LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 11 mars 2020
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du développement international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour examiner la teneur du projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du développement international est ouverte.
Je m’appelle Leo Housakos. Je suis sénateur du Québec et président du comité. Bienvenue à tous.
Le Sénat a demandé au comité de faire une étude préalable du projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains.
[Français]
Avant de commencer, je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l’Ontario.
Le sénateur Boehm : Peter M. Boehm, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, du Québec (De Lorimier).
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.
Le président : Honorables sénateurs et membres du public, nous recevons aujourd’hui des représentants du gouvernement, principalement d’Affaires mondiales Canada, pour discuter de la teneur du projet de loi C-4.
[Traduction]
D’Affaires mondiales Canada, nous avons devant nous M. Steve Verheul, négociateur en chef et sous-ministre adjoint, Politique et négociations commerciales; Mme Marie-France Paquet, économiste en chef; M. Robert Brookfield, directeur général et conseiller juridique adjoint, Droit commercial; M. Martin Thornell, conseiller principal, Droits des douanes et de l’accès aux marchés des marchandises; Mme Stephanie Chandler, conseillère principale, Politique et négociations commerciales. Nous accueillons aussi, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, M. Aaron Fowler, négociateur en chef pour l’agriculture et directeur général.
Bienvenue au comité. Nous avons réservé de 15 à 20 minutes pour vos exposés, et le reste du temps sera consacré aux questions que mes collègues vous poseront.
Monsieur Verheul, vous avez la parole, s’il vous plaît.
Steve Verheul, négociateur en chef et sous-ministre adjoint, Politique et négociations commerciales, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, distingués membres du comité, bonjour. Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Après ma déclaration liminaire, nous serons ravis de répondre aux questions sur les résultats obtenus dans l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains, l’ACEUM.
La signature de l’ACEUM, le 30 novembre 2018, a suivi 13 mois de négociations intensives qui ont rassemblé un large éventail de fonctionnaires et d’intervenants, dans le contexte d’un partenariat solide entre le fédéral et les provinces.
L’accord a permis d’atteindre des objectifs clés qui permettent de renforcer l’intégrité du marché nord-américain, de préserver l’accès du Canada aux marchés des États-Unis et du Mexique, et de moderniser les dispositions de l’accord pour tenir compte de notre économie moderne et de l’évolution du partenariat nord-américain.
Le 10 décembre 2019, après plusieurs mois de dialogue intensif avec nos homologues américains et mexicains, les trois signataires de l’ALENA ont signé un protocole d’amendement pour modifier des dispositions de l’accord original. Ces dispositions concernaient le règlement des différends entre États, la main-d’œuvre, l’environnement, la propriété intellectuelle et les règles d’origine dans le secteur automobile.
Ces modifications découlaient largement de discussions à l’échelle nationale aux États-Unis. Le Canada a toutefois participé étroitement à des négociations de fond pour s’assurer que toutes modifications potentielles de l’accord cadraient avec les intérêts canadiens.
Tout au long de ces négociations, des entreprises, des associations commerciales, des syndicats, la société civile et des groupes autochtones ont aussi été consultés étroitement et ont grandement contribué au résultat final.
Pour ce qui est du contexte de ces négociations, j’aimerais rappeler que les discussions sur la modernisation de l’ALENA, les négociations commerciales, étaient uniques. C’était la première renégociation de grande envergure d’un accord de libre-échange du Canada. En temps normal, les partis à un accord de libre-échange cherchent à libéraliser le commerce. Dans ce processus, l’objectif déclaré des États-Unis, d’entrée de jeu, était de rééquilibrer l’accord à son avantage. Le président a aussi menacé à maintes reprises de se retirer de l’ALENA à défaut de parvenir à une issue satisfaisante.
La position de négociation initiale des États-Unis était non conventionnelle; c’est le moins que l’on puisse dire. Ils demandaient notamment 50 % de contenu national dans les automobiles, ce qui aurait ravagé notre secteur. Ils demandaient aussi le démantèlement complet de la gestion de l’offre. Ils demandaient l’élimination du mécanisme de règlement des différends par un groupe spécial binational prévu au chapitre 19 de l’ALENA pour contester les droits antidumping et compensateurs, un mécanisme sur lequel nous avons beaucoup compté. Ils ont demandé la suppression de l’exception culturelle. Ils voulaient également un mécanisme de règlement des différends entre États qui aurait rendu l’accord absolument inapplicable.
Ils ont proposé un chapitre sur les marchés publics qui aurait éliminé l’accès aux marchés de l’ALENA et laissé le Canada dans une situation pire que celle de tous les autres pays ayant conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis. Ils ont aussi proposé une clause de résiliation automatique de l’accord après cinq ans, une disposition de caducité.
L’administration américaine a aussi pris l’initiative sans précédent d’imposer des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium canadiens pour de prétendues raisons de sécurité nationale, qui étaient sans fondement et illégitimes. L’administration américaine a aussi lancé une enquête qui aurait pu mener au même résultat pour les automobiles et les pièces d’automobiles.
Devant cette situation, le Canada a entrepris de vastes consultations exhaustives auprès des Canadiens sur les objectifs du processus de modernisation de l’ALENA. Se fondant sur les vues exprimées et notre expertise interne en matière de politique commerciale, le Canada s’est fixé trois grands objectifs : préserver les dispositions importantes de l’ALENA et, surtout, l’accès aux marchés américain et mexicain; moderniser et améliorer l’accord dans la mesure du possible; rendre l’accès aux marchés des États-Unis et du Mexique encore plus sûr et stable pour les entreprises canadiennes.
En ce qui concerne le premier objectif, soit la préservation de l’ALENA, nous avons réussi à maintenir les engagements tarifaires pris dans l’ALENA et, de ce fait, à maintenir l’accès en franchise aux marchés des États-Unis et du Mexique pour les produits originaires. Le mécanisme fondé sur des groupes spéciaux binationaux pour régler les différends en matière de droits compensateurs et antidumping, qui constitue un élément clé de l’ensemble de mesures d’accès au marché prévues pour les marchandises dans l’ALENA et l’Accord de libre-échange Canada—États-Unis initial, a aussi été préservé. L’accès sûr et prévisible pour les fournisseurs de services et les investisseurs a lui aussi été préservé, tout comme l’exception culturelle. Le règlement des différends entre États a non seulement été préservé, mais a aussi été amélioré, notamment grâce au protocole d’amendement, afin que le Canada puisse compter sur un mécanisme efficace pour régler ses différends avec les États-Unis et le Mexique, ce que nous n’avons actuellement pas dans le cadre de l’ALENA.
Dans le secteur de l’automobile, le régime de détermination de l’origine a été modifié pour encourager une utilisation accrue d’intrants du Canada, en augmentant notamment la teneur en valeur régionale pour les automobiles et les pièces d’automobiles et en éliminant les mesures incitatives pour produire dans des pays où la main-d’œuvre travaille à moindre coût.
De pair avec une exemption en matière de contingents pour se soustraire à d’éventuels droits de douane imposés par les États-Unis en vertu de l’article 232 sur les automobiles et les pièces d’automobiles, qui a été obtenue dans le texte définitif, ces nouvelles règles d’origine dans le secteur de l’automobile encourageront la production et l’approvisionnement en Amérique du Nord et représentent des résultats importants pour nos secteurs de l’acier et de l’aluminium.
En ce qui a trait à la modernisation de l’ALENA, nous nous sommes entendus pour moderniser les disciplines sur le commerce des marchandises et l’agriculture, notamment en ce qui concerne l’administration et les procédures douanières, les obstacles techniques au commerce et les mesures sanitaires et phytosanitaires. S’y ajoute une nouvelle disposition sur le commerce des produits issus de la biotechnologie agricole et un nouveau chapitre sur les bonnes pratiques de réglementation, qui encourage la coopération et protège le droit du gouvernement à réglementer dans l’intérêt public, y compris pour assurer la santé et la sécurité.
Les engagements en matière de facilitation du commerce et de procédures douanières ont été modernisés pour le XXIe siècle afin de faciliter les échanges transfrontaliers, notamment par le recours à des processus électroniques qui réduiront les formalités administratives des exportateurs et leur permettront d’économiser de l’argent. L’accord comprend également des obligations modernisées sur le commerce frontalier des services et des investissements, y compris dans les domaines des services financiers et des télécommunications.
En ce qui concerne le commerce numérique, l’accord s’appuie sur les pratiques établies depuis plus de trois décennies dans les accords de libre-échange pour aller plus loin afin de favoriser les débouchés dans l’ère numérique pour les entreprises canadiennes, et en particulier les PME. Le résultat obtenu est conforme au régime en vigueur au Canada. Une certaine latitude a été conservée afin que le gouvernement puisse continuer d’adopter des règlements dans l’intérêt public dans le domaine numérique.
Pour ce qui est du travail et de l’environnement, nous avons fait d’importants progrès en concluant des chapitres ambitieux qui sont pleinement intégrés à l’accord et assujettis au mécanisme de règlement des différends. Ces obligations contribueront à garantir que les parties maintiennent des normes élevées en matière de travail et d’environnement, et que les lois nationales ne seront pas contournées afin d’obtenir un avantage commercial indu.
Les résultats comprennent également un mécanisme d’application spécial qui fournira au Canada un processus amélioré permettant d’assurer la mise en œuvre efficace des réformes du travail au Mexique, particulièrement en ce qui concerne la liberté d’association et la négociation collective.
Enfin, les résultats font progresser les intérêts du Canada en faveur d’un commerce inclusif, notamment par une plus grande participation des femmes et une meilleure prise en compte des intérêts des peuples autochtones.
Par rapport à d’autres résultats pour les secteurs sous gestion de l’offre, nous devrions rappeler que les États-Unis ont demandé explicitement et publiquement le démantèlement complet du système de gestion de l’offre. En fin de compte, nous avons préservé les trois principaux piliers du système, soit le contrôle de la production, le contrôle des importations et le contrôle des prix, et nous n’avons accordé qu’un accès limité aux États-Unis. Le gouvernement a exprimé clairement sa volonté d’accorder une compensation complète et équitable aux agriculteurs par rapport à ces mesures.
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, certains résultats nécessiteront des changements dans certains domaines du cadre juridique et stratégique actuel du Canada en la matière, comme des mécanismes d’application des droits de propriété intellectuelle afin de permettre la prise de mesures d’office par les autorités frontalières contre les produits en transit qui sont soupçonnés d’être des produits de marque contrefaits ou des produits pirates, et prévoir des infractions pénales pour le détournement non autorisé et délibéré de secrets commerciaux.
Dans d’autres domaines, le Canada dispose de périodes de transition pour mettre en œuvre ses engagements. Par exemple, le Canada dispose d’une période de transition de deux ans et demi après l’entrée en vigueur de l’accord pour remplir son obligation d’assurer la protection du droit d’auteur pendant la vie de l’auteur puis une période de 70 ans suivant son décès. Nous avons actuellement une protection pendant la vie de l’auteur puis une période de 50 ans.
Dans le Protocole d’amendement, les parties ont convenu de supprimer l’obligation d’assurer la protection des données pendant 10 ans pour les médicaments biologiques, ce qui signifie que le Canada n’a pas besoin de modifier son régime actuel dans ce domaine, qui prévoit la protection des données pendant huit ans.
Parmi d’autres résultats dignes de mention, alors que les États-Unis demandaient que l’accord soit automatiquement résilié tous les cinq ans, le Canada a plutôt proposé un processus qui permettrait de réexaminer et de moderniser l’accord sur une base régulière. Les partenaires de l’ALENA se sont entendus sur une période de 16 ans, avec un examen formel tous les six ans à l’issue duquel l’accord peut être prolongé pour une nouvelle période de 16 ans.
De plus, des enjeux importants pour la société civile ont été traités, notamment la suppression de la disposition sur la proportionnalité dans le secteur de l’énergie, la reconduction, dans une lettre d’accompagnement, de la déclaration sur le droit à l’eau de l’ALENA original, l’instauration de nouvelles obligations sur la protection des renseignements personnels et l’accès à l’information, de même qu’une exception relative aux droits autochtones.
Nous avons également éliminé le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans le cas du Canada. Une période de transition de trois ans est prévue afin de permettre le dépôt de plaintes au titre du règlement des différends entre investisseurs et États pour les investissements effectués sous le régime de l’ALENA original.
J’aimerais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Marie-France Paquet, qui fera des observations sur l’évaluation des répercussions économiques.
[Français]
Marie-France Paquet, économiste en chef, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le comité aujourd’hui.
En ma qualité d’économiste en chef et directrice générale du bureau responsable de l’analyse du commerce d’Affaires mondiales Canada, c’est avec plaisir que je vais vous présenter un aperçu de l’impact économique potentiel de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou le nouvel ALENA.
Notre rôle au Bureau de l’économiste en chef est d’évaluer au mieux de nos capacités les répercussions potentielles d’un accord commercial. Nous présentons les résultats de nos observations dans un document intitulé L’Accord Canada—États-Unis—Mexique : analyse des répercussions économiques. L’effet global de la mise en œuvre du nouvel ALENA sur l’économie canadienne est fortement positif lorsqu’on le compare aux conséquences d’un retrait des États-Unis de l’ALENA. La mise en œuvre engendrerait une hausse du PIB de 6,8 milliards de dollars canadiens, soit un gain de 0,249 %.
[Traduction]
Comment arrivons-nous à ces résultats? Notre modèle interne est un modèle d’équilibre calculable général dynamique comportant 57 secteurs et 140 pays et régions du monde. Ces modèles permettent aux effets de se propager dans d’autres secteurs de l’économie; ils permettent également à ces secteurs de s’ajuster avec le temps. Nous sommes ainsi en mesure d’évaluer les répercussions potentielles sur la production, les exportations, les importations et — pour la première fois dans une évaluation finale — le marché du travail.
Mais quel que soit le degré de raffinement de notre modèle, il demeure une simplification de la réalité. Cela signifie que, malheureusement, nous ne sommes pas en mesure d’inclure dans le modèle tous les gains issus des négociations.
Nous abordons chaque évaluation de la même façon : nous consultons toutes les parties concernées au sein du gouvernement et nous discutons avec elles afin de bien comprendre les dispositions et de déterminer ce qui peut être inclus dans la méthode de modélisation. La présente analyse ne fait pas exception.
Les négociations de l’ACEUM se sont déroulées dans un contexte très différent de celui de l’AECG et du PTPGP, où le point de départ était l’absence d’accord, et le résultat visé, un nouvel accord de libre-échange. Dans le cas qui nous concerne ici, nous devions tenir compte de ce qui arriverait si les États-Unis se retiraient de l’ALENA, de même que du nouvel accord, l’ACEUM. L’évaluation des répercussions économiques est fondée sur le texte final tel que négocié.
Les résultats de la modélisation illustrent les avantages potentiels de l’ALENA qui ont été préservés par l’ACEUM, l’évitement des droits tarifaires sur les industries canadiennes de l’acier et de l’aluminium en vertu de l’article 232, ainsi que l’impact différentiel de la mise en place des dispositions de l’ACEUM.
Certaines dispositions de l’ACEUM pourraient aussi aider à réduire l’incertitude à l’égard des politiques dans certains domaines comme les services, l’investissement et le commerce numérique, ce qui aurait un effet positif sur les entreprises.
Le modèle du Bureau de l’économiste en chef prend en compte la réduction de l’incertitude en matière de politiques sur l’investissement et les services financiers de manière à tenir compte des engagements contraignants pris dans le cadre de l’ALE. Cependant, le Canada n’a jamais mené d’analyse sur les transferts de données, qui devraient toucher chacun des aspects de l’économie et représentent le facteur clé de la réalisation des gains importants relatifs au PIB dans le rapport de la Commission du commerce international des États-Unis.
Le Bureau de l’économiste en chef a tenté de modéliser ces engagements au moyen des coefficients de la Commission du commerce international des États-Unis sans résultats concluants. En fait, l’incidence sur le PIB était : une augmentation de 9,3 milliards de dollars américains pour le Canada; 19,7 milliards de dollars américains pour les États-Unis; et 16,7 milliards de dollars américains pour le Mexique. Ces chiffres semblent beaucoup trop élevés pour le Mexique et beaucoup trop faibles pour les États-Unis.
La Commission du commerce international des États-Unis rapporte une hausse de 68 milliards de dollars pour l’économie américaine. Étant donné notre incapacité à expliquer ces différences, nous avons décidé de ne pas modéliser ainsi la réduction de l’incertitude émanant du transfert de données dans notre étude.
[Français]
En outre, de nombreuses obligations ont déjà été mises en œuvre par le Canada en vertu de l’AECG et par le Canada et le Mexique dans le cadre du PTPGP.
La modélisation des éléments quantitatifs du nouvel accord a mis l’accent sur les dispositions modernisées au chapitre de l’administration douanière, de la facilitation du commerce et des modalités d’origine, sur les nouvelles dispositions relatives à l’accès au marché, sur les règles d’origine dans le secteur de l’automobile, ainsi que sur les engagements en matière de données de localisation pour les services financiers. Ces éléments ont été retenus aux fins de la modélisation en fonction de l’importance prévue de leur impact sur l’économie, de la disponibilité des données et de la faisabilité analytique.
[Traduction]
L’effet global de la mise en œuvre du nouvel ALENA sur l’économie canadienne est fortement positif lorsqu’on le compare aux conséquences d’un retrait des États-Unis.
Au chapitre de la main-d’œuvre, l’ACEUM garantit le maintien de près de 38 000 emplois qui auraient été perdus si les États-Unis s’étaient retirés de l’ALENA, dont 18 708 emplois occupés par des hommes et 18 853 emplois occupés par des femmes.
Je cède maintenant la parole à notre négociateur en chef pour qu’il fasse ses dernières observations.
M. Verheul : En conclusion, j’aimerais souligner que nos objectifs pour ces négociations ont été éclairés par les priorités et intérêts du Canada, par un dialogue et des consultations suivis avec les provinces et les territoires ainsi qu’avec un large éventail d’intervenants, et par les connaissances et l’expérience collectives des experts en politique commerciale et des experts sectoriels de l’ensemble du gouvernement. Le fort soutien au nouvel accord exprimé par l’industrie et les principales associations professionnelles montre sans équivoque que nous avons écouté attentivement leurs points de vue et défendu avec force leurs intérêts.
Voilà qui conclut mon allocution. Nous serons heureux de répondre à vos questions sur l’accord.
Le président : Je vous remercie tous de comparaître devant nous aujourd’hui. Je vais user de mon privilège en tant que président et poser les premières questions.
Ma première question s’adresse au négociateur en chef. Au fil des ans, nous avons vu les styles de négociation contraster d’un gouvernement à l’autre. Je suis assez vieux pour me rappeler du pionnier des accords de libre-échange, M. Mulroney, et de sa façon de négocier. Je me rappelle qu’il accordait à l’époque beaucoup d’importance à l’établissement de relations, notamment une relation particulièrement solide avec le président des États-Unis, ce qui a mené à des accords de libre-échange historiques et à un accord sur les pluies acides qui a rapporté gros d’un point de vue environnemental.
Nous avons vu la relation tendue entre le gouvernement Trudeau et l’administration Trump au sommet du G20, et nous l’avons vue après les remarques désobligeantes que la ministre des Affaires étrangères, Mme Freeland, a formulées à la conférence aux États-Unis, ce qui a mené à une période de refroidissement. Cette relation tendue a-t-elle facilité ou compliqué votre travail de négociateur?
M. Verheul : L’approche adoptée par l’administration actuelle aux États-Unis en ce qui a trait aux objectifs des négociations commerciales était fondamentalement différente de l’approche traditionnelle. Je pense que c’est ce qui explique la plupart des tensions dans les négociations.
Il y avait manifestement des écarts importants entre nous à bien des égards, mais nous avons néanmoins noué des relations personnelles. J’ai tissé des liens avec mon homologue. Nous avons eu beaucoup de discussions franches. La ministre Freeland a fini par tisser des liens serrés avec l’ambassadeur Lighthizer, son homologue. Les négociations avaient tendance à porter sur les détails et les relations globales s’estompaient pendant que nous nous efforcions de régler les dossiers.
Le président : Ma deuxième question porte sur le moment où les Américains ont proposé de négocier bilatéralement. En tant qu’homme d’affaires, je sais que je sauterais sur l’occasion si je participais à une négociation trilatérale et que la partie ayant le plus d’influence décidait de m’inviter, au préalable, à une négociation bilatérale.
Pourquoi le Canada a-t-il stratégiquement décidé de ne pas saisir l’occasion lorsqu’il a été invité à négocier bilatéralement avec les Américains? Bien sûr, nous avons vu plus tard que les Mexicains ont profité de ce fait et ont pris la balle au bond.
M. Verheul : Ce n’est pas ainsi que je décrirais la situation. Lorsque nous avons entrepris les démarches, il s’agissait au départ d’une négociation traditionnelle. Nous avons eu des séries de négociations. C’était une négociation professionnelle, ce à quoi nous sommes habitués.
À mon avis, les États-Unis se sont rendu compte que le Canada et le Mexique s’opposaient largement à bon nombre des initiatives américaines. Les États-Unis ont alors décidé de prendre contact avec le Canada à un certain moment et avec le Mexique à un autre moment pour voir s’ils pouvaient trouver une autre formule afin d’essayer de contrecarrer le type d’approche adoptée par le Canada et le Mexique, approche qui consistait à rejeter la plupart de leurs propositions.
Nous n’avons jamais vraiment eu la possibilité de négocier un accord bilatéral avec les États-Unis, et nous n’avons pas non plus pensé que ce serait forcément dans notre intérêt. Le marché nord-américain entre le Mexique, les États-Unis et le Canada a évolué au cours des 25 dernières années ou plus pour devenir un marché commun où nous sommes très intégrés sur le plan des chaînes d’approvisionnement et du fonctionnement de nos économies. Je pense que nous avons tous les trois reconnu, à un moment donné, qu’il serait préférable d’avoir un accord trilatéral plutôt que toute autre option éventuelle.
Le président : Ne convenez-vous pas qu’au bout du compte, les Mexicains et les Américains ont négocié un accord bilatéral et que nous avons été invités à y participer aux dernières étapes?
M. Verheul : Non, en fait, ce n’est pas ce qui s’est passé. Nous étions en communication étroite avec nos homologues mexicains et américains. Tout au long du processus, nous savions exactement de quoi parlaient les États-Unis et le Mexique, et nous leur avons fait valoir notre point de vue.
Avant de reprendre les négociations, les Américains devaient régler certaines questions avec les Mexicains, questions qui ne nous concernaient pas trop. Lorsqu’ils sont revenus nous voir, nous avons pu nous assurer que les objectifs du Canada étaient au premier plan, même si cela signifiait, dans certains cas, qu’il fallait changer les points de convergence entre les États-Unis et le Mexique.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Avant de passer à mes questions, je veux vraiment vous remercier, vous et votre équipe, monsieur Verheul, ainsi que la ministre et le premier ministre, pour le travail extrêmement exigeant et difficile qui a été fait. Les négociations n’étaient pas faciles, mais je crois que vous avez fait un bon travail. Évidemment, il ne s’agit pas d’une entente parfaite, mais j’aimerais vous féliciter au nom des Canadiens et des Canadiennes, parce que je crois que cet accord sera extrêmement important pour notre économie et que vous avez bien tiré votre épingle du jeu. Merci beaucoup.
Je pose maintenant mes deux questions; la première concerne les producteurs laitiers. Vous êtes certainement au courant du fait que nous avons reçu une lettre des producteurs laitiers nous avisant que l’entente fait référence à une année de base où les compressions ou les amendements négociés prennent effet. Conséquemment, ils nous ont demandé de manière implicite de retarder la négociation et de négocier la date d’entrée en vigueur de l’entente pour qu’elle prenne effet dans quelques mois, parce que, sinon, ils seront incontestablement désavantagés.
Vous est-il possible de nous préciser si cet aspect représente vraiment un litige important? Est-ce qu’on a une bonne compréhension du conflit?
[Traduction]
M. Verheul : Je vais commencer par faire quelques observations, après quoi je laisserai la parole à Aaron Fowler afin qu’il vous parle plus précisément du secteur agricole.
Je peux vous dire que les États-Unis ont exercé de fortes pressions pour que le Canada ratifie cet accord le plus rapidement possible. Ils ont inclus dans leur loi une disposition qui prévoit que si l’une des parties progresse plus lentement que les deux autres dans son processus de ratification, les deux autres devraient avoir le droit ou la capacité d’aller de l’avant sans cette troisième partie.
En l’occurrence, le Canada est la troisième partie, car les États-Unis et le Mexique ont déjà mené à bien leur processus. Les États-Unis nous ont clairement fait savoir, tant dans leur loi que dans les diverses conversations que nous avons eues avec leurs représentants, que si nous prenons trop de temps pour ratifier l’accord, ils iront de l’avant avec le Mexique.
Nous pouvons discuter de la question de savoir s’il s’agit d’une menace sérieuse ou non, mais cette disposition figure dans leur loi, et ils ont souligné ce point à plusieurs reprises. Nous devons faire preuve de prudence à l’égard de la durée éventuelle de notre processus de ratification. Les États-Unis sont manifestement pressés.
[Français]
Le sénateur Massicotte : L’information que nous avons reçue des producteurs laitiers est-elle exacte? Y a-t-il un impact important si l’on signe l’entente demain plutôt que dans trois ou quatre mois?
[Traduction]
M. Verheul : Oui, au Canada, l’année laitière commence le 1er août. Selon les modalités de mise en œuvre de l’accord, si nous devions mettre en œuvre l’accord et le faire entrer en vigueur avant le 1er août, les exigences de la première année de l’accord seraient appliquées et, à partir du 1er août, du point de vue du secteur laitier, on entamerait alors la deuxième année de mise en œuvre.
Voilà qui aurait des répercussions, surtout en ce qui concerne les exportations de certains produits particuliers.
Aaron Fowler, négociateur en chef pour l’agriculture et directeur général, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je vais peut-être intervenir brièvement pour résumer la disposition dont il est question. Dans le cadre de la version négociée, le Canada a accepté d’établir des mécanismes de surveillance des exportations pour trois produits laitiers précis : le lait écrémé en poudre, les concentrés de protéines de lait et les préparations pour nourrissons. Nous avons établi deux seuils d’exportation, l’un pour le lait écrémé en poudre et les concentrés de protéines de lait, et un volume distinct pour les préparations pour nourrissons. L’enjeu dont vous parlez ne concerne que le premier groupe de produits, à savoir les concentrés de protéines de lait et le lait écrémé en poudre.
Les modalités de la disposition relative à la surveillance des exportations précisent que, pour la première année, le Canada peut exporter jusqu’à 55 000 tonnes métriques de ces produits. La deuxième année, le volume maximal des exportations tombera à 35 000 tonnes métriques et, par la suite, cela augmentera de 1,2 % par année indéfiniment.
Ce qui inquiète l’industrie, c’est que nous n’avons jamais exporté plus de 11 000 tonnes de lait écrémé en poudre et de concentrés de protéines de lait en un mois. Si l’accord entre en vigueur au milieu de l’année laitière, les producteurs laitiers auront moins de cinq mois pour travailler; il est donc peu probable, selon eux, qu’ils atteignent le volume maximal prévu pour la première année.
Les conséquences de cette situation ne se feront pas sentir la première année, car aucune restriction ne sera appliquée aux exportations canadiennes de produits laitiers durant cette période. Par contre, il y aura des conséquences au cours de la deuxième année, car si l’entrée en vigueur est retardée, les producteurs laitiers devront s’en tenir à des volumes d’exportation inférieurs de 20 000 et 35 000 tonnes respectivement, par rapport à ceux de la première année.
[Français]
Le sénateur Massicotte : J’aurais une autre question. Nous avons également reçu une lettre de l’Union nationale des fermiers qui parle de problèmes relatifs à l’interprétation de l’ACEUM, c’est-à-dire que le projet de loi qui le mettra en vigueur est plus exigeant et restrictif que l’entente elle-même. Ils nous ont donc demandé de ne pas approuver le projet de loi tel quel, mais plutôt de l’amender et de s’assurer qu’il est plus cohérent par rapport à l’ACEUM. Ils nous ont également demandé de ne pas exiger des conditions qui ne sont pas nécessaires à l’entente que nous avons conclue avec les États-Unis et le Mexique. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? Quel est l’impact de tout cela? Qui dit vrai?
[Traduction]
M. Verheul : Je suis au courant de certaines des préoccupations soulevées par le Syndicat national des cultivateurs. Je ne savais pas qu’elles concernaient la disposition de caducité. M. Fowler aura peut-être des observations à faire sur les inquiétudes exprimées par le Syndicat national des cultivateurs.
M. Fowler : Je ne suis pas, moi non plus, au courant du lien avec la disposition de caducité, mais je peux parler des préoccupations du Syndicat national des cultivateurs.
Dans le cadre de la version négociée, le Canada a accepté d’autoriser l’attribution d’un grade de grain canadien officiel au blé cultivé aux États-Unis, de variétés enregistrées au Canada. Auparavant, le blé cultivé en dehors du Canada ne pouvait pas obtenir une certification de qualité officielle.
Dans le contexte de la mise en œuvre des obligations prévues dans l’ACEUM, le Canada a intégré au projet de loi C-4 deux types de modifications. Il y a d’abord celles qui sont strictement nécessaires pour mettre en œuvre les obligations que le Canada a acceptées aux termes de cet accord, en conformité avec la structure de la Loi sur les grains du Canada.
À cet égard, je tiens à souligner que la loi ne définit pas le terme « blé ». En fait, elle ne définit aucun produit en particulier. Elle ne parle que de grains. Pour mettre en œuvre un engagement concernant un seul type de grain, il faudrait modifier considérablement la structure de la loi.
En ce qui a trait à la deuxième série de modifications, elles visent à mettre en œuvre des mesures destinées à protéger l’intégrité du système d’assurance de la qualité des grains au Canada, compte tenu du nouveau traitement qui sera accordé aux grains américains après l’entrée en vigueur de l’accord.
Le prochain groupe de modifications s’impose, à notre avis, pour garantir que les grains cultivés au Canada et aux États-Unis soient traités de la même manière, tout en mettant en place un mécanisme de surveillance approprié pour l’entrée des grains cultivés dans un cadre réglementaire différent, car les agriculteurs américains cultivent leurs grains selon des règles légèrement différentes de celles en vigueur au Canada.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-4 ne compromettront pas la qualité globale des exportations de grains canadiens et n’affaibliront pas la capacité de la Commission canadienne des grains d’agir dans l’intérêt des producteurs. Les modifications corrélatives proposées à la Loi sur les grains du Canada visent à faire en sorte que tous les grains cultivés aux États-Unis et inclus dans les expéditions en provenance du Canada répondent aux mêmes normes de qualité rigoureuses que celles appliquées aux grains canadiens. L’objectif est de veiller à ce que le grain américain obtienne un traitement national équivalent, et non supérieur, à celui que reçoivent les agriculteurs canadiens et de protéger l’intégrité globale du système d’assurance de la qualité des grains.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Or, ils se trompent. Vous dites que cela est faux, qu’il n’y a pas de conséquences importantes?
[Traduction]
M. Fowler : Ils n’ont pas tort de dire que les modifications législatives proposées vont au-delà de ce qui est négocié avec les États-Unis. Toutefois, selon nous, les modifications qui dépassent ce qui est strictement prévu dans l’accord n’auront pas d’incidence négative sur le système canadien de manutention des grains ou les céréaliculteurs canadiens.
Le sénateur MacDonald : Avant de poser ma première question, je tiens à clarifier un point que vous avez tous deux soulevé. Nous nous sommes retrouvés devant une situation où nous avions affaire à un président qui menaçait d’annuler l’ALENA et d’en instaurer un nouveau.
Le président occupe un poste de pouvoir, mais il n’a pas l’autorité nécessaire pour annuler l’ALENA. Il peut négocier un nouvel accord, mais seul le Congrès peut annuler l’ALENA, et l’assentiment du Congrès est nécessaire pour faire approuver le nouvel accord. Je crois qu’il serait bon d’apporter cette précision aux fins du compte rendu.
Par ailleurs, il est important de garder à l’esprit que nous n’avons le contrôle sur aucun président. Le président Obama l’a prouvé avec le projet d’oléoduc Keystone XL. La seule chose que nous contrôlons, c’est la façon dont nous nous comportons. Voilà un autre point qu’il faut préciser aux fins du compte rendu.
Comme beaucoup de Canadiens, j’ai été déçu de voir les modalités de l’accord concernant l’acier et l’aluminium. Environ 70 % de l’acier, de l’aluminium et du verre utilisés dans la production d’automobiles doivent provenir de l’Amérique du Nord. Toutefois, dans le cas de l’acier, pour remplir l’exigence de 70 %, il faut que l’acier soit fondu et coulé par des sidérurgistes nord-américains. Il n’existe pas de dispositions similaires pour l’aluminium, ce qui signifie qu’il est toujours possible d’utiliser de l’aluminium chinois recyclé dans la fabrication de produits d’aluminium mexicains qui coûtent moins cher.
Le président de l’Association de l’aluminium du Canada a déclaré que nous sommes perdants dans ce domaine. Je suis simplement curieux de savoir une chose. Pourquoi n’avons-nous pas pu obtenir le même résultat que celui applicable à l’acier dans le cas de l’aluminium? Pourquoi les Américains ne nous ont-ils pas appuyés à cet égard?
M. Verheul : Nous avons fait beaucoup de recherches et consulté beaucoup d’avocats, et nous ne pouvons pas conclure avec certitude que le président n’a pas le pouvoir de donner le coup d’envoi au processus de retrait de l’ALENA. Il pourrait certainement faire le premier pas en donnant le préavis de six mois pour se retirer de l’ALENA.
Quant à savoir s’il pourrait ou non en assurer la mise en œuvre, c’est là une autre question, mais si le processus de six mois était enclenché, nous serions déjà aux prises avec d’importantes difficultés. Il y a quelques différences juridiques à ce sujet.
En ce qui concerne l’aluminium, nous avons clairement essayé d’obtenir la même disposition que celle prévue pour l’acier. Dans le cas de l’acier, il serait fondu et coulé en Amérique du Nord.
Nous avons tenté d’obtenir la même approche pour l’aluminium afin qu’il soit fondu et coulé en Amérique du Nord. Nous n’y sommes pas parvenus à ce moment-là, en grande partie parce que le Mexique s’y est opposé. N’oublions pas que le Mexique ne produit pas d’aluminium.
Si nous examinons la situation du point de vue des dispositions en vigueur, il n’y a actuellement aucune disposition dans l’ALENA qui exige qu’un pourcentage quelconque d’acier ou d’aluminium soit utilisé dans la fabrication des automobiles. Nous avons maintenant une disposition qui dit que 70 % de l’acier et de l’aluminium achetés par les fabricants doivent provenir de l’Amérique du Nord.
Cette disposition représente une contrainte importante pour les constructeurs automobiles dans les trois régions. À cela s’ajoutent d’autres exigences rigoureuses en matière de contenu national, comme la nouvelle exigence de 75 % de la teneur en valeur régionale, la nouvelle exigence de 75 % pour les pièces essentielles, dont les moteurs, les transmissions, les carrosseries et ce genre de choses, ainsi que l’exigence de 40 % de la valeur de la main-d’œuvre; toutes ces règles réduisent la quantité de produits étrangers que les constructeurs automobiles peuvent utiliser dans la fabrication des automobiles. Ils n’ont tout simplement plus autant de marge de manœuvre. Ils devront fort probablement utiliser autant d’aluminium nord-américain que possible.
Selon notre entente, nous pourrons réexaminer la question au bout de 10 ans. D’ailleurs, nous avons déjà eu des conversations avec les États-Unis et le Mexique, et nous avons été bien clairs : si nous commençons à voir de l’aluminium qui provient de pays à l’extérieur de l’Amérique du Nord et qui mine nos marchés, nous nous attendrons à ce que l’aluminium bénéficie, après sept ans, de la même protection que celle dont jouit l’acier.
Le sénateur MacDonald : Permettez-moi de revenir à un autre secteur. J’aimerais préciser que je fais partie du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis depuis 11 ans. En tant que vice-président et coprésident, j’ai passé beaucoup de temps au Congrès. Tant que les membres du Congrès n’avaient pas un accord commercial adéquat pour remplacer l’ALENA, surtout aux yeux des républicains du Congrès qui sont en faveur du libre-échange, il y aurait eu autrement très peu de chances que l’ancien accord commercial soit rejeté.
En tout cas, j’étais à Washington pour parler d’une alliance commerciale le dimanche où ils ont annoncé l’accord. Inutile de dire que j’ai dû changer toutes mes notes et improviser pendant environ une heure. Je leur ai alors parlé de la gestion de l’offre. En principe, je n’en suis pas un grand partisan. Je préconise plutôt la libre circulation des marchandises.
J’ai dit aux Américains à ce moment-là, même si je n’appuie pas la gestion de l’offre en principe, que je l’approuve en pratique dans le cas des États-Unis. Pourquoi? Parce que les Américains subventionnent l’agriculture à hauteur de plus de 70 milliards de dollars par année.
Avons-nous mis ce point à l’ordre du jour? Avons-nous insisté là-dessus? Quelle a été la réponse? Ils ont un problème de surproduction dans le secteur laitier. L’État du Wisconsin produit pratiquement autant que notre pays tout entier. Même si je sais que le consommateur canadien est le grand perdant dans le cadre de la gestion de l’offre, je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvions pas miser sur le fait qu’ils subventionnent autant leur industrie.
M. Verheul : Je peux commencer par dire que nous avons eu de nombreuses discussions enflammées sur cette question. Nous sommes indignés de voir que les États-Unis subventionnent fortement leur secteur agricole. Ils ont maintenant un projet de loi agricole d’une valeur de 1 000 milliards de dollars. Compte tenu des normes de subventionnement en vigueur dans le monde entier, je pense qu’il est juste de qualifier cette situation de presque révoltante.
Dans le secteur laitier, les Américains ont des excédents. Il s’agit là d’un problème auquel ils font constamment face. Ils sont même allés jusqu’à entreposer du lait écrémé en poudre dans des grottes en Pennsylvanie parce qu’ils ne savent pas quoi en faire. C’était l’un des aspects les plus difficiles des négociations sur ces questions.
Nous avons beaucoup insisté sur les subventions internes américaines, mais la réalité est que, pour amener les États-Unis à modifier leur soutien interne dans un contexte mondial où de nombreux pays subventionnent leurs producteurs, les États-Unis étaient toujours peu enclins à accepter quelque chose qui serait particulièrement strict dans un accord bilatéral ou trilatéral.
Je peux vous dire que ce fut un combat long et difficile, et M. Fowler le sait mieux que quiconque.
M. Fowler : Permettez-moi d’intervenir pour dire que je suis d’accord. Nous sommes bien conscients des répercussions que le soutien interne accordé par les États-Unis à leurs producteurs agricoles peut avoir sur les producteurs canadiens, les prix mondiaux et le marché. D’après notre expérience, non seulement dans le contexte de cet accord de libre-échange, mais aussi de manière générale, il est très difficile de discipliner cet aspect à l’échelle bilatérale ou même régionale.
L’accord de l’OMC sur l’agriculture contient un ensemble de règles sur le soutien interne fourni au secteur agricole. L’OMC se penche sur cette question épineuse depuis 2000 dans le cadre de ses négociations du cycle de Doha, mais il y a eu très peu de progrès.
D’ici la fin de la décennie, l’Union européenne, la Chine et l’Inde — vous constaterez que je n’ai pas mentionné les États-Unis — auront plus de la moitié de l’ensemble des droits leur permettant de subventionner leur secteur agricole au moyen d’un soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges. Dans un tel contexte mondial, il a été difficile, comme vous pouvez l’imaginer, de persuader les États-Unis de faire preuve de discipline dans le cadre d’un accord commercial avec le Canada et le Mexique, sans avoir l’assurance que les autres pays qui versent de fortes subventions, en particulier les pays que je viens de mentionner, accepteraient de se soumettre dans l’immédiat à une discipline similaire.
Voilà pourquoi toute discipline véritable en matière de soutien interne s’est avérée un défi de taille dans le contexte de l’ACEUM.
La sénatrice Ataullahjan : Les témoins d’hier ont été interrogés au sujet de l’importance de l’article 32.10 de l’ACEUM, qui exige que les trois parties donnent un préavis de trois mois aux deux autres avant de commencer à négocier un accord de libre-échange avec un pays qui n’a pas d’économie de marché.
Certains ont décrit cette disposition comme étant sans précédent. D’autres affirment que ce n’est pas vraiment un problème, car nos relations avec la Chine, le principal pays sans économie de marché qui semble être visé ici, sont, de toute façon, on ne peut plus glaciales. Dan Ciuriak, de l’Institut C.D. Howe, nous a dit hier, essentiellement, que les États-Unis sont en train de signaler que tout accord de libre-échange avec la Chine est hors de question.
Est-ce là une analyse juste de la situation, selon vous?
M. Verheul : Non, je ne partage pas cet avis. Lorsque nous avons négocié cette disposition précise, il était clair que les États-Unis voulaient envoyer un signal quant aux négociations avec des pays sans économie de marché. Nous avons eu de longues discussions à ce sujet, mais en fin de compte, il n’y a rien de différent dans cet article et cette disposition par rapport à la procédure habituelle.
Si nous avions l’intention d’entamer une négociation avec la Chine à ce stade-ci, nous en informerions certainement nos partenaires commerciaux. Ainsi, nous avertirions les États-Unis que nous amorçons des négociations avec la Chine, le cas échéant.
Les États-Unis auraient le même recours que celui prévu aux termes de l’accord qui est actuellement en vigueur. Ils peuvent indiquer leur intention de se retirer en donnant un préavis de six mois.
Les États-Unis voulaient certainement présenter cette question sous cet angle, étant donné leurs opinions sur la Chine, mais au fond, cela ne change aucun des droits ou obligations que nous confère l’accord. Comme certains l’ont fait remarquer, les États-Unis ont passé beaucoup plus de temps que nous à négocier avec la Chine au cours des derniers mois.
La sénatrice Ataullahjan : Aurions-nous à informer les Américains de nos démarches de négociation d’un accord commercial, avant d’en informer le Parlement canadien?
M. Verheul : Absolument pas. Je ne peux pas imaginer qu’un gouvernement informe les États-Unis de notre intention d’entamer des négociations avant d’en informer le Parlement canadien. Cela irait foncièrement à l’encontre de toutes les pratiques que nous suivrions.
La sénatrice Ataullahjan : Le 14 août 2017, la ministre Freeland a énoncé certains des objectifs principaux du gouvernement en vue des négociations, notamment la création de chapitres sur l’égalité des sexes et les droits des Autochtones.
Ces mesures n’ont pas été retenues et, en ce qui concerne les dispositions de l’accord ayant trait à la non-discrimination entre les sexes, le Conference Board du Canada a déclaré :
[...] la disposition sur la non-discrimination entre les sexes aura probablement une incidence limitée. D’ailleurs, la déclaration de « non-discrimination » incluse dans le chapitre 23 de l’accord initial, conclu à la fin du mois de septembre, avait été édulcorée au moment de la signature de l’accord, le 30 novembre. Selon cette version édulcorée, chaque partie peut choisir les politiques qu’elle juge appropriées[...]
Diriez-vous que cette analyse reflète bien la situation et, étant donné l’orientation prise par l’administration américaine à l’égard de ces questions, la résistance américaine en la matière n’aurait-elle pas pu être raisonnablement prévue?
M. Verheul : Il est juste de dire que nous savions, lorsque nous avons commencé à nous pencher sur ces deux questions, que nous nous heurterions à une résistance de la part des États-Unis. Nous avons proposé des chapitres complets sur les questions liées à l’égalité des sexes, ainsi qu’un chapitre complet sur les peuples autochtones. Il est certainement vrai que nous n’avons pas réussi, au bout du compte, à obtenir ces chapitres.
Nous avons eu de longues discussions sur ces questions. Les États-Unis et le Mexique ont participé à ces discussions. Nous n’avons pas été en mesure d’obtenir un chapitre dans l’un ou l’autre de ces cas. En ce qui concerne l’égalité des sexes, il y a des dispositions précises à ce sujet dans les chapitres sur le travail, l’investissement et les petites et moyennes entreprises.
Quant aux droits des Autochtones, nous avons une nouvelle exception générale, qui n’a jamais été négociée auparavant dans le cadre d’un accord de libre-échange. Ainsi, nous avons la souplesse nécessaire pour accorder un traitement préférentiel aux peuples autochtones dans un certain nombre de domaines, notamment les services, l’investissement, les marchés publics et un certain nombre d’autres entreprises d’État.
Malgré une nette résistance de la part des États-Unis, en particulier, et, dans une certaine mesure, du Mexique, nous avons réussi à obtenir beaucoup plus que ce que nous avions dans les accords précédents, tant sur le plan de l’égalité des sexes que sur le plan des droits des Autochtones. Ce n’était pas le contexte idéal, mais je pense que nous avons assurément atteint la plupart des objectifs escomptés.
Le sénateur Ngo : J’aimerais poursuivre la discussion sur l’aluminium. Nous savons tous que près de 90 % de l’aluminium est produit au Canada, et qu’il provient du Québec. Dans l’ACEUM, la disposition concernant l’acier exige qu’il soit fondu et coulé en Amérique du Nord, mais il n’y a pas de disposition similaire pour l’aluminium.
Nous avons appris ce lundi, dans un article du Hill Times, que le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, avait eu un entretien avec la vice-première ministre Chrystia Freeland sur la protection de l’aluminium, entretien qui a permis au Bloc d’obtenir deux engagements de la part du gouvernement à cet égard. Dans l’article que j’ai mentionné, on dit :
Premièrement, nous aurons des données en temps réel concernant les importations d’aluminium en sol mexicain, ou ce qu’il est convenu d’appeler des mesures de traçabilité.
Deuxièmement, s’il est démontré que le Mexique s’approvisionne d’aluminium en provenance de l’étranger, le gouvernement s’engage à revenir à la charge pour que la clause « fondu et coulé » en Amérique du Nord s’applique également à l’aluminium, comme c’est le cas pour l’acier.
Nous n’avons pas eu de nouvelles de la vice-première ministre, mais en attendant, j’aimerais savoir si ces deux engagements permettront de mieux protéger notre secteur de l’aluminium qu’une disposition semblable à celle concernant l’acier. Ces deux engagements seront-ils plus efficaces ou non? Qu’en pensez-vous?
Qu’en est-il de la possibilité d’obtenir un engagement pour nos secteurs laitier et forestier afin de les protéger également?
M. Verheul : Je crains de ne pas pouvoir parler de la teneur des lettres qui ont été échangées entre la vice-première ministre et le chef du Bloc. Je n’ai pas participé à ces discussions.
En ce qui concerne l’aluminium, je peux vous dire que nous avons eu des discussions avec les États-Unis et le Mexique. Nous avons dit très clairement que si nous commençons à voir arriver au Mexique de l’aluminium d’origine étrangère pour remplacer l’aluminium canadien, nous allions devoir mettre en place un système pour surveiller ces importations.
Tout cela a fait l’objet de discussions entre nous, les États-Unis et le Mexique. Les États-Unis ont également mis de côté des fonds importants pour surveiller les entrées d’aluminium en Amérique du Nord. Nous avons clairement dit que, dans l’éventualité où nous nous apercevions que de l’aluminium arrive de l’étranger, nous avions l’intention de faire pression pour que l’aluminium soit traité de la même façon que l’acier.
Nous devons garder à l’esprit qu’il s’agit d’achats effectués par les constructeurs automobiles. Ils peuvent donc être suivis assez facilement. Nous devons également garder à l’esprit que la disposition relative à l’acier n’entrera en vigueur que sept ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Nous disposerons d’un ensemble important de preuves concernant ce qui se sera passé avec l’aluminium pendant cette période. Je pense que nous aurons des arguments très solides pour faire en sorte que l’aluminium soit traité de la même manière que l’acier, si nous venions à constater que de l’aluminium provenant de l’étranger est en train de prendre la place de l’aluminium canadien.
Le sénateur Ngo : Lorsque vous avez témoigné devant le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes, vous avez dit que l’ACEUM offrait une stabilité et une prévisibilité considérables aux entreprises et aux travailleurs canadiens.
J’aimerais savoir comment cela s’applique à notre secteur laitier, à notre secteur forestier et aux autres secteurs touchés par cet accord.
M. Verheul : Je vais commencer par le secteur forestier et je vais demander à M. Fowler de répondre pour le secteur laitier.
L’ALENA et le nouvel accord prévoient tous deux un commerce en franchise de droits entre le Canada, les États-Unis et le Mexique pour le bois d’œuvre. C’est une disposition claire de ces accords. Toutefois, les États-Unis ont également le droit de mener des enquêtes sur les droits antidumping et compensateurs imposés aux importations américaines, comme nous le faisons et comme le fait le Mexique.
Ils exercent ces droits. Plus important encore, nous avons réussi à préserver l’ancien mécanisme du chapitre 19, qui permet la poursuite des litiges concernant les mesures en matière de droits antidumping et compensateurs et qui, en fait, examine les mesures américaines et détermine si elles sont conformes ou non au droit américain.
En ce qui concerne le bois d’œuvre, nous avons gagné un grand nombre de ces affaires. Nous avons récemment gagné une affaire qui portait sur le préjudice, qui est probablement l’élément le plus important de ce processus. Les États-Unis seront liés par ces décisions. Dans ce domaine, nous avons conservé les éléments les plus importants, mais je m’abstiendrai de prétendre qu’il ne s’agit pas d’un irritant permanent entre le Canada et les États-Unis. Ce l’est et ça continuera de l’être, mais nous disposons de mécanismes pour contester cela, ce qui conduit au remboursement des droits payés, contrairement à n’importe quel autre système de règlement des différends, comme celui de l’OMC.
M. Fowler : Je vais commencer par donner un peu de contexte. Les secteurs agricoles et agroalimentaires canadiens produisent chaque année pour environ 120 milliards de dollars de produits, dont 50 % sont exportés. Plus de la moitié de ces exportations se font à destination de nos partenaires de l’ALENA.
Le maintien du marché préférentiel qui existait pour ces deux marchés dans le cadre de l’ALENA était extrêmement important. Dans chaque cas, nous avons préservé l’accès au marché qui existait dans le cadre de l’ALENA. Dans certains cas, nous avons obtenu un accès progressif pour des produits intéressant les exportateurs canadiens.
Dans l’ensemble, le résultat est positif du point de vue agricole, même quand on le compare à l’accord actuel. Cela dit, le scénario où nous nous serions retrouvés sans accord aurait été dévastateur pour le secteur.
Je comprends les préoccupations exprimées par le secteur laitier à l’égard de ces résultats. Je tiens toutefois à souligner qu’ils sont loin de ceux visés par la position de négociation initiale des États-Unis, et même par la position que les Américains ont maintenue tout au long de la négociation. En septembre 2018, les États-Unis ont continué à faire des propositions qui auraient eu pour effet de rendre impossible le maintien d’un système de gestion de l’offre pour les produits laitiers canadiens.
Nous avons finalement accepté des dispositions que l’on pourrait répartir en trois catégories. Un accès progressif au marché pour certains produits laitiers, ce qui correspond largement à l’approche que nous avons adoptée dans le cadre de nos engagements à l’endroit de l’OMC et des accords de libre-échange avec nos partenaires du PTPGP et l’Union européenne. Bien que cet accès ne soit pas négligeable — certainement pas du point de vue du secteur —, la grande majorité du marché intérieur canadien des produits laitiers continue d’être desservie exclusivement par des producteurs et des transformateurs canadiens.
Les deux autres catégories d’engagements portent sur les prix et la surveillance des exportations. Ces engagements s’appliquent en grande partie aux trois produits que j’ai mentionnés précédemment : la poudre de lait écrémé, le concentré de protéines laitières et les préparations pour nourrissons.
Jamais je ne tenterai de banaliser l’impact de ces engagements sur le secteur. Je comprends pourquoi ils sont là, mais dans l’ensemble, il s’agit d’un résultat beaucoup plus positif que celui qui aurait pu nous échoir en matière de produits laitiers et, sans aucune hésitation, d’un résultat positif pour le secteur agricole en général.
Le sénateur Ngo : Pensez-vous que ces secteurs n’ont pas été négligés dans l’accord?
M. Fowler : Je ne pense pas que ces secteurs aient été négligés dans l’accord.
La sénatrice Bovey : J’aimerais féliciter le négociateur en chef et toute l’équipe de négociation. Je salue l’énorme quantité de travail qu’ils ont accompli et leur dévouement envers le Canada, les Canadiens et le commerce. Je suis en outre ravie du fait que vous avez consulté les Premières Nations, dont, si je ne m’abuse, les Inuits de l’Arctique.
J’ai deux questions à vous poser. La première concerne la prolongation des droits d’auteur. J’ai été heureuse d’apprendre que, dès le début, on avait fait passer la période d’application des droits d’auteur de 50 à 70 ans après la mort. Je présume également que le délai de deux ans et demi pour assurer la mise en place de cela est suffisamment long pour permettre la modification qu’il faudra nécessairement apporter à la loi canadienne sur la propriété intellectuelle et les droits d’auteur.
Toutefois, cette disposition s’applique-t-elle de façon rétroactive ou les 70 ans entrent-ils en vigueur le jour de l’entrée en vigueur de l’accord? Les personnes qui s’occupent de cette question devront-elles revenir en arrière depuis 1950 et prolonger soudainement de 20 ans les dispositions relatives aux droits d’auteur qui peuvent avoir expiré 50 ans après la mort?
M. Verheul : Notre négociateur principal en matière de propriété intellectuelle est ici, et c’est lui qui vous répondra.
Loris Mirella, directeur, Politique commerciale sur la propriété intellectuelle, Affaires mondiales Canada : En ce qui concerne la première partie de votre question, les deux ans et demi permettront au gouvernement d’étudier en profondeur les implications de cette obligation et d’élaborer un plan à cet effet.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, tout ce qui sera du domaine public lorsque l’obligation entrera en vigueur pour le Canada restera du domaine public. Rien ne sera retiré du domaine public.
La sénatrice Bovey : Je sais que cette question sera posée par le secteur des arts et de la culture, les artistes et les successions d’artistes. Je suppute une myriade de questions à cet égard, alors je suis heureuse de savoir de quoi il retourne.
Dans un résumé des résultats de l’ACEUM affiché sur le site web du gouvernement du Canada, on peut lire ceci :
L’accord modernisé prévoit le maintien de l’exception culturelle du Canada, ce qui donne au Canada la flexibilité nécessaire pour adopter et maintenir des programmes et des politiques favorisant la création, la distribution et le développement de l’expression ou du contenu artistique canadien, y compris dans l’environnement numérique.
Il est évident que cela était un aspect important de l’ALENA, cet accord qui a beaucoup fait pour protéger l’identité unique du Canada et assurer une plus grande sécurité aux 660 000 Canadiens et plus qui travaillent dans des industries telles que l’édition, la radiodiffusion, les livres, les magazines et autres.
Au nom de ces 660 000 Canadiens et plus qui travaillent dans l’industrie culturelle, quels changements ou quelles améliorations l’ACEUM apporte-t-il par rapport à l’ALENA?
M. Verheul : En ce qui concerne l’exception culturelle, notre plus grand combat a été de préserver l’exception que nous avions dans l’ALENA. La position initiale des États-Unis était de l’éliminer complètement. Nous avons ensuite eu de longues discussions sur les éléments que les États-Unis voulaient retirer de l’exception culturelle afin de pouvoir les soumettre à leurs mesures. Nous avons dû affronter cette position pendant une très longue période, mais nous avons finalement réussi à protéger l’exception culturelle telle qu’elle était dans l’ALENA. Nous avons également négocié l’ajout de certains éléments de modernisation à l’exception culturelle afin de tenir compte des médias numériques et de ce genre de questions. Nous l’avons mise un peu plus à jour.
La sénatrice Bovey : Cela offrira des possibilités à ceux qui travaillent dans les industries cinématographiques et numériques, certes, mais cela permettra aussi aux artistes visuels qui utilisent les industries numériques et les nouvelles technologies dans leur travail de faire du commerce transfrontalier et de bénéficier d’une liberté d’échange.
M. Verheul : L’exception culturelle s’applique également à ces pratiques.
La sénatrice Cordy : Merci, monsieur Verheul, et merci à votre équipe de négociation d’avoir été patients pendant tout ce temps, mais il faudra certainement des mois et des mois de négociations additionnels pour terminer le travail.
La note d’information qui nous est parvenue d’Affaires mondiales est très bonne. Je ne sais pas qui nous l’a envoyée, mais elle m’a été utile.
Ce nouvel accord multiplie et améliore les débouchés pour les petites et moyennes entreprises. Il y a quelques années, ce comité s’est penché sur les petites et moyennes entreprises. Nous reconnaissons que c’est tout un avantage pour le Canada d’avoir des PME.
La note d’information parle de façon explicite de la participation des femmes et des peuples autochtones dans les PME. Pouvez-vous nous expliquer ce que fera l’ACEUM pour améliorer cette situation par rapport à l’ALENA?
M. Verheul : Il n’y a rien de pareil dans l’ALENA. Il n’y a pas de chapitre sur les petites et moyennes entreprises. Il n’y a aucune référence au sexe ou aux peuples autochtones en ce qui concerne les PME. Tout cela est tout à fait nouveau.
Il s’agit d’une initiative canadienne. Ce n’est pas un chapitre qui a été particulièrement bien accueilli par les États-Unis ou le Mexique, mais nous avons pensé qu’il était particulièrement important qu’il figure dans l’accord. Il était également important pour nous de veiller à ce qu’il y ait des dispositions précises en matière de sexe et de peuples autochtones.
Ce chapitre vise à promouvoir la participation des PME au commerce dans la région couverte par l’ALENA, à aider les PME à participer au commerce, à leur faciliter l’accès à ce genre d’activités, à leur donner une plus grande visibilité et à renforcer la coopération entre le Canada, les États-Unis et le Mexique pour promouvoir leurs intérêts.
En fin de compte, les deux autres parties l’ont accepté, et nous considérons cela comme une victoire importante dans le cadre de cet accord.
La sénatrice Cordy : Ce que vous avez visé avec ce chapitre est le genre de choses que notre rapport recommandait : fournir de l’aide aux personnes qui ont des PME et qui ne savent pas nécessairement comment s’y prendre pour faire du commerce à cette échelle. Je pense que vous avez soulevé un point très important.
M. Verheul : C’était exactement notre objectif, oui.
La sénatrice Cordy : J’ai lu que ces dispositions permettront de réduire ou d’alléger les formalités administratives à la frontière, et de faciliter les échanges. Pourtant, hier, nous avons entendu des exportateurs et des importateurs dire qu’ils étaient un peu préoccupés par la mise en œuvre de l’accord à la frontière. Ils disent que c’est un jour l’ALENA et le lendemain, l’ACEUM. Il n’y a pas de période de transition pour permettre à tout le monde de s’adapter.
L’Agence des services frontaliers du Canada n’a pas participé à la négociation. Je n’en suis pas certaine, et reprenez-moi si je fais fausse route. L’agence n’élabore pas les lois, elle les appliquent. Sa recommandation était d’augmenter le nombre d’agents à la frontière durant les premiers mois, au moins pour mettre les choses en train et veiller à ce que la circulation se fasse comme prévue. La pire chose qui puisse arriver, ce serait d’avoir beaucoup de paperasserie alors qu’on nous ait dit qu’il y en aurait moins.
J’aimerais savoir ce qui se fait pour veiller à ce que l’Agence des services frontaliers du Canada soit prête à relever le défi le jour où l’accord commencera à s’appliquer.
M. Verheul : Nous avons consulté l’agence avant même le début des négociations. En fait, nous avions des représentants des services frontaliers qui faisaient partie de notre équipe de négociation, notamment pour diriger les négociations relatives aux questions frontalières et certaines de celles que vous avez mentionnées en ce qui concerne la simplification du processus à la frontière.
L’exemple que j’utilise souvent est le processus de demande de traitement tarifaire préférentiel prévu aux termes de l’accord. Dans l’état actuel des choses, il s’agit d’un processus assez compliqué. Il y a de la paperasse à remplir, et de nombreux exportateurs ne se donnent tout simplement pas la peine de s’y astreindre à cause du travail que cela demande.
Avec le processus que nous avons établi dans le cadre de ce nouvel accord, il n’y a pas de travail à faire. Tout est électronique, et l’origine peut être conférée sur la base de n’importe quel type de document. C’est beaucoup plus simple que ce qu’il y a eu jusqu’à maintenant.
Nous avons fait beaucoup de chemin. L’ASFC a bel et bien participé activement aux préparatifs de l’entrée en vigueur de cet accord, tout comme le reste d’entre nous. Nous allons communiquer des informations aux exportateurs et au monde des affaires sur une base régulière. Nous l’avons déjà fait dans une certaine mesure. Nous allons le faire avec plus d’assiduité au fur et à mesure que nous nous approcherons de l’entrée en vigueur. Nous ne nous attendons pas à ce qu’il y ait des problèmes à cet égard.
Pour ce qui est de ce que l’agence doit faire quant au traitement des produits à la frontière, il est probable que la majorité des marchandises ne seront pas traitées si différemment qu’elles le sont actuellement dans le cadre de l’ALENA. Il y a des dispositions particulières pour les automobiles, les textiles et les vêtements, ainsi que pour certains autres produits. En dehors de cela, le traitement est en fait à peu près le même que celui qui existe actuellement, hormis le fait que le processus présidant au passage des marchandises à la frontière a été amélioré et que la paperasserie a été réduite, voire éliminée.
Nous ne nous attendons pas à ce qu’il y ait de gros problèmes à la frontière, à l’exception peut-être du temps qu’il faudra en ce qui concerne le secteur automobile, et peut-être, dans une certaine mesure, pour les secteurs du textile et du vêtement.
La sénatrice Coyle : C’est la deuxième fois que j’entends votre explication et je dois dire qu’elle commence à faire son chemin dans mon esprit. Je vous remercie tous de votre présence et de vos exposés.
Lors de notre précédente séance d’information, monsieur Verheul, vous avez parlé des étapes qui suivront la ratification. Pourriez-vous maintenant parler de façon officielle au comité des différentes étapes qui viendront après la ratification, ainsi que de toute préoccupation que vous pourriez avoir — et dont nous devrions être conscients — concernant ces étapes?
M. Verheul : Comme vous le savez pertinemment, nous sommes en train d’essayer de faire adopter ce projet de loi par le Sénat. Après cela, il y a généralement une période d’environ 12 jours pendant laquelle nous devons obtenir la sanction royale. Il faut ensuite que le ministère de la Justice estampille les règlements et les ordonnances. Nous avons un dossier réglementaire qui doit être signé par les ministres, traité par le Bureau du Conseil privé et examiné par le Conseil du Trésor.
Une fois la loi adoptée, il y a un processus réglementaire, ce qui demandera également un certain temps. Éventuellement, il faudra aussi la signature du gouverneur général.
Après l’adoption du projet de loi par le Sénat, il faudra probablement compter de 12 à 14 jours de processus. C’est le délai que nous visons.
Au-delà de notre propre processus, un certain nombre d’éléments doivent être complétés de manière trilatérale avant d’arriver à l’entrée en vigueur. Les États-Unis et le Mexique ne nous ont pas encore envoyé d’avis pour nous informer qu’ils avaient ratifié l’accord, ce qui est une condition qui doit être remplie avant que nous puissions passer à l’entrée en vigueur.
Nous devons composer avec un processus que les États-Unis doivent mener à bien pour la certification. Dans le cadre de leur Trade Promotion Authority, les États-Unis doivent certifier que le Canada et le Mexique ont, selon eux, pris les mesures nécessaires pour respecter leurs obligations aux termes de l’accord. C’est quelque chose qui doit être fait. Or, nous n’en sommes qu’au début de ce processus.
Martin Thornell, notre négociateur en chef pour les règles d’origine, travaille avec les États-Unis et le Mexique pour parvenir à un accord sur ce que l’on appelle des réglementations uniformes, qui fournissent des détails supplémentaires sur la manière dont les règles d’origine seront effectivement administrées et appliquées.
Nous avons des dispositions sur le règlement des différends sur lesquelles travaille mon collègue Robert Brookfield, notre conseiller juridique, de concert avec ses homologues américain et mexicain. Nous devons établir une liste pour le règlement des différends. Nous devons établir des règles de procédure et un code de conduite. À notre avis, tout cela doit être achevé avant l’entrée en vigueur.
Tout ce travail est en cours. Nous travaillons également sur de nombreux autres dossiers en ce qui concerne la certification américaine. Il y a vraiment beaucoup de travail à faire en dehors de notre propre processus de ratification.
La sénatrice Coyle : Madame Paquet, ce que nous avons entendu de votre part est positif. Vous avez fait des comparaisons avec ce qui se passerait si l’ALENA disparaissait. Hier, nous avons eu les observations de quelqu’un d’autre, M. Ciuriak. Je reconnais que ce n’est pas comme si nous comparions des pommes avec des pommes, mais j’aimerais quand même avoir votre avis sur ce qu’il a dit, et je cite :
Au sujet des répercussions économiques, par rapport à un scénario où l’ALENA resterait en vigueur, nous avons estimé que l’ACEUM aurait un effet négatif sur l’économie canadienne et se traduirait par une baisse d’environ 0,4 % du PIB réel.
Je sais que ce n’est pas de cela que vous parliez, mais pourriez-vous nous donner vos impressions à ce sujet?
Mme Paquet : Vous avez raison de souligner que notre façon de présenter les choses est très différente de la leur. Nous ne sommes pas en train de comparer des pommes avec des pommes. Selon nous, l’étude de C.D. Howe exagère les impacts négatifs pour deux raisons principales. La première a trait aux règles d’origine et à la manière dont ces règles s’appliquent aux automobiles et aux pièces d’automobiles — selon la modélisation —, et la seconde concerne les produits chimiques.
La façon de faire entrer dans l’approche de modélisation les nouvelles règles d’origine est simplement d’imposer une réduction des importations de pièces pour forcer l’approvisionnement en Amérique du Nord à respecter le nouveau seuil des règles d’origine. Toutefois, ils le font un peu artificiellement, ce qui signifie que les coûts augmenteront beaucoup plus que ce que nous avons choisi de faire dans notre approche.
Dans notre approche, nous sommes partis d’un modèle de base. Nous avons examiné 213 modèles et utilisé les données de la loi américaine sur l’emballage et l’étiquetage, la Fair Packaging and Labeling Act. Nous sommes allés au fond des choses. Oui, il est vrai que les producteurs nord-américains favoriseront l’approvisionnement en Amérique du Nord pour atteindre le nouveau seuil. C’est en partie ce que nous espérions, mais ils le feront seulement jusqu’à ce qu’ils atteignent le tarif de 2,5 %. Il ne sert à rien de dépasser ce seuil, car cela ne fait qu’augmenter les coûts. Autrement, tout ce que vous faites, c’est de payer 2,5 % dans un sens et 6,1 % dans l’autre.
Nous avons laissé le modèle augmenter l’approvisionnement en Amérique du Nord jusqu’à ces deux seuils. Ce n’est pas ce que l’on voit dans l’étude de C.D. Howe. En fait, l’étude surestime un accord, et nous pensons que les entreprises vont très vite se rendre compte de ce qui est le mieux pour elles. C’est une différence de taille en matière d’approche.
La deuxième chose est la façon dont ils ont interprété les modifications apportées aux règles d’origine des produits chimiques. Nous pensons que leur interprétation de ces règles est erronée. Nous avons ici des experts en matière de règles d’origine, mais ils considèrent qu’il s’agit d’une modification restrictive de ces règles. Comme le secteur des produits chimiques est un secteur important, cela a un impact négatif que nous ne voyons pas dans notre modèle.
Il y a d’autres raisons plus techniques, mais ce sont les deux principales qui expliqueraient pourquoi, même s’il avait comparé des pommes à des pommes, nous n’arriverions pas au même chiffre. Il y a une surestimation des coûts.
Le sénateur Massicotte : En somme, c’est assez simple.
La sénatrice Coyle : J’allais le dire.
Le président : Madame Paquet, je pourrais peut-être poser une question complémentaire à la question très simple mais néanmoins importante qu’a posée la sénatrice Coyle, et qui a reçu une réponse très compliquée.
Dans le rapport économique qu’Affaires mondiales a produit — et je crois que vous l’avez présenté au comité de la Chambre le 26 février ou aux alentours de cette date —, vous affirmez que l’ACEUM fera réaliser des gains de 6,8 milliards de dollars au PIB et que l’étude des résultats de l’ACEUM s’est essentiellement fondée sur l’éventualité d’un retrait des États-Unis de l’ALENA.
Bref, votre analyse se fonde sur une comparaison entre la mise en œuvre de l’accord et l’absence d’accord. Est-ce exact?
Mme Paquet : Oui.
Le président : Quand vous faites ce genre de comparaison, vous obtenez assurément des chiffres fort biaisés. Ce que je comprends de l’analyse de l’Institut C.D. Howe, c’est qu’on y compare l’accord actuel à l’ALENA.
Deux choses me perturbent un peu. J’essaie de comprendre pourquoi Affaires mondiales Canada n’a pas fourni au Parlement une analyse économique adéquate de cette étude, de ces négociations ou de cet accord par rapport à ce qui est actuellement en vigueur.
Mais le plus troublant, c’est qu’Affaires mondiales Canada a soumis cette analyse économique, que j’incite mes collègues à étudier avec attention, au comité des affaires étrangères de la Chambre des communes un mois après le dépôt de l’accord et le début de l’examen de celui-ci par la Chambre.
Avec tout le respect que je vous dois, il n’aurait été que plus approprié de la part d’Affaires mondiales Canada de fournir cette étude au comité de la Chambre dès le dépôt de l’accord, le 29 janvier. Pourquoi le ministère n’a-t-il pas simplement comparé l’accord actuel à ce qui était en vigueur au titre de l’ALENA?
Mme Paquet : Voici précisément comment nous voyons les choses : il n’y avait pas de statu quo sous le régime de l’ALENA. C’est tout simplement faux. Ainsi, la véritable comparaison porte sur l’ACEUM, soit le nouvel ALENA, ou l’abandon de l’ALENA. Et c’est ce que vous avez entre les mains. Voilà pour cet aspect. C’est notre conviction profonde. Et c’est exactement la réalité avec laquelle les négociateurs ont dû travailler.
De plus, il y avait l’imposition de droits tarifaires sur les industries canadiennes de l’acier et de l’aluminium conformément à l’article 232. C’était la réalité, donc elle figure également dans le scénario de base. Nous avons également réussi, dans le cadre du nouvel ALENA, à éliminer ces droits en application de l’article 232. Ce sont des points positifs. Pour nous, il s’agissait concrètement de comparer l’ACEUM à l’abandon de l’ALENA. Et c’est ce que vous avez entre les mains.
En ce qui concerne les délais, je comprends que ce n’est pas l’idéal. Croyez-moi, j’aurais aimé vous fournir le document plus tôt. Nous avons décidé de réexaminer l’idée de l’incertitude au niveau des politiques, d’où mon allusion à cet effet dans mes observations préliminaires. Beaucoup d’économistes et de gens d’affaires qui sont probablement venus témoigner devant le comité vous diront la même chose. Réduire l’incertitude au niveau des politiques est une bonne chose. Le négociateur en chef a cité quelques secteurs où l’équipe de négociation a réussi à obtenir des résultats positifs. Comme je l’ai dit, il est malheureux que nous n’ayons pas pu en tenir compte.
Nous avons réexaminé l’idée de réduire l’incertitude au niveau des politiques. Nous avons essayé de le faire de la même façon que la Commission du commerce international des États-Unis. Si vous consultez son rapport, vous verrez que c’est la première fois qu’elle soumet trois scénarios. Habituellement, elle n’en propose qu’un seul.
Dans ce rapport, elle avance trois montants, soit 2 milliards de dollars, 235 milliards de dollars et un montant médian de 68 milliards de dollars. L’ampleur de la réduction de l’incertitude au niveau des politiques est au cœur de ces calculs. Selon le modèle, si vous ne faites absolument rien, si vous laissez aller les choses, il y a des répercussions sur l’économie américaine. Si vous réduisez un peu l’incertitude, les effets positifs sont de 68 milliards de dollars. Enfin, si vous réduisez de beaucoup l’incertitude, vous obtenez plus de 235 milliards de dollars.
Nous n’avons pas été en mesure de reproduire intégralement ce qui a été fait aux États-Unis pour diverses raisons, comme le manque de données et de connaissances, puisque la commission a tenu compte de modélisations supplémentaires faites au préalable. Nous avons fait de notre mieux. Ce n’était tout simplement pas possible. Nous avons décidé de réexaminer la question. Nous avons importé le coefficient employé par la commission afin d’établir de quelle façon utiliser le modèle. Nous allons l’essayer, comme j’y ai fait référence. Nous avons obtenu une incidence énorme et très bizarre sur l’économie mexicaine de près de 20 milliards de dollars et des effets moindres sur l’économie américaine de 17 milliards de dollars environ, tandis que le rapport américain fait état de 68 milliards de dollars. La différence est si grande que nous ne pouvions tout simplement pas nous y fier. C’est impossible.
Nous savons que la commission a fait d’autres interventions dans le modèle d’après son interprétation de l’accord, interprétation que nous ne connaissons pas. Mais il se produit aussi autre chose que nous ne pouvons pas expliquer. Nous l’avons fait, mais avons décidé de ne pas en rapporter le résultat, de ne pas le traiter de la même façon dans le modèle. C’est en partie pour cette raison que nous sommes tant à la dernière minute.
Le président : Je vous remercie pour cette réponse et j’apprécie la comparaison avec le rapport américain, que j’invite une fois de plus mes collègues à consulter, car il s’agit de types de documents et d’approches très différents.
Est-ce qu’Affaires mondiales Canada n’aurait pas jugé utile de comparer cet accord à l’ALENA en plus de faire l’analyse de cet accord par rapport à l’absence d’accord, afin que nous puissions véritablement comparer le contenu de l’accord le plus récent? Est-ce que le ministère n’aurait pas jugé utile d’effectuer un tel exercice et de remettre un tel document aux parlementaires?
Mme Paquet : Je peux ici encore vous répéter la même chose. Nous sommes convaincus que c’est la situation qui prévaut. Si le maintien du statu quo sous le régime de l’ALENA avait été une possibilité, je doute que nous ayons entrepris des négociations aussi longues et pénibles.
Le sénateur Dean : Je n’ai pas de question sur les coefficients, donc permettez-moi un préambule. Je vous remercie tous et vous félicite pour votre travail acharné et vos réalisations importantes dans des conditions considérablement difficiles. J’ai relevé la nature très canadienne et fort diplomatique de vos remarques quant à l’approche non conformiste de vos partenaires.
Je sais depuis un certain temps déjà que la fonction publique canadienne est parmi les meilleures, sinon la meilleure, au monde. Cet exercice m’a également montré que nos négociateurs commerciaux sont parmi les meilleurs au monde. Je vous félicite tous.
J’ai deux questions. La première est sur la mise en œuvre. Je sais que nous n’en sommes qu’au début et que vous ne pouvez probablement qu’en parler de façon générale, mais je m’intéresse tout particulièrement aux dispositions sur le travail applicables au Mexique.
Pourriez-vous nous donner une idée très générale des rouages de mise en œuvre et d’application, toujours en tenant compte du fait que cet accord est nouveau et que beaucoup de travail reste à faire?
Et, pendant que vous réfléchissez à cela, ma deuxième question porte sur l’approche très concluante du Canada, qui a communiqué avec ce que j’appellerais un millier de personnes-ressources, tant dans ce pays qu’à l’étranger, pour mettre à profit l’influence d’un large éventail d’acteurs.
Je me demande si vous pourriez nous donner un aperçu de l’importance qu’ont eue les organisations et les particuliers aux États-Unis dans l’intensification de la pression exercée sur le gouvernement pendant le processus de négociation. Je sais que certains aspects sont confidentiels, mais j’aimerais obtenir juste une idée générale. Nous savons à quel point cette pression a été importante au Canada, mais je serais curieux de connaître votre point de vue sur ce qui s’est aussi exercé à l’extérieur des frontières.
Peut-être pourriez-vous commencer avec les dispositions sur le travail applicables au Mexique.
M. Verheul : Je ferai quelques commentaires préliminaires, puis je céderai la parole à mon collègue Pierre Bouchard, notre négociateur principal en matière de travail, qui pourra apporter des précisions.
L’ALENA ne comporte pas de chapitre spécifique au travail. Il y a toutefois un accord parallèle sur le travail et l’environnement. L’ACEUM comporte quant à lui un chapitre complet sur le travail qui est assujetti au mécanisme de règlement des différends. C’est beaucoup plus ambitieux que tout ce que nous avons réalisé jusqu’ici en la matière.
Nous disposons également d’un tout nouveau mécanisme pour remédier aux violations des obligations relatives au travail dans des installations précises, ce qui, à ma connaissance, est inédit pour un accord de libre-échange. Nous sommes allés beaucoup plus loin que par le passé.
Pierre Bouchard, directeur, Affaires bilatérales et régionales du travail, Emploi et Développement social Canada : Oui. C’est probablement en matière de travail que cet accord présente les plus grandes avancées : nous sommes passés d’un accord parallèle extrêmement inefficace et permissif à un chapitre sur le travail et à des mécanismes bilatéraux aux dispositions sans précédent qui établissent la portée des obligations des signataires et les mesures d’application qui s’offrent à eux.
Des améliorations aux chapitres sur le travail ont été abordées, et des dispositions sur la violence contre les travailleurs et qui clarifient les interdictions — un sujet que l’on n’a pas vraiment mentionné jusqu’ici —, comme toute forme de travail forcé, figurent dans l’accord et entreront en vigueur dans le cadre de l’application des mécanismes bilatéraux et de règlement des différends.
Pour ce qui est de savoir ce que nous faisons, nous travaillons intensément et depuis un bon moment déjà avec le Mexique sur une réforme du marché du travail sans précédent. L’administration mexicaine s’investit pleinement dans le processus. Un groupe de travail bilatéral sur le travail a été créé par notre ancien ministre du Travail en août dernier, et nous nous réunissons tous les trimestres pour étudier toutes les réformes. Nous leur apportons notre soutien pour ce qui est des ressources actuelles et futures jugées nécessaires à la mise en œuvre. Nous mettons l’accent sur la coopération technique pour les aider tant au fédéral que dans les États.
Beaucoup de travail se poursuit sur le plan de l’aide technique et sur ce qui a été négocié dans l’entente sur le mécanisme bilatéral. Nous élaborons des lignes directrices pour porter plainte dans le cadre du mécanisme bilatéral de la même façon qu’il est possible de le faire actuellement et nous devrions être en mesure de les publier. C’est ce que nous appelons des communications publiques conformément à tous les chapitres sur le travail ou accords de libre-échange. Ces lignes directrices sont publiées. Nous visons quelque chose d’équivalent à celles-ci.
Nous travaillons aussi avec l’Agence des services frontaliers du Canada et avec le ministère des Finances, qui assure l’application de la Loi sur les douanes, en prévision de l’interdiction d’importer des marchandises issues du travail forcé. Le Canada interdit déjà l’importation de marchandises issues du travail dans les prisons depuis quelques décennies. Cette interdiction vient s’y ajouter.
Voilà donc quelques-unes des étapes. Nous sommes très occupés et il y a encore probablement beaucoup de travail à faire, tant maintenant que dans les mois à venir.
Le sénateur Dean : Sachez que vous êtes beaucoup plus avancés que je m’y attendais, alors félicitations.
Passons maintenant au sud de la frontière pour nous intéresser au troisième pays signataire de cet accord. Quelle a été l’importance de la pression exercée là-bas en soutien des objectifs du Canada?
M. Verheul : Nous avions des relations différentes, et à l’occasion changeantes, avec les États-Unis et le Mexique. Sur de nombreux sujets, nous étions d’accord avec le Mexique et nous mettions de la pression sur les États-Unis. Les entreprises mexicaines suivaient de très près les négociations sur les positions mexicaines, alors nous avons collaboré étroitement avec elles également.
La situation avec le secteur privé aux États-Unis était un peu différente de ce à quoi nous étions habitués. Les États-Unis n’ont pas beaucoup consulté leur secteur privé pendant une bonne partie des négociations.
En fait, mon équipe et moi avons rencontré des représentants de la Chambre de commerce des États-Unis presque à chaque ronde de négociations. Ils voulaient savoir où en étaient les négociations. Nous leur parlions des diverses propositions et des divers enjeux, et nous recevions beaucoup d’appui de la communauté des gens d’affaires aux États-Unis.
Nous avions donc des relations étroites avec les gens d’affaires aux États-Unis, avec les gens d’affaires au Mexique, avec le gouvernement mexicain et avec le gouvernement américain, mais ces relations devenaient parfois tendues en fonction des sujets de discussion.
La sénatrice Griffin : Ma question est essentiellement une question de suivi à celle du sénateur Massicotte. M. Fowler est d’accord avec lui que les changements dans le projet de loi C-4 qui concernent la Loi sur les grains du Canada vont plus loin que ce que nécessite l’ACEUM, mais ne seront pas négatifs.
Je ne suis pas certaine d’être aussi optimiste. Le Syndicat national des cultivateurs est très inquiet et je comprends pourquoi. On doit procéder à un examen de la Loi sur les grains du Canada, et cet examen devait débuter au cours du mois, mais il y a maintenant des questions de nature politique qui passent avant cet examen.
Je ne comprends pas pourquoi il faut faire ces changements s’ils ne sont pas nécessaires dans le cadre de l’ACEUM. N’êtes-vous pas en train de court-circuiter le ministère de l’Agriculture?
M. Fowler : Le processus d’examen de l’application de la Loi sur les grains du Canada aura lieu comme prévu. On peut envisager d’y apporter des changements, notamment de la nature de ceux dont il est question dans le projet de loi, dans la mesure où ils ne nuisent pas à la capacité du Canada de respecter ce qui a été entendu avec les États-Unis dans le cadre de l’ACEUM.
Comme je l’ai mentionné, le projet de loi C-4 prévoit deux types de changements à la Loi sur les grains du Canada concernant le traitement des variétés de grains produits aux États-Unis. Des changements importants sont nécessaires pour rendre le système de manutention et de classification des grains du Canada conforme à nos engagements. Selon nous, des modifications corrélatives sont nécessaires pour s’assurer que lorsque le système de manutention des grains canadien sera en mesure d’accepter la livraison de grains américains, les grains américains ne seront pas traités d’une façon qui désavantage les producteurs de grains canadiens qui produisent leurs grains en respectant le système de réglementation canadien et non pas le système de réglementation en place aux États-Unis.
Cette possibilité n’est pas envisagée dans la Loi sur les grains du Canada, car il n’y a pas régulièrement de livraison de grains américains dans le système de manutention canadien, ce qui avait donné lieu aux obligations au départ.
Un élément qui n’est ni corrélatif d’un point de vue réglementaire, ni strictement nécessaire pour satisfaire à nos obligations dans l’accord est le changement ou la décision de procéder au changement par rapport aux grains plutôt que par rapport au blé, le produit pour lequel l’engagement a été pris.
S’il en est ainsi, c’est en raison de la structure même de la Loi sur les grains du Canada, qui traite des grains dans leur ensemble et non pas des produits séparément. Dans sa forme actuelle, la loi ne permet pas d’effectuer un changement qui ne s’appliquerait qu’au blé.
Selon nous, les réalités économiques sont telles que ces changements auront des répercussions limitées. Les producteurs américains ont accès au marché canadien. Ils vendent leurs grains aux manutentionnaires céréaliers canadiens à un prix négocié aujourd’hui. Ce que l’ACEUM fait et que ce projet de loi fera, c’est leur permettre de recevoir un grade officiel sous le système de classification des grains plutôt que d’avoir à le vendre selon des spécifications, comme c’est le cas actuellement.
De petites quantités de grains produits aux États-Unis se retrouvent régulièrement dans le réseau de silos canadien. On ne s’attend donc pas à ce que les changements contenus dans le projet de loi modifient beaucoup la tendance.
La sénatrice Griffin : Vous avez dit deux fois « selon nous ». Est-ce aussi le point de vue d’Agriculture et Agroalimentaire Canada?
M. Fowler : Je crois que je suis ici au nom d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. À ma connaissance, c’est le seul point de vue que je vous présente actuellement.
La sénatrice Griffin : Je l’espère. Nous allons le savoir demain.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Je veux saluer votre contribution sous un angle différent de celui de mes collègues. Il est important pour le Canada d’avoir une équipe solide et spécialisée dans les négociations économiques, commerciales et internationales. C’est un domaine extrêmement complexe, avec plusieurs secteurs qui jouent un rôle de coordination gouvernementale et qui ont une mémoire institutionnelle au fil des gouvernements, des négociations et des traités. Il y a surtout un réseau de contacts internationaux qui sont extrêmement précieux pour nous, en qualité de parlementaires, et pour l’industrie. J’apprécie beaucoup que nous puissions compter sur votre expertise.
Cela dit, je sais que le temps file et que nous avons une version définitive de cet accord de libre-échange qui devra être adoptée et obtenir la sanction royale par la suite. Évidemment, nous n’en prendrons pas connaissance aujourd’hui. Nous l’avons lu au fil des mois et des présentations précédentes.
Ma question porte sur la suite des choses, c’est-à-dire après la sanction royale et après que les règlements ont été préparés et adoptés et que toutes les obligations trilatérales ont été validées par les partenaires. Ma question porte donc sur ce qui m’apparaît un gain qui n’est pas spectaculaire, mais vraiment important à mes yeux. Contrairement à ce que souhaitaient les États-Unis, soit la résiliation automatique tous les cinq ans, et avec tous les impacts que l’on peut constater, le Canada a proposé et obtenu de suivre un processus qui mènera régulièrement à l’examen et à la modernisation de l’accord. Sur une période de 16 ans, on pense qu’il y aura, tous les 6 ans environ, un examen et une réévaluation.
Dans ce contexte, j’aimerais savoir si cela pourrait être une occasion, compte tenu de l’évolution rapide et imprévisible de l’économie nord-américaine, d’examiner les impacts de l’accord en ce qui a trait à certains secteurs particulièrement mouvants, par exemple toute l’économie numérique.
Dans certains cas, quelles seraient les options, ou avons-nous la possibilité d’actualiser l’accord, qui est quand même déjà ratifié? Qu’est-ce que vous avez en tête comme perspectives à surveiller?
Je vais aussi vous poser tout de suite ma deuxième question, qui découle un peu de la première. Par rapport aux enjeux relatifs à la gestion de l’offre, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable; il s’agit d’industries en transition qui auront besoin de conversion, non seulement au sein du marché nord-américain, mais aussi par rapport à d’autres marchés. Ce n’est pas seulement un enjeu de négociations commerciales internationales, mais aussi un enjeu de politique économique, de conversion et de transition économique.
Si vous êtes en mesure de le faire, pouvez-vous nous indiquer qui nous devrions recevoir à titre de représentant du gouvernement canadien, qui a davantage de responsabilités dans le domaine de ces enjeux de conversion et de transition des industries liées à la gestion de l’offre, particulièrement dans le domaine de la volaille, des œufs et du lait?
C’est une longue question; j’espère qu’elle est claire.
[Traduction]
M. Verheul : Je vous remercie de ces questions et en particulier de vos premiers commentaires.
Si je peux me permettre, l’équipe que nous avons pour ces négociations s’est construite sur de nombreuses années. Nous avons négocié l’AECG et le PTPGP et le présent accord. Je crois que ces négociations ont été plus intenses et plus vastes que ce que tout autre pays dans le monde a connu.
Je pense que notre équipe de négociations est la meilleure au monde. Nous possédons plus d’expertise, d’expérience et de ressources que toute autre équipe de négociations. Je tenais à profiter de l’occasion pour le dire. Je suis très fier des gens avec qui je travaille.
Au sujet de la résiliation automatique, notre objectif après avoir réussi à faire bouger les États-Unis de leur position initiale qui tenait mordicus à avoir cette résiliation dans l’accord, a consisté notamment à avoir un mécanisme intégré nous permettant de procéder régulièrement à des mises à jour.
L’ALENA est encore en place, mais il date de plus de 25 ans. Il a été modernisé un peu à quelque 11 reprises au cours des années. Le monde évolue, bien entendu, et nos accords commerciaux doivent suivre le rythme. Ils doivent être en constante évolution. Ils ne doivent pas être statiques et rester les mêmes.
Vous avez parlé du numérique. C’est bien sûr un élément que nous voulons continuer à moderniser au fil des ans pour veiller à ce que l’accord reflète ce qui se passe dans l’économie et avec la technologie.
Le secteur de l’automobile est un autre bon exemple. Comme nous le savons tous, ce secteur traverse une période de transformation fondamentale. Les automobiles de demain seront différentes de celles d’aujourd’hui. Nous commençons à discuter avec les États-Unis et le Mexique des automobiles de demain.
Comment peut-on commencer à mettre en place les règles, les règlements et les pratiques qui régiront les automobiles que l’on s’attend à voir sur les routes demain? Quels genres de disciplines et de mécanismes devrons-nous avoir pour produire ces automobiles?
Nous voulons être à l’avant-garde de la technologie partout, et il n’y a pas que les produits qui évoluent, mais c’est le cas également des techniques de fabrication. Nous réfléchissons activement à l’accord que nous voulons avoir en place actuellement, mais aussi à ce dont nous avons besoin dans 10 ou 15 ans et même au-delà. Ce sont certainement des éléments que nous allons prendre en compte dans les examens réguliers que nous allons faire de l’accord.
Pour ce qui est de la gestion de l’offre, je vais demander à M. Fowler de vous répondre.
M. Fowler : J’aime toujours à donner le contexte général de l’agriculture lorsque je parle des résultats précis pour l’industrie laitière. Je comprends le commentaire à ce sujet et les préoccupations du secteur.
Je ne veux pas minimiser les répercussions sur les secteurs de la gestion de l’offre, en particulier celui du secteur laitier. Le gouvernement les a reconnues. À l’automne 2018, le gouvernement a annoncé la création de trois groupes de travail avec les producteurs de lait, de volaille et d’œufs. Deux groupes de travail se concentraient sur les répercussions et les mesures d’atténuation. Dans le secteur laitier, un groupe de travail stratégique a été mis sur pied pour examiner les façons d’assurer la compétitivité à long terme du secteur laitier canadien sous la gestion de l’offre et se doter d’une vision à cet effet.
Les travaux de ce groupe de travail stratégique se poursuivent. Le gouvernement travaille avec les Producteurs laitiers du Canada, l’Association des transformateurs laitiers du Canada, la Commission canadienne du lait et Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui sont tous à la table. On réfléchit beaucoup à une stratégie pour assurer l’avenir à long terme du secteur laitier au Canada.
Vous avez demandé le nom d’un fonctionnaire qui pourrait comparaître. J’espère que vous me pardonnerez de ne pas pouvoir vous en fournir un à l’instant, mais je suis persuadé que nous pourrons vous fournir le nom de quelqu’un qui pourra venir discuter du sujet avec vous.
La sénatrice Saint-Germain : Oui, s’il vous plaît. Merci.
Le président : Ma question s’adresse encore une fois à M. Verheul et elle porte sur les enjeux liés aux marchés publics, un sujet qui préoccupe tous les Canadiens depuis très longtemps. Nous avons, d’une part, les Américains qui ont des règles très rigides qui régissent leurs marchés publics. Nous avons, d’autre part, les entreprises américaines qui ont accès à un marché ouvert à la concurrence ici qui leur permet de soumissionner sur nos grands projets de travaux publics, comme la construction des ponts, ou qui peuvent obtenir des contrats de nos sociétés d’État.
Nous avons tous été très déçus de constater qu’il n’y a pas eu de grands changements sur cet aspect particulier de l’accord. Le Canada doit maintenant s’en remettre surtout aux règles de l’OMC pour régler certains problèmes. De plus, comme vous le savez très bien, les Américains menacent de se retirer de l’OMC pour ce qui est des marchés publics.
Est-ce un échec pour nous? Était-ce un élément non négociable? Que suggérez-vous pour l’avenir? C’est un obstacle majeur pour nous et pour les entreprises canadiennes.
M. Verheul : Je ne dirais certainement pas le contraire. La politique et les programmes d’achat aux États-Unis sont tous les deux des irritants considérables pour le Canada, pour les entreprises canadiennes et pour les exportateurs, et ce, depuis très longtemps.
Les discussions sur les marchés publics ont été tout particulièrement acrimonieuses lors des négociations. Ce que nous proposaient les États-Unis nous aurait donné un accès au marché américain pire que celui offert au Bahreïn. En d’autres mots, nous aurions été dans une situation pire que tout autre partenaire avec qui les États-Unis ont un accord de libre-échange en ce moment. Nous ne pouvions pas accepter cela.
Nous avons présenté la proposition la plus ambitieuse que nous ayons faite au cours d’une négociation de libre-échange, mais cela vous donne une idée de la distance qui séparait nos positions.
Il était hors de question pour nous d’accepter ce que proposaient les États-Unis. Plutôt que d’accepter quoi que ce soit dans l’ALENA ou dans le nouvel ALENA qui nous aurait placés dans une situation désavantageuse, il valait mieux nous en remettre aux règles en vigueur à l’OMC sur les marchés publics. Elles nous procurent un bien meilleur accès que ce que nous avons actuellement sous l’ALENA, notamment un accès à quelque 37 États où certaines règles de l’ALENA actuel ne s’appliquent pas.
Vous avez mentionné la rumeur selon laquelle les États-Unis envisageaient de se retirer de l’Accord sur les marchés publics. À ce jour, toutes nos enquêtes portent à croire qu’il s’agit toujours d’une rumeur. Ils envisagent peut-être de le faire, mais rien n’indique concrètement qu’ils soient disposés à le faire, du moins pas à court terme.
Nous avons très clairement fait savoir aux États-Unis que s’ils se retiraient de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC, ils perturberaient l’équilibre des concessions que nous avons accepté de faire dans cet accord. Nous nous attendrions à ce que le déséquilibre créé par le retrait des États-Unis de cet accord doive être rectifié. Nous nous attendrions à devoir négocier un accord bilatéral pour nous donner ce niveau d’accès au titre de cet accord.
J’ai eu une discussion avec mes homologues pas plus tard que la semaine dernière. Cette même discussion s’est aussi déroulée à d’autres échelons. Je ferais remarquer que les représentants du milieu des affaires étatsunien sont venus vers nous et se sont dits fortement opposés au retrait des États-Unis. Ce pays comprend clairement que s’il envisageait pareille mesure, il devrait traverser un processus compliqué.
C’est un point que nous allons surveiller de près, c’est clair. Nous ne pensons pas que les États-Unis se retireront simplement de l’accord pour nous laisser très peu de ressources dans le nouvel ALENA à l’avenir.
Le président : Notre gouvernement aurait-il pu prendre d’autres mesures pour instaurer un processus Achetez canadien ou un système fortement en faveur des entreprises canadiennes?
Pareilles mesures vous auraient-elles donné plus de poids dans les négociations? Ou est-ce simplement que les États-Unis fonctionnent sur une base d’économies d’échelle tellement plus puissante que la nôtre que nous ne pouvons qu’en subir les conséquences?
M. Verheul : Faites-vous allusion aux négociations concernant les marchés publics en particulier?
Le président : C’est exact.
M. Verheul : Oui. Les attitudes sont très différentes aux États-Unis. Ils ont des programmes tant à l’échelon étatique que national. Ils en ont deux à l’échelon national en particulier. Les États-Unis y sont très attachés. Ils obtiennent vraiment la faveur politique dans certains cercles.
Vous avez peut-être vu dans la presse que certaines de nos provinces prennent contact avec des États pour essayer de conclure des accords sur certains éléments, mais je pense que les États-Unis demeurent hautement protectionnistes sur ce point.
Lorsque nous avons négocié l’accord avec l’Union européenne, nous sommes allés beaucoup plus loin dans le dossier des marchés publics. Nous avons un accès plus important que n’importe quel autre pays à l’extérieur de l’Union européenne aux marchés publics de celle-ci, qui sont très vastes puisqu’elle compte 27 États membres. Nous commençons déjà à constater des gains de ce côté.
L’attitude des États-Unis est différente. Nous avons toujours des options pour participer aux marchés publics de ce pays, mais le maintien de ces droits est une bataille constante, pas seulement pour nous, mais pratiquement pour chaque pays dans le monde.
[Français]
Le sénateur Massicotte : J’aurais deux petites questions.
J’aimerais parler encore une fois des producteurs laitiers. Ils allèguent que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique limitera leurs exportations ailleurs qu’aux États-Unis et au Mexique. Est-ce bien le cas?
[Traduction]
M. Fowler : Les dispositions relatives aux exportations s’appliquent aux exportations mondiales vers tous les pays. Reste à voir si ces dispositions seront restrictives, mais elles s’appliquent aux exportations vers tous les pays.
Le sénateur Massicotte : En conséquence, c’est un essai global et étant donné qu’ils exportent déjà considérablement à l’échelle locale et autre, ils seront peut-être moins en mesure d’exporter ailleurs, non?
M. Fowler : Difficile de répondre à cette question, et je ne veux pas faire de conjectures sur l’évolution de la dynamique des marchés au cours des prochaines années. Je peux dire qu’en 2019, les exportations mondiales de poudre de lait écrémé et de concentré de protéines laitières étaient en deçà du seuil d’exportation de 55 000 tonnes métriques qui s’appliquera dans un an.
Si l’accord s’était appliqué l’an dernier, les exportations canadiennes de ces produits n’auraient pas déclenché les droits à l’exportation qui s’appliquent sous ce seuil.
M. Verheul : J’aimerais ajouter une importante clarification à ce que vous venez de dire. Ces limites d’exportations s’appliquent à trois produits : la poudre de lait écrémé, le concentré de protéines laitières et les préparations pour nourrissons. Aucune restriction n’est imposée aux autres exportations de produits laitiers dans cet accord, y compris la poudre de lait, par exemple, qui n’est pas très différente de la poudre de lait écrémé. Il s’agit d’une disposition très étroite qui se rapporte uniquement à ces produits en particulier.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Monsieur Verheul, vous avez dit dans votre témoignage qu’il y avait encore beaucoup de négociations en cours avec nos partenaires, et qu’il y aura donc des délais pour ce qui est de signer toutes ces ententes. Cela veut-il dire que la date d’entrée en vigueur de l’ACEUM sera retardée pour peaufiner ces documents? Ou alors, la date d’entrée en vigueur restera-t-elle fixée aux jours qui suivront l’approbation du projet de loi de mise en œuvre? S’il y a un délai, est-ce que cela pourrait satisfaire indirectement les producteurs laitiers en ce qui a trait à la date d’entrée en vigueur de leurs mesures?
[Traduction]
M. Verheul : L’entente conclue entre les États-Unis et le Mexique à l’issue des négociations a été que l’accord entrerait en vigueur la première journée du troisième mois suivant le dernier avis de ratification.
À ce jour, aucun des trois membres n’a publié son avis de ratification. Tout dépendra du moment où nous verrons ces avis. Notre entente ne sera pas complète avant que nous ayons terminé ce processus, qu’elle ait reçu la sanction royale et que les questions d’ordre réglementaire que j’ai mentionnées aient été réglées.
C’est une chose. J’ai aussi mentionné que nous devons terminer des travaux trilatéraux. Les États-Unis doivent mener à bien leur processus de certification pour informer le Congrès qu’ils estiment que le Canada et le Mexique prennent les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations prévues dans le cadre de l’accord.
Il reste encore fort à faire. Il est difficile de prévoir le temps qu’il faudra pour terminer. Je ne vais pas essayer de donner de date potentielle. Je dirai simplement que nous avons encore pas mal de pain sur la planche.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Il est donc possible que les préoccupations des producteurs laitiers fassent en sorte que nous observerons la date d’échéance qu’ils réclamaient, en fait?
[Traduction]
M. Verheul : La seule chose que j’ajouterais est que les États-Unis nous ont dit très clairement à de nombreuses occasions qu’ils voulaient que l’accord entre en vigueur dès que possible et qu’ils feraient pression pour que cela se produise.
J’ai aussi mentionné que leur propre loi contient une disposition selon laquelle ils pourraient aller de l’avant avec les parties qui ont ratifié l’accord. Dans ce cas, il n’y aurait que les États-Unis et le Mexique. Ils pourraient bien insister plus fermement sur ce point si nous finissons par prendre plus de temps que ce à quoi ils s’attendent.
La question de savoir quand l’accord entrera en vigueur est délicate. Il reste encore fort à faire avant que nous puissions avoir une bonne idée du moment où cela se fera.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Je veux revenir à la nature des études dont le sénateur Housakos a parlé brièvement tout à l’heure.
Madame Paquet, j’avoue que je trouve que la justification donnée pour expliquer la nature de cette étude relativement peu convaincante. Le Congrès américain a reçu une étude de 400 pages qu’il a eu le temps d’analyser, de modifier et de présenter pour qu’elle soit ratifiée. Cette étude comparait l’ancienne et la nouvelle versions de l’ALENA. Il n’a pas examiné d’étude qui comparait le nouvel ALENA à l’absence d’ALENA.
Je trouve très difficile de penser que nous opterions pour un autre type d’approche, alors je vais vous poser la question suivante : l’étude que nous avons élaborée était-elle une initiative indépendante d’Affaires mondiales ou le conseil des ministres ou le gouvernement a-t-il chargé Affaires mondiales de mener une étude de cette nature plutôt que de comparer l’ancienne et la nouvelle versions de l’ALENA?
Mme Paquet : Oui, il s’agissait d’une initiative indépendante. Dans les faits, c’est nous qui avons proposé de la présenter de cette façon, car, comme je l’ai dit, c’est la situation à laquelle nous pensions faire face.
Le sénateur MacDonald : Je ne crois pas que c’est ce à quoi nous faisions face. Si vous prenez l’étude étatsunienne, ce n’est pas ce qu’ils ont présenté. Cette étude comparait l’ancienne et la nouvelle versions de l’ALENA. Pourquoi ne pas en faire autant de notre côté?
Mme Paquet : Les États-Unis ont aussi décidé de présenter trois scénarios différents. Comme je l’ai déjà dit, c’était la première fois. Si vous le faites d’une certaine façon, vous obtenez un résultat négatif. Si vous le faites d’une autre façon, le résultat est positif.
C’est une approche différente, oui, et nous croyons qu’elle est beaucoup plus conforme à la situation à laquelle nous faisions face.
M. Verheul : Je peux peut-être ajouter quelque chose. À l’approche du début des négociations, avant que le gouvernement ait décidé de les entamer, nous avons tenu un certain nombre de discussions avec les États-Unis. On nous a donné un choix assez difficile : la fin de l’ALENA ou la négociation d’un nouvel ALENA. On ne nous a pas donné le choix de maintenir l’ALENA en vigueur ou de négocier un nouvel accord. C’était l’un ou l’autre.
Le sénateur MacDonald : Qui a dit que l’ALENA prendrait fin? Le Bureau du président des États-Unis ou le Congrès?
M. Verheul : Il est clair que le message est venu du gouvernement.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, les juristes ne s’entendaient pas sur la question de savoir si le président pouvait ou non mettre fin à l’ALENA. Certains avis juridiques que nous avons reçus laissaient entendre que le président des États-Unis est habilité à le faire. Il peut assurément amorcer le processus de six mois et il est assez possible qu’il puisse le mener à bien.
Au fil des ans, le Congrès a accordé un pouvoir croissant au gouvernement pour gérer ces questions.
Robert Brookfield, directeur général et conseiller juridique adjoint, Droit commercial, Affaires mondiales Canada : Il s’agit d’une situation juridique nationale très complexe aux États-Unis. L’aperçu simplifié est que le Congrès a la compétence constitutionnelle en matière de commerce international. Il a délégué ce pouvoir dans bien des lois, y compris la loi originale de mise en œuvre de l’ALENA et l’article 232 pour habiliter le président à imposer des droits sur l’acier et l’aluminium.
La croyance populaire parmi la plupart des analystes commerciaux aux États-Unis est que le président a, à lui seul, le pouvoir de retirer les États-Unis de l’ALENA parce que la loi de mise en œuvre de l’ALENA de ce pays l’habilite à modifier les droits et à retirer la définition de ce qui constitue l’ALENA dans ce pays.
Le sénateur MacDonald : Aucun de ces éléments ne nous empêche de mener une étude comparative comme ils l’ont fait. C’est tout.
Le président : Je veux réitérer ce point comme je l’ai fait plus tôt. Je suis d’accord avec le sénateur MacDonald pour dire qu’il est clair qu’on a eu tort de ne pas mener d’étude comparative avec l’accord en vigueur pour pouvoir juger du nouvel accord.
Ce que je trouve encore plus flagrant, honnêtement, reste le fait qu’Affaires mondiales n’a pas présenté d’analyse économique au moment où cet accord a été déposé le 29 janvier.
Le moment était propice parce le gouvernement avait écarté l’entente et les négociations étaient à peu près terminées. Un bon laps de temps s’est écoulé avant que le Parlement reprenne ses travaux et que l’accord soit déposé à la Chambre des communes.
Encore une fois, nous demanderons au ministre de répondre à cette question en particulier parce que, au bout du compte, c’est le gouvernement qui présente ces rapports au comité de la Chambre. Ne pas donner aux députés de la Chambre des communes toute l’information nécessaire pour qu’ils tirent leurs conclusions constitue une grave omission.
La sénatrice Ataullahjan : La ministre Freeland a énoncé certains objectifs principaux du gouvernement dans le cadre des négociations. Elle a dit que la mention des changements climatiques dans l’accord était « absolument un objectif du Canada à l’amorce des ces pourparlers ».
Cependant, seulement quelques mois auparavant, les États-Unis avaient dit qu’ils ne mettraient pas en œuvre l’Accord de Paris et signalé qu’ils allaient s’en retirer. L’accord que nous avons ne comprend pas de cibles mesurables de réduction de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
Était-il sage pour le gouvernement de consacrer du capital de négociation à des objectifs inatteignables? Les négociateurs ont-ils formulé des conseils à cet égard? Le cas échéant, seriez-vous en mesure de nous dire en quoi consistaient ces conseils?
M. Verheul : Nous avons tenté d’intégrer la question des changements climatiques aux négociations. C’était un de nos objectifs pour essayer de régler ces questions.
Il a été difficile de faire des progrès sur toute question relative à l’Accord de Paris ou aux changements climatiques face à la résistance des États-Unis. Au bout du compte, nous avons assez bien réussi à garantir l’inclusion d’articles sur les biens et services environnementaux, la gestion durable des forêts et la qualité de l’air. Notamment en ce qui concerne l’Accord de coopération dans le domaine de l’environnement, nous avons inclus des obligations de coopérer dans des secteurs comme l’efficacité énergétique, les énergies de remplacement et les énergies renouvelables, et les technologies à faibles émissions.
Tous ces types de questions étaient notre façon d’intégrer autant de questions concrètes en lien avec l’environnement et les changements climatiques dans l’accord sans parler directement de changements climatiques et, en particulier, de l’Accord de Paris avec les États-Unis, car ils n’auraient jamais accepté.
Avec ce que nous avons réalisé, nous avons réussi à contourner certains objectifs des États-Unis et à dégager un certain nombre de priorités que nous cherchions à intégrer à l’accord.
La sénatrice Ataullahjan : Pourrions-nous obtenir une liste de ces priorités? J’aimerais connaître nos réalisations.
M. Verheul : Absolument. Nous pouvons vous la fournir.
Le président : J’ai une autre question concernant les dispositions sur les données numériques. Comme vous le savez, certains analystes se sont dits préoccupés par la sécurité des données canadiennes aux termes de cet accord.
Récemment, dans un article du Washington Post, M. Michael Geist, professeur à l’Université d’Ottawa, qui a témoigné devant des comités sénatoriaux à un certain nombre d’occasions, a affirmé que ces dispositions :
[... entravent les politiques en ligne...] en restreignant les mesures de protection des renseignements personnels et en gênant les efforts déployés pour instaurer une nouvelle réglementation dans l’environnement numérique.
Êtes-vous du même avis que M. Geist?
M. Verheul : Non, je pense que mon point de vue serait différent.
Il est clair que les dispositions que nous avons adoptées respectaient les renseignements personnels de façon assez exhaustive. Nous devons nous rappeler que certains des éléments de l’accord, y compris l’inclusion directe des obligations découlant de l’Accord général sur le commerce des services, comprennent l’exception à la protection des renseignements personnels.
Nous avons aussi des obligations plus précises en ce qui concerne la protection des renseignements personnels, et nous ne voyons aucune restriction à notre capacité d’ajouter des dispositions ou de prendre d’autres mesures de notre côté en ce qui concerne la protection des renseignements personnels.
Le président : Monsieur Verheul et membres du groupe de discussion, avec l’accord de mes collègues, j’aimerais vous demander si vous avez un mot de la fin pour le comité.
M. Verheul : Non. Nous sommes ravis d’avoir eu l’occasion de vous parler cet après-midi et de répondre à vos questions. Je vous souhaite du succès dans vos études futures.
Le président : Au nom du comité, je vous remercie pour le travail gargantuesque que vous avez accompli. Nous savons que la négociation d’un accord de 800 milliards de dollars n’est pas une mince affaire et que vous l’avez fait en protégeant les intérêts des Canadiens.
Vous avez travaillé très fort, et nous vous remercions ainsi que votre équipe de l’avoir fait. Nous savons gré aux représentants d’Affaires mondiales d’avoir passé du temps avec nous pour répondre à nos questions.
Chers collègues, sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)