LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 12 mai 2021
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 13 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 26, 27 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures.
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je suis Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider ce comité. Nous tenons aujourd’hui une réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Avant de commencer, j’aimerais vous faire part de plusieurs suggestions utiles qui, selon nous, vous aideront à avoir une réunion efficace et productive. Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler à la présidente ou au greffier et nous nous efforcerons de résoudre le problème.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je ferai de mon mieux pour que tout le monde puisse poser une question. Si vous n’êtes pas membre du comité, veuillez faire savoir au greffier que vous avez une question à poser. Si vous êtes membre, inutile de lui dire.
Honorables sénateurs, nous commençons aujourd’hui notre étude préalable des sections 26, 27 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-30, Loi d’exécution du budget. Les sections 26 et 27 portent sur les juges et la section 37 sur les élections.
Monsieur le ministre, je vais maintenant vous présenter les sénateurs présents : la vice-présidente, la sénatrice Batters, le vice-président, le sénateur Campbell, le sénateur Gold, le sénateur Boisvenu, la sénatrice Boniface, le sénateur Carignan, le sénateur Cotter, le sénateur Dalphond, la sénatrice Dupuis, la sénatrice Pate, la sénatrice Simons et le sénateur Tannas. La sénatrice Moncion, marraine du projet de loi, participera également à la séance.
Dans le premier groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable David Lametti. Honorables sénateurs, je vous préviens que le ministre Lametti ne sera ici que pour discuter des sections 26 et 27 concernant les juges. Il est accompagné de fonctionnaires de la Section des affaires judiciaires du ministère de la Justice du Canada, soit Patrick Xavier, avocat-conseil par intérim, Toby Hoffmann, directeur et avocat général par intérim, et Anna Dekker, directrice adjointe et avocate-conseil par intérim.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
L’honorable. David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, madame la présidente. Bonjour, honorables sénateurs. C’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui. Je me joins à vous de mon bureau d’Ottawa, sur le territoire traditionnel du peuple algonquin. Je tiens d’abord à remercier Patrick Xavier, Toby Hoffmann et Anna Dekker, qui font partie de mon équipe, d’être là avec moi.
Je vous remercie de m’avoir invité à parler de ces modifications importantes qui font partie du projet de loi de mise en œuvre du budget de 2021. Ce budget vise à répondre aux besoins urgents d’aujourd’hui et à assurer la prospérité à long terme.
Avant de parler des sections sur lesquelles porte l’étude préalable du comité, il me semble important de les situer dans le contexte global de la vision du gouvernement que traduit le budget de 2021.
Ce budget est sans précédent à bien des égards. Je me contenterai de dire qu’il s’agit d’un budget fondamentalement fondé sur la réaffirmation de la confiance des Canadiens à l’égard de leurs forces, de leur résilience et des aspects de la société qui nous ont portés par le passé et qui continueront de le faire à l’avenir.
[Français]
Premièrement, nous avons l’intention de vaincre la COVID-19. Pour ce faire, il faut acheter des vaccins et soutenir les systèmes de soins de santé provinciaux. Il faut fournir à la population et aux entreprises canadiennes le soutien dont elles ont besoin pour surmonter les dernières vagues et pour revenir en force lorsque l’économie rouvrira complètement.
Deuxièmement, le budget de 2021 trace une voie pour sortir avec force de la récession causée par la COVID. Il faut récupérer aussi rapidement que possible les emplois perdus et s’assurer que les entreprises durement touchées rebondissent rapidement et qu’elles sont en mesure de prospérer.
Enfin, notre gouvernement entend bâtir un avenir meilleur, plus juste, plus prospère et plus innovateur.
[Traduction]
C’est dans ce contexte que j’aborde les sections 26 et 27 du projet de loi C-30. Elles portent sur deux aspects du système de justice, pierre angulaire de notre société, qui ont retenu l’attention du gouvernement. Celui-ci est déterminé à maintenir et à accroître la confiance du public dans le système de justice et la magistrature, ainsi qu’à promouvoir l’accès à la justice et la capacité des cours supérieures de faire leur travail.
Voyons d’abord la section 26. La Loi sur les juges charge le Conseil canadien de la magistrature d’enquêter sur les plaintes déposées contre les juges nommés par le gouvernement fédéral et, en cas d’inconduite grave, de faire des recommandations au ministre de la Justice au sujet de leur révocation. Si la révocation est recommandée, le ministre peut mettre la question aux voix dans les deux chambres du Parlement, conformément au paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1867. Si les deux chambres votent en faveur de la révocation, le gouverneur général peut révoquer le juge.
[Français]
Les juges ont le droit de contester une recommandation de révocation devant les tribunaux. En fait, ils continuent d’accumuler du service ouvrant droit à pension pendant le temps qu’il faut pour résoudre de telles contestations, qui peuvent aller jusqu’à la Cour suprême du Canada.
Les contestations pourraient être perçues comme un moyen pour les juges de tirer un avantage pécuniaire en prolongeant le délai de calcul de leur pension, ce qui risque par conséquent de miner la confiance du public en l’intégrité des juges nommés par le gouvernement fédéral.
L’objectif de ces modifications est de s’assurer qu’une telle perception ne se produit pas ou qu’elle est réduite, autant que possible. À cette fin, cette section modifie la Loi sur les juges de manière à empêcher un juge d’accumuler des années de service ouvrant droit à pension à partir du jour où le Conseil canadien de la magistrature recommande sa révocation au ministre de la Justice, avant qu’une contestation ne soit engagée.
[Traduction]
La section prévoit également la reprise de l’accumulation des années de service ouvrant droit à pension, comme s’il n’y avait jamais eu d’interruption, si la recommandation de révocation finit par être rejetée par un tribunal, sur contrôle judiciaire, par le ministre de la Justice ou par les deux Chambres du Parlement ou l’une d’entre elles.
Enfin, la section prévoit que les cotisations de pension d’un juge cessent le jour où ses années de service arrêtent de s’accumuler, et que le juge doit verser les cotisations manquantes si l’accumulation reprend.
Comme vous le savez peut-être, toute modification de la rémunération des juges doit être étudiée par la Commission d’examen de la rémunération des juges. Les modifications proposées ont été examinées et approuvées par cette commission dans un rapport du 28 octobre 2019. De façon à respecter les préoccupations en matière d’équité exprimées par la commission au sujet de la rétroactivité des modifications, celles-ci ne s’appliqueront pas aux recommandations de révocation antérieures à leur entrée en vigueur.
Je passe maintenant à la section 27. Les modifications apportées par cette section font augmenter de 13 le nombre de juges affectés à divers tribunaux au Canada. Nous reconnaissons qu’un système de justice accessible exige des processus judiciaires efficaces qui aident les Canadiens à obtenir dans les meilleurs délais le règlement de leurs différends juridiques. C’est pourquoi le gouvernement s’est engagé à créer de nouveaux postes de juge, à réduire les délais judiciaires et à améliorer l’accès à la justice dans les cours supérieures du Canada.
Les modifications proposées à la Loi sur les juges, à la Loi sur les Cours fédérales et à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt répartissent les 13 nouveaux postes comme suit : un nouveau juge à la Cour d’appel fédérale, cinq à la Cour supérieure de justice de l’Ontario et deux à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, à la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan et à la Cour canadienne de l’impôt. Enfin, un nouveau poste de juge en chef adjoint est proposé à la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
L’annonce du budget et les modifications proposées sont l’aboutissement d’un processus mis en œuvre il y a plusieurs années par mon ministère. Elles visent à fournir aux tribunaux une occasion normalisée et prévisible de demander une augmentation des effectifs judiciaires conformément au processus budgétaire fédéral et aux échéanciers.
Une lettre d’appel est envoyée à toutes les cours supérieures, qui sont alors invitées à indiquer si elles ont besoin de juges supplémentaires pour gérer les pressions liées à la charge de travail. Mes fonctionnaires travaillent avec des représentants des tribunaux, ainsi qu’avec des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux pour élaborer une analyse de rentabilisation à l’appui de leurs demandes.
La création de postes de juge représente une importante dépense récurrente de fonds publics. Le dossier d’analyse vise donc à fournir le plus de preuves empiriques possible pour permettre une évaluation équitable et objective des besoins de chaque tribunal en matière de ressources judiciaires. Il vise ainsi à fournir aux décideurs fédéraux — moi-même et mes collègues du Cabinet — des renseignements détaillés et à jour qui leur permettront de fournir les ressources publiques disponibles.
[Traduction]
Les 13 postes prévus à la section 27 sont répartis entre les tribunaux qui ont présenté des analyses justifiant leurs demandes. Je reconnais que le nombre de juges que chaque tribunal reçoit ne correspond pas toujours à ce qui a été demandé. Je rappelle à ce propos qu’il revient au gouvernement dans son ensemble de déterminer comment affecter des fonds dans le budget pour accroître les ressources judiciaires, à la lumière des priorités globales du gouvernement.
Comme nous l’avons vu cette année, de façon plus saisissante que jamais, ces décisions du gouvernement ne sont ni faciles ni simples quand nous sommes confrontés à des défis qui touchent tant d’aspects de la vie quotidienne au Canada. En même temps, ces 13 postes supplémentaires permettent au gouvernement de contribuer à réduire les délais pour les tribunaux touchés, et de souligner que l’accès à la justice pour les Canadiens est une priorité absolue du gouvernement.
[Français]
Honorables sénateurs, permettez-moi de terminer là où j’ai commencé. Le budget de 2021 vise à reconnaître la nécessité de relever les défis qui se présentent et auxquels nous faisons toujours face, à une époque de difficultés sans précédent. Nous devons puiser dans nos ressources de détermination sur de nombreux fronts, et la justice ne fait pas exception.
Je suis heureux que les modifications proposées présentées aujourd’hui réaffirment l’engagement du gouvernement à accroître la confiance du public à l’égard du système de justice et à augmenter la capacité des cours supérieures pour mieux les aider à servir la population canadienne qui compte sur elles.
Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre exposé. Je remercie également tous les fonctionnaires qui vous accompagnent.
Monsieur le ministre, avant de passer aux questions, puis-je avoir une précision? Avons-nous fait une analyse comparative entre les sexes? Je comprends qu’il y a un Rapport sur les impacts du budget 2021, mais à part cela, y a-t-il eu une analyse comparative entre les sexes pour le projet de loi à l’étude?
M. Lametti : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Une analyse comparative entre les sexes a été réalisée pour l’ensemble du budget, et vous y avez accès. Évidemment, mon équipe a rédigé ses propositions en tenant compte des priorités fondées sur le sexe, mais comme le projet de loi a été rédigé par la ministre des Finances, l’analyse comparative entre les sexes a été faite par son ministère.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Campbell : Bienvenue, monsieur le ministre. Vous avez comparu si souvent que nous devrons faire de vous un membre honoraire du comité.
La question que je me pose, et pour laquelle j’ai eu de la difficulté à trouver des réponses, est la suivante : combien de postes vacants y a-t-il actuellement? C’est une bonne idée de nommer un plus grand nombre de juges, et elle est fondée sur les faits solides que vous avez énoncés. Combien de postes vacants y a-t-il actuellement parmi tous les postes qui sont de votre ressort?
M. Lametti : En date du 1er mai, nous en avions 36, ce qui est plutôt bas. Nous ferons d’autres nominations dans un proche avenir pour réduire encore plus le nombre de postes vacants.
Le sénateur Campbell : L’idée est bonne, je le répète, mais j’ai constaté, au gré de mes entretiens avec certains d’entre eux, que la grande plainte des tribunaux tient au fait qu’ils manquent de ressources et que les postes vacants ne sont pas comblés. Je suis heureux d’apprendre que des nominations seront faites. Merci beaucoup.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Je comprends les propos que tient le sénateur Campbell et mes questions iront dans le même sens.
Monsieur le ministre Lametti, une partie du projet de loi C-30 ajoute ces 13 nouveaux postes des cours supérieures parce qu’ils « aideront les tribunaux à traiter leurs dossiers en temps utile ». Toutefois, depuis cinq ans et demi, votre gouvernement se fait reprocher, notamment par le Comité sénatorial des affaires juridiques, de ne pas combler rapidement les postes vacants. Le nombre de postes de juges fédéraux vacants au Canada pendant votre mandat varie généralement entre 40 et 60, et ce, même si vous êtes au pouvoir depuis longtemps.
Le problème ne tient pas tant à la création de postes de juge qu’à la dotation des postes. Or, cela relève de votre seul gouvernement, et c’est la dotation des postes qui peut aider à atténuer les problèmes majeurs de délais dans les tribunaux pénaux au Canada. Ces délais peuvent entraîner l’abandon d’accusations graves au pénal. Votre gouvernement n’arrive toujours pas à combler les postes vacants. Comment pouvons-nous avoir l’assurance que ces 13 nouveaux juges seront nommés rapidement?
M. Lametti : Merci de votre question, madame la sénatrice.
En 2016, nous avons mis en place un nouveau processus de nomination des sénateurs qui est plus transparent et qui s’appuie sur le travail rigoureux des comités de nomination des juges partout au Canada. Il est probablement juste de dire que le système a pris un peu de temps à démarrer, mais il fonctionne raisonnablement bien, si on fait abstraction de la longue période des élections de 2019 — et c’est peut-être une leçon à retenir pour l’avenir. Entre juin 2019 et le moment où nous nous sommes remis en route, avec l’assermentation des ministres — dans mon cas, c’était une nouvelle assermentation —, il n’y a eu aucune nomination de juge. Sinon, le système a très bien fonctionné.
Il n’y a plus que 36 postes vacants. Ce chiffre va encore baisser. La leçon que nous avons apprise, c’est que nous devrions continuer à nommer des juges, sauf pendant la période électorale proprement dite, lorsqu’il y a des élections en vue. Les comités consultatifs à la magistrature, ou CCM, fonctionnent raisonnablement bien. Parfois, ils sont difficiles à constituer parce qu’il faut faire appel à divers milieux. Souvent, ce sont les gouvernements provinciaux ou territoriaux qui nomment des représentants à ces comités, mais ils sont déjà en place et fonctionnent. Comme je l’ai dit, il y a 36 postes vacants, ce qui est un nombre plutôt bas, et il y en aura bientôt encore moins. Je pense qu’on est satisfait de la qualité des nominations que nous avons faites, sur le plan de la diversité aussi bien que de la qualité.
Enfin, nous avons pris d’autres mesures pour accélérer le dispositif. Le projet de loi C-75 de la dernière législature a un effet positif, et le projet de loi C-22, que j’ai proposé à la Chambre des communes et qui éliminera un certain nombre de peines minimales obligatoires, accélérera grandement le travail du système de justice pénale. Plus de la moitié des contestations fondées sur la Charte dont les tribunaux canadiens sont actuellement saisis portent sur des peines minimales obligatoires, et il leur est souvent fait droit. Ces affaires engorgent souvent les systèmes et ont pour malheureuse conséquence que des ressources judiciaires sont utilisées pour des gens qui ne devraient pas être en prison, vu la nature de leur crime ou de leur accusation. Nous finissons par gaspiller de précieuses ressources dans ce genre d’affaire. Tout cela sera utile, et nous prenons ces mesures au sérieux.
La sénatrice Batters : Tout d’abord, vous avez mis en place ce nouveau processus en 2016, il y a maintenant cinq ans. La période électorale de 2019 a commencé à la mi-septembre, et votre gouvernement a été assermenté en novembre. Cela ne vous a pas enlevé beaucoup de temps. Votre gouvernement est resté au pouvoir, et vous avez conservé le même portefeuille, ce qui aurait dû réduire les délais.
M. Lametti : Objection, madame la sénatrice. On nous a dit de ne pas faire de nominations pendant l’été. C’était la première fois que nous avions une date fixe pour une période électorale. La leçon à tirer pour la prochaine fois, c’est qu’il faut continuer à faire des nominations jusqu’à l’émission des brefs.
La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, je vais passer à un autre sujet. Dans votre...
La présidente : Madame la sénatrice Batters, puis-je vous inscrire au deuxième tour, s’il vous plaît?
La sénatrice Batters : Bien sûr.
[Français]
La sénatrice Moncion : Merci, monsieur le ministre. Je regrette d’avoir été en retard à la réunion.
Ma question porte sur la section 26 de la partie 4 du projet de loi qui modifie la Loi sur les juges. Pourriez-vous expliquer pourquoi des règles différentes devraient s’appliquer aux juges?
Généralement, en matière de droit de l’emploi et de droit du travail, dans d’autres secteurs, les prestations ne cessent pas au moment de la révocation, mais après qu’une décision finale a été prise. Dans le projet de loi, pourquoi proposez-vous un traitement différent, c’est-à-dire qu’à partir du moment où il y a une demande de révocation, la personne arrêterait de recevoir son salaire?
Pourriez-vous expliquer la nuance qui existe dans ce projet de loi, le changement que vous voulez apporter par rapport à ce qui se passe dans d’autres instances où, lorsqu’elle commet une faute, la personne reste en poste? Elle est en congé, mais avec solde. Je pense que c’est ce qui existe actuellement dans le système.
M. Lametti : Merci, madame la sénatrice, pour votre question. Les juges constituent un cas particulier parce qu’il faut maintenir la confiance du grand public à l’égard du système judiciaire.
Lorsqu’un juge est accusé de comportement illégal où, dans l’espèce, il est vrai que pendant le processus, il continue d’accumuler des années de service alors qu’il poursuit ses recours judiciaires devant les tribunaux, cela donne l’impression que le juge pourrait employer ces démarches comme une stratégie, justement pour faire augmenter ses années de service.
On vient de vivre, madame la sénatrice, une situation semblable avec un juge qui a été nommé par l’ancien gouvernement. Cette personne a employé chaque outil pour prolonger le processus. Finalement, elle a pris sa retraite quand elle a terminé ses recours judiciaires et que j’ai annoncé publiquement que j’allais poursuivre un processus selon l’article 99 de la Constitution pour la destituer.
Malheureusement, on ne peut rien toucher, mais ce sont les juges et la commission qui ont voulu un tel changement. Les juges sont très sensibles à leur réputation et à la confiance du grand public à l’égard de leur travail. Nous avons travaillé avec eux, mais ils ont souhaité le changement.
La sénatrice Moncion : Merci. Dans quelles circonstances le ministre de la Justice rejetterait-il la recommandation du Conseil canadien de la magistrature relativement à la révocation d’un juge? Y a-t-il des précédents? Si oui, lesquels?
Dans le projet de loi, on mentionne la recommandation de la magistrature et l’attribution d’un pouvoir prépondérant au ministre. Pourriez-vous nous expliquer les circonstances où vous utiliseriez ce pouvoir et nous dire si cette situation s’est déjà produite?
M. Lametti : À ma connaissance, ce n’est jamais arrivé. Il n’y a pas de précédent. Dans le cadre de la rédaction du projet de loi, il s’agit d’une soupape de sécurité. On respecte l’indépendance de la magistrature et on accorde le droit à un juge de se défendre, soit devant les tribunaux ou l’une des deux Chambres — le Sénat ou la Chambre des communes — soit devant le ministre de la Justice. De la même façon, cela fait partie de mon rôle lorsqu’il s’agit de personnes qui ont été reconnues coupables et qui ont toujours la possibilité d’un recours au ministre de la Justice.
Il est difficile de spéculer, mais je peux vous dire que ce serait un cas très rare et que cela ne s’est jamais produit jusqu’à maintenant dans l’histoire de notre fédération.
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre, d’être présent aujourd’hui. Vous avez dit, dans vos remarques et dans la réponse à la sénatrice Moncion, que les juges ont voulu ce changement. Pourriez-vous développer un peu ce sujet? Notamment, pourriez-vous nous expliquer quelles mesures ont été prises afin de préserver l’indépendance judiciaire?
Dans un deuxième temps, pour mon bénéfice et celui de mes collègues, pouvez-vous nous indiquer combien de juges ont fait l’objet d’une recommandation de destitution depuis que le processus actuel est en place et qu’il y a un Conseil canadien de la magistrature?
Pouvez-vous aussi rappeler à nos collègues que la recommandation de destitution arrive après un processus enclenché soit par un ministre de la Justice, soit par des plaintes jugées suffisantes pour justifier une enquête du Conseil canadien de la magistrature?
M. Lametti : Merci, sénateur, pour votre question. Oui, c’est le Conseil canadien de la magistrature (CCM), qui recommande la révocation d’un juge après un processus, à la suite d’une plainte auprès du ministre de la Justice ou d’un tiers.
À ma connaissance, sénateur Dalphond, cela ne s’est jamais produit par le passé. Il y a eu des enquêtes, mais il n’y a pas eu de recommandation de révocation. C’est quelque chose qui est assez rare. Si je ne me trompe pas, cela ne s’est pas produit plus d’une ou deux fois.
C’est la Commission d’examen de la rémunération des juges qui a approuvé ces modifications dans un rapport, en 2019, et qui a proposé une telle solution. Je peux aussi vous dire que le CCM voulait trouver une solution. Effectivement, on devrait aussi apporter des modifications à la loi au moyen d’un projet de loi pour redéfinir le processus d’appel, qui est l’autre partie de la solution.
Je peux vous dire, monsieur le sénateur, que ces travaux sont en cours et qu’ils devraient se conclure dans un avenir rapproché. C’est vraiment le CCM, mené par le juge en chef Wagner, qui a encouragé ces changements.
Comme je viens de le dire à la sénatrice Moncion, les juges — et vous êtes au courant aussi, étant donné votre expérience — sont très sensibles à la réputation de la magistrature, à la transparence de celle-ci et à son comportement.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je remarque que si le projet de loi prévoit de nouveaux juges pour la Colombie-Britannique et la Saskatchewan, il n’y en aura pas pour l’Alberta, et je constate aussi que vous avez dit que les juges ont été répartis en fonction des justifications établies par les provinces.
Pourriez-vous me dire si l’Alberta a en fait demandé un plus grand nombre de juges, étant donné que nous avons dans la province un problème de longue date de manque de ressources judiciaires?
M. Lametti : Merci, madame la sénatrice. Je vais demander à mes collaborateurs dans un instant de donner une réponse concrète au sujet de la demande de l’Alberta. Je peux dire que nous avons travaillé en étroite collaboration avec les provinces et, comme je l’ai dit, il s’agit d’un processus continu. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, nous avons régularisé un processus qui permettra aux provinces de présenter continuellement des demandes et d’être au courant des cycles budgétaires. Nous espérons que ce n’est pas la dernière fois que nous créons de nouveaux postes de juge. En fait, j’en ai demandé un plus grand nombre dans le budget. C’est un besoin constant, mais, comme dans toutes les décisions, il y a un certain nombre de choix difficiles à faire.
Est-ce qu’un membre de mon équipe est en mesure de répondre à la question au sujet de l’Alberta?
La sénatrice Simons : Je suis très curieuse de savoir si la province a présenté une demande.
Me Toby Hoffmann, directeur et avocat général par intérim, Section des affaires judiciaires, ministère de la Justice du Canada : Merci, madame la sénatrice, et merci, monsieur le ministre. Ma collègue, Anna Dekker, est également présente.
Le processus de 2019 a eu lieu avant que je ne m’occupe de cette question. Je sais que Me Dekker faisait partie de notre section à l’époque. Je lui demanderais de nous renseigner si elle le peut. Merci.
Me Anna Dekker, directrice adjointe et avocate-conseil par intérim, Section des affaires judiciaires, ministère de la Justice du Canada : Merci, maître Hoffmann. Je vous remercie de la question.
Nous avons travaillé avec diverses administrations qui ont fait des demandes, et il y a un processus normalisé par lequel les tribunaux ou les gouvernements peuvent faire de telles demandes. Pour ce qui est de la demande qui a servi de base aux affectations du budget de 2021, je dois dire que l’Alberta n’a rien demandé.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Je comprends cela.
Le sénateur Cotter : Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureux que vous vous joigniez de nouveau à nous, comme vous semblez le faire régulièrement. J’ai trois questions, et je vais les poser une à la fois. Si je dois attendre le deuxième tour pour poser certaines d’entre elles, je le ferai.
Je reviens sur la réponse que vous avez faite à la question du sénateur Dalphond sur tout le processus relatif à la bonne conduite et à l’inconduite des juges. J’appuie le changement que vous avez proposé et je voterai en faveur de celui-ci, mais ce changement, du moins d’un point de vue financier, ne représente en fait qu’une petite partie du coût global de l’examen des questions d’inconduite des juges. Le processus est long et coûteux. Ce qui jette le discrédit sur l’administration de la justice? Je vous dirai que ce qui fait le plus problème, tant du point de vue des juges que de celui du public qui prête attention à la question, c’est le processus même, avec ses coûts et ses retards. Que pensez-vous de ces changements et de leur urgence?
M. Lametti : Merci beaucoup, monsieur le sénateur Cotter. Je suis d’accord sur le fondement de votre question, sur toutes les présomptions et tous les faits qui la sous-tendent.
Le CCM et les juges — le CCM est la plus haute instance de la magistrature — ainsi que l’Association canadienne des juges des cours supérieures et d’autres instances, se sont réunis et ont fait des propositions concernant le processus, comme vous l’avez souligné à juste titre. Il s’agissait de le rendre non seulement équitable, mais aussi efficace, pour qu’il protège les intérêts d’un juge qui a fait l’objet d’une plainte ou d’une accusation grave, mais ne soit pas non plus interminable, et pour que la situation soit claire en ce qui concerne les appels, en ce sens qu’on ne peut pas interjeter appel à répétition. C’est ce que nous venons de vivre, malheureusement.
Nous avons maintenant sur la table une proposition visant à clarifier ce processus, à le rendre uniforme, cohérent et efficace, tout en maintenant l’équité et la justice et en préservant la transparence. Comme je l’ai dit dans la réponse que j’ai donnée au sénateur Dalphond, c’est une question qui devrait faire l’objet d’une loi qui aurait l’appui de la magistrature. Cela réglerait le problème.
Le sénateur Cotter : Dans la liste des nouveaux postes qui seront créés, il y a un poste de juge en chef adjoint. Je crois que c’était à la demande de la juge en chef Fry de Terre-Neuve-et-Labrador. Il y a une sorte d’incohérence d’un bout à l’autre du pays en ce qui concerne les tribunaux qui ont des juges en chef adjoints et ceux qui n’en ont pas. Vous et vos collègues, avez-vous une structure ou une approche pour aborder cette question?
M. Lametti : Je vous remercie de cette question. Encore une fois, je suis d’accord sur cette observation. C’est une demande de la juge en chef de Terre-Neuve-et-Labrador. Il s’agit effectivement d’un poste à caractère administratif, comme vous le savez, et le but est de faire correspondre la composition de la Cour de Terre-Neuve-et-Labrador à celle de la Cour de la Nouvelle-Écosse en particulier, qui a un poste de cette nature.
Nous comptons sur les juges en chef pour nous dire s’ils ont besoin de ce poste et pour le justifier. C’est un investissement supplémentaire dans la cour, et il dépend de la taille et du rôle de la cour et des questions de compétence, mais vos observations sont exactes.
La sénatrice Pate : Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureuse de vous voir, vous et vos collaborateurs. J’ai deux questions et, comme le sénateur Cotter, je vais les poser toutes les deux et j’espère que vous aurez la possibilité d’y répondre.
Comme il y a très peu de révocations, que les juges ont de bonnes raisons de retarder les procédures de révocation, que des juges comme le juge Michel Girouard ont abusé de façon flagrante de la situation et que la section 26 ne s’applique pas aux juges faisant l’objet d’une enquête au moment de l’entrée en vigueur du projet de loi, il y a lieu de se poser des questions. Pourquoi avez-vous décidé de ne pas soumettre à ces dispositions ceux qui font déjà l’objet d’une enquête?
Deuxièmement, étant donné que le budget de 2021 comprend aussi un engagement à rétablir la Commission du droit du Canada, quel rôle cette commission devrait-elle jouer, selon vous, dans l’examen de certaines des difficultés signalées par les personnes racialisées, les Autochtones et les Noirs au sujet de la nécessité de remédier au manque de représentativité de la magistrature?
M. Lametti : Merci de ces deux questions, madame la sénatrice. Permettez-moi de répondre d’abord à la deuxième, car que je suis absolument ravi que la Commission du droit du Canada soit rétablie. C’est très important pour moi en tant que ministre de la Justice et universitaire, mais aussi parce que j’ai eu comme mentor le regretté Rod Macdonald, qui a été l’un des présidents de la commission et qui a eu un impact profond sur ma vie et ma carrière. Je suis absolument ravi.
L’une des raisons que j’ai invoquées pour justifier le rétablissement du financement de la commission, c’est précisément la nécessité de s’attaquer aux questions de racisme systémique dans notre système de justice et de faire appel aux meilleurs conseils possible des Canadiens de tous les horizons et de personnes de l’étranger, Autochtones et non-Autochtones, afin de dégager les meilleures idées. C’est certainement l’un des argumentaires qui, à mon avis, ont aidé à convaincre mes collègues que c’était une bonne chose.
En ce qui concerne les juges en exercice, il y a un problème d’équité à agir de façon rétroactive, lorsqu’on modifie des règles et les applique rétroactivement. Nous avons décidé qu’il était tout simplement plus équitable d’agir prospectivement. Comme je l’ai dit, l’accumulation des années de service ouvrant droit à pension fait partie de cet ensemble de dispositions financières et législatives applicables à l’avenir; les juges ont largement contribué à élaborer ces dispositions pour que les procédures applicables en matière d’inconduite soient équitables à l’avenir. Nous pensons que c’est le bon équilibre sur le plan de l’équité. Même s’il ne nous plaît pas de voir que certains ont pu abuser ou non du système, il est malheureusement plus juste d’aller de l’avant avec un nouvel ensemble de règles claires et de ne les appliquer qu’à partir de maintenant.
La sénatrice Boniface : Bonjour et merci, monsieur le ministre, de comparaître une fois de plus. Ma question porte sur la section 26 et l’interruption de l’accumulation des années de service ouvrant droit à pension si la recommandation du CCM est annulée. Je suppose que vous vous attendiez à devoir appliquer une certaine rétroactivité en fonction du montant de la pension et de la durée des années de service. Est-ce exact?
M. Lametti : Tout à fait. Et cela vaut tant en ce qui concerne les contributions du gouvernement qui auraient dû s’accumuler que la possibilité que le juge réinjecte ses propres cotisations.
La sénatrice Boniface : Ma deuxième question fait suite à celle de la sénatrice Batters au sujet de la nomination des juges et des taux de vacance. Vous avez rappelé les projets de loi C-22 et C-75. Y a-t-il vraiment une stratégie globale pour éliminer l’arriéré et simplifier le système, au-delà de la question des nouveaux juges et de ces deux projets de loi?
M. Lametti : Je vous remercie de la question. Nous sommes toujours à la recherche de façons d’améliorer le système de justice pénale.
Le projet de loi C-75 a apporté un grand nombre de réformes. Nous sommes toujours en train de vérifier comment elles se concrétisent dans le système. Évidemment, nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues des provinces et territoires; nous observons le processus afin de trouver comment le rendre plus rapide.
C’est particulièrement vrai, madame la sénatrice, dans le contexte de la COVID. Vous m’avez déjà entendu parler d’un comité que j’ai coprésidé avec le juge en chef du Canada et qui comprenait des représentants provinciaux ainsi que des administrateurs judiciaires et des juges en chef de divers tribunaux du Canada, afin d’échanger de l’information et d’élaborer des pratiques exemplaires pour que les tribunaux continuent de fonctionner, mais aussi pour les aider à redémarrer après la crise, et ces efforts se poursuivront. Tous les tribunaux ont continué leur activité dans une certaine mesure pendant la pandémie, avec des ralentissements dans divers domaines, mais nous continuerons de travailler sur ce plan et, encore une fois, d’essayer de maintenir la circulation de l’information dans le système afin que nous puissions continuer à en améliorer l’efficacité.
La sénatrice Boniface : Merci, monsieur le ministre.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Bonjour, monsieur le ministre, et merci d’être ici aujourd’hui. J’ai deux questions dont l’une, plus précise, fait suite à la réponse que vous avez donnée à la sénatrice Moncion. Est-ce que la modification à la section 26 fait en sorte que c’est le droit à la pension qui sera interrompu à partir du moment où une plainte est déposée contre un juge et non pas le salaire? Ai-je bien compris?
M. Lametti : Oui, après une décision du Conseil canadien de la magistrature; cela n’arrive pas à la suite d’une plainte, mais vraiment à partir du moment où une décision est prise par le Conseil canadien de la magistrature.
La sénatrice Dupuis : Ce n’est pas le salaire qui est interrompu, c’est la possibilité d’augmenter le fonds de pension?
M. Lametti : Oui, c’est exact.
La sénatrice Dupuis : Merci de cette précision.
Ma deuxième question concerne les critères qui servent à établir l’augmentation du nombre de juges dans les provinces. Vous avez bien expliqué que les tribunaux déterminent eux-mêmes leurs besoins. Quand le Comité des affaires juridiques a étudié les délais en matière de justice criminelle, on a entendu des opinions très contrastées de certains juges en chef, selon lesquels il n’y avait aucun problème lié aux délais. Ils avaient pris certains types de mesures et donnaient des exemples concrets de mesures qui avaient été prises pour réduire les délais.
Au-delà des besoins déterminés, c’est-à-dire quand un juge en chef vous dit qu’il a besoin d’un certain nombre de juges de plus, y a-t-il des critères qui s’appuient sur la population de chaque province ou le nombre de crimes qui mènent à des accusations dans chaque province, ou ces critères sont-ils uniquement fondés sur les besoins exprimés par les juges en chef?
On comprend le principe du maintien de l’indépendance judiciaire. Toutefois, lorsqu’il s’agit de transparence en matière d’attribution des juges — deux juges de plus ici, trois en Ontario, deux en Nouvelle-Écosse, le juge en chef adjoint qu’on ajoute à Terre-Neuve parce que la Nouvelle-Écosse en a un —, ça semble un peu arbitraire.
Y a-t-il moyen d’obtenir plus d’informations? Ces critères peuvent-ils être rendus publics, parce que la confiance du public à l’égard du système repose aussi sur la transparence des critères qui sont pris en compte?
M. Lametti : Merci, madame la sénatrice. Oui, on a essayé d’instaurer un processus qui est stable et objectif, au moyen de critères objectifs. Donc, nous tenons compte de la population. Je vais demander à Me Dekker d’ajouter des précisions ou de faire la lumière sur les critères qui sont pris en compte.
[Traduction]
Me Dekker : Merci beaucoup, monsieur le ministre, et merci de votre question, madame la sénatrice. Je serais heureux de vous fournir un peu plus de renseignements sur la façon dont la Section des affaires judiciaires évalue les justifications qui lui sont communiquées.
Comme vous l’avez entendu, souvent, la démarche trouve son origine dans une demande d’un juge en chef, et celui-ci explique que le tribunal a eu du mal à s’acquitter de sa charge de travail, par exemple. La question essentielle est donc de savoir comment le tribunal gère la charge de travail. Les renseignements pertinents comprennent des éléments comme les tendances observées et les nouvelles affaires, réparties en catégories comme les affaires pénales, civiles ou familiales, les tendances et les caractéristiques du cheminement des affaires, comme le temps d’attente, et la disponibilité des juges, qui peut également être évaluée en jours ou en heures de séance.
Le plus important est notre examen des tendances observées dans le nombre des affaires en attente. S’il a augmenté de façon constante, cela révèle que l’effectif judiciaire n’est peut-être pas suffisant. Si la charge de travail en nouvelles affaires et le répertoire ne diminuent pas, cela pourrait être attribuable non seulement au nombre de nouvelles affaires, mais aussi à leur complexité.
Donc, comme le ministre l’a dit, il ne s’agit pas d’appliquer une certaine formule à tous, car les différentes administrations ont des capacités différentes de produire des données statistiques d’une part, mais aussi parce que nous travaillons avec les administrations pour évaluer chaque demande au mérite.
Comme vous l’avez dit, madame la sénatrice Dupuis, les juges en chef gèrent leurs tribunaux, et il faut respecter l’indépendance judiciaire. Donc, étant donné que la situation démographique, géographique ou sociale varie considérablement — comme, par exemple, les règlements à l’amiable ou les mesures qui ont été mises en place —, les comparaisons entre les administrations peuvent nous éclairer, mais la population n’est pas un facteur déterminant.
Comme les données que les tribunaux nous communiquent sont confidentielles et sont très étroitement liées à la fonction judiciaire, et donc à l’indépendance judiciaire, nous essayons de respecter tout cela avec eux et de conseiller le ministre en tenant compte de ces chiffres. C’est donc plus qu’une simple demande de nouveaux postes de juge. Nous travaillons avec les administrations et les bureaux des juges en chef pour veiller à ce qu’il y ait des données justificatives...
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci de la réponse. J’aimerais m’inscrire à la deuxième ronde de questions.
Le sénateur Carignan : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. C’est toujours un plaisir de vous recevoir.
Vous avez dit au sénateur Dalphond qu’il est extrêmement rare que des recommandations soient faites pour révoquer un juge. À votre connaissance, il est difficile d’en trouver. Donc, je tiens pour acquis, selon votre expérience, qu’il y en a très peu.
Pourquoi avoir introduit une disposition aussi précise dans un projet de loi omnibus — parce que c’est un projet de loi omnibus qui est devant nous — alors qu’il s’agit d’une application théorique? Pourquoi ne pas avoir fait une réforme en profondeur, comme vous l’ont recommandé le juge Wagner, le Conseil canadien de la magistrature et votre lettre de mandat?
M. Lametti : Merci, monsieur le sénateur, de cette excellente question. La réponse est oui. Nous allons procéder à une réforme. Le Conseil canadien de la magistrature et la Commission d’examen de la rémunération des juges viennent de nous remettre un rapport à ce sujet et nous allons suivre leurs recommandations.
Dans le budget, nous n’avons réglé qu’une partie du problème : la question des pensions. Je dois vous avouer que cela a été provoqué par le cas de M. le juge Girouard, qui a exploité le système, vu que le processus n’était pas clairement défini. Il y avait des incertitudes quant aux appels qui auraient pu être poursuivis. Je dois dire qu’il a profité de chaque occasion pour porter les décisions en appel.
C’est vraiment une réaction positive de la part de la magistrature en vue de créer un système qui est transparent et juste, et qui protège les individus. Donc, nous allons instaurer les recommandations de ma lettre de mandat, comme vous venez de le mentionner. Nous espérons, dans un proche avenir, mettre en œuvre le reste des recommandations au moyen d’un projet de loi.
Le sénateur Carignan : Je comprends, mais cette disposition ne s’appliquera pas au juge Girouard. Selon la disposition qui apparaît dans le budget, il n’y a pas d’effet rétroactif.
M. Lametti : Oui, exactement.
Le sénateur Carignan : Il s’agit de cas très rares dans l’histoire, alors cela ne s’appliquera probablement jamais.
Pourquoi, alors, ne pas avoir pris le temps de faire un travail comme il faut? Le projet de loi C-3 a été introduit et concerne les juges. On se retrouve avec un petit morceau dans un projet de loi omnibus et on engagera plus tard une autre réforme plus vaste, semble-t-il.
Pourquoi ne pas avoir englobé cela, ce qui nous permettrait d’évaluer l’ensemble et d’en constater l’impact? Surtout, quand on s’attaque au processus judiciaire, en tenant compte de l’indépendance judiciaire, si on commence à soulever une pierre, une autre pierre et une autre encore sans avoir une vue d’ensemble, on met en danger le processus d’indépendance judiciaire et on s’expose à de possibles contestations. Pourquoi ne pas nous donner le portrait complet plutôt que des morceaux qui, dans ce cas précis, ne s’appliqueront probablement jamais?
M. Lametti : Monsieur le sénateur, je dois dire que je ne partage pas votre opinion. La Commission d’examen de la rémunération des juges nous a demandé d’agir dès que possible pour ce qui est des pensions. C’est ce que nous sommes en train de faire. Cela fait partie du budget parce que cela devrait faire partie d’un budget. Nous allons procéder au moyen d’un projet de loi. Le Sénat jouera son rôle : il aura l’occasion d’en faire l’étude et de nous poser des questions. Je ne partage pas les prémisses de votre question.
Nous agissons comme il le faut; nous collaborons avec la magistrature, justement parce qu’elle a droit à l’indépendance. Nous travaillons ensemble, nous avons une relation très positive et nous allons corriger la situation comme il se doit.
Je ne partage pas non plus l’opinion selon laquelle on ne doit pas agir puisque cela arrive très rarement. On a vu un cas où cela aurait pu être résolu d’une façon plus juste. Donc, il faut être prêt et nous serons prêts.
Le sénateur Carignan : Alors, pourquoi n’avez-vous pas modifié la Loi sur le gouverneur général en même temps?
La présidente : C’est maintenant le tour du sénateur Boisvenu.
Le sénateur Boisvenu : Bonjour, monsieur le ministre. Je réitère les remerciements de mes collègues. Merci d’être avec nous aujourd’hui.
Ma question va dans le même sens que celle posée plus tôt par la sénatrice Dupuis lorsqu’elle vous a demandé des précisions quant aux critères. Il me semble que vous n’avez pas donné une réponse très précise. Ma question comporte deux volets.
À l’heure actuelle, de nombreux postes sont vacants au niveau de la magistrature, soit plus de 35, dont plusieurs au Québec. On le sait, le Québec est une des provinces où les délais judiciaires sont les plus longs au Canada. En 2016, votre prédécesseur nous avait promis l’instauration d’un processus d’embauche des juges beaucoup plus performant et efficace que celui que l’on a aujourd’hui — on n’a qu’à regarder le nombre de postes vacants.
Allez-vous nous présenter un deuxième volet à cette réforme? On le voit bien, des postes de juges sont vacants et cela fait en sorte que la machine prend du retard.
Le comité, sous la présidence de Bob Runciman, avait proposé au gouvernement en 2013 ou 2014, lors de l’examen des retards judiciaires, que les juges qui partent à la retraite — ils prennent leur retraite autour de 75 ans et on connaît exactement la date de leur départ du système de justice — soient remplacés quelques mois avant leur départ. Je le rappelle, on connaît la date. Selon les statistiques actuelles, monsieur le ministre, le système de votre prédécesseur n’a pas donné de résultats. Allez-vous nous proposer un nouveau système pour faire en sorte que ces postes soient pourvus rapidement et que la justice soit rendue efficacement?
M. Lametti : Merci de cette question, sénateur. Évidemment, je ne partage pas votre opinion. Je crois que le système fonctionne très bien. En effet, il y a 36 postes vacants, mais cela va diminuer au cours des prochaines semaines.
Encore une fois, comme je viens de le répondre à votre collègue la sénatrice Batters, nous avons appris des leçons avec les élections dans un système —
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, en 2015, quand votre gouvernement est arrivé au pouvoir, une cinquantaine de postes étaient vacants au niveau de la magistrature. Aujourd’hui, il y en a plus de 36. Ne me dites pas que le système en place est efficace!
Je vais répéter ma question. Allez-vous proposer au gouvernement un système de remplacement de la magistrature plus efficace que celui qui est en place aujourd’hui?
Au Québec, il y a sept postes vacants, ce qui fait en sorte que les palais de justice sont aux prises avec des délais inacceptables, surtout pour les victimes.
M. Lametti : Merci, monsieur le sénateur. Je crois que le système fonctionne très bien. Plus de 400 juges ont été nommés depuis 2016. Il y a un total de 923 juges en fonction actuellement au Canada, et avec les juges surnuméraires, cela porte le total à 1 211. Il y a 36 postes vacants.
Le sénateur Boisvenu : Pourtant, vous connaissez exactement la date à laquelle un juge prendra sa retraite, à moins qu’il décède en fonction. On avait proposé un processus de nomination des juges avant leur départ à la retraite. Avez-vous mis ce processus en place?
M. Lametti : On tient compte du fait qu’il y aura des départs à la retraite, mais nous travaillons plutôt avec des listes de candidats et candidates évalués par les comités consultatifs à la magistrature. Ce processus est en place dans tout le pays et cela fonctionne relativement bien. Comme je viens de le dire, 450 juges ont été nommés depuis 2015 et nous avons ajouté 90 nouveaux postes depuis 2017. Je crois donc que cela va très bien.
Nous avons instauré un processus qui garantit une très grande qualité et une grande diversité dans les bancs. Je crois aussi que les nominations sont très bien acceptées surtout par les victimes et la communauté juridique.
Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur le ministre.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Monsieur le sénateur Carignan, vous m’avez dit que vous aviez une très brève question à poser. Je vais l’autoriser, si vous voulez bien la poser tout de suite.
[Français]
Le sénateur Carignan : En fait, j’ai posé ma question, mais je n’ai pas obtenu de réponse.
Même s’il s’agit de cas très rares, nous avons eu un cas très rare qui s’est produit avec la gouverneure générale. Il était aussi question de la pension. Une personne peut être nommée à titre de gouverneur général, occuper la fonction pendant une journée, démissionner et toucher sa pleine pension. C’est odieux.
Si vous l’avez fait pour le juge Girouard, alors que cela se produit très rarement, pourquoi le gouvernement ne l’a-t-il pas fait dans le cas de la gouverneure générale, qui a démissionné avant la fin de son mandat de cinq ans?
M. Lametti : Merci de cette question. C’est une question que vous devrez poser au ministre Leblanc, qui me suivra sous peu.
Le sénateur Carignan : Il aura entendu ma question et il aura le temps de s’y préparer.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur le ministre. J’ai une question à vous poser. Vous avez parlé du projet de loi C-22. Comme vous le savez, nous vous avons même écrit à ce sujet. Nous avons très hâte de recevoir ce projet de loi. Où en est-il?
M. Lametti : Merci, madame la présidente. Il est toujours à l’étude à la Chambre des communes. Nous essayons de le faire adopter le plus tôt possible. Il en est encore à l’étape de la deuxième lecture. Il n’a donc pas été renvoyé au comité pour étude. Mais nous tenons à le faire adopter.
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Gold : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Tout d’abord, je suis très heureux de vous voir. Comme mes collègues l’ont déjà dit, c’est la troisième fois que vous comparaissez devant le comité pour parler des projets de loi C-7 et C-3. Merci beaucoup d’avoir accepté l’invitation.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le rythme de dotation des postes de juge vacants? Pouvez-vous nous donner une idée de ce que vous espérez accomplir au cours d’une période de 12 mois, compte tenu des nouveaux postes envisagés ici et des postes existants? À votre avis, à quoi peut-on raisonnablement s’attendre pour la nomination de nouveaux juges?
La présidente : Monsieur le ministre, c’est une très longue question, et nous n’avons presque plus de temps. Je vois que le ministre LeBlanc est là, alors je vais vous donner deux minutes pour répondre.
M. Lametti : Merci, madame la présidente. Je suis heureux d’être ici. Je commence à me sentir chez moi devant le comité.
Mon objectif est simplement de procéder continuellement à des nominations. Le défi que pose la nomination continue est de veiller à ce que les CCM soient toujours en place et actifs. Ils ont un mandat de deux ans. Parfois, il faut du temps pour reconstituer les CCM, puis travailler constamment avec les listes qu’ils fournissent afin de nommer les juges dans les meilleurs délais. Il est déraisonnable de penser que nous atteindrons un jour l’objectif zéro, mais dans un monde idéal, je voudrais ne jamais avoir plus de 20 à 40 postes vacants. Lorsque le nombre est plus élevé, je redouble d’efforts.
Parfois, comme je l’ai dit, il y a des obstacles, comme la constitution d’un comité consultatif où l’un de nos partenaires ne propose pas de candidat. Nous devons alors insister pour qu’il le fasse. Mais, en général, il me semble juste de dire que si nous n’avons pas une longue période d’inactivité à cause des élections à date fixe, nous devrions pouvoir nous en tenir à ce niveau et même améliorer l’efficacité dans une certaine mesure.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Honorables sénateurs, je suis vraiment désolée que nous n’ayons pas pu avoir un deuxième tour. Merci de votre patience.
Monsieur le ministre, vous pouvez constater que nous avons beaucoup de questions à vous poser. Nous pourrions poursuivre avec vous pendant une autre heure. Je vous remercie de vous rendre toujours disponible, et je sais que nous nous reverrons bientôt.
M. Lametti : Merci d’avoir posé des questions sur le budget. Je vous en suis très reconnaissant. Merci.
La présidente : Honorables sénateurs, dans le deuxième groupe de témoins, nous accueillons Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales et président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, qui nous parlera de la section 37 de la partie 4 du projet de loi d’exécution du budget, qui porte sur les élections. Le ministre est accompagné d’Allen Sutherland, secrétaire adjoint du Cabinet, au Bureau du Conseil privé, et de Manon Paquet, directrice, Projets spéciaux, au Secrétariat des institutions démocratiques.
Monsieur le ministre, avant de commencer, je voudrais vous présenter les membres du comité, soit les vice-présidents, la sénatrice Batters et le sénateur Campbell, le sénateur Boisvenu, la sénatrice Boniface, le sénateur Carignan, le sénateur Cotter, le sénateur Dalphond, la sénatrice Dupuis, la sénatrice Pate et la sénatrice Simons, le sénateur Tannas et le sénateur Gold.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre des Affaires intergouvernementales et président du Conseil privé de la Reine pour le Canada : Merci, madame la présidente. Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur de comparaître devant le comité, et je vous en remercie.
Madame la présidente, vous me permettrez peut-être d’abord quelques observations personnelles. C’est un plaisir de vous rencontrer, même virtuellement. Nous nous connaissons depuis plus de 20 ans. J’y réfléchissais ce matin. J’admire depuis longtemps votre travail à la Chambre haute, particulièrement en ce qui concerne les droits de la personne.
J’ai regardé la composition du comité. C’est un groupe de sénateurs impressionnant et intimidant. Je suis heureux que David Lametti ait comparu avant moi. Toutes les questions techniques et juridiques compliquées lui auront été posées, et c’est fort bien, par de nombreux sénateurs ayant une profonde connaissance du droit et de la Constitution. J’ai grand hâte de participer à cet échange, et je vous remercie de votre invitation.
Honorables sénateurs, comme votre présidente l’a dit, je comparais pour aborder toute question dont vous pensez que je pourrais discuter, en particulier la section 37 de la partie 4 du projet de loi C-30. Comme l’a dit votre présidente, cette section porte précisément sur la Loi électorale du Canada. Elle a également présenté mes collaborateurs du Bureau du Conseil privé qui m’accompagnent. Ils se trouvent à Ottawa tandis que je m’adresse à vous de Moncton, au Nouveau-Brunswick. S’il y a des questions auxquelles ils peuvent mieux répondre grâce à leurs compétences, je serai évidemment heureux qu’ils le fassent.
Cette partie du projet de loi C-30 propose des modifications à la Loi électorale du Canada pour préciser que la disposition qui interdit les fausses déclarations au sujet de certains acteurs politiques exige qu’on sache que la déclaration est fausse.
Cette disposition interdit de faire ou de publier de fausses déclarations au sujet de certains acteurs politiques pour influer sur les résultats des élections. Cela comprend, entre autres, les allégations selon lesquelles ces acteurs ont commis un crime ou des allégations au sujet de leur citoyenneté, de leur lieu de naissance ou de leurs études, pour ne donner que quelques exemples.
[Français]
Comme bon nombre d’entre vous le savent, le 19 février 2021, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a statué que cette disposition de la Loi électorale du Canada est inconstitutionnelle et sans effet en Ontario.
La cour a déterminé que, même si la disposition exige une preuve d’intention d’influencer les résultats d’une élection, elle n’exige pas de savoir que la déclaration elle-même est fausse. Notre gouvernement n’a pas porté la décision de la cour en appel, parce que nous croyons qu’une modification ciblée qui répond directement aux préoccupations de la cour est préférable.
[Traduction]
La modification proposée donnerait suite à la décision du tribunal en exigeant explicitement que la personne ou l’entité qui fait ou publie une fausse déclaration sache qu’elle est fausse. C’est pourquoi elle ajoute le mot « sciemment » aux deux dispositions relatives aux infractions prévues à l’article 91. Il est important de noter que, dans ses directives, la cour a reconnu qu’il était important de s’attaquer à la menace croissante de la désinformation.
Les élections fédérales sont des occasions importantes pour tous les Canadiens de se faire entendre et, évidemment, d’exprimer leur opinion en votant. En même temps, la participation des électeurs et d’autres intervenants, y compris les tiers enregistrés, par exemple, devrait être assortie de règles et de responsabilités claires. Il s’agit, par exemple, des limites de dépenses et de l’interdiction faite aux tiers d’utiliser des fonds provenant de l’étranger. Grâce à la modification proposée, ces règles s’étendent à la protection contre les renseignements délibérément faux visant à influer sur les résultats des élections, ce qui peut avoir un effet dévastateur sur la confiance dans nos institutions démocratiques.
En particulier, la modification assurerait une protection contre les personnes et les entités qui répandent des faussetés flagrantes au sujet des acteurs politiques pour influer sur les résultats des élections. Ces faussetés ont souvent des répercussions négatives disproportionnées sur les femmes, les personnes racialisées et les peuples autochtones, parmi d’autres groupes sous-représentés par le passé.
[Français]
De plus, le commissaire aux élections fédérales, l’agent indépendant responsable de la conformité et de l’application de la Loi électorale, a révélé dans son rapport annuel de 2018-2019 qu’un certain nombre des plaintes reçues au cours de la 43e élection générale était lié à la disposition sur les fausses déclarations.
Cela démontre que les électeurs canadiens et les candidats, entre autres, sont profondément préoccupés par cette situation.
Honorables sénateurs, cette modification est également importante en raison du rôle que joue cette disposition pour se prémunir contre les faussetés flagrantes et, dans le cadre de nos efforts plus vastes, comme gouvernement et comme société, pour lutter contre la désinformation.
[Traduction]
Je conclurai mes observations en soulignant brièvement certains des travaux importants que le gouvernement du Canada réalise pour contrer la menace croissante et en constante mutation de la désinformation. Par exemple, les fonds injectés par le ministère du Patrimoine canadien dans l’Initiative de citoyenneté numérique visent à renforcer la résilience des citoyens en reconnaissant que les Canadiens sont la meilleure ligne de défense dans notre effort collectif de lutte contre la désinformation.
De plus, nous avons récemment publié L’approche multipartite : Recueil sur la défense des processus électoraux, qui est l’aboutissement du leadership conjoint du gouvernement du Canada, en collaboration avec Microsoft et l’Alliance for Securing Democracy, relativement au principe 3 de l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace. J’ai récemment publié cet ouvrage avec le président de Microsoft, Brad Smith, et le German Marshall Fund des États-Unis. Le recueil a été élaboré après une série de six ateliers offerts en collaboration avec des partenaires internationaux et des experts du gouvernement, de l’industrie et de la société civile. Il vise à communiquer des observations clés et à approfondir la compréhension mondiale des moyens de lutter contre la cyberingérence dans les élections.
Ces partenariats et initiatives, alliés aux modifications ciblées proposées à la Loi électorale du Canada, aident le Canada à demeurer à l’avant-garde dans la compréhension de ces menaces en évolution et la riposte à ces menaces.
Encore une fois, madame la présidente, je vous remercie de m’avoir invité.
[Français]
Je répondrai à vos questions avec plaisir. Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de vos observations. Nous allons maintenant passer à la première question, qui sera posée par la marraine du projet de loi.
[Français]
La sénatrice Moncion : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous cet après-midi et merci aussi pour vos remarques.
Ma première question est la suivante : comment le projet de loi C-30 s’intègre-t-il dans les mesures du budget actuel?
M. LeBlanc : Merci, sénatrice, de votre question.
Évidemment, dans un projet de loi budgétaire, le gouvernement entreprend plusieurs dispositions qui changent, dans bon nombre de cas, plusieurs différents projets de loi.
La décision de la Cour supérieure de l’Ontario a été rendue, je crois, en février, il y a à peine quelques mois. C’était tout récemment parce que j’ai été consulté sur la question de porter la décision en appel. Nous avons cru bon, étant donné que le Parlement est minoritaire — puisqu’on ne sait jamais quand on pourrait déclencher des élections générales — d’ajouter simplement un mot à la Loi électorale. Cela ferait en sorte que la décision de la Cour supérieure de l’Ontario ne sera pas appliquée seulement en Ontario et permettrait donc d’éviter une situation de non-conformité dans d’autres provinces.
La sénatrice Moncion : Merci. Pourriez-vous préciser, justement, cette disparité entre l’Ontario et le reste des provinces en ce qui a trait à cette modification?
M. LeBlanc : Premièrement, la cour a refusé de suspendre son application du jugement, alors le jugement a pris effet au moment de la décision de la cour. Par conséquent, en Ontario, il y aura effectivement une loi électorale nationale qui ne sera pas la même que dans d’autres provinces ou territoires du pays. Ce n’est pas idéal d’avoir une disposition électorale qui ne s’applique pas partout au pays.
Étant donné que la décision relève de la Cour supérieure de l’Ontario, elle s’applique en Ontario seulement. Voilà pourquoi nous avons pensé qu’il s’agissait de la façon la plus efficace de respecter la décision de la cour et, en même temps, de l’appliquer de manière générale à l’échelle du pays — si cette modification est adoptée par le Parlement.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous passons maintenant à la sénatrice Batters, l’un des deux vice-présidents du comité.
La sénatrice Batters : Monsieur le ministre LeBlanc, avant les modifications apportées par votre gouvernement à la Loi électorale du Canada, en 2018, par le projet de loi C-76, le mot « sciemment » figurait dans la loi. Lorsque des députés conservateurs se sont opposés à la suppression de ce terme et ont essayé à deux reprises de le réinsérer dans le projet de loi C-76, votre gouvernement majoritaire a bloqué ces efforts. Votre gouvernement prétend maintenant que la suppression de ce mot était d’ordre administratif.
Dans son jugement, la juge Davies a dit ce qui suit au sujet de l’avis donné par le lieutenant-commandant Jean-François Morin, haut fonctionnaire du Bureau du Conseil privé, au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre des communes pendant l’étude article par article sur les amendements conservateurs au projet de loi C-76 :
Plus important encore, l’avis donné au Comité permanent par M. Morin selon lequel l’inclusion du terme « sciemment » au paragraphe 91(1) était inutile, redondante et déroutante était, pour plusieurs raisons, inexact et peut-être trompeur.
La juge a ensuite énuméré toutes les raisons pour lesquelles elle en arrivait à cette conclusion.
Monsieur le ministre, il est étonnant de voir un juge critiquer aussi sévèrement les conseils donnés par un haut fonctionnaire à un comité parlementaire qui étudie un projet de loi. Vous étiez président du Conseil privé de la Reine pour le Canada lorsque l’affaire a été entendue par ce tribunal l’automne dernier et que ce jugement cinglant a été rendu en février.
Le Conseil privé a-t-il pris des mesures, une fois que le jugement a été connu, lequel décrit avec précision les conseils erronés que votre fonctionnaire a donnés à un comité parlementaire? Lesquelles?
M. LeBlanc : Sénatrice Batters, de toute évidence, les hauts fonctionnaires qui sont régulièrement invités à comparaître devant les comités du Sénat ou de la Chambre des communes donnent — dans la pleine mesure de leurs efforts et de leurs connaissances — les conseils et les renseignements dont ils disposent.
Nous respectons également le fait qu’un juge dans une affaire judiciaire devant une cour donnée — dans ce cas-ci, la Cour supérieure de l’Ontario — puisse avoir un point de vue différent. Nous respectons la décision de la cour, et c’est pourquoi, par exemple, nous n’avons pas fait appel de la décision. Cependant, nous cherchons à corriger le problème et, comme vous l’avez souligné, à réintroduire le mot « sciemment » dans la loi. Nous croyions de bonne foi, au moment de l’adoption du projet de loi C-76, qu’il s'agissait d’une sorte d’amendement de forme qui éclaircirait la situation. La cour a exprimé un point de vue différent. Nous sommes heureux de respecter l’avis de la cour et d’agir en conséquence.
Je ne sais pas si Al Sutherland ou Manon Paquet veulent ajouter quelque chose, mais selon nous, l’avis qui a été donné à ce moment-là était valable, la cour avait une position différente et on est en train de répondre à la décision de la cour.
Allen Sutherland, secrétaire adjoint du Cabinet, Bureau du Conseil privé : Monsieur le ministre, je pense que vous avez très bien répondu. Je n’ai rien à ajouter.
La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, cela allait au-delà d’une divergence d’opinions ou d’un point de vue différent. Cela a eu une telle incidence sur la décision que la juge a dit :
Après un examen attentif des amendements dans le contexte de la Loi électorale du Canada dans son ensemble, il ne me reste qu’une seule interprétation plausible selon laquelle le législateur avait l’intention de supprimer le mot « sciemment » du paragraphe 91(1) afin de tenir compte d’un changement important à l’interdiction et à l’infraction.
Je tiens à vous dire que ce genre de conseil, monsieur le ministre, peut avoir une incidence considérable, qui peut amener un juge à présumer de l’intention du législateur. D’après votre réponse, je suppose que vous n’avez pris aucune mesure concernant votre ministère, mais je vous demande de l’envisager.
Merci.
La présidente : Nous allons passer au sénateur Campbell, l’autre vice-président du comité.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Monsieur le ministre, merci d’être ici aujourd’hui. Ma question est de nature plutôt technique. Peut-être que quelqu’un de votre groupe pourra y répondre.
L’amendement que vous proposez est à l’article 486 du Code criminel, et le jugement auquel la sénatrice Batters fait référence invalide l’article 91, parce que le mot « sciemment » n’y apparaît pas.
Pourriez-vous m’expliquer pourquoi on a choisi de ne pas amender l’article 91 en réponse au jugement, mais plutôt d’amender l’article 486, ce qui fait que l’infraction ne requerra pas la présence de l’intention, donc la notion de « sciemment », alors qu’on devra plutôt faire la preuve que ceux qui seront poursuivis —la personne ou l’entité —agissaient sciemment?
M. LeBlanc : Merci, sénateur Dalphond, de votre question. Vous avez raison, c’est la voie que le ministre de la Justice a privilégiée pour nous sur le plan des démarches, pour donner suite à la décision de la Cour supérieure de l’Ontario. Peut-être que Mme Paquet ou M. Sutherland ont des précisions à apporter.
Je ne me souviens pas précisément des avis que nous avions pris en compte à l’époque. Cela m’avait été présenté comme étant la meilleure façon de faire la correction. Votre question est parfaitement pertinente, et pour ce qui est du contexte, peut-être que mes collègues peuvent apporter plus de détails.
Le sénateur Dalphond : Ma question est très technique, je m’en excuse, monsieur le ministre.
M. LeBlanc : On n’en attend pas à moins de la part d’un ancien juge de la Cour d’appel. Quand je parlais d’intimidation, c’était un peu de cela que je parlais, donc je suis très heureux de pouvoir mettre M. Sutherland sur la sellette!
M. Sutherland : Merci, monsieur le ministre. Nous avons discuté de ce sujet hier, et Mme Paquet pourrait répondre à la question.
Manon Paquet, directrice, Projets spéciaux, Secrétariat des institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé : Merci, Al; merci, monsieur le ministre. C’est une question très technique.
La juge a étudié les deux dispositions ensemble. La décision d’inclure le mot « sciemment » en ce qui concerne l’infraction a été prise pour une raison d’uniformité, de cohérence avec la Loi électorale. Par exemple, si on regarde l’article 92, qui est aussi une disposition relative à de fausses déclarations qui auraient poussé un candidat à se retirer de la course, le mot « sciemment » apparaît également au sujet de l’infraction à l’article 486.
Dans la plupart des interdictions, dans la Loi électorale, le concept de « sciemment » se répète souvent lorsqu’il s’agit d’une infraction.
Le sénateur Dalphond : Merci. Cela répond à ma question.
Le sénateur Carignan : Je reviens sur la question du sénateur Dalphond et sur la réponse qui lui a été donnée. Je ne suis pas certain de l’avoir bien comprise. Peut-être que Mme Paquet pourrait nous l’expliquer en d’autres termes pour me permettre de comprendre.
Je me demande si elle pourrait reprendre l’explication, car je ne suis pas certain d’avoir bien compris.
Mme Paquet : Je peux reprendre. Dans la Loi électorale, il y a toujours une décision à prendre concernant l’endroit où on indique si, oui ou non, la déclaration était fausse. Donc, il faut choisir entre l’indiquer sous l’interdiction elle-même, où il est écrit qu’il est interdit de faire une fausse déclaration contre un candidat, ou de l’indiquer sous l’infraction, soit de dire que si quelqu’un a fait une fausse déclaration, il s’agit maintenant d’une infraction.
Dans le projet de loi C-76, en 2018, beaucoup de concepts relatifs à la notion de « sciemment », ou cette question de savoir si la déclaration est fausse, ont été déplacés vers les infractions pour essayer d’avoir une loi un peu plus cohérente relativement à cette fonction. Pour cette même raison, même si initialement, avant le projet de loi C-76, le mot « sciemment » se trouvait dans l’article 91, il se trouve maintenant sous l’infraction plutôt que sous l’interdiction elle-même.
La juge a considéré ces deux dispositions comme un tout. Par conséquent, en les déplaçant sous l’infraction, on pose cette notion selon laquelle il faut prouver que la déclaration était fausse pour qu’il y ait une condamnation en vertu de cette disposition.
Le sénateur Carignan : J’ai une question, monsieur le ministre. Vous l’avez probablement entendue plus tôt, car je l’ai posée au ministre Lametti et il vous l’a renvoyée.
Je vais la répéter. Il y a des changements qui touchent la Loi sur les juges, particulièrement pour un cas extrêmement rare : celui du juge Girouard. Ce monsieur a vraiment étiré la sauce pour bénéficier d’une pension, et vous corrigez la situation immédiatement.
Un autre cas s’est produit récemment, lorsque la gouverneure générale a démissionné avant la fin de son mandat de cinq ans; elle a quand même droit à une pleine pension.
La loi, telle qu’elle est rédigée actuellement, permet à un gouverneur général d’être nommé pour une journée, de démissionner et d’avoir droit à une pleine pension.
Pourquoi n’avez-vous pas profité de l’occasion de corriger cette disposition, comme vous le faites pour les juges, comme vous le faites pour la question de la notion de « sciemment »? Puisqu’il s’agit d’un projet de loi omnibus, pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour corriger ce genre de coquille?
M. LeBlanc : Merci, sénateur Carignan, pour votre question. C’est un plaisir de vous revoir.
Vous l’avez probablement noté, le premier ministre et moi avons fait des commentaires à propos d’une révision du Conseil du Trésor sur les avantages sociaux auxquels un gouverneur général ou une gouverneure générale à la retraite pourrait avoir droit en ce qui a trait aux dépenses de fonctionnement de bureau. Il y a un processus que nous avons entrepris avec le Conseil du Trésor qui ne touche pas, il faut le dire, la question de l’indemnité de retraite ou la pension comme telle, mais qui se penche sur les dépenses que d’anciens gouverneurs généraux peuvent engager et se faire rembourser, le cas échéant.
La question a été soulevée publiquement à la Chambre des communes après la démission de Mme Payette. J’avais posé la question : si on apportait un amendement, cela s’appliquerait-il au cas de Mme Payette? Évidemment, une telle démarche ne pouvait être appliquée de façon rétroactive. Cependant, le gouvernement a décidé que ce n’était pas le moment d’ouvrir la Loi sur le gouverneur général ni de revoir les questions liées à l’indemnité de retraite ou au salaire.
J’attire votre attention sur un projet de loi privé qui se trouve devant la Chambre des communes, qui propose que le salaire du gouverneur général soit réduit à un dollar et qui mettrait fin aux indemnités de retraite. Nous allons évidemment nous opposer à ce projet de loi. Nous avons simplement décidé que ce n’était pas une priorité en ce moment et de ne pas étudier la question, car franchement, c’est la première fois en plus de 150 ans qu’une telle situation se produit. On comprend que le moment serait assez opportun, mais, en même temps, cela n’aurait pas été une mesure qu’on aurait pu appliquer à l’endroit de l’ancienne gouverneure générale Payette.
Le sénateur Carignan : Le cas du juge Girouard est très rare également. On constate qu’il y a un vide. Je ne pense pas que la Loi sur le gouverneur général prévoyait une pension après cinq ans. Pensez que cela pourrait être après une seule journée! Votre père a démissionné avant la fin de son mandat de cinq ans en raison d’une maladie; il faut faire la distinction entre ce cas et l’autre. C’est le seul cas qu’on ait vu auparavant. Quand c’est justifié, ça va, mais quand ce ne l’est pas ou que ce serait après une journée... Que fera-t-on si cela se produit à nouveau et qu’on n’a pas profité de l’occasion pour corriger la situation immédiatement, comme vous le faites pour le juge Girouard, comme vous le faites pour le terme « sciemment », alors qu’il y a un projet de loi omnibus qui le permettrait?
M. LeBlanc : Comme vous le dites, mon père était parti, vous avez raison, quelques mois avant la fin de son mandat de cinq ans; deux ou trois mois avant, je crois.
Pour ce qui est de la situation de Mme Payette, vous avez absolument raison. Je ne pense pas que les gens ont compris que, effectivement, si on occupe le poste pour cinq minutes ou pour cinq ans, les avantages sont les mêmes en matière de retraite. Je comprends la frustration que les gens ont ressentie dans le cas de Mme Payette. Nous sommes ouverts à examiner ce genre de question.
Honnêtement, je n’ai pas fait le parallèle avec les amendements que mon collègue le ministre Lametti a amenés devant vous dans le cas du juge Girouard. Toutefois, vous avez raison, c’est peut-être quelque chose qu’il faudra considérer.
Je comprends l’inquiétude; on espère que cela ne se produira qu’une fois pour les 154 prochaines années. Il faut présumer qu’il y a quelque chose à apprendre de cette situation. Je prends votre commentaire comme une suggestion et j’y suis assez sensible.
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre, à notre comité.
Dans le même ordre d’idées que la sénatrice Batters, en ce qui concerne l’ajout du terme « sciemment », on voit vraiment un va-et-vient de la part de votre gouvernement à ce sujet. Vous êtes parfois difficiles à suivre.
Cependant, en modifiant ce paragraphe du projet de loi, en ajoutant le mot « sciemment », ne craignez-vous pas que la Cour supérieure de l’Ontario vienne invalider cet amendement?
M. LeBlanc : Merci, sénateur Boisvenu. C’est un plaisir de vous revoir également.
Selon l’avis du ministère de la Justice, l’amendement que l’on vous propose ne sera pas rejeté dans le cadre d’une autre demande à la cour. Le ministère de la Justice nous a dit qu’à son avis, c’était la façon la plus directe et la plus efficace de réagir à la décision de la Cour supérieure de l’Ontario. Peut-être que Mme Paquet ou M. Sutherland aurait des précisions à ajouter, qui pourraient répondre à votre question.
Le sénateur Boisvenu : Si vous avez un avis favorable aujourd’hui pour ajouter le mot « sciemment », est-ce que vous aviez également un avis favorable pour le retirer il y a quelques années?
M. LeBlanc : Je n’ai pas participé à ces discussions à cette époque. Peut-être que Mme Paquet ou M. Sutherland a des précisions à apporter.
[Traduction]
M. Sutherland : Simplement pour dire que les discussions ont eu lieu à l’interne avec le ministère de la Justice, les jurilinguistes et les personnes qui ont préparé l’amendement, que nous avons été très sensibles aux propos du sénateur Boisvenu et de la sénatrice Batters. Nous avons travaillé très fort pour nous assurer que l’amendement a été mis au bon endroit.
Madame Paquet, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Français]
Mme Paquet : La seule chose que j’ajouterais c’est que, lors de l’étude du projet de loi C-76, le point que mon collègue avait soulevé était qu’une intention était déjà incluse dans la disposition, étant donné qu’il faut que la déclaration soit faite dans le but d’influencer le résultat des élections. La cour a déterminé que ce n’était pas suffisant comme intention et qu’il fallait cette deuxième intention, celle de savoir.
Le sénateur Boisvenu : Ma question n’est pas là. En 2017-2018, vous vous opposiez à réintroduire le mot « sciemment » et aujourd’hui, vous le réintroduisez en nous disant avoir un avis juridique qui dit que c’est constitutionnel ou que ce ne sera pas contesté. Pourquoi était-ce blanc en 2017 et est-ce noir aujourd’hui? J’essaie de comprendre votre logique en matière d’analyse juridique.
Mme Paquet : La grande différence entre aujourd’hui et le moment où le projet de loi C-76 a été étudié, c’est vraiment la décision de la cour, en février dernier, qui a déterminé que la disposition telle qu’elle était écrite ne respectait pas les conditions. Donc, aujourd’hui, en ajoutant le mot « sciemment », on respecte cette décision de la cour.
Le sénateur Boisvenu : Ma question n’est pas là. Alors, pourquoi n’avez-vous pas eu la même réflexion à l’époque sachant que le fait de retirer ce mot entraînerait une contestation par les tribunaux? Les tribunaux n’ont pas changé leur philosophie en trois ans.
M. LeBlanc : Si vous me le permettez, sénateur, laissez-moi m’engager à vous revenir avec une réponse précise. Je me rappelle les discussions au sein du Conseil des ministres à l’époque du projet de loi C-76. En ce qui a trait à la question du contexte, c’est avec plaisir que je trouverai des renseignements précis et que je les fournirai aux membres du comité.
Le sénateur Boisvenu : Vous avez une façon très habile de vous en sortir, monsieur le ministre. Merci.
M. LeBlanc : Je ne suis pas d’accord avec votre commentaire au sujet des tribunaux qui n’ont pas changé en trois ans. Les tribunaux changent d’heure en heure. On le voit à la grandeur du pays. Je ne suis pas aussi certain que vous que ça ne changera pas. Merci de cette question.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci, monsieur le ministre, de vous joindre à nous. Dans son rapport de 2017 intitulé Contrôler l’influence étrangère sur les élections canadiennes, notre comité a souscrit à la recommandation du directeur général des élections dans un document intitulé Un cadre électoral pour le 21e siècle, recommandation voulant qu’il faille ajouter une disposition afin d’établir une infraction précise pour sanctionner la création et la distribution de faux documents de communication relativement à la campagne électorale d’un candidat ou d’un parti, ce qui s’entend également de faux sites Web ou d’autres contenus en ligne ou de médias sociaux, cela dans l’intention de tromper les électeurs. Le comité a ajouté que cette infraction devrait également interdire explicitement aux entités étrangères de se livrer à de telles activités.
À votre avis, et peut-être aussi selon vos fonctionnaires, en quoi les modifications proposées dans le projet de loi C-30 aux alinéas 486(3)c) et 486(4)d) de la Loi électorale du Canada répondent-elles à cette recommandation?
M. LeBlanc : Je vous remercie de la question. Vous avez raison, nous avons évidemment pris note du rapport dont vous parlez. Le gouvernement et le Cabinet en ont pris acte de même, bien entendu, que le ministre responsable de la Loi électorale que je suis, puisque, ces derniers mois, j’ai travaillé sur la question de l’ingérence étrangère à l’échelle du gouvernement avec certains fonctionnaires du Bureau du Conseil privé qui m’accompagnent aujourd’hui et, évidemment, avec le milieu de la sécurité et du renseignement du gouvernement. Vous avez tout à fait raison. L’environnement de menaces, le contexte général et la situation d’Élections Canada ont retenu l’attention du public. J’ai également discuté de cette question avec le directeur général des élections.
Nous essayons donc, dans l’ensemble du gouvernement, de mettre en place un certain nombre de mesures, pas seulement des mesures législatives. Je vais demander à M. Sutherland ou à Mme Paquet s’ils ont des réponses précises sur la façon dont cette disposition pourrait s’appliquer dans ce contexte.
Si cela peut vous rassurer, vous et vos collègues du comité, sachez qu’à part les dispositions législatives particulières, nous faisons tout ce que nous pouvons en liaison avec nos alliés du G7 et la communauté de sécurité du Groupe des cinq. Le Canada a, en quelque sorte, joué un rôle de chef de file au sein du G7 à la suite de l’Appel de Paris avec Microsoft, par exemple. Nous pourrons donc intervenir davantage et nous continuerons de faire le travail auquel s’attendent les Canadiens, parce que la menace, comme vous l’avez souligné, ne diminue pas. En fait, elle augmente.
Pour ce qui est de la disposition législative, Mme Paquet ou M. Sutherland pourront peut-être apporter des précisions sur cette disposition et sur la menace d’ingérence étrangère dans les élections.
La sénatrice Pate : Avant cela, j’aimerais que vous nous disiez si les dispositions qui ont été présentées suffisent à elles seules pour régler ces problèmes. Merci.
M. Sutherland : Je tiens à souligner qu’il est urgent d’inclure cette disposition dans la loi d’exécution du budget et d’apporter les changements pour s’assurer qu’elle est applicable. Je pense que vous avez mentionné que les sites Web font, par exemple, référence à des acteurs politiques ayant commis des crimes et font des allégations relatives à la citoyenneté, comme nous l’avons vu dans le contexte de la campagne présidentielle aux États-Unis avec le « Birther Movement », ou parlent du lieu de naissance ou des études des personnes. Les dispositions envisagées s’attaquent précisément à cette question.
Vous m’avez posé une question plus vaste, ou avez soudainement élargi la portée de la question au moment où je m’apprêtais à vous répondre. En vérité, je pense qu’il n’y a pas un seul élément qui va tout englober. C’est pourquoi le ministre LeBlanc dirige un effort pangouvernemental pour s’assurer que le Canada est prêt, en cas d’élections, à combattre la désinformation étrangère en particulier. Ce que nous avons effectivement vu pendant la campagne de 2019, c’est un effort pangouvernemental visant à régler ce problème auquel ont participé plusieurs ministères, pour veiller à ce que les élections au Canada demeurent sûres et équitables. J’espère que cela répond à votre question.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Bonjour, monsieur le ministre LeBlanc. Bienvenue au comité.
Ma question donne suite aux informations que vous nous avez données. Vous avez mentionné un impact plus important ou disproportionné des activités et des fausses déclarations sur certains groupes, comme les femmes et les personnes racialisées. Quelles sont les données que vous pouvez partager avec nous sur ce sujet? Est-ce que ces données ont été incluses dans l’analyse comparative entre les sexes plus qui, selon le ministre Lametti, a été effectuée par le ministère des Finances?
Je comprends que vous n’étiez pas l’auteur de cette analyse, mais pouvez-vous nous faire part de ces données dont vous disposez? Ont-elles été prises en compte dans cette analyse?
M. LeBlanc : Merci de la question, madame la sénatrice. Vous avez absolument raison. Nous avons essayé, dans le contexte du budget et du projet de loi budgétaire C-30, de mener une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), mais c’est une directive qui s’applique à n’importe quel mémoire qu’un ministre présente au Conseil des ministres.
Je sais, pour en avoir discuté avec ma collègue, la ministre responsable de l’égalité des femmes, et la ministre Chagger, responsable des questions de diversité et d’inclusion, que nous avons entendu des anecdotes de nos collègues au caucus libéral qui ont vécu, dans le contexte électoral, des circonstances bien différentes des miennes, au Nouveau-Brunswick. Je sais aussi que cette analyse a été présentée par le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme. Je me souviens de ces discussions, qui étaient assez animées, car c’était avec nos propres collègues et au Conseil des ministres et au caucus, mais il y a sûrement des statistiques ou des détails plus précis et c’est avec plaisir que je ferai un suivi par écrit.
La sénatrice Dupuis : Merci. C’est une question qui est vraiment cruciale, non seulement sur le plan de l’engagement des femmes en politique, mais aussi en ce qui concerne la façon dont elles doivent faire face à des accusations et à des attaques de toutes sortes qui, de toute évidence, sont beaucoup plus importantes que celles que subissent leurs collègues masculins. Merci.
M. LeBlanc : Vous avez absolument raison, sénatrice. Dans mon cas, il s’agissait de discussions plutôt informelles avec des collègues à la Chambre des communes, de tous les partis politiques... Ce n’est pas une question partisane, c’est une situation regrettable qui touche tous les parlementaires, mais surtout les femmes, de façon prédominante, et d’autres personnes racialisées. Alors, je m’efforcerai de vous acheminer les données dont nous disposons et je le ferai avec plaisir.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je ne siège pas habituellement à ce comité, mais au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, où nous avons beaucoup réfléchi récemment à la réglementation du discours public. Je ne suis ni avocate ni juge, mais j’ai été journaliste pendant 30 ans, et je connais probablement mieux que je ne le voudrais les tenants et aboutissants du droit de la diffamation.
Du point de vue de la liberté d’expression, je suis perplexe quant à la façon dont cette mesure législative sera appliquée. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous savons que nous ne porterons pas d’accusations criminelles contre un groupe de trolls dans un pays étranger. Les personnes les plus susceptibles d’être poursuivies seront canadiennes.
Je me demande comment nous décidons quand quelqu’un sait que quelque chose est faux par opposition à des gens qui pourraient répandre ce qui semble être des informations malveillantes, en croyant de bonne foi que l’information est vraie. Comment pouvons-nous comprendre ce qu’ils savent et quelle est la légitimité de leurs connaissances? À quel moment sommes-nous en train de criminaliser de nouveau la diffamation?
Les coups bas et la politicaillerie n’ont rien de nouveau. Richard Nixon avait toute une escouade qui s’employait à salir les réputations, mais je n’en parlerai pas parce que je suis une sénatrice et que je ne suis plus une méchante journaliste. Cela étant, le salissage politique n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est la façon dont on l’utilise comme arme et la vitesse à laquelle ce genre de nouvelle se propage sur les réseaux sociaux. Comment faire en sorte que ce projet de loi ne serve pas de frein à la liberté d’expression politique?
M. LeBlanc : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Elle est très pertinente. J’y ai aussi réfléchi. Je n’ai pas l’expérience que vous avez dans le domaine du journalisme public. Je suis d’accord avec vous pour dire que les campagnes politiques, en particulier, et le discours politique peuvent être difficiles. Cela peut parfois être sale et injuste. Il peut s’agir d’une foule de choses. En fin de compte, ce sont les électeurs qui décident de leur appétit pour ces choses, et j’ai toujours cru que les électeurs jugeaient les gens sévèrement pour ce genre de comportement. C’est mon point de vue personnel; il n’est pas nécessaire que d’autres le partagent.
Vous avez raison. Il y a un moment où le discours... c’est vrai, par exemple, dans d’autres dispositions du Code criminel concernant les propos haineux. C’est exactement l’équilibre difficile à atteindre. Il est certain qu’après la Charte des droits, ce devrait être très rare.
Je me suis posé la même question. La meilleure réponse que j’ai trouvée, après avoir réfléchi à l’aspect législatif de la question, est que je ferais confiance au commissaire aux élections fédérales et au Service des poursuites pénales du Canada pour décider quand et comment ces dispositions seraient utilisées à bon escient.
Vous avez raison. L’idée qu’un groupe de trolls en Russie ou en Chine soit poursuivi pour avoir tenu tel ou tel discours ou avoir fait circuler une fausse information, même à très grande échelle sur les plateformes de médias sociaux, comme vous le disiez... Il y a peut-être 20, 30 ou 40 ans, à l’époque de la génération de mon père, les campagnes électorales étaient bien différentes et ce qui se passe de nos jours aurait alors beaucoup inquiété les gens.
Dans mes cours de droit pénal, je me suis interrogé sur la difficulté de prouver un complot. C’est la même chose. J’ai des amis qui sont juges de juridiction criminelle et ils parlent de la complexité des poursuites — et en fin de compte d’obtenir des condamnations — dans les affaires de complot. Reste que des gens purgent des peines d’emprisonnement pour complot. De toute évidence, avec la bonne quantité de preuves et le bon pouvoir discrétionnaire de la poursuite, ces circonstances peuvent être gérées. M. Sutherland ou Mme Paquet auront peut-être quelque chose à ajouter.
Il n’y a pas de réponse facile à cette question, madame la sénatrice. J’y ai réfléchi moi-même. Je suis heureux que vous l’ayez soulevée. Évidemment, la dernière chose que le gouvernement voudrait faire est de paralyser la liberté d’expression, mais c’est différent quand quelqu’un cible sciemment un acteur politique — en utilisant des plateformes qui n’existaient peut-être pas il y a une génération — d’une manière malveillante et délibérée, sachant que l’information est fausse.
Vous avez raison; il n’est pas facile de poursuivre quelqu’un pour ce qu’il a en tête. Son réflexe a priori sera de dire : « Bien sûr, je ne savais pas que c’était faux. » La façon pour un enquêteur et un procureur d’en arriver à cette conclusion, et encore plus pour un tribunal de condamner quelqu’un, est compliquée. Je le reconnais volontiers.
M. Sutherland : Monsieur le ministre, j’aimerais ajouter quelques points à vos observations.
Comme vous l’avez dit, la sénatrice pose une très bonne question. Je pense que cela se reflète dans la disposition elle-même. La disposition porte sur des faits. Mentir sur la question de savoir si un acteur politique a commis un crime, formuler des allégations sur la citoyenneté, sur le lieu de naissance, sur les diplômes — ce sont là des choses bien précises. Le jugement à cet égard est assez direct.
Le ministre a tout à fait raison; il reviendrait au commissaire aux élections fédérales d’appliquer la loi. En fait, dans l’élaboration de cette partie de la Loi électorale du Canada, nous avons tenu compte des conseils et des recommandations du directeur général des élections et du commissaire. C’est la raison pour laquelle le projet de loi est ainsi libellé. Je pense qu’il a été conçu en fonction du dilemme que la sénatrice a soulevé au début de sa question.
Le sénateur Gold : Je sais que d’autres voudront peut-être poser des questions, alors je vais céder mon temps de parole. Je voulais simplement remercier le ministre d’avoir accepté d’être avec nous et de consacrer ce temps à une partie relativement petite du projet de loi. Monsieur le ministre LeBlanc, merci. C’est toujours un plaisir de vous avoir parmi nous.
La présidente : Monsieur le ministre LeBlanc, j’ai une question à vous poser à la suite de ce qu’a dit la sénatrice Dupuis. Dans quelle mesure le fait de faire de fausses déclarations en période électorale est-il étroitement lié à la propagation de la haine? Je suis certaine que vous en avez discuté. Pouvez-vous nous éclairer, s’il vous plaît?
M. LeBlanc : Merci, sénateur Gold, de vos aimables commentaires. C’est toujours agréable de voir ces accessoires derrière vous — je parle de vos guitares empruntées à vos voisins — pendant les comités du Cabinet et maintenant dans un comité du Sénat. Cela m’a fait sourire de les voir là.
Madame la présidente, pour répondre à votre question, vous avez tout à fait raison. J’ai bénéficié de séances d’information de nos organismes de renseignement, tout comme le Cabinet, sur, par exemple, les extrémistes violents motivés par des idéologies.
Nous pensions qu’une grande partie de ce discours haineux venait d’entités étrangères. Les acteurs nationaux sont de plus en plus inquiétants. On peut penser à des organisations comme les Proud Boys, qui a récemment été inscrite comme entité terroriste par le gouvernement fédéral. On constate que des acteurs nationaux utilisent de plus en plus, comme votre collègue l’a mentionné, de puissantes plateformes de médias sociaux pour propager des discours haineux racistes et xénophobes. C’est un défi. Il y a des dispositions du Code criminel qui traitent de cette question, mais c’est aussi un défi lorsque nous avons des gens qui diffusent délibérément de faux renseignements qui touchent de façon disproportionnée les personnes racialisées, les femmes et les Autochtones dans un contexte électoral.
Notre gouvernement est profondément préoccupé par la montée de toutes ces influences négatives, madame la présidente. Je ne prétends pas qu’il existe une solution simple pour poursuivre et tenir responsables de façon appropriée ceux qui propagent ce comportement inacceptable. Ce n’est pas pour rien qu’il y a peu de poursuites. Malheureusement, il y a de plus en plus d’exemples alarmants à l’échelle du pays.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. J’ai une autre question à vous poser. Avec des élections à date fixe un peu partout au Canada, mais avec des gouvernements minoritaires où les élections pourraient avoir lieu plus tôt, devrait-on assortir cette interdiction d’une période d’application plus longue ne se limitant pas à la période électorale? Autrement dit, cette interdiction devrait-elle s’appliquer en dehors de la période électorale? Avez-vous envisagé cette possibilité?
M. LeBlanc : Madame la présidente, c’est une bonne question. Je me suis moi-même posé la question.
Nous voulions corriger une situation concernant la Loi électorale du Canada qui, comme vous l’avez souligné à juste titre, s’applique pendant la période électorale. Certains articles de la Loi électorale du Canada s’appliquent en période préélectorale. C’est plus difficile, comme vous l’avez si bien dit, dans un gouvernement minoritaire. On ne sait jamais quand les élections pourraient avoir lieu en situation de gouvernement minoritaire. Tous ces calculs sont plus difficiles qu’ils ne le sont dans le contexte d’élections à date fixe et d’un gouvernement majoritaire. C’est une question plus vaste et plus compliquée, et le gouvernement ne chercherait absolument pas à limiter le droit des gens à la liberté d’expression, y compris le discours politique dur qui fait normalement partie du débat public au Canada.
La période électorale est un moment où les discours haineux délibérés, faux et malveillants peuvent avoir une incidence disproportionnée dans le cadre d’une période électorale de 35 jours. C’est différent d’un cycle électoral de deux, trois ou quatre ans. Pour l’instant, nous n’avons pas envisagé d’élargir cette mesure. Nous voulions mettre de l’ordre dans une décision technique d’une cour supérieure. Nous voulions, le plus rapidement et le plus directement possible, atténuer cette situation dans la mesure où elle s’applique à la Loi électorale du Canada.
La présidente : Monsieur le ministre, si vous me le permettez. J’aimerais poser une question à M. Sutherland.
J’ai vraiment de la difficulté avec cette question des fausses déclarations, monsieur Sutherland. Comment pouvez-vous prouver qu’une personne a fait ou publié une fausse déclaration dans le but d’influencer les résultats d’une élection? De plus, comment pouvez-vous prouver que la personne savait que la déclaration en question était fausse? Je suis convaincue que vous y avez réfléchi, et j’aimerais vraiment connaître votre opinion à ce sujet.
M. Sutherland : La première chose à faire est de lire attentivement la mesure législative et d’examiner les faits. Vous avez tout à fait raison. Il y a quelques éléments à considérer, notamment l’incidence sur les élections. Pour cette raison, vous examineriez le contexte dans lequel cela a été dit, vous examineriez la diffusion de la déclaration, et comme cela s’applique pendant la période électorale, vous tiendriez compte du moment et de la portée de la déclaration.
Pour ce qui est de la partie où l’on retrouve l’adverbe « sciemment », il faudrait, comme le commissaire le ferait — j’en suis sûr — examiner la question avec la personne qui a fait la déclaration. Cette personne a-t-elle répété la déclaration? A-t-elle continué de la répéter après avoir reçu des preuves factuelles établissant le contraire? Toutes ces choses en feraient partie.
Je crois que vous allez parler au commissaire aux élections fédérales plus tard aujourd’hui. C’est lui qui s’occupe de l’application de la loi, et il vous donnera une bien meilleure réponse que moi. Je voulais simplement vous en donner une idée générale.
La présidente : Merci beaucoup. Je tiens à remercier le ministre et ses collaborateurs d’être venus aujourd’hui. Monsieur le ministre, je tiens également à vous remercier des bons mots que vous m’avez adressés.
Bien avant de devenir sénatrice dans les tranchées, j’ai eu l’honneur de travailler avec votre père. Nous espérons tous avoir une autre occasion de travailler avec vous à l’avenir. Merci beaucoup d’être venu.
Honorables sénateurs, puis-je vous demander de rester une minute après le départ du ministre? Merci, monsieur le ministre.
M. LeBlanc : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, en mon et au nom d’Allen Sutherland et de Manon Paquet. Je vous ferai parvenir, à vous et à vos collègues, des renseignements précis sur quelques sujets précis. Je vais m’y employer.
J’espère pouvoir vous croiser quand nous serons de nouveau en mesure de tenir des réunions en personne. Je compte beaucoup d’amis qui siègent dans la même Chambre que vous, madame la présidente, et c’est un privilège pour moi d’avoir ce genre d’occasion. Merci encore.
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
Honorables sénateurs, comme vous le savez, nous reprendrons nos travaux à 16 heures, heure de l’Est, ou 13 heures, heure du Pacifique.
Honorables sénateurs, les analystes vous ont envoyé des copies de rapports antérieurs. Je vous demande de réfléchir à la façon dont nous devrions informer les analystes du genre de rapport que nous voulons qu’ils préparent. En fin de compte, si nous avons quelques minutes, nous aimerions connaître votre opinion. Merci pour tout votre travail.
Je suis heureuse de vous retrouver, sénateurs. Nous en sommes maintenant à notre troisième groupe de témoins pour la suite de notre étude des sections 26, 27 et 37 du projet de loi C-30. Je vais à nouveau présenter les membres du comité en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Batters et le vice-président, le sénateur Campbell. Nous avons ensuite le sénateur Boisvenu, la sénatrice Boniface, le sénateur Carignan, le sénateur Cotter, le sénateur Dalphond, la sénatrice Dupuis, la sénatrice Pate, la sénatrice Simons et le sénateur Tannas. La sénatrice Moncion, marraine du projet de loi, est également parmi nous aujourd’hui.
Je rappelle aux sénateurs qu’ils auront trois minutes pour poser leurs questions. Nous sommes heureux d’accueillir Marc Giroux, commissaire à la magistrature fédérale. M. Giroux va nous parler des articles 26 et 27. Honorables sénateurs, veuillez limiter vos questions à ces deux articles. Monsieur Giroux, vous avez maintenant la parole.
[Français]
Marc A. Giroux, commissaire, Commissariat à la magistrature fédérale : Merci, madame la présidente. Merci de l’invitation à comparaître devant vous aujourd’hui.
J’ai comparu devant certains d’entre vous par le passé. J’ai le plaisir d’y être à nouveau de façon virtuelle.
[Traduction]
Je sais que vous avez entendu le ministre Lametti plus tôt aujourd’hui, et j’ai moi-même suivi son témoignage. Mes remarques préliminaires seront brèves. À ceux d’entre vous qui ne connaissent peut-être pas très bien le Commissariat à la magistrature fédérale Canada, je peux dire que celui-ci a été créé par la Loi sur les juges, qu’il a pour mission de protéger l’indépendance judiciaire et que je suis le délégué du ministre en ce qui a trait à l’administration de la partie 1 de la loi.
[Français]
Le commissaire exerce d’autres fonctions que le ministre peut, en vertu de la loi, choisir de lui confier pour la bonne administration de la justice. Cela comprend l’administration du processus de nomination à la Cour suprême du Canada, l’administration du processus de nomination aux cours supérieures partout au pays, la formation linguistique des juges, la coordination des activités de coopération internationale de la magistrature, ainsi que la publication des recueils des cours fédérales.
Le commissaire fournit également le personnel nécessaire au Conseil canadien de la magistrature et lui apporte un soutien pour ce qui est de ses besoins ministériels. Le commissariat est également indépendant du ministère de la Justice.
[Traduction]
Aux fins de votre étude du projet de loi C-30, vous devez savoir que le commissaire administre les pensions des juges. Essentiellement, un juge reçoit une pension complète — c’est-à-dire une pension égale aux deux tiers de son dernier salaire — quand il répond à certains critères énoncés dans la loi. Le cas le plus fréquent est celui du juge qui occupe ce poste depuis au moins 15 ans et qui respecte la « règle des 80 », ce qui veut dire que le nombre d’années qu’il a passées à la magistrature, plus son âge doivent égaler au moins 80. Dans ce cas ou dans celui d’un juge qui répond à d’autres critères énoncés à l’article 42 de la loi, et dont je pourrai vous parler plus tard si vous le désirez, mon bureau verse une pleine pension.
De plus, un juge peut recevoir une pension réduite ou une pension calculée au prorata, aux termes de l’article 43.1 de la loi s’il est âgé d’au moins 55 ans et qu’il siège à la magistrature depuis 10 ans. Une formule de calcul de la pension réduite se trouve à l’article 43.1 de la loi. Je n’entrerai pas dans les détails. Je me contenterai de dire que mon bureau consulte habituellement un actuaire du BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, pour calculer le montant exact.
Comme vous le savez, le Conseil canadien de la magistrature, qui est composé de tous les juges en chef du Canada, est chargé d’enquêter sur les plaintes portées contre les juges. Au terme d’un processus d’examen déontologique, le Conseil peut recommander au ministre de révoquer un juge concerné. En vertu des modifications prévues dans le projet de loi C-30, la durée intervenant dans le calcul de la pension du juge visé par une recommandation de destitution du Conseil canadien de la magistrature serait alors gelée.
[Français]
À cet égard, je vous répète ce que vous avez déjà entendu, que les amendements sont pleinement appuyés par la magistrature, notamment par le Conseil canadien de la magistrature, qui s’est prononcé à plus d’une reprise à cet égard, ainsi que par l’Association canadienne des juges des cours supérieures, qui a fait valoir ce point devant la Commission d’examen de la rémunération des juges.
Par ailleurs, d’autres amendements du projet de loi C-30 créeraient de nouveaux postes de juge, notamment à la Cour d’appel fédérale, la Cour supérieure de l’Ontario, la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan et la Cour canadienne de l’impôt.
Mon bureau administre la liste des vacances judiciaires, en plus du processus de nomination; nous prenons donc bonne note de ces nouveaux postes. En outre, notre engagement à cet égard serait limité aux fonctions que nous effectuons normalement en vertu de la partie 1 de la loi.
Sur ce, madame la présidente, j’ai déjà terminé mes remarques préliminaires. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Giroux.
La sénatrice Batters : Monsieur Giroux, vous venez de dire que votre bureau est responsable de l’administration de la liste des vacances à la fonction de magistrat au Canada, vacances dont le nombre a fluctué entre 40 et 60 ces dernières années. Avec cette partie particulière de la loi d’exécution du budget, 13 nouveaux juges sont censés être nommés dans les différentes cours supérieures du pays. À quelques reprises au cours des trois ou quatre dernières années, nous avons vu apparaître des dispositions semblables dans les lois d’exécution du budget, après que le ministre de la Justice eut demandé qu’un important contingent de juges soit ajouté en vertu de ces lois d’exécution du budget. Vos listes comportent occasionnellement une note indiquant combien de ces postes ont été créés à la suite de l’adoption d’une nouvelle loi.
Donc, je me demande combien de postes de juges de cours supérieures sont encore vacants, étant donné que le ministre de la Justice a récemment ajouté des juges à cette liste de nominations?
M. Giroux : Merci, sénatrice, de votre question dont je comprends la nature. Mon bureau prend note de tous les postes vacants au Canada, pas nécessairement en fonction du nombre de nouveaux postes créés. Il prend note de tout poste qui n’est pas comblé dans un tribunal et en fait mensuellement rapport. J’ai donc de la difficulté à vous dire, dans le cadre de la dernière vague de nouveaux postes créés, par exemple, combien ont été comblés.
Il se peut que certains postes aient effectivement été comblés, puis soient redevenus vacants. Il m’est donc assez difficile de vous répondre. Comme je viens de le mentionner, nous fournissons un chiffre mensuel, et comme on vous l’a par ailleurs indiqué, 36 postes de juge sont actuellement vacants.
La sénatrice Batters : Pourriez-vous nous dire ce que les deux dernières lois d’exécution du budget avaient prévu en ce qui concerne... Je crois me souvenir qu’à quelques reprises au cours des dernières années, un certain nombre de juges ont été ajoutés. Je me demande si vous êtes en mesure de déterminer si certains de ces postes sont encore vacants, mais il nous serait utile que vous vérifiiez cette information auprès de votre bureau pour nous renseigner à cet égard.
M. Giroux : Je me ferai un plaisir d’examiner la question et de voir ce que je peux faire.
La sénatrice Batters : Avez-vous les nombres de postes de juge ajoutés d’après les deux dernières lois d’exécution du budget? Combien de juges ont été ajoutés dans ce laps de temps? Vous en souvenez-vous?
M. Giroux : Encore une fois, il m’est difficile de vous répondre, parce que si certains de ces postes sont créés par le gouvernement fédéral, d’autres relèvent de l’échelon provincial et sont régis par les lois provinciales sur la magistrature, lois qui sont du ressort des provinces. Dans ces cas le nombre de postes doit être au moins égal, voire supérieur au nombre de postes créés par le gouvernement fédéral. Autrement dit, nous avons la double responsabilité de veiller à ce qu’il y ait un nombre suffisant de postes et il peut arriver qu’au moment de la création des postes par le gouvernement fédéral, la loi provinciale n’ait pas été adoptée. Il arrive donc qu’il faille attendre. Mon bureau doit veiller à ce que la loi provinciale soit effectivement en vigueur afin de pouvoir combler les postes vacants créés dans la foulée des nouveaux postes fédéraux, si je peux m’exprimer ainsi.
La sénatrice Batters : Je pense que nous avons parlé de ce genre de questions, où un certain nombre de juges étaient censés occuper des postes créés dans le cadre d’une loi d’exécution du budget, la dernière fois que vous avez comparu devant notre comité. Pourriez-vous examiner la question et en informer notre comité? Merci.
M. Giroux : Merci.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le commissaire, d’être présent aujourd’hui. Pour donner suite aux questions posées par la sénatrice Batters, je comprends que si 5 postes de plus sont créés dans une cour de 50 juges et qu’il y avait au moment de la création des postes 3 vacances, vos statistiques vont montrer 8 vacances le mois suivant et par la suite, les vacances vont augmenter ou diminuer en fonction des nominations et des départs.
M. Giroux : Oui, c’est exact, monsieur le sénateur. Le nombre de nouveaux postes créés apparaîtra sur notre site Web, qui tiendra compte des vacances comblées pendant cette même période.
Le sénateur Dalphond : Parlant de ces vacances, êtes-vous en mesure de dire — parce que ce sont des chiffres globaux — si, depuis 10 ans, par exemple, la tendance actuelle est d’avoir un nombre de vacances qui est plus élevé ou si, au contraire, on assiste à un phénomène où la moyenne des vacances est moins élevée? Je comprends, d’après ce qui a été dit par le ministre plus tôt aujourd’hui, qu’il y a actuellement 36 postes vacants. Est-ce un chiffre anormal ou plus bas que la moyenne des 10 dernières années?
M. Giroux : Il est quelque peu difficile pour moi de répondre de façon définitive à votre question, parce que nous publions la liste des vacances chaque mois, comme je le disais, et celle-ci varie beaucoup d’un mois à l’autre dans une année donnée. Cela dit, selon mon expérience et comme la sénatrice Batters l’a mentionné, les vacances ont varié entre 40 et 50, peut-être même jusqu’à 60 à certains moments donnés. Par conséquent, les 36 postes vacants actuels représentent un chiffre certainement plus bas que ce qu’on a vu au cours des dernières années.
J’ajouterais également qu’étant donné que le nombre de postes a augmenté par l’entremise de projets de loi semblables, de façon générale, le nombre annuel de nominations a grimpé de façon remarquable au cours de cette période de 10 ans.
[Traduction]
La sénatrice Boniface : Merci beaucoup de vous être joint à nous et de répondre à nos questions. Pour faire suite aux questions de la sénatrice Batters et du sénateur Dalphond, quel est le délai habituel entre l’adoption du projet de loi d’exécution du budget et le processus de nomination proprement dit? Avez-vous des normes en place ou même une moyenne que vous pourriez me donner?
M. Giroux : Merci, sénatrice. Nous n’avons pas de normes. Il appartient au ministre et à son cabinet de s’en occuper. Encore une fois, le délai peut varier d’un tribunal à l’autre ou d’un ensemble de postes vacants à l’autre, si je puis m’exprimer ainsi. Cela, comme je l’ai dit plus tôt, peut tenir au fait que la loi provinciale équivalente n’ait pas encore été promulguée, ou encore que des consultations aient lieu avec le juge en chef de la cour concernée, parce qu’il arrive que les juges en chef exercent des pressions pour que certaines nominations soient faites — ce qui est le cas, le plus souvent —ou au contraire qu’ils aient des motifs de ne pas se montrer aussi pressés d’exécuter une nomination.
Il m’est difficile de vous dire précisément combien de temps s’écoule pour combler les postes vacants après l’annonce de la création des postes.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur Giroux, d’être avec nous cet après-midi. Ma question porte sur les vacances comblées.
J’essaie de me faire une meilleure idée des critères — je comprends que ce n’est pas vous qui les fixez, c’est le gouvernement — qui permettent d’accorder un certain nombre de juges supplémentaires à une province par rapport à une autre. On peut en donner trois à une province, quatre à une autre; un juge en chef adjoint ou pas de juge en chef adjoint. Vous administrez les nominations une fois qu’elles sont faites. Pour les 5 ou 10 dernières années, de quelles données disposez-vous, qui sont accessibles et qui permettraient d’accroître la transparence quant à la façon dont ces décisions sont prises?
M. Giroux : Comme l’a dit le ministre plus tôt, une équipe de fonctionnaires du ministère de la Justice reçoit les demandes de postes supplémentaires de la part des divers juges en chef. Cette équipe a établi dans le passé une façon, une méthode pour déterminer si une cour devait obtenir les postes qu’elle souhaiterait obtenir.
Je peux vous dire que, selon mon expérience, il y a plusieurs années, au début des années 2000, cette méthode n’existait pas. Il était alors plus difficile d’établir de façon objective quels étaient les besoins d’une cour.
Cela dit, comme vous l’avez noté, je ne prends pas part à ces discussions. Tout ce que je peux vous dire, c’est que les juges en chef qui veulent avoir plus de juges au sein de leur cour doivent fournir beaucoup de renseignements et d’informations afin de plaider leur cause devant le ministre, par l’entremise de ses fonctionnaires.
La sénatrice Dupuis : Cela veut donc dire que vous n’avez aucune information que vous pouvez nous communiquer pour nous permettre d’avoir une meilleure idée? Vous avez entendu comme moi la réponse des fonctionnaires du ministère de la Justice un peu plus tôt. Ils nous ont expliqué que tout cela était décidé entre quatre murs, à partir d’une méthode qui, doit-on le croire, est établie et claire — et je n’en doute pas du tout.
Cependant, il reste que sur le plan de la transparence, le ministre l’a confirmé, ce sont les juges en chef qui déterminent leurs besoins et ensuite ils pressent le gouvernement de répondre à leurs besoins. En ce sens, je trouvais cela problématique.
Donc, de votre côté, vous n’avez pas d’informations qui nous permettraient d’avoir une meilleure idée?
M. Giroux : Non. Essentiellement, de notre côté, on est informés, au moyen d’un projet de loi semblable, du nombre de postes souhaité dans la loi et une fois qu’on reçoit cette information, on s’assure de la mettre en application et de répondre aux besoins des juges nouvellement nommés et aux besoins de nomination de ces juges, par l’entremise du processus des comités consultatifs.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La présidente : Avant de commencer, monsieur Giroux, je dois vous dire que j’ai des problèmes de micro. Si je ne peux pas poursuivre, sénatrice Batters, pourriez-vous continuer? Je vais essayer.
La sénatrice Pate : Merci, madame la présidente. Vous m’avez fait peur pendant une minute; je pensais que vous alliez me demander de présider.
Merci beaucoup à nos témoins. Comme vous le savez probablement, en 2017, le comité a déposé son rapport intitulé Justice différée, justice refusée. Il a formulé 50 recommandations pour remédier à la crise dans le système de justice du Canada relativement aux retards dans les procédures pénales. À votre avis, quelles seront les répercussions de ces modifications sur les délais dans les tribunaux du Canada, et avez-vous d’autres recommandations ou commentaires pertinents sur ce qui pourrait être fait de plus pour régler ce problème?
M. Giroux : Eh bien, sénatrice, j’oserais dire qu’à la lumière de l’étude que vous avez menée, vous êtes probablement plus au courant des besoins à cet égard. Dans mon poste, j’entends des juges en chef qui souhaitent évidemment obtenir de nouveaux postes ou de nouvelles nominations pour pouvoir faire face aux pressions qu’ils subissent. J’espère que ces nouveaux postes contribueront à atteindre l’objectif établi et mentionné dans votre rapport. Je n’ai malheureusement pas plus d’information à vous donner à cet égard.
La sénatrice Pate : Merci. C’est bien, madame la présidente.
La sénatrice Simons : Merci, monsieur Giroux. J’ai posé une question au ministre, quand il était ici plus tôt, au sujet de ma province, l’Alberta, qui ne recevra aucun nouveau juge. Les fonctionnaires m’ont dit que personne de l’Alberta n’avait présenté de demande. J’essaie de comprendre comment cela fonctionne. Le gouvernement provincial a-t-il un rôle à jouer à cet égard, ou est-ce uniquement la juge en chef? Je ne comprends pas pourquoi l’Alberta n’aurait pas demandé de nouveaux juges, étant donné que cela fait des années que nous n’en avons tout simplement pas assez, que ce soit à la Cour du Banc de la Reine ou à la Cour d’appel.
M. Giroux : Ce que je peux dire, sénatrice, c’est que le projet de loi précédent avait créé de nouveaux postes pour la province de l’Alberta, si je me souviens bien. Je me souviens que la juge en chef de la Cour du Banc de la Reine faisait pression à ce moment-là. Je ne pourrais pas dire pour quelle raison la même demande n’a pas été faite cette fois-ci, ni même si elle a été faite ou pas. Connaissant la juge en chef Moreau, je sais qu’elle insisterait pour qu’il y ait plus de juges si elle en voyait le besoin, ou si elle avait l’impression que cela puisse lui être accordé, étant donné que la cour a reçu de nouveaux postes à la faveur d’un projet de loi précédent.
La sénatrice Simons : Soyons clairs, le gouvernement provincial a-t-il un rôle à jouer, ou est-ce quelque chose qui se passe uniquement entre les juges en chef et le gouvernement fédéral? La province a-t-elle un rôle d’intervenant, de lobbyiste ou de demandeur?
M. Giroux : C’est là une question qui concerne vraiment les fonctionnaires qui m’ont précédé et qui touche à la façon dont ils procèdent et font les analyses nécessaires pour déterminer le nombre de juges qui convient. D’après ce que je comprends, cela commence par les juges en chef, mais je ne pourrais pas vous dire si les gouvernements provinciaux jouent un rôle plus important.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le sénateur Cotter : Monsieur Giroux, je suis heureux de vous revoir. J’ai deux questions plus fondamentales à vous poser. D’abord, j’entends dire de façon anecdotique que, pendant cette période de pandémie de COVID marquée par des difficultés et par l’incertitude, les tribunaux ont été moins occupés que d’habitude. J’aimerais savoir si — au cours de cette dernière période et malgré le manque d’augmentation des effectifs de juges — vous avez l’impression que justice n’est pas entièrement rendue, sans que nous ayons pour autant été confrontés à un stress particulier au cours des 12 ou 15 derniers mois.
La deuxième question concerne les juges surnuméraires. Je crois qu’il est juste de dire que les chiffres dont vous et le ministre parlez — quant au nombre de juges dans les cours supérieures et à l’augmentation de leur nombre —, concernent des postes à temps plein. En effet, les juges surnuméraires ne sont pas pris en compte dans ce calcul, même s’ils ont tendance à continuer de servir à mi-temps pendant certaines périodes de l’année. Ma question porte en fait sur les tendances. Y a-t-il plus de juges surnuméraires et donc, curieusement, une légère augmentation des effectifs, ou est-ce que la tendance se maintient ou encore, est-ce que les juges optent moins souvent pour le travail en surnuméraire? Je ne sais pas si vous avez des chiffres précis, mais j’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
M. Giroux : Merci, sénateur. Je vais commencer par votre deuxième question. Pour vos deux questions, je vais devoir vous fournir une réponse anecdotique. D’après mon expérience en ce qui concerne les juges surnuméraires, je dirais que les juges prennent leur retraite plus tôt ou qu’ils se prévalent de la possibilité de travailler en tant que surnuméraire une fois qu’ils sont admissibles, et cela un peu plus que par le passé. Je ne sais pas s’il y a une raison particulière à cela. Évidemment, il faudrait que j’obtienne plus de données exactes, mais c’est ce que je crois comprendre. Il semble y avoir un plus grand roulement, si je peux m’exprimer ainsi — plus de postes vacants sont créés régulièrement, plus de juges veulent devenir surnuméraires. C’est peut-être un signe que les gens ne veulent pas nécessairement siéger à temps plein comme juges jusqu’à l’âge de 75 ans s’ils peuvent devenir surnuméraires ou prendre leur retraite plus tôt. À ce sujet, c’est ce que je peux vous dire d’un point de vue anecdotique.
Par ailleurs, en ce qui concerne la pandémie et les pressions exercées sur les tribunaux, j’ai évidemment des échos des juges à ce sujet aussi. Je dirais que ce n’est pas clair en ce qui concerne... je pense que les tribunaux ont été soumis à plus de pressions. Cela dépend en fait du tribunal. Cependant, je dirais que certains tribunaux subissent certainement beaucoup de pressions. Comme vous le savez probablement, un comité d’action sur cette question a été mis sur pied. Présidé par le juge en chef Wagner et le ministre Lametti, le comité se penche sur les problèmes auxquels les tribunaux sont confrontés à cause de la pandémie et veille à ce que ceux-ci continuent de bien fonctionner et de façon uniforme à l’échelle du pays. Cela a été très utile pour régler certains des problèmes soulevés par les juges et les juges en chef.
Pour ce qui est de la pression elle-même, certains juges en chef m’indiquent effectivement que leur tribunal subit beaucoup de pressions pour essayer d’administrer la justice de la même façon qu’avant, malgré la pandémie, mais que ce n’est évidemment pas le cas. Il n’est pas facile d’exercer de nouvelles pressions, mais je pense que les tribunaux s’adaptent généralement bien à ces pressions.
Le sénateur Cotter : Merci.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Il y a beaucoup de points à couvrir. D’abord, au sujet de la date de départ des juges; certains pensent qu’elle est prévisible.
Vous pouvez peut-être approfondir davantage la réponse que vous avez donnée plus tôt. Ce qui est prévisible, c’est l’âge de la retraite obligatoire, soit 75 ans. Actuellement, assistez-vous à un phénomène de départs anticipés de la part des juges ou choisissent-ils de devenir surnuméraires ce qui, je le comprends, crée une vacance au sein de la magistrature? Est-ce facile de prévoir la date de départ des juges?
M. Giroux : Il n’est pas toujours facile de prévoir les dates de départ. L’âge de la retraite obligatoire est 75 ans. Dans le cas d’un juge qui est devenu surnuméraire, la date obligatoire de retraite est prévue 10 ans après que la personne est devenue surnuméraire. Dans ce sens, c’est relativement facile.
Toutefois, cela trahit un peu les faits. Plusieurs juges décident de partir plus tôt ou de devenir surnuméraires une fois qu’ils satisfont aux critères à cet égard. Je crois que, auprès de la magistrature, on dira que les juges devraient ou tenteront de donner un préavis de départ de six mois, soit à titre de juge surnuméraire ou pour la retraite. Cela n’est pas toujours le cas.
Je crois que plusieurs juges s’efforcent de le faire pour le bien de leur cour et pour qu’une nomination soit faite en bonne et due forme, mais ce n’est pas toujours si évident. Si on se fie à l’âge de retraite obligatoire, qui est de 75 ans, on présume qu’on devrait savoir qu’ils partent à ce moment-là, car c’est la date maximale à laquelle ils peuvent quitter leur poste. Cependant, ils peuvent quand même partir plus tôt, par exemple s’ils satisfont aux critères de la règle du 80, pour devenir surnuméraires, ce qui crée une vacance, ou pour prendre leur retraite.
Le sénateur Dalphond : La sénatrice Simons a posé une question sur ce sujet. Il faut faire la distinction entre les besoins des cours fédérales, comme la Cour canadienne de l’impôt, la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale, et les besoins des cours provinciales ou des cours supérieures provinciales comme la Cour du Banc de la Reine, en Alberta. Dans ces cas, les besoins doivent d’abord être évalués par la province qui crée des postes, et ensuite par le gouvernement fédéral, qui doit ajouter dans sa loi le nombre de postes prévu. Si je comprends bien, l’évaluation est faite par la province au moyen de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui s’applique.
M. Giroux : Je vous dirais de façon assez candide qu’il est facile pour une province de créer de nouveaux postes parce que le salaire des juges est payé par le gouvernement fédéral. C’est pourquoi le gouvernement fédéral doit s’assurer que les nouveaux postes sont justifiés, parce qu’en fin de compte, c’est lui qui paie le salaire des juges.
La province a certainement des responsabilités administratives, comme celle de s’assurer qu’il y a assez de locaux et de personnel pour le juge. En fin de compte, une province peut créer le nombre de postes qu’elle veut, mais il appartient au gouvernement fédéral de déterminer les besoins particuliers de la cour et le salaire qui sera payé aux nouveaux juges.
Comme je l’ai dit plus tôt, dans certains cas, il y a des provinces qui n’auront pas légiféré à temps lorsque les nouveaux postes créés par le gouvernement fédéral seront ouverts et à ce moment, nous devrons — le bureau du ministre et le mien — nous assurer qu’aucune nomination n’est faite avant que le poste soit créé, non seulement par le gouvernement fédéral, mais aussi par le gouvernement provincial.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Tout d’abord, sénateur Simons, j’ai été cheffe de cabinet du ministre de la Justice de la Saskatchewan pendant quatre ans et demi, et je peux vous dire que le ministre provincial de la Justice et le ministre fédéral de la Justice travaillent en étroite collaboration sur des questions comme le nombre de juges requis, parce que la province est responsable de l’administration de la justice.
Monsieur Giroux, je me demande si votre bureau fait aussi le suivi des postes vacants au sein des comités consultatifs de la magistrature, ou CCM, qui sont chargés de recommander des noms. Si votre bureau en fait le suivi, qu’en est-il actuellement? Au cours des dernières années, beaucoup de postes étaient vacants à de nombreux CCM. Quelle est la situation à l’heure actuelle, et ces vacances expliquent-elles le ralentissement du processus de nomination des juges? Merci.
M. Giroux : Merci, sénatrice. C’est une bonne question. Oui, nous suivons effectivement les comités consultatifs de la magistrature, parce que nous travaillons en étroite collaboration avec eux. Un membre de mon personnel doit assister à toutes les réunions des comités consultatifs de la magistrature du pays. Il y en a 50 à 60 chaque année. Les CCM sont très occupés, car ils doivent examiner de près toutes les candidatures aux postes de la magistrature, et nous travaillons de près avec eux.
Les CCM, comme nous les appelons couramment, sont nommés pour deux ans et, dans trois provinces, ils doivent maintenant être renouvelés, soit en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique. J’ai cru comprendre que les nominations attendues à ces comités seraient bientôt annoncées. Je peux vous dire qu’il est toujours important que les CCM soient nommés à temps. Je sais que les ministres en sont très conscients et que des efforts sont déployés en ce sens.
Ce qui a changé au fil des ans, c’est que, par le passé, les mandats de tous les CCM au pays arrivaient à terme en même temps. Maintenant, ces échéances sont décalées, ce qui contribue à assurer un renouvellement constant des membres des comités consultatifs de la magistrature et à faire en sorte que, partout au pays, il y ait toujours de tels comités consultatifs qui siègent. Si vous me permettez d’ajouter une chose, je dirais que les membres de ces CCM font un excellent travail d’évaluation des qualifications des candidats.
La sénatrice Batters : Merci. C’est important de le savoir, parce que ce sont trois grandes provinces qui ont beaucoup de juges. J’espère que le ministre en prend bonne note, surtout s’il y a des élections à venir. Merci.
M. Giroux : Merci. Je crois savoir qu’ils seront nommés bientôt.
La présidente : Permettez-moi d’enchaîner sur cette question, commissaire. Parlons de la composition des comités consultatifs... j’imagine que ce sont des profanes. Certains sont nommés par le gouvernement fédéral, d’autres par le gouvernement provincial et d’autres encore par le Barreau. Est-ce ainsi que les choses fonctionnent? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Giroux : Chaque CCM compte sept membres. Un est choisi par le juge en chef de la province concernée, un autre par le procureur général de cette province, un autre par le Barreau et un autre enfin par l’Association du Barreau canadien, ce qui fait quatre. Ensuite, trois membres sont nommés par le ministre de la Justice, et habituellement, parmi ces trois personnes, une au moins est profane en la matière, en ce sens qu’elle n’a pas d’expérience de ces questions, qu’elle n’est pas avocate ni ancienne juge. Donc, en tout, sept membres siègent à ces comités.
La présidente : Depuis plusieurs années, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, beaucoup de postes sont vacants. Tous les juges en chef des provinces vous diront : « Faites toutes les lois que vous voulez, mais donnez-nous des juges. Nous ne pouvons pas faire tout ce que vous attendez de nous. » Je ne parle pas comme une avocate. L’excuse que j’ai entendue est que cela change le processus. Quel est donc le processus qui a changé? Les députés veulent savoir ce qui a changé et pourquoi cela prend autant de temps. Il y a maintenant 36 postes vacants. Pourquoi cela prend-il autant de temps?
M. Giroux : Je pense qu’il peut y avoir des fluctuations au fil du temps qui expliquent pourquoi il faut parfois plus de temps pour faire des nominations. Je pense que le ministre a parlé des élections, période pendant laquelle aucune nomination n’est faite, bien sûr. Quand un nouveau gouvernement est nommé, surtout s’il ne s’agit pas d’une réélection, le processus peut prendre un peu plus de temps.
Comme il n’y a actuellement que 36 postes à combler, on peut dire que les choses vont généralement assez bien. De toute évidence, certains juges en chef ne verront pas tous leurs besoins satisfaits. Cela dépend de qui l’on parle, mais dans l’ensemble, les choses vont relativement bien.
Depuis 2016, quelques changements ont été apportés, notamment avec le nouveau questionnaire pour les candidats, l’accent mis sur la nomination de nouveaux juges qui reflètent la diversité du Canada, et l’ajout de questions posées aux candidats à la magistrature.
Après la mise en place de ce nouveau processus, il y a eu quelques difficultés à surmonter, si je puis m’exprimer ainsi, mais les choses ont évolué et les nominations sont faites régulièrement. Le nouveau processus donne évidemment lieu à plus de diversité parmi les juges nommés et aussi à plus de diversité au sein des comités consultatifs de la magistrature.
La présidente : Merci beaucoup pour cette explication très utile. Mais pour nous qui sommes ici, et je suis sûre pour les gens qui nous écoutent également, nous constatons que 36 postes sont vacants au pays, et la situation est plus sérieuse dans certains coins que dans d’autres. Je comprends cela. Mais alors, pourquoi augmenter le nombre de juges si nous ne sommes même pas en mesure de combler les 36 postes vacants? Ces vacances sont-elles dues à des maladies ou à des départs à la retraite? Vous avez dit que certains juges prennent une retraite anticipée et deviennent surnuméraires, mais que se passe-t-il au juste? Parce que je ne me souviens pas avoir déjà entendu autant de juges en chef me dire qu’il fallait combler leurs postes vacants, comme ils sont aujourd’hui nombreux à le réclamer.
M. Giroux : Je pense que vous avez raison. Je comprends très bien pourquoi ils font cette demande aujourd’hui, pourquoi ils veulent plus de juges. Ils veulent alléger les pressions qui s’exercent sur leurs tribunaux et sur les juges en poste. C’est un problème très répandu et dont nous parlons depuis que je travaille dans ce bureau. Il faut que les nominations soient toujours exécutées le plus rapidement possible par les juges en chef, et le gouvernement fait de son mieux pour répondre le plus vite possible à leurs besoins.
D’après mon expérience, je dirais que certains juges en chef peuvent être très heureux pendant un temps, puis qu’il leur arrive de dire : « Eh bien, cela fait un certain temps maintenant que je n’ai eu personne. » Je ne sais pas si je peux vous en dire plus pour répondre à votre question. Comme je l’ai dit plus tôt, je crois — et c’est peut-être un bon point à examiner —, on constate au moins un roulement plus régulier. Soit dit en passant, il y a un plus grand roulement des juges en postes et donc un plus grand nombre de postes qui se libèrent également.
La présidente : Dites-moi, attribuez-vous ces demandes à des juges qui prennent des décisions soudaines? Dans tout autre milieu, quand quelqu’un doit prendre sa retraite, on se met à chercher sa relève. Là, il semble qu’on le fasse après que le juge a pris sa retraite. Je me trompe peut-être complètement. Des profanes ou des gens comme nous se demandent comment on a pu se retrouver avec 36 postes vacants. Je ne comprends pas.
M. Giroux : Je ne sais pas si c’est à moi de vous répondre, sénatrice. Vous avez mentionné que, lorsqu’un juge prend sa retraite, surtout dans les petits tribunaux, il peut être nécessaire de combler le poste qu’il laisse vacant d’une manière toute particulière. S’il s’agit d’un petit tribunal où le juge qui part a un domaine d’expertise précis — que ce soit le droit de la famille, le droit pénal ou autre — et que celui-ci s’en va du jour au lendemain, le ministre pourra certes puiser dans un bassin de candidats hautement qualifiés, mais vous risquez de ne pas trouver le juriste idoine. C’est peut-être une partie de l’explication. Autrement, je pense que le ministre serait mieux en mesure de vous répondre que moi.
La présidente : C’est juste. Monsieur Giroux, nous tenons à vous remercier. Vous vous rendez toujours disponible pour notre comité et vous êtes toujours direct. Nous apprenons beaucoup de vous. Nous vous remercions d’avoir toujours été aussi patient avec nous et nous avons hâte de vous revoir la prochaine fois. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, je vais maintenant demander à M. Walker de nous expliquer ce qu’il attend de nous au sujet du rapport sur le projet de loi C-30.
Julian Walker, analyste, Bibliothèque du Parlement, Sénat du Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Comme la présidente l’a mentionné, nous vous invitons à nous faire part de vos observations, afin que celles-ci puissent être intégrées au rapport que la présidente fera au Sénat de votre étude de certaines dispositions de la loi d’exécution du budget. Comme vous le savez, le Comité est saisi de trois articles, et je ne vais pas entrer dans les détails.
Vous aurez reçu des exemples d’observations ayant été faites dans le cadre de rapports sur des études antérieures. Cela donne une idée de la façon dont les choses ont été faites par le passé. Bien entendu, c’est au comité de décider de la manière dont il souhaite aborder le projet de loi actuel. Si vous avez des idées que vous aimeriez inclure, sachez que Mme Keenan-Pelletier et moi, vos deux analystes, serions heureux de rédiger quelque chose pour vous en fonction de ce que vous souhaitez. Si vous avez des choses dont vous voulez parler, eh bien, nous espérons que vous nous donnerez les principaux thèmes que vous aimeriez aborder, surtout si vous avez un commentaire ou une observation à faire en particulier. Comme vous pouvez le constater, par le passé, les amendements proposés ont parfois été directement liés au contenu du projet de loi et, parfois, ils ont davantage découlé de conversations ayant porté sur les amendements mêmes. Mais à ce stade, nous cherchons ce que vous...
La présidente : Excusez-moi, monsieur Walker, mais je me suis trompée.
Monsieur Palmer, pouvons-nous poursuivre à huis clos, s’il vous plaît?
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
La présidente : Honorables sénateurs, pour le dernier groupe de témoins aujourd’hui, nous allons parler de la section 37 concernant les élections. Nous sommes heureux d’accueillir Stéphane Perrault, directeur général des élections, Élections Canada, qui n’est pas un nouveau venu à notre comité. Merci d’être revenu, monsieur Perrault.
Nous entendrons aussi Yves Côté, commissaire aux élections fédérales, Bureau du commissaire aux élections fédérales. Vous aussi, monsieur, êtes connu de notre comité et vous le connaissez également. Joanna Baron est directrice générale de la Canadian Constitution Foundation.
Les membres du comité sont la sénatrice Batters, qui en est la vice-présidente, le sénateur Campbell, qui est le vice-président, la sénatrice Boniface, le sénateur Boisvenu, le sénateur Carignan, le sénateur Cotter, le sénateur Dalphond, la sénatrice Dupuis, la sénatrice Pate, la sénatrice Simons et le sénateur Tannas.
Vous pouvez maintenant commencer vos exposés.
Stéphane Perrault, directeur général des élections, Élections Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant le comité dans le cadre de son étude des modifications proposées à la Loi électorale du Canada par le biais du projet de loi C-30. Je serai très bref.
La Loi sur la modernisation des élections, qui a reçu la sanction royale en décembre 2018, a modifié l’article 91 de la Loi électorale du Canada afin d’interdire à toute personne ou entité de faire ou de publier, pendant la période électorale, certains types de fausses déclarations dans le but d’influer sur les résultats électoraux.
L’article 91, comme il est édicté dans la Loi sur la modernisation des élections, a l’avantage de préciser la liste des déclarations interdites, ce qui délimite parfaitement les restrictions pouvant être imposées à la liberté d’expression. Toutefois, l’article 91 ne contient plus de dispositions explicites concernant la notion de « connaissance » ou de conscience de l’infraction relativement à la fausseté des déclarations.
Les débats en comité à l’autre endroit ont permis de dégager un accord sur la nécessité de prouver que la personne ou l’entité ayant fait la déclaration savait que celle-ci était fausse. Néanmoins, les fonctionnaires qui ont participé à la rédaction de la nouvelle disposition étaient d’avis que le libellé de l’article 91 faisait double emploi, puisque les infractions connexes prévues à l’article 46 exigeaient déjà une intention.
[Français]
Comme vous le savez, en février, la Cour supérieure de l’Ontario a invalidé l’article 91 parce que les infractions connexes ne comprenaient pas le mot « sciemment » et portaient atteinte à la liberté de façon injustifiable. Le projet de loi C-30 propose de remédier à la situation en ajoutant le mot « sciemment » au libellé des infractions qui sont liées à l’article 91.
Alors, permettez-moi de signaler que les modifications à la Loi électorale n’ont que rarement, voire jamais été incluses dans un projet de loi d’exécution du budget. Dans le cas présent, cependant, la modification proposée ne constitue pas un changement de politique législative du gouvernement, mais plutôt un correctif au vice de rédaction qui a entraîné l’invalidation de la disposition par la Cour supérieure de l’Ontario. Par conséquent, j’appuie cette modification faite dans le cadre du projet de loi C-30. Je vous remercie.
Yves Côté, commissaire aux élections fédérales, Bureau du commissaire aux élections fédérales : Je tiens tout d’abord à vous remercier pour les chaleureux mots de bienvenue que vous avez prononcés.
C’est avec grand plaisir que je comparais devant vous aujourd’hui pour assister le comité dans son examen des dispositions du projet de loi C-30 relatif à l’application de l’article 91 de la Loi électorale du Canada.
En 2018, dans le cadre de l’examen du projet de loi C-76, mon bureau avait indiqué qu’une disposition comme l’article 91 devait établir un juste équilibre en visant, d’une part, à permettre le débat normal et les joutes politiques habituelles auxquelles nous pouvons nous attendre en période électorale, et d’autre part, à interdire les fausses déclarations volontaires qui sont de nature grave et qui peuvent injustement nuire au succès d’un candidat ou d’un parti à une élection.
[Traduction]
Je signale que, même si la portée de l’article 91 a fait débat à l’époque, rien dans les délibérations des députés n’a laissé entendre qu’il fallait englober les fausses déclarations faites non sciemment. Pour cette raison, à la suite de l’adoption du projet de loi C-76, nous avons annoncé notre intention de continuer à appliquer l’article 91 comme si l’exigence d’établir la connaissance de la nature fausse de la déclaration faisait partie de l’infraction.
On pourrait toujours faire valoir qu’un seuil plus bas pourrait être utilisé pour prouver la mens rea, comme la simple insouciance, mais j’ai estimé que la meilleure interprétation de la disposition — celle d’ailleurs que nous avons appliquée — consiste à systématiquement prouver la connaissance.
[Français]
La décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario concernant l’article 91 et la décision subséquente du gouvernement du Canada de ne pas porter cette décision en appel signifient bien sûr que cette disposition ne pourrait être appliquée en Ontario lors d’une élection fédérale tenue avant l’adoption du changement proposé dans le projet de loi C-30.
[Traduction]
Je tiens à préciser que, conformément à la pratique habituelle, quand une disposition est invalidée par les tribunaux d’une province, nous appliquons le jugement rendu partout au pays. Il ne serait certainement pas dans l’intérêt public que des règles différentes s’appliquent dans différentes provinces pour les mêmes élections générales fédérales. Bien sûr, cela veut dire que si une élection générale devait se tenir avant que ne soit réglé le problème soulevé par la cour relativement à l’article 91, nous n’appliquerions la disposition nulle part au pays.
[Français]
L’absence actuelle de règles interdisant les fausses déclarations faites au sujet de candidats en inquiète plusieurs. Compte tenu de cette préoccupation et du vide législatif créé par la récente décision, j’appuie la modification de l’article 486 dont vous êtes saisis aujourd’hui, qui précise clairement que, pour prouver qu’une infraction a été commise en vertu de l’article 91, la poursuite doit prouver que l’accusé savait que sa déclaration était fausse.
Madame la présidente, je vous remercie de votre attention. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Traduction]
Joanna Baron, directrice générale, Canadian Constitution Foundation : Merci beaucoup de m’avoir invitée à témoigner. La Canadian Constitution Foundation se réjouit de la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, bien que nous demeurions extrêmement préoccupés par la constitutionnalité globale du paragraphe 91(1), même si l’adverbe « sciemment » a été réintroduit dans le projet de loi. L’alinéa 2b) de la Charte garantit la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse. Cette protection favorise notamment la participation aux décisions sociales et politiques. L’article 91 de la Loi électorale du Canada, ou LEC, mine cette liberté garantie par l’alinéa 2b) de la Charte. Il cible l’activité expressive. Bien que l’État puisse juger que le contenu expressif d’une activité est faux, l’alinéa 2b) est neutre sur le plan du contenu et il protège l’expression non seulement des vérités, mais aussi des faussetés, telles qu’elles sont exprimées.
Les Canadiens ne devraient pas avoir à craindre d’être poursuivis pour avoir communiqué des renseignements que l’État juge faux ou des idées que les politiciens jugent indignes d’être propagées, et pourtant l’article 91 limite l’expression politique dans un contexte où elle compte le plus, soit lors d’une campagne électorale. La disposition limite les libertés garanties à l’alinéa 2b), notamment celles de croyance, d’opinion et d’expression. Cet article n’est pas défendable au vu de l’article 1 de la Charte.
Lorsque la LEC a été modifiée en décembre 2018, on y a apporté deux changements à la version précédente, outre qu'on a supprimé l’exigence d’une connaissance explicite. Premièrement, la modification a ajouté d’autres personnes au sujet desquelles il ne faut pas faire de fausses déclarations. Il est désormais question, en plus du candidat effectif ou potentiel, du chef de tout parti politique ou d’une personnalité publique associée à un parti politique. Deuxièmement, les types de fausses déclarations visées à l’article 91 ont été modifiés pour comprendre désormais toute fausse déclaration selon laquelle un candidat, un candidat éventuel, le chef d’un parti politique ou une personnalité publique aurait commis une infraction à une loi fédérale ou aurait été accusé d’une telle infraction ou aurait fait l’objet d’une enquête. Deuxièmement, on parle de fausse déclaration au sujet de la citoyenneté, du lieu de naissance, du niveau d’instruction, des qualifications professionnelles ou de l’appartenance à un groupe ou à une association d’un candidat, d’un candidat potentiel ou d’une personnalité publique, et cetera.
L’amendement proposé ne règle toujours pas le caractère par trop général de la disposition de fond et de son imprécision. Par exemple, on ne sait pas exactement qui est une personnalité publique associée à un parti politique. De plus, en vertu du sous-alinéa 91(1)b)(2), les faussetés délibérées que les politiciens répandent à leur sujet seraient incluses. Par exemple, l’ancien chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, a déclaré qu’il était un courtier d’assurance qualifié alors qu’il ne l’était apparemment pas.
L’alinéa b) de la Charte exige que l’État s’abstienne généralement d’intervenir dans la recherche de la vérité. C’est une entreprise qui doit être laissée aux soins de la société. La démocratie peut être compliquée, mais l’État ne peut pas légalement chercher à protéger la démocratie contre elle-même. Le discours politique en période électorale peut être exagéré, grossier, satirique ou sarcastique, mais quelqu’un pourra juger nécessaire de recourir à l’hyperbole ou à la satire, parfois de façon offensante, pour faire valoir efficacement un point de vue ou pour exprimer pleinement ses pensées ou ses convictions. La Charte garantit à chacun le droit de porter ce jugement. L’article 91 du projet de loi ne prévoit aucune exception pour ce qui est de la parodie ou de la satire. Le paragraphe 91(1) se distingue en cela de l’article 480.1, par exemple, qui est l’infraction d’usurpation d’identité, et du paragraphe 481(1), qui est l’infraction de publication trompeuse, prévoyant tous deux des exceptions pour la parodie ou la satire.
Le caractère vague et ambigu de l’article 91 laisse les personnes morales et physiques dans l’incertitude quant à ce que la disposition interdit ou non. On peut donc s’attendre à ce que d’aucuns optent pour la prudence et mettent la pédale douce pour éviter le risque d’enfreindre la loi. Cela ne peut se faire qu’au détriment d’une circulation libre et sans entraves de l’information, des croyances et des opinions qui sont autant d’éléments essentiels à une démocratie fonctionnelle, en particulier, à un processus électoral ouvert et efficace.
Enfin, je rappelle au comité qu’en vertu des paragraphes 486(4) et 500(5) de la Loi électorale du Canada, toute personne ou entité qui contrevient au paragraphe 91(1) commet une infraction et encourt des peines sévères. Le fauteur peut être condamné à payer une amende pouvant atteindre 50 000 $ ou à une peine d’emprisonnement d’un maximum de cinq ans, ou aux deux. En outre, il n’y a pas de délai de prescription pour intenter des poursuites au titre de cette infraction. Merci beaucoup de votre temps. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup de votre exposé. Merci beaucoup à tous les témoins.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Ma première question s’adresse à M. Côté. Vous exprimant en qualité de commissaire aux élections, vous avez indiqué en ouverture, qu’en ce qui concerne la disposition dont nous discutons aujourd’hui, au cours des deux ou trois dernières années depuis l’adoption du projet de loi C-76, vous avez présumé qu’il fallait encore prouver que l’auteur de l’infraction était conscient de la fausseté de ses déclarations. Parlons donc de votre décision de retenir l’hypothèse voulant que la connaissance doive être confirmée, même si le mot « sciemment » a été rejeté à deux reprises quand les députés conservateurs ont proposé cet amendement. Donc l’adverbe « sciemment » n’était pas dans la loi, mais vous avez tout de même présumé qu’il fallait encore prouver la connaissance. Cette décision a-t-elle changé quelque chose dans vos poursuites en vertu de la loi électorale depuis l’adoption du projet de loi C-76 en 2018?
M. Côté : Sénatrice, parlez-vous des poursuites en vertu de cette disposition en particulier ou de façon plus générale?
La sénatrice Batters : Je parle de votre hypothèse selon laquelle le mot « sciemment » était sous-entendu dans cette disposition particulière. Je ne sais pas. Je me demande si cela a eu des conséquences dans vos décisions relatives à des infractions éventuelles à la Loi électorale. Votre décision d’inclure a priori le mot « sciemment » a-t-elle eu une incidence sur votre travail?
M. Côté : Quand la disposition a été modifiée, j’ai clairement indiqué à tous mes enquêteurs et à ceux qui s’occupent des communications au sein de notre bureau que celle-ci devrait être appliquée dans les cas où la connaissance de la fausse déclaration pouvait être établie contre le fauteur. C’est la position que nous avons adoptée dans les lettres que nous avons envoyées aux plaignants en vertu de l’article 91. C’est aussi une déclaration que nos gens des communications ont transmise à la presse. En fait, j’ai trouvé quelques articles où notre porte-parole a dit précisément ce que je vous dis ici.
Lors de la dernière campagne électorale, nous avons reçu près de 400 plaintes aux termes de l’article 91. Bon nombre de ces plaintes concernaient des incidents particuliers. Je suis en mesure de vous dire aujourd’hui, à vous et au comité, que toutes les plaintes ont été réglées, sauf deux ou trois, et qu’aucune poursuite n’a été intentée dans les cas résolus. Toutes les plaintes ont été rejetées parce qu’elles n’établissaient pas l’existence d’une infraction aux termes de l’article 91.
J’ajouterais en passant que le nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires qui a été adopté en vertu du projet de loi C-76 ne s’applique pas aux infractions possibles prévues à l’article 91, de sorte que la seule véritable façon d’appliquer cette disposition est d’intenter des poursuites devant les tribunaux.
La sénatrice Batters : Merci. Ma prochaine question s’adresse à M. Perrault, en sa qualité de directeur général des élections. Les notes d’information du ministre à ce sujet font état de l’inclusion de cette mesure — celle dont nous discutons aujourd’hui :
[...] dans le budget, parce qu’il est urgent de s’assurer que cette disposition soit en vigueur au cas où des élections générales ou partielles viendraient à être déclenchées.
Le gouvernement fédéral considère donc que cet amendement est urgent, mais les amendements que vous avez recommandés en tant que directeur général des élections concernant la tenue d’élections en situation de pandémie ne font pas, à ses yeux, l’objet de la même priorité.
Monsieur Perrault, comme vous le savez sans doute, des élections générales pourraient être déclenchées n’importe quand pendant une pandémie, et comme nous avons un gouvernement minoritaire au pouvoir, que pensez-vous du fait que le gouvernement fédéral n’inclue pas la possibilité de la tenue d’élections en période de pandémie, ne serait-ce que sous une forme relativement simple comme votre proposition d’étaler le vote sur trois jours?
M. Perrault : Sénatrice Batters, j’aurai juste deux ou trois choses à dire. Je n’ai pas recommandé que le vote soit étalé sur trois jours, mais sur deux jours. J’y reviendrai si nécessaire. Je dois dire que j’ai hâte de témoigner devant les comités au sujet du projet de loi C-19, en lien avec mes recommandations.
Je n’aurais pas appuyé un changement important ni même fondamental à la Loi électorale par le biais d’un projet de loi d’exécution du budget, et j’aurais été surpris par une telle proposition. Si j’appuie cette solution, c’est pour corriger un problème découlant d’une disposition, mais pas pour changer la politique législative. À mon avis, il est approprié que les changements que je recommande soient soumis à un processus législatif normal plutôt que de passer par le recours extraordinaire à un projet de loi d’exécution du budget. Cela dit, j’ai hâte de comparaître devant les comités.
La sénatrice Batters : Oui, mais cela pourrait prendre un certain temps parce que je crois que le projet de loi vient juste... A-t-il franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes? Le projet de loi n’a donc pas encore été renvoyé au comité de la Chambre des communes, et il reste encore beaucoup à faire. Merci.
M. Perrault : Merci.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à M. Perrault et peut-être à M. Côté. Je crois comprendre qu’il y a une tradition ou une règle non écrite selon laquelle on ne fait pas d’amendements à la Loi électorale sans d’abord en discuter avec les partis politiques et essayer d’avoir un consensus.
Est-ce que je dois comprendre que cet amendement à l’article qui est devant nous a fait l’objet d’un consensus entre les partis politiques? Se peut-il qu’ils soient d’accord pour dire qu’il y a urgence d’agir?
M. Perrault : Je ne peux pas parler au nom du gouvernement. Cependant, je peux vous dire que lorsque je fais des recommandations au Parlement, j’ai certainement l’habitude — et c’était le cas de mes prédécesseurs — de consulter le Comité consultatif des partis politiques à moins que ce soient des questions techniques ou mineures. C’est ma pratique.
Je ne sais pas s’il y a eu des consultations auprès des partis politiques.
Le sénateur Dalphond : Il n’y en a pas eu de votre part si je comprends bien?
M. Perrault : Je n’ai pas pris part à la modification proposée maintenant.
Le sénateur Dalphond : Est-ce une suggestion venant de vous ou de votre bureau qui est faite au gouvernement d’apporter un amendement à la suite du jugement, ou est-ce le gouvernement qui, de lui-même, a lancé l’idée — et maintenant, vous dites que vous êtes d’accord avec l’idée?
M. Perrault : C’est le gouvernement, je crois que c’est le procureur général qui a choisi de ne pas porter la décision en appel et à la lumière de ces faits, je dois supposer que c’est effectivement à la suite de cela que le gouvernement a pris l’initiative de corriger le problème. Cela s’est fait sans interaction entre le bureau du ministre LeBlanc et moi-même.
Le sénateur Dalphond : D’accord. Je comprends que c’est le cas de M. Côté aussi?
M. Côté : Précisément, sénateur Dalphond, nous n’avons pas participé à la prise de décision quant au dépôt de l’amendement qui est devant vous aujourd’hui.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
J’ai maintenant une question pour Mme Baron. Merci à tous les témoins et merci à vous, madame, d’être venue témoigner au nom de la fondation. En ce qui concerne l’article 91, dois-je comprendre que vous vous opposez à toute forme de restriction, ou pensez-vous que celui-ci établit un filet trop large ou qu’il est de portée trop large et qu’il faudrait en réduire l’envergure?
Mme Baron : Dans le cadre de ces discussions, nous ne nous opposons à aucune restriction, mais nous pensons que l’équilibre n’a pas été atteint, que la disposition pourrait ratisser trop large d’où le problème, outre qu’elle manque de clarté et de précision. Par exemple, la question du mot « sciemment » et de son retrait après coup a fait l’objet de toute une analyse lors de l’audience de la Cour supérieure, comme vous le savez peut-être si vous avez lu le jugement. Le juge a bloqué sur cette question, ce qui lui a suffi à déclarer la loi inconstitutionnelle.
Il y a eu aussi la question de savoir si quelqu’un ne risquait pas de faire l’objet d’une enquête pour infraction à une loi du Parlement, et les gens se sont demandé comment cela pouvait être aussi vague. Si quelqu’un disait que le premier ministre est un escroc ou quelque autre hyperbole du genre, on ne sait pas exactement dans quelle mesure ses propos seraient visés par la loi.
Je tiens à préciser que nous ne nous opposons nullement à l’imposition de restrictions sur le discours politique, même si nous sommes une organisation en faveur de la liberté d’expression, mais nous pensons que ce projet de loi n’a pas établi un juste équilibre.
Le sénateur Dalphond : Que proposez-vous que nous fassions maintenant? Parce que nous ne faisons que modifier l’article 486 à ce sujet, mais vous avez plus ou moins fait allusion à la portée de l’article 91.
Mme Baron : Je crois savoir que l’article 91 a été déclaré inopérant et inconstitutionnel, et qu’il ne devrait pas figurer dans cette mesure. Je suis convaincue qu’il ne faudrait pas l’étudier à la faveur d’un projet de loi d’exécution du budget plus vaste, alors qu’il traite de questions de fond comme la liberté d’expression, d’autant que le gouvernement se propose déjà d’adopter de nouvelles lois qui limiteront considérablement la portée des communications en ligne. Comme vous le savez, rien ne prouve que, lors des élections fédérales de 2019 — à l’époque où cette disposition plus large a été appliquée—, celle-ci ait contribué à réduire la propagation de la désinformation. Et je ne pense pas que la solution appropriée au problème des fausses nouvelles consiste à menacer les Canadiens d’amendes et de peines d’emprisonnement.
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord là-dessus. D’après ce que vous dites, je comprends que cet amendement s’attaque à la pointe de l’iceberg, à la notion d’un acte commis « sciemment » ou pas, mais il y a eu beaucoup plus de débats sous la surface dont cet amendement ne traite pas.
Mme Baron : C’est juste. La juge Davies est une minimaliste judiciaire qui a rendu une décision justifiée sur un petit point, mais il y a une question beaucoup plus vaste derrière tout cela. Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma question s’adresse d’abord à M. Côté. Je ne sais pas si M. Perrault pourrait aussi ajouter quelque chose.
J’aimerais savoir si, dans le cadre des plaintes que vous avez reçues aux dernières élections, vous disposez de données sur les personnes qui étaient visées, quant à leur appartenance à un genre ou à un groupe racialisé. Le cas échéant, sur le plan des statistiques, qu’est-ce que cela nous donne comme portrait?
M. Côté : Sénatrice Dupuis, je n’ai pas toutes les données devant moi, mais selon mes souvenirs des dossiers que nous avons traités — je pense que vous avez parlé de groupes racialisés et des femmes?
À ma connaissance, les seules personnes envers lesquelles de fausses déclarations avaient été faites et pour lesquelles des plaintes ont été déposées étaient des hommes. Je pense que c’étaient tous des hommes non racialisés.
La sénatrice Dupuis : Éventuellement, si vous avez des données à ce sujet, pourriez-vous les déposer au comité? Je comprends que vous ne les avez pas nécessairement devant vous aujourd’hui.
M. Côté : Je vais voir ce que nous pouvons produire, en gardant à l’esprit les règles de confidentialité très strictes qui s’appliquent à notre travail. Je pense qu’il y a des choses qu’on serait en mesure de transmettre au greffier du comité, M. Palmer, au cours des prochains jours — des informations qui pourraient vous être utiles.
La sénatrice Dupuis : Merci. On essaie de comprendre, de cerner un peu mieux, en ce qui concerne les discours haineux et les faux discours, s’ils visent plutôt les femmes, les personnes racialisées ou les personnes LGBTQ, etc.
Monsieur Perrault, auriez-vous des données à ce sujet?
M. Perrault : Quand on reçoit des plaintes qui pourraient ressembler de près ou de loin à une infraction, elles sont renvoyées au bureau du commissaire qui a pour mandat de faire enquête. Le point que vous soulevez est plus large. Il pourrait y avoir un chevauchement, mais on n’a pas de données que l’on collige sur ces enjeux de discours menaçants ou haineux envers des candidates ou des gens de groupes racialisés.
La sénatrice Dupuis : Il faut comprendre aussi qu’une fausse accusation peut être très proche d’un discours haineux.
M. Perrault : Absolument.
La sénatrice Dupuis : On peut se servir de faussetés pour faire un discours haineux. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci aux témoins. Étant donné que nous avons des lois sur la diffamation et la calomnie, si des élections étaient déclenchées dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de l’article 37, ne risquerait-on pas d’avoir de sérieux problèmes au sujet des fausses déclarations, si cette section devait ne pas avoir préséance sur la Loi électorale parce que cette période de préparation de six mois serait suspendue? Autrement dit, cette mesure est-elle absolument essentielle à une élection équitable, à votre avis? Je m’adresse à nos deux témoins, si nous avons le temps.
M. Perrault : J’hésite un peu à me lancer là-dedans. Je vois la pertinence de votre question, mais comme nous sommes dans un projet de loi d’exécution du budget, je pense que la mesure devrait être adoptée ou rejetée. Je répugne à me lancer dans une discussion sur la question de savoir si elle devrait être différente, plus large ou plus étroite. J’ai pris note de ce qu’a dit Mme Baron à ce sujet.
Je pense que la disposition reflète un jugement du Parlement qui remonte à quelques années, à savoir qu’une conduite très précise et ciblée a causé un préjudice aux élections. À mon avis, ce jugement devrait être maintenu jusqu’à ce que la disposition soit éventuellement corrigée.
Mme Baron : Nous sommes d’avis qu’une bonne partie du genre de méfait que ce projet de loi cherche à contrer serait corrigée par la loi déjà en vigueur sur la diffamation, loi qui prévoit également, comme la sénatrice le sait probablement, une défense dite de commentaire loyal ou une défense fondée sur la vérité, dont il n’est pas question au paragraphe 91(1). Cela, c’est sans parler du problème de la satire et de la parodie, qui est un véritable problème que j’ai évoqué plus tôt.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup.
Le sénateur Cotter : Merci beaucoup aux témoins. Je n’avais pas l’intention de poser de question, mais j’ai peut-être mal compris ce que vous avez dit dans votre dernière réponse, madame Baron. Si j’ai bien compris, vous avez dit que la vérité n’est pas un moyen de défense contre une accusation en vertu de l’article 91. C’est bien cela?
Mme Baron : Oui. Plus exactement, on fait référence au commentaire loyal. Un commentaire loyal est un élément de défense contre la diffamation. On peut aussi supposer que la vérité est un moyen de défense dans les cas de fausses déclarations. Mais un commentaire loyal qui serait une exagération ou une hyperbole ne serait pas une excuse aux termes de l’article 91, bien que ce le soit en vertu des dispositions concernant la diffamation en common law et dans le Code criminel.
La sénatrice Simons : Madame Baron, je vous remercie d’avoir exprimé si clairement certaines des profondes inquiétudes que je ressens à propos de ce projet de loi. Je parle en tant que journaliste ayant 30 ans d’expérience, et je suis profondément préoccupée par les répercussions de cette mesure législative sur la liberté de la presse.
Je me sens d’autant plus inquiète après avoir entendu dire que sur les 400 plaintes déposées aucune n’a été jugée suffisamment importante pour justifier une enquête.
Les témoins pourraient-ils nous parler de l’effet paralysant de cette « création » de méfait. Si 400 personnes ont déposé des plaintes au criminel et qu’aucune de ces plaintes n’a mené à une condamnation au criminel, cela ne revient-il pas à dire que nous avons créé une loi qui risque de donner lieu à des abus, et pas seulement contre des gens qui ont peut-être fait de fausses déclarations et dont la liberté d’expression est brimée, mais aussi contre des gens qui n’ont pas fait de fausses déclarations et qui seront paralysés par la perspective d’une enquête criminelle à cause d’une chose qu’ils auront dite ou publiée?
M. Côté : Sénatrice, rétablissons les faits. Nous avons reçu environ 400 plaintes que nous avons bien sûr toutes examinées. Si je me souviens bien, 100 ou 120 groupes citaient le même genre de déclaration prétendument fausse. Je pense qu’il y a eu six ou sept groupes d’incidents. Par exemple, disons que quelqu’un ait dit quelque chose qui a été perçu par certains comme étant une fausse déclaration au sujet d’un chef de parti. Il se peut que 50 ou 60 personnes aient déposé plainte.
La sénatrice Simons : Je suppose que certaines de ces plaintes sont exactement les mêmes, mot pour mot.
M. Côté : Tout à fait. « Le Globe and Mail a rapporté ceci ou La Presse a rapporté cela et nous pensons que c’est une fausse déclaration, alors s’il vous plaît faites enquête. » C’est pourquoi, même si les chiffres peuvent sembler assez élevés, en fait, comme je l’ai dit, ils doivent être regroupés sous six ou sept grands thèmes.
La sénatrice Simons : Mais votre réponse me préoccupe encore plus, parce qu’on peut supposer qu’à l’origine ce projet de loi visait à empêcher une sorte de campagne de trolls diaboliques menée par des gens dans l’ombre qui répandent de fausses rumeurs. Le fait, comme vous le dites, que des plaintes aient été déposées contre des organes de presse très légitimes et respectés me semble être une utilisation abusive et malveillante des sanctions pénales contre une presse libre.
M. Côté : En tant qu’ancien journaliste moi-même, je me rends compte que ma réponse n’était pas assez claire. Je ne voulais pas dire que le Globe and Mail ou La Presse avait fait l’objet d’une plainte, mais plutôt que quelqu’un disait : « J’ai vu dans tel ou tel journal que X avait dit ceci au sujet de ce chef de parti, et je pense que vous devriez enquêter sur cette personne pour avoir dit ce que je considère comme une fausse déclaration. » C’est dans ce contexte que la plupart de ces plaintes nous sont présentées.
La sénatrice Simons : Je me demande toujours quel fardeau cela impose à l’éditeur ou au journaliste. Si je signale que quelqu’un a dit quelque chose de manifestement faux, et que je dénonce le côté scandaleux des propos tenus, vais-je tomber sous le coup de cette mesure législative? Supposons que le président d’un pays imaginaire déclare publiquement qu’un de ses adversaires politiques a menti au sujet de son lieu de naissance —c’est tout à fait imaginaire. Pourrais-je être prise dans les mailles du filet pour avoir rapporté de façon factuelle le mensonge de ce président?
M. Côté : Vous ne parlez pas de l’auteur de la fausse déclaration, mais plutôt de l’organisation médiatique qui rapporte ses propos de bonne foi?
La sénatrice Simons : Oui.
M. Côté : Pour les raisons que Mme Baron a expliquées, personnellement, dans mon rôle de commissaire, comme tout autre commissaire occupant mon siège le ferait — et gardant à l’esprit les notions de liberté de la presse et de liberté d’expression — j’hésiterais beaucoup avant de lancer une enquête contre l’organisation médiatique dans les circonstances que vous avez décrites. Nous comprenons, bien sûr, le rôle extrêmement important que jouent les médias pour informer les gens et pour veiller à ce que l’information pertinente parvienne aux électeurs ou leur soit rendue accessible.
Dans un cas comme celui que vous avez décrit, je concentrerais l’enquête sur l’auteur de la fausse déclaration. Bien sûr, si vous parlez de quelqu’un qui se trouve dans un pays étranger, cela soulève toutes sortes d’autres questions.
Permettez-moi d’ajouter que je ne suis certainement pas un expert en droit de la diffamation surtout pas en ce qui concerne son application aux organisations médiatiques. Mme Baron serait peut-être mieux placée que moi pour répondre à cette question.
La sénatrice Simons : Ayant moi-même été journaliste et connaissant le droit de la diffamation, je sais que le Canada est un pays extrêmement favorable aux plaignants en matière de diffamation comparativement aux États-Unis. Il est beaucoup plus facile de lancer une action en diffamation ici et beaucoup plus facile de la gagner. Je reste convaincue que nos lois actuelles sur la diffamation ne sont pas une défense suffisante contre les fausses informations. Mais merci. J’ai posé plus que ma part de questions.
M. Côté : Merci.
Mme Baron : Puis-je faire une brève remarque?
La présidente : Oui, madame Baron.
Mme Baron : Merci beaucoup, sénatrice, de vos commentaires. J’aimerais faire quelques brèves remarques. Premièrement, j’ai été très heureuse d’apprendre que M. Côté s’en remettrait à l’importance d’une presse libre et qu’il exercerait son pouvoir discrétionnaire en conséquence s’il recevait une plainte. Cependant, je pense que cela obscurcit la vraie question, c’est-à-dire que nous avons une loi qui, à première vue, est vague, de sorte que, même avant qu’une plainte ne soit envoyée au bureau de M. Côté, quelqu’un aura réfléchi à la question et, en entrevoyant les conséquences et les amendes potentiellement draconiennes, voire la possibilité d’une peine de prison, se sera montré plus prudent.
Je comprends ce que vous dites, à savoir que des médias respectables comme La Presse sont plus sophistiqués, et il est troublant que les organes de presse ou les journalistes soient la cible de ces plaintes. Cependant, les médias ont des équipes de juristes et des budgets. Dans le cadre de notre litige, nous avons présenté des affidavits de plusieurs journalistes et blogueurs politiques qui, comme le gouvernement le sait, contribuent énormément au débat politique en ligne de nos jours. Ils nous avaient déclaré qu’ils envisageaient déjà de modifier leur stratégie de communication autour des élections fédérales de 2019 en réponse à cette loi et qu’ils ne voulaient pas être pris dans le filet. Une enquête serait terrible pour eux. Ils n’ont pas d’équipe juridique. Ils n’ont pas de budget.
L’effet paralysant s’applique donc, même si aucune enquête n’est commencée. Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : Merci.
La présidente : J’ai une question pour vous, monsieur Perrault. J’ai posé cette question ce matin, et je ne sais pas si vous m’avez entendu le faire. On m’a dit de vous l’adresser.
Comment pouvez-vous prouver qu’une personne qui a fait ou publié une fausse déclaration avait l’intention d’influencer les résultats d’une élection? De plus, comment pouvez-vous prouver que la personne savait que la déclaration en question était fausse?
M. Perrault : Je dois m’en remettre au commissaire à ce sujet, parce que c’est son mandat d’examiner ces questions et de décider quelles preuves sont suffisantes pour justifier des poursuites. Je ne voudrais pas dépasser les limites ici.
La présidente : Je voulais d’abord m’adresser à vous, puis au commissaire. Monsieur le commissaire, je voulais vous donner le dernier mot à ce sujet, alors je vous demanderais de bien vouloir commenter.
M. Côté : J’ai donc le dernier mot à ce sujet. Merci, sénatrice.
Oui, je pense que vous avez mentionné que, si la loi est claire... si l’intention d’influencer les résultats d’un choix doit être quelque chose que la poursuite peut prouver hors de tout doute raisonnable.
En gros, je pense que la réponse à votre question dépend du contexte. Nous examinerions toutes les circonstances, à commencer par la gravité de la fausse déclaration, si vous voulez, mais en examinant aussi le contexte dans lequel elle a été faite, à qui elle a été faite et contre qui. Nous parlerions aux témoins, bien sûr. C’est très particulier au contexte. Bien entendu, ces fausses déclarations en vertu de l’article 91 doivent être faites pendant une période électorale.
Nous examinerions tout cela pour dire : « Est-ce que la preuve que j’ai pu réunir peut convaincre un juge, hors de tout doute raisonnable, qu’en disant ceci ou cela, M. Untel ou Mme Unetelle voulait en fait influencer les résultats d’une élection? »
Tout dépend du contexte. Il faut examiner toutes les circonstances entourant la fausse déclaration, puis porter un jugement. Bien sûr, si vous ou moi décidons d’entamer des poursuites, il y aura évidemment un juge qui entendra la preuve. Au bout du compte, celui-ci décidera si l’enquêteur et le procureur sont parvenus à le convaincre que le seuil a été atteint.
La présidente : Merci beaucoup. Je tiens à remercier M. Perrault, le directeur général des élections, M. Côté, le commissaire aux élections fédérales, et Joanna Baron, directrice générale de la Canadian Constitution Foundation, d’être venus témoigner aujourd’hui. Nous avons beaucoup appris de vous, et nous avons hâte de vous accueillir de nouveau. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de venir ici aujourd’hui.
Au greffier du comité, M. Palmer, à tous ceux qui l’ont appuyé dans son travail aujourd’hui, aux analystes, M. Walker et Mme Keenan-Pelletier, et à vous, chers collègues sénateurs, merci beaucoup pour tout votre travail sur ce projet de loi. Quand le rapport sera prêt, nous nous réunirons de nouveau.
(La séance est levée.)