique. Ma première question est la suivante : pourquoi avez-vous choisi d’investir dans de nouvelles formes de séparation plutôt que dans certaines de ces approches qui auront des avantages à plus long terme?

Ma deuxième question porte sur la surveillance. D’après mon interprétation du projet de loi, cela pourrait prendre jusqu’à 90 jours avant que quelqu’un fasse l’objet de la surveillance dont vous parlez. Il n’est pas nécessaire de rencontrer les prisonniers. Il n’est pas nécessaire d’avoir un avocat. Il y a des délais. Tout est laissé à la discrétion de l’organisme qui reste à déterminer. Pourtant, les recommandations se sont succédé en faveur de la surveillance judiciaire. Maintenant qu’il y a moins de 300 délinquants à l’isolement, ce pourrait être l’une des meilleures solutions, comme nous l’avons vu dans le domaine des services de police. Lorsque ce genre de surveillance a été mis en place, en fait, cela a changé la culture. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas investir dans la surveillance judiciaire pour changer fondamentalement la culture?

M. Goodale : Madame Pate, je vous remercie de vos questions.

En ce qui concerne les fonds disponibles pour améliorer le système, comme je l’ai mentionné, 80 millions de dollars ont été affectés aux diverses améliorations en santé mentale dans les deux derniers budgets, et 450 millions de dollars représentent la dernière affectation du ministre des Finances. Sur ces 450 millions de dollars, j’estime qu’environ 150 millions de dollars seront consacrés précisément à la santé mentale, et les 300 millions de dollars restants seront consacrés à d’autres améliorations aux programmes qui seront nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des unités d’intervention structurée.

Pour ce qui est de votre deuxième question, ou plutôt de la deuxième moitié de votre première question, en ce qui concerne la transformation à long terme par rapport à la sécurité à court terme, je pense que nous avons besoin des deux. Tous les jours, dans les établissements correctionnels, il faut pouvoir séparer les gens les uns des autres pour assurer leur sécurité, celle de l’établissement ou des personnes qui y travaillent, tout en travaillant à la transformation à long terme. Je pense que le projet de loi C-83 établit le cadre pour les deux. Nous avons la capacité et le pouvoir légal de garder les gens séparés lorsque la séparation est nécessaire pour la sécurité de l’établissement, mais nous avons aussi des programmes et des changements d’approche à long terme très importants qui ne sont plus l’isolement préventif ou une forme d’isolement. Il s’agit ici de maintenir les programmes qui mèneront à la réadaptation, qui corrigeront le comportement de la personne et lui permettront d’être libérée, en toute sécurité, et d’être un citoyen productif et respectueux des lois.

Pour ce qui est de l’affectation des ressources, l’un des défis que nous devons relever, c’est de déterminer si nous maintenons ou non l’isolement préventif, d’imposer un plafond de 15 jours et de prévoir un mécanisme d’examen externe — ce qui était l’objet du projet de loi précédent, le projet de loi C-56, si je me souviens bien — ou de prendre les ressources qui seraient utilisées à cette fin et de nous concentrer plutôt sur ce nouveau concept, où l’on essaie de se débarrasser complètement de l’isolement préventif et d’établir une nouvelle façon de faire qui n’exige pas l’élimination de contacts humains réels pendant la majeure partie de la journée et, au lieu de cela, d’adopter l’approche de l’UIS, où l’on continuerait d’assurer un contact humain réel au moins deux heures par jour et où le temps passé à l’extérieur de la cellule serait doublé pour être porté de deux à quatre heures. La décision qui a été prise était que nous aurions en fait un meilleur système si nous nous concentrions sur sa réforme complète plutôt que de simplement imposer un plafond et un processus d’examen à l’ancien système. Essayons de nous débarrasser de l’ancien système — et je pense que c’est une partie importante de votre point de vue — et assurons-nous que cette transformation est réelle et pas seulement un changement de nom. Nous voulons que ce soit réel.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur le ministre.

M. Goodale : Je suis heureux de vous revoir, monsieur.

Le sénateur Oh : Le projet de loi autorise un nouveau type de fouille par balayage corporel, et l’objectif est de mieux contrôler et prévenir l’introduction de substances illégales dans les établissements correctionnels fédéraux. Ce type de fouille se fait à l’aide d’un détecteur à balayage corporel réglementaire au sens de l’article 46 de la loi, à l’article 12 du projet de loi. Ma question est la suivante : à quelle fréquence utilise-t-on le détecteur à balayage corporel sur les prisonniers ou les détenus? Y a-t-il un avantage ou un inconvénient à utiliser la technologie des détecteurs à balayage corporel dans les établissements correctionnels?

M. Goodale : Encore une fois, la commissaire Kelly et les gens du SCC seraient mieux placés pour fournir l’explication pratique, sénateur Oh.

Il s’agit d’une recommandation particulière qui nous a été faite par le syndicat représentant les agents correctionnels, qui nous a dit estimer que cela rendrait le système plus sûr, qu’il serait plus efficace pour empêcher la contrebande dans les établissements et qu’il permettrait d’atteindre cet objectif d’une façon plus technologique plutôt que très intrusive par des fouilles corporelles. L’argument semblait éminemment logique. Je remarque que certains de nos homologues provinciaux vont dans le même sens avec l’achat de ce genre de technologie. Nous espérons tous les deux, tant à l'échelon fédéral que provincial, que cela aidera les agents correctionnels à faire leur travail, qu’il y aura moins de contrebande dans les établissements et que les fouilles pourront se faire grâce à la technologie, de façon moins intrusive.

Le sénateur Oh : Est-ce une technologie semblable à celle qui est utilisée dans les aéroports?

M. Goodale : Commissaire Kelly, pouvez-vous nous parler de la technologie?

Mme Kelly : Je ne suis certes pas une experte. Il y a différents types de technologie. Il y a les détecteurs à ondes millimétriques de faible intensité et la technologie des rayons X à faibles doses. Nous examinons les technologies pour voir celle qui répondrait le mieux à nos besoins, mais ce serait une technologie de ce genre.

Le sénateur Oh : Lorsqu’ils balaient l’image, c’est seulement une fois, ou ils doivent le faire à chaque fois que la personne sort et rentre?

Mme Kelly : Ce serait également prévu dans le règlement. Il y a certains types de fouilles et il y a certains moments où les délinquants doivent être fouillés, mais au moins avec les détecteurs à balayage corporel, ils n’ont pas à enlever leurs vêtements. C’est moins intrusif.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Poirier : Merci d’être ici. J’ai quelques questions à poser.

Le 20 mars, devant le Comité des droits de la personne, M. Jason Godin, du syndicat des agents correctionnels, a témoigné et a fait des commentaires sur l’incidence des nouvelles directives du commissaire sur l’isolement, plus précisément la DC-709 et la DC-843, sur la sécurité des établissements. J’aimerais citer un très court extrait de ce qu’il a dit ce jour-là.

Bon nombre des détenus actuellement placés en isolement le sont pour leur propre protection puisqu’ils sont extrêmement vulnérables. Si on veut leur assurer le degré d’interaction exigé dans le projet de loi, il faudra qu’un nombre déjà limité d’agents correctionnels exercent sur ces détenus une surveillance directe et constante. Inversement, l’incapacité de gérer des détenus incompatibles mènera à des tragédies comme celles vécues dans l’établissement Archambault et l’établissement de Millhaven, où des détenus ont été assassinés lors d’événements distincts survenus au début de 2018.

Êtes-vous au courant de la situation et est-ce que des détenus sont morts à la suite des changements apportés aux politiques d’isolement? Avez-vous été informé de la question? Êtes-vous au courant? Vous attendez-vous à ce que cela empire une fois que le projet de loi C-83 entrera en vigueur?

M. Goodale : J’ai eu l’occasion de m’entretenir directement avec M. Godin en sa qualité de président du Syndicat des agents correctionnels du Canada. En fait, le syndicat tenait plus tôt cette semaine son assemblée générale annuelle à Calgary et j’ai eu l’occasion de rencontrer quelques représentants. Ils ont insisté sur deux points.

Premièrement, pour la sécurité des établissements, des détenus et des diverses personnes, y compris les gardiens de prison qui travaillent dans les établissements, et de toutes les autres personnes qui vont et viennent, comme les entrepreneurs de services, et cetera, il faut mettre en place des outils pour qu’il soit possible au besoin d’isoler des détenus dangereux. Cela s’est fait historiquement et traditionnellement par l’isolement préventif, mais le projet de loi C-83 propose une nouvelle approche pour atteindre le même objectif. Il faut toutefois une méthode qui permet de garder des gens isolés des autres au besoin afin d’assurer la sécurité des établissements.

Deuxièmement, il a fait valoir que pour y parvenir, il faut s’assurer que le nouveau système dispose des ressources appropriées et qu’il y aura l’argent nécessaire pour engager les agents correctionnels, les travailleurs en santé mentale, les conseillers autochtones, les conseillers en services du programme, les conseillers spirituels, et cetera. Pour qu’une unité d’intervention structurée, une UIS apporte les améliorations attendues, elle doit pouvoir compter sur les fonds nécessaires.

Très peu de temps après que M. Godin eut fait ces commentaires, nous avons annoncé notre intention d’investir 450 millions de dollars dans le système, ce qui, je crois, lui a donné l’assurance voulue que le nouveau système fonctionnerait parce qu’il disposera des ressources nécessaires.

De plus, les représentants du Syndicat des agents correctionnels du Canada, SACC, tiennent à ce que le comité de surveillance, le groupe consultatif qui supervisera la mise en œuvre du nouveau système, soit composé de gens qui examineront cette mise en œuvre comme s’ils étaient des agents correctionnels. Ce groupe doit pouvoir compter sur des perspectives différentes, mais celle d’un agent correctionnel est évidemment l’une des plus importantes afin que celui-ci ait l’assurance qu’il disposera du système et des ressources nécessaires pour faire son travail de façon sécuritaire et appropriée. Nous veillerons à ce que le groupe de surveillance bénéficie de ce point de vue.

La sénatrice Poirier : Merci. Me reste-t-il un peu de temps?

La présidente : Je vais vous inscrire au deuxième tour.

M. Goodale : Pourrais-je ajouter une remarque à cette dernière réponse? Nous nous attendons à engager en tout et dans toutes les catégories — pas seulement les agents correctionnels, mais dans toutes les autres catégories d’employés qui feront partie des unités d’intervention structurée — 900 employés de plus au Service correctionnel du Canada. Merci.

La sénatrice Omidvar : Je remercie le ministre et ses collaborateurs de leur présence. Votre service est vraiment apprécié.

Monsieur le ministre, ma question s’adresse à vous. Je comprends les principes du projet de loi. L’isolement, surtout sur de longues périodes, est cruel et inhabituel, en particulier lorsqu’il n’y a pas de fin en vue — le concept de durée indéterminée. Pourriez-vous nous parler de la capacité du personnel du SCC de prolonger les placements dans les unités d’intervention structurée et nous dire si cette capacité — et j’aimerais comprendre quelles pourraient être les limites de ces prolongations — va à l’encontre du principe du projet de loi, qui est de mettre fin à l’incarcération le plus tôt possible?

M. Goodale : L’approche fondamentale à l’égard des unités d’intervention structurée est que les gens ne seraient placés là que s’il n’y a absolument aucune autre solution de rechange et seulement pour le temps absolument nécessaire.

Le directeur de l’établissement supervisera le système. Le commissaire a également une fonction de surveillance pour s’assurer que ce principe est respecté. Je voudrais que mon comité de surveillance me fasse rapport de l’efficacité de l’application de ce principe. Il y aura périodiquement la possibilité pour les décideurs externes indépendants d’intervenir s’ils croient que les principes sont violés.

Comme je l’ai dit dans mon exposé, si le système ressemble trop à l’ancien système d’isolement préventif, alors les décideurs externes indépendants devront avoir la capacité de dénoncer et de dire : « Écoutez, ce n’est pas ainsi que cela devait se passer ». Encore une fois, on les appelle des décideurs. Il ne s’agit pas de conseillers ou de personnes qui font des recommandations. Ce sont des décideurs qui auront la capacité de rendre des jugements exécutoires, et leurs décisions peuvent également faire l’objet d’un appel judiciaire.

Ce sont là les mesures de protection que nous avons essayé d’intégrer.

La sénatrice Omidvar : J’ai ici une lettre, et je suis sûre que vous connaissez ces gens de l’Université de London et de la faculté de droit Schulich, qui parle de surveillance. Voici ce qu’on peut lire dans cette lettre :

La surveillance, même si elle permet d’identifier correctement les détenus ayant subi des préjudices, est inefficace dans la prévention de ces préjudices.

Pouvez-vous commenter?

M. Goodale : Encore une fois, mon objectif est de changer toute l’orientation. Si vous avez un système d’isolement préventif qui implique, essentiellement, l’interruption d’un contact humain réel, alors presque dès le premier moment, il y aura un certain préjudice, et ce préjudice ne fera que croître au fil du temps. Les remarques, critiques et analyses s’appliquent particulièrement aux conséquences de l’isolement préventif. Ce que je vise, c’est un système qui a en fait l’orientation opposée de sorte que vous n’éliminez pas le contact humain réel.

De toute évidence, il s’agit d’une situation dangereuse ou difficile, de sorte que les gens doivent être isolés, mais même s’ils sont isolés des personnes avec lesquelles ils peuvent entrer en conflit, cela ne veut pas dire qu’il faut carrément les isoler des autres êtres humains. Vous devez continuer à assurer des contacts humains par le biais des programmes et des autres types d’interventions qui feront avancer leur plan correctionnel pendant que, pour un certain temps, ils sont isolés pour des raisons de sécurité.

La sénatrice Omidvar : En ce qui concerne les quatre heures par jour à l’extérieur de la cellule et les deux heures de contact humain réel, il y a des exceptions, comme lorsqu’un délinquant ne se conforme pas à des instructions raisonnables destinées à assurer sa sécurité ou celle de toute autre personne dans la cellule ou la sécurité du personnel. Pouvez-vous nous expliquer ce que l’on entend par « instructions raisonnables » dans ce contexte? Pourrait-on s’en servir pour refuser systématiquement à un prisonnier la possibilité de l’isolement cellulaire?

M. Goodale : Sénatrice, la situation dont vous parlez est exactement celle que des décideurs externes dénonceraient en disant : « Ce n’est pas ainsi que cela doit se passer. » Ils auraient la capacité d’intervenir, tout comme le ferait un professionnel de la santé mentale, même avant ce stade. S’ils voient une situation où ils estiment que l’état de la personne se détériore et qu’ils disent : « Vous devez la sortir de là », mais les responsables de la prison pourraient rétorquer : « Non, nous pensons qu’elle doit rester là pour des raisons de sécurité », alors le décideur externe pourrait annuler cette décision.

La présidente : Merci, sénatrice Omidvar.

Monsieur le ministre, je crois que vous devez partir. Vous avez prolongé votre temps avec nous...

M. Goodale : Ils continuent de voter à l’autre endroit.

La présidente : Nous vous sommes vraiment reconnaissants du temps que vous nous avez consacré et de votre aide dans le cadre de notre étude du projet de loi C-83. Nous allons poursuivre avec les fonctionnaires qui restent avec nous. Nous allons garder la liste, et les noms restent sur la liste dans cet ordre. Encore une fois, merci beaucoup d’être venu.

M. Goodale : Je vous remercie de l’attention très consciencieuse que le Sénat porte à cet important projet de loi. Merci.

[Français]

La présidente : Honorables collègues, nous reprenons l’étude du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

En plus des représentants des ministères qui sont déjà avec nous, nous ajoutons à la liste de nos témoins — et nous vous remercions d’être là — M. Alain Tousignant, sous-commissaire principal au Service correctionnel du Canada, accompagné de sa collègue, Mme Kelley Blanchette, sous-commissaire pour les femmes, ainsi que M. Dan Moore, avocat, Section des droits de la personne, au ministère de la Justice Canada.

Nous allons poursuivre notre période de questions.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Merci d’être parmi nous aujourd’hui. Cela a été très instructif jusqu’à maintenant.

L’une des critiques dont j’ai pris connaissance, en particulier lorsque j’en ai parlé avec la sénatrice Pate, est l’affirmation selon laquelle le projet de loi C-83 ne tient pas compte des dernières décisions judiciaires dans ce domaine. Il est fondé sur quelques décisions antérieures prises en réaction à la situation qui existait en 2015, mais il n’est pas à jour par rapport aux dernières décisions, qui ont été rendues plus tôt cette année, je crois. Qu’en pensez-vous? Est-ce vrai?

Juline Fresco, avocate, ministère de la Justice Canada : Bonsoir.

Je commencerai par dire que le projet de loi ne porte pas sur l’isolement préventif et que le gouvernement l’estime conforme à la Charte. Hier, un énoncé concernant la Charte a été déposé au nom du ministre de la Justice. Comme cet énoncé l’indiquait, les dispositions du projet de loi C-83 et la conformité avec la Charte sont étayées. Il y a un certain nombre de raisons à cela, mentionnées dans l’énoncé concernant la Charte, à savoir : des objectifs très clairement définis pour placer un détenu dans une unité d’intervention structurée, un rôle nettement accru pour le soutien en santé mentale ainsi que pour les professionnels de la santé mentale et une surveillance externe, comme l’a souligné le ministre — les examinateurs externes indépendants, de même que les examens par les fonctionnaires compétents du SCC.

Je vais demander à mon collègue Dan Moore s’il souhaite ajouter quelque chose.

Dan Moore, avocat, Section des droits de la personne, ministère de la Justice Canada : Vous avez couvert beaucoup de choses.

Le ministère de la Justice a fourni et continue de fournir des conseils juridiques sur le projet de loi C-83. Des conseils juridiques ont été fournis avant le dépôt du projet de loi à la lumière de toutes les décisions judiciaires récentes.

L’énoncé concernant la Charte qui a été déposé hier reflète la version du projet de loi qui est actuellement devant le comité, et il a été rédigé à la lumière de toutes les décisions rendues jusqu’à la date du dépôt de l’énoncé.

Je pense qu’il vaut la peine de souligner que toutes les décisions judiciaires récentes concernent la validité en vertu de la Charte du régime actuel d’isolement préventif. Lorsque nous examinons les récentes décisions des tribunaux, nous tenons également compte des différentes façons dont le régime proposé dans le projet de loi actuel est qualitativement différent de ce qui est en cause dans les décisions judiciaires qui sont rendues.

La sénatrice Dasko : Elles sont donc différentes des décisions de 2019?

J’allais poser une question au sujet de l’énoncé concernant la Charte, parce qu’il n’y en avait pas encore eu. Vous dites donc qu’il a été rendu public hier.

Mme Fresco : Exact.

La sénatrice Dasko : Alors, quel est le problème par rapport aux décisions de 2019? Vous dites, pour que ce soit clair, que vous n’avez pas à en tenir compte? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Moore : Nous en tenons certainement compte, mais nous rappelons aussi que les décisions sont liées à la loi actuelle et aux pratiques actuelles relativement à l’isolement préventif. Lorsque nous examinons les principes, nous examinons les conclusions de fait et le fonds documentaire juridique sur lesquels se fondent les décisions actuelles, et nous les appliquons aux dispositions du projet de loi actuel.

Mme Fresco : J'aimerais également ajouter que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas devant les tribunaux. Il serait inapproprié que les tribunaux se prononcent sur un projet de loi, car il n’a pas encore force de loi.

La sénatrice Dasko : Oui. Je sais que cela n’arrive habituellement pas. Cela arrive parfois, mais pas souvent. Je vais m’arrêter ici. Merci.

La présidente : Sénatrice Pate, je sais que vous voulez revenir là-dessus — et votre nom est sur la liste —, mais nous n’avons pas l’habitude de poser des questions supplémentaires au comité. Vous pourrez demander des précisions dans quelques minutes.

Le sénateur Ravalia : Merci aux témoins.

L’article 26 du projet de loi C-83 modifie la définition de « soins de santé » afin que les soins de santé puissent désormais être fournis par des personnes agissant sous la supervision d’un professionnel de la santé et pas nécessairement seulement par un professionnel de la santé. À qui aviez-vous l’intention de permettre de fournir ces soins de santé? Qui sont ces personnes? De quel niveau de supervision auront-elles besoin? Y aura-t-il des suivis? Quelle est la formation de base? Craignez-vous que cela entraîne des risques potentiels?

Mme Wheatley : Cet article est également appuyé par les dispositions législatives actuelles qui nous obligent à fournir les soins de santé essentiels conformément aux normes professionnelles reconnues. Lorsque nous examinons la façon dont les champs de pratique et les pratiques protégées ont évolué au fil du temps, nous constatons que des personnes qui fournissent des soins de santé, mais qui ne sont pas agréées, ont un rôle à jouer dans un service de santé essentiel. Par exemple, les préposés aux services de soutien à la personne qui travaillent couramment dans des maisons de retraite et dans d’autres milieux seraient de telles personnes. Elles relèveraient du chef des soins de santé. Leurs tâches seraient attribuées par des professionnels de la santé agréés, et elles seraient supervisées par des professionnels de la santé agréés.

Le sénateur Ravalia : Étant donné qu’un nombre important de personnes qui auraient besoin de ce type de soins ont souvent des besoins en matière de soins de santé principalement de nature mentale, dites-vous que des professionnels non qualifiés fourniraient également des services de soutien en santé mentale?

Mme Wheatley : Non, absolument pas. Les dispositions relatives à la santé ne se limitent pas aux soins de santé mentale; il s’agit de la santé de toute la personne et du système.

Nous nous en tenons aux lois provinciales, aux actes réglementés et à la portée des pratiques établies par les provinces. Nos professionnels de la santé sont membres du collège provincial et suivent les lignes directrices du collège. Nous ne demanderions jamais à un professionnel de la santé non agréé d’exécuter un acte protégé dans une province.

Le sénateur Ravalia : Merci.

Le sénateur Kutcher : Merci à tous. Ma question s’adresse à quiconque est le mieux placé pour y répondre.

Lorsque certaines personnes souffrant de certains types de maladies mentales — psychoses, TSPT, troubles graves de la personnalité — sont placées en isolement cellulaire, leur état se détériore rapidement, au point où leur réponse au traitement devient médiocre. Les perturbations qui ont fait qu’elles devaient être isolées, souvent pour leur propre protection, durent habituellement très peu de temps, des heures ou peut-être une journée, puis on peut les transférer dans un environnement moins restrictif et plus thérapeutique assez rapidement. Quelles solutions de rechange aux UIS avez-vous mises en place pour vous permettre de trier à des fins thérapeutiques les personnes atteintes de ces maladies afin qu’elles n’aient pas à être placées dans une UIS, ce qui, nous le savons, leur nuit?

Deuxièmement, dans les cas très rares — et ils sont très rares — où quelqu’un a besoin d’une sécurité supplémentaire, sur quelles dispositions vous appuyez-vous pour lui donner un contact humain réel supplémentaire plus de quatre heures par jour? Il est assez injuste de garder une personne psychotique sans contact humain pendant une heure à la fois. Vous ne devriez pas faire cela. Envisagez-vous de mettre en place des traitements réguliers — quotidiens et continus — en santé mentale — au lieu de simplement aller dire « bonjour » à un conseiller — et des évaluations quotidiennes continues afin que, dès qu’une personne peut être retirée de ce genre de situation, elle le soit de façon appropriée?

Mme Kelly : Je vais commencer, puis je céderai la parole à Jennifer pour compléter ma réponse.

Premièrement, grâce aux améliorations qui seront apportées aux facteurs déterminants de la santé mentale, nous serons en mesure de diagnostiquer les délinquants dès leur admission, ce qui aidera. Comme le ministre l’a dit, 70 p. 100 des délinquants souffrent d’au moins un trouble mental. Nous savons que 36 p. 100 d’entre eux atteignent le seuil de la maladie mentale avec une déficience qui va de modérée à importante. Le fait de pouvoir les diagnostiquer et s’assurer qu’ils sont placés dans la bonne filière les aidera à obtenir le traitement dont ils ont besoin. Dans certains cas, ils recevront le traitement approprié de sorte que leur état ne se détériorera pas davantage et qu’ils ne se retrouveront pas éventuellement dans des centres de traitement.

Nous offrons des soins primaires dans tous nos établissements. Il s’agit surtout de counselling donné par des psychologues, et il y a des infirmières. Nous offrons également des soins de santé mentale intermédiaires dans bon nombre de nos établissements, et pour les délinquants à sécurité maximale dans nos établissements à sécurité maximale, nous avons des échelles thérapeutiques pour aider ces délinquants.

Dans le cas des délinquants pour lesquels il n’y a tout simplement rien d’autre à faire, ils pourraient être transférés dans une unité d’intervention structurée. Il y aura des visites quotidiennes des responsables des soins de santé, et ils seront en mesure d’évaluer le délinquant. En fait, ce qui est important dans le projet de loi C-83, c’est que lorsque des fournisseurs de soins de santé évaluent le délinquant, s’ils croient que les conditions d’incarcération devraient être modifiées ou que le détenu devrait être retiré de l’unité d’intervention structurée et placé ailleurs, ils peuvent en faire la recommandation au directeur de l’établissement. Donc, pour ce qui est de la modification des conditions d’incarcération, un professionnel de la santé pourrait dire qu’il faut voir ce délinquant plus souvent. Ce pourrait être le cas.

J’espère avoir répondu en partie à votre question.

Mme Wheatley : Comme la commissaire l’a mentionné, les nouveaux investissements dans la santé mentale prévus dans le projet de loi C-83 sont axés en grande partie sur le diagnostic précoce, la formulation des cas et le plan de traitement afin que nous puissions orienter les gens vers les soins appropriés. En prévision de ce changement, nous avons rencontré des experts internes et nationaux sur les niveaux de soins afin de peaufiner les nôtres, de sorte que nous procéderons à une orientation précoce. Nous savons, d’après notre propre expérience et des recherches internationales, que l’identification et le traitement précoces peuvent réduire les incidents de 33 p. 100. Il s’agit d’une grande priorité.

Lorsque tout le reste échoue, comme la commissaire l’a mentionnée, s’il y a un placement dans l’UIS, appuyé par les notions d’indépendance clinique et de défense des droits des patients dans le projet de loi, le rôle du professionnel de la santé est de préconiser des soins appropriés pour cette personne. Les dispositions du projet de loi l’appuient. Grâce aux ressources prévues dans le projet de loi C-83, nous disposerons du personnel nécessaire pour répondre à ces besoins et être en mesure d’effectuer les évaluations, les traitements et les suivis dont vous avez parlé.

La sénatrice Moodie : Merci à tous d’être venus nous parler aujourd’hui. Je vais poursuivre dans la même foulée quant aux soins de santé. Je m’intéresse particulièrement aux soins de santé aigus.

En écoutant les propos tenus jusqu’à maintenant au sujet de ce projet de loi, je commence à m’inquiéter de la perception que j’ai de la possibilité qu’il y ait un décalage entre une personne dont la condition se détériore gravement et les moyens mis en place pour intervenir. Il me semble que les interventions sont plutôt à long terme, ou à moyen ou à long terme. Je veux vraiment examiner de plus près le genre de protocoles que vous mettez en place pour vous assurer que le bon professionnel de la santé se trouve dans l’UIS lorsque la condition du patient ou du détenu se détériore et échappe à tout contrôle. Par ailleurs, il devrait effectivement exister un veto quelconque pour veiller sur les recommandations que font les agents de sécurité principaux de l’unité. Comment pouvons-nous nous assurer qu’ils choisiront la bonne façon d’intervenir, pour éviter qu’ils optent pour une deuxième ou une troisième approche? On nous a prévenus que cela pourrait se produire dans ce scénario.

Nous vous entendons dire, même aujourd’hui, que les travailleurs de la santé peuvent faire cette recommandation. Toutefois, nous n’avons pas entendu parler des mécanismes qui obligent les responsables à intervenir d’une certaine façon, ou du genre de soutien et de surveillance qui pourrait exister ou de la nature des rapports entre ces agents supérieurs et le comité de surveillance externe qui interviendra si un problème survient. Quelles mesures de protection mettez-vous en place pour gérer les situations aiguës afin de protéger les personnes et veiller à ce que des incidents semblables à ceux entourant la mort d’Ashley Smith ne se reproduisent pas?

Mme Kelly : Si le directeur de l’établissement décide, pour des raisons de sécurité ou autres, de rejeter la recommandation d’un professionnel de la santé, à savoir qu’il faut modifier les conditions d’incarcération d’un détenu ou le retirer de l’unité d’intervention structurée, le directeur de l’établissement devra rendre visite au détenu avant de prendre sa décision. Si le directeur de l’établissement s’oppose à cette recommandation, elle sera renvoyée à un comité composé de la commissaire adjointe des Services de santé — c’est-à-dire, de Mme Wheatley — du sous-commissaire régional, qui est la personne la plus haut placée dans la région, et d’un conseiller médical principal. Si, après avoir examiné le cas, le comité appuie la décision du directeur de l’établissement, le dossier sera alors soumis à l’examen du décideur externe indépendant.

La sénatrice Moodie : Puis-je simplement m’imposer dans ce dialogue pour souligner toutes les préoccupations quant à l’échéancier et à l’urgence d’agir? Parce que c’est là où se situe le décalage dont j’ai parlé. La situation est grave et nous avons prévu une réunion du comité. Je ne vois pas comment cela fonctionne.

Mme Wheatley : En plus de ce qu’a dit la commissaire, rien dans le projet de loi n’empêcherait un psychiatre ou un médecin d’amorcer le transfert d’un détenu dans un hôpital psychiatrique conformément à la législation provinciale en matière de santé mentale. Ce mécanisme existe déjà en vertu de la loi provinciale, et ce processus ne nuirait pas à ce besoin immédiat en matière de santé et à la nécessité de former quelqu’un et de l’envoyer dans un hôpital psychiatrique.

La sénatrice Moodie : Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, madame la présidente, de permettre à une intruse de poser une question. Je l’apprécie.

Il n’y a pas longtemps, j’ai participé à un cercle de guérison avec les hommes au Centre de guérison Stan Daniels. Précisément en fonction de ce projet de loi, j’ai pensé aller directement à la source et leur poser des questions sur l’isolement. Lorsque je leur ai demandé combien d’entre eux avaient été en isolement, tous ont levé la main. En réalité, les détenus autochtones sont surreprésentés dans nos unités d’isolement. Depuis 1992, il existe une foule de preuves solides, à savoir que le comportement criminogène est fondé sur le traumatisme, et pour un délinquant autochtone, il s’agit d’un traumatisme historique.

À mes yeux, ce projet de loi modernise la LSCMLC. Toutefois, j’ignore comment cette modernisation, et vous pouvez peut-être m’aider à comprendre, transformera les prisons actuelles en centres de réadaptation qui respectent la culture et tiennent compte des traumatismes. Nous n’avions pas ce libellé en 1992, mais la LSCMLC prônait une réadaptation sérieuse. Nous en savons beaucoup plus maintenant, mais j’ignore de quelle façon ce projet de loi nous aidera à y arriver. Je ne sais pas à qui s’adresse cette question, ou si vous ne désirez pas répondre.

Mme Kelly : Tout d’abord, ce projet de loi prévoit que nous devrons tenir compte des antécédents sociaux des détenus autochtones, ce que nous faisons déjà. Je crois que nous nous améliorons à cet égard. Pour ce qui est de documenter les circonstances particulières des contrevenants, je pense que nous le faisons bien, en fait. Quant à l’identification de solutions de rechange, nous nous améliorons. Nous devons ensuite veiller à ce que cette information se traduise par des décisions et des recommandations. C’est là que nous offrons de la formation. La formation semble utile ou fructueuse.

Par ailleurs, il est clair que les délinquants autochtones sont surreprésentés à l’heure actuelle dans nos zones d’isolement. Quant aux unités d’intervention structurée — encore une fois, Alain pourra en parler davantage —, nous allons élaborer des programmes et nous veillerons à ce qu’ils soient adaptés à la culture des délinquants autochtones.

Encore une fois, l’objectif des unités d’intervention structurée est aussi d’avoir des intervenants qui travaillent avec ces délinquants. Pour les délinquants autochtones, nous allons veiller à ce qu’ils aient accès à des aînés et à des agents de liaison autochtones.

Notre principal objectif, toujours, lorsque qu’un délinquant est transféré à l’unité d’intervention structurée, est de travailler avec lui dans le but de l’intégrer à la population générale, et pas seulement de le retirer de l’unité d’intervention structurée, mais de faire en sorte qu’il n’y retourne pas. C’est souvent ce que nous voyons avec l’isolement; ce sont les mêmes délinquants qui reviennent.

Je crois que nous aurons de meilleurs résultats grâce aux intervenants qui vont s’occuper des délinquants et aux investissements que nous faisons dans les soins de santé mentale et à notre capacité de diagnostiquer. Quant aux délinquants autochtones en particulier, nous voulons commencer à travailler avec eux dans les unités d’intervention structurée pour qu’ils réintègrent la population carcérale générale et, espérons-le, qu’ils se retrouvent dans l’un de nos centres d’intervention pour Autochtones. Cela leur permettrait de bénéficier des programmes afin que puissions amorcer une mise en liberté en vertu de l’article 84 pour qu’ils puissent enfin se présenter devant la commission.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci.

La sénatrice Eaton : Quand j’étais jeune, à Montréal, on a commencé à fermer les établissements de santé mentale à long terme. Lorsque j’ai déménagé à Toronto, on a fait la même chose. Ne serait-il pas préférable de placer plusieurs des détenus dans un établissement de santé mentale de longue durée? Utilisons-nous nos prisons comme des hôpitaux de santé mentale?

Mme Kelly : Tout d’abord, en raison des délinquants qui sont admis — et nous n’avons aucun contrôle sur ce processus — nous avons dû nous assurer de fournir les services nécessaires pour répondre à leurs besoins. Par conséquent, le SCC dispose de cinq centres de traitement qui offrent des services à ceux qui présentent des problèmes de santé mentale plus aigus.

Pour ce qui est des partenariats avec des organismes psychiatriques externes — encore une fois, Jennifer pourra vous en parler davantage —, nous avons fait des demandes. Le budget de 2018 nous a octroyé des fonds pour augmenter le nombre de lits pour les femmes à l’Institut Philippe-Pinel. En outre, nous tentons d’établir des partenariats avec les hôpitaux dans d’autres régions pour qu’ils puissent accueillir certains de nos délinquants qui présentent des problèmes plus graves.

Mme Wheatley : Comme la commissaire l’a mentionné, nous avons cinq centres de traitement, qui offrent une combinaison de lits d’hôpitaux en vertu de la législation provinciale sur la santé mentale et d’autres lits axés sur la santé thérapeutique dans chaque région.

La sénatrice Eaton : Excusez-moi, vous avez combien de lits?

Mme Wheatley : Il existe cinq centres de traitement. Il y a plus de 600 lits au pays. Cela s’ajoute à l’accent mis sur la santé dans les établissements principaux.

La sénatrice Eaton : Disons que je souffre de schizophrénie ou que j’ai de fréquentes crises psychotiques. Le docteur Kutcher pourrait vous en parler en connaissance de cause, mais j’aurais probablement besoin de soins continus à long terme, ce qui, évidemment, avec vos 600 lits, me permettrait de passer à travers ma pause psychotique et de retourner en prison.

Mme Wheatley : Le but de tout système de santé, y compris le nôtre, est d’aider les gens à vivre de la meilleure façon possible, dans un esprit de rétablissement. Nous essayons de fournir à nos patients les soins de santé qui correspondent à leur trouble et au degré de leur déficience. Pour cette raison, nous offrons des services en matière de soins primaires, ce que nous appelons les soins intermédiaires — cela ressemble au traitement communautaire en Ontario relativement aux services ambulatoires pour vous ou moi — et en milieu hospitalier. Il est essentiel de faire correspondre le trouble du patient et les soins qu’on lui donne. À mesure que les gens se rétablissent, ils peuvent recevoir des services de soins primaires. S’ils ont besoin de soins hospitaliers ou de soins de niveau intermédiaire, nous pouvons faire correspondre ces services aux besoins de ces personnes.

Grâce au financement connexe, le projet de loi C-83 fera en sorte que nous aurons les espaces adéquats pour offrir davantage de services, de meilleurs diagnostics et des interventions plus rapides.

La sénatrice Eaton : Est-ce que 600 lits suffisent?

Mme Wheatley : Nous avons certainement suffisamment de lits d’hôpitaux.

La sénatrice Eaton : Merci.

La sénatrice Pate : Il est tentant de poser toute une série de questions supplémentaires, mais celle que je veux poser concerne la surveillance. En fait, toutes les recommandations relatives aux dispositions de surveillance ont prôné la surveillance judiciaire des services correctionnels pour vraiment changer la culture.

Madame Fresco, avez-vous fait l’analyse fondée sur la Charte?

Mme Fresco : L’analyse fondée sur la Charte est déposée au nom du ministre de la Justice. L’ai-je rédigé personnellement? Non.

La sénatrice Pate : Peu importe qui l’a fait, j’aimerais bien en parler parce que ses rédacteurs ont négligé plusieurs éléments. Nous poserons la question aux constitutionnalistes lorsqu’ils comparaîtront devant nous.

En ce qui concerne cette disposition, et à la lumière des questions que mes collègues viennent de poser, la Loi sur la justice pénale pour les adolescents prévoit que les juges et le système doivent examiner toutes les autres solutions, en plus de l’emprisonnement, avant d’incarcérer une personne. Cela visait à réduire le nombre de jeunes détenus ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, des problèmes de protection de l’enfance, des problèmes qui ne sont pas de nature criminelle. À titre de fonctionnaires, appuieriez-vous une modification qui ferait en sorte que cela s’applique également aux adultes?

Mme Kelly : Quel est le lien avec le projet de loi? Désolée.

La sénatrice Pate : Vous avez mentionné que plusieurs personnes ont des problèmes de santé mentale. Vous allez devoir embaucher du personnel. Je sais, madame la commissaire, que vous avez dit à de nombreux groupes communautaires ainsi qu’aux syndicats, que deux agents correctionnels doivent être présents chaque fois qu’on ouvre la porte d’une cellule dans une unité d’intervention structurée; or, la plus grande partie des ressources sera consacrée à la sécurité. Si vous aviez ce genre de disposition, vous auriez la possibilité d’éviter cela par le biais d’autres solutions et systèmes.

Mme Kelly : En fait, ce ne sera pas uniquement une question de sécurité. Même si nous allons embaucher des agents correctionnels, la moitié de l’embauche va à l’intervention. Notre objectif est vraiment de travailler avec ces délinquants pour les réintégrer dans la société le plus rapidement possible.

La sénatrice Pate : Si vous en aviez la possibilité, seriez-vous d’accord pour les faire sortir du système plus tôt?

Mme Kelly : Selon moi, à ce stade-ci, ils sont dans le système, et c’est ce avec quoi nous travaillons — ce que nous faisons lorsque nous en avons la garde et le soin.

La sénatrice Pate : L’une des questions soulevées est le nombre d’heures de sortie. Selon mes calculs, je reprenais certaines des autres questions, le détenu pourrait rester de 20 à 24 heures dans une cellule parce que le Service correctionnel a toujours le pouvoir discrétionnaire. Pourtant, toutes les recherches montrent, comme on l’a déjà dit, que même quelques minutes dans une situation d’isolement peuvent exacerber ou créer des problèmes de santé mentale importants pour ces détenus. Comment allez-vous régler cela, étant donné que la seule garantie est qu’ils pourront sortir de leur cellule pour deux heures? Par ailleurs, cela n’est même pas garanti parce que certaines dispositions prévoient qu’on ne peut pas sortir une personne de sa cellule. Pourriez-vous m’expliquer comment cette personne qui n’a pas accès à toutes les dispositions qui sont censées figurer dans la loi pourra s’adresser à cet organisme consultatif externe? Comment peut-il rejoindre l’organisme consultatif externe à partir de sa cellule?

Mme Kelly : Tout d’abord, je tiens à préciser que ces détenus doivent passer un minimum de quatre heures par jour à l’extérieur de leurs cellules.

La sénatrice Pate : Avec des exceptions.

Mme Kelly : Avec des exceptions. Encore une fois, il devrait s’agir de rares exceptions. L’objectif est un minimum de quatre heures, et ces quatre heures comprennent deux heures d’interaction réelle, c’est-à-dire que le délinquant interagit avec un professionnel de la santé, des agents de libération conditionnelle, des agents de programme et d’autres intervenants.

Pour ce qui est du décideur externe indépendant, il interviendra si un délinquant ne sort pas de sa cellule pendant quatre heures par jour ou n’interagit pas pendant au moins deux heures par jour pendant cinq jours consécutifs, ou 15 jours sur une période de 30 jours.

La sénatrice Pate : D’accord. C’est donc à la discrétion du SCC à l’heure actuelle...

Mme Kelly : Non. Nous en avons l’obligation.

La sénatrice Pate : Il s’agit toutefois d’un pouvoir discrétionnaire...

Mme Kelly : Si un délinquant ne se prévaut pas de ses quatre heures à l’extérieur de la cellule ou des deux heures d’interaction réelle...

La sénatrice Pate : Qui enregistre ces renseignements? Est-ce le Service correctionnel du Canada?

Je vais donc passer à une autre question.

Alain Tousignant, sous-commissaire principal, Service correctionnel du Canada : Nous aurons un gestionnaire correctionnel spécialement affecté aux unités d’intervention structurée pour gérer quotidiennement le mouvement des détenus afin qu’ils puissent sortir pendant quatre heures, prendre une douche et avoir deux heures de contacts réels.

La sénatrice Pate : Le défi est de savoir comment cela sera supervisé, alors que nous savons que la surveillance externe a été soulevée à maintes reprises dans le cadre de diverses enquêtes...

La présidente : Sénatrice, il vous reste une minute, alors je vous demanderais d’être brève.

La sénatrice Pate : La question de l’appartenance à un gang a été soulevée dans un certain nombre de secteurs pour expliquer le besoin d’unités d’isolement ou de séparation, ou d’UIS — peu importe le nom. Pourtant, le seul programme qui porte sur la désaffiliation des gangs, et que tous les agents correctionnels à qui nous avons parlé reconnaissent, est le programme de séparation, mais il n’a reçu aucun financement. Avez-vous l’intention de financer ce programme à l’avenir?

Mme Kelly : Au SCC — et Alain pourra vous en parler — nous avons une stratégie de désaffiliation des gangs qui est composée de prévention, de dissuasion et de collaboration avec le délinquant s’il souhaite se séparer du gang. Nous avons donc déjà quelque chose en place.

J’ai entendu parler du programme de séparation. Comme le ministre l’a dit, certaines des choses que vous avez proposées sont bonnes et il serait bien de les examiner.

[Français]

La sénatrice Mégie : On a déjà répondu à quelques-unes de mes questions, mais il m’en reste une. Le système d’isolement existe depuis longtemps. Cependant, avant le dépôt du projet de loi C-83, y a-t-il eu des réflexions pour trouver des alternatives à ce modèle? Est-ce que les unités d’intervention structurée sont la réponse à tout ce que vous avez appris de vos réflexions, ou s’agit-il tout simplement d’un élément nouveau?

Mme Kelly : Des réflexions sont menées depuis plusieurs années. L’isolement préventif existe depuis longtemps, car lorsque j’ai commencé ma carrière, il y a 36 ans, cette pratique était déjà en place. Je me rappelle que, durant les années 1990, nous nous sommes penchés sur la question afin de déterminer ce que l’on pourrait faire et si nous pouvions trouver d’autres solutions. Déjà, on y travaillait fort.

En 2015, par exemple, on a vraiment commencé à étudier cette pratique, car il y avait beaucoup de critiques. C’est à ce moment-là que nous avons créé un outil pour aider les agents de gestion de cas à déterminer si quelqu’un devait réellement être placé en isolement préventif. Cela les aidait en ce qui a trait aux facteurs qu’ils devaient prendre en compte. Cette réflexion a été utile.

Ensuite, notre politique a été modifiée pour exclure certaines personnes de l’isolement préventif. Plusieurs réflexions ont donc été menées, et nous en sommes maintenant à l’étape de souhaiter éliminer complètement l’isolement préventif et d’établir des unités d’intervention structurée.

La sénatrice Mégie : Pour nous, cela ne semble pas avoir été complètement éliminé, puisqu’il s’agit d’une autre forme d’isolement, n’est-ce pas?

Mme Kelly : Pas du tout. Cela nous permettrait d’être en mesure de séparer les détenus lorsqu’un incident survient et que, sur le terrain, nous ne savons pas ce qui se passe. Tout ce que l’on sait, c’est qu’un incident est survenu; nous ne savons pas si les deux délinquants peuvent encore être ensemble, alors nous devons les séparer.

La distinction importante qu’il faut comprendre par rapport à ce que l’on propose, c’est que des gens interviendront encore auprès des délinquants et que ces derniers pourront passer des heures à l’extérieur de leur cellule et, ainsi, interagir avec des gens.

M. Tousignant : Ce qui est proposé montre un écart marqué par rapport à ce que l’on faisait auparavant dans le cadre de l’isolement préventif, et ce, pour toutes les raisons qui ont été énumérées. Selon cette approche, nous serons à même de constater beaucoup de mouvements et beaucoup d’interventions, et plusieurs personnes s’occuperont de ces détenus placés dans des unités d’intervention structurée. Il ne s’agit pas d’isolement préventif; il ne faut pas faire d’amalgame, parce que, lorsqu’on parle d’unité d’intervention structurée, on ne parle pas d’isolement préventif.

La sénatrice Mégie : Merci.

La présidente : Sénatrice Mégie, vous me donnez envie de continuer. Vous parlez d’expériences vécues et de réflexions. Je pense que les membres du comité aimeraient savoir si, pour en arriver à cette approche, nous pouvons nous fier à des consultations, à des études de différents modèles internationaux, à de meilleures pratiques selon des données qui auraient été recueillies. Est-ce que tout cela a été fait avant d’en arriver à l’approche proposée dans le cadre du projet de loi C-83?

Mme Kelly : Il est clair que nous avons examiné ces différents modèles. Cependant, en ce qui a trait aux comparaisons internationales, je dois dire que, avec l’élimination de l’isolement préventif, nous sommes ce qu’on appelle un chef de file. Dans d’autres pays, des limites ont peut-être été imposées, mais l’isolement préventif existe toujours.

En ce moment, lorsqu’on en parle, les gens veulent en apprendre davantage et savoir quelles leçons seront tirées de cela. À titre de commissaire du Service correctionnel du Canada, il sera très important pour moi que l’on fasse ce que l’on dit vouloir faire. Ce sera extrêmement important et on y portera beaucoup d’attention.

J’aimerais dire autre chose pour répondre à une autre question. Je crois sincèrement que cette mesure va réduire les attaques et les agressions dans les établissements. Je crois que cela créera un environnement plus sécuritaire, plus sain et que les délinquants pourront continuer de participer à leur plan correctionnel. En fin de compte, je crois que nous pourrons voir des délinquants se présenter devant la commission et obtenir des semi-libertés. Certains résultats nous montrent déjà que nous sommes sur la bonne voie. Beaucoup d’efforts ont été faits.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je ne veux pas paraître désinvolte, mais j’ai entendu l’expression « contacts réels » tout l’après-midi. J’aimerais savoir ce que cela signifie. N’y en avait-il pas auparavant, quand on s’occupait de gens qui étaient en isolement préventif? Pour les gens qui regardent cette séance, « contacts réels » peut signifier beaucoup de choses. Selon vous, que signifie « contacts réels » pour une personne qui vient d’être intégrée à l’unité d’intervention structurée?

Mme Kelly : Comprenez-moi bien : à l’heure actuelle, compte tenu de la façon dont fonctionne l’isolement, des agents de libération conditionnelle sont évidemment assignés aux détenus. L’agent de libération conditionnelle leur rend visite. Des agents correctionnels sont également affectés à l’unité où ils se trouvent, alors il existe une certaine interaction.

Toutefois, avec les investissements que nous faisons, nous devons tout d’abord faire quelques modifications aux infrastructures. Je voyais les agents de libération conditionnelle, les agents de programmes correctionnels, les enseignants, les aînés et les aumôniers se rendre à l’unité d’intervention structurée et intervenir auprès des délinquants. Il s’agit des interactions qu’ils vont avoir avec les gens. Il ne s’agit pas d’une lettre qu’on leur envoie. Lorsque je dis « réels », il s’agit de contacts en personne.

La mise en place des visites par vidéo est l’autre chose que nous avons faite récemment. Nous avons observé que les détenus les utilisent de plus en plus. C’est pour veiller à ce que les détenus puissent rester en contact avec leur famille et recevoir le soutien de leur communauté, lorsque leurs proches n’ont pas les moyens de les visiter, ce qui est souvent le cas.

De plus, il y a les investissements que nous faisons dans la santé pour veiller à ce qu’un professionnel de la santé rende visite et parle au détenu tous les jours.

Le sénateur Munson : Merci.

J’ai une autre question. En ce qui concerne les détenus autochtones — et je ne sais pas si cette question a déjà été posée — les articles 23 et 25 du projet de loi modifient un certain nombre de définitions quant aux détenus autochtones. Ils modifient la définition de peuples autochtones et remplacent « communauté autochtone » par « corps dirigeant autochtone » et ajoutent une définition d’organisme autochtone. Ce sont des modifications : de quelle façon changeront-elles l’administration de la loi relativement aux détenus autochtones? Qu’est-ce que cela signifie?

Mme Kelly : C’est un changement. On a remplacé « communauté autochtone » par « corps dirigeant autochtone ». Il s’agit de reconnaître que les ententes ou les contrats doivent être liés à l’autorité compétente. Normalement, un contrat est conclu avec l’organisme autochtone. Auparavant, la portée de « communauté autochtone » était tout simplement trop vaste. Voilà le changement.

Le sénateur Munson : D’accord. Merci beaucoup.

La sénatrice Poirier : Une partie de la question que j’allais poser a été posée, mais j’aimerais obtenir une petite précision. Dans le projet de loi C-83, l’article 36 parle des quatre heures que les détenus peuvent avoir et du minimum de deux heures, dans ces termes. Toutefois, l’une des dispositions de l’article 37 dit ceci : « le détenu refuse de se prévaloir de la possibilité visée à l’un ou l’autre de ces alinéas ». De quels outils dispose l’agent correctionnel si cela se produit?

Mme Kelly : Malgré tous nos efforts, certains détenus diront qu’ils ne veulent pas faire d’exercice ou qu’ils ne veulent pas de contacts réels avec les gens. Nous allons élaborer un programme composé de séances différentes — et Alain pourra vous en parler —, mais il s’agit vraiment de motiver les délinquants à composer avec les gens afin que nous puissions les sortir de l’unité d’intervention structurée.

Toutefois, le décideur indépendant interviendra si le délinquant ne se prévaut pas des quatre heures de sortie ou des deux heures d’interaction réelle pendant cinq jours consécutifs. Évidemment, nous nous assurerons de travailler avec le délinquant et de le motiver afin qu’il puisse vraiment se prévaloir de ce qui lui sera offert. Ce sera important. Encore une fois, notre principal objectif est de réintégrer les délinquants dans la population générale et de veiller à ce qu’ils ne reviennent pas à l’unité d’intervention structurée. Les investissements dans les soins de santé vont également être utiles.

La sénatrice Poirier : À ce sujet, le ministre a mentionné les 900 employés et le fait que l’argent était en place. Vous avez dit il y a quelques minutes que plus de la moitié de ces employés ne seraient pas des agents correctionnels ou des agents de libération conditionnelle, d’après ce que je comprends. Je suppose qu’une bonne partie de ces employés du système de santé pourront traiter les problèmes de santé mentale ou autres.

Dans de nombreuses régions du Canada — plus précisément au Nouveau-Brunswick —, il existe déjà une pénurie de professionnels de la santé et de travailleurs sociaux dans nos hôpitaux, dans nos systèmes scolaires, et ainsi de suite. Pourrait-il y avoir un problème de qualité et de quantité relativement aux professionnels de la santé dont vous avez besoin pour répondre aux besoins à cet égard?

Mme Wheatley : Ce qui est normalement un désavantage dans ce cas-ci est un avantage parce qu’il s’agit de 43 institutions dans sept provinces. Il n’est pas nécessaire de recruter un grand nombre de professionnels de la santé pour un ou deux endroits seulement. Nous répondons aux besoins en santé dans 43 établissements différents, avec divers professionnels de la santé, c’est-à-dire des infirmiers, des infirmières praticiennes, des psychiatres, des psychologues et d’autres professionnels. Notre plan tient compte du marché du travail, et nous avons confiance de pouvoir doter les postes en fonction de ce que nous avions prévu.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur Klyne : Encore une fois, merci de votre participation ce soir. Je pense que c’est une question qui s’adresse en grande partie à la commissaire, mais laissons les choses suivre leur cours au besoin.

Comme vous le savez, j’ai visité un certain nombre d’institutions là-bas, et j’espère encore en visiter une autre. Il s’agit d’une entreprise complexe qui exigera probablement un changement de paradigme sur le plan de la réflexion et peut-être un changement culturel. Si j’étais à votre place, pour ainsi dire, je voudrais probablement consulter les intervenants au préalable, y compris le personnel, pour trouver la meilleure façon d’aborder la question.

Deux choses m’empêcheraient probablement de dormir lorsque je tente de formuler certaines mesures concrètes. La première concerne la structure qui soutient la stratégie, c’est-à-dire la façon dont on crée une organisation pour appuyer une stratégie. Par ailleurs, d’après mon expérience, la culture peut appuyer une stratégie; toutefois, en cas de conflit entre la culture et la stratégie, la culture l’emportera probablement en minant la stratégie de façon imprévue.

Le projet de loi offre une feuille de route, mais certainement pas un manuel d’exploitation, alors je me demande quelles mesures vous prendrez pour veiller au succès de ce projet de loi et pour vous assurer que ceux qui seront responsables de sa mise en œuvre et de son application sauront de quoi ils sont responsables et de quoi ils seront tenus responsables. En vous assurant de bien les positionner pour qu’elles réussissent, quelles mesures prendrez-vous pour réaliser cela?

Mme Kelly : C’est une bonne question. Il s’agit d’une entreprise importante. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, je crois qu’un changement a déjà eu lieu en raison du simple fait que le nombre de personnes en isolement est passé de 800 à moins de 300 aujourd’hui.

Quant aux unités d’intervention structurée — et c’est drôle, parce que j’ai pris quelques notes personnelles —, je crois qu’il sera très important que la vision soit claire. Que sont les UIS? J’ai déjà commencé à rencontrer les comités de gestion dans chacune des régions, mais il sera également important de sortir et de parler au personnel parce que cela ne peut pas être géré uniquement par la haute direction ou à l'échelon régional. Il faut vraiment tenir compte de ce qui se passe en première ligne.

Encore une fois, j’ai à mes côtés des gens qui ont fait partie de l’équipe de l’UIS. Je pense qu’il y a de l’enthousiasme. Il sera également extrêmement important que les rôles et les responsabilités soient clairs à cet égard et que tous les comprennent et que nous leur donnions la formation nécessaire.

Quant à votre question sur la formation, cela est différent des soins de santé, mais pour les agents correctionnels, pour l’ensemble de 2018, nous avons reçu environ 2 900 demandes. Au cours des trois premiers mois de 2019, nous avons reçu 3 300 demandes. C’est un bon signe que les gens veulent participer.

De plus, il faudra prévoir des mesures de reddition de comptes pour que, encore une fois, on s’attende à ce que les gens fassent ce qu’ils doivent faire. Nous avons également établi des mesures du succès quant au nombre de personnes qui se présentent aux unités d’intervention structurée, la durée de leur séjour, la durée de leur libération et le nombre d’interactions qu’elles ont. Nous avons créé un outil qui rendra les choses beaucoup plus simples et nous permettra de savoir combien de temps les gens passent avec les délinquants.

À mon avis, il est important que cela figure dans l’entente de rendement du personnel. Il s’agit d’une entreprise et d’une initiative importantes. Nous voulons que cela fonctionne.

Par ailleurs, nous allons poursuivre les discussions avec nos partenaires syndicaux et avec nos intervenants à ce sujet. Nous nous assurons également d’avoir une solide stratégie de communication. Nous sommes ici devant le comité et nous vous parlons de l’initiative.

Je pense que c’est une initiative très importante. À mon avis, elle peut avoir d’énormes avantages pour l’organisation en réduisant le nombre de voies de fait et de préjudices graves, en traitant effectivement les raisons sous-jacentes pour lesquelles les délinquants sont mis en isolement, ce que nous appelons maintenant les unités d’intervention structurée. Mes collègues et moi allons travailler très fort pour en assurer le succès.

La sénatrice Omidvar : Je vais me concentrer sur les chiffres et l’argent. Je vous ai entendu dire que le nombre de personnes en isolement est passé de 800 à 300. C’est fantastique. Félicitations. Toutefois, nous allons maintenant dépenser 448 millions de dollars de plus. Vous embauchez plus de personnel. Pouvez-vous me donner une estimation de ce que sera le rapport prisonnier-personnel après l’adoption de ce projet de loi?

Mme Kelly : Je sais qu’il y a eu des questions à ce sujet. Tout d’abord, pour ce qui est des personnes que nous allons embaucher, il y aura des agents correctionnels et des intervenants. Je dois dire qu’environ 25 p. 100 de ces personnes seront des agents correctionnels, même avec les nouveaux investissements, et plus de la moitié seront des intervenants et des professionnels de la santé qui vont travailler avec les détenus.

La sénatrice Omidvar : Pour offrir des mesures de soutien globales, dans un sens.

Mme Kelly : Absolument, oui. Les agents correctionnels sont évidemment présents parce que, encore une fois, ces détenus doivent être isolés de la population générale. Ils sont également là pour faciliter nos interventions auprès de ces détenus. Il faut donc ouvrir les portes. Ils doivent être là en cas d’incident. Comprenez-moi bien : les agents correctionnels travaillent également avec les délinquants. Il y a des agents correctionnels fantastiques qui conseillent les détenus, alors ils font également partie de l’équipe.

La sénatrice Omidvar : Combien y a-t-il de pavillons de ressourcement au Canada?

Mme Kelly : Il y en a neuf.

La sénatrice Omidvar : Quels sont les coûts associés à la mise en place et au fonctionnement d’un pavillon de ressourcement et combien de détenus peut-on y accueillir? J’essaie simplement de faire des comparaisons.

Mme Kelly : Cela dépend. Certains sont plus petits que d’autres. Par exemple, le Village de guérison Kwìkwèxwelhp peut accueillir jusqu’à 50 personnes, alors que le centre de Waseskun peut accueillir 25 détenus.

Les pavillons de ressourcement ne se trouvent pas dans toutes les régions que nous desservons. Nous en avons un à Waseskun, donc dans la région du Québec, un dans la région du Pacifique, et les autres sont surtout dans la région des Prairies.

Quant à l’article 81, je dirais que nous sommes toujours ouverts aux manifestations d’intérêt de la part d’une communauté autochtone, tout à fait. Nous allons travailler avec les communautés autochtones. Souvent, c’est une question de volonté et de capacité. Sont-elles disposées à offrir les services et ont-elles la capacité nécessaire? Pour ce qui est de l’entente de financement, nous l’avons révisée. Nous avons en fait renouvelé certaines de nos ententes, et les signataires nous ont dit qu’il s’agissait d’ententes de financement justes et respectueuses.

La sénatrice Omidvar : Avez-vous des propositions quant à l’augmentation du nombre de pavillons de ressourcement, au-delà du simple fait de dire que vous êtes ouvert aux propositions? Êtes-vous proactifs ou réactifs?

Mme Kelly : Non, je dirais que nous sommes proactifs. J’ai demandé à chaque sous-commissaire régional — nous n’en avons pas dans la région de l’Atlantique — de voir s’il est possible d’entamer une discussion. Encore une fois, nous allons travailler avec la communauté autochtone.

La présidente : Nous devons lever la séance; pour les questions de chiffres et tout ce qui pourrait être utile au comité, veuillez faire parvenir cela à notre greffière. Nous sommes toujours ouverts à l’information et aux données, alors nous vous en serons reconnaissants. Sur ce, j’aimerais vous remercier du temps que vous avez pris pour nous aider dans l’étude du projet de loi C-83, étude que nous poursuivrons demain matin.

[Français]

Demain, nous aurons pour témoins l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, la Société John Howard du Canada, l’Association canadienne des libertés civiles, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, ainsi que des professeurs de l’Université Queen’s et de l’Université de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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