LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 3 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles); et à huis clos, afin d’examiner, pour en faire rapport, le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture, ainsi que sur les communautés rurales et autochtones, à l’échelle du pays.
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour à tous. Je suis heureux de vous voir. Merci d’être avec nous.
Je tiens à vous faire un rappel au sujet des oreillettes. Je demanderais aux personnes qui se trouvent dans la salle de lire les fiches qui se trouvent devant elles et de prendre les mesures de prévention nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris nos interprètes. Je vous remercie pour votre collaboration.
J’aimerais pour commencer souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à notre témoin en ligne et à ceux qui regardent la séance sur le Web. Je m’appelle Robert Black et je suis un sénateur de l’Ontario. Je suis le président du comité. Avant de céder la parole à notre témoin, je demanderais aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons, du territoire du Traité no 6, en Alberta.
Le sénateur Richards : Je suis Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur McNair : Bonjour. Je m’appelle John McNair, et je suis du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Oudar : Bonjour. Manuelle Oudar, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Burey : Bonjour. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Francis : Bonjour. Je suis Brian Francis, d’Epekwitk, l’Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Chantal Petitclerc, du Québec.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec également.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Plett : Don Plett, de Landmark, au Manitoba.
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.
Le président : Merci. Bienvenue.
Aujourd’hui, le comité poursuit son examen du projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles).
Nous recevons M. Robert Bollert, de l’Association des éleveurs de vison du Canada, qui se joint à nous par vidéoconférence et qui témoigne à titre personnel. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Bollert. Vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Lorsque je lèverai une main, cela signifiera qu’il vous reste une minute; lorsque je lèverai les deux mains, cela signifiera qu’il vous faut conclure. Sur ce, nous vous cédons la parole. Allez-y.
Robert Bollert, Association des éleveurs de vison du Canada, à titre personnel : Merci beaucoup. Bonjour.
Je m’appelle Rob Bollert et j’habite dans une petite communauté rurale du Sud de l’Ontario. Je suis un éleveur de visons et de renards de quatrième génération. Ma famille, à commencer par mon arrière-grand-père, participe activement à la croissance et à l’innovation qui font du Canada un chef de file mondial dans le domaine de l’élevage d’animaux à fourrure.
Je suis l’ancien président de l’Association des éleveurs de vison du Canada et le président de la Canada Fox Breeders’ Association. Ces associations nationales ont pour mandat d’explorer les nouveaux marchés, d’améliorer le bien-être des animaux et d’assurer le droit d’élevage du Canada. Je suis aussi directeur du conseil d’administration de l’Institut de la fourrure du Canada et de la Fédération internationale de la fourrure, et je siège au Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage. J’ai participé activement à l’élaboration des Codes de pratiques pour le soin et la manipulation des visons et des renards d’élevage.
En août 2013, nous avons vécu le pire cauchemar de tous les éleveurs. Des extrémistes de défense des droits des animaux se sont introduits sur notre ferme et ont libéré nos animaux. Le nom des Bollert est apparu dans de nombreux livres sur l’histoire de l’industrie de la fourrure, mais jamais pour une telle raison. Ce jour-là, après des années de dur labeur, mon père a vu son travail anéanti. Cet homme, qui avait connu tous les hauts et les bas de l’industrie de la fourrure, s’est écroulé. Il était extrêmement déconcerté par les mesures draconiennes prises par ces personnes pour faire valoir leurs opinions extrémistes, sans se soucier des répercussions sur les éleveurs ou même sur les animaux eux-mêmes.
Après de longues heures de recherche, nous avons réussi à sauver bon nombre de nos animaux ce jour-là, mais pendant les semaines qui ont suivi, des voisins nous ont contactés pour que nous venions récupérer des animaux qui se trouvaient sur leur propriété ou qui avaient été frappés par une voiture. Même si certains ont peut-être appris à se débrouiller seuls, la grande majorité des animaux relâchés seraient incapables de le faire, contrairement à leurs ancêtres qui étaient des animaux sauvages. Les nôtres sont des animaux domestiqués qui dépendent de nos soins quotidiens.
Au fil de la semaine qui a suivi cet horrible événement, nous avons commencé à remarquer des signes de maladie chez les animaux qui avaient été libérés. Dans l’intérêt de la biosécurité, nous avons isolé les animaux relâchés au fur et à mesure que nous les avons récupérés. Nous avons immédiatement transmis ces animaux morts à l’Université de Guelph, qui a déterminé qu’ils avaient contracté la maladie de Carré. La maladie de Carré touche non seulement les chiens, mais aussi de nombreux autres animaux, y compris le vison. Ce virus appartient à la même famille que celle des oreillons et de la rougeole et il peut se propager très rapidement. Le virus cause des problèmes gastro-intestinaux, respiratoires et nerveux. Je vous épargnerai les détails sordides de ce qui arrive aux animaux qui en sont atteints.
Même si nous vaccinons régulièrement les animaux contre la maladie de Carré pour assurer la biosécurité, le taux d’efficacité de ce vaccin est d’un peu plus de 90 %, comme tous les vaccins. Au total, nous avons perdu de 800 à 900 visons. En plus de consacrer des sommes importantes aux frais de revaccination et de laboratoire, nous avons perdu un nombre important d’animaux reproducteurs et nous n’avons pas pu mettre ces animaux sur le marché en raison des actions des extrémistes de la défense des droits des animaux.
Ces gens qui envahissent les fermes ne se soucient pas des animaux; ils se soucient de l’idée qu’ils se font des animaux. Ils ne s’intéressent pas à la biosécurité ou à la sécurité des animaux. Ils veulent voir des animaux domestiqués, qui auraient connu une fin sans cruauté fondée sur la science vétérinaire, être relâchés pour être ensuite mourir sous les dents et les griffes de prédateurs, écrasés par une voiture ou frappés par une maladie.
Depuis cet horrible événement, il y a eu de nombreux incidents de libération des animaux ou d’intrusion dans d’autres fermes de l’Ontario. Les responsables de ces infractions n’ont pas été arrêtés et n’ont pas eu à rendre des comptes pour ces activités extrémistes.
Lorsque nous travaillons à la ferme ou que nous recevons des visiteurs, nous respectons des protocoles stricts en matière de biosécurité, qui comptent notamment des stations de nettoyage des bottes, des vêtements utilisés uniquement sur le ranch, le nettoyage et la désinfection des mains, et le port du masque. Les gens qui envahissent nos exploitations agricoles utilisent des coupe-boulons et des cagoules. Comme tous les éleveurs, nous respectons les normes nationales en matière de biosécurité qui ont été élaborées par le gouvernement, les vétérinaires et les spécialistes des maladies, en collaboration avec les producteurs, afin de veiller à ce que ce type de problème ne survienne pas.
Pour conclure, je dirais qu’après 100 ans et plusieurs générations d’élevage du vison et du renard, je suis toujours fier de produire une solution de rechange chaude, écologique et durable à la mode jetable; le patrimoine du Canada : le commerce de la fourrure. Je vous demande d’aider les éleveurs comme moi à se sentir en sécurité sur les fermes et à la maison, et d’adopter le projet de loi C-275.
Le président : Merci, monsieur Bollert. Nous vous sommes très reconnaissants.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour les questions et les réponses; je vous ferai signe lorsqu’il vous restera une minute.
La sénatrice Simons : Nous vous remercions de témoigner devant nous aujourd’hui, monsieur Bollert.
J’aimerais comprendre ce qui s’est produit avec l’éclosion de la maladie de Carré. Est-ce qu’on suppose que les manifestants ont introduit le virus ou que les visons l’ont attrapée dans la forêt après avoir été libérés?
M. Bollert : Oui. La maladie de Carré est un virus qui se contracte par un contact nez à nez. Un ou plusieurs des visons qui ont été libérés seraient entrés en contact avec un animal à l’extérieur. Lorsque nous les avons retournés à la ferme, nous les avons isolés, mais malheureusement, ils avaient déjà contracté la maladie.
La sénatrice Simons : D’après ce que nous avons entendu au sujet de l’idée que les gens introduisent les virus dans les fermes, dans ce cas-ci, les animaux ont ramené la maladie de façon organique, si l’on veut, après avoir été libérés. C’est donc un processus en deux étapes?
M. Bollert : Oui.
La sénatrice Simons : J’ai été surprise d’apprendre, au début de l’éclosion de COVID, que le vison était l’un des animaux les plus susceptibles de contracter la maladie. Est-ce qu’il y a eu des cas, dans votre ferme ou parmi les membres de votre fédération, de gens qui ont transmis la COVID aux visons ou qui l’ont attrapée des animaux?
M. Bollert : Les premiers cas de COVID chez les visons ont été observés au Danemark. Le pays a procédé à l’abattage massif des animaux. L’Association canadienne des éleveurs de visons et l’ACIA ont été très proactives et ont collaboré à la mise en place de protocoles de biosécurité très stricts. Nous avons été très chanceux, car la grande majorité des fermes du Canada n’ont pas eu de problème.
Il y a eu trois incidents en Colombie-Britannique où les visons ont contracté la COVID, et on ne sait pas si ce sont des humains qui ont transmis la maladie. On n’a pas réussi à le prouver. Ce ne sont donc que trois cas, parmi tous les élevages du Canada.
La sénatrice Simons : Est-ce qu’il y a eu des poursuites contre les personnes qui se sont introduites par effraction sur votre propriété et qui y ont causé des dommages? Pouvez-vous nous parler du résultat de ces poursuites?
M. Bollert : Il n’y a pas eu de poursuites associées à l’intrusion sur la ferme. On ne sait pas qui a commis l’infraction. Il y a eu un message publié sur Internet par les personnes responsables ce jour-là, mais elles n’ont pas été retracées.
Dans un autre cas, une personne s’est rendue dans cinq fermes de l’Ontario afin de filmer les installations la nuit. Elle a publié les images six mois plus tard. Cet homme a été arrêté, mais n’a pas été emprisonné. Il a eu un procès, mais les accusations n’ont pas été retenues.
La sénatrice Simons : Le défi avec une telle mesure législative, c’est qu’il y aurait des sanctions accrues, mais seulement lorsqu’une personne se ferait prendre et serait reconnue coupable. Dans votre cas, personne n’a été arrêté. Est‑ce qu’une telle loi découragerait ces gens qui croient qu’ils ne peuvent pas se faire prendre?
M. Bollert : Si ces gens savent qu’il y a des sanctions sévères associées à des gestes drastiques comme ceux qui ont été commis dans nos installations, alors ils ne passeront peut-être pas à l’acte. Je sais que la personne qui a dû rendre des comptes ou à qui l’on a tenté de demander des comptes n’est pas retournée dans les fermes. Cet homme a peut-être été découragé, parce qu’il s’est fait prendre. C’est une mesure dissuasive, sans aucun doute.
Le sénateur Plett : Nous vous remercions d’être avec nous, monsieur Bollert.
De nombreux témoins nous ont dit que les militants pour les droits des animaux qui entraient sans autorisation dans une propriété ne représentaient pas un risque pour la biosécurité. Pierre Sadik, d’Animal Justice, a dit ce qui suit :
Selon les données de l’ACIA, depuis l’année 2000, il n’y a eu aucun cas où l’introduction d’une personne dans des installations agricoles sans en avoir la permission a causé une éclosion de maladie.
Je ne sais pas pourquoi il tient à faire la promotion des personnes qui entrent dans une propriété sans en avoir la permission, mais il croit néanmoins que l’on devrait le permettre, parce que cela ne crée pas de problème. Comment réagissez-vous à une telle affirmation?
Vous dites que la maladie de Carré se contracte par un contact nez à nez et que vos animaux l’ont probablement attrapée à l’extérieur. Comment réagissez-vous à une telle affirmation? Les conséquences de l’invasion de votre élevage de vision ne contredisent-elles pas cette affirmation?
M. Bollert : En ce qui concerne notre incident en particulier, nous ne pouvons pas prouver qu’il a été causé autrement que par un contact nez à nez. Les contrevenants avaient coupé toutes les clôtures du périmètre de notre ferme, ce qui a permis à la faune d’y entrer. Je ne peux pas prouver que la maladie n’a pas été introduite par un animal à ce moment-là. Nous estimons qu’il s’agit d’un animal qui aurait contracté la maladie dans la nature avant que nous le ramenions à la ferme.
En ce qui concerne les incidents qui se sont produits dans d’autres exploitations agricoles, la personne est passée d’une ferme à l’autre sans qu’on s’en aperçoive. Elle est entrée puis elle est partie. On ne sait pas si elle a eu recours aux mesures de biosécurité appropriées, mais on sait qu’elle est passée par là et qu’elle avait visité d’autres fermes. Il y a d’autres maladies que l’on peut transmettre d’une ferme à l’autre, comme dans une exploitation avicole ou porcine. Il faut prendre une douche à l’entrée et une autre à la sortie. Je crois qu’il n’a jamais été prouvé que cette personne a introduit une quelconque maladie, mais c’est tout à fait possible. Ce n’est que six mois plus tard que l’on a appris ce qu’elle avait fait.
Le sénateur Plett : Permettez-moi de poser une autre question. Je n’ai pas beaucoup de temps.
Nous avons beaucoup entendu parler de la biosécurité dans tous les types de fermes, et j’ai moi-même une bonne expérience à cet égard. Vos employés doivent prendre une douche en entrant et en sortant, porter un certain type de bottes et de gants, etc. Même si une personne avait de mauvaises intentions et était en fait un journaliste, comme on le suggère ici, elle devrait tout de même respecter les protocoles en place avant d’entrer dans votre bâtiment. Qui donc représente le plus grand risque pour votre ferme ou pour tout élevage de visons, de renards ou de porcs : une personne qui passe par les processus appropriés ou une personne qui s’introduit dans votre ferme par les champs et tente de se rendre jusqu’à vos bâtiments? Qui représente le plus haut risque en matière de biosécurité?
M. Bollert : C’est la personne qui s’introduirait en cachette, sans aucun doute, parce qu’elle ne connaît pas nos protocoles et ne les respecterait pas. Nos employés respectent nos protocoles en matière de biosécurité. Ils doivent passer par une station de nettoyage des bottes, ils portent des vêtements spécialisés, ils se lavent les mains avant d’entrer et portent un masque dans certains cas. Les gens qui s’introduisent dans nos fermes la nuit pour faire je ne sais quoi ne respectent pas ces protocoles.
Le sénateur Plett : Nous vous remercions d’être avec nous, monsieur Bollert. Nous allons faire de notre mieux pour adopter le projet de loi le plus rapidement possible. Merci.
La sénatrice Marshall : Nous vous remercions pour votre témoignage, monsieur Bollert.
À votre avis, dans quelle mesure le projet de loi sera-t-il utile? Il est très précis, parce qu’il utilise les termes « pénétrer » et « risquerait vraisemblablement d’exposer les animaux à une maladie ». Il faudrait un incident très particulier. Dans un cas comme celui que vous avez vécu, avec la maladie de Carré, comment pourriez-vous prouver que l’intrus en était la cause? Pourriez-vous nous dire comment le projet de loi pourrait vous aider?
M. Bollert : Bien sûr.
On ne pourrait probablement jamais déterminer la cause de la maladie... Il faut plusieurs jours, voire une semaine, pour que quelque chose arrive. Ce qu’il faut, c’est de la prévention. Nous devons éviter que de tels incidents se produisent. Si l’un de nos employés a des symptômes du rhume, par exemple, nous ne le laissons pas entrer dans le ranch. Il effectue d’autres tâches ailleurs. Il est très important pour nous d’éviter la maladie.
La sénatrice Marshall : Donc, vous pensez que le projet de loi pourrait être utile.
M. Bollert : Oui, tout à fait.
La sénatrice Marshall : Vous avez signalé l’incident lié à la maladie de Carré, et vous avez raconté ce que vous avez fait par la suite afin de récupérer les visons, etc. Parlez-nous de la reprise à long terme. Vous avez parlé des mesures immédiates que vous avez prises pour récupérer les bêtes, mais cette reprise se fait à long terme. Pouvez-vous parler de ce qui se fait à long terme? Avez-vous une assurance? Que se passe-t-il? Remontez un peu plus loin que la première semaine suivant l’incident.
M. Bollert : D’accord.
C’était une perte totale. Tout ce qu’on n’a pas pu commercialiser ou utiliser à des fins de reproduction a été une perte totale. Dans notre secteur, nous n’avons pas d’assurance pour ce genre de choses. En fait, nous n’avons aucune assurance pour les animaux, quels qu’ils soient. Donc, c’était une perte totale.
Nous avons dû reprendre la vaccination du début pour être certains d’être protégés. Nous ne voulions pas que la maladie se propage dans le reste du ranch. Cela a entraîné des coûts importants. À cela s’ajoutent les frais de laboratoire. Trouver le véritable problème — la maladie de Carré, en fin de compte — a coûté cher.
La sénatrice Marshall : Est-ce vous qui assumez ces coûts, existe-t-il des programmes gouvernementaux pour vous aider à recouvrer ces frais?
M. Bollert : Non, ces coûts sont entièrement absorbés par la ferme.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
Le sénateur McNair : Monsieur Bollert, je vous remercie d’être ici aujourd’hui et de témoigner. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de comparaître.
Je suis tombé sur un article de 2021 dans lequel vous parlez du risque de transmission de la COVID-19 des humains aux visons. Pourriez-vous en dire davantage à ce sujet? Vous avez évoqué les protocoles de biosécurité rigoureux mis en place à l’époque par votre association.
M. Bollert : Oui. Nous avons travaillé de manière proactive avec les experts de la Fédération canadienne de l’agriculture et des vétérinaires de partout en Amérique du Nord. À l’époque, nous avons tous agi de manière concertée, simultanément, en mettant en place des mesures supplémentaires pour veiller à ne pas propager la COVID-19. Je ne sais pas quoi d’autre vous souhaitez entendre.
Le sénateur McNair : J’en déduis que de votre point de vue, ce projet de loi est nécessaire même si ces protocoles sont en place et qu’ils fonctionnent.
M. Bollert : Oui, car ces nouveaux protocoles s’appliquent aux employés et aux visiteurs. Ce n’est pas pour quelqu’un qui vient sur votre ferme la nuit ou à n’importe quel autre moment, et qui ne respecte pas ces protocoles. C’est très important.
Le sénateur McNair : Depuis 2021, avez-vous constaté des infractions aux protocoles ou d’autres contaminations?
M. Bollert : Je ne sais pas quand exactement, mais oui, il y a eu une autre femme qui est allée dans quelques fermes et qui s’était filmée à l’intérieur d’un élevage de visons, sans masque, sans respecter aucun protocole de la ferme, etc. C’était pendant la pandémie. Nous étions au courant que cela se passait. Je sais que l’élevage n’a pas contracté la COVID-19 à l’époque, mais elle aurait fort probablement pu propager la maladie si elle avait été porteuse. Cela aurait été une perte énorme.
Le sénateur McNair : Monsieur Bollert, juste pour que ce soit clair, l’OPP ou la police se sont-ils rendus sur place lorsque l’infraction et l’intrusion ont eu lieu sur votre ferme?
M. Bollert : En fait, la Police provinciale de l’Ontario nous a aidés à rassembler les animaux. J’ai été assez surpris, parce que deux policiers couraient partout pour nous aider, avec d’autres éleveurs, à attraper les animaux.
Le sénateur McNair : Or, aucune accusation n’a été portée contre qui que ce soit par rapport à cette intrusion, n’est-ce pas?
M. Bollert : Non. Nous pensons savoir qui l’a fait, mais il n’y a pas eu de suivi.
Le sénateur McNair : Merci.
[Français]
La sénatrice Oudar : Merci beaucoup pour cet exposé, monsieur Bollert.
Je vais vous permettre d’aller un peu plus loin. À la fin de votre exposé, vous avez dit que vous suiviez plusieurs normes de biosécurité. Je ne sais pas si vous avez écouté tous les témoignages, mais la semaine dernière, la plupart des experts, même ceux qui ont une position critique à l’égard du projet de loi, sont venus nous dire que ce sont les producteurs qui sont les mieux placés pour développer des normes de biosécurité, que le gouvernement ne fait pas de suivi et que l’agence ne fait pas d’inspection. Il n’y a même pas de suivi sur les incidents qui sont survenus. J’interprète cela comme une délégation implicite du pouvoir vers les producteurs, c’est-à-dire que vous pouvez développer vous-même des normes de biosécurité, ce qui est tout à fait conforme à l’objectif du projet de loi, puisqu’il vise effectivement à protéger la sécurité comme telle.
Tout à l’heure, à la fin de votre exposé, vous avez ouvert la porte en nous disant que vous suiviez des normes strictes de biosécurité. Le sénateur McNair vous parlait de celles qui existent depuis quelques années.
J’aimerais que vous nous donniez des exemples concrets et plus spécifiques. Quelles sont vos normes de biosécurité quant au suivi des incidents, aux mesures de prévention, et cetera?
[Traduction]
M. Bollert : Merci. Le gouvernement canadien — et je ne connais pas la date exacte — a travaillé à l’élaboration des protocoles de biosécurité avec l’Association des éleveurs de vison du Canada. C’était il y a plusieurs années. Depuis, nous avons évidemment renforcé les protocoles, en particulier durant la pandémie. Aujourd’hui, nous considérons que l’absence de protocoles de biosécurité dans nos propres exploitations n’est pas une bonne chose. Nous devons les respecter ces protocoles, sans quoi nous risquons d’introduire nous-mêmes des maladies. Il n’y a donc aucun avantage à ne pas le faire. Mon but, à la fin de l’année, est de produire le meilleur produit possible. C’est une tâche impossible si on ne prend pas soin des animaux, en particulier sur le plan de la biosécurité. C’est très important. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter : ces protocoles sont en place, ils ont été élaborés par le gouvernement — par l’ACIA —, et nous avons renforcé ces règles. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
[Français]
La sénatrice Oudar : Je veux bien comprendre ce que vous avez dit au sujet des normes élaborées par le gouvernement fédéral sur la biosécurité. Quand vous m’avez dit, par la suite : « Nous avons renforcé ces règles », parliez-vous des producteurs? Qui a renforcé ces règles? Nous dites-vous que vous appliquez plus sévèrement les normes de biosécurité qui vous sont imposées?
[Traduction]
M. Bollert : Non, permettez-moi de clarifier ce point. Au début de la pandémie de COVID-19, nous avons travaillé de manière proactive, avec l’ACIA, pour renforcer nos protocoles afin d’éviter la propagation de la COVID-19.
[Français]
La sénatrice Oudar : Ma question était plus large que la COVID-19; elle portait plutôt sur les normes de biosécurité. Toutefois, comme il ne me reste plus de temps de parole, je reviendrai au deuxième tour. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Richards : Je vous remercie de votre présence. J’ai deux petites questions.
Premièrement, puisque j’ai grandi avec des trappeurs, au Nouveau-Brunswick, et que cette industrie est pratiquement disparue de nos jours, je me demande à quel point votre industrie a souffert de ce militantisme ces 20 dernières années, tant par rapport aux intrusions qu’à ce qui se dit dans la presse
M. Bollert : Cela a certainement eu une incidence. Cela ne fait aucun doute. Les intrusions ont durement éprouvé bon nombre d’éleveurs. Hier soir, j’ai lu mon mémoire à mon père; il en a eu les larmes aux yeux. Le jour où il a perdu son gagne-pain demeure un souvenir douloureux pour lui. Beaucoup d’autres éleveurs ont été victimes de la libération d’animaux dans le sud de l’Ontario, et dans d’autres régions également, mais cela remonte à un certain temps. Il y a eu un autre cas à la fin des années 1990 ou peut-être au début des années 2000, alors qu’un groupe en provenance des États-Unis est allé dans une exploitation à Chatham. Ils se sont fait prendre. C’était par hasard, mais on les a attrapés. Ils sont retournés aux États-Unis, et n’ont jamais eu à répondre de leurs actes.
Les médias veulent sans doute jouer sur les deux tableaux, tantôt contre nous, tantôt pour. Cela a certainement eu des répercussions aussi.
Le sénateur Richards : Je vois. Merci.
Vous pourriez peut-être expliquer comment les visons adultes sont euthanasiés. Je suis certain qu’il s’agit d’une méthode bien moins cruelle que de mourir de la maladie de Carré ou d’être écrasé par un grumier.
M. Bollert : Oui, certainement.
L’euthanasie se fait par inhalation de monoxyde de carbone. C’est très semblable à une fuite de monoxyde de carbone dans votre maison. Ils s’endorment, simplement. Cette méthode est considérée comme l’une des méthodes d’euthanasie les plus humaines pour les visons.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup.
La sénatrice Petitclerc : Je remercie beaucoup notre témoin de sa présence. J’ai grandi dans une collectivité agricole. Donc, ce sujet me touche particulièrement.
J’ai une question. Je me demande si cette mesure législative est l’instrument approprié pour combattre le problème des intrusions, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Il porte sur la biosécurité, mais d’après ce que nous avons entendu, le défi est davantage d’empêcher les intrusions. C’est également ce que je retiens de votre propos. Nous avons le Code criminel et les lois provinciales. Dans ce cas, les lois provinciales, les conséquences et les sanctions ne devraient-elles pas être plus sévères? Serait-ce la meilleure façon de contrer le risque d’intrusion? Autrement dit, ce projet de loi est-il l’instrument adéquat pour atteindre notre objectif?
M. Bollert : Nous savons qu’un des auteurs de l’infraction, qui s’est rendu dans plusieurs fermes, fait face à plusieurs accusations pour intrusion, une infraction passible d’une amende allant de 50 $ à 10 000 $. Malheureusement, une amende de 50 $ et une tape sur les doigts sont nettement insuffisantes pour dissuader les gens de pénétrer sur votre propriété.
La sénatrice Petitclerc : Non, je vois cela. Je comprends que ce n’est pas le but ici. J’essaie simplement de souligner que le problème est peut-être le fait que les sanctions ne sont pas adéquates à l’échelon provincial, ce qui, j’en suis consciente, n’est pas... D’accord. Selon vous, un effort en ce sens est-il nécessaire? Les sanctions provinciales devraient-elles être plus lourdes? Cela ne nous empêche pas de faire ce que nous faisons.
M. Bollert : J’ai participé à l’élaboration du projet de loi 156, un projet de loi provincial sur la biosécurité qui vise également à empêcher les intrusions dans les exploitations agricoles. Le cas de la femme qui est allée dans plusieurs élevages s’est passé durant la pandémie. Cet effort a été déjoué, en fin de compte, mais à la même époque, dans le Sud de l’Ontario, un groupe comptant de nombreuses personnes avait l’intention de s’enfermer dans un élevage de dindons. Ils continueront à venir, à moins de mettre en place des sanctions assez importantes et sévères. Ils ne pénètrent pas dans un centre commercial pour le faire fermer. Ils pénètrent dans une ferme pour que vous mettiez fin à vos activités.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
La sénatrice Pate : Monsieur, je vous remercie de votre présence.
Vous avez mentionné un cas précis. Parlez-vous de l’affaire Klimowicz, en Ontario?
M. Bollert : Oui.
La sénatrice Pate : Vous avez parlé d’accusations sans suite. Si j’ai bien compris, c’est parce qu’il s’agissait d’une accusation d’introduction par effraction dans un dessein criminel, et c’est l’impossibilité de prouver l’intention criminelle qui a entraîné l’abandon des accusations. Savez-vous pourquoi ce n’était pas simplement une accusation d’introduction par effraction?
M. Bollert : Cela relève de la Couronne; nous n’avons aucun rôle là-dedans. Il s’agissait d’un chef d’accusation d’introduction par effraction avec l’intention de commettre un acte criminel, et il n’a pas été prouvé que la personne en question était là pour commettre un acte criminel. Toutefois, il a enfreint tous les protocoles de biosécurité. J’aurais aimé avoir un rôle dans ces procédures, mais ce n’était pas le cas, malheureusement.
La sénatrice Pate : Il est inhabituel qu’on n’ait pas cherché à obtenir un plaidoyer de culpabilité à l’infraction moindre et incluse.
Si j’ai bien compris, votre organisme, l’Association des éleveurs de vison du Canada, établit les normes et protocoles pour l’industrie. Est-ce exact? S’agit-il de lignes directrices, par exemple?
M. Bollert : Nous collaborons avec des spécialistes des animaux, des vétérinaires, le gouvernement et les producteurs afin d’élaborer des protocoles, en effet.
La sénatrice Pate : Merci de cette réponse.
Je crois savoir que la Millbank Fur Farm, une visonnière située en Ontario, a plaidé coupable en 2021 à l’accusation de manquement aux normes de soins prescrites par la Loi sur la Société de protection des animaux de l’Ontario et a été condamnée à payer une amende. Cela découle d’une plainte faite par une personne qui avait eu accès à la ferme, mais lors de leur intervention sur place, les autorités ont constaté qu’il y avait d’autres problèmes que ceux qui avaient été signalés. Il y avait des preuves évidentes que les visons présentaient des signes cliniques de « maladie, blessure, douleur ou souffrance ». Les animaux ont eu besoin de soins vétérinaires immédiats ou ont dû être euthanasiés immédiatement, s’ils ne pouvaient pas être traités. Cependant, la visonnière n’avait fait l’objet d’aucun contrôle par vos organismes de surveillance.
Je me demande comment vous comptez empêcher ce genre de choses à l’avenir alors que des protocoles sont en place, en fait, mais qu’ils ne sont pas respectés, et qu’on le découvre seulement lorsqu’une personne s’introduit sur les lieux et fait un signalement, comme dans le cas présent, d’après ce que je comprends. Quelles solutions proposez-vous pour régler de tels problèmes afin de garantir le respect des normes de biosécurité?
M. Bollert : J’aimerais revenir à ce que vous avez dit au début de votre intervention au sujet des accusations portées contre eux, à savoir que des signes de détresse clinique ont été constatés lors de l’inspection. Coïncidence, c’est moi qui ai réalisé l’inspection avec la SPAO ce jour-là, et on n’a recensé aucun cas d’animal... Pas un seul lorsque j’étais là, et j’étais là du début à la fin. Donc, je trouve que c’est une représentation erronée de ce qu’ils ont trouvé.
Quoi qu’il en soit, je ne sais pas où revenir, ce que vous voulez... Pouvez-vous répéter une partie de ce que vous avez dit?
La sénatrice Pate : Je cite la documentation que nous avons reçue à ce sujet. Vous dites qu’on n’a pas observé de souffrance chez les visons, mais selon nos renseignements, on a trouvé dans l’élevage des visons qui avaient des blessures non traitées et purulentes et, souvent, des comportements répétitifs associés à une mauvaise santé psychologique, comme faire les cent pas et tourner en rond à toute vitesse dans leurs cages. Vous affirmez que ce n’est pas ce que vous avez constaté. Dans ce cas, je me demande bien comment vous pouvez exercer une surveillance si, dans les faits, l’organisme de contrôle n’a pas constaté cela, mais que cela figure parmi les motifs de sanctions.
M. Bollert : La personne qui a pris la vidéo, je sais qu’elle a été embauchée à cette fin. Je connais l’affaire. La personne qui a été embauchée s’est présentée sous un faux jour et je sais qu’elle a pris des vidéos. Elle avait sans doute des choses [difficultés techniques] pour donner une image positive, c’est certain. En même temps, je crois savoir qu’il a fait l’objet d’une vingtaine d’accusations différentes, je ne sais pas, et en fin de compte, l’accusation qui a été retenue, je pense, était liée à un manque de paperasse, ou quelque chose du genre.
La sénatrice Pate : Je vois. Dans les informations que j’ai, on parle de souffrance et de négligence animales graves.
La sénatrice Burey : Bonjour, monsieur Bollert. Je vous remercie beaucoup de nous parler de vos expériences. Votre témoignage est très important à entendre.
Dans le cadre des discussions entourant ce projet de loi, les préoccupations relatives à la biosécurité et la corrélation avec les intrusions, nous avons entendu de divers côtés que le projet de loi pourrait porter uniquement sur les intrusions et sur la biosécurité. Je retiens de votre témoignage que vous considérez que ce sont les intrusions qui entraînent les incidents de biosécurité. À cet égard, nous avons également entendu que les normes nationales de biosécurité sont d’application volontaire. Vous avez parlé de la COVID-19 et du fait que tous les producteurs de visons se sont réunis pour veiller au respect des protocoles. Selon vous, ces normes de biosécurité devraient-elles être obligatoires? C’est la première chose. On a beaucoup parlé du fait que les normes sont d’application volontaire. C’est la première question. Deuxièmement, le projet de loi devrait-il s’appliquer à tout le monde, même aux producteurs et aux agriculteurs? C’est la deuxième partie. Les agriculteurs ou producteurs qui ne respecteraient pas les protocoles ou les appliquaient de manière imprudente, seraient-ils alors passibles des mêmes amendes? Donc, il y a deux questions. Les normes de biosécurité doivent-elles être obligatoires? C’est la première question. Ensuite, les sanctions doivent-elles s’appliquer à tout le monde?
M. Bollert : Je ne peux pas me prononcer au sujet d’autres types d’agriculture animale, mais je ne pense pas que ce soit un problème du côté de l’élevage du vison. Je pense que si les normes sont mises en place et appliquées, c’est une bonne chose. Tous les animaux ne s’en porteront que mieux.
La sénatrice Burey : Vous dites donc que les normes en matière de biosécurité devraient être obligatoires?
M. Bollert : Ce serait bien, oui.
La sénatrice Burey : Pour répondre à la deuxième partie de la question, en ce qui concerne les sanctions imposées si les gens ne suivent pas les normes, si vous étiez légalement autorisé à être là, mais que vous l’avez fait de manière imprudente, devriez‑vous être assujetti aux sanctions?
M. Bollert : Je suppose que oui. Je pense certainement que les agriculteurs font du bon travail. Nous ne voyons pas de maladie dans nos élevages de visons. On peut attraper une pneumonie ou quelque chose comme cela, mais avec une maladie extérieure comme la COVID, nous faisons un travail incroyable, si bien que les mesures fonctionnent.
La sénatrice Burey : Je vous remercie.
Le président : Monsieur Bollert, si une éclosion survenait dans votre exploitation agricole, pouvez-vous nous expliquer les mesures qui seraient prises en cas d’épidémie liée à la biosécurité, les protocoles, les personnes à qui vous devez rendre des comptes et ce qu’elles doivent faire? Veuillez nous expliquer les étapes à suivre.
M. Bollert : Habituellement, si vous remarquez des signes cliniques dans votre exploitation, vous les surveillerez évidemment pendant une courte période, puis la prochaine étape est de soumettre des échantillons de vos animaux à l’Université de Guelph. Elle fait ce travail depuis très longtemps, et vous devez passer par votre vétérinaire. Vous consultez votre vétérinaire, et soit il viendra sur place, soit il vous dira d’envoyer immédiatement les échantillons à l’Université de Guelph.
Le président : Qu’advient-il ensuite s’il s’agit d’une éclosion d’une maladie importante?
M. Bollert : Si c’est une pneumonie, par exemple, les experts découvriront quel est le véritable problème et diront à votre vétérinaire quoi faire, et la solution consiste généralement à administrer des médicaments.
Le président : Si vous signalez une maladie plus grave qu’une pneumonie, nous vous dirons s’il y a lieu de faire d’autres signalements. L’ACIA doit-elle être avisée? Agriculture Canada doit-il être avisé? Le monde entier doit-il être avisé?
M. Bollert : S’il y avait une maladie à déclaration obligatoire dans une exploitation agricole et que votre vétérinaire en était informé, je pense que l’Université de Guelph serait tenue de signaler la maladie.
Le président : D’accord.
Le parrain du projet de loi nous a dit que l’une des principales raisons pour lesquelles il a présenté la mesure législative était de protéger la santé mentale des agriculteurs et de leur famille. Si ce projet de loi est adopté, croyez-vous qu’il aura une incidence sur la santé mentale et le bien-être des agriculteurs dans l’industrie du vison?
M. Bollert : Eh bien, mon père a évidemment été le plus touché, mais cela ne vous quitte jamais. Vous êtes toujours sur vos gardes, que ce soit un véhicule arrêté devant la maison et au milieu de la nuit. Si vous vous réveillez, vous vérifiez constamment les caméras, ou j’ai fait un tour en voiture sur la ferme au milieu de la nuit. C’est très stressant. Nous essayons de faire des affaires, et c’est un travail quotidien 24 heures sur 24, sept jours sur sept, ce qui exige beaucoup de temps et d’efforts et, au final, vous devez vous inquiéter de quelqu’un qui se promène dans votre ferme la nuit. C’est toujours une inquiétude qui vous trotte dans la tête.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice McBean : Monsieur Bollert, vous est-il arrivé — ou c’est peut-être arrivé à l’un de vos collègues ou à d’autres agriculteurs — que des personnes qui travaillent dans vos exploitations appliquent des mesures de biosécurité laxistes, qu’elles soient peut-être nonchalantes à leur arrivée dans l’exploitation?
M. Bollert : Je ne peux pas parler pour d’autres fermes, mais nous n’avons même pas de visiteurs. À part notre vétérinaire, qui nous rend visite, personne ne vient à la ferme. Selon nos protocoles, si vous passez par la porte de derrière, vous vous engagez à respecter nos protocoles. L’enjeu est trop important pour permettre à quelqu’un d’entrer de son propre chef.
La sénatrice McBean : Donc, si vous receviez quelqu’un à votre exploitation, comme un nouvel ouvrier agricole ou un vétérinaire, qui n’a pas respecté vos mesures de biosécurité, que diriez-vous?
M. Bollert : Ils ne seraient pas autorisés à entrer dans l’exploitation. Ils ne seraient pas autorisés à revenir au travail.
La sénatrice McBean : Merci.
La sénatrice Simons : Si vous le permettez, je veux revenir sur la question de la sénatrice Burey et du sénateur Black, car je pense que bon nombre d’entre nous ont été surpris il y a quelques semaines lorsque des témoins de l’ACIA nous ont expliqué que les mesures de biosécurité au Canada sont toutes volontaires et que la violation de ces protocoles n’est aucunement à déclaration obligatoire. Je veux mieux comprendre. Je suis désolée si ma question ressemble un peu à celle du sénateur Black, mais si les règles sont volontaires, je trouve difficilement envisageable d’imposer une amende à un intrus pour des règles que la ferme n’est pas obligée de suivre.
Vous êtes très impliqué dans votre organisme-cadre. Pouvez‑vous me parler un peu de la façon dont votre organisme fait appliquer ses propres protocoles? Pouvez-vous me dire si vous effectuez des inspections ponctuelles? Comment savez‑vous si vos membres respectent vos codes volontaires?
M. Bollert : Il y a deux choses différentes ici. Il y a les codes de pratique, qui sont volontaires également, mais il y a les protocoles de biosécurité. Les protocoles de biosécurité ne sont certainement pas appliqués. Nous respectons le fait que les agriculteurs le font et, encore une fois, nous savons qu’il n’y a eu que ces quelques cas en Colombie-Britannique où il avait la COVID. Les Codes de pratique du Conseil national pour le soin des animaux sont... nous avons une certification, c’est-à-dire que nous ne pouvons pas vendre nos peaux n’importe où dans le monde sans être certifiés. C’est une agence d’inspection tierce et indépendante qui effectue des inspections dans votre ferme. Il ne s’agit pas de protocoles de biosécurité, mais de soins humains apportés aux animaux.
La sénatrice Simons : Elle s’intéresse davantage aux soins humains. S’intéresse-t-elle aussi à la biosécurité ou se concentre‑t-elle surtout sur les soins humains?
M. Bollert : Je pense qu’il y a quelques aspects dans les codes de pratique qui abordent la biosécurité, mais il est surtout question de soins humains.
La sénatrice Simons : C’est ce qui me pose problème. J’étais peut-être naïve, mais j’ai été franchement choquée quand l’ACIA nous a dit que tout cela était volontaire. Je veux comprendre. Si c’est volontaire, je trouve qu’il est hypocrite d’imposer d’énormes amendes aux gens qui enfreignent les protocoles que la ferme elle-même ne suit peut-être pas. Je suis désolée si je me répète. Comment savez-vous que vos collègues éleveurs de visons respectent les protocoles de biodiversité? Y a-t-il des inspections ou des mesures? Y a-t-il de la formation? Vous réunissez-vous pour discuter des pratiques exemplaires en matière de biosécurité?
M. Bollert : Je ne peux pas dire que nous en sommes sûrs, évidemment, mais nous avons des tables rondes et des discussions tous les quelques mois avec nos vétérinaires, qui parlent principalement de la grippe aviaire ou de la COVID et de leur propagation. Nous savons qu’elle est toujours présente et qu’elle constitue une menace. C’est pourquoi ces protocoles précis sont certainement utilisés parce que nous n’avons pas eu de cas.
La sénatrice Simons : C’est dans leur intérêt éclairé que les gens agissent ainsi, parce qu’ils veulent protéger leur production.
M. Bollert : Exactement. Nous avons des investissements importants, de toute évidence, et la dernière chose que vous voulez, c’est d’avoir une épidémie dans votre ferme. Vous devez donc veiller sur votre investissement.
La sénatrice Simons : C’est exact. Bien entendu, la dernière chose que nous souhaitons tous, c’est que le vison soit à l’origine de nouvelles infections de COVID. Comme vous pouvez le voir, j’applique encore des protocoles que tout le monde a abandonnés, mais je m’inquiète non seulement de l’incidence sur les agriculteurs, mais aussi de l’incidence sur la population humaine, de maladies comme la grippe aviaire et la COVID qui peuvent revenir.
[Français]
La sénatrice Oudar : En fait, je voulais poser la même question que vous avez posée au sujet de la santé mentale, question que j’ai posée à d’autres témoins dans les semaines précédentes. Je me tourne donc vers un autre sujet qui n’a pas été abordé : la communication.
Dans toutes les activités que vous faites en matière de communication, notamment les tables rondes, en qualité de président d’une association — vous êtes président sortant, je crois —, pouvez-vous nous dire si des mesures de dialogue ont été mises en place? Si oui, quelles sont-elles? Avec les personnes animées d’intentions qu’elles pensent bonnes qui s’introduisent sur ces propriétés, je constate que cela a porté atteinte à la vie de vos bêtes et que cela a mis vos animaux en danger. Vous nous avez indiqué aussi que la majorité des animaux relâchés ne sont pas en mesure de survivre. Finalement, les actions de ces personnes ont eu des dommages extrêmement importants sur les animaux. Au fond, on peut même dire que c’est une forme d’atteinte à la vie des animaux.
Quel genre de dialogue social avez-vous avec les associations? Y a-t-il une prise de conscience des dangers, parce qu’il y a eu des cas... Vous avez parlé de la maladie de Carré et de décès des animaux. Je déplore qu’il n’y ait pas eu d’accusations. Que fait votre association ou votre ancienne association? Quel type de communication peut-on établir pour avoir l’autre côté de la médaille dans les communications? Pour l’instant, c’est vrai qu’ils occupent l’ensemble des plateformes médiatiques.
[Traduction]
M. Bollert : Je dois dire dans un premier temps que c’est une longue question. Je ne sais pas trop par où commencer.
En ce qui concerne les communications avec les médias, pour chacun de nos signalements, la nouvelle était là. Ils ne savaient certainement pas ce qui se passait à ce moment-là, mais ces agriculteurs s’efforçaient de rassembler leurs animaux et de trouver les meilleures mesures à prendre. Ils avaient les médias à l’époque. Nous avions des journalistes qui parlaient évidemment. En ce qui concerne les communications, je ne sais quoi dire. Je suis désolé.
[Français]
La sénatrice Oudar : Au Québec, il existe certains médias — La Terre de chez nous, par exemple — qui expriment davantage le point de vue des agriculteurs et des producteurs. Tout à l’heure, vous avez mentionné que les médias agissent en votre défaveur; est-ce qu’on parle de tous les médias? Y a-t-il des axes de communication qui pourraient être utilisés pour faire valoir les faits? Ce sont des faits prouvés que vous avez mis sur la table aujourd’hui. Qu’est-ce que vos associations peuvent faire à cet effet, selon vous?
[Traduction]
M. Bollert : Bien. Nous avons donc des médias qui nous soutiennent. C’est indéniable. Nous avons des journalistes qui travaillent pour l’Association des éleveurs de visons du Canada qui sont certainement en mesure de raconter notre version des faits, et la majorité de ces médias seront assurément à l’écoute. Je ne sais pas si je réponds à votre question. Merci.
Le président : Comme il n’y a plus d’autres questions, monsieur Bollert, je vous remercie de votre participation aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage et de votre opinion.
Je veux également remercier les membres de notre comité de leur participation active et de leurs questions toujours réfléchies et, comme toujours, j’aimerais remercier les gens qui nous soutiennent, derrière nous : les interprètes, les équipes des débats qui transcrivent les délibérations, le préposé à la salle des comités, le personnel des services multimédias, les techniciens, l’équipe de radiodiffusion, le centre d’enregistrement, la DSI et notre page Maïssa. Je vous remercie.
Chers collègues, êtes-vous d’accord pour que nous suspendions quelques minutes pour mettre fin à la partie publique de cette réunion et que nous poursuivions à huis clos en vue d’examiner nos travaux futurs?
Des voix : D’accord.
(La séance se poursuit à huis clos.)