LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 2 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.
Le sénateur Peter Harder (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Je m’appelle Peter Harder. Je suis un sénateur de l’Ontario et, en ma qualité de vice-président, je préside la réunion d’aujourd’hui en l’absence de notre estimé président.
Avant de commencer, j’invite les membres du comité qui participent à la réunion d’aujourd’hui à se présenter.
[Français]
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.
Le sénateur Ravalia : Bienvenue. Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice M. Deacon : Bienvenue. Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Robinson : Bonsoir et bienvenue. Je suis Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique. Je remplace la sénatrice Boniface.
Le vice-président : Chers collègues, je vous présenterai les autres sénateurs à mesure qu’ils se joindront à nous. Le sénateur MacDonald vient tout juste d’entrer.
Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.
Je tiens à préciser qu’il s’agit du groupe de témoins dont la comparution a été reportée en juin dernier. Ils n’ont pas de chance puisque leurs témoignages ont été reportés en juin, puis retardés en octobre. Je remercie Meredith Preston McGhie, secrétaire générale du Centre mondial du pluralisme; Edward Akuffo, professeur agrégé et directeur du Département des sciences politiques de l’Université de la Vallée Fraser; et David Black, professeur titulaire au Département des sciences politiques de l’Université Dalhousie. Je tiens à remercier nos témoins de leur présence parmi nous aujourd’hui.
Chers collègues, avec l’accord de nos témoins, nous allons prolonger notre séance. La première partie sera de 55 minutes, et nous consacrerons le temps qui reste au prochain groupe de témoins.
Avant d’entendre les déclarations et de passer aux questions et réponses, je demanderais à toutes les personnes présentes de bien vouloir mettre en sourdine les notifications sur leurs appareils.
Sur ce, nous allons entendre les déclarations préliminaires. Nous allons commencer par Mme Preston McGhie, qui sera suivie de M. Akuffo et de M. Black. La parole est à vous.
Meredith Preston McGhie, secrétaire générale, Centre mondial du pluralisme : Merci, sénateur Harder, et merci au comité de m’avoir invitée à prendre la parole aujourd’hui.
[Français]
Merci à vous tous de votre engagement envers l’Afrique. Je parlerai surtout en anglais aujourd’hui.
[Traduction]
Je vis et travaille depuis plus de 20 ans sur le continent africain. J’aimerais vous parler aujourd’hui des questions de paix et de conflit, mais je tiens à souligner que cela ne représente qu’une fraction des réalités de la région.
Mon expérience a renforcé le constat suivant : pour un engagement efficace en Afrique, il faut établir des relations, assurer une présence, investir beaucoup de temps, être à l’écoute et tisser des liens de confiance, en plus de comprendre en profondeur les dynamiques des enjeux politiques et des conflits qui ont une incidence sur la situation actuelle. Voilà autant d’éléments essentiels à l’efficacité de notre engagement dans la région.
Trop souvent, nous pensons à ce que nous pouvons apporter au continent alors que nous devons considérer l’Afrique comme un pilier du leadership mondial et reconnaître que les partenariats avec la région sont dans l’intérêt stratégique du Canada.
Je voulais parler de deux points d’importance stratégique pour le Canada et l’Afrique : le rétablissement de la paix et le pluralisme. Puisque le Soudan connaît actuellement les pires crises de protection à l’échelle planétaire, c’est sur ce pays que je m’attarderai plus particulièrement.
Fort de sa longue tradition, le Canada a un rôle à jouer dans l’instauration de la paix. Nous pouvons compter sur des ressources et des experts en matière de médiation au sein du gouvernement et partout au Canada. Nous devons utiliser ces ressources de façon plus stratégique. Le Canada a été un important bailleur de fonds pour de nombreux efforts de paix dans la région, mais nous devons en faire plus. Il faut investir dans la présence et l’expertise d’une équipe de hauts dirigeants et de stratèges pour assurer les efforts de maintien de la paix que nous finançons en Afrique. À cette fin, les diplomates doivent avoir davantage de moyens et de soutien en matière de médiation, car il s’agit là d’une compétence diplomatique de base. Il faut davantage de ressources diplomatiques de haut niveau consacrées à la médiation. En effet, pour promouvoir la paix, nous devons, nous aussi, être présents à la table.
Le Soudan est un exemple important à cet égard. Le Canada a appuyé une coalition diversifiée de dirigeants civils déterminés à mettre fin à la guerre au Soudan, coalition connue sous le nom de Tagadom. Cette approche novatrice et pluraliste est essentielle aux efforts civils dirigés par les Soudanais pour mettre fin à la guerre au Soudan et engager le pays sur la voie de la paix. Le Canada appuie également d’importants efforts visant à faire participer les femmes aux processus de cessez-le-feu. Ces efforts devraient être renforcés par une représentation diplomatique de haut niveau au Soudan, qui s’occupe à temps plein des complexités de ce processus. Le manque de cohérence à l’échelle internationale nuit aux efforts de paix, et nous devons en tirer des leçons. Le Soudan mérite que nous y accordions toute notre attention.
J’aimerais maintenant parler de la valeur que le pluralisme apporte en cimentant la relation stratégique entre le Canada et l’Afrique. À l’heure actuelle, toutes les sociétés — ici, en Afrique et ailleurs dans le monde — se débattent avec les questions de cohésion sociale : que signifie le fait de s’engager dans une société, que représente l’appartenance pour les jeunes, et comment établir un dialogue au-delà de nos différences? Les investissements dans le pluralisme nous permettent de transcender les conflits dans des contextes de développement et de soutenir des sociétés plus pacifiques et plus stables. Les approches pluralistes nous offrent des solutions novatrices et un engagement à l’égard d’enjeux difficiles d’une manière qui est tournée vers l’avenir et propice au renforcement de nos partenariats.
Les approches pluralistes respectent le cheminement des sociétés. Elles ne sont pas imposées ou dirigées à l’externe, mais elles nous permettent de travailler en partenariat étroit avec les dirigeants africains — au sein du gouvernement et de la société civile — pour participer ensemble à l’élaboration de stratégies qui rendent toutes nos sociétés plus cohérentes, plus connectées et plus prospères.
Nous en avons vu le pouvoir et le potentiel de première main grâce au travail que le Centre mondial du pluralisme accomplit dans la région pour renforcer les systèmes de gouvernance démocratique, accroître la participation politique des femmes, mobiliser les jeunes et les communautés marginalisées, mettant ainsi à contribution leur citoyenneté, et s’attaquer aux sources de division et de polarisation. La prestation de services inclusifs n’est qu’un exemple créatif qui nous permet de trouver de nouvelles possibilités de dialogue et de partenariat pour adopter une approche pluraliste axée sur l’appartenance afin de mobiliser, par exemple, les communautés marginalisées qui risquent de se radicaliser.
Pour revenir au Soudan, une approche pluraliste sera au cœur des efforts visant à trouver une solution durable au conflit. Cette année, le Canada a consacré 130 millions de dollars aux efforts humanitaires au Soudan. Aussi important que puisse être ce financement, la crise humanitaire ne prendra tout simplement pas fin à moins qu’il n’y ait une solution centrée sur les civils et ancrée dans la diversité du Soudan pour mettre un terme au conflit.
Comme les jeunes Soudanais l’ont récemment demandé lors de la conférence de fondation de Tagadom, à Addis-Abeba, en mai, conférence à laquelle j’ai eu le privilège d’assister — et c’est d’ailleurs un message qu’ils ont répété à maintes reprises —, nous devons tous travailler ensemble pour reconstruire un Soudan qui peut nous maintenir tous dans la paix et l’égalité. Pour moi, cet appel à l’action pluraliste doit être entendu par le Canada.
J’ai de nombreux autres exemples qui dépasseraient de loin les cinq minutes qui me sont allouées, et je serai heureuse de parler de notre travail au Ghana, au Kenya, au Soudan du Sud et ailleurs. J’ai hâte de répondre aux questions du comité. Je vous remercie.
Le vice-président : Merci beaucoup.
Edward Akuffo, professeur agrégé et directeur du Département des sciences politiques, Université de la Vallée Fraser, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, de m’avoir invité. Je serai très honnête et très franc dans mes observations.
Monsieur le président, le Canada a au moins deux décennies de retard pour ce qui est d’élargir et d’approfondir ses relations avec le continent africain, et il risque de devenir une puissance externe périphérique s’il tarde encore à démontrer un engagement sérieux envers la région. Chose certaine, monsieur le président, il s’agit d’un moment charnière pour la sécurité et la transformation économique en Afrique, et j’espère que votre étude aidera le Canada à miser sur ses forces du passé, à regagner sa position de puissance morale et à établir des partenariats stratégiques novateurs, mutuellement bénéfiques et ciblés en Afrique.
Dans cette optique, je tiens à recommander, d’entrée de jeu, que l’engagement et l’intérêt du Canada en Afrique reposent sur une stratégie africaine globale et cohérente qui intègre la sécurité, la diplomatie et le développement économique. La stratégie doit être le tremplin qui permettra au Canada de jouer dans la cour des grands, comme il le faisait autrefois dans des dossiers précis sur le continent africain.
Les principes fondamentaux de la stratégie devraient être le respect mutuel, la réciprocité et la non-indifférence à l’autonomie de l’Afrique aux niveaux étatique, sous-régional et régional, tout en tenant compte de l’importance géopolitique et géoéconomique croissante de la région. Pour être viable, une stratégie Canada-Afrique doit être résiliente et adaptable, en plus d’être un produit vraiment multipartite qui subsistera après les changements de gouvernement et qui bénéficiera d’un soutien public évident.
À cette fin, le Canada doit adopter une approche régionale dans son engagement stratégique avec l’Afrique. Cela permettra de cibler les politiques et les dépenses et d’aligner les intérêts mutuels du Canada sur les priorités régionales, alors même que le Canada renforce ses relations avec chaque pays africain.
Voici mes recommandations.
Premièrement, l’élargissement et le renforcement des liens diplomatiques doivent être la priorité absolue du Canada. Rien ne fonctionnera sans un engagement sérieux en faveur de l’établissement de relations; par conséquent, le Canada doit augmenter le nombre de ses ambassades dans les États africains et établir des missions permanentes dans chacune des huit communautés économiques régionales afin d’assurer l’efficacité et la visibilité de son engagement sur le continent. Un élément clé de la diplomatie canadienne doit être la mise en place et la consultation régulière d’un conseil canadien pour la diaspora africaine.
Deuxièmement, l’aspect économique d’une stratégie canadienne doit passer par l’élaboration d’accords de commerce et d’investissement mutuellement bénéfiques et adaptés aux priorités précises de chacune des huit communautés économiques régionales en Afrique. Le Canada doit éviter de conclure un accord de commerce et d’investissement unique en Afrique.
Troisièmement, le Canada doit mettre en place des programmes phares novateurs, inspirés de deux fonds maintenant abolis, soit le Fonds canadien pour l’Afrique et le Fonds d’investissement du Canada pour l’Afrique, afin de stimuler l’intérêt des investisseurs et d’aider à renforcer la capacité des partenaires canadiens et africains à investir dans des secteurs autres que l’exploitation minière.
Quatrièmement, en ce qui concerne la sécurité, le Canada doit diriger les efforts visant à renforcer la coopération interrégionale entre l’Union africaine et l’OTAN et à accroître la capacité des centres d’excellence africains pour le maintien de la paix qu’il a aidé à établir au début des années 2000. De plus, le maintien de la paix doit être intégré aux opérations maritimes dans la région.
Enfin, un élément essentiel d’une stratégie Canada-Afrique doit être la création d’un fonds spécial pour favoriser les partenariats en éducation entre les établissements canadiens et africains dans le but de promouvoir l’intérêt universitaire et de produire des recherches pertinentes sur le plan des politiques pour soutenir la stratégie à l’avenir. Le Canada doit chercher à établir des centres d’excellence en recherche à l’échelle sous‑régionale pour les relations entre le Canada et l’Afrique dans chacune des huit communautés économiques régionales.
Monsieur le président, le continent africain a toujours été un espace de concurrence géopolitique et économique entre les grandes puissances. En fait, les intérêts économiques du Canada sont en croissance, en particulier dans le secteur minier et le commerce des marchandises, qui se chiffrent respectivement à 37 milliards de dollars et à 16,2 milliards de dollars en 2023. Malgré ses défis importants en matière de développement et de sécurité, y compris les menaces hybrides, l’Afrique devrait être l’économie régionale qui connaîtra la croissance la plus rapide en 2024. Elle détient 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques et elle abritera 25 % de la population mondiale d’ici 2050. De plus, l’Afrique est l’un des plus grands blocs de vote au sein des Nations unies puisqu’elle représente 28 % des pays membres.
L’Union africaine, les communautés économiques régionales et les États membres entreprennent des réformes politiques majeures pour renforcer la gouvernance démocratique, la paix et la sécurité, ainsi que le développement économique.
Le vice-président : Je vous remercie. Je dois vous interrompre, mais sachez que nous y reviendrons durant la période des questions. Je veux maximiser notre temps, et vous avez dépassé les cinq minutes.
Le sénateur Al Zaibak s’est joint à nous. Monsieur Black, vous avez la parole.
David Black, professeur titulaire, Département des sciences politiques, Université Dalhousie, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur Harder et honorables membres du comité. Je suis heureux de pouvoir participer à cette étude qui arrive à point nommé.
Comme les membres du comité le savent, il y a de bonnes raisons — qu’elles soient centrées sur l’intérêt personnel, fondées sur des principes ou systémiques — de s’engager avec les pays et les peuples africains de manière plus soutenue et plus cohérente. Par exemple, les avantages économiques potentiels de l’Afrique, comme M. Akuffo vient de le souligner, sont plus importants que pratiquement toute autre région du monde. Pourtant, les défis en matière de sécurité et d’aide humanitaire, comme ceux du Soudan, sont également plus répandus et ont des répercussions systémiques qui pourraient limiter grandement le potentiel du continent africain.
Sans la participation et les partenariats africains, il est tout simplement impossible de relever les grands défis qui nécessitent une action collective et qui nous touchent tous, notamment la migration forcée, la santé mondiale et la durabilité environnementale.
Enfin, en raison de son importance collective grandissante sur plusieurs fronts, ainsi que de son grand nombre d’États, l’Afrique revêt une importance diplomatique croissante. De façon générale, cela place l’Afrique au cœur des tensions de l’ordre mondial. Essentiellement, la capacité du Canada à atteindre d’importants objectifs diplomatiques dépend du soutien de gouvernements africains.
Ensemble, ces raisons sont bonnes et suffisantes pour l’adoption d’une approche stratégique intégrée et multidimensionnelle à l’égard du continent. Pourtant, le Canada n’a jamais eu une telle stratégie. Nous verrons à quel point l’approche tant attendue d’Affaires mondiales Canada en matière de partenariats avec l’Afrique nous mènera vers cet objectif.
Il ne s’agit pas de minimiser les efforts continus de nombreux Canadiens et Africains pour collaborer les uns avec les autres de manières mutuellement avantageuses. Sur le plan historique, à l’ère postcoloniale, le Canada a bénéficié de sa position d’important pays occidental à une époque où l’internationalisme libéral était en plein essor; le Canada a aussi bénéficié de son bilinguisme, de son adhésion simultanée au Commonwealth et à la Francophonie, de sa forte affinité pour le multilatéralisme et du fait que c’est un pays autre que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Grâce à l’aide au développement, à la formation militaire, au maintien de la paix, à l’accroissement des liens interpersonnels et, par la suite, des liens commerciaux, surtout dans le secteur de l’extraction, les Canadiens ont établi des relations relativement vastes, quoique modestes.
Périodiquement, ces liens ont permis aux gouvernements canadiens de jouer un rôle de premier plan dans des dossiers d’importance pour leurs homologues africains. Les deux exemples les plus marquants sont l’activisme du gouvernement Mulroney à l’appui des efforts africains et internationaux pour mettre fin à l’apartheid, et le rôle du gouvernement Chrétien dans l’élaboration du Plan d’action du G8 pour l’Afrique en réponse au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique. Pourtant, ces initiatives n’ont jamais été maintenues, ce qui a mené à une approche stratégique qui était systématiquement incohérente.
Depuis le milieu des années 2000, même ce niveau d’intérêt et d’engagement périodique a diminué, alors que le reste du monde reconnaissait la sécurité économique et l’importance politique croissantes de l’Afrique et investissait dans de nouvelles capacités pour exploiter ces possibilités. Même si les liens du Canada en matière de développement et d’investissement ont continué de croître, quoique modestement, et que le gouvernement canadien a lancé l’Initiative de Muskoka sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants et, plus tard, la Politique d’aide internationale féministe — toutes deux étant fort pertinentes en Afrique —, d’autres relations à long terme ont perdu du terrain. Un exemple frappant, comme d’autres l’ont dit, est le maintien de la paix.
Au Canada, nous avons assisté au démantèlement abrupt d’un écosystème modeste, mais essentiel dans le domaine de la politique internationale, notamment l’Institut Nord-Sud, le Centre Pearson pour le maintien de la paix et l’organisme Droits et Démocratie. Alors que d’autres gouvernements continuent d’investir dans ce genre d’institutions, le Canada continue de payer le prix de leur absence. Compte tenu de tout cela, il n’est pas surprenant que de nombreux homologues africains considèrent avec scepticisme l’intérêt renouvelé que manifeste le Canada.
Alors, comment peut-on bâtir une approche plus cohérente, plus respectueuse et plus stratégique? Brièvement, je proposerai deux balises générales et quelques domaines précis où les Canadiens et les Africains pourraient collaborer de manières mutuellement avantageuses.
En général, les Canadiens devraient réclamer moins et en faire plus. Comme dans les opérations de paix et les autres défis liés à l’action collective, nous devons chercher à maintenir une présence constante, même si elle reste modeste. Ensuite, nous devons nous efforcer d’établir des relations durables qui sont, comme Doug Saunders l’a récemment écrit, polyphoniques, c’est-à-dire multidimensionnelles et, par conséquent, capables de faire face aux changements et aux difficultés dans des pays et des secteurs particuliers.
Plus précisément, nous devrions réinvestir dans un écosystème de politique de développement indépendant, à commencer par créer une version remaniée d’un organisme comme l’Institut Nord-Sud. Nous devrions nous consacrer en priorité à établir des relations dans quelques pays africains clés, tant en Afrique francophone qu’en Afrique anglophone. On le fait déjà de manière non officielle dans une certaine mesure, mais pas aussi systématiquement qu’on le pourrait ou qu’on le devrait. Il s’agit de créer, avec des partenaires stratégiques, des liens durables sur lesquels on peut s’appuyer lorsque des difficultés surviennent.
Comme beaucoup d’autres l’ont souligné, notamment mes impressionnants collègues du milieu universitaire, nous devons trouver de nouveaux moyens de tirer parti de la vigueur croissante de la diaspora africaine au Canada.
Enfin, nous devrions continuer à nous fonder sur des domaines d’engagement transsociétal permanents, comme la santé et les droits sexuels et reproductifs et la santé de façon plus générale, tout en recherchant de nouveaux secteurs. Il s’agit là d’une question de diversification...
Le vice-président : Je vais devoir mettre fin à votre déclaration, mais je suis sûr que certains des thèmes seront repris dans les questions.
M. Black : D’accord.
Le vice-président : Chers collègues, je vais essayer d’être aussi rigoureux que notre président quant à la répartition du temps. Nous aurons quatre minutes pour les questions et les réponses. J’invite les sénateurs à poser des questions brèves et à s’adresser aux témoins auxquels ils posent leurs questions. Veuillez répondre avec concision.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins d’être ici aujourd’hui.
Monsieur Akuffo, ma question s’adresse à vous, parce que vous avez mis l’accent sur une approche régionale, notamment dans le domaine de l’éducation. Le 8 mai dernier, lorsque le professeur Fofack a comparu devant ce comité, il a également mis l’accent sur l’expérience canadienne en matière d’éducation supérieure en Afrique. Il a appelé à la création, ou plutôt à prendre des initiatives ambitieuses dans ce domaine.
Sachant que le Canada a déjà joué un rôle important dans le secteur de l’éducation en Afrique, que penseriez-vous, comme l’a suggéré M. Fofack, de créer, avec l’aide du Canada, une université panafricaine qui serait capable de former les nombreux jeunes de l’Afrique et d’apporter des compétences dont ils ont besoin dans cette région, mais qui sont des compétences canadiennes?
[Traduction]
M. Akuffo : Merci beaucoup, monsieur le président.
La question qui vient d’être posée est très importante. Je dirais que oui, le Canada a joué un rôle très important dans le secteur de l’éducation sur le continent africain. De nombreux étudiants africains sont ici, au Canada. En fait, je suis venu dans ce pays en tant qu’étudiant étranger et je peux donc témoigner de la grande qualité de l’éducation canadienne. J’en suis un véritable bénéficiaire.
En ce qui concerne la question relative à la création d’une université africaine, je pense qu’il s’agit d’une idée brillante. J’aimerais suggérer qu’au lieu que ce soit une université basée dans un seul pays, nous adoptions une approche régionale ou sous-régionale qui nous permettrait d’établir des centres d’excellence pour la recherche dans les huit communautés économiques régionales. Je pense que cette approche permettra une participation locale et élargira les possibilités pour de nombreux Africains d’en bénéficier et pour les Canadiens de participer à ce partenariat.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
La sénatrice Gerba : J’aime bien cette idée d’avoir une université régionale, mais de quelle manière cela pourrait-il fonctionner avec les universités canadiennes s’il y avait huit universités régionales? Pouvez-vous nous expliquer?
[Traduction]
M. Akuffo : Encore une fois, merci beaucoup, monsieur le président.
C’est une excellente question complémentaire. Je proposerais que, pour le choix des établissements qui accueilleront les centres de recherche, nous tenions compte du classement mondial des universités. Le continent africain compte d’excellentes universités et je crois que nous pouvons en trouver dans chacune des huit communautés économiques régionales et faire en sorte que des établissements canadiens s’associent avec elles.
Le vice-président : Nous reviendrons à la question de l’éducation.
Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup aux témoins d’être ici aujourd’hui.
Ma première question s’adresse à Mme Preston McGhie. Bon nombre des conflits qui ont cours sur le continent se déroulent dans des régions où les divisions ethniques et politiques sont profondes. Selon vous, quel est le rôle du Canada pour appuyer le pluralisme et les efforts déployés pour consolider la paix, surtout compte tenu du contexte géopolitique mondial actuel et de la présence de nouveaux acteurs internationaux sur le continent? Je pense en particulier à la Russie, à la Chine et, de plus en plus, à l’Inde.
Mme Preston McGhie : Je vous remercie, sénateur, de cette question fort pertinente sur l’un des plus grands défis pour toute la région, sans parler du rôle qu’y joue le Canada.
Je dirais que le Canada pourrait en faire davantage entre autres en établissant des liens avec la population des pays touchés par les conflits. Dans le contexte de la dynamique que vous décrivez au Soudan, j’ai été particulièrement frappée par le leadership exceptionnel des civils soudanais qui s’opposent à ce type d’ingérence étrangère de la part de pays dans le Golfe, en plus des pays que vous avez mentionnés, soit la Russie et la Chine. Je pense qu’il est essentiel de multiplier les efforts de collaboration avec la population des pays et avec des coalitions d’acteurs sur le continent.
J’aimerais également reprendre certains des points que M. Akuffo a soulevés sur l’idée d’approfondir nos relations avec des acteurs clés du continent, qu’il s’agisse du Nigéria, de l’Afrique du Sud, du Kenya ou d’autres pays, en plus, bien sûr, des communautés économiques régionales, ou CER, et de l’Union africaine. Des relations approfondies nous permettent de travailler avec les dirigeants africains, qui ne sont pas particulièrement heureux de certaines des choses qui se passent sur le continent, et de mieux les soutenir dans les efforts qu’ils déploient pour repousser l’influence indésirable.
Cependant, je dirais qu’il est essentiel de créer des liens étroits avec les membres de la population et que, pour ce faire, nous devons être présents. C’est complexe. Plusieurs collègues avec lesquels je travaille au sujet du Soudan m’ont dit à plusieurs reprises qu’ils travaillaient très dur pour former des coalitions au-delà de leurs différences. Ils savent qu’ils sont divisés. Ils savent que ces questions sont difficiles. Ce qu’ils nous demandent, c’est de protéger et de respecter la fragile cohésion interne qu’ils tentent de créer dans la reconstruction de leur société, et je pense que le Canada est particulièrement bien placé pour jouer ce rôle.
Le sénateur Ravalia : Mon autre question s’adresse à M. Akuffo. Dans votre livre intitulé Canadian foreign policy in Africa: Regional approaches to peace, security, and development, vous avez donné un très bon aperçu de la politique étrangère du Canada en Afrique, en particulier en ce qui concerne la sécurité et les organisations régionales. Depuis la publication de votre livre, pensez-vous que notre pays a reculé sur le plan des relations qu’il entretient sur le continent?
M. Akuffo : Merci beaucoup, monsieur le président.
J’ai déjà dit que je serai très franc. Il est très triste de voir à quel point nos relations avec le continent africain se sont détériorées. En fait, nous avons commencé quelque chose de formidable en 2002, après Kananaskis, au Sommet du G8. Nous avions alors l’occasion d’établir de très solides relations avec le continent africain. Nous avons beaucoup reculé. C’est pourquoi j’ai dit dans ma déclaration préliminaire que le Canada risquait, en fait, de devenir une puissance secondaire sur le continent s’il tardait encore à faire preuve d’un engagement sérieux à son égard. Nous nous en sommes donc très mal tirés.
Le sénateur MacDonald : Ma question s’adresse à Mme Preston McGhie. Vous êtes secrétaire générale du Centre mondial du pluralisme. Vous avez 20 ans d’expérience relativement à ces questions. J’aimerais savoir de quelles réussites vous pouvez nous parler et quels sont les pays pour lesquels il semble difficile de trouver des solutions.
Mme Preston McGhie : C’est une question intéressante. Je vais d’abord raconter quelques histoires d’espoir, mais je voulais aussi me concentrer sur des exemples où j’ai vu le Canada s’engager d’une manière qui a eu des effets réels. Je commencerai par le Nigéria.
J’ai eu le privilège d’accompagner notre ancien premier ministre, Joe Clark, pour observer les élections au Nigéria en 2011. À l’époque, le haut-commissaire à Abuja a profité de la présence de Joe Clark pour réunir un groupe de dirigeants nigérians afin de tenir des conversations en coulisses sur les problèmes insolubles de la « Middle Belt », soit la région centrale du Nigéria, un espace de conflit dans lequel on pourrait penser que l’intervention d’un acteur extérieur ne serait pas bien accueillie. Toutefois, en faisant preuve d’habileté diplomatique, comme l’a fait le haut-commissaire dans ce contexte particulier, il a pu entamer une série de conversations qui ont conduit, en fait, l’organisation que je représentais alors, soit le Centre pour le dialogue humanitaire, à établir une série de processus de dialogue dans la région centrale, ce qui a permis à des groupes que l’on pouvait croire en situation de conflit insoluble de conclure des accords élaborés par eux-mêmes qui étaient en fait des accords reflétant le pluralisme. Il s’agissait d’accords sur la manière de mieux vivre ensemble — pas nécessairement sur la façon d’éliminer leurs différences, mais sur la manière de trouver des solutions et un terrain d’entente entre eux pour l’avenir et pour leurs enfants. Je pense qu’il s’agit là d’un bel exemple où l’habile diplomatie du Canada, son engagement et sa relation de confiance ont vraiment porté leurs fruits.
De manière plus générale, je dirais que lorsque je pense à des exemples de réussite en Afrique, c’est à prendre avec circonspection, car nous aimons imaginer que le Canada est un exemple de réussite, mais nous avons aussi de profondes difficultés. Je pense que chaque histoire dans la région que je connais est complexe et chacune présente des possibilités. Le Ghana se trouve à un moment particulièrement intéressant, à mon avis, avec des élections à venir, des défis sur le plan économique, mais aussi des engagements phénoménaux en faveur de la démocratie, une société civile extraordinaire et tant de réalisations possibles. De même, le Kenya, avec les manifestations de la génération Z de la dernière année, a connu un point d’inflexion qui mérite le soutien et l’engagement réfléchi d’amis proches. Je pourrais continuer sur plusieurs de ces sujets.
Je vous laisse également avec une question sur le caractère insoluble, et je vais parler de notre cher Soudan du Sud, un pays qui finit souvent par être l’exemple même à ce chapitre, et trop souvent nous laissons tomber. Or, je sais qu’il existe des possibilités de coopération avec les Soudanais du Sud qui veulent changer le discours dans le pays, bien que les élections n’aient pas lieu et que la violence est endémique dans leur vie politique. Certains dirigeants du Soudan du Sud tentent de changer les choses. Je pense que le Canada doit continuer à soutenir ces espaces.
Or, pour trouver les éléments de réussite dans chaque histoire complexe, il faut que nous soyons présents, que nous participions, que nous soyons à l’écoute et que nous soyons dans la salle.
Le sénateur MacDonald : Vous avez mentionné que l’année dernière, nous avons donné une centaine de millions de dollars au Soudan. Je suppose que le Canada n’est pas le seul pays à donner de l’argent au Soudan.
Mme Preston McGhie : En effet.
Le sénateur MacDonald : Combien d’argent le Soudan reçoit-il du monde entier pour tenter d’atténuer ses problèmes, et qui distribue cet argent, où va-t-il et à quoi sert-il?
Mme Preston McGhie : Je ne dispose pas de toutes les données sur la situation humanitaire et l’intervention humanitaire au Soudan. Les 132 millions de dollars annoncés par le gouvernement du Canada étaient principalement destinés à l’intervention humanitaire. Je sais que les besoins sont bien plus importants que cela. Lorsque les responsables humanitaires se sont réunis à Paris plus tôt cette année, je crois que la demande était supérieure à 1 milliard de dollars et je sais que seulement environ la moitié de cette somme a été obtenue.
La sénatrice Coyle : Merci à tous nos témoins. Je suis heureuse de voir mon compatriote néo-écossais à l’écran.
Deux d’entre vous ont été très clairs sur le fait... Je crois, monsieur Black, que vous avez dit que le reste du monde était en avance sur le Canada en ce qui a trait aux relations avec l’Afrique. Monsieur Akuffo, vous avez également dit que le Canada était en retard. Vous avez été assez direct au début de votre déclaration préliminaire. Je crois que vous êtes tous en train de dire que nous devons entre autres améliorer notre présence diplomatique sur différents plans : chiffres, préparation, emplacement et types de partenariats à établir.
Si nous en avons le temps, j’aimerais que chacun d’entre vous en dise un peu plus sur ce que seraient ses recommandations concernant la présence diplomatique du Canada sur le continent, puis, si nous en avons le temps, sur d’autres partenariats, au-delà des partenariats diplomatiques, qui seraient davantage des partenariats entre les sociétés civiles, y compris les diasporas. Merci.
M. Black : Merci beaucoup, sénatrice Coyle. C’est un plaisir de vous voir.
Tout d’abord, je voudrais reprendre les propos de Mme Preston McGhie et de M. Akuffo sur la nécessité d’approfondir les relations. Absolument, il nous faut être là suffisamment longtemps et aller assez en profondeur pour pouvoir comprendre les aspects complexes des différentes situations.
J’ai un point de vue légèrement différent de celui de M. Akuffo dans la mesure où je pense que nous devons être réalistes quant au nombre d’endroits où nous pouvons être, étant donné le besoin de profondeur. Il nous faut déterminer certains endroits où investir vraiment, pas seulement dans la diplomatie officielle — et je vais reprendre votre deuxième point et dire que je pense que les liens transsociétaux sont incroyablement importants. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité de créer un écosystème de politique de développement. C’est ce genre d’institutions au Canada qui peuvent communiquer avec leurs partenaires en Afrique, ce qui rend possible ce que vous connaissez tous comme la diplomatie non gouvernementale et l’établissement de liens entre les sociétés.
Il est toujours possible d’établir des liens au sein des gouvernements par les voies officielles, mais ce sont les liens transsociétaux qui seront durables, même si des problèmes d’instabilité politique se posent.
M. Akuffo : Merci beaucoup, monsieur le président.
Mes recommandations concernant notre présence diplomatique correspondent à ce que j’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire. Nous devrions établir des missions diplomatiques dans chacune des huit communautés économiques régionales et nous devrions également créer des liens à l’échelle des États en augmentant le nombre d’ambassades. Aujourd’hui, nous en avons moins de 30. L’Afrique compte 55 États indépendants et nous avons moins de 30 missions diplomatiques. En fait, il y en a environ 21. Le troisième point est que, à l’échelle de l’Union africaine, où nous avons déjà établi une mission diplomatique, nous avons besoin de ressources pour ce bureau afin de pouvoir avoir une présence sur le continent.
Merci.
Mme Preston McGhie : J’aimerais faire une brève remarque sur la spécialisation et la généralisation. Trop souvent, nous avons un corps diplomatique généraliste. Nous ferions bien d’investir dans des spécialistes dans la région, de sorte que lorsque les gens changent d’affectation, ils ne passent pas de Nairobi à Jakarta puis à Copenhague. Nous examinons comment ils se déplacent de Nairobi à Pretoria et à Accra, et nous renforçons nos liens à travers le continent grâce à la spécialisation.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de cette dernière réponse et je remercie tout le monde d’être présent aujourd’hui. Je vous en suis reconnaissante.
Je vais vous poser une question, monsieur, au sujet de l’engagement officiel du Canada envers l’Afrique. Vous avez été, et c’est tant mieux, très franc. Je me demande ce que représente un nom. On a beaucoup discuté de la question de savoir si nous allions disposer d’un cadre, d’une stratégie ou d’une approche. Pour de nombreuses personnes, ce débat peut sembler ridicule, mais nous savons tous que les mots sont importants dans ce genre de choses. Je suis certaine que vous êtes du même avis. Qu’est-ce que vous pensez de ces termes, et savez-vous si le gouvernement a déjà pris une décision à ce sujet?
M. Akuffo : Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne suis pas sûr que le gouvernement soit parvenu à une conclusion quant à la manière dont il définira son engagement sur le continent africain. Comme vous l’avez mentionné à juste titre, on a d’abord parlé d’une stratégie, puis d’un cadre, d’une approche, et il est maintenant question de partenariats. Cela crée une grande confusion, non seulement dans les cercles universitaires, mais aussi dans les milieux professionnels. Nous n’arrivons même pas à donner un nom à la manière dont nous souhaitons nous engager avec l’Afrique, ce qui est fort révélateur de la situation dans laquelle se trouve notre pays pour ce qui est de ses relations avec ce continent. On envoie ainsi un mauvais message à la société africaine. Nous devons parvenir à une conclusion claire et définitive.
Je recommande vivement que l’on parle d’une stratégie, un terme qui n’a pas de mauvaise connotation. Cette stratégie s’articulera autour de processus clairement définis d’engagement à long terme avec le continent africain. C’est la voie que nous devrions suivre.
Merci.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. Je pense que vous avez répondu à la deuxième partie de ma question qui consistait à savoir quel message envoie le gouvernement en se montrant aussi hésitant à ce propos. Vous dites bien que cela ne fait qu’aggraver la situation et que c’est un autre sujet de préoccupation?
M. Akuffo : Oui.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup.
Le sénateur Woo : Merci à nos témoins.
Mme Preston McGhie, j’aimerais en savoir plus sur ce que vous entendez par approche pluraliste. En quoi la diplomatie canadienne en Afrique n’adopte-t-elle pas actuellement une approche pluraliste, et en quoi les choses seraient-elles différentes si nous adoptions une telle approche?
Mme Preston McGhie : Merci. C’est une excellente question, du genre de celles que mon équipe apprécie tout particulièrement.
Comme il se doit, une grande partie de notre travail vise d’abord et avant tout l’obtention de résultats comme le renforcement des institutions démocratiques ou la défense des droits de la personne. Toutefois, il est de ce fait plus difficile de nous engager à l’égard de certains enjeux de société fondamentaux qui sont souvent au cœur des préoccupations des pays africains dans lesquels nous travaillons.
Si l’on considère des exemples comme les questions d’identité de genre et les droits de la personne dans ce contexte, une démarche pluraliste est censée favoriser un plus grand respect de la diversité. Il s’agit de créer un sentiment d’appartenance au sein des sociétés. On veut les aider à renforcer leur cohésion sociale. Vous parlez d’appartenance. C’est parfois un cadre plus facile pour les échanges lorsque vous abordez des questions délicates, comme celles qui sont liées aux droits de la personne ou à la radicalisation.
Avec les coups d’État au Sahel et les problèmes d’appartenance dans le Nord-Est du Nigeria et dans le Nord du Ghana, nous constatons que nous pouvons nous engager différemment si nous adoptons une approche centrée sur l’appartenance en commençant à poser des questions sur la manière dont les gouvernements peuvent réintégrer leurs citoyens. Comment, par exemple, le gouvernement du Kenya peut-il réintégrer ses citoyens après les manifestations de la génération Z?
Souvent, les chantiers auxquels nous nous attaquons, comme ceux des institutions démocratiques ou des droits de la personne, n’ouvrent pas nécessairement la voie à une conversation sur des enjeux qui sont très sensibles au sein de ces sociétés. Si nous voulons être un véritable partenaire et ami, le recours au pluralisme pour élargir ces tribunes nous permet d’avoir des échanges plus significatifs avec nos partenaires.
Le sénateur Woo : J’ai maintenant une question pour nos deux professeurs. J’aimerais avoir votre avis sur l’état des études africaines au Canada, sur l’apport des africanistes dans notre pays. Avons-nous par exemple les capacités et les ressources humaines nécessaires pour effectuer le type de travail de diplomatie parallèle auquel M. Black a fait allusion? Pouvez‑vous nous donner une idée de l’ampleur que prennent les études africaines dans notre pays?
M. Akuffo : Cette question touche vraiment une corde sensible. Elle est excellente. Je vous remercie de l’avoir posée. En fait, je suis très honoré de me retrouver aujourd’hui sur la même tribune qu’un professeur qui a été examinateur externe pour mon doctorat, M. David Black. Le professeur Black est à ma connaissance le seul universitaire au pays à s’intéresser aux relations entre le Canada et l’Afrique dans une perspective générale. J’y ajouterais maintenant son ancien étudiant que je suis, ainsi que le professeur David Hornsby, qui enseigne ici à l’Université Carleton. Nous sommes les trois seuls à vraiment étudier la politique étrangère canadienne à l’égard de l’Afrique. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai indiqué dans mes observations que nous devons mousser l’intérêt des universitaires pour les relations entre le Canada et l’Afrique.
M. Black : J’ajouterais rapidement, en remerciant mon collègue pour ses mots très aimables, que la situation des études africaines au Canada est encore bonne à certains égards, mais n’est plus aussi réjouissante qu’elle l’a déjà été, si l’on va au‑delà des relations entre le Canada et l’Afrique. Je dois souligner que nous nous pouvons compter sur une génération d’universitaires issus de la diaspora africaine qui nous permettront dorénavant d’établir la connexion entre nos deux réalités d’une manière encore plus poussée et pointue.
Le sénateur Al Zaibak : Merci à tous nos témoins.
Puisque votre équipe adore les questions sur le pluralisme, pourquoi ne pas continuer un peu dans le même sens. Le Centre mondial du pluralisme, que vous dirigez, affirme que la communauté internationale est plus que jamais aux prises avec des conflits de longue durée, et fait remarquer que, de nos jours, plusieurs de ces conflits découlent de la marginalisation, de l’exclusion et de l’inégalité — autant de réactions négatives à la diversité au sein de la société. Je souscris totalement à cette déclaration. Votre centre indique en outre que le pluralisme offre une approche transformatrice comme fondement d’une paix plus durable. Concrètement, comment pourrait-on appliquer le prisme du pluralisme pour dénouer certains des conflits les plus tenaces en Afrique?
Mme Preston McGhie : Merci. Il y a tellement de façons différentes de procéder. Je vais vous donner quelques exemples.
J’ai déjà mentionné l’offre de services inclusive. Il ne s’agit même pas d’interventions dans le cadre d’un conflit donné, mais de prévention. On peut prendre l’exemple de la situation au Ghana. On sait qu’il y a des membres de certaines communautés dans le Nord du pays à qui l’on répète sans cesse qu’ils ne sont pas ghanéens. Ces gens-là sont considérés comme des menaces à la sécurité par un trop grand nombre de leurs concitoyens. Souvent, lorsque certains d’entre eux veulent obtenir des services de santé, par exemple, on leur refuse l’accès aux cliniques en leur disant qu’ils ne sont pas ghanéens, mais burkinabés, et qu’ils doivent donc retourner de l’autre côté de la frontière. On pousse ainsi ces gens en marge de la société en leur faisant comprendre qu’ils ne sont pas à leur place. Souvent, d’autres groupes aux intentions malveillantes — des groupes radicaux, par exemple — vont en profiter pour leur dire : « Venez avec nous. Vous allez être très bien. Nous sommes là si vous vous sentez seul. »
Il y a de nombreuses manières de s’engager avec les gouvernements pour voir comment ils peuvent soutenir des approches centrées sur l’appartenance au sein de leur fonction publique. On parle ici d’approches concrètes visant à faire en sorte que les cliniques de santé soient ouvertes et accueillantes. C’est la première ligne de l’appartenance. On peut penser à l’exemple des jeunes du Nord du Kenya qui cherchent à obtenir la citoyenneté. Nous savons tous que sans documents de citoyenneté, on ne peut pas aller loin dans la plupart des sociétés. Cela se produit régulièrement dans certaines régions du Kenya. Des intervenants de la société civile et des parajuristes accomplissent un travail phénoménal pour aider les membres des communautés marginalisées à obtenir leurs documents de citoyenneté. Nous pouvons notamment constater que cela prévient les conflits dans le Nord de l’Afrique.
Si vous me permettez de parler d’autres pays en conflit, comme le Soudan du Sud, l’un des principaux défis à relever réside dans le discours semeur de discorde et de polarisation qui circule dans les médias sociaux et les médias traditionnels. À ce titre, nous travaillons notamment avec les journalistes du Soudan du Sud pour voir comment ils pourraient intégrer une facette pluraliste à leurs reportages, en traitant du conflit et en reconnaissant les différends sans toutefois les alimenter. Comment peut-on commencer à coaliser les gens autour de certains discours de paix?
Un peu dans le même sens, une grande partie de notre travail au Soudan consiste à aider différents groupes qui sont conscients de ce qui les divise à l’interne et qui cherchent à savoir comment ils peuvent s’unir face au conflit qui a été déclenché par les deux généraux dans leur propre pays. Il s’agit de savoir comment ils peuvent aller au-delà de ces divisions pour embrasser la grande diversité du Soudan.
Je dois vous dire un mot du processus de Tagadom qui — avec le soutien du Canada — a joué un rôle très important en réunissant une diversité phénoménale de Soudanais à l’intérieur du pays, dans la région et à l’extérieur — chefs religieux, autorités traditionnelles, femmes, jeunes, défenseurs des handicapés, acteurs politiques, acteurs armés préconisant la paix — pour qu’ils puissent discuter des problèmes auxquels leur pays était confronté. Une telle manifestation de leadership pluraliste est une grande source d’inspiration.
La sénatrice Greenwood : Cette question s’adresse à vous trois, mais si nous pouvions commencer par M. Black, ce serait formidable.
Je voudrais vous demander ce que vous pensez de l’impact de l’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie, dans laquelle on a injecté des milliards de dollars pour des prêts et des projets d’infrastructure afin d’offrir une solution pouvant remplacer l’aide et les investissements occidentaux. Le soutien et les investissements ainsi consentis par la Chine sont assortis de peu de conditions et ne sont pas soumis aux mêmes exigences strictes en matière de gouvernance des droits de la personne et de protection de l’environnement que l’aide offerte par de nombreux pays occidentaux. Compte tenu des liens de plus en plus étroits qu’entretient la Chine avec le continent africain, et notamment de ses investissements importants en Afrique, que peut faire le Canada pour demeurer une option valable dans cet environnement géopolitique en rapide évolution? L’accent mis par le Canada sur les femmes, la paix et la sécurité continue-t-il d’avoir le même impact ou est-il relégué à l’arrière-plan dans le contexte de cette initiative?
Le vice-président : Comme la sénatrice Greenwood pose la question à nos trois témoins, je vais laisser à chacun d’eux environ une minute pour y répondre.
M. Black : C’est une question extrêmement importante.
Le rôle de la Chine — et pas seulement celui de la Chine, mais aussi celui de la Russie d’une manière différente sur le continent — est en train de modifier le paysage géopolitique de l’Afrique. Cela nous ramène à ce que disait Mme Preston McGhie, à savoir que nous ne pourrons pas rivaliser quant aux ressources que ces pays sont prêts à investir, mais qu’il nous est possible de nous engager dans une approche davantage fondée sur le dialogue avec nos partenaires africains. Plutôt que d’arriver avec une formule que nous leur imposons, nous devons miser dans une plus large mesure sur le dialogue. Il y a certes des créneaux — et je n’ai pas vraiment pu traiter de la question des universités, des océans ou des personnes handicapées — dans lesquels nous nous distinguons et qui pourraient permettre de jeter des ponts avec certains pays africains.
M. Akuffo : Merci pour la question.
Nous entretenons toujours de très bonnes relations avec le continent africain. En fait, comme je l’aurais indiqué dans ma conclusion si le temps l’avait permis, le Canada est en quelque sorte un partenaire qui se laisse désirer. Nous sommes perçus de manière positive sur le continent africain. Nous n’avons pas le même bagage colonialiste que d’autres États et nous ne projetons pas une image belliqueuse sur ce continent. Cela nous permet d’entretenir des relations diplomatiques avec l’Afrique et de déployer sans tarder les efforts nécessaires pour tenter de raviver ces liens en assortissant cet engagement diplomatique de ressources suffisantes. Merci.
Mme Preston McGhie : Je suis d’accord avec les deux autres témoins sur ce point, mais je voudrais ajouter une chose.
Ce n’est pas vraiment un engagement « sans condition ». C’est peut-être l’impression que certains ont pu avoir, mais ce n’est pas le cas. Une grande partie de ces mesures se retournent contre les bénéficiaires alors qu’on leur réclame le remboursement de leurs dettes. De nombreux pays se retrouvent ainsi en pleine crise économique. Les gens se rendent compte que rien n’est gratuit. Encore là, si nous nous montrons sensibles, stratégiques et sincères dans l’établissement de nos partenariats, il y a des possibilités qui s’offrent à nous dans cette région du monde, et ce, malgré les changements qui s’y produisent.
Le vice-président : Chers collègues, nous disposons de cinq minutes pour le deuxième tour, et deux sénateurs souhaitent intervenir. Je vais leur demander de poser leurs questions, après quoi chacun des témoins pourra y répondre si bon lui semble.
[Français]
La sénatrice Gerba : Je vais aller dans le même sens que la question de ma collègue la sénatrice Greenwood.
Effectivement, il y a beaucoup de pays qui s’intéressent à l’Afrique en ce moment, et pas seulement la Chine. De nombreux pays à travers le monde organisent des sommets sur le continent africain ou ailleurs : sommet Afrique-Japon, sommet Chine-Afrique, sommet Union européenne-Union africaine... Il y a aussi la Türkiye, la Russie, la France et le Royaume-Uni. Nos voisins du Sud ont même déjà organisé — je pense qu’ils en sont à la deuxième édition du sommet U.S.-Africa Leaders.
À votre avis, le Canada devrait-il aussi organiser un sommet réunissant les leaders des pays africains au Canada ou en Afrique? Quels seraient les bénéfices et retombées prévisibles d’un tel forum, à la fois pour le Canada et pour l’Afrique?
[Traduction]
La sénatrice Coyle : J’aimerais approfondir les points soulevés concernant les partenariats entre l’Afrique et le Canada pour ce qui est des universités, de l’éducation et de la recherche. Vous en avez traité tous les trois, mais nous pourrions peut-être d’abord entendre M. Akuffo.
Le vice-président : Nous commencerons par M. Black, par respect pour la technologie, avant de passer à nos témoins ici présents.
M. Black : Sénatrice Gerba, j’ai des sentiments partagés quant à la nécessité d’accueillir un sommet de haut niveau pour pouvoir établir des relations avec l’Afrique. Je préférerais voir un engagement beaucoup plus profond et substantiel concernant des enjeux bien précis touchant des pays et des régions en particulier. Nous pouvons en faire plus. Toute cette démarche semblerait superficielle si nous prenions de tels engagements en négligeant de les appuyer sur des bases bien concrètes, comme ce fut le cas ces dernières années.
Pour répondre à la sénatrice Coyle, les réseaux interuniversitaires pourraient favoriser grandement les efforts de recherche. Certains modèles de réseaux universitaires ont été proposés entre le Canada et l’Afrique du Sud. Je veux en outre souligner l’autre avenue qui s’offre à nous avec un écosystème pour le développement regroupant des établissements de recherche indépendants pouvant faire le lien entre les chercheurs universitaires et les gouvernements et faciliter les efforts de démocratie parallèle.
M. Akuffo : Merci beaucoup, monsieur le président.
En ce qui concerne la tenue d’un sommet, ma réponse sera légèrement différente de celle du professeur Black. Je conviens qu’un engagement de haut niveau avec le continent africain est nécessaire. Le gouvernement canadien et l’Union africaine ont mis en place un dialogue diplomatique aux plus hauts échelons. Nous devons renforcer ce dialogue et y intégrer les communautés économiques régionales. Il n’est pas nécessaire de l’étendre d’emblée à l’ensemble du continent africain, mais il est important de s’engager avec l’Union africaine et les regroupements déjà établis aux fins de l’intégration économique régionale et du développement politique. Nous pouvons le faire.
Pour ce qui est des partenariats dans le domaine de l’éducation, j’abonderais dans le sens de M. Black. Nous pouvons explorer les différentes perspectives et proposer un engagement. L’une de ces possibilités consisterait à redoubler d’ardeur afin de mousser l’intérêt des universitaires pour l’étude des relations entre le Canada et l’Afrique. M. Black a parlé précédemment du travail important accompli par certains de nos collègues pour appuyer le Canada dans ses relations avec le continent africain. C’est une excellente chose, mais nous devons aussi veiller à ce que cette relation elle-même soit examinée de plus près dans nos établissements universitaires.
Mme Preston McGhie : Je proposerais une formule complètement différente pour un tel sommet. Il devrait porter sur le leadership sans s’articuler nécessairement autour des instances gouvernementales. Certains des leaders les plus phénoménaux que j’ai rencontrés dans ma vie se trouvent sur le continent africain.
Comme certains parmi vous le savent, nous décernons le Prix mondial du pluralisme qui récompense des leaders exceptionnels sur le continent africain comme ailleurs. Si nous devions nous engager dans une initiative semblable, je suggérerais que nous examinions les enjeux liés au leadership avec nos partenaires africains et que nous organisions des rassemblements afin de souligner concrètement le leadership exercé partout sur le continent dans les domaines dans lesquels nous travaillons.
J’aimerais revenir en terminant à la question des femmes, de la paix et de la sécurité à laquelle je n’ai pas répondu. Cela demeure une composante primordiale et déterminante du travail que le Canada accomplit et devrait continuer à accomplir d’une façon encore plus pointue dans la région.
Le vice-président : Merci à nos témoins. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation ainsi que de la patience et de l’esprit de collaboration dont vous avez fait preuve du fait que nous avons commencé en retard et terminé plus tard que prévu. Je vous remercie au nom de mes collègues du Sénat.
[Français]
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons des représentants de la Chambre commerciale Canada-Afrique, soit Garreth Bloor, président, et Paula Caldwell St-Onge, présidente du conseil d’administration. Nous accueillons également mon ami Jean-Louis Roy, président de Partenariat International. C’est un homme qui connaît bien le sujet de l’Afrique.
[Traduction]
Bienvenue à tous. Nous aimerions maintenant entendre vos observations préliminaires. Vous disposez de cinq minutes chacun, après quoi je commencerai à m’agiter. Nous débutons par Mme Caldwell St-Onge.
[Français]
Paula Caldwell St-Onge, présidente du conseil d’administration, Chambre commerciale Canada-Afrique : Je vous remercie de m’avoir invitée à présenter le point de vue de la Chambre commerciale Canada-Afrique.
Nous célébrons notre 30e anniversaire cette année.
[Traduction]
Nous avons le sentiment que les relations entre le Canada et l’Afrique sont en train de prendre de l’ampleur. Nous attendons avec impatience les recommandations du Sénat pour poursuivre dans le même sens. Nous souscrirons bien sûr à vos recommandations que nous nous efforcerons de mettre en œuvre, tout au moins en partie.
[Français]
J’aimerais maintenant céder la parole, pour les remarques liminaires de la Chambre commerciale Canada-Afrique, à notre président, M. Garreth Bloor, qui fait tout le travail.
[Traduction]
Garreth Bloor, président, Chambre commerciale Canada-Afrique : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs.
Comme nous l’ont dit à maintes reprises les porte-parole des marchés africains, le Canada est un partenaire de choix. Nous devrions tirer parti des avantages comparatifs dont nous bénéficions. Nous sommes bilingues, nous sommes membres du Commonwealth et de la Francophonie, et nous pouvons compter sur un nombre important et grandissant de Canadiens issus de la diaspora africaine qui sont des chefs de file dans les domaines de l’éducation, des technologies vertes, de l’agriculture, des infrastructures et de l’exploitation des ressources naturelles, comme nous l’avons entendu lors de nombreuses conférences que nous organisons au Canada et sur le continent africain.
Une approche canadienne plus cohérente, mieux coordonnée et davantage réactive à l’égard des marchés africains aurait d’importantes retombées sur les efforts plus vastes déployés par le Canada dans les dossiers de la diplomatie, de l’économie et de la sécurité. Je suis nouvellement arrivé au pays, mais j’ai souvent entendu parler d’Équipe Canada. Nos membres apprécient à sa juste valeur la possibilité de travailler ainsi tous ensemble pour démontrer à quel point il est réellement et foncièrement important d’assurer la diversification de nos échanges commerciaux avec le continent africain. Certains sont allés jusqu’à parler d’un mandat d’Équipe Canada pour l’Afrique, sur le modèle de ce que nous voyons dans la région indo-pacifique.
La Chambre commerciale Canada-Afrique se réjouit qu’Affaires mondiales Canada ait entamé un dialogue politique continu avec l’Union africaine. Alors que nous cherchons à accentuer nos efforts, je soulignerai quelque chose que nous avons entendu plus tôt. En s’appuyant sur les dires de ceux et celles à qui nous avons parlé, la Chambre estime qu’un sommet semblable à ceux qu’ont organisés des pays comme les États‑Unis, la Russie, la Chine et d’autres pays serait fort utile, pas en remplaçant l’engagement substantiel dont nous avons parlé plus tôt, mais en contribuant à le renforcer et à réunir les secteurs privés et les dirigeants. Ces plateformes renforcent les relations et rassemblent les esprits de ceux qui se réunissent sur une seule plateforme.
Le Canada est reconnu sur le continent comme un important supporteur de l’accord de la Zone continentale de libre-échange d’Afrique, un exemple dans le cadre duquel les acteurs du développement et du commerce se sont réunis pour reconnaître le rôle important que le Canada peut jouer à titre de partenaire invité sur le continent. Parmi les autres programmes qui ont gagné en popularité et dont nous avons entendu dire qu’ils sont fort respectés figurent le Bureau de promotion du commerce et Catalyste+, et je suis sûr que vous pourriez les entendre si ce n’est déjà fait.
Notre succès en matière de libre-échange est un modèle pour un continent engagé dans cette entreprise. Si vous examinez ce qui se passe sur le continent africain, vous verrez que le libre‑échange n’est pas quelque chose d’abstrait. Ce n’est pas seulement un engagement, car nous avons déjà vu que l’intégration régionale est à l’œuvre. Alors que le continent prend son propre destin en main et nous invite à participer à cette histoire en tant que partenaires égaux, le Canada continue de travailler pour favoriser la prospérité au profit du bien commun.
Bien sûr, les avantages de cette relation égalitaire, fondée sur la force, la primauté du droit et les normes auxquelles un grand nombre d’acteurs se sont engagés à adhérer, réduiront le risque pour les entreprises canadiennes dans le contexte de la diversification des échanges. Le secteur privé du Canada peut jouer un rôle clé dans la croissance économique, qui est un élément essentiel du programme global de développement du Canada et de notre stratégie de diversification des échanges économiques ici, au pays. Le succès de l’intégration économique régionale jusqu’à présent démontre que les perspectives pour le continent africain ne sont pas abstraites, mais bien réelles.
Monsieur le président, si vous observez la croissance, vous constaterez que l’immense espace ouvert du potentiel agricole et le potentiel des ressources naturelles sont deux secteurs parmi de nombreux autres dans lesquels le Canada peut accélérer rapidement la diversification commerciale. Un certain nombre d’entreprises canadiennes remportent un immense succès en apportant des technologies propres, et ce, dans le contexte de préoccupations environnementales en mettant celles-ci à l’avant‑plan. Il s’agit d’un modèle que nous pouvons appliquer à une panoplie d’industries, et nous recevons des invitations de nombreux pays, le dernier en date étant la RDC, qui souhaitent une plus grande participation du secteur privé pour mettre en application ce que les entreprises canadiennes ont à offrir et travailler en partenariat avec des pairs locaux.
Notre organisation est entièrement financée par le secteur privé, et nous sommes redevables à nos commanditaires, mais nous remercions également le Service des délégués commerciaux sur le continent, ainsi que nos ambassadeurs et hauts‑commissaires, car nous pourrons organiser des événements sur les continents et ici, au pays, avec leur participation. À notre avis et certainement selon nos échanges avec nos membres, ils constituent un point fort pour aider les entreprises canadiennes à l’étranger. Tous les marchés importants ne sont toutefois pas couverts, comme quelqu’un l’a déjà fait remarquer. Il serait donc utile, bien entendu, d’élargir notre portée pour couvrir chacun des marchés importants à l’échelle du continent.
D’autres programmes comme CanExport ont été utilisés, bien que certains aient constaté qu’ils perdent de leur ampleur. Ces programmes constituent une ressource pour les entreprises qui cherchent à tirer parti des occasions sur le continent.
Notre mission visant à stimuler le commerce et l’investissement passe réellement par la mise en relation entre les entreprises et les occasions de réseautage. À chaque conférence, nous offrons aux responsables des politiques publiques — qu’ils soient présidents, premiers ministres ou ministres — une occasion d’établir le contexte du programme de croissance et de développement qui est important et que nous, les entreprises canadiennes et, en fait, toutes les entreprises du secteur privé cherchons à bâtir pour que le secteur privé joue son rôle dans la croissance mondiale.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Jean-Louis Roy, président, Partenariat International : Je suis heureux d’être avec vous.
Je crois qu’il y a une façon canadienne d’être en lien avec le reste du monde et que nous l’avons appliquée partout dans le monde, sauf en Afrique. Nous avons signé deux fois un accord de libre-échange avec nos partenaires en Amérique du Nord. Nous avons signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Nous avons une stratégie indopacifique et nous n’avons aucune relation structurée comme pays avec le continent qui nous rassemble aujourd’hui. Pourquoi? C’est un autre débat et j’y reviendrai.
Ce qui est le plus important pour les prochaines années — et je suis heureux d’avoir entendu les propos de M. Bloor —, c’est que le Canada doit faire trois ou quatre choses rapidement et en priorité absolue. D’abord, soutenir l’investissement. Soutenir l’investissement, c’est bon pour le Canada et pour les Africains. L’Afrique a besoin d’investissements pour ses infrastructures, pour le développement de ses villes, pour créer de l’emploi, pour l’industrialisation, et cetera. Donc, premièrement, il faut soutenir l’investissement du secteur privé, soutenir l’investissement public et aussi accorder des fonds publics à certains projets.
Je suis très surpris. Je regarde les appels d’offres de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, de la Banque asiatique de développement concernant l’Afrique et j’y vois très peu le Canada. Dans les domaines qui sont les nôtres, l’énergie, l’agriculture, les grands domaines où le Canada a vraiment de l’expertise et a quelque chose à dire au monde, nous n’y sommes pas du tout. C’est un peu comme si on avait exclu le continent africain de l’ADN canadien. C’est quand même sérieux. On nous fait croire depuis trois ans qu’il y aura une stratégie pour l’Afrique, mais j’ai bien lu la déclaration de la ministre, qui a dit qu’il y aurait d’abord une stratégie sur l’Arctique, puis une stratégie sur l’Afrique.
Où sommes-nous? Qu’est-ce qui fait qu’on peut avoir des stratégies dans nos liens économiques avec le reste du monde, mais qu’on ne peut pas le faire avec l’Afrique, alors que si vous regardez les trois listes de pays les plus importants au monde... Par exemple, six pays du G7 ont des ententes très développées avec l’Afrique, mais pas le Canada. Si vous regardez le G20 et si vous enlevez les 4 membres africains du G20, sur les 16 membres qui restent, il y en a 14 qui ont des sommets, des investissements considérables, des ressources à la disposition du lien avec l’Afrique, sauf le Canada. Si vous regardez le troisième groupe, ce sont les BRICS. C’est exactement la même chose. Si vous enlevez les pays africains des BRICS, vous constaterez que tous les pays des BRICS ont des ententes solides impliquant des ressources considérables avec le continent africain, sauf le Canada.
On a un vrai problème. Je dis qu’il faut soutenir l’investissement en priorité.
Deuxièmement, il faut développer le commerce avec l’Afrique. Je trouve cela indécent quand je vois comment des pays comme Singapour, l’Indonésie, la Malaisie, l’Inde... Je ne parle pas simplement de la Chine en Asie, mais de toute l’Asie, qui s’est installée massivement et avec des sommes considérables sur le continent africain, qui fait des profits et développe l’économie africaine. L’Asie fait des profits — et c’est tant mieux, c’est pour cela qu’ils sont là — et je nous vois un peu maigrichons. On ne fait rien. Honnêtement, ce qu’on fait est vraiment limité, extrêmement limité. On a peu de bureaux de représentation commerciale. J’ai siégé pendant des années à des conseils d’administration du gouvernement fédéral qui s’occupaient de ces questions et j’ai constaté que l’Afrique était en bas de liste et parfois même absente de la liste, tout simplement. Par exemple, regardez le nombre de bureaux qu’Exportation et développement Canada a en Afrique, comparez cela avec l’Amérique latine et vous serez étonnés. C’est la vérité. C’est ce qu’on se dit entre nous quand on ne parle pas à des fonctionnaires.
Je ne comprends pas pourquoi on a mis de côté les accords de libre-échange qu’on avait commencé à négocier avec certains pays africains, comme le Maroc. Tout à coup, le Canada a mis fin à tout cela. Il faut que le Canada se rassoie avec un certain nombre de pays africains, avec la ZLECAf, qui est un grand ensemble qui évolue plutôt bien, et qu’il conclue un jour un accord avec le continent africain comme on en a avec le reste du monde.
Je vous remercie.
Le vice-président : Nous avons une liste pour les questions. Encore une fois, je vous rappelle que vous avez quatre minutes pour la question et la réponse.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : J’adresserai ma première question à M. Roy puisqu’il a abordé la question que j’allais lui poser, laquelle porte sur les accords de libre-échange avec l’Afrique. Nous savons que nous ne pouvons pas dépenser autant que la Russie, la Chine, les États-Unis ou Singapour afin d’exercer une influence. Si nous concluons des accords de libre-échange qui sont l’expression de nos valeurs et de nos intérêts à long terme, à quels risques potentiels le Canada s’expose-t-il s’il accroît ses efforts économiques et diplomatiques dans cette région, surtout au regard des conflits régionaux qui y font rage?
M. Roy : L’Afrique compte 54 pays, dont 8 sont en grande difficulté. C’est la réalité. En Asie, investiriez-vous en Corée du Nord ou au Myanmar? Dans toutes les régions du monde, vous trouverez un certain nombre de pays qui sont en profonde difficulté. C’est certainement le cas en Afrique, mais de nombreux pays africains essaient de s’en sortir et ne réussissent pas toujours comme nous ou comme ils le souhaiteraient, mais ils avancent dans la bonne direction et nous devons les soutenir.
[Français]
La question de la sécurité en Afrique est une vraie question. C’est une vraie question en Amérique latine et en Asie. La question de la sécurité dans le monde est importante. Dans le schéma narratif de l’Afrique, on parle toujours de la sécurité en priorité, alors qu’on n’en parle jamais en priorité quand on parle d’autres régions du monde. Il y a quelque chose qui fait que le passif du dossier de l’Afrique apparaît toujours en premier. Il existe, on ne peut pas dire qu’il n’existe pas, mais il n’est pas suffisamment important pour faire disparaître tout le reste.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : J’ai été choqué de lire que seulement 1 % de notre commerce international s’effectue avec l’Afrique. J’aurais cru que c’était plus que cela.
En plus de mettre l’accent sur les produits de base habituels, comment le Canada peut-il vraiment faire sa marque dans des secteurs émergents comme la technologie propre, l’innovation numérique et d’autres activités semblables? Quels sont les principaux obstacles structurels ou géopolitiques que nous devrons surmonter? Ma question s’adresse à quiconque pense être qualifié pour en parler.
M. Bloor : Merci beaucoup, sénateur.
À titre d’exemple, nous serons au Zimbabwe la semaine prochaine avec plus d’une douzaine d’entreprises canadiennes, et le plus important pour nombre d’entre elles, c’est d’avoir des partenaires potentiels, de comprendre le marché et de savoir qu’elles peuvent compter sur l’ambassade locale en cas de difficultés. Je pense que dans tous ces cas, comme le nombre d’entreprises intéressées l’illustre de façon éclatante, on constate que le marché est suffisant pour susciter l’intérêt.
Ce que j’aime à propos du secteur privé canadien et du dynamisme, c’est que ce n’est pas aussi difficile que de comparer les ressources du gouvernement du Canada avec celles d’autres pays, parce que la force de notre secteur privé par rapport à celle de nombreux autres pays est formidable. La capacité de déployer des capitaux, des compétences et de l’expertise — nous pouvons participer à des projets précis — est là. Je dirais que ces trois ingrédients sont primordiaux pour aller au-delà du secteur des minéraux, comme vous le dites.
[Français]
M. Roy : Pouvez-vous résumer la question, s’il vous plaît, monsieur le vice-président?
[Traduction]
Le vice-président : Outre les produits de base, quels secteurs d’investissement commercial et de débouchés commerciaux pourraient être intéressants pour le Canada, selon vous?
M. Roy : Si vous observez ce qui s’est passé aux États-Unis quand ils ont ouvert leurs marchés aux produits africains, les tissus, des bijoux de toutes sortes et un éventail de denrées alimentaires ont afflué d’Afrique. Il faut ouvrir notre marché et voir ce que les pays d’Afrique auront à offrir. Nous pouvons offrir beaucoup à l’Afrique, j’en suis sûr.
[Français]
Je l’ai dit plus tôt, l’énergie, par exemple, est un domaine absolument primordial pour l’Afrique en ce moment. L’Alberta, l’Ontario, le Québec et d’autres provinces ont beaucoup à offrir dans les énergies fossiles, les énergies atomiques, les énergies hydroélectriques, ce que peu d’autres pays peuvent offrir. C’est la même chose pour les énergies renouvelables. C’est un grand secteur, comme la gestion agricole. Je sais qu’il y a un débat à ce sujet et nous n’allons pas le faire ici. La protection de l’offre intéresse nos amis africains. Comment la gérer? Ils auraient intérêt à voir comment on fait au Canada pour gérer la croissance d’un secteur qui devra nourrir 2,4 milliards de personnes dans 25 ans.
[Traduction]
Le sénateur Ravalia : Merci à nos témoins de comparaître aujourd’hui.
Ma première question s’adresse à M. Bloor. Du point de vue des entreprises, quels sont les plus grands défis auxquels elles font face quand elles entrent sur le marché africain, notamment dans des secteurs comme les infrastructures et la technologie? Pensez-vous qu’un partenariat entre le secteur privé et le gouvernement canadien contribuerait à aplanir certaines difficultés, particulièrement pour les obstacles réglementaires et autres?
M. Bloor : Merci beaucoup.
La chambre commerciale ne conclut pas directement les ententes. Nous avons un forum pour les entreprises concernées.
Nous constatons, pour beaucoup d’entre elles, souvent en ce qui concerne le financement en matière de risque, comme le risque politique, que les produits d’assurance offerts, par exemple, par l’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique, à qui le Canada a accordé un certain soutien, sont des outils qui peuvent être utiles pour atténuer les risques.
Du point de vue de la réglementation, ce n’est pas toujours les règlements proprement dits qui sont problématiques, mais plutôt des changements qui sont peut-être sans précédent, qui ne passent pas par le Parlement ou un décret ministériel, et nous avons vu nos ambassadeurs nouer activement le dialogue à ce sujet avec des homologues du marché. C’est très rassurant pour les entreprises canadiennes et cela a permis d’aplanir certaines des éventuelles difficultés rencontrées dans le déploiement d’un projet.
Je situerais cela dans le contexte auquel on a fait allusion plus tôt en disant que les difficultés sont semblables à celles rencontrées partout et qu’elles varient autant que le monde. Je me pencherais plus particulièrement sur ces difficultés.
Le sénateur Ravalia : Si vous le permettez, je veux orienter la discussion un peu plus vers les droits de la personne — je ne sais pas à quel point vous vous occupez de tout cela. Nous avons entendu des histoires d’exploitation d’enfants, de traite des personnes, de conflits et de violence. Le Canada a d’importantes activités minières partout en Afrique. Dans quelle mesure ces activités sont-elles surveillées pour minimiser le risque d’avoir ces fâcheuses violations de la personne?
[Français]
M. Roy : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, pour la question que vous posez sur les droits de la personne. J’allais éventuellement proposer de maintenir l’appui du Canada à certaines grandes institutions africaines, comme la Banque africaine de développement, à laquelle le Canada fait une contribution importante de 365 millions de dollars pour trois ans, l’Union africaine, pour toutes les raisons que vous connaissez, et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. C’est un groupe d’une très grande qualité qui, dans des circonstances difficiles et depuis très longtemps, fait souvent un travail absolument exceptionnel.
Répondre à cette question sur les droits de la personne m’amène à vous dire que l’une des tâches que nous devons, pays occidental que nous sommes, accomplir en Afrique, c’est de fournir un soutien solide, durable, réel et constant à la société civile. C’est cette dernière qui construira la démocratie. Ce n’est pas la classe politique africaine. C’est la société civile qui construira la démocratie. Ce sont les groupes de femmes.
On parle de la Chine en Afrique; il y a des tas d’ONG chinoises en Afrique, il n’y a pas que le gouvernement. Il faut soutenir les nôtres. Elles sont maintenant dans une concurrence qu’elles n’ont jamais vue sur le terrain pour l’accès à l’eau, la santé, la scolarisation des filles, etc. Donc, il y a un vrai problème en ce qui concerne les droits et la société civile.
Quand vous dites qu’il y a des problèmes en Afrique, il y a des problèmes partout. J’ai été président de Droits et démocratie pendant six ans. On travaillait en Amérique latine sur des dossiers très pénibles. On travaillait en Asie, notamment sur la question du trafic humain. Ce n’était pas très joli à voir non plus. On travaillait en Afrique. La question des droits de la personne se pose partout. Elle se pose tout de même dans certains pays africains. Actuellement, il y a une certaine régression, si l’on veut être honnêtes entre nous. Il faut le voir et le dire. Il y a une certaine régression sur la question des droits, notamment dans tous les pays où il y a des coups d’État militaires.
Le vice-président : Merci, monsieur Roy.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Merci d’être ici ce soir.
Je vais poser ma question aux gens de la Chambre commerciale Canada-Afrique, mais tout le monde peut évidemment répondre. Nous examinons l’engagement en Afrique. Nous savons tous que l’Afrique est vaste et diversifiée — on nous le rappelle continuellement de toutes sortes de façons —, et nous ne pouvons donc pas proposer de solution universelle. J’essaie de penser à la meilleure façon pour le Canada d’investir ses ressources diplomatiques limitées pour non seulement établir une relation mutuellement avantageuse en matière de commerce et de bilatéralisme, mais pour aussi stimuler l’investissement et la croissance dans les pays africains proprement dits. Il y a donc deux volets.
Mme Caldwell St-Onge : Merci de poser la question.
Nous voyons des pays s’adresser à la chambre commerciale pour obtenir une aide du Canada. L’un d’eux, pour revenir à la question du sénateur Ravalia, s’est adressé à nous parce que les entreprises canadiennes mènent leurs activités de manière responsable. Nous avons des politiques à cette fin. Les entreprises canadiennes les respectent. Elles sont bien connues pour toutes leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. La République démocratique du Congo — je pense que votre question faisait allusion à ce pays — s’adresse notamment à nous. Nous avons tenu un sommet là-bas en février. Nous allons y retourner. Les gens là-bas veulent une autre façon de faire des affaires. Ils demandent expressément aux entreprises canadiennes dans le secteur des services, le secteur minier et le secteur agricole de venir prendre une petite partie de la place occupée par la Chine et d’autres pays qui ne respectent pas leurs collectivités et ne donnent pas de formation ni de moyens aux gens sur le terrain. Cela fait vraiment chaud au cœur. Nous essayons de dire que nous sommes effectivement là.
L’éducation est un autre secteur — quand vous parlez d’autres secteurs, il y a le Centre du commerce international, l’énergie propre, l’éducation. Au Canada, nous avons beaucoup d’expertise que nous sommes prêts à transférer et à partager avec d’autres. Tout le transfert de technologies ainsi que la mise en commun des connaissances sont des choses pour lesquelles le Canada est bien connu. Je pense que c’est ce qui nous rend spéciaux. Nous avons une place prioritaire.
À la chambre commerciale, je suis très fière qu’on demande expressément des Canadiens. La semaine prochaine, le Zimbabwe — il y a 10 entreprises canadiennes, mais nous en avons 25... Certaines sont déjà sur le continent, et nous n’en tenons donc pas compte dans les chiffres. Nous sommes sur une importante lancée.
Pour répondre à votre question, nous avons des secteurs précis et des pays précis. En tant que chambre commerciale, dans le cadre de notre relation avec le Service des délégués commerciaux et les ambassades, nous essayons de les faire connaître et d’aider. Oui, il nous faut plus de monde sur le terrain. Le Service des délégués commerciaux a un seul membre du personnel sur place en République démocratique du Congo, et il relève de l’équipe du Cameroun, par exemple. Je suis certaine qu’il y a des domaines dans lesquels le gouvernement cherche à faire mieux avec les ressources limitées. Le secteur privé peut agir en tant que partenaire et proposer des choses.
La sénatrice M. Deacon : J’essaie de réfléchir à cela. Les pratiques sont respectées, et les gens là-bas demandent donc au Canada de bien vouloir se joindre à eux. Y a-t-il des pays qui perdent patience et qui sont prêts à, si je puis dire, choisir l’option qui paye rapidement? Ce n’est peut-être pas tiré par les cheveux, car ils vont passer à autre chose si la réponse du Canada n’est pas perçue comme étant assez progressive et rapide.
Mme Caldwell St-Onge : Oui et non. Ils acceptent de l’aide d’autres pays qui sont là sur-le-champ et qui ne se heurtent peut‑être pas à tous les mêmes obstacles que nous. En même temps, ils ne perdent pas espoir. Ils veulent quand même nous voir sur le continent. Il y a encore beaucoup de possibilités de croissance, et ils aimeraient encore être nos partenaires. Nous parlons de la Chine, mais nous sommes également des partenaires de ce pays. Nous pouvons travailler avec d’autres pays, et nous pouvons tous en tirer parti. Ce n’est pas conditionnel ou optionnel, pas plus noir ou blanc. Nous avons notre place.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos invités, que je connais tous et avec lesquels j’ai beaucoup travaillé dans mon ancienne vie.
J’ai une question rapide d’abord pour la Chambre commerciale Canada-Afrique. Que font les autres pays pour accompagner leurs entreprises sur le continent africain dont le Canada devrait s’inspirer? C’est ma première question.
Ma deuxième s’adresse à M. Roy. Vous l’avez évoqué brièvement : la population en Afrique subsaharienne devrait doubler d’ici 2050 pour atteindre 2,4 milliards d’habitants, c’est‑à‑dire qu’un être humain sur quatre sera Africain en 2050. Avec plus de 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, l’Afrique est composée de la plus forte population jeune au monde.
Selon vous, quels sont les défis et possibilités qu’apporte cette grande vitalité de la jeunesse africaine, et que devrait faire le Canada pour soutenir l’éducation en particulier et la formation de ces jeunes Africains?
Mme Caldwell St-Onge : Rapidement, je ne vais pas parler d’autres pays; je vais parler du Québec. Il faut peut-être s’inspirer de la Stratégie territoriale pour l’Afrique que le Québec a mise en place avec 54 millions de dollars. Cela fonctionne drôlement bien. Cette stratégie compte cinq piliers qui sont importants pour le Québec, mais je suis sûre que le Canada peut aussi s’en inspirer. Là-dessus, je cède la parole à M. Bloor.
[Traduction]
M. Bloor : Pour faire preuve de réciprocité, il y a quelque chose comme les visas. Beaucoup de personnes disent qu’elles aimeraient visiter le Canada, mais le délai d’attente n’a rien à voir avec celui des autres pays. Il serait très utile de montrer que les affaires se font dans les deux sens. Il serait formidable de pouvoir recevoir des gens ici et de bien faire les choses avec des délais raisonnables de traitement des visas.
J’ajouterais la question de la présence. Un sommet retient énormément l’attention des médias, crée une trame narrative et mise sur un leadership qui, comme je l’ai constaté, s’est avéré très utile pour d’autres pays.
[Français]
M. Roy : Sur le sujet de l’éducation, j’étais content tout à l’heure d’entendre des commentaires sur les universités. Je crois qu’il faut avoir un peu d’imagination quand on est Canadien. Le Canada, par rapport à l’Afrique et à l’enseignement supérieur en Afrique, peut offrir ce qu’aucun pays au monde ne peut offrir, soit un enseignement de haut niveau en anglais et en français sur le continent africain.
Je vois très bien HEC Montréal, une grande école de Toronto et une grande école de Calgary ou de Vancouver — peu importe — offrir ensemble des programmes bilingues dans l’Afrique dite francophone et dans certaines parties de l’Afrique anglophone où le français compte énormément.
Pour ce qui est de l’école de base, 300 millions d’enfants vont arriver dans les écoles d’Afrique dans les 10 prochaines années. Il y a des écoles qui ne sont pas en mesure de servir correctement les enfants qui sont déjà là.
Si nous ne bougeons pas et si les pays occidentaux ne bougent pas, d’autres vont le faire. Ils viendront des émirats et de l’Arabie saoudite pour une grande partie, pour toute l’Afrique arabophone, car l’avenir de l’islam et de la langue arabe se jouera énormément en Afrique aussi. D’autres viendront d’Asie. Cela a déjà commencé, d’ailleurs.
Il y a là un besoin. Dans son histoire diplomatique, le Canada a des traditions et des façons de coaliser des forces dans le monde qui lui permettraient de regarder avec d’autres d’une manière nouvelle le dossier de l’éducation en Afrique. Les enfants de l’Afrique seront scolarisés, que ce soit par d’autres ou d’abord par les Africains qui seront soutenus par d’autres. Ces autres, c’est nous ou ceux que j’ai nommés tout à l’heure.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à tous nos témoins. C’est une discussion très enrichissante. J’ai deux questions à poser.
Premièrement, dans le contexte des relations d’affaires dont nous parlons, j’aimerais comprendre le rôle des femmes de part et d’autre, au Canada et en Afrique. Nous avons une entrepreneure africaine au Sénat. Nous savons que les femmes sont des dirigeantes d’entreprises dynamiques. Quel degré de participation des femmes y a-t-il à la chambre commerciale? Que pourrait-on faire pour l’augmenter, si c’est nécessaire? C’est ma première question.
Ma deuxième question se rapporte un peu au point que M. Roy a soulevé à propos de l’éducation, mais elle porte davantage sur l’emploi. Toutes ces jeunes personnes ont désespérément besoin d’un emploi, et nous savons que le secteur privé jouera un rôle essentiel à cet égard. Dans quelle mesure se penche-t-on là‑dessus? Y a-t-il des efforts expressément déployés pour favoriser la création d’emplois grâce à ces partenariats d’affaires qui sont en pleine expansion — nous l’espérons — et qui le seront encore davantage à l’avenir?
M. Bloor : Merci beaucoup.
Tout d’abord, à propos du rôle des femmes dans le contexte des objectifs d’inclusion, grâce à nos commanditaires, la majorité des participants à tous nos programmes ne payent pas, ce qui nous permet de faire venir des gens pour avoir certaines de ces discussions. À Washington, très récemment à notre forum de concertation sur l’Afrique, nous avons examiné 43 moteurs de l’égalité des genres et la relation entre ces différentes variables économiques.
Je le mentionne parce que chaque fois que nous avons des discussions, notre mandat consiste à faire du réseautage pour favoriser le développement des entreprises et l’échange de renseignements. Je pense qu’il est extrêmement important d’aborder la question dans chaque discussion et à chaque conférence, mais aussi de s’assurer ensuite que tout le monde prend place à la table. C’est un élément clé de notre modèle en tant qu’organisation, pour répondre aux besoins autant ici que sur le continent.
Je ne veux pas prendre trop de votre temps, mais je voulais donner ma réponse à ce sujet.
[Français]
M. Roy : Je vous remercie d’avoir posé cette question sur les femmes, madame la sénatrice. Il y a aussi une tradition canadienne importante. Depuis le gouvernement Mulroney, en passant par le gouvernement libéral et le gouvernement Harper, qui avait une importante position sur la santé des femmes en Afrique, cela fait partie de ce qui reste de la signature canadienne en Afrique. Elle disparaît lentement, mais il reste des morceaux. Parmi les morceaux importants, il y a le fait que depuis longtemps, le Canada, en insistant de plus en plus, a mis au programme la question de l’égalité et des femmes dans tous les domaines, y compris dans les affaires, et il n’a pas lâché.
Je parlais plus tôt de l’importance de la société civile. Une partie importante de la société civile africaine est faite de ces mouvements de femmes qui savent que le Canada les a soutenues et qui espèrent que notre pays va continuer de les soutenir : il ne faut pas faire trop de discours et il faut un peu plus de ressources et de respect quand on va vérifier les travaux. On ne peut pas demander à un groupe de femmes du Nord du Mali d’avoir les mêmes règles de vérification qu’un groupe de femmes sophistiquées de Winnipeg ou de Sherbrooke, au Québec. Il faut être intelligents dans nos programmes de coopération. On a fait des choses aberrantes dans certains cas. On arrive à huit Canadiens pour annoncer qu’on n’a plus d’argent pour financer un programme. De toute évidence, il faut arrêter cette pratique.
Sur la question de l’emploi, il y a des millions d’emplois. La vraie question, elle est là, et je vous remercie de la poser. Il y a de nombreux jeunes qui sont instruits; plusieurs d’entre eux sont bien instruits, ils ont tous un téléphone portable, ils sont tous sur Google, ils savent exactement ce qui se passe dans le monde, mais ils vendent de la gomme au coin de la rue à l’âge de 25 ans, avec deux baccalauréats et une maîtrise. Ils ne veulent plus faire cela. Regardez ce qui s’est passé au Kenya : c’est la rue qui est venue près de faire tomber le gouvernement. C’est la rue qui a fait tomber le gouvernement démocratique du Mali et du Burkina Faso. C’est la rue qui risque de faire tomber les gouvernements du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Togo et du Bénin. La rue est composée de dizaines de milliers de jeunes qui n’ont pas d’emploi et qui veulent avoir une autre vie que celle qu’ils ont. Voilà pourquoi j’ai commencé par dire plus tôt qu’il faut absolument investir en Afrique et créer de l’activité économique sur le continent.
Le vice-président : Merci, monsieur Roy.
[Traduction]
Le sénateur Al Zaibak : Merci à nos invités d’être ici.
Mis à part les problèmes et les défis liés au commerce bilatéral, pouvez-vous nous donner une idée de l’approche et de la stratégie du Canada en ce qui concerne les investissements et les possibilités d’investissement dans différents secteurs en Afrique par rapport aux philosophies et aux approches d’investissement d’autres pays comme la Chine, l’Europe et les États-Unis? Tout le monde peut répondre, mais je veux commencer par la chambre commerciale.
Mme Caldwell St-Onge : Je vais parler des possibilités d’investissement. Nous savons tous qu’une proportion de 43 % de nos investissements en Afrique est dans le secteur des ressources naturelles. Nous avons aussi un secteur agricole en pleine croissance. Je pense que nous pourrions mettre l’accent là‑dessus et voir quels programmes pourraient nous être utiles. C’est un mandat pour Affaires mondiales Canada et Agriculture Canada, pour ainsi dire. Nous avons des entreprises qui sont très heureuses d’investir en Afrique dans l’ensemble du secteur agricole. Je pense que c’est un besoin croissant.
Nous avons également des possibilités d’investissement dans le secteur manufacturier ainsi que dans tout ce qui touche les minéraux critiques et les batteries. Nous avons la fabrication de cathodes, d’anodes et ainsi de suite dans notre secteur minier. On est prêt à faire toute l’intégration verticale sur le continent. Nous devons laisser certains des produits à valeur ajoutée et ne pas seulement exporter des matériaux bruts du continent.
[Français]
Il faut voir comment on peut laisser un peu de valeur ajoutée sur le continent avec les ressources que l’on exploite en Afrique. C’est ainsi que les compagnies réagissent; nous les aidons et nous en sommes très fiers.
[Traduction]
Elles commanditent aussi à cette fin nos activités en Afrique.
[Français]
M. Roy : Je vous remercie de la question. Il y a une chose qui me frappe dans notre façon de faire au Canada en ce moment; je veux qu’on réussisse, notamment sur le plan de notre présence en Afrique. Je trouve qu’une chose que plusieurs pays font et que nous ne faisons pas... C’est Affaires mondiales Canada qui négocie tout avec ces deux branches, ce qui a remplacé l’ACDI, la coopération et le commerce. Où est l’agriculture, où est l’énergie et où sont les ministères? Le Japon a 17 ministères qui contribuent à la politique japonaise en Afrique. Il y a 17 ministères engagés dans la définition, la gestion et la mise en œuvre de la politique du Japon en Afrique. Je reviens à ce que font les autres pays. On n’a pas assez de temps, fort malheureusement, car vous seriez étonnés de voir que de petits pays comme la Corée et Singapour investissent des milliards de dollars en Afrique. Ils sont convaincus qu’il y a un retour important. Quand on dit que la Chine investit 50 milliards de dollars sur trois ans et l’Inde, 40 milliards de dollars sur trois ans, ce qui me frappe, ce sont l’Indonésie et la Malaisie. La Chine et l’Inde — on le sait. On le sait moins sur les autres. Quand je vois arriver massivement l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et le Vietnam en ce moment en Afrique, je me dis que quelque chose est en train de se passer et que cela nous échappe.
Le vice-président : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Greenwood : Merci à nos invités d’être ici.
J’ai deux questions, une pour la chambre commerciale et l’autre pour M. Roy. La première, et vous avez aborder le sujet... Je me demande si vous pouvez parler du renforcement des capacités locales. Vous dites que vous avez beaucoup d’entreprises et d’ambassadeurs. Que faites-vous pour renforcer la capacité locale des collectivités?
Mme Caldwell St-Onge : Ce n’est pas la chambre commerciale proprement dite qui renforce la capacité, mais ce que nous voyons et ce que nous faisons, c’est de la formation et de l’embauche au sein des collectivités locales par l’entremise de certains de nos membres. Ils forment les collectivités locales. C’est très bien pour appuyer la capacité locale.
Nous avons aussi des programmes comme notre bureau de promotion du commerce. Je crois qu’il est encore financé par Affaires mondiales Canada. Nous avons également Catalyste+ qui met gratuitement à la disposition des gens qui sont intéressés et qui acceptent tout un éventail de connaissances canadiennes. C’est très difficile à expliquer. Catalyste+ est quelque chose de très important pour la capacité de formation locale. Je vais en parler plus tard dans nos observations détaillées, car je veux céder la parole à M. Roy pour qu’il puisse ajouter quelque chose.
La sénatrice Greenwood : J’ai une question différente. Vous avez déjà parlé de l’éducation. Je me demande si vous pouvez en dire plus à ce sujet et sur le rôle du Canada. Je me demande comment le Canada pourrait jouer un rôle ou comment il en joue un dans le développement de l’éducation avec les collectivités locales. Nous avons parlé de personnes qui sont instruites. Vous avez dit que d’autres personnes se rendent sur place pour leur apprendre des choses et que nous ne sommes pas là. Pourrions‑nous travailler en partenariat avec les collectivités locales? Pourrions-nous le faire directement avec les gens pour créer ce genre de services d’éducation pour leurs enfants et pour voir ce qui est important pour eux?
M. Roy : Il faudrait d’abord que nous les écoutions pour savoir comment ils perçoivent leurs besoins et comment nous pouvons les aider à organiser ce qui est offert, en commençant par tenir compte de la façon dont ils perçoivent leurs besoins.
Au cours des prochaines décennies, nous devons acheminer beaucoup de technologies vers l’Afrique. Nous devrons parler à de grands groupes d’enfants, peut-être 300 ou 400, à partir de l’âge de six ans. Nous devons élaborer une nouvelle pédagogie totalement différente. C’est la première fois de l’histoire. Des centaines de millions d’enfants se rendront dans leur village et cogneront à la porte, et ils aimeraient pouvoir écouter un enseignant.
[Français]
C’est un dossier extraordinaire. Il y a un travail énorme à faire sur la pédagogie pour de grands groupes et des langues nationales africaines qui vont prendre de plus en plus de place. J’ai passé pas mal de temps récemment en Éthiopie. J’ai vu l’Afrique de l’Est, que je connaissais moins que l’Afrique de l’Ouest, et j’ai vu à quel point les langues nationales pénètrent partout dans les écoles. Il faut enseigner deux ou trois langues dans les écoles. Ce sont des défis pédagogiques extraordinaires. Les Africains ne peuvent pas faire cela seuls. Prenez l’exemple du Québec : en 1960, les Québécois âgés de 13 ans et plus n’étaient plus à l’école quand on a eu la Révolution tranquille. On a eu besoin de l’aide des Belges, des Suisses et des Français pour nous aider à scolariser les Québécois à l’époque, car ils en avaient besoin. Les Africains ont besoin d’aide pour scolariser leurs enfants. Si nous ne le faisons pas, d’autres vont le faire; nos intérêts ne seront pas servis et nos valeurs non plus.
Le vice-président : Merci.
[Traduction]
Chers collègues, je vous rappelle que nous devons absolument nous arrêter à 18 h 15. Pour le deuxième tour, j’ai seulement la sénatrice Gerba. Je lui demanderais de poser sa question rapidement et de donner à la personne à qui elle la pose l’occasion de réponse pour terminer cette réunion.
[Français]
La sénatrice Gerba : J’ai une question qui a trait à l’AGOA. Vous connaissez tous le programme des Américains, l’African Growth and Opportunity Act, qui donne accès aux marchés américains à des produits fabriqués en Afrique. Pensez-vous que le Canada pourrait s’inspirer de l’AGOA pour établir le commerce et augmenter nos échanges commerciaux avec l’Afrique?
[Traduction]
Mme Caldwell St-Onge : Je dirais que oui.
M. Roy : Je suis d’accord. Parfait, le président est ravi.
Mme Caldwell St-Onge : Le Canada a certains programmes qui excluent les textiles et d’autres produits en provenance des pays moins développés et ainsi de suite. Nous avons l’espace nécessaire pour prendre de l’expansion. Nous avons déjà quelque chose en place.
[Français]
M. Roy : La réponse est oui.
Mme Caldwell St-Onge : La réponse est oui.
[Traduction]
Le vice-président : Je remercie les témoins et les sénateurs. Chers collègues, je veux remercier le groupe de témoins de sa participation et de sa patience puisque nous avons commencé en retard. Merci pour vos questions.
Avant de lever la séance, je rappelle à mes collègues que nous allons nous rencontrer demain pendant une heure à 11 h 30. Une réunion du comité directeur suivra. Nous avons un groupe de témoins demain. Je vous remercie tous beaucoup. Le président sera de retour demain.
(La séance est levée.)