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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui participent à la réunion en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.

[Traduction]

Veuillez prendre note des mesures suivantes qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, en particulier des interprètes, qui ont besoin de leurs oreillettes pour faire leur travail.

Dans la mesure du possible, veuillez vous asseoir de manière à ce qu’il y ait une plus grande distance entre les microphones. Veuillez n’utiliser qu’une oreillette noire approuvée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer, face vers le bas, sur l’autocollant qui se trouve sur la table. Je vous remercie tous de votre collaboration.

[Français]

J’invite maintenant les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Percy Downe, de Charlottetown.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick. Je représente la sénatrice Deacon aujourd’hui.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le président : Bienvenue à tous les gens au pays qui regardent nos délibérations sur SenVu.

Chers collègues, nous nous réunissons conformément à notre ordre de renvoi général pour discuter de l’engagement du Canada envers l’Europe et l’Union européenne et des relations du Canada avec l’Europe et l’Union européenne, avant les élections européennes, qui se tiendront du 6 au 9 juin.

Aujourd’hui, notre premier groupe de témoins est composé de deux représentantes d’Affaires mondiales Canada. Nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, depuis Bruxelles, Mme Ailish Campbell, ambassadrice du Canada auprès de l’Union européenne; et, ici dans la salle, Mme Isabelle Poupart, directrice générale à la Direction générale des Affaires européennes, qui épaulera l’ambassadrice.

Bienvenue à vous deux. Je vous remercie de votre présence. Avant que vous fassiez votre déclaration, qui sera suivie d’une période de questions, je demanderais à toutes les personnes présentes de bien vouloir mettre en sourdine la fonction de notification de leurs appareils.

Nous sommes prêts à entendre votre déclaration préliminaire, qui sera suivie, comme d’habitude, par les questions des sénateurs.

Madame Campbell, la parole est à vous.

Ailish Campbell, ambassadrice du Canada auprès de l’Union européenne, Affaires mondiales Canada : Merci, sénateur Boehm.

[Français]

Honorables sénateurs, monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de m’accueillir ici aujourd’hui.

[Traduction]

Je suis très heureuse de vous parler aujourd’hui des engagements du Canada envers l’Europe et l’Union européenne. J’aimerais soulever cinq points fondamentaux au sujet des relations entre le Canada et l’Union européenne.

Tout d’abord, les relations entre le Canada et l’Union européenne revêtent une importance géostratégique pour nos valeurs et nos intérêts. Notre partenariat repose sur un cadre unique, fondé sur des traités.

Les relations entre le Canada et l’Union européenne se sont développées de manière exponentielle depuis la création de la Communauté économique européenne, en 1957. Le partenariat entre le Canada et l’Union européenne est essentiel dans le contexte de la concurrence entre grandes puissances, de la remise en question de l’ordre international fondé sur des règles et des menaces qui pèsent sur nos démocraties. Régi par notre accord de partenariat stratégique, ou l’APS, et l’Accord économique et commercial global, ou l’AECG, qui a été signé en 2016, le partenariat englobe la coopération sociale, environnementale et économique, ainsi qu’une série de questions liées au développement, à la paix et à la sécurité.

Ce cadre fait que, de tous les États qui ne sont pas membres de l’Union européenne, en dehors des pays de l’Espace économique européen, ou EEE, le Canada est celui qui entretient avec l’Union européenne les relations de haut niveau les plus claires et stratégiques. On parle entre autres de coopération entre les dirigeants, les ministres et, de plus en plus, les parlementaires, ainsi que de dialogues au sein de la société civile. Ce cadre solide est essentiel dans un contexte où les menaces qui pèsent sur les valeurs et les intérêts que nous avons en commun se multiplient.

Pour ce qui est du deuxième point, je dirais que l’AECG est l’un des accords commerciaux les plus ambitieux au monde et qu’il constitue un modèle d’investissement commercial durable et sûr. L’Accord économique et commercial global a créé une plateforme pour l’innovation et les échanges commerciaux avec les 27 États membres de l’Union européenne et avec le marché unique européen, ce qui représente près de 450 millions de citoyens et de consommateurs. Nous continuerons à l’améliorer, par exemple en renforçant les dispositions relatives au commerce et au développement durable et en trouvant de nouveaux débouchés pour les exportateurs, y compris les petites entreprises et les exportateurs autochtones.

Les résultats sont très positifs. Depuis l’entrée en vigueur provisoire de l’accord, en 2017, le commerce bilatéral entre le Canada et l’Union européenne a augmenté de plus de 60 % pour atteindre plus de 126 milliards de dollars. Les investissements bilatéraux entre le Canada et l’Union européenne sont également en hausse de plus de 40 %, les investissements canadiens dans l’Union européenne étant évalués à 248,8 milliards de dollars et les investissements directs étrangers, ou IDE, de l’Union européenne au Canada, à plus de 305 milliards de dollars.

Les investisseurs canadiens, ce qui inclut nos fonds de pension, sont respectés pour leur clairvoyance et leur bonne gouvernance. J’aimerais également souligner que nous sommes de fervents défenseurs — tant le Canada que l’Union européenne — du système commercial multilatéral au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

En ce qui a trait au troisième point, bien que ces succès soient très importants, le Canada et l’Union européenne doivent continuer à innover et à améliorer leurs partenariats. J’espère que les travaux et les recommandations de ce comité nous aideront à aller de l’avant.

[Français]

Le dernier sommet des chefs d’État et de gouvernement Canada-UE, qui s’est tenu en novembre 2023 à St. John’s, à Terre-Neuve, a vu trois grands résultats : la conclusion de négociations substantielles sur l’association du Canada au programme phare de recherche européen Horizon Europe; l’établissement de nouveaux partenariats numériques sur le plan ministériel; la création de l’Alliance verte entre le Canada et l’Union européenne pour assurer une coopération plus poussée en matière de changement climatique, de biodiversité et de pollution.

Pour ce qui est du quatrième point, face à l’augmentation des menaces pesant sur notre mode de vie, le Canada et l’Union européenne se concentreront sur de nouveaux modes de coopération en matière de sécurité et de défense.

En ce qui concerne l’Ukraine, notre coopération reste inébranlable. Le Canada et l’Union européenne coopéreront dans l’imposition de sanctions contre la Russie et le Bélarus, dans la formation des forces armées ukrainiennes et dans la reconstruction. Aussi, nous coopérons pour assurer de l’aide humanitaire, notamment en Haïti, à Gaza, en Syrie et dans d’autres pays.

Le Canada est également un partenaire de longue date de l’Union européenne dans la mission d’aide militaire de l’UE en Ukraine (EUMAM), dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune. Nous fournissons du personnel aux missions de l’Union européenne en Arménie et en Cisjordanie.

Les menaces hybrides sont un domaine où les capacités uniques de l’Union européenne lui permettent de réagir rapidement et à grande échelle et où nous pouvons élargir notre partenariat en matière de sécurité et de défense. Nous remercions également l’Union européenne de son soutien en matière de détention arbitraire.

[Traduction]

En ce qui concerne le cinquième et dernier point, nous souhaitons continuer à intensifier nos relations, y compris pour la protection et la promotion de la démocratie. Le partenariat entre le Canada et l’Union européenne a fait ses preuves sur le plan de la confiance, de la crédibilité et des résultats obtenus pour nos citoyens. Cette année est une année cruciale de changement pour l’Union européenne. Les élections parlementaires européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin constitueront le deuxième plus vaste exercice démocratique dans le monde après les élections en Inde. Environ 375 millions d’électeurs éliront 720 membres du Parlement européen pour une période cinq ans.

Ces élections s’accompagnent de défis importants. Le Canada travaille aux côtés de l’Union européenne et d’autres partenaires du G7 dans le cadre du Mécanisme de réponse rapide pour lutter contre la désinformation et l’ingérence étrangère.

J’ai l’honneur d’être l’ambassadrice du Canada auprès de l’Union européenne depuis novembre 2020. Au cours de cette période, j’ai pu constater que les relations entre le Canada et l’Union européenne sont solides et que les deux parties font preuve de dévouement et de créativité pour faire avancer leurs priorités : des vaccins à la lutte contre les incendies, en passant par leur soutien indéfectible envers l’Ukraine. Ces exemples témoignent de notre capacité à agir ensemble et à défendre nos valeurs dans un contexte de polycrise.

J’aimerais également remercier toute l’équipe de la mission du Canada auprès de l’Union européenne, y compris notre personnel canadien et notre personnel recruté sur place, pour m’avoir aidée à préparer ma déclaration d’aujourd’hui, sénateurs.

[Français]

Je me réjouis de travailler avec vous, honorables sénateurs, et avec les Canadiens pour continuer de promouvoir nos valeurs et nos intérêts auprès de l’Union européenne, car nous sommes vraiment plus forts ensemble.

Merci de m’avoir écoutée, honorables sénateurs.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup pour vos observations, madame l’ambassadrice.

Chers collègues, nous allons faire ce que nous faisons d’habitude et passer à des interventions de quatre minutes, questions et réponses comprises.

Comme toujours, je vous encourage à poser des questions précises et à éviter les longs préambules afin que notre témoin, l’ambassadrice Campbell, puisse nous donner le plus de renseignements possible aujourd’hui. Nous commencerons par le vice-président du comité, le sénateur Harder, qui sera suivi de la sénatrice Boniface.

Le sénateur Harder : Madame l’ambassadrice, je vous remercie d’être parmi nous. Merci également à Mme Poupart. Ma question porte sur l’AECG. Il y a eu un revers au Sénat français. Dix États n’ont pas encore ratifié l’accord, je crois. Comment envisagez-vous les choses quant à la ratification de l’AECG?

Ensuite, il semble que la dérive politique en Europe aille à l’encontre du libre-échange. Risquons-nous de manquer les possibilités de ratification, madame l’ambassadrice?

Mme Campbell : Merci beaucoup, sénateur Harder.

Je pense qu’en ce qui concerne l’AECG, la réalisation la plus importante, ces deux dernières années, depuis que je suis ici, a été de voir l’Allemagne, qui est l’un des moteurs économiques de l’Union européenne, ratifier l’AECG. Ce fut un moment très important, car il y a certains défis. Par exemple, comme vous le savez, dans un système bicaméral en France, l’Assemblée nationale a voté pour l’AECG et le Sénat a maintenant voté contre, et nous ne savons pas encore ce que sera, en fait, l’opinion finale du Parlement français ou de l’Assemblée nationale.

Puisque 17 parlements ont approuvé l’AECG, nous sommes dans une situation différente de celle dans laquelle nous pourrions nous trouver si nous en étions au début du processus. Ainsi, 17 parlements, dont celui de l’Allemagne, le dernier en date, et celui des Pays-Bas, ont ratifié l’AECG. Il en reste 10, exactement comme vous l’avez dit, dont celui de la France.

Je dirai deux ou trois choses. Tout d’abord, la bonne nouvelle de notre côté, c’est que l’AECG a été ratifié. Nous sommes en fait prêts à moderniser cet accord comme nous avons modernisé d’autres accords de libre-échange, mais il doit entrer en vigueur.

Fait intéressant, dans l’étude qu’il a réalisée récemment à la demande de la présidence belge, le premier ministre Letta de l’Italie a recommandé à l’Union européenne d’innover et donc de modifier et d’adapter ses propres procédures de ratification. Je tiens donc à souligner que nous devons nous en remettre à l’Union européenne. C’est à l’Union européenne de décider comment elle ratifiera cet accord, et elle devrait prendre tout le temps nécessaire pour mener à bien ce processus, parce que l’accord fonctionne vraiment bien pour les exportateurs des deux côtés, étant donné qu’il est provisoirement en vigueur.

Vous avez posé une question, je pense... Je vais résumer. Il est vrai que l’on observe une tendance protectionniste de plus en plus forte en Europe, ce que nous avons constaté à divers égards. C’est pourquoi je pense qu’il était extrêmement urgent de conclure cet accord lorsque nous l’avons fait en 2016-2017. Le cadre est totalement différent par rapport aux accords que l’Union européenne a conclus avec d’autres partenaires, ce qui signifie que nous disposons d’une base juridique à partir de laquelle nous pouvons continuer à innover et à nous adapter.

Les chiffres sont éloquents. Il y a des exemples de réussite de tous les côtés. C’est pourquoi il est si important de parler de l’AECG à l’échelle locale et communautaire. C’est pourquoi il est important d’informer les parlementaires des 27 États membres, et en particulier des 10 États membres qui n’ont pas encore ratifié l’AECG. Je pense qu’il n’y a rien de mieux que le dialogue pour expliquer les résultats concrets et positifs. Merci.

Le sénateur Harder : J’aurais juste une brève question complémentaire, si vous me le permettez.

Mme Campbell : Je vous en prie.

Le sénateur Harder : Sur les 10 États qui n’ont pas encore ratifié l’accord, savez-vous quels sont ceux qui sont les plus prêts à procéder?

Mme Campbell : Eh bien, je peux souligner la récente visite du premier ministre grec au Canada. Encore une fois, je pense qu’il n’y a rien de mieux que de se parler directement. C’est pourquoi j’encourage les parlementaires, comme je l’ai dit, que ce soit dans le monde virtuel ou en personne, à se réunir avec leurs collègues parlementaires. Parce qu’il est facile de dire des choses qui, je dirais, ne sont souvent pas vraies à propos de cet accord. Il est beaucoup plus difficile de le faire lorsque vous discutez avec le partenaire qui a fait preuve d’un dévouement et d’une capacité d’adaptation incroyables dans le cadre de cette relation, c’est-à-dire nous-mêmes et la Commission européenne.

Nous avons reçu des échos positifs de cette récente visite. Le moment dépend bien sûr de chaque État membre.

Le sénateur Harder : Merci.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup, madame l’ambassadrice, de vous être jointe à nous. Je voulais revenir sur vos observations sur l’Ukraine. L’ambassadrice de l’Ukraine était ici hier. Je me demande, compte tenu de la façon dont les choses semblent évoluer en Europe, si vous vous attendez à ce que les positions de l’Union européenne changent à l’égard de l’Ukraine ou ce que vous envisagez pour l’avenir.

Mme Campbell : Oui, c’est une question très importante. Je pense que l’engagement de l’Union européenne à l’égard de l’Ukraine ne fait que se renforcer et que les négociations sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne sont en train de s’ouvrir. Il s’agit d’un très long processus. Or, essentiellement, la porte a été ouverte pour que l’Ukraine puisse être non seulement un partenaire de libre-échange — et diverses plateformes d’engagement existent déjà —, mais qu’elle s’engage sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne. Je pense que rien ne peut être plus clair parallèlement à trois autres facteurs.

Premièrement, les livraisons d’armes à l’Ukraine augmentent. Elles ne diminuent pas. On utilisera la facilité européenne pour la paix pour réaliser des investissements conjoints dans la production de défense en Ukraine, afin de renforcer les chaînes d’approvisionnement. Sur le plan militaire, on parle donc d’une augmentation.

Deuxièmement, il y a l’accueil de plus de cinq millions d’Ukrainiens déplacés, que nous appuyons, encore une fois, sans réserve. Il s’agit principalement de femmes et d’enfants qui ont besoin d’aide. Le nombre a atteint jusqu’à sept millions immédiatement après. Il fluctue. Or, de véritables mesures de soutien ont été prises également concernant la protection temporaire.

Troisièmement, je parlerai de l’aspect financier. L’Union européenne vient d’adopter — collectivement — une structure juridique lui permettant de geler les bénéfices exceptionnels des actifs souverains de l’État russe. Autrement dit, les actifs souverains eux-mêmes sont toujours gelés, mais lorsqu’ils produisent des intérêts, ceux-ci peuvent désormais être légalement saisis et utilisés dans le cadre d’un processus juridique structuré au profit de l’Ukraine, et nous avons vu les membres de l’Union européenne travailler ensemble. Il a fallu que les 27 États membres collaborent, car leur régime de sanctions requiert un consentement unanime.

Je pense que les circonstances sont difficiles. Vous avez entendu l’ambassadrice, qui est basée à Kiev. Ce que je peux vous dire, c’est que l’Union européenne, bien sûr, avec l’Ukraine et la Russie à sa frontière, souhaite fortement apporter un soutien démocratique à l’Ukraine et trace d’autres voies de collaboration avec elle.

J’espère que cela vous est utile, sénatrice.

La sénatrice Boniface : Merci.

Je me demande si vous pouvez nous dire quelques mots au sujet des répercussions du Brexit sur l’Union européenne et, compte tenu des courants changeants sur le plan politique en Europe, si vous avez une idée de la façon dont les choses évolueront.

Mme Campbell : Vous ne posez que des questions faciles, sénatrice. Écoutez, je pense que bon nombre d’entre nous déplorent que le Royaume-Uni ne fasse plus partie de l’Union européenne. C’était un excellent partenaire au sein de l’Union européenne pour le Canada. Bien sûr, les Britanniques ont décidé par référendum de quitter l’Union. Encore une fois, ce qui me semble intéressant, c’est que nous avons créé un nouveau type de coopération ici, à Bruxelles, parce que nous sommes maintenant tous les deux des partenaires tiers.

Ce qui est très intéressant, c’est de voir que l’AECG est un accord solide et complet et de comprendre certaines des mesures particulières qui ont été prises sur le plan de la facilitation, en particulier pour l’Irlande du Nord, et qui sont nécessaires pour garantir la paix. S’il faut savoir tirer parti de la situation, nous allons apprendre beaucoup de choses sur l’amélioration de la facilitation des échanges et, je l’espère, sur la réduction de la charge pour les exportateurs, grâce à l’expérience du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.

Le Royaume-Uni est, bien sûr, un membre très important de l’OTAN, qui est une institution tout à fait distincte. Je signale que maintenant que la Suède et la Finlande sont membres de l’OTAN, les seuls membres de l’Union européenne qui ne font pas partie de l’OTAN sont Malte, Chypre et l’Irlande. Nous poursuivons donc ce travail de coopération unique en matière de sécurité et de défense avec le Royaume-Uni au sein de l’OTAN, parallèlement à nos travaux avec l’Union européenne.

Je soulignerais peut-être un dernier point. Pour certains des éléments uniques dont nous disposons avec l’Union européenne, dont la capacité de reconnaître les professions dans certains de nos accords de services, nous avons en fait dépassé, dans certains cas, le partenariat entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Nous sommes tous en train de trouver notre voie, mais je pense qu’il est important de garder tous les canaux ouverts et de maintenir une coopération solide. Comme je l’ai dit, nos instruments nous ont bien servis, même si la transition a été difficile — un divorce difficile, pour ainsi dire.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre présence parmi nous, madame l’ambassadrice. Je me demande si vous pouvez nous donner votre point de vue sur l’opposition de l’Union européenne au registre des agents étrangers de la Géorgie et sur les raisons du mécontentement de l’Union européenne.

Mme Campbell : Les principes qui consistent à assurer la responsabilité démocratique, la transparence du registre et l’impartialité et à ne pas réprimer la liberté d’expression sont quelques-uns des principes en jeu ici. Ce que je trouve intéressant, c’est que, comme vous le savez, la présidente de la Géorgie s’est fermement opposée au projet de loi et que l’Union européenne a indiqué très clairement que la Géorgie ne respectait pas les engagements qu’elle avait pris dans le cadre de son association et des travaux en cours sur l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, si cela devait se poursuivre.

Le dialogue est très important dans ce cas, car, comme vous le savez, les Géorgiens eux-mêmes manifestent contre cette loi.

Le sénateur Woo : En ce qui concerne plus précisément les dispositions contestables de la loi géorgienne proposée, je crois comprendre qu’une entité qui reçoit 20 % de son financement de l’étranger sera tenue de s’enregistrer. Est-ce là le principal élément qui pose problème ou y a-t-il d’autres préoccupations?

Mme Campbell : Il y a d’autres préoccupations, et je serais heureuse de vous répondre par écrit.

Le sénateur Woo : Je vous remercie. Peut-être pourriez-vous également faire le point sur ce que fait l’Union européenne quant à sa propre proposition de registre des agents étrangers, de registre des agents d’influence étrangers, qui, si j’ai bien compris, se heurte également à une forte opposition de la part de groupes de la société civile dans l’ensemble de l’Union.

Mme Campbell : Ce qui me semble intéressant, c’est que l’Union européenne a déjà mis en place un processus de notification obligatoire concernant les subventions étrangères, ce qui inclut tout acteur étatique. C’est en vigueur. Nous avons déjà commencé à travailler, si l’on veut, à certains éléments commerciaux à cet égard.

Sur d’autres aspects, des consultations sont en cours et je serais ravie de fournir de plus amples renseignements par écrit. Il n’y a pas de projet législatif à proprement parler, mais cela viendra.

Le sénateur Woo : Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Madame l’ambassadrice, si vous et votre équipe pouviez envoyer ces renseignements à la greffière du comité, nous vous en serions reconnaissants.

Mme Campbell : Certainement.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci à tous nos invités, à tous nos témoins. Merci à vous qui êtes ici dans la salle, madame Poupart. Madame l’ambassadrice Campbell, l’Union européenne vient de lancer l’initiative Boost Africa, qui vise à réduire la pauvreté en Afrique. J’aimerais savoir si ce programme vous a été présenté. Comment le Canada s’impliquerait-il dans un tel programme?

Mme Campbell : Merci pour les questions. Je pourrais ajouter trois petits points. Le premier est que ce programme est pour l’Union européenne. Il est basé sur l’aide humanitaire, mais aussi sur le commerce, la santé et l’infrastructure. Le deuxième point, c’est que l’on porte une grande attention à l’infrastructure dans un programme qui s’appelle Global Gateway. Le Canada est membre de cette plateforme à titre de membre du G7. Aussi, il est possible de choisir des programmes ou des infrastructures spécifiques en Afrique, en Asie ou en Amérique latine; on peut donc être membre ou participer à une infrastructure spécifique, c’est-à-dire autrement que dans le grand cadre général du programme Global Gateway. Le troisième point, c’est que l’Union européenne a une relation importante avec l’Union africaine. Nous avons d’ailleurs un nouvel ambassadeur basé en Afrique pour cette raison. L’Union africaine est, d’une certaine façon, une institution qui a été créée en s’inspirant de l’Union européenne.

La sénatrice Gerba : Je vous remercie. Ma deuxième question n’a rien à voir avec Boost Africa, mais a plutôt un lien avec le sommet Canada-UE qui s’est tenu en 2023. Les deux parties se sont engagées à accélérer la transition écologique. Ce faisant, l’Alliance verte a été créée et elle aborde des thèmes de collaboration, comme les actions pour le climat, la protection de l’environnement et des océans ou encore la transition énergétique. Pourriez-vous nous en dire plus sur la manière dont l’Alliance verte se concrétise en ce moment? Quels sont les fruits de cette collaboration entre le Canada et l’Union européenne?

Mme Campbell : Je vous remercie. Sur l’Alliance verte, nous avons établi une collaboration sur la tarification du carbone et les ajustements à la frontière pour le carbone. [Difficultés techniques] parce que c’est une chose très technique qui a été introduite par l’Union européenne.

[Traduction]

Le mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone est appliqué de manière provisoire et les rentrées commenceront l’année prochaine.

Le mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone exige la reconnaissance de notre système pancanadien de tarification du carbone. C’est la première partie de notre accord. La deuxième partie consiste à renforcer la coopération multilatérale, notamment en ce qui concerne la biodiversité, la déforestation, la protection des océans, les plastiques et d’autres questions. La troisième partie repose sur nos travaux dans le domaine des technologies propres, de l’hydrogène et du nucléaire.

Nos mesures législatives relatives au changement climatique constituent une base très intéressante pour ce travail et cela a été porté à l’échelle ministérielle. Je pense que le facteur déterminant est l’engagement des ministres et du commissaire à l’environnement et au changement climatique de l’Union européenne à participer à des rencontres régulières.

La sénatrice Gerba : Merci.

Le sénateur MacDonald : Ma question s’adresse à l’ambassadrice. J’aimerais revenir sur la question du sénateur Harder concernant l’AECG.

Dix États membres n’ont toujours pas signé, des États importants comme l’Italie et la Pologne. Je suis curieux de savoir si vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce qui les préoccupe. Nous sommes au courant de ce que la France a dit, mais j’aimerais en savoir plus sur les autres pays et sur ce qui les préoccupe le plus.

Mme Campbell : Certainement. Merci, sénateur.

En ce qui concerne les États membres qui n’ont pas encore ratifié l’accord, je vais être tout à fait franche — je ne veux pas présumer de ce qui les préoccupe parce que leurs parlements n’ont pas encore tenu d’audiences. Je suis très intriguée par le fait que certains États membres aient choisi de ne pas débattre de l’AECG, pour l’instant.

Ce que je peux dire plus généralement, c’est que nous assistons à une montée du protectionnisme en Europe. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le Canada. Je dirais que c’est plutôt lié à des préoccupations au sujet du soutien aux agriculteurs et des revenus agricoles. Je pense qu’on met beaucoup l’accent sur la conformité des importations agricoles aux normes de l’Union européenne — autrement dit, sur la nécessité de ne pas abaisser les normes de l’Union européenne pour des pays tiers. À cet égard, le Canada a montré très clairement qu’il pouvait satisfaire aux normes de l’Union européenne et que ses produits étaient de très grande qualité.

Une fois encore, je tiens à souligner qu’il existe une différence entre les préoccupations commerciales générales et la réalité des produits canadiens.

Certains gouvernements plus à droite ont eu d’autres priorités au cours de leur mandat. Il y a eu des gouvernements de coalition, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. L’Irlande, par exemple, n’a pas encore ratifié l’accord, et le gouvernement de coalition discute de l’AECG. Les opinions varient beaucoup au sein de la coalition quant à la manière dont la coalition au pouvoir gérera l’AECG.

Dans les deux premiers cas, l’accord consistait à travailler avec le Canada par l’intermédiaire de la Commission européenne — car, en fin de compte, notre contrepartie n’est pas chaque État, mais bien la Commission européenne — afin de fournir des renseignements provisoires supplémentaires pour satisfaire, par exemple, l’Allemagne sur les dispositions relatives à l’investissement, ce que nous avons fait par échange de lettres. Dans le cas des Pays-Bas, il y a eu une procédure par laquelle le Sénat a voté en faveur de l’AECG. Un parti — Goud Nederland, le parti néerlandais qui représente les personnes âgées — a rompu avec la ligne du parti, qui est contre le libre-échange en général, et a voté en faveur du Canada et de l’AECG.

C’est du cas par cas, sénateur. C’est complexe et je pense qu’il est important que nous restions calmes, crédibles et prêts à répondre à toutes les questions de notre partenaire. Si l’Europe ne peut pas faire de libre-échange — on parle d’un commerce réglementé, géré et fondé sur des règles — avec le Canada, avec qui peut-elle commercer? Je pense que l’on souhaite que le processus de ratification se poursuive.

Le sénateur Downe : Merci, madame l’ambassadrice. Le Parlement de Chypre s’est prononcé et a rejeté l’AECG. Quel effet cela a-t-il sur l’accord?

Mme Campbell : Il s’agissait d’un vote non contraignant, ce qui n’a donc pas eu de répercussions sur l’AECG. L’autre élément est que chaque État membre a son propre processus de ratification, tout comme le Canada a son propre processus de ratification juridique national. Chaque État membre a son propre processus de ratification, qui dépend du Parlement et de la configuration de la gouvernance.

Nos juristes et la Commission européenne m’ont expliqué qu’un vote négatif au Parlement ne signifiait pas automatiquement un refus national de l’AECG. Le Parlement peut voter contre et un processus de conciliation avec l’exécutif du gouvernement peut ensuite avoir lieu dans un système différent de celui du Canada, qui dispose à la fois d’un Parlement et d’un exécutif devant en fin de compte déterminer l’opinion nationale finale sur l’AECG.

On considère qu’il s’agit d’un vote négatif uniquement lorsque le chef d’État au Conseil européen avise la Commission européenne que son pays vote contre, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Le sénateur Downe : Or, je crois comprendre qu’à Chypre, le président et son parti sont en faveur de l’AECG, mais qu’ils n’ont pas les voix nécessaires au Parlement, et que le Parlement chypriote a rejeté l’AECG. Dans ce cas, qu’advient-il de l’AECG et de la partie de l’accord qui n’est pas couverte? J’ai cru comprendre qu’il s’agit d’environ 10 %.

Mme Campbell : La valeur de ce qui n’est pas en vigueur, provisoirement, est de 1 à 2 %, mais je pense que la question la plus fondamentale est d’ordre juridique. La première chose qui doit se passer, c’est que l’on doit aviser la Commission européenne — l’État membre avise la Commission européenne —, ce qui n’a pas encore été fait.

Une fois que la commission est informée, le processus est entre ses mains, et il faudrait que le Canada soit avisé. Lors de discussions précédentes, la commission nous a dit qu’elle devrait faire une pause parce qu’elle n’a jamais été dans une situation où elle a suivi un processus comme celui de l’AECG. Elle veut que des consultations aient lieu avec les 27 États membres, y compris à ce moment-là — si cela devait se produire — avec tous les États membres qui ont ratifié l’AECG. Je ne peux donc pas vous donner de réponse claire et définitive à cette question, et nous n’en avons pas reçu non plus de la part de la Commission européenne.

Le sénateur Downe : Me reste-t-il du temps?

Le président : Oui. Il vous reste une minute.

Le sénateur Downe : Madame l’ambassadrice, l’autre chose que disent des ambassadeurs européens à Ottawa, c’est qu’ils sont surpris que le gouvernement du Canada n’ait pas mieux préparé nos entreprises à tirer parti de l’AECG. Notre déficit commercial a augmenté de 44 % depuis la signature de l’AECG. Selon vous, que devrait faire le gouvernement pour accroître les possibilités des entreprises canadiennes, étant donné que le déficit commercial a augmenté depuis la signature de l’AECG?

Mme Campbell : Ce qui est intéressant actuellement en ce qui concerne l’AECG, c’est que l’adoption des tarifs préférentiels entre le Canada et l’Union européenne est plus importante qu’elle ne l’était avec l’ALENA au même point.

Autrement dit, quelque chose de positif s’est produit relativement à l’adoption des tarifs préférentiels qui sont garantis par un accord de libre-échange et qui s’ajoutent à ce que prévoit l’Organisation mondiale du commerce. J’en déduis que des exportateurs de toutes tailles apprennent. Ils appliquent et utilisent ces taux préférentiels plus rapidement qu’ils ne l’ont fait à la suite d’autres accords commerciaux, et j’en déduis que nous pouvons en faire encore plus pour informer les exportateurs des avantages de l’AECG et du fait qu’ils ont des tarifs préférentiels.

Un déficit commercial est attribuable à de nombreux facteurs macroéconomiques. L’existence d’un accord commercial est un facteur positif. L’existence de tarifs préférentiels est une bonne chose, tant qu’on les utilise, et c’est ce que nous voyons de plus en plus. Leur utilisation se chiffre maintenant à 60 %. Nous pouvons toujours mieux informer les petites entreprises.

Je pense que ce sont les exportateurs qui choisissent — en fonction du prix et de la concurrence — la composition générale des exportations du Canada ainsi que les importateurs, par exemple s’il y a un seul exportateur ou une chaîne d’approvisionnement et si c’est aux États-Unis, en Europe ou en Asie.

Il serait formidable que nous ayons encore plus de produits, car lorsque l’offre est insuffisante, nous pourrions les fournir à tous les endroits où la demande est forte, pas seulement au marché qui paye le mieux, qui pourrait être l’Asie, par exemple, pour certains produits agricoles du Canada. Je répète que ce sont les exportateurs qui décident de l’endroit.

Dans l’ensemble, je pense que nous pouvons améliorer nos exportations de technologies propres. Ce serait une excellente occasion pour nous, tout comme pour ce qui est des services.

Le président : Merci beaucoup, madame l’ambassadrice. Je peux voir que vous avez déjà été déléguée commerciale en chef. Je sais donc que vous pourriez parler longuement de cet important sujet.

La sénatrice Coyle : Madame l’ambassadrice, madame Poupart, merci d’être parmi nous. On a posé deux ou trois de mes questions, et je vais donc en poser une autre.

Vous avez dit qu’il y aura des problèmes d’ingérence étrangère et de désinformation dans les prochaines élections. Il serait intéressant pour nous que vous nous parliez de la forme que cette ingérence prend et du type de désinformation dont il est question. Je ne parle pas du contenu, mais des canaux et ainsi de suite, et peut-être même des sources de désinformation et de ce qui est fait à ce sujet. Vous avez dit que le Canada apporte son aide. Ce sera important pour nous lorsque nous aurons nos propres élections dans un avenir rapproché, mais aussi parce que le résultat de ces élections est essentiel pour notre relation.

Mme Campbell : Oui, sénatrice, merci. C’est une question très importante, et je veux souligner que l’Union européenne a travaillé extrêmement fort au cours de sa dernière législature pour faire adopter le projet de loi, qui est proposé par la Commission européenne, puis approuvé par le Conseil européen composé des 27 États membres et ensuite revu et ratifié par les plus de 700 membres du Parlement européen. Le processus législatif est très complexe ici.

Ils ont une législation sur les services numériques et une législation sur les marchés numériques ainsi qu’une loi sur l’intelligence artificielle, qui entrent maintenant en vigueur. Une fois réunis, tous ces outils mettent précisément l’accent sur les canaux, qui est l’objet de l’une de vos principales questions : quels sont les canaux? Ils sont largement numériques. Ils sont en ligne. On se sert d’influenceurs, des médias sociaux, y compris TikTok, Instagram et Facebook, et c’est une diffusion numérique.

Les nouveaux outils que l’Union européenne a mis à sa disposition pour dialoguer avec les diverses plateformes numériques — les Meta, les Google et les TikTok de ce monde — se sont révélés être d’une importance cruciale pour ce qui est de son engagement à présenter des renseignements factuels et à retirer de l’information.

Je veux également présenter un échantillon des sanctions. On a grandement mis l’accent sur la désinformation russe, plus particulièrement dans l’Union européenne. Des sanctions ont été imposées à plusieurs radiodiffuseurs parrainés par les Russes dans l’Union européenne. Le Canada a travaillé en étroite collaboration pour se conformer à ces sanctions. Ces radiodiffuseurs se servent des langues des États membres de l’Union européenne.

Sur Facebook, en particulier, les influenceurs affichent beaucoup de désinformation qui n’est pas factuelle, et c’est très compliqué quand cela prend la forme d’une opinion, car l’Union européenne demeure un lieu où on peut s’exprimer librement, un marché ouvert aux idées. En raison de ce qu’ils ont vécu pendant la Deuxième Guerre mondiale — et dans bien des cas, ces pays faisaient partie de l’Union soviétique, ont mené des révolutions et sont maintenant des États indépendants membres de l’Union européenne —, ces pays tiennent autant que nous à la liberté d’expression. Il faut donc contrer la désinformation qui est financée par des acteurs étatiques hostiles, et les sanctions sont très importantes pour retracer d’où viennent les fonds.

Nous collaborons par l’entremise du Mécanisme de réponse rapide du G7. Du point de vue du G7, c’est une plateforme d’observation et d’information qui permet à nos chercheurs d’attirer l’attention sur des domaines où nous croyons qu’il pourrait y avoir de la désinformation active et de l’ingérence étrangère et de communiquer l’information à l’Union européenne et à ses États membres pour qu’ils déterminent comment intervenir.

Je suis tout à fait d’accord avec vous qu’il s’agit d’un domaine crucial où nous devons être mieux préparés à agir et tirer des leçons à la suite des élections importantes qui se tiendront du 6 au 9 juin ici en Europe.

Le président : Je vais poser une question, qui s’inscrit dans le prolongement de celle que vient de poser la sénatrice Coyle.

Il y a quelques jours, les dirigeants des deux plus importants États membres de l’Union européenne, Emmanuel Macron et Olaf Scholz, ont publié un article d’opinion dans le Financial Times qui définit une vision, principalement économique, pour l’avenir de l’Union européenne. Ils ont parlé notamment de leurs ambitions communes et collectives pour l’Allemagne et la France, et de leur conviction que l’Union européenne a besoin de plus d’innovation, de plus de marché unique, de plus d’investissements, de règles du jeu plus équitables et de moins de bureaucratie.

Le fait de publier un article d’opinion de cette nature pour définir une position tout juste avant les élections européennes est important. On veut marquer l’opinion publique non seulement dans l’Europe, mais aussi dans la France et l’Allemagne. Si les sondages disent vrai dans ces pays, le climat est au protectionnisme et à l’anti-bureaucratie.

Madame l’ambassadrice, j’aimerais avoir votre point de vue sur les positions adoptées par ces deux pays. J’aimerais entendre aussi Isabelle Poupart au sujet de l’Allemagne, étant donné sa longue expérience comme chargée d’affaires à Berlin. Madame l’ambassadrice, allez-y en premier, je vous prie.

Mme Campbell : Je suis heureuse de répondre à votre question, sénateur Boehm, parce que je pense que vous posez une question fondamentale sur l’orientation que prend l’Union européenne, et je veux souligner trois points.

Pour faire un lien avec la question sur le Brexit, même les gouvernements qui ont été les plus bruyants au sujet de leurs préoccupations à l’égard de l’Union européenne et qui se sont servis de l’Union européenne comme paravent pour chacun de leur problème national, sont, dans les faits, devenus pro‑européens.

Le Brexit est un exemple éloquent de ce qui se produit quand on quitte l’Union européenne, et des difficultés que cela présente pour les entreprises et pour les gens. C’est intéressant de voir — et vous en savez long à ce sujet en tant qu’ex-ambassadeur en Europe — comment le discours a changé au sujet de l’Union européenne. Je veux faire le lien avec la pandémie, la guerre en Ukraine, les menaces croissantes, les préoccupations sur la façon d’affirmer les valeurs et les intérêts européens face à la concurrence mondiale ou à la montée hégémonique de la Chine et des États-Unis, car tout cela montre que les pays de l’Union européenne sont plus forts ensemble. Les États membres savent qu’ils sont plus forts s’ils planifient ensemble leur marché unique, leur économie, leur main-d’œuvre, leur innovation et leurs structures sociales. Tout cela a pris des formes incroyablement novatrices qui ne reposent pas sur des traités.

Il s’agit d’un point très intéressant par rapport à Bruxelles, aux activités qui s’y déroulent et à l’ensemble des structures qui s’y trouvent, notamment le fait que toutes les huit semaines, les 27 dirigeants de l’Union européenne se réunissent, sans fonctionnaires. Je le répète : les 27 dirigeants s’assoient dans une salle et ont des discussions politiques approfondies sur les enjeux actuels et futurs. Nous avons constaté que même lorsqu’une question ne figure pas dans les traités de l’Union européenne, les États membres font état de leurs difficultés à Bruxelles et cherchent à savoir comment créer de nouveaux mécanismes, par exemple pour l’achat de vaccins ou d’armes.

L’Union européenne a créé la Facilité européenne pour la paix. Le fait que des États membres qui sont ouvertement neutres et ne sont pas membres de l’OTAN autorisent cette structure, mais sans y participer, pour faciliter l’achat d’armes et leur envoi en Ukraine, témoigne de la manière novatrice et surprenante dont l’Union européenne utilise cette plateforme.

L’Union européenne sera plus présente. Le véritable défi du président Macron et du chancelier Scholz est de savoir comment financer cela. Je pense que cet article d’opinion est très important, en ce sens qu’on y suggère la poursuite de discussions sur un financement accru au niveau de l’Union européenne, car il faut que la France et les autres États membres, mais surtout l’Allemagne — en tant que puissance économique et membre financièrement conservateur de l’Union européenne —, appuient les ressources de l’Union européenne. Quant à l’Allemagne, je vais aussi laisser la parole à Mme Poupart.

Le président : Merci beaucoup. La parole est maintenant à Mme Poupart, la directrice générale.

[Français]

Isabelle Poupart, directrice générale, Direction générale des affaires européennes, Affaires mondiales Canada : Merci de me donner l’occasion de parler un peu de l’Allemagne. C’est un pays qui a connu un énorme changement au cours des deux dernières années — c’est le fameux Zeitenwende, soit le changement d’époque — en réponse à l’agression russe et aux grandes menaces que cette agression a fait peser, notamment sur les sources d’approvisionnement en énergie de l’Allemagne.

Ceci a ouvert la porte à une coopération accrue entre nos deux pays, notamment dans le domaine de l’énergie. Le chancelier Scholz et le vice-chancelier Habeck sont venus au Canada et nous avons signé un partenariat sur l’hydrogène. Beaucoup de choses se font dans ce domaine à ce moment-ci, mais cela va encore plus loin. Notre engagement commun est aussi très fort en matière de décarbonation : c’est la transition verte. On le fait évidemment à l’échelle de l’Union européenne, mais aussi avec l’Allemagne.

La question de l’innovation est également très importante, parce qu’on a parfois reproché à l’Allemagne d’être un peu statique dans son approche. Le Zeitenwende est aussi une accélération de tous les processus. Il y a des possibilités pour le Canada dans ce contexte. Je vais en mentionner une en particulier : la foire de Hanovre, qui est la plus grande foire en matière d’innovation et de développement industriel au monde. À la fin de mars 2025, le Canada sera le pays hôte partenaire à la foire de Hanovre. Dès cette année, nous avions une délégation impressionnante : plus de 75 compagnies canadiennes étaient présentes. On veut doubler ce nombre l’année prochaine. C’est vraiment une belle occasion pour nous, pour le Canada, de renforcer notre coopération dans tous nos domaines d’intérêt commun en matière de commerce et d’innovation avec l’Allemagne. Merci.

Le président : Merci beaucoup de cette information.

[Traduction]

Sénateur Harder, vouliez-vous poursuivre sur ce point précis?

Le sénateur Harder : Oui, en fait.

Madame l’ambassadrice, vous avez parlé de l’innovation en Europe. Mme Poupart nous a parlé des événements en Allemagne et de l’interaction avec l’Union européenne.

Je me demande comment le gouvernement du Canada peut innover davantage, dans le rapport entre nos missions bilatérales et notre coordination multilatérale, pour tirer parti des innovations qui ont lieu dans l’Union européenne pour promouvoir les intérêts bilatéraux du Canada, qui sont paneuropéens. Pouvez-vous faire des commentaires sur l’innovation qui a lieu de notre côté?

Mme Campbell : Avec plaisir. Il est essentiel de savoir que notre approche à l’égard de l’Union européenne est axée sur les réseaux. Donc, je suis basée ici en Europe, et nous avons une extraordinaire plateforme qui nous permet de rendre compte des activités en Union européenne et de présenter des occasions. Ces renseignements sont bien sûr transmis à Affaires mondiales Canada, au Service des délégués commerciaux, à Exportation et développement Canada, au réseau de missions, ici, et à d’autres.

Je dirais que le Service des délégués commerciaux, en particulier, a un réseau extrêmement bien développé. La coordination des efforts se fait à l’aide d’outils numériques qui permettent de partager, par exemple, des renseignements sur les intérêts des entreprises. À titre d’exemple, soulignons les entreprises canadiennes des secteurs de l’énergie éolienne et nucléaire qui cherchent à connaître les lois et les intérêts de l’Union européenne, les investissements précis des États membres, les produits et le codéveloppement de l’innovation et de la recherche, et le développement dans différents États membres. Cette coordination est très forte.

Nous avons une occasion de combiner financement et infrastructures dans les pays tiers où l’Union européenne est très active, par exemple dans le Caucase et en Afrique.

Un bon exemple serait le travail pour une transition énergétique équitable que nous avons effectué afin d’améliorer les résultats des technologies propres dans des pays comme le Vietnam, où le Canada, l’Union européenne et d’autres participent tous, car il est possible que le Canada ne soit pas seul pour tirer parti de certains débouchés, comme les infrastructures de technologies propres et les infrastructures numériques, par exemple, mais qu’il travaille en partenariat avec l’Union européenne et ses institutions, notamment la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.

J’espère que cela vous est utile. Je cède la parole à Mme Poupart.

Mme Poupart : Merci pour la question, sénateur Harder.

En plus de ce que l’ambassadrice Campbell vient de dire, j’aimerais parler du programme Horizon Europe, qui est le plus grand programme de collaboration en matière de recherche scientifique et d’innovation au monde, doté d’un budget de 95 milliards d’euros. À la suite du sommet Canada‑UE de novembre dernier, le Canada est en passe de devenir membre associé du programme. Cela ouvrira la voie à toutes sortes de nouvelles possibilités de coopération avec nos homologues de l’UE dans ce domaine, et la question que vous avez posée est très importante parce qu’après le sommet, lors de mon premier appel avec tous les chefs de mission en Europe, je leur ai dit : « Maintenant, vous devez lire la décision du sommet qui a été avalisée et rechercher activement des opportunités dans vos pays respectifs afin de tisser des réseaux. » C’est bien de se mettre d’accord sur quelque chose au niveau de l’UE, mais il faut ensuite que le projet ait des ramifications et soit revendiqué dans toutes les capitales au moyen de nos réseaux, comme l’a déjà dit l’ambassadrice Campbell.

La réponse à votre question est que nous sommes déjà à l’œuvre.

Le sénateur MacDonald : Ma question s’adresse aux deux témoins. Je vais changer de sujet.

Le Conseil de l’Arctique compte huit membres, dont la Russie. Quel est l’avenir de cet organisme? Voyez-vous un avenir pour le Conseil de l’Arctique ou n’est-il qu’une coquille vide aujourd’hui?

Mme Poupart : Sénateur, merci pour cette question très intéressante. Je suis responsable de 30 pays plus l’Union européenne, mais pas l’Arctique. Il m’est donc difficile de répondre à cette question. Je pourrais vous donner mon opinion, mais je ne pense pas que cela vous intéresse.

Ce que je vois dans le groupe de collègues qui travaillent juste en face de nous dans l’édifice Pearson, c’est que nous continuons à communiquer avec les membres lorsque nous avons intérêt à le faire, mais au niveau politique, c’est devenu beaucoup plus difficile.

Nos intérêts sont tels que nous ne pouvons pas abandonner l’Arctique, et nous avons de nombreux leviers autres que le Conseil de l’Arctique pour continuer à nous doter d’une politique arctique dynamique.

Le sénateur MacDonald : Madame l’ambassadrice, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Campbell : Oui, je pense que ce qui est intéressant, c’est que l’Union européenne n’est pas membre du Conseil de l’Arctique. Il n’y a que des gouvernements nationaux. Il est donc intéressant de voir que les États membres qui sont également membres de l’UE, ce qui inclut, par exemple, la Suède, le Danemark, ce dernier pays par le truchement de ce qui est à mon avis le territoire le plus vital, le Groenland, se sont alignés sur les efforts continus du Canada dans les domaines où nous pouvons dialoguer avec la Russie, soit le changement climatique, la science et le leadership autochtone dans l’Arctique, et dans la création d’institutions supplémentaires qui, nous l’espérons, offriront un jour un cadre plus pacifique de défendre nos intérêts dans l’Arctique.

L’Union européenne souhaite devenir plus active dans l’Arctique, notamment en investissant dans les infrastructures, en particulier dans le Grand Nord de ses États membres, soit la Finlande, la Suède et le Danemark. La Norvège n’est pas membre de l’UE mais fait partie de l’Espace économique européen. J’aimerais donc souligner le point de vue de Mme Poupart concernant la création de structures supplémentaires et l’écoute des personnes qui vivent dans l’Arctique pour connaître la nature de leurs relations avec la Russie. La géographie ne change pas, et il se peut donc que nous nous trouvions dans des situations, en particulier dans certains domaines liés, par exemple, à la sécurité dans l’Arctique, où nous continuerons à dialoguer avec la Russie au sujet des vols. Dans le cas d’une éventuelle mission de recherche et de sauvetage, il y aurait une coordination pour assurer une assistance.

Nous verrons l’UE devenir plus active au cours des prochaines années, et je pense que le Canada devra faire preuve de leadership s’il entend faire valoir ses intérêts et ses valeurs. Le Canada est beaucoup plus avancé en matière d’engagement autochtone notamment, tant à l’échelle nationale que multilatérale, que ce que j’ai pu observé ici dans l’UE, et c’est l’une de nos valeurs que nous revendiquons à la table et que nous continuerons à articuler ici, surtout dans le cas de l’Arctique.

Le président : Merci beaucoup. Je voudrais remercier le sénateur d’avoir posé la question. Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a réalisé une étude sur l’Arctique, mais la Suède et la Finlande ont rejoint l’OTAN depuis, et nous savons que les activités du Conseil de l’Arctique sont suspendues à cause de la Fédération de Russie. Cela ne veut pas dire pour autant que notre comité ne se penchera pas à l’avenir sur la coopération entre le Canada et l’Arctique, et en particulier avec les Européens. C’était une question judicieuse.

Nous arrivons à la fin du temps prévu et, au nom du comité, je remercie l’ambassadrice Campbell et Mme Poupart d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Nous avons abordé des thèmes très importants. Madame l’ambassadrice, nous allons entendre votre homologue ici à Ottawa dans quelques minutes.

Je tiens à vous remercier pour le travail que vous et vos équipes accomplissez. Nous sommes très fiers et très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd’hui.

Le président : Collègues, nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins. Nous avons l’honneur d’accueillir Son Excellence Melita Gabric, ambassadrice de l’Union européenne au Canada, de la Délégation de l’Union européenne. Elle est accompagnée de Gabriela Alexandru, chef de la section politique, et de Magdalena Ciesielska, chef adjointe de la section commerce.

Je vous remercie d’avoir pris le temps d’être des nôtres aujourd’hui. Vous avez entendu la discussion avec votre homologue à Bruxelles, c’est-à-dire notre ambassadrice, et bien sûr beaucoup de thèmes reviendront. Nous sommes prêts à entendre votre déclaration, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.

Madame l’ambassadrice, je vous cède la parole.

[Français]

Son Excellence Melita Gabric, ambassadrice de l’Union européenne au Canada, Délégation de l’Union européenne, à titre personnel : Monsieur le président, c’est un grand honneur, et je suis vraiment ravie de cette occasion d’échanger avec les honorables membres du comité sur les relations avec l’Union européenne sur l’avenir de notre partenariat et de notre amitié.

[Traduction]

Cette audition arrive à point nommé, une semaine avant les élections européennes la semaine prochaine, soit du 6 au 9 juin.

Ma collègue et mon amie, l’ambassadrice Campbell, a déjà parlé de beaucoup de thèmes que j’avais l’intention d’aborder avec vous, ce qui ne fait que confirmer à quel point nous partageons les mêmes idées et nous sommes de grands partenaires et amis. Permettez-moi cependant de dire quelques mots sur l’évolution de nos relations au cours des dernières années.

Tout d’abord, je dirais que nos relations n’ont jamais été aussi étroites qu’aujourd’hui. Bien entendu, cela est également dû aux deux accords-cadres que nous avons conclus : l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, l’AECG, dont on a déjà beaucoup parlé, et l’Accord de partenariat stratégique. Ces deux accords soulignent et encadrent notre coopération institutionnelle. Je ne saurai trop insister sur leur importance, car en vertu de ces deux accords-cadres, nous avons de nombreux, voire des dizaines et des dizaines de dialogues qui sont des moyens structurés de coopérer sur une myriade de questions allant de la sécurité et la défense à l’énergie, en passant par le climat, les droits de la personne et la pêche. La liste est exhaustive.

Ce cadre institutionnel est en place depuis six ans. Il évolue. Nos partenariats évoluent dans les domaines du numérique, de la coopération verte, des technologies vertes, de l’environnement, etc.

Au vu des deux crises majeures qui ont frappé le monde ces dernières années, soit la crise de la COVID et l’agression contre l’Ukraine, nos relations n’ont fait que se renforcer. Je m’explique.

Tout d’abord, je parlerai de la COVID. En ma qualité d’ambassadrice de l’Union européenne au Canada, j’ai le grand plaisir et même la fierté de pouvoir dire qu’au cours des premiers mois de la distribution des vaccins, c’est l’Union européenne et ses États membres qui ont fourni au Canada la grande majorité des vaccins. C’était à l’époque où les stocks de vaccins étaient extrêmement tendus. Cela a certainement renforcé notre amitié.

Je vais maintenant parler de l’Ukraine. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Canada depuis le début, et nous reconnaissons tout ce que le Canada fait pour soutenir l’Ukraine, la sécurité européenne et la sécurité euroatlantique.

Ce qui est également devenu très clair et a été mis en évidence par l’agression russe contre un pays souverain, c’est la réalisation que nous devons travailler plus étroitement et intégrer nos chaînes d’approvisionnement avec les partenaires qui partagent nos valeurs et avec lesquels nous sommes d’accord sur les questions de démocratie, d’État de droit, de droit international, etc. La réduction des risques et la diversification de nos chaînes d’approvisionnement constituent une leçon qui a été apprise des deux côtés de l’Atlantique, et nous renforçons notre coopération à cet égard également.

En bref, compte tenu de l’alignement de nos valeurs et de nos intérêts, compte tenu du cadre institutionnel fort et robuste, je suis fermement convaincue que la voie de nos relations est bien tracée pour les années à venir. Voilà ce que je voulais dire en guise d’introduction, et je suis disposée à répondre à vos questions, honorables sénateurs.

Le président : Merci beaucoup, madame l’ambassadrice.

Sénateurs, comme pour le groupe de témoins précédent, vous disposez de quatre minutes. Si vous posez des questions bien ciblées, nous aurons également une deuxième série de questions.

Le sénateur Downe : Je veux revenir à Chypre. J’essaie de comprendre ce qui va se passer là-bas. Le président et son parti, le Rassemblement démocratique, sont favorables à la ratification de l’AECG, mais le parlement chypriote a rejeté l’accord. Le président n’a pas officiellement notifié l’Union européenne parce qu’il veut un autre vote, mais nous pouvons tous compter, et il n’a pas les voix nécessaires.

Que se passera-t-il si l’accord est rejeté? Quelles en seront les conséquences pour l’Union européenne et les autres pays qui l’étudient encore? Qu’adviendra-t-il de l’accord et quelle en sera l’incidence sur le Canada?

Mme Gabric : Merci pour cette question. Nous nous penchons sur ces enjeux depuis que nous sommes confrontés au fait que certains pays n’ont pas ratifié l’AECG.

Tout d’abord, le Parlement européen a voté l’AECG en 2017. Aujourd’hui, comme nous l’avons entendu tout à l’heure, 10 États membres n’ont toujours pas ratifié l’accord pour différentes raisons.

Votre question est plutôt de nature procédurale ou juridique. Ma réponse est la suivante : lorsque le Parlement chypriote a voté contre la ratification, le gouvernement n’a pas décidé d’en informer la Commission européenne. Dans ce cas, il n’y a aucune conséquence sur l’application globale de l’AECG. L’AECG a été appliqué provisoirement, ce qui signifie que 97 % ou 98 % de ses dispositions sont en vigueur. Même si aucun des 10 États membres restants ne le ratifie, l’AECG restera en vigueur. En fait, l’accord ne comporte pas de clause de caducité.

C’est hypothétique, car le cas de figure ne s’est jamais produit auparavant, mais si un gouvernement de l’un des États membres décidait de notifier la Commission européenne, cette dernière devrait alors décider des mesures à prendre ou des étapes à suivre.

Le sénateur Downe : Si je comprends bien, une partie du problème réside dans le fait que l’on n’a pas encore compris, comme vous l’avez bien dit, que si la commission reçoit la notification que l’AECG a été rejeté par un pays, il faut savoir si l’application des dispositions relève de l’Union européenne ou des États individuels. Cela a-t-il été décidé? Vous avez donné le pourcentage des dispositions en vigueur à l’heure actuelle, mais si l’accord est rejeté à l’avenir, ce pourcentage changera-t-il?

Mme Gabric : Vous avez raison de souligner qu’une partie de l’accord est en fait de compétence mixte, ce qui signifie que l’institution, soit la commission, et les États membres sont compétents en la matière.

Le processus qui consiste à savoir exactement comment la Commission européenne... Ce serait la Commission européenne qui devra réagir ou décider des prochaines étapes. Les étapes procédurales exactes sont encore à l’étude. Pour l’instant, comme je l’ai dit, il s’agit d’une situation hypothétique.

Le sénateur Harder : Madame l’ambassadrice, merci à vous et vos collègues d’être des nôtres. Je voudrais revenir à la question du sénateur Downe concernant l’AECG.

J’ai été rassuré par votre déclaration sur l’alignement de nos valeurs et la solidité de nos relations pendant les années à venir. Or, elles seraient encore plus solides si l’AECG était ratifié. Comme l’a souligné l’ambassadrice Campbell, la commission est l’autre partie. Quels moyens la commission est-elle prête à déployer pour faire avancer les 10 processus de ratification incomplets? Nous ne sommes que le partenaire de danse, et non l’organisateur du bal, pour ainsi dire.

Pouvez-vous nous décrire ce que fait la commission et comment les 10 processus de ratification en cours pourront se réaliser et dans quel délai?

Mme Gabric : Oui. Premièrement, il faut reconnaître que peu de commerce se fait aux termes de l’AECG. Bien entendu, cela signifie que nous devons continuer, des deux côtés de l’Atlantique, à promouvoir l’AECG et ses avantages. Je dirais que c’est particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises. En Europe, 90 % de l’économie repose sur les PME ou est produite par elles, et les PME n’ont souvent pas la capacité d’accéder à ces avantages. Il s’agit également de continuer à améliorer l’AECG en réduisant les formalités administratives, etc.

Deuxièmement, l’AECG est en fait un excellent accord progressif, qui prévoit de nombreux mécanismes intégrés permettant une amélioration continue.

Troisièmement, il existe des irritants commerciaux qui minent nos relations. Le fait de s’attaquer à certains d’entre eux pourrait également contribuer à la volonté politique des États membres de ratifier l’accord.

Le sénateur Harder : Pourrais-je insister un peu sur ce que fait la commission pour encourager une ratification rapide par les 10 pays récalcitrants?

Mme Gabric : À la Commission européenne, il y a la Direction générale du commerce, ainsi que le Service européen pour l’action extérieure, ou SEAE. Nous faisons partie du SEAE, c’est-à-dire de notre service extérieur. Nous sommes tous impliqués dans la promotion de l’AECG. Je voudrais souligner que le Parlement européen est également très actif dans ce dossier. Nous entretenons également un certain dialogue avec nos homologues canadiens à ce sujet. Récemment, le Parlement européen a publié un rapport extrêmement positif sur les résultats de l’AECG, non seulement sur le plan du commerce, mais aussi sur celui de l’impact sur l’environnement et des normes ESG.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bienvenue à ce comité, Votre Excellence. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous. J’aimerais rebondir sur un point qu’on a évoqué avec le groupe précédent. Il s’agit du résultat des élections européennes, car le premier ministre hongrois, qui sera le prochain président, a déclaré que les élections européennes seront « probablement vues comme celles qui ont décidé de la paix ou de la guerre en Europe ».

De quelle manière voyez-vous le résultat de ces élections? Comment vont-elles avoir un impact et influencer la situation en Ukraine, par exemple?

Mme Gabric : Merci de cette question.

[Traduction]

Une chose qui semble claire d’après ce que nous pouvons déduire des sondages, c’est que l’influence de l’extrême droite sera plus importante, mais que les groupes ou les partis politiques centristes continueront à occuper une place prédominante au Parlement.

Que signifie cela exactement pour les rapports de force au sein du Parlement après l’élection de 720 députés? Ce serait de la spéculation que d’essayer de répondre avec précision à votre question, mais je dirais que, de manière générale, il est devenu évident en Europe, quelle que soit sa position sur le spectre politique, que la défense et la sécurité sont un domaine important dans lequel nous devons nous développer en tant qu’Union européenne. On s’attend généralement à ce que les efforts se poursuivent dans ce domaine ou dans cette direction.

Peut-être qu’au début de la dernière législature, les députés, qui seront bientôt sortants, avaient l’ambition de faire de l’UE un acteur géopolitique. L’agression de la Russie contre l’Ukraine a constitué un point d’inflexion qui nous a incités à devenir un acteur géopolitique de manière assez rapide. L’une des preuves les plus importantes de notre réussite, c’est que nous fournissons maintenant une aide militaire à l’Ukraine et nous développons notre propre capacité militaire.

La sénatrice Gerba : Merci.

Mme Gabric : Voilà ce à quoi je m’attends. Nous continuerons sur cette voie. Nous disposons à présent de la stratégie industrielle de défense, grâce à laquelle nous voulons revitaliser l’industrie de la défense en Europe et inciter les États membres à travailler en collaboration pour acheter des armes et du matériel militaires de manière concertée. Bien entendu, je m’en voudrais de ne pas souligner que nous le faisons d’une manière compatible avec les normes de l’OTAN. Le développement de notre sécurité militaire renforcera également l’OTAN.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup d’être des nôtres, Votre Excellence.

Lors de notre précédente discussion avec l’ambassadrice Campbell, l’Alliance verte Canada-Union européenne a été évoquée, et je pense que vous avez également mentionné l’énergie et les technologies propres, etc. Pourriez-vous nous expliquer comment vous envisagez l’évolution des relations entre le Canada et l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les nouvelles sources d’énergie? Je suis originaire de la côte Est du Canada et je sais que les éoliennes extracôtières, l’hydrogène vert, etc. sont très importants dans nos relations avec l’Allemagne, par exemple. Pouvez-vous nous dire comment l’Union européenne perçoit l’avenir de la relation entre le Canada et l’Allemagne, certes, mais également entre le Canada et d’autres pays dans le domaine de l’énergie verte?

Mme Gabric : Oui, l’énergie verte est certainement l’un des domaines où nous voyons un grand potentiel pour développer nos relations avec le Canada.

Lors de la crise énergétique qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous nous sommes tournés vers le Canada pour voir ce qui était possible à court terme, en particulier en ce qui concerne le GNL. Il s’est avéré que ce n’était pas une solution pratique à court terme. Le GNL est considéré comme un carburant transitoire au sein de l’UE. Je vous donne le contexte parce que vous venez de l’Est et nous avons certainement examiné certains des ports pour voir s’ils pouvaient être utilisés pour exporter du GNL.

Maintenant, je pense que cette solution a plus ou moins été abandonnée, mais nous sommes très intéressés par la création de chaînes d’approvisionnement pour l’hydrogène, l’hydrogène vert en particulier, ou l’hydrogène qui est produit à partir de l’énergie éolienne ou solaire, de l’hydroélectricité, de sources d’énergie propres.

En Europe, nous avons mis sur pied la Banque de l’hydrogène. Elle est gérée à la fois par des parties prenantes internes et par ses parties prenantes de pays tiers. Nous voulions établir un véritable marché de l’offre et de la demande. En ce qui concerne l’hydrogène vert, qui, bien sûr, est encore un secteur naissant et à bien des égards assez ambitieux, nous sommes encouragés par ce qui a été fait jusqu’à présent au Canada, et nous voyons également le grand potentiel de votre pays.

La sénatrice Coyle : Merci.

Le sénateur MacDonald : Merci, madame l’ambassadrice. Tous ceux qui sont friands de politique et qui suivent les élections européennes s’intéresseront à la question suivante : si la composition du Parlement européen changeait radicalement, quelle en serait l’incidence sur nos relations avec l’Union européenne? Comment comparez-vous nos relations avec l’Union européenne et avec les différents États-nations d’Europe? Prévoyez-vous une évolution des relations avec l’Union européenne si la composition du Parlement change de façon radicale?

Mme Gabric : Quelle que soit la composition du prochain Parlement européen, il existe entre l’UE et le Canada un lien institutionnel merveilleux, très solide et vigoureux, qui repose sur les dialogues que j’ai mentionnés précédemment, en sus des deux traités-cadres. Grâce à ces dialogues, nous assurons une coopération quotidienne à tous les ordres de gouvernement. Bien entendu, nous avons également des échanges parlementaires importants.

Ce cadre institutionnel, qui comprend des fonctionnaires de tous les niveaux, est la plupart du temps assez technique. Je m’attends à ce que ce cadre institutionnel solide permette à nos relations de se poursuivre et de se renforcer. C’est une partie de ma réponse à votre question.

Ensuite, il faut se souvenir que la démocratie, les droits de la personne et l’État de droit sont des valeurs fondamentales tant pour nous que pour vous. Je ne pense pas que cela changera radicalement. Ces valeurs sont à la base de notre relation et je pense qu’elles sont également très importantes pour notre avenir, car elles sont les mêmes.

En ce qui concerne nos intérêts, quelle que soit la couleur ou la tournure que prendra le Parlement, qu’il prenne un virage à droite... Comme je l’ai dit plus tôt, on s’attend à ce que les partis politiques centristes restent majoritaires. Quoi qu’il en soit, en sus des intérêts dont nous avons discuté, comme l’hydrogène, je voudrais également souligner notre intérêt à développer davantage notre relation ou notre coopération sur les matières premières critiques. Je pense que cela mérite une attention particulière et nous permettra de continuer à intensifier nos relations.

Comme je l’ai dit au début, nous avons vu la nécessité d’intégrer nos chaînes d’approvisionnement, en particulier dans le domaine des matières premières critiques et de l’énergie, avec des pays partageant les mêmes valeurs, avec des pays comme le Canada, afin d’éviter une situation de dépendance excessive. L’autre facteur, c’est la diversification. Nos interlocuteurs canadiens nous disent également qu’ils souhaitent vivement diversifier leurs chaînes d’approvisionnement.

Je pense que nous sommes sur la même longueur d’onde, tant sur le plan des valeurs que des intérêts, et nous disposons d’un cadre institutionnel très solide. Quoi qu’il arrive lors des élections de notre côté de l’Atlantique ou, plus tard, de votre côté, je pense que nous continuerons à avoir d’excellentes relations stratégiques.

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le président : Merci, madame l’ambassadrice. Merci, sénateur. Je voulais revenir sur la question du sénateur MacDonald et poser une question plus pointue sur le Service européen pour l’action extérieure, dont vous faites partie bien sûr, et qui se caractérise également par sa perméabilité. Ainsi, vous avez été l’ambassadrice de Slovénie au Canada, puis vous êtes devenue ambassadrice de l’Union européenne. Vous avez des collègues qui font ce va-et-vient. Le service existe depuis environ 14 ans et compte 4 000 employés. J’ai eu le plaisir de rencontrer Stefano Sannino, le secrétaire général en votre présence, lors de sa visite à Ottawa. Et bien sûr, notre comité a publié un rapport sur le service extérieur et son avenir.

Dans le contexte actuel des crises multiples, comment voyez-vous l’avenir du Service européen pour l’action extérieure? Continuera-t-il à se développer? Cherchera-t-il des méthodes de travail plus innovantes? Ce que vous avez mis en place, c’est votre propre service diplomatique, et il semble fonctionner.

Mme Gabric : Merci pour cette question. En effet, il s’agit d’un service diplomatique plutôt jeune. Il a évolué de manière assez spectaculaire au cours des dernières années, et nous avons une combinaison de diplomates issus des institutions et des États membres.

Je pense que le service diplomatique continuera à évoluer. Il est difficile de se prononcer avec certitude sur les fonctions diplomatiques, mais le service a certainement été accepté de façon générale comme notre ministère des affaires étrangères, entre guillemets, parce que nous sommes une entité supranationale. Nous n’avons pas de ministères : nous avons des directions générales, ou DG, et nous avons le SEAE.

Cela dépendra de la manière dont le SEAE évoluera. Cela dépendra également de l’identité du prochain HRVP, c’est-à-dire le haut représentant qui est également le vice-président de la commission. Il est évident que le nouveau chef fixera son programme politique dans une certaine mesure.

Au cours de la dernière législature, l’accent a davantage été mis sur la sécurité et la défense. Nous y avons consacré beaucoup plus d’efforts au cours des quatre ou cinq dernières années. En fait, cela a commencé avant l’agression de la Russie avec l’arrivée de notre boussole stratégique, c’est-à-dire lorsque la décision a été prise de se concentrer davantage sur les questions de sécurité et de défense. Les tâches du SEAE sont les relations extérieures et les dossiers de sécurité et de défense.

Le président : Merci, madame l’ambassadrice. Toujours dans la même veine, vous avez ce mélange très intéressant de personnel qui vient presque en détachement des États membres. Vous avez également un service plus permanent, et tout cela fonctionne ensemble.

En termes de recrutement, rencontrez-vous des difficultés lorsqu’il y a, disons, un État membre dont le gouvernement critique régulièrement l’Union européenne, mais reste à l’intérieur pour profiter des avantages et a également des ressortissants dans le Service d’action extérieure? Je sais que c’est une question difficile, mais y a-t-il une incidence sur l’évolution et l’impartialité du service que vous recherchez?

Mme Gabric : D’après ce que j’ai pu comprendre, beaucoup de critères et de considérations sont pris en compte au cours du processus décisionnel. Je peux vous assurer que le processus de sélection est très rigoureux. Il n’y a pas de règles écrites sur le nombre de postes d’ambassadeurs par État membre, par exemple, mais on cherche assurément à atteindre un certain niveau de parité ou d’équilibre.

Cette question est peut-être un peu au-delà de mes compétences, car je ne fais pas nécessairement face à de tels dilemmes, mais je pense que plusieurs facteurs entrent somme toute en ligne de compte.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant entamer le deuxième tour, chers collègues.

Le sénateur Harder : Je voulais vous inviter à spéculer un peu plus, madame Gabric. Je reprends la question du sénateur MacDonald sur les suites des élections. Quelles sont vos attentes en ce qui concerne la formation et la ratification de la commission par le Parlement? Entrevoyez-vous un rééquilibrage des rôles de la commission avant que cela ne se produise? Vous avez dit que le Haut représentant est devenu plus impliqué dans l’attribution de l’autorité politique au sein de la commission au cours des dernières années. Comment entrevoyez-vous la situation pour la commission après les élections?

Mme Gabric : Le point le plus important à souligner est que nous avons nos traités, qui définissent les fonctions et le mode de fonctionnement de nos institutions. C’est la base. Ces principes fondamentaux perdureront.

Nous verrons bien comment la commission se positionnera politiquement. Cela dépend des résultats des élections. Pour l’instant, les projections semblent indiquer un taux de participation élevé. Environ 80 % des Européens estiment que la nature de la gouvernance de l’Union européenne est importante et que cette dernière a un impact réel et direct sur leur vie. Le rôle de l’Union européenne s’est amélioré ou est à tout le moins devenu plus évident pour l’électorat. Enfin, il est devenu plus évident, mais l’Union européenne a également beaucoup évolué. Elle a évolué sur le plan géopolitique et a créé des liens à l’interne. Nous disposons désormais de compétences dans des domaines qui n’existaient pas avant la COVID, notamment. Nous avons instauré une plateforme conjointe pour acheter des vaccins et contribuer à leur production. J’ai mentionné notre stratégie de défense qui nous permet de nous imposer de plus en plus dans le secteur de la défense.

En ce qui concerne l’évolution de l’Union européenne, je voudrais attirer votre attention sur le fait que nous avons fait appel aux marchés internationaux et que nous avons contracté des prêts de façon conjointe pendant la crise. Certains appellent cela notre « moment hamiltonien »; nous avons mutualisé notre dette. Cela a été un moment marquant dans l’évolution de l’Union européenne.

Nos traités constituent assurément une base. Ils sont les fondements sacro-saints du fonctionnement de nos institutions. Le contenu politique revient aux électeurs. Trois cent trente millions d’électeurs voteront. Les résultats préliminaires seront publiés le 9 juin au soir.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Gerba : Votre Excellence, tout récemment, l’Union européenne a réajusté son approche envers la Chine, qu’elle considère maintenant comme un partenaire, un compétiteur et un rival systémique. Cette approche illustre la complexité multifacette des relations de l’Union européenne avec la Chine.

D’une part, j’aimerais comprendre comment l’Union européenne arrive à concilier cette relation entre le développement, la compétition, la peur et les défis que pose aujourd’hui la Chine.

D’autre part, est-ce que le Canada et l’Union européenne collaborent pour répondre aux possibilités, mais aussi aux défis que comporte la relation entre la Chine, l’Union européenne et le Canada?

Mme Gabric : Vous avez raison : la relation est très compliquée.

[Traduction]

C’est de plus en plus compliqué. Vous avez raison. Oui, nous voyons la Chine à la fois comme un partenaire, un concurrent et un rival. Notre stratégie définit ces trois types de coopération ou de concurrence.

Nos relations sont compliquées d’un point de vue politique, parce que la Chine appuie la Russie. À titre d’exemple, 80 % des biens dont la Russie a besoin pour son armée proviennent de la Chine. C’est l’une des estimations dont nous disposons.

La position de la Chine dans le détroit de Taïwan et dans la région indo-pacifique complique également nos relations.

D’un point de vue économique, la Chine a déformé nos relations commerciales de différentes façons à l’échelle étatique. Nous avons lancé des enquêtes sur les véhicules électriques et l’énergie photovoltaïque afin de déterminer si nous devrions instaurer des contre-mesures.

Cela dit, j’ajouterais que nous voulons poursuivre nos relations avec la Chine sur la base de la transparence et de la prévisibilité de nos relations commerciales.

Nous aimerions également travailler en étroite collaboration avec la Chine sur divers enjeux, dont la lutte contre le changement climatique. Dans ce domaine, nous avons également mis en place des réunions ministérielles sur l’action climatique avec le Canada, dans le cadre desquelles nos ministres se rencontrent régulièrement pour traiter du changement climatique et de l’action environnementale.

Le sénateur Downe : Madame l’ambassadrice, je suis conscient que vous n’avez peut-être pas ces informations sous la main, mais peut-être pourriez-vous les envoyer à la greffière du comité.

Je m’intéresse au commerce. Le Canada a réussi à signer divers accords de libre-échange, mais sur les 15 pays avec lesquels nous en avons signé, le déficit commercial s’est creusé avec 11 d’entre eux, y compris après la signature de l’AECG. Lors de l’année précédant la signature de l’AECG, notre déficit commercial avec l’Union européenne s’élevait à 30 milliards de dollars. L’an dernier, il s’élevait à 53 milliards de dollars.

L’Union européenne dispose-t-elle d’une politique organisée d’incitation au commerce? Comment prépare-t-elle ses communautés d’affaires aux nouveaux débouchés, aux accords commerciaux? Fonctionne-t-elle avec des pourcentages ou cela est-il laissé à la discrétion de chaque État? Je vous serais reconnaissant si vous pouviez nous envoyer ces informations. Peut-être les avez-vous en tête.

Mme Gabric : Nous allons vérifier et vous envoyer des informations plus précises à ce sujet. C’est la division du commerce numérique de la Commission européenne qui a négocié l’AECG. Votre question porte donc sur le déficit?

Le sénateur Downe : Ma vraie question est la suivante : par l’entremise de quelles mesures incitatives et de quels programmes préparez-vous vos communautés d’affaires aux débouchés découlant d’un accord commercial? Le Canada ne semble pas être à la hauteur à cet égard. Je me demande simplement si vous avez un programme global ou si vous laissez à chaque pays le soin de relever les débouchés au Canada.

Mme Gabric : Ces accords commerciaux sont conclus par les États membres ou leurs parties prenantes. Nous ne sommes donc pas directement impliqués dans le processus. Cela dit, la promotion de l’AECG et de ses avantages, ainsi que la nature de l’accord de libre-échange relèvent de notre compétence.

Le sénateur Downe : Merci. J’ai hâte de lire toute l’information dont vous disposez.

Le président : Y a-t-il d’autres questions pour l’ambassadrice?

Sinon, madame l’ambassadrice, je tiens à vous remercier, vous et votre équipe, au nom du comité, d’avoir été des nôtres. Nous vous sommes reconnaissants de votre franchise. Vous avez bien répondu à toutes les questions, et je ne suis pas sûr que tous les membres du comité le savent, mais vous arrivez au terme de votre mission à Ottawa, alors un avenir différent vous attend. Vous vivrez peut-être aussi de nouvelles aventures. Au nom du comité, je tiens à vous remercier des services que vous avez rendus à l’Union européenne et de votre promotion des relations entre le Canada et l’Europe au cours de votre mandat. Je vous en félicite.

(La séance est levée.)

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