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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2022

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour reprendre l’étude sur la teneur des éléments des sous-sections A et B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022; pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones; et, à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Note de la rédaction : Certains passages ont été présentés par l’intermédiaire d’un interprète.]

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à souligner que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je suis le sénateur Brian Francis, micmac d’Epekwitk, région mieux connue sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je préside le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Avant de commencer notre réunion, j’aimerais vous demander à vous tous ici présents de ne pas vous pencher trop près de votre micro ou, si vous le faites, d’enlever votre oreillette. C’est pour éviter la rétroaction acoustique, qui pourrait incommoder le personnel du comité dans la salle.

Je demanderais maintenant aux membres du comité de se présenter en ayant soin de préciser la province ou le territoire qu’ils représentent.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Christmas : Bonsoir. Dan Christmas, de la Première Nation de Membertou, en Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sandra Lovelace Nicholas, de Wolastoqiyik, au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

La sénatrice Pate : Kim Pate, d’ici même sur les rives de la Kitchissippi, territoire qui n’a été ni cédé ni abandonné par les Algonquins.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, du Québec, division sénatoriale des Laurentides.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le président : Aujourd’hui, nous allons d’abord reprendre notre étude sur la teneur des éléments des sous-sections A et B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-32, également connu sous le nom de Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2022. Ces dispositions portent sur l’adoption de la Loi sur l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations et à l’abrogation de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

J’aimerais maintenant vous présenter nos témoins. Nous recevons aujourd’hui l’honorable Marc Miller, c.p., député, ministre des Relations Couronne-Autochtones, et l’honorable Patty Hajdu, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones.

Les ministres sont accompagnés de deux fonctionnaires : Lisa DeMoor, gestionnaire, Développement des terres communautaires, Terres et Développement économique, de Services aux Autochtones Canada; et Roxanne Gravelle, gestionnaire, Direction de la mobilisation et des politiques, Direction générale des institutions autochtones et de la modernisation de la gouvernance, Résolution et partenariats, de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.

Wela’lin, et merci aux témoins d’être ici ce soir.

Le ministre Miller et la ministre Hajdu feront chacun une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, après quoi nous passerons à une période de questions et réponses d’environ cinq minutes par sénateur. Comme notre temps est limité, je vous demanderais d’être brefs et concis dans vos échanges. Pour éviter de vous interrompre ou de vous couper la parole, je brandirai ce carton une minute avant la fin de votre temps de parole.

J’invite maintenant le ministre Miller à faire sa déclaration liminaire.

L’hon. Marc Miller, c.p., député, ministre des Relations Couronne-Autochtones, Relations Couronne-Autochtones : Wela’lin, monsieur le président.

Kwe-kwe, bonjour. Je vous remercie de reconnaître le territoire sur lequel nous nous trouvons et le peuple algonquin anishinabe.

[Français]

Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître ce soir devant le comité pour parler de notre travail visant à abroger et à remplacer la Loi sur la gestion des terres des premières nations, une initiative qui a réellement été dirigée par des partenaires des Premières Nations et élaborée conjointement avec eux.

Depuis 2015, notre gouvernement est guidé par les principes de l’autodétermination et de l’autogouvernance des peuples autochtones. Depuis juin 2021, avec l’adoption du projet de loi C-15, le gouvernement du Canada s’est engagé à travailler avec les peuples autochtones pour examiner et réformer les lois du Canada, conformément à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

[Traduction]

Il s’agit, entre autres, d’appuyer de nouvelles options pour la gestion des terres des Premières Nations, ce qui est justement l’objet de la discussion d’aujourd’hui.

À titre de rappel historique, en 1996, 13 chefs se sont réunis pour signer l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations. En 1999, l’accord a été ratifié par le Canada par le biais de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Cette loi et l’accord-cadre agissent conjointement pour soutenir les Premières Nations dans leur transition vers l’abandon des 44 dispositions de la Loi sur les Indiens concernant les terres. Je signale d’ailleurs que la communauté du sénateur Christmas, de Membertou, a atteint cet objectif.

Grâce à l’accord-cadre, les Premières Nations ont la pleine compétence, l’autorité juridique et les pouvoirs législatifs pour gérer leurs terres de réserve par l’entremise de codes fonciers élaborés de façon unique et approuvés par la communauté. À ce jour, 194 Premières Nations ont signé l’accord-cadre et 101 d’entre elles ont adopté un code foncier approuvé par la communauté. Trois autres Premières Nations ont également conclu des accords intégraux d’autonomie gouvernementale.

Monsieur le président, comme vous l’avez entendu de la part du Conseil consultatif des terres et du Centre de ressources le 22 novembre, il reste du travail à faire. Les Premières Nations ont clairement indiqué que la loi actuelle ne répond pas à leurs besoins et à leurs attentes. Pour dire les choses simplement, la Loi sur la gestion des terres des premières nations fait double emploi avec certains articles de l’accord-cadre et exige la supervision du gouvernement fédéral. Ce chevauchement a créé une confusion constante parmi les Premières Nations et les autres partenaires au sujet de la mise en œuvre de la loi.

[Français]

C’est pour cela que le gouvernement a élaboré conjointement le projet de loi visant à abroger et à remplacer la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Cela a été fait en collaboration avec le Conseil consultatif des terres, l’organisation autochtone qui représente les Premières Nations signataires de l’accord-cadre. Le projet de loi que nous proposons est plus court, plus simple et donne force de loi à l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations, document signé par les chefs il y a 26 ans.

Le fait de donner plus de pouvoir à l’accord-cadre simplifierait le processus de modification en éliminant la nécessité d’apporter des modifications simultanées à la législation fédérale pour chaque modification apportée à l’accord.

[Traduction]

Ce changement devrait nous permettre de situer l’accord-cadre comme l’autorité centrale par laquelle les Premières Nations peuvent choisir de gouverner leurs terres. L’abrogation et le remplacement de la loi nous permettraient d’éliminer les chevauchements, le langage confus et la bureaucratie, et d’offrir aux Premières Nations la clarté dont elles ont tant besoin, en leur permettant tout simplement d’exercer leurs propres pouvoirs d’autodétermination.

Lors de la réunion spéciale tenue le 15 mars 2022, une ébauche de consultation de cette mesure législative a été présentée aux Premières Nations signataires de l’accord-cadre, et elle a été approuvée. De plus, le projet de loi est conforme aux articles 26, 32 et 34 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui traitent des droits des peuples autochtones sur leurs terres.

En conclusion, je tiens à souligner qu’il s’agit d’une initiative dirigée par les Premières Nations. Le Conseil consultatif des terres, le Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations et les Premières Nations signataires ont accompli un travail considérable pour élaborer le projet de loi. Les Premières Nations de tout le pays ont manifesté leur appui à cette mesure législative lors du processus de mobilisation.

Monsieur le président, je conclurai en disant que le projet de loi appuiera l’autodétermination et les droits inhérents des Premières Nations, et je suis prêt à répondre à toute question que le comité pourrait avoir au sujet du projet de loi C-32. Meegwetch, merci.

Le président : Merci, monsieur Miller.

L’hon. Patty Hajdu, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones, Services aux Autochtones Canada : Kwe-kwe, bonjour. Je me réjouis d’être parmi vous aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin. Je viens de la Première Nation de Fort William, qui est signataire du Traité Robinson-Supérieur.

Je suis ravie d’avoir l’occasion de comparaître devant le comité pour discuter de la gestion des terres des Premières Nations, et je souhaite exprimer tout mon appui au travail d’abrogation et de remplacement de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

Depuis que je suis devenue ministre des Services aux Autochtones, j’ai entendu directement des chefs, des dirigeants, des aînés, des familles et des membres des communautés des Premières Nations s’exprimer sur la façon dont le contrôle des terres est essentiel pour promouvoir le développement économique, améliorer les conditions de logement, favoriser des systèmes de santé plus équitables et relever beaucoup d’autres défis.

L’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations fournit un mécanisme officiel permettant aux Premières Nations de prendre le contrôle de leurs terres et de faire avancer leurs priorités pour les membres de leur communauté. La version révisée de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, dont vous êtes saisis aujourd’hui, réaffirmera le principe de nation à nation qui était à la base de l’accord-cadre, en plus de réaffirmer l’engagement du Canada à faire en sorte que les Premières Nations soient entièrement maîtres de leurs propres terres, codes et lois.

Des progrès considérables ont été réalisés pour faire avancer la gestion des terres des Premières Nations depuis l’entrée en vigueur de la précédente Loi sur la gestion des terres des premières nations. Grâce au leadership de partenaires clés comme le Conseil consultatif des terres et le Centre de ressources, la loi précédente a permis à 194 Premières Nations d’adopter leurs propres codes fonciers. Les mesures législatives proposées continueront de soutenir et de faire avancer le travail effectué avec les Premières Nations aux termes de l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations et capitaliseront sur tout le travail qui a pu être accompli en vertu de la loi précédente.

C’est un travail qui devrait nous réjouir, car je pense qu’il illustre l’amélioration des relations entre le Canada et les Premières Nations. Il s’aligne assurément sur les principes que j’ai demandé au ministère de prendre en considération dans tout son travail : l’honnêteté, l’équité et l’autodétermination.

Tout d’abord, l’honnêteté. En 1996, le Canada a signé l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations et, depuis, nous nous sommes efforcés de respecter l’esprit de cette entente. Aujourd’hui, nous tâchons de tenir les promesses faites dans le cadre du budget de 2022 et de l’énoncé économique de l’automne, c’est-à-dire de donner force de loi à l’accord-cadre en abrogeant et en remplaçant la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

Deuxièmement, l’équité. Le Canada doit être un partenaire pour assurer une véritable équité. Cela signifie qu’il faut réduire le rôle de Services aux Autochtones Canada partout où nous le pouvons. C’est précisément ce que permet l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations : il soutient les Premières Nations dans leur transition vers l’abandon des 44 dispositions de la Loi sur les Indiens et la réaffirmation de l’autorité qu’elles ont sur leurs terres et leurs ressources.

Finalement, l’autodétermination. Les communautés des Premières Nations doivent avoir l’autonomie nécessaire pour tracer leur propre chemin. C’est dans cette optique que mon ministère travaille en étroite collaboration avec le Conseil consultatif des terres et le Centre de ressources afin d’aider les Premières Nations à se dissocier de la Loi sur les Indiens.

Lorsqu’une Première Nation devient opérationnelle en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, elle s’affranchit de la Loi sur les Indiens et prend le contrôle de la gestion des terres et de l’environnement. De plus, le soutien aux communautés participantes est de plus en plus assuré par nos partenaires des Premières Nations du Centre de ressources. Notre soutien à la gestion des terres des Premières Nations s’inscrit directement dans l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard du transfert de services et des outils qui permettent l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale.

En terminant, monsieur le président, j’ai hâte de voir l’incidence positive que ces changements auront pour continuer à faire progresser la prospérité, l’autodétermination et l’équité dans les communautés à travers le pays. Meegwetch, merci.

Le président : Merci, madame la ministre.

Avant de passer aux questions, je tiens à rappeler à toutes les personnes présentes dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’elles le font.

Le sénateur Christmas : Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie d’être ici, ce soir, et d’expliquer les raisons qui motivent la révision de la loi.

Je suis conscient du fait que vos déclarations liminaires ne vous donnaient pas suffisamment de temps pour le faire, mais pourriez-vous expliquer au comité pourquoi il était nécessaire de remplacer la Loi sur la gestion des terres des premières nations par cette nouvelle version révisée?

M. Miller : Bien entendu, vous connaissez les raisons pour lesquelles elle a été élaborée en premier lieu. Pour dire les choses simplement, il s’agit d’un petit lot de mesures législatives dans le grand portrait d’ensemble.

Il ne s’agissait pas seulement d’éviter le double emploi, mais de centrer l’autorité et la prise de décisions sur les Premières Nations et de mettre l’accent sur l’accord-cadre afin qu’il devienne le mécanisme par lequel les nations membres qui choisissent de le faire — et je pense que le mot « choix » est important à souligner — se gouvernent elles-mêmes et qu’elles n’aient pas à subir la main lourde du gouvernement fédéral, d’une autorité qui ralentit les choses et respire dans le cou des gens. Le ministre exerce toujours une autorité, mais il s’agit beaucoup plus d’une autorité administrative que ce que nous avons fait jusqu’ici, c’est-à-dire un examen visuel et factuel serré qui nous obligeait à retourner au Parlement pour des changements mineurs.

Pour plus de clarté, je tiens à souligner que lorsque nous parlons de titres de propriété et de registres fonciers, une étape supplémentaire devra être franchie — une étape qui ne fait pas partie de cette loi — lorsque les communautés déplaceront ce processus de prise de décisions dans et autour des registres fonciers, ce qui a été une demande supplémentaire du conseil lui-même. Cela ne fait pas partie de cette discussion, mais c’est la prochaine étape à franchir.

Le sénateur Christmas : D’après ce que j’ai compris, cette nouvelle loi donnerait la préséance à l’accord-cadre qui a été signé en 1996, et ce document aurait alors la préséance dans cette loi sur le précédent.

M. Miller : C’est une bonne description de ce qu’il en est.

La sénatrice Coyle : Merci à nos témoins d’être là, ce soir. C’est merveilleux d’avoir nos deux ministres ici avec nous.

Monsieur le ministre Miller, vous avez dit que cette initiative est dirigée par les Premières Nations. Pourriez-vous décrire un peu plus en détail ce que vous entendez par là et quel a été le processus de cette initiative que les Premières Nations ont dirigée et qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui?

M. Miller : Je pense que ce que nous avons entendu dès le début de la réforme, c’était qu’il fallait s’assurer que les Premières Nations seraient présentes à la table et qu’elles allaient participer à l’élaboration de cela et faire avancer ces changements d’une manière qui allait vraiment tenir compte du sentiment qu’elles avaient, à savoir que cette loi devait être fidèle à la perception actuelle de l’autodétermination — ce qu’elles savaient déjà — et, essentiellement, à cette notion que nous devions en quelque sorte nous enlever du chemin. Je ne vais pas substituer ma pensée à celle des rédacteurs originaux, mais je pense que la façon de penser du Canada n’est plus la même aujourd’hui que ce qu’elle était au milieu des années 1990.

Mme Gravelle a participé à ce processus, alors si vous pouviez lui accorder quelques minutes, elle pourrait probablement vous donner une idée des détails. Il s’agit d’un projet assez vaste.

Roxanne Gravelle, gestionnaire, Direction de la mobilisation et des politiques, Direction générale des institutions autochtones et de la modernisation de la gouvernance, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord : Merci beaucoup, monsieur le ministre, et merci de la question.

Oui, cette démarche a été entièrement dirigée par les Premières Nations signataires de l’accord-cadre. Le Conseil consultatif des terres a fait partie de ce processus du début à la fin. Nous avons essentiellement commencé par rédiger ensemble des principes, et nous avons abouti aux mesures législatives que vous avez devant vous aujourd’hui en fournissant un projet de consultation, en tenant de multiples réunions et discussions et en parvenant à un consensus sur le contenu du projet de loi. Ce processus a été très largement dirigé par les Premières Nations et il a été une expérience vraiment enrichissante pour nous tous.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci d’être ici ce soir.

La première chose que je dois dire est : quelle terre? Comme vous le savez, nos terres ont été prises, volées, sans jamais être remplacées. Là où je vis au Nouveau-Brunswick, il n’y a pas d’endroit pour construire une maison parce qu’il n’y a pas de terre. Cet accord est-il une garantie que tous ceux qui veulent avoir une maison auront une maison? Ma question s’adresse à qui voudra bien y répondre.

Mme Hajdu : Malheureusement, non, sénatrice. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il ne s’agit pas de garantir que tous ceux qui veulent avoir une maison en auront une. Il s’agit de rationaliser et de réduire les chevauchements dans la loi afin que les collectivités puissent établir leurs propres lois sur ce qui se passera sur leurs terres. Il pourrait s’agir, par exemple, de choses concernant la responsabilité financière pour les revenus qu’une Première Nation tire de ses terres. Il pourrait s’agir de l’élaboration et de la publication de lois sur les terres des Premières Nations, y compris des lois sur les conflits d’intérêts. Ce pourrait être la mise en place d’un processus communautaire pour l’élaboration des règles et procédures applicables aux terres lors de la rupture d’un mariage ou d’un processus de règlement des différends. Ce ne sont là que quelques-unes des choses qu’un code foncier pourrait contenir.

Si vous me le permettez, je vais me tourner vers ma collègue et elle pourra vous en dire plus long sur le travail que nous faisons avec nos partenaires en ce qui a trait aux codes fonciers.

Lisa DeMoor, gestionnaire, Développement des terres communautaires, Terres et développement économique, Services aux Autochtones Canada : Comme l’a dit la ministre — et je vous remercie de la question — cela ne règle pas les problèmes de logement, mais cela facilite le développement sur les terres de réserve puisque cela cautionne un détachement de la Loi sur les Indiens et un affranchissement de certaines règles de la Loi sur les Indiens qui, il faut le reconnaître, prennent beaucoup de temps. Les Premières Nations peuvent procéder beaucoup plus rapidement en matière de développement. Elles sont mieux soutenues pour planifier l’utilisation des terres afin de déterminer l’emplacement des nouveaux logements, des nouveaux biens communautaires et des nouveaux projets de développement économique. Le contrôle des terres de réserve est ainsi remis entre les mains de la communauté, ce qui peut aider à favoriser les possibilités de développement social et économique.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci de cette réponse. Avant, quand nous défrichions une terre, elle était à nous parce que nous l’entretenions. C’était il y a longtemps, avant votre époque. Je veux juste savoir pourquoi il est si important maintenant que nous ayons cette gestion des terres alors qu’il n’y a pas de terres.

M. Miller : Sénatrice, vous avez posé des questions philosophiques profondes et difficiles concernant la garde et l’identité de la terre dont vos peuples ont été dépouillés que, malheureusement, ce texte de loi n’aborde pas. Ce sont des enjeux plus fondamentaux. La réflexion autour de ce projet de loi, c’est que, en ce qui concerne la quantité minuscule, ce petit pourcentage de terres qui ont été « réservées » pour les Premières Nations de ce pays, même ce contrôle, ces soins et cette garde n’ont pas été accordés aux peuples autochtones. Ce sont des choses que vous savez bien. Je ne pense pas être en train d’apprendre quoi que soit à qui que ce soit dans cette salle.

Il s’agit d’un effort pour sortir de ce cadre strict, suivre l’esprit d’autodétermination contenu dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et honorer le droit inhérent de vos peuples à contrôler et à avoir la garde des terres dans les limites des terres qui leur ont été réservées. Le projet de loi n’aborde pas la question plus vaste des ajouts aux réserves, qui — je le précise pour les besoins de ce comité — est peut-être la pire façon de rendre des terres aux communautés. Même à ce chapitre, nous échouons lamentablement. Cela fait partie d’une discussion plus large sur qui s’occupe des terres, comment elles ont été prises et comment le Canada a été construit sur une réalité que beaucoup d’entre nous passent beaucoup de temps à nier. Je reconnais le bien-fondé de cette question, et j’espère que la ministre Hajdu et moi-même y avons répondu adéquatement, compte tenu de nos connaissances.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous remercie.

Le sénateur Tannas : Madame la ministre, vous ne serez pas surprise de ma question. J’ai demandé aux personnes du conseil qui étaient ici — le chef Louie, son collègue et leur avocat — de quoi il s’agissait vraiment. Je pense que tout le monde comprend qu’il s’agit de reconnaître que cette parcelle n’est pas déléguée, mais qu’elle est cédée, comme si elle nous avait déjà appartenu ou aurait dû nous appartenir. Ce mécanisme, l’accord-cadre, est un mécanisme par lequel ils peuvent assumer leurs droits et exercer leur compétence, leur souveraineté, peu importe comment vous voulez l’appeler, sur les terres qu’ils possèdent. Nous étions tous d’accord pour dire que c’était cela, et que c’était un jour heureux. Je pense que c’est un jour heureux.

Je ne veux pas être pédant, mais le fait est que dans la discussion que nous avons eue avec le conseil, nous avons parlé de la bureaucratie et parfois des années qu’il fallait pour faire des choses simples. En tant que membres de ce comité, nous en entendons souvent parler. Il y a trop d’intervenants dans vos services. Ils ont pris beaucoup plus de place au cours des dernières années, alors que votre ministère s’affairait à transférer des responsabilités aux gouvernements des Premières Nations. À un moment donné, il y a tellement de gens dans l’organisation qu’ils finissent par vous gêner. Ils vont à des réunions, créent des réunions, doivent vérifier et revérifier des choses.

Des 8 800 personnes que vous avez dans vos ministères combinés, combien ne seront plus nécessaires pour surveiller quoi que ce soit avec cela? Il doit y en avoir. Y a-t-il un plan? Est-ce qu’il y a quelqu’un qui dit que, parce qu’un tiers des Premières Nations ont repris leurs droits, un tiers des gens doivent aller faire autre chose ailleurs au gouvernement? Est-ce que c’est ce qui se passe? Si la réponse est non, pourquoi est-ce le cas?

Mme Hajdu : Eh bien, écoutez, en tant que ministres, nous travaillons principalement avec un seul fonctionnaire, et c’est notre sous-ministre. Comme vous le savez, le ministre des Finances a été très clair dans sa recherche d’économies, en particulier en ce qui concerne la taille de nos administrations, et je pense que c’est quelque chose que nous prenons tous très au sérieux.

Il y a, évidemment, un processus de transition pour les communautés, et il y a encore des mesures de soutien dont les communautés ont besoin pour différentes raisons. Les communautés ont encore des droits dans le domaine de la santé, par exemple, où nous avons un très grand nombre d’employés qui fournissent un soutien par l’intermédiaire de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits. Ces gens font un grand nombre de choses, comme prodiguer des soins infirmiers communautaires, administrer des politiques, assurer la prestation directe de soins et le soutien pour toutes sortes de besoins en matière de santé. Ce n’est pas une réponse facile à donner, car il y a dans nos deux ministères respectifs, mais en particulier dans le mien, des professionnels qui travaillent directement chaque jour avec les communautés des Premières Nations. Je suis certaine que nous serons en mesure de réduire notre effectif à mesure que les communautés se feront plus indépendantes.

Je pense qu’il serait bon de parler à Mme DeMoor de ce que fait le ministère pour analyser ses capacités et pour déterminer si des réductions de personnel sont oui ou non envisageables.

Le sénateur Tannas : C’est formidable, et j’aimerais effectivement lui parler. En fait, je cherche simplement à savoir — nous commençons à l’entendre, et je m’attends à ce que nous l’entendions davantage — comment vous vous en sortez. Comment faites-vous pour vous assurer de vous « tasser du chemin » lorsque de grands événements comme celui-là se produisent?

Mme Hajdu : Avant de me tourner vers Mme DeMoor, nous venons de parler des ajouts aux réserves. Comme beaucoup d’entre vous le savent ici, les ajouts aux réserves sont extrêmement compliqués et nécessitent des interactions avec 15 ministères fédéraux ou plus, et ce, avant même de commencer à parler aux provinces et aux territoires. Une partie du problème concernant les ajouts aux réserves, c’est que nous n’avons pas la main-d’œuvre physique nécessaire pour traiter le nombre d’ajouts aux réserves qui s’accumulent dans nos deux ministères respectifs. Nous devons trouver un équilibre afin de nous assurer que nos tentatives de réduire la taille de l’effectif ne se traduisent pas par quelque ralentissement des processus.

Mme DeMoor : Merci, madame la ministre, et merci pour votre question.

Je pense qu’il est important de souligner — et la ministre en a parlé — les répercussions à court et long termes. Le but est assurément de ne plus faire obstacle. À court terme, la relation entre Services aux Autochtones Canada, les fonctionnaires du ministère et les Premières Nations évoluera, de sorte que les fonctionnaires cesseront de gérer les terres au nom des Premières Nations. Je sais que M. McCue vous a parlé la semaine dernière de cas dans lesquels le ministère assure la gestion des terres sans même que la Première Nation y participe. On passe de ce genre de situation à une relation de nation à nation en vertu de laquelle, à l’étape du développement, le personnel de Services aux Autochtones travaille avec la Première Nation pour la soutenir et élaborer une entente individuelle qui établit les modalités du transfert de compétence. L’adhésion à la gestion des terres des Premières Nations a été si importante au cours des cinq dernières années, que nous avons ajouté, je pense, environ dix nouvelles Premières Nations par an. Nous avons encore besoin d’employés de Services aux Autochtones dans les bureaux nationaux et régionaux, mais avec le temps, il sera sans doute possible de réduire leur nombre. Nous espérons que l’adhésion restera élevée, et nous devrons donc probablement continuer de travailler avec les collectivités pour les soutenir à l’étape du développement, du moins à court terme.

Le président : Je tiens à vous rappeler à tous que notre emploi du temps est serré. Beaucoup de sénateurs veulent poser des questions. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir répondre de manière aussi concise que possible.

La sénatrice LaBoucane-Benson : J’ai une question pour chacun d’entre vous.

Monsieur le ministre, je constate qu’en Alberta, aucune réserve — des Premières Nations — n’est partie à cet accord-cadre. Y en a-t-il une maintenant? Woodland? D’accord. Je pense que le problème est que les Premières Nations se demandent si le fait d’adhérer à l’accord-cadre contreviendrait à leurs droits issus de traités. Est-ce le cas? Dans la négative, quelle stratégie employez-vous pour établir un climat de confiance avec ces nations, pour les convaincre qu’elles pourront se charger de leurs propres enfants et établir leurs propres lois sur la protection de l’enfance ou code foncier?

M. Miller : Je pourrais parler de cette question pendant des heures, sénatrice.

Les traités ont préséance sur cet accord-cadre. Il suffit de consulter la Constitution pour y lire ce qui est écrit en toutes lettres à l’article 35, même si, souvent, nous n’avons pas suivi et respecté les promesses faites dans les traités. C’est une réaction humaine et compréhensible lorsque vous vous asseyez en face de quelqu’un et que vous lui dites : « Faites-nous confiance, nous avons ce nouveau grand projet », et qu’il vous regarde et vous répond : « Vous nous devez 100 $ en prestations agricoles et en annuités ». Je ne ferais pas confiance à une telle personne. On ne peut pas s’attendre à obtenir cette confiance sans travailler pendant des années à l’établissement d’une relation. C’est l’un des principaux obstacles au développement de toute relation, et c’est particulièrement vrai dans le cas des Premières Nations. Il n’y a pas de réponse simple à ce problème.

Nous devons comprendre ce que représentent les traités et ne pas rester les bras croisés. Souvent, lorsqu’on invoque un traité, c’est pour dire au Canada que nous l’avons enfreint ou pour dire aux provinces qu’elles ne le respectent pas, et ces conversations ne sont pas nécessairement positives. Elles ne portent pas sur l’esprit et l’intention du traité, ou sur la relation et sur la manière de la faire évoluer vers une interprétation moderne de nos interactions. Ces conversations servent plutôt de bouclier, et c’est également normal. Lorsque des personnes viennent leur dire qu’elles gèrent leurs terres d’une certaine manière, je comprends leur réaction. Cela ne convient pas à tout le monde. C’est un choix, et les Premières Nations qui l’ont fait ont vu leurs collectivités prospérer dans les limites de ces choix. Chez les Premières Nations visées par un traité, il y a une certaine réticence. Il y en a quelques-unes, et je ne vais pas évaluer tous les signataires de traités parce qu’ils sont tous différents, et qu’il existe différentes conceptions de la façon dont les traités sont invoqués et exprimés. Cependant, je pense qu’à l’avenir, nous devons comprendre que, lorsque nous nous souhaitons introduire des idées nouvelles et novatrices, nous devons tenir compte de notre passé et des promesses que nous avons faites avant de conclure des traités modernes ou autres.

J’ai occupé le rôle qu’occupe maintenant ma collègue, et la première chose que nous entendons souvent est : « J’ai besoin d’un hôpital », « J’ai besoin d’une route », « J’ai besoin de ce type de service » ou « J’ai besoin que vous respectiez le traité ». Dans le cas du Traité no 6, en particulier, mais aussi d’autres régions visées par des traités, le droit à la santé invoqué est souvent accordé par le Canada dans le cadre d’un programme prévoyant des formules et des portions à l’égard desquelles les Premières Nations n’ont pas eu leur mot à dire. Vous le savez bien, mais c’est, à mon avis, l’un des obstacles à la participation, en particulier dans les Prairies.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Madame la ministre, je sais que le Centre de ressources est censé aider les autres nations à rejoindre ce processus et à élaborer leurs propres codes. Comment est-il financé? Ceci m’intéresse également dans le cadre de la protection de l’enfance. Comment les centres de ressources ou les centres d’excellence, dans lesquels on échange de bonnes lois et des pratiques exemplaires, sont-ils dotés de ressources et financés? Avez-vous des responsables des pratiques exemplaires qui aident les nouvelles Premières Nations à s’engager dans ce processus?

Mme Hajdu : Je vais demander à ma fonctionnaire de répondre à ces questions.

Mme DeMoor : Merci pour cette question.

En ce qui concerne le mode de financement du Centre de ressources, Services aux Autochtones Canada lui fournit un soutien en appuyant son personnel et les activités du Conseil consultatif des terres. Services aux Autochtones Canada fournit également un soutien aux Premières Nations par l’intermédiaire du Centre de ressources.

Pendant la phase de développement, le soutien apporté aux collectivités passe en fait par le Centre de ressources. Ce dernier dispose également de fonds destinés à différents types de projets pilotes qui peuvent aider les Premières Nations qui sont opérationnelles et qui pourraient vouloir mener des activités supplémentaires, par exemple dans les domaines de l’environnement ou de l’application de la loi. Il existe donc un modèle de financement.

Pour ce qui est des pratiques exemplaires, je dirais que c’est vraiment là qu’excelle le Centre de ressources. Il dispose d’excellents mécanismes de diffusion des renseignements dans les collectivités. Il propose toute une série de cours de perfectionnement professionnel. Il tient ses assemblées générales annuelles et ses formations dans tout le pays. Il a fait beaucoup de choses en ligne et virtuellement au cours de la pandémie. Le Centre de ressources fait vraiment un excellent travail.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ma question s’adresse à l’un des deux ministres. Je vous remercie d’être ici ce soir. J’aimerais préciser quelque chose. L’accord-cadre a été signé avec 13 Premières Nations à l’époque; aujourd’hui, si je comprends bien, ce sont 194 Premières Nations qui y ont adhéré.

Lorsque vous nous avez dit que le processus était dirigé par les Premières Nations en collaboration avec elles, vous avez parlé des signataires de l’accord. Qui a approuvé le principe de ce projet de loi et ce qui se trouve dans la loi? Est-ce que ce sont les 13 signataires de l’accord ou l’ensemble des 194 Premières Nations?

M. Miller : C’est une très bonne question. Un processus consensuel s’est déroulé. Ce ne sont pas toutes les 194 Premières Nations qui y ont participé, mais la vaste majorité. Je pense qu’il n’y a pas eu d’objection. Je ne peux pas vous dire avec certitude que tout le monde a été consulté ou a participé au processus. Certains en sont à un stade plus avancé que d’autres, mais ceux qui sont au stade plus avancé ont participé et il n’y a eu aucune objection, à ma connaissance.

Mme Gravelle : Non, il n’y a pas eu d’objection. Pour que les Premières Nations acceptent le projet, il fallait obtenir l’appui des deux tiers. Il y a vraiment eu un mécanisme dirigé par le Conseil consultatif des terres et donc, l’appui a été vérifié et validé avec nous. Selon notre compréhension, il y a eu un appui impressionnant.

La sénatrice Dupuis : On peut donc avoir l’assurance non seulement que tout cela a été développé en consultation avec eux, mais aussi qu’il y a un appui considérable de la part des participants.

J’ai une autre question de précision. Je ne sais pas auquel des deux ministres je dois adresser ma question.

Dans le projet de loi, on dit que les décisions et les documents antérieurs — les codes fonciers, les accords distincts, les textes législatifs des Premières Nations, les permis, les autorisations et les contrats — qui ont été rédigés conformément à l’ancienne loi ou à l’accord-cadre restent en vigueur. Donc, si je comprends bien l’article 123 du projet de loi, cette loi ne s’appliquera pas à ce qui a été fait auparavant. Tout ce qui a été fait en conformité avec l’ancienne loi demeurera en vigueur. Est-ce que je comprends bien?

M. Miller : C’était l’objectif, afin de ne pas les abroger du propre fait que l’on adoptait le projet de loi. Ils resteront en vigueur, mais ils ont le bénéfice des nouvelles dispositions, à ma connaissance.

La sénatrice Dupuis : De toute façon, ce sont des codes fonciers, des documents, des permis et des autorisations qui ont été donnés par ces Premières Nations.

M. Miller : Oui.

La sénatrice Dupuis : On maintient en vigueur ce qui a été fait et on veut que ces dispositions s’appliquent à l’avenir. C’est bien cela?

M. Miller : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : À l’attention des ministres : Il semble que l’on ait ici eu recours à un processus de co-rédaction exemplaire, comprenant notamment un accord conjoint sur les principes, ce que nous n’avons pas toujours vu. J’en suis donc ravi. Il s’agit incontestablement d’un bon projet de loi, assorti de bonnes dispositions, qui s’inscrivent dans l’intérêt de l’autonomie gouvernementale et qui sont conformes aux objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Je m’interroge sur le fait qu’environ un tiers des Premières Nations du pays adhèrent à ce programme. Si j’ai bien compris, chaque année, 10 nations supplémentaires viennent s’y ajouter. L’intérêt pour la participation au régime de gestion des terres augmente-t-il de façon significative? Les ressources disponibles sont-elles suffisantes pour soutenir ces chiffres s’ils augmentent?

M. Miller : C’est une excellente question.

Je commencerai par répéter que ce n’est pas pour tout le monde. Toutefois, si des Premières Nations sont disposées à suivre la voie tracée par ce texte de loi, nous ne voudrions pas nous retrouver dans une situation dans laquelle nous ne serions pas en mesure de les intégrer. Nous pensons que les ressources sont suffisantes. Nous ajoutons... S’agit-il de 10 ou de 50 nations au cours des...

Mme Gravelle : Il s’agit de 50 Premières Nations sur une période de 5 ans.

M. Miller : Sur une période de cinq ans.

Il pourrait y avoir un intérêt accru pour ce programme, et nous devrons adapter notre mode de financement. Je laisse aux fonctionnaires le soin de répondre à cette question. Ils nous ont assuré que les ressources allouées aux institutions pour la période de financement cyclique sont suffisantes. C’est un point que nous devrons surveiller à mesure que la participation augmentera, et nous l’avons vu avec les subventions décennales et d’autres éléments qui deviennent un peu plus populaires, alors que dans le passé, ils nécessitaient peut-être davantage de fonds de démarrage.

Le sénateur Patterson : J’espère que tout fonctionnera bien. Merci.

M. Miller : Je vous remercie.

La sénatrice Martin : Je ne sais pas si l’on a répondu à cette question, mais dans quelle mesure les consultations ont-elles tenu compte de la diversité régionale des Premières Nations?

M. Miller : La consultation a été menée auprès des collectivités et des Premières Nations qui ont adopté la loi volontairement. Le nombre de Premières Nations qui participent au programme est très élevé sur la côte Ouest et diminue à mesure que l’on progresse vers l’est. Il y en a également quelques-unes au Québec et dans les provinces de l’Atlantique. Toutefois, étant donné que ce programme compte un grand nombre de Premières Nations situées sur la côte Ouest, il reflète évidemment une partie des idées de ces collectivités, qui ont réellement porté ce programme. Il reflète le point de vue de ces membres, quelle que soit la façon dont ils choisissent de s’organiser. Je ne pense pas que nous ayons sollicité les communautés qui n’en faisaient pas partie pour savoir si elles — on réfléchit à cette question...

La sénatrice Martin : J’aimerais savoir quelle diversité a été prise en compte et reflétée, et si la participation à ce programme serait plus large.

M. Miller : Oui. Dans ce cas, la consultation reflète réellement les membres actuels, c’est-à-dire la composition telle que je l’ai décrite. Je ne veux pas déformer vos propos, mais il ne s’agissait pas d’une occasion pour un argumentaire de vente. Je pense qu’à mesure que les collectivités réfléchissent, qu’elles voient moins d’obstacles à la participation au programme et que le gouvernement fédéral se retire, j’espère qu’un plus grand nombre de collectivités se diront : « Le gouvernement fédéral n’a pas à adopter de loi pour dicter ce que je fais. Cela ressemble moins à la Loi sur les Indiens, allons-y ». Ce n’était pas le contexte dans lequel il fallait le faire.

La sénatrice Martin : Je ne suggérais pas qu’il aurait dû y avoir un argumentaire de vente. Je voulais savoir si... oui.

M. Miller : Non, non. Je m’appuyais sur votre question et, essentiellement, je spéculais. Si l’on se base sur les collectivités qui ont participé, la consultation était large, et les commentaires émis étaient largement positifs.

La sénatrice Martin : Des préoccupations ont-elles été soulevées dans le cadre des consultations? Dans l’affirmative, dans quelle mesure ces préoccupations ont-elles été adoptées ou traitées?

M. Miller : Je n’y ai pas participé directement.

Mme Gravelle : Merci pour cette question.

Nous n’avons pas participé directement à la mobilisation. Elle a été menée par le Conseil consultatif des terres et le Centre de ressources sur les terres des Premières Nations. Les préoccupations qui ont été soulevées nous ont été communiquées dans le cadre de discussions sur le projet de loi. Sans entrer dans les détails des discussions que nous avons tenues, nous n’étions pas toujours d’accord sur le contenu ou le libellé utilisé, mais nous avons trouvé un moyen de rendre compte de ce que les Premières Nations voulaient voir dans ce projet de loi, et c’est ce qu’elles ont appuyé.

La sénatrice Pate : Merci aux ministres et aux fonctionnaires d’être présents.

J’aimerais parler des 194 Premières Nations qui ont adhéré au programme. Quelle est la corrélation entre celles qui gèrent également la santé au sein de leur système et celles qui choisissent les options de gestion de la protection de l’enfance? Je vous comprends bien — vous n’êtes pas en train de formuler un argumentaire de vente — mais de nombreuses collectivités cherchent à obtenir un soutien. La dernière fois que vous avez comparu devant le comité, madame Hajdu, vous avez parlé du fait que des financements avaient été accordés pour les dépenses en immobilisations liées à l’eau, mais pas pour la gestion courante. Existe-t-il des corrélations entre les Premières Nations qui jouissent d’une plus grande autonomie, si je peux m’exprimer ainsi, d’une relation de nation à nation avec les provinces et les municipalités, et la façon dont nous envisageons d’accroître les forces et les capacités de ces Premières Nations? Cette question s’adresse à vous deux. Cela m’a fait penser aux parallèles entre vos dernières visites.

Mme Hajdu : Je vais donner une brève réponse et je passerai ensuite la parole à mon collègue, mais je pense qu’une fois que la capacité, l’autonomie et l’autodétermination commencent à se développer, on assiste à un effet boule de neige dans les communautés. Les gens en font l’expérience dans un domaine et constatent le pouvoir de transformation qu’offre le fait d’avoir le contrôle dans d’autres domaines. Les communautés cherchent, de plus en plus, à bénéficier d’outils d’autodétermination et d’un contrôle accru sur les questions qui touchent leurs propres citoyens. À mon avis, lorsque les collectivités empruntent la voie du renforcement de leurs capacités, de leur gouvernance et de leur capacité financière, et qu’il existe des outils pour les aider à renforcer ces compétences et ces atouts, il y a comme un effet boule de neige. Les collectivités commencent à prospérer de différentes manières et, naturellement, elles attirent d’anciens résidents qui les ont quittées pour acquérir de nouvelles compétences. Il y a un effet boule de neige qui donne naissance à des collectivités réellement formidables qui n’ont pas vraiment besoin que le gouvernement fédéral intervienne dans leurs affaires.

M. Miller : Je n’ai pas de chiffres précis, mais je soupçonne qu’il y a une forte corrélation avec l’autonomie gouvernementale. Je ne pense pas que nous ayons fait les calculs pour le projet de loi C-92, mais je soupçonne qu’il y a aussi une corrélation. Comme l’a dit la ministre Hajdu, les enjeux portent sur la capacité, l’adhésion et la disposition à adopter ce modèle.

Un certain nombre de ces enjeux reflètent le fait que le Canada, lorsqu’il a participé, a enfoncé une cheville ronde dans un trou carré. Certaines communautés ont courageusement emprunté cette voie et d’autres l’ont simplement rejetée. Nous avons mis trop longtemps à examiner les communautés qui ont choisi de ne pas emprunter cette voie. C’est une chose à laquelle nous réfléchissons lorsque nous parlons des zones visées par un traité, mais aussi lorsque nous parlons de la mise en œuvre du projet de loi C-92. Nous le faisons d’une manière qui respecte beaucoup plus la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La loi que vous avez devant vous aujourd’hui est en quelque sorte la correction de ce qui ne correspondait peut-être pas à la pensée du milieu ou du début des années 1990.

La sénatrice Pate : J’ai une observation, en fait. Je l’ai mentionné à notre arrivée, mais j’aimerais que cela apparaisse au compte rendu. J’ai été vraiment ravie de vous voir tous les deux et de voir le premier ministre répondre aux appels de soutien de la communauté de la Première Nation crie de James Smith qui entame un processus de guérison, à long terme, après l’horrible tragédie qui s’est produite, et beaucoup aurait aimé que ce soit dans d’autres circonstances. Vous avez répondu à l’appel, vous avez rencontré la communauté et vous travaillez avec elle. Comme je l’ai mentionné, des membres de la communauté m’ont dit à quel point ils étaient touchés par cette réponse. Au nom de ceux d’entre nous qui n’y participaient pas, je vous remercie.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Monsieur le ministre, vous avez parlé du transfert des terres. Mon peuple doit-il payer pour ravoir ces terres, ou est-ce le gouvernement qui le fera pour nous? De plus, depuis quand ces terres appartiennent-elles à la Couronne? Quand cela s’est-il produit? Ce ne sont pas des terres de la Couronne, ce sont des terres autochtones.

M. Miller : Je vous remercie de la question, sénatrice. Encore une fois, il s’agit d’un sujet dont nous pourrions discuter pendant des heures, voire des jours, et ce serait une discussion fort intéressante.

L’autre jour, j’écoutais le professeur Sanderson de l’Université de Toronto parler précisément du transfert des terres, et il a dit, pour reprendre ses mots, que les terres ne sont allées nulle part. La vraie question est de savoir qui la gouverne et la contrôle et comment elle façonne les identités. C’est en quelque sorte une réflexion puissante parce qu’on parle d’une institution, le gouvernement du Canada, qui aime le contrôle et aime dicter les règles d’engagement. C’est encore plus vrai pour ce qui est de la façon de comprendre, dans les traités ou ailleurs, les questions entourant les terres, de même que celles entourant le partage des terres, et nous avons été les premiers à rompre les relations.

Si nous partons de cette réflexion et l’appliquons à notre façon actuelle de vouloir travailler avec les communautés autochtones, et à la méfiance justifiée à l’égard du gouvernement du Canada, le fait de vouloir changer notre mode de fonctionnement et de vouloir renouveler notre relation vient avec tout ce bagage et la prise en compte de ce passé. Comme je l’ai mentionné, la pire façon de procéder au « transfert des terres » est dans le cadre du processus d’ajouts aux réserves, qui ne fonctionne pas, pour bien le dire, d’une façon positive, mais en procédant par la conclusion de traités dans le cadre desquels nous n’utilisons plus, à juste titre, les mots cession et abandon, qui sont offensants pour les communautés, ou l’option du rachat de terres auprès de gens qui sont prêts à les vendre. Ce sont des options qui sont sur la table, de même que la restitution des « terres de la Couronne », qu’elles soient fédérales ou provinciales.

Les options que nous pouvons mettre en place rapidement sont très limitées, mais je pense que le présent gouvernement a fait preuve d’ouverture, notamment en rattrapant le retard dans l’application des arrêts de la Cour suprême, qu’il s’agisse de l’arrêt Tsilhqot’in dans le cas des Haïdas, ou d’autres, comme l’arrêt Delgamuukw, qui progresse très lentement, même après un quart de siècle, et nous savons que nous avons encore beaucoup de travail à faire pour comprendre la symbolique de la terre pour les gens et nous assurer que le contrôle et la responsabilité des terres, dans les communautés qui ont une juste cause et à qui les terres reviennent, sont assurés par les dirigeants et selon le type de gouvernance que les communautés ont choisi.

Nous pouvons entamer des discussions à ce sujet sous divers angles, mais je dirais qu’il y a eu beaucoup de progrès au cours des dernières années. Je ne nie pas qu’il y aura encore des tensions, parce que les gens, en particulier ceux qui me ressemblent, deviennent très possessifs lorsqu’il s’agit de leurs terres, et il est très facile d’instiller la peur. Ce sont des conversations très difficiles et pénibles parfois, mais qu’il est nécessaire d’avoir avec les communautés à propos de leur façon d’interagir avec nous afin d’avancer.

Comme vous le voyez, je n’ai pas de réponse précise à vous donner, car je pense qu’il y aurait beaucoup à dire sur la façon de démêler le tout, et cela se trouve au cœur même de notre relation.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous remercie.

Le sénateur Cardozo : Je remercie les deux ministres et leurs collaboratrices d’être avec nous aujourd’hui.

Je veux vous amener dans une direction un peu différente avant de revenir à ce sujet. Il s’agit des avis d’ébullition de l’eau. Vous avez fait des progrès considérables au cours des dernières années. Avez-vous des chiffres à ce sujet? Croyez-vous que cet accord-cadre améliorera la situation sur une question aussi importante que les avis d’ébullition de l’eau?

Mme Hajdu : Je vais répondre d’abord à la partie la plus facile de la question et vous dire qu’il reste 31 avis d’ébullition de l’eau dans 27 communautés qui en sont à différentes étapes. En fait, la majorité sont sur le point d’être levés. Vous pouvez suivre la situation sur le site Web du gouvernement, où vous pourrez voir précisément, communauté par communauté, à quelles étapes elles en sont. Dans la plupart des communautés, la construction est avancée, et comme je l’ai dit, beaucoup d’avis sont sur le point d’être levés.

J’ai répondu à cette question l’autre jour lors de la période des questions au Sénat. J’aimerais, à l’évidence, qu’ils soient tous levés, mais tout n’est pas aussi simple. Le gouvernement dispose maintenant, bien entendu, des fonds nécessaires pour construire les réseaux d’aqueduc qui restent, si on veut, mais il y a d’autres problèmes à régler au sein des communautés.

Par exemple, nous versons maintenant des salaires équitables par rapport aux barèmes provinciaux, alors nous ne perdons pas des gens talentueux formés au profit des municipalités qui peuvent leur offrir un salaire plus élevé. C’était une partie du problème.

L’éloignement et la capacité sont une autre partie du problème. On parle de systèmes très complexes dans des communautés où peu de gens sont en mesure de les faire fonctionner. C’est pourquoi l’Atlantic First Nations Water Authority est un modèle si formidable, et je travaille en étroite collaboration avec nos collègues dans le Nord de l’Ontario, comme le conseil tribal de Matawa, qui examine de près ce que fait l’Atlantic First Nations Water Authority, car leur modèle permet d’avoir le nombre de communautés, l’expertise et les remplaçants nécessaires pour bien fonctionner. Dans certaines communautés, il n’y a qu’un opérateur, et le pauvre n’a pas beaucoup de temps libre. Le fait de ne pas avoir de remplaçant quand quelqu’un est malade ou quand on a besoin de quelque chose place les communautés dans une situation vulnérable.

Au sujet des codes fonciers et des avis d’ébullition de l’eau, je crois qu’il n’y a pas de communauté ayant son propre code foncier où il y a des avis d’ébullition d’eau, mais je vais m’en remettre à ma collaboratrice. Les communautés qui en ont se trouvent souvent dans le Nord de l’Ontario et dans les régions éloignées du Nord du Manitoba, et il y en a quelques-unes dans le Nord de la Saskatchewan, et elles ne disposent pas nécessairement encore de leur code foncier.

Je vais céder la parole à Mme DeMoor, qui pourra me corriger au besoin.

Mme DeMoor : Non, je crois que vous avez raison — et je vous remercie de la question — au sujet des recoupements avec les communautés régies par un code foncier.

Pour ce qui est des répercussions de cette initiative, elles se limiteront à la planification des infrastructures, la planification de l’utilisation des terres ou autre planification communautaire. Comme la ministre l’a mentionné, les problèmes concernant les ressources techniques et humaines ne seraient pas strictement liés à la gestion des Premières Nations.

La sénatrice Hartling : Je remercie les ministres d’être avec nous, et je remercie aussi leurs collaboratrices.

C’est vraiment merveilleux de vous avoir ici ce soir, car le chef Robert Louie de la Colombie-Britannique et le conseiller McCue de la baie Georgienne ont témoigné dernièrement. Ils étaient très enthousiastes à propos de cette mesure, et ils nous en ont expliqué quelques avantages pour eux. Dans la baie Georgienne, cela leur permettrait maintenant de percevoir les loyers des terres directement, plutôt que ces loyers soient envoyés au gouvernement pour ensuite leur revenir. Lors des consultations que vous avez menées et de vos recherches, avez-vous entendu parler d’autres avantages de cette nature qui leur procurent plus d’autonomie gouvernementale et leur évitent de passer par le gouvernement? Ils étaient très enthousiastes à cette idée. Auriez-vous de l’information à nous communiquer à cet égard?

M. Miller : Encore une fois, je n’ai pas participé directement aux négociations, mais la réflexion qui entoure cette question est aussi une réflexion que nous devons avoir, et je vais céder ensuite la parole à Mme Gravelle pour qu’elle réponde à la question, sénatrice.

Comme être humain, nous commettons tous des erreurs. Nous avions une bonne loi qui nous a permis d’abandonner 44 dispositions de la Loi sur les Indiens. Beaucoup de gens croient que la Loi sur les Indiens était une grande loi. C’est en fait un document raciste, mais c’est aussi — et j’allais laisser échapper un juron — un document médiocre, qui dicte des choses stupides. Il accorde beaucoup trop de pouvoir dans certaines circonstances et n’accorde aucune capacité d’agir dans d’autres. Peu importe qui y a pensé, c’est un document vraiment stupide. Ce projet de loi a été élaboré par des gens qui connaissent leurs terres, qui connaissent la structure coloniale qui leur a été imposée et qui optent pour cette mesure temporaire afin de faire un meilleur usage de leurs terres. C’est une mesure positive qui a été bonifiée par cette modification particulière pour remplacer la loi.

Je pense que Mme Gravelle peut vous donner plus de détails, mais nous avons entendu des suggestions et entendu parler de la prochaine étape, qui concerne les registres et le plein contrôle et la pleine responsabilité des terres.

Mme Gravelle : Votre question est pertinente, et je vous en remercie.

Comme le ministre l’a mentionné, la loi vise concrètement à remettre l’accent sur l’accord-cadre. Elle permettra aux Premières Nations de proposer des modifications pour faire évoluer cette initiative encore davantage sans passer par un processus législatif complexe. Cela va permettre, en fait, aux Premières Nations de faire des affaires en temps réel, sans avoir à faire signer des permis par le gouvernement, et tout le tralala bureaucratique. Cela nous enlève vraiment du chemin. Comme le ministre Miller l’a mentionné, un registre des terres dirigé par les Premières Nations accélérait aussi le processus, car nous y jouons un rôle encore aujourd’hui. C’est une initiative vraiment très emballante pour nous aussi, et le Conseil consultatif des terres et les Premières Nations signataires ont toutes les raisons d’être emballés à ce propos. Je vous remercie.

Le sénateur Christmas : Monsieur le ministre, vous avez dit un peu plus tôt que Membertou a été l’une des Premières Nations a adopté un code foncier. Avant d’être nommé au Sénat, j’ai beaucoup participé à la Loi sur la gestion des terres des premières nations et à l’adoption finalement du code foncier. Je veux souligner le travail exceptionnel réalisé par le Conseil consultatif des terres et aussi le Centre des ressources. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec ces deux organismes, et ils font un travail remarquable. Pour revenir à ce qu’a dit le sénateur Tannas, oui, le gouvernement doit s’enlever du chemin, mais il doit aussi financer ces organismes remarquables pour leur permettre de poursuivre le travail qui doit être fait.

Il faut aussi, par ailleurs, que les communautés aient des gens qualifiés pour s’occuper de leur code foncier. Dans notre cas, nous avons des gestionnaires des terres qui s’en occupent. Il faut aussi que ces postes soient financés. Oui, nous pouvons réduire les ressources d’un côté, mais il faut que de l’autre nous soyons capables de développer les capacités pour permettre aux Premières Nations d’assumer ces responsabilités.

Je m’excuse de cette longue introduction. Le problème dans tout ce processus, bien sûr, ce sont les ajouts aux réserves. Donc oui, nos communautés ont des codes fonciers, mais pour faire en sorte que les terres relèvent du code foncier, c’est là où se trouve le problème. Est-ce que l’un ou l’autre des ministres peut nous expliquer ce qui crée ce problème et ce que vous proposez de faire pour que plus de terres relèvent des Premières Nations?

M. Miller : Oui. C’est une responsabilité partagée entre la ministre Hajdu et moi. Vous voulez savoir pourquoi les ajouts ne se font pas assez rapidement. Nous avons trop de bureaucratie, de blanchocratie, comme mes partenaires des Premières Nations aiment à me le rappeler. J’aime bien ce mot. Les procédures sont trop longues et font en sorte qu’il est parfois impossible d’agir rapidement. Il faut parfois 20 ans, et c’est parfois parce que les employés municipaux ne répondent pas au téléphone ou parce nous nous traînons les pieds. C’est aussi parce que le processus d’élaboration des politiques est trop lourd et, comme l’a mentionné la ministre Hajdu, il y a beaucoup trop de ministères concernés. Nous avons obtenu 40 millions de dollars pour embaucher plus de ressources au cours des dernières années. Les résultats se font encore attendre, mais la ministre peut vous parler un peu de la réforme et de ce que nous faisons pour avancer, en sachant que le système est encore imparfait.

Mme Hajdu : Je vous remercie de me renvoyer la balle. Je ne suis pas certaine de pouvoir vous parler de ce que nous avons amélioré, mais après avoir travaillé un an avec les Premières Nations, je comprends assurément mieux la nature complexe du processus pour les ajouts aux réserves.

Le fait est que certaines procédures ont une date précise à respecter. À titre d’exemple, si on travaille avec le ministère de l’Environnement provincial ou fédéral et qu’il y a une évaluation environnementale et que tout n’est pas terminé à temps, on revient alors à la case départ dans ce dossier, tout en continuant dans d’autres. Ce n’est sans doute pas un bon exemple, mais c’est le genre de frustration dont parlent les communautés.

Je sais que Mme DeMoor y travaille. En fait, le cabinet du ministre Miller y travaille aussi, et c’est une priorité pour moi, parce que les communautés sont vraiment arrêtées dans leur élan. Certaines communautés ne se donnent même pas la peine d’utiliser les ajouts aux réserves. Elles achètent des terres, les utilisent d’une autre façon, et c’est sans doute un signe de frustration. C’est sans doute une façon plus rapide pour elles de développer des terres qui sont importantes pour elles, ou parfois de récupérer des terres qui faisaient partie de leur territoire traditionnel.

Madame DeMoor, voulez-vous parler un peu de ce qui se passe du côté des ajouts aux réserves...

Le président : Je m’excuse de vous interrompre, mais le temps est écoulé. Nous avons un horaire serré et un autre groupe de témoins qui nous attend. Nous avons terminé cette partie de la réunion, et je tiens à remercier une fois de plus les ministres et leurs collaboratrices d’avoir été avec nous aujourd’hui.

Nous allons maintenant reprendre nos séances d’information avec des fonctionnaires pour discuter de leur travail et leurs priorités avec le comité, afin de guider et d’orienter nos travaux futurs.

Nous accueillons maintenant Aluki Kotierk, coprésidente de la Coalition des revendications territoriales et présidente de la Nunavut Tunngavik Incorporated; et Alastair Campbell, conseiller principal en politiques de la Nunavut Tunngavik Incorporated.

Wela’lin, merci à nos témoins d’être avec nous ce soir. Mme Kotierk nous présentera une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions d’environ cinq minutes par sénateur. Je suis heureux d’annoncer que nous avons pris des dispositions pour l’interprétation simultanée de l’Inuktitut à l’anglais ce soir, alors madame Kotierk, vous pouvez vous exprimer dans la langue de votre choix.

En raison de nos contraintes de temps, je demanderais à chacun de bien vouloir être bref et concis. Afin d’éviter d’avoir à vous interrompre, je vais brandir cela lorsqu’il vous restera une minute.

J’inviterais maintenant Mme Kotierk à nous présenter sa déclaration liminaire.

Aluki Kotierk, coprésidente de LCAC et présidente, Nunavut Tunngavik Incorporated, Coalition des revendications territoriales : Bonsoir, sénateurs. Je suis enchantée de pouvoir témoigner en personne devant vous ce soir à titre de coprésidente de la Coalition des revendications territoriales.

La Coalition des revendications territoriales — ou « la coalition », comme je l’appellerai ce soir — est un organisme informel composé de gouvernements et d’organismes autochtones de traité moderne comme Nunavut Tunngavik Incorporated. Cette coalition a été formée en 2003 dans la foulée d’une conférence nationale appelée Redefining Relationships: Learning from a Decade of Land Claims Implementation, au cours de laquelle nous avons constaté que nous avions beaucoup d’expérience commune quant à l’incapacité du gouvernement de mettre en œuvre efficacement nos accords.

La coalition a deux coprésidentes : moi en qualité de présidente de Nunavut Tunngavik Incorporated et Eva Clayton à titre de présidente de la nation nisga’a. Nous voulions toutes deux comparaître ce soir, mais des obligations ont malheureusement empêché la présidente Clayton de se joindre à moi.

Je résumerai les quatre points sur lesquels les membres de la coalition se sont entendus en 2003. Premièrement, ce n’est pas avec Affaires autochtones et du Nord canadien, ou AANC, ou Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ou RCAANC, que nous avons signé des traités modernes, mais avec la Couronne, et cette dernière doit adopter une approche pangouvernementale pour honorer ses obligations. Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit atteindre les objectifs globaux de nos accords et ne pas se concentrer sur les objectifs interprétés de manière étroite. Troisièmement, la mise en œuvre doit relever de hauts cadres fédéraux et ne pas être déléguée à des fonctionnaires qui n’ont pas le pouvoir de prendre les décisions nécessaires. Quatrièmement, il faut établir un organe indépendant relevant directement du Parlement pour examiner la mise en œuvre de nos accords.

En 2015, quelques progrès ont été accomplis vers la réalisation de nos objectifs sous la houlette du ministre Valcourt quand il a fait émettre une directive du Cabinet et établi un comité de surveillance des sous-ministres, lequel constitue un mécanisme important qui veille à ce que l’ensemble du gouvernement prenne part à la mise en œuvre. De plus, cette initiative répondait en partie aux demandes de la coalition, qui insistait pour que la mise en œuvre de nos ententes relève de hauts fonctionnaires.

Pour atteindre les objectifs de la coalition, il importerait également que le gouvernement fédéral adopte une politique de mise en œuvre cadrant avec les quatre points que je viens d’énoncer. Nous avons bien travaillé récemment avec RCAANC sous la gouverne du ministre Miller afin d’élaborer une politique de mise en œuvre pour que le gouvernement l’adopte. Ces travaux ne sont pas achevés, mais ils sont bien avancés et nous sommes impatients de les terminer.

La coalition a également proposé d’établir une commission d’examen des traités modernes au sein du Bureau du vérificateur général, mais nous éprouvons de la difficulté à faire accepter cette idée. Il semble que les hautes instances aient quelques réserves à ce sujet. Je peux toutefois dire que nous avons récemment commencé à discuter plus sérieusement de la question avec les hauts fonctionnaires.

Je voudrais conclure en traitant d’un autre objectif important de la coalition. Nous voudrions faire apporter une modification à la Loi d’interprétation pour que toutes les lois fédérales soient interprétées de manière à maintenir les droits ancestraux et issus de traités. Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a, dans son rapport intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l’article 35 publié en 2007, recommandé d’ajouter ce qui suit dans la Loi d’interprétation :

Tout texte doit maintenir les droits ancestraux ou issus de traités reconnus et affirmés aux termes de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et ne pas y porter atteinte.

Cette modification n’avait pas été apportée à l’époque, mais nous avons continué d’insister sur l’importance de cette loi. Les peuples autochtones ne devraient pas avoir à surveiller tous les projets de loi examinés au Parlement pour déterminer s’ils pourraient ou non être interprétés à leur désavantage et à évaluer comment ceux qui contiennent des dispositions de non-dérogation ont été élaborés.

Des dispositions de non-dérogation convenables ont été ajoutées à la Loi sur les pêches en 2019, en partie grâce aux pressions que nous avons exercées, et récemment à la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la Nation shishalhe. Nous demandons que des dispositions semblables soient incluses dans la Loi d’interprétation. Il est possible de le faire.

Je vous demande enfin d’examiner soigneusement les dispositions de non-dérogation qui figurent dans les projets de loi dont vous êtes saisis et que vous nous aidiez à faire modifier la Loi d’interprétation, comme nous l’avons réclamé. Nous faisons appel à vous pour nous aider à assurer la mise en œuvre entière et rapide de nos accords.

Le président : Je vous remercie, madame la présidente Kotierk.

Avant de passer aux questions, je veux rappeler à toutes les personnes dans la salle d’éviter de s’approcher de trop près du microphone ou de retirer leur casque d’écoute quand elles le font.

Je laisserai maintenant les sénateurs poser des questions.

Le sénateur Christmas : Je m’interroge à propos de vos échanges avec RCAANC et de l’élaboration ou de l’adoption possible d’une politique de mise en œuvre. Je comprends que l’affaire fait encore l’objet de négociations, mais pouvez-vous nous fournir plus de détails sur ce que cette politique comprendrait et nous expliquer comment les traités modernes pourraient en profiter?

Alastair Campbell, conseiller principal en politiques, Nunavut Tunngavik Incorporated, Coalition des revendications territoriales : Il m’est un peu difficile de répondre à cette question, car l’affaire fait encore l’objet de discussions, et je suppose que nous sommes engagés dans un processus quelque peu confidentiel puisque la politique proposée devra être examinée par le Cabinet.

Il y a toutefois quelques éléments importants dans ce dossier, dont une partie concerne la politique elle-même. Il faut préciser l’orientation du gouvernement au chapitre de la mise en œuvre et indiquer le travail qui devra être accompli ultérieurement au titre de la politique afin qu’on évalue l’efficacité de ce qui est fait. Par exemple, nous pourrions dire que la coalition a insisté depuis le début sur l’atteinte des objectifs des traités modernes et pas seulement sur les obligations. C’est un point fondamental. On évaluerait par la suite ce qui est fait. Je ne suis pas certain que cela réponde à votre question, mais j’espère que cela vous donne une idée.

Le sénateur Christmas : Oui, monsieur Campbell. Je me doutais que c’était la réponse.

Toujours dans la même veine, pensez-vous que la politique de mise en œuvre ferait un remplacement acceptable à la Commission d’examen de la mise en œuvre des traités modernes? Vous nous avez indiqué que l’idée de la commission rencontrait quelques difficultés. La politique de mise en œuvre remplacerait-elle ce mécanisme?

M. Campbell : Depuis 2003, la Coalition des revendications territoriales a toujours mis l’accent sur le besoin d’instaurer un organisme indépendant pour examiner la mise en œuvre des accords, penchant probablement sur certains d’entre eux et pas sur tous en même temps. La politique pourrait-elle remplacer ce mécanisme? Non. Je me souviens d’un message qu’un ancien sous-ministre, Michael Wernick, a fait parvenir à la coalition. Il y faisait remarquer qu’une politique sans mécanismes de mise en œuvre appropriés ne suffit pas. Je pense que c’est certainement exact. Cela ne signifie pas qu’il ne faudrait pas adopter de politique, mais il faut instaurer des mécanismes indépendants pour examiner ce qui se passe. Autrement dit, il faut effectuer des examens de rendement sur place et les évaluer, puis soumettre le tout au Parlement afin de vérifier ce qui se passe.

Le président : Madame la présidente Kotierk, j’ai une question à vous poser. Selon vous, y a-t-il des sujets ou des domaines prioritaires sur lesquels le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones devrait se pencher?

Mme Kotierk : Est-ce en relation avec la Coalition des revendications territoriales?

Le président : Oui.

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Comme je l’ai indiqué dans mon exposé, je suis coprésidente. La coalition a été formée en 2003. Je sais que le comité sénatorial a examiné la question, en a débattu et a parlé de la Loi d’interprétation. Je pense que cette loi devrait être incluse et qu’il ne faut absolument pas porter atteinte aux droits des peuples autochtones quand des politiques sont adoptées. Les Autochtones ne devraient pas devoir craindre que leurs droits soient amoindris ou réduits.

[Traduction]

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue devant le comité ce soir. Vous avez déjà répondu à une de mes questions, puisque je voulais savoir depuis combien de temps la coalition existe.

Vous occupez-vous de toutes les revendications territoriales du pays? Vous chargez-vous de toutes revendications territoriales?

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Je vous remercie de cette question.

Nous ne participons pas aux négociations des nouvelles revendications territoriales. Nous nous occupons des traités signés et des accords de revendications territoriales qui sont mis en œuvre. La revendication ou le traité est réglé quand on le met en œuvre. Il y en a 25 actuellement, et je pense que le comité a traité de 21 ou 22 d’entre eux.

[Traduction]

La sénatrice Lovelace Nicholas : Il y a une revendication territoriale globale qui date de 40 ans. Pourquoi faut-il tant de temps pour que les Autochtones règlent une revendication territoriale?

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Je vous remercie.

Je ne le sais pas moi-même, mais je pense que si nous le voulons, si le gouvernement est disposé à travailler avec nous et à faire des compromis ensemble, il faut que les deux parties aient la volonté de régler les revendications territoriales.

Quand les revendications sont résolues, il reste des obligations à honorer et des obligations qui sont encore en attente.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, madame la présidente Kotierk et monsieur Campbell, de témoigner de nouveau devant nous. Il est bon de vous voir en personne.

Je voudrais approfondir un peu les questions de la supervision, du concept de commission d’examen et de vos interactions avec le Bureau du vérificateur général à ce sujet. Je pense que vous avez indiqué avoir rencontré une certaine résistance, mais qu’il pourrait y avoir une certaine ouverture. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre premier contact avec le Bureau du vérificateur général à ce sujet? Quelle réponse avez-vous reçue? Où observez-vous des ouvertures aujourd’hui? Le Bureau du vérificateur général est venu nous parler d’autres choses, mais si nous avions été au courant de cette situation, nous l’aurions interrogé à ce propos.

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Je vous remercie de la question.

En ce qui concerne les échanges que nous avons eus, quand la coalition a été créée en 2003, elle avait une vision. Quand nous avons communiqué avec le Bureau du vérificateur général en 2016, nous lui avons remis un rapport expliquant pourquoi la coalition avait été créée et quels en étaient le mandat et l’énoncé de mission. Nous avons alors appris que le Bureau du vérificateur général avait déjà eu une commission de supervision pour examiner autre chose. Nous lui avons alors demandé s’il pouvait établir une autre commission ou un comité de supervision des revendications territoriales semblable à celui qu’il avait eu.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Bienvenu aux témoins.

Sachez que votre recommandation de modifier la Loi d’interprétation m’interpelle, car mon ami et ancien collègue, l’ancien sénateur Charlie Watt, a parrainé au Sénat un projet de loi d’initiative parlementaire qui s’est rendu très loin, comme vous l’avez souligné. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l’avait examiné. Il avait été rédigé et c’était un bon projet de loi. J’étais ici quand il a presque été adopté par le Sénat. Le temps est peut-être venu de le ressusciter. Je veux vous exprimer mon plein soutien, car les dispositions de non-dérogation sur les droits autochtones sont omniprésentes dans le régime législatif fédéral, et cette modification permettrait d’y faire le ménage et de le moderniser. Je vous remercie donc de cette recommandation.

Je veux donner brièvement suite à ce que vous avez dit, madame Kotierk, sur les réticences du gouvernement fédéral à l’idée d’intégrer la commission indépendante d’examen des traités au Bureau du vérificateur général. Si là se situe le problème, la coalition a-t-elle envisagé d’instaurer cette commission ailleurs qu’au Bureau du vérificateur général? Il ne manque pas de commissions indépendantes semblables qui ne relèvent d’aucun organisme ou qui sont dans une situation différente. Existe-il d’autres modèles que vous pourriez envisager?

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Je vous remercie de votre question.

Je veux d’abord vous remercier de votre soutien. Nous avons dit qu’il faut apporter des modifications pour que les droits des Autochtones soient honorés et égalisés, et je vous remercie de nous soutenir à cet égard. Si vous pouviez écrire à M. Lametti ou lui dire que vous nous soutenez, je pense que cela serait fort utile.

En ce qui concerne la commission indépendante, nous avons réfléchi à diverses solutions pendant de nombreuses années, mais nous avons jugé que c’est le Bureau du vérificateur général qui conviendrait le mieux, parce que les revendications territoriales sont réglées et les traités sont signés. Le gouvernement fédéral a élaboré ces lois, et je pense que cela a une importance égale pour toute autre politique reconnue dans la loi au Canada. Nous avons jugé important que la commission relève du vérificateur général.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cette réponse.

Je sais que Nunavut Tunngavik a poursuivi le Canada pour ne pas avoir mis en œuvre certains aspects de votre accord et que des progrès sont accomplis relativement à l’entente de règlement signée dans cette affaire. Je me demande si vous pourriez expliquer au comité quelles ont été les retombées bénéfiques de cette poursuite.

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Je vous remercie.

Nous regrettons que Nunavut Tunngavik ait dû poursuivre le gouvernement fédéral devant les tribunaux en 2006 parce qu’il ne mettait pas en œuvre ses obligations au titre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. À titre d’Autochtones, nous avons signé cet accord de bonne foi avec vous, croyant qu’il serait mis en œuvre. Cette affaire nous a beaucoup blessés. Nous ne faisions plus confiance au gouvernement parce qu’il n’avait pas rempli ses promesses concernant l’article 23 sur l’emploi inuit et l’article 24 sur les entreprises inuites et leur utilisation dans des contrats d’affaires. Ce sont les deux articles pour lesquels nous nous sommes adressés aux tribunaux. L’affaire a duré de nombreuses années. En 2015, nous avons conclu une entente hors cour. Le gouvernement fédéral a remis 255 millions de dollars aux Inuits pour avoir omis de mettre ces articles en œuvre.

Nous pensions utiliser 175 millions de dollars pour la formation à l’emploi des Inuits. Nous appelons cette initiative makigiaqta, ce qui signifie « élevons-nous » en formant et en éduquant les Inuits pour qu’ils puissent trouver des emplois.

En dehors de l’accord, le gouvernement fédéral a également instauré une politique selon laquelle les entreprises du Nunavut seraient mieux honorées dans le cadre des appels de propositions.

Ce sont les deux exemples que j’utilise : les articles 23 et 24.

[Français]

La sénatrice Dupuis : À titre de coalition, quel est l’état de votre relation avec le gouvernement du Canada pour ce qui est de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?

Nous avons adopté une loi en 2021 qui prévoit la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien. Est-ce que votre coalition tient des discussions avec le gouvernement par rapport à la façon dont seront mis en œuvre non seulement les accords de revendications, mais aussi tout ce qui se trouve dans votre projet de commission de révision et d’examen?

[Traduction]

M. Campbell : Essentiellement, la coalition a été créée avec un mandat limité et pas pour s’occuper de la déclaration des Nations unies. Cependant, l’article 37 de cette déclaration fait référence au besoin de respecter les traités et les accords conclus avec les peuples autochtones. Sur ce point, la déclaration appuie la position de la coalition à l’égard de la mise en œuvre des accords que nous avons conclus. Cela signifie qu’ils doivent être respectés et adéquatement mis en œuvre. On ne fait que commencer à discuter de la manière dont, au sein de la coalition, on devrait réfléchir au concept de plan d’action figurant dans la loi sur la déclaration des Nations unies.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Vous avez fait référence à la poursuite qu’a intentée le Nunavut contre le gouvernement fédéral pour la mauvaise mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Le même genre de problème est survenu avec la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, avec beaucoup de poursuites et de règlements.

Parmi toutes les revendications réglées à ce jour, est-ce que la coalition a dressé un portrait de la situation quant au problème de mise en œuvre de chacune des ententes qui ont été conclues? Y a-t-il des éléments communs qui ressortent de ce qui s’est passé avec les Cris ou au Nunavut, de ce qui s’est passé avec l’Accord définitif nisga’a ou avec d’autres nations? Quels sont les éléments communs par rapport au problème de mise en œuvre?

[Traduction]

[Traduction de l’interprétation]

Mme Kotierk : Je vous remercie de cette question.

Quand nous signons des accords sur les revendications territoriales ou des traités, nous nous attendons, à titre d’Autochtones, à ce que les accords et les obligations soient honorés et mis en œuvre. Nous ne voulons pas intenter de poursuites. C’est de bonne foi que nous avons signé des accords avec le gouvernement fédéral, conformément à nos intentions. Mais nous continuons de nous heurter à des difficultés parce que l’autre partie aux accords ne met pas ses obligations en œuvre. Les Métis et les Premières Nations également signataires de traités éprouvent des problèmes semblables, le gouvernement fédéral ne mettant pas en œuvre les accords et les obligations. Cela arrive.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si on ne place pas cette commission de révision et d’examen sous l’autorité du vérificateur général, peut-on imaginer de créer un poste d’officier du Parlement?

Vous avez dit plus tôt que la relation réside avec la Couronne, et non avec le ministère. Est-ce que vous pensez qu’il serait utile qu’un officier du Parlement soit désigné pour procéder à cette révision et à cet examen de la mise en œuvre et qu’il se rapporte directement au Parlement?

[Traduction]

Mme Kotierk : Je vous remercie de cette question.

Je juge important d’instaurer une commission d’examen des traités modernes et de ne pas confier l’affaire à une seule personne. Je pense qu’il existe actuellement une commission sur les langues autochtones, par exemple. Pour nous, il est réellement important qu’une commission se penche exclusivement sur les traités modernes, car nous éprouvons des problèmes communs. Peu importe leur communauté ou leur région d’origine, les peuples autochtones du Canada concluent des accords avec la Couronne en pensant qu’ils seront mis en œuvre, puis ils investissent énormément de temps et d’efforts pour tenter de faire mettre en œuvre ces ententes, pourtant conclues d’un commun accord.

Nous savons qu’au fil des ans, le Bureau du vérificateur général a effectué, de façon intermittente, un certain nombre d’audits au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, et je pense que cela a été fort utile, mais s’il existait une commission mandatée expressément à cette fin, elle pourrait mettre en lumière les problèmes communs que nous rencontrons au pays sur le plan de la mise en œuvre des accords auxquels nous avons tous adhéré. À l’heure actuelle, nous passons notre temps à supplier le gouvernement fédéral de les mettre en œuvre.

Le sénateur Patterson : En 2019, le gouvernement du Canada a annoncé une politique financière collaborative sur l’autonomie gouvernementale, élaborée pour renouveler les relations financières avec les gouvernements autochtones. Je me demande si les Inuits ont participé à ce nouvel engagement en matière de relations financières ou si, en fait, c’est au Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, ou CPIC, qu’il incombe principalement de redéfinir les relations avec le gouvernement du Canada. Je sais que vous participez aux rencontres du CPIC, madame la présidente Kotierk. Est-ce au sein de ce comité que vous discutez des relations financières avec le gouvernement du Canada plutôt que de vous en remettre à la politique de relations financières annoncée en 2019?

M. Campbell : Je peux répondre en partie à cette question. Nunavut Tunngavik Incorporated n’a pas participé aux activités du comité des relations financières en ce qui concerne l’autonomie gouvernementale, bien que, d’après ce que je comprends, d’autres organisations inuites l’ont fait. La coalition elle-même n’a pas pris part aux activités de ce comité, même un grand nombre de ses membres l’ont fait.

Je pense que le CPIC débat de nombreuses questions, mais je ne m’occupe pas personnellement de cet aspect des choses. Je ne peux donc pas formuler de commentaires à ce sujet.

Ce qui est essentiel pour Nunavut Tunngavik Incorporated sur le plan de la mise en œuvre de notre accord, c’est le contrat qui régit les actions du gouvernement pour les 10 prochaines années et qui fait actuellement l’objet de négociations. Ces dernières porteront sur tous les aspects de l’accord du Nunavut pour que les deux parties s’entendent sur les mesures à prendre et les ressources financières à fournir au titre de cet accord.

Le sénateur Patterson : Dois-je comprendre que le modèle de contrat de mise en œuvre prévoit un processus d’arbitrage qui a été utilisé?

M. Campbell : L’arbitrage est un problème auquel Nunavut Tunngavik Incorporated s’est heurté et qui fait partie des facteurs à l’origine des poursuites qu’il a intentées, car notre accord contenait une disposition exigeant que le gouvernement accepte si les Inuits considéraient qu’un point devait faire l’objet d’un arbitrage.

La Convention définitive des Inuvialuit stipule au contraire que toute partie peut aller en arbitrage.

Quand les poursuites de Nunavut Tunngavik Incorporated ont été réglées, il a notamment été convenu de modifier les dispositions de l’accord portant sur l’arbitrage. Les choses peuvent maintenant passer par l’arbitrage à la suite d’un processus décrit dans l’accord, après un processus de médiation. Il y a actuellement certaines questions qui seront envoyées à l’arbitrage.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

Le président : Sénateurs, notre temps est écoulé.

C’est ici que prend fin la comparution de ce groupe. Je tiens à remercier de nouveau la présidente Kotierk et M. Campbell de s’être joints à nous aujourd’hui.

Nous nous réunirons maintenant à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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