LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 3 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe qui abrite aujourd’hui de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis et je viens d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard. Je suis le président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Je demanderais maintenant aux membres de notre comité ici présents de se présenter en disant leur nom et leur province ou leur territoire.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je m’appelle Patti LaBoucane-Benson et je viens du territoire du Traité no 6 en Alberta.
Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot et je viens du territoire du Traité no 6 en Saskatchewan.
La sénatrice Greenwood : Je m’appelle Margo Greenwood et je viens de la meilleure région du territoire du Traité no 6, la Colombie-Britannique.
La sénatrice Sorensen : Je m’appelle Karen Sorensen et je viens du territoire du Traité no 7 en Alberta.
La sénatrice Martin : Je m’appelle Yonah Martin et je viens de la Colombie-Britannique.
[Français]
La sénatrice Audette : Bonjour. [Mots prononcés en innu‑aimun] Sénatrice Michèle Audette, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Boniface : Je m’appelle Gwen Boniface et je viens de l’Ontario.
Le sénateur D. Patterson : Je m’appelle Dennis Patterson et je viens du Nunavut.
Le président : Merci, chers collègues. Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’efficacité du cadre canadien des droits de la personne dans la promotion, la protection et la réalisation des droits des peuples autochtones. Plus précisément, nous nous demandons si les mécanismes existants peuvent être améliorés ou s’il faut en créer de nouveaux, y compris des mécanismes propres aux Autochtones.
J’aimerais maintenant vous présenter nos témoins, qui représentent tous deux le Congrès des peuples autochtones. Nous accueillons Elmer St. Pierre, chef national, et Elizabeth Blaney, directrice du développement des politiques. Le chef national St. Pierre commencera par des remarques liminaires d’une durée d’environ cinq minutes, puis nous passerons à la période de questions avec les sénateurs.
Elmer St. Pierre, chef national, Congrès des peuples autochtones : Merci, monsieur le sénateur. Je remercie également tous les sénateurs autour de la table. Je suis très heureux de constater que vous appuyez toujours le cadre autochtone sur les femmes disparues et assassinées et les personnes 2ELGBTQQIA+.
Je suis un Indien inscrit vivant hors réserve. J’ai toujours vécu hors réserve. Je visite ma ville natale de temps en temps, mais sinon, je vis hors réserve. J’habite dans une collectivité rurale.
Le Congrès des peuples autochtones travaille avec le gouvernement fédéral depuis plus de 50 ans. Nous avons travaillé avec les gouvernements fédéraux qui se sont succédé au cours des 53 dernières années. Comme vous le savez, l’enjeu des femmes disparues et assassinées est notre priorité. Nous disposons d’une bonne équipe qui s’occupe de ce dossier aux côtés de Mme Blaney.
Ce travail est nécessaire, car il faut restaurer la confiance des femmes et des filles qui se trouvent dans les centres urbains. Bon nombre d’entre elles se retrouvent dans ces centres urbains. Elles quittent leur chez-soi pour se retrouver en ville, mais elles n’ont nulle part où aller. Il faut régler cela. Pour ce faire, nous aurons besoin d’un soutien exhaustif.
Plus de 80 % des Autochtones vivent hors réserve dans des régions rurales et urbaines de nos jours. L’appel à la justice 1.7 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées appelle à la création d’un tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne, et il faut que cela se concrétise.
Comme la plupart d’entre vous le savent, on a coupé un ruban rouge sur la Colline parlementaire hier. L’état d’urgence a été décrété, et la raison est simple : la situation perdure depuis plus de 40 ans. Ce n’est qu’au cours des dernières années que le gouvernement s’est mobilisé et a décidé de commencer à agir là‑dessus. Il faut agir sans se retenir. Nous ne voulons pas retrouver nos sœurs n’importe où, gisant mortes dans la rue.
Cela me fait mal, parce que nos femmes sont notre vie. Elles veillent sur nous tous. Elles sont les gardiennes de l’eau. Nous devons faire avancer ce dossier pour le bien des femmes disparues et assassinées. Merci.
Je cède maintenant la parole à Mme Blaney. Elle pourrait relever quelques points si le temps le permet.
Elizabeth Blaney, directrice du développement des politiques, Congrès des peuples autochtones : Merci, monsieur le chef national. Je remercie les sénateurs de me permettre de m’exprimer sur ce sujet fort important ce soir. Je vous parle depuis le territoire traditionnel de la nation Wolastoqey sur la côte Est.
Un ombudsman des droits de la personne doit tenir compte des besoins des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones. Comme l’a dit le chef national, la plupart des Autochtones vivent désormais hors réserve et dans des centres urbains. Il est important qu’ils se sentent inclus dans la discussion.
Pour remplir les obligations énoncées dans les 231 appels à la justice, les mécanismes existants de protection des droits de la personne doivent à tout le moins mieux tenir compte des répercussions du colonialisme sur les Autochtones. Une autre année s’est écoulée depuis la publication du Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et les survivants, les familles et les communautés nous disent qu’on n’en a toujours pas fait assez. Bien que nous ne croyions pas que les mécanismes existants puissent être modifiés de sorte à être fonctionnels, ils ne sont pas inutiles. Les institutions et les mécanismes existants peuvent contribuer à porter la voix des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+, mettre en lumière leurs préoccupations en matière de droits de la personne, et soutenir les efforts déployés par les Autochtones pour défendre ces droits.
Les examens critiques, les évaluations et les actions de l’ombudsman ne doivent pas être moins monumentaux que les actions et les systèmes coloniaux qui ont contribué à maintenir la violence coloniale. Il faut pour cela disposer d’un mécanisme capable d’inspirer confiance, de tenir compte d’un point de vue autochtone, de mobiliser pleinement les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones, de centrer le savoir autochtone et de faire appel à l’expertise autochtone. Le bureau devrait se concentrer sur le traitement urgent des plaintes afin d’assurer le plein respect de tous les instruments relatifs aux droits de la personne et aux droits autochtones et des lois connexes, et il devrait le faire en comprenant que les rencontres quotidiennes avec des personnes, des institutions, des systèmes et des structures peuvent compromettre la sécurité des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+.
Le bureau doit être indépendant des gouvernements et avoir l’autorité de recueillir des plaintes individuelles, communautaires et collectives liées aux violations des droits de la personne. Il doit également avoir l’autorité de mener des évaluations exhaustives et indépendantes des services gouvernementaux pour vérifier s’ils respectent les lois en matière de droits de la personne. Le bureau et le tribunal associé doivent disposer de ressources suffisantes et permanentes pour remplir leur mandat. Le bureau doit avoir l’autorité de veiller à ce que l’accès équitable aux droits fondamentaux, tels que le droit à l’emploi, au logement, à l’éducation, à la sécurité et aux soins de santé soit reconnu comme un moyen essentiel de protéger les droits de la personne et les droits autochtones. Il doit également veiller à ce que tous les programmes soient libres d’accès pour tous, peu importe le statut ou l’emplacement.
Le bureau doit pouvoir établir des priorités et disposer de ressources pour les mesures nécessaires à l’élimination de la marginalisation sociale, économique, culturelle et politique lors de l’élaboration des budgets gouvernementaux, des activités et des priorités. Le bureau doit disposer des ressources nécessaires pour mener des recherches, recueillir des données et mesurer les changements.
Enfin, il faut reconnaître et s’attarder aux enjeux de compétence et de reddition de comptes. Un bureau des droits de la personne axé sur les Autochtones doit s’occuper des enjeux liés aux affaires autochtones à l’échelle fédérale et provinciale, mais aussi là où il y a chevauchement de compétences. Il doit avoir l’autorité d’agir à tous les niveaux pour combler les lacunes et contrer les actes de négligence en matière de compétence qui entraînent des refus de services ou une réglementation et une prestation lacunaires de services.
Nous estimons que tous les paliers de gouvernement et leurs institutions doivent rendre des comptes. Merci beaucoup.
Le président : Je vous remercie tous deux de vos remarques liminaires. Nous allons maintenant passer à la période de questions avec les sénateurs. Je cède d’abord la parole à mon vice-président, le sénateur Arnot.
Le sénateur Arnot : Je remercie le chef national St. Pierre d’être parmi nous aujourd’hui et Mme Blaney de ses conseils.
Il m’apparaît clair que le Congrès des peuples autochtones est fortement en faveur d’un nouveau mécanisme, d’un tribunal indépendant des droits de la personne et des droits autochtones et du poste d’ombudsman des droits de la personne. J’aimerais simplement me pencher sur votre raisonnement à cet égard.
Je crois qu’on peut affirmer que les mécanismes existants ne fonctionnent pas pour les Autochtones, que ce soit la Commission canadienne des droits de la personne ou les commissions provinciales et territoriales des droits de la personne. Il a été démontré que les Autochtones ne font pas appel aux systèmes de plaintes en matière de droits de la personne des divers paliers de gouvernement parce qu’ils ne leur inspirent pas confiance. Ils ne s’y sentent pas les bienvenus. Ils ont l’impression que le processus est futile, qu’ils pourraient ne pas être crus. Ils n’ont pas eu de bonnes expériences.
Est-ce exact? Il semble nécessaire d’instaurer de nouveaux mécanismes. Avez-vous quelque chose à dire sur le système actuel? Pensez-vous en effet qu’il ne fonctionne pas pour les Autochtones?
M. St. Pierre : Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Vous avez tapé dans le mille. Le problème, c’est la confiance. Parlons des femmes disparues et assassinées. Vous devez comprendre que les survivantes ne savent pas quoi faire ou à qui s’adresser. Il serait important d’instaurer un comité des droits de la personne pour les Autochtones. Personnellement, j’aimerais que certaines de ces survivantes en fassent partie, parce qu’elles sont les mieux placées pour comprendre ce que vivent les familles dans ces moments difficiles.
Le problème, c’est la confiance. Les Autochtones ne font plus confiance au gouvernement fédéral. Ils ont besoin d’avoir accès à un autre système, surtout en ce qui concerne les femmes disparues et assassinées.
Le sénateur Arnot : Merci. Souhaitez-vous ajouter quelque chose, madame Blaney?
Mme Blaney : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Je soulignerais simplement qu’il y a un manque de compréhension des répercussions du colonialisme et un manque d’expertise autochtone dans les mécanismes existants. Il n’y a pas de savoir‑faire culturel et on ne reconnaît pas les traumatismes intergénérationnels et leurs répercussions sur la vie des gens. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, il y a très peu d’Autochtones dans ces institutions. Peu d’Autochtones utilisent ces services. La rapidité d’intervention a posé problème à ceux qui le font, ce qui a exacerbé leurs traumatismes.
Le sénateur Arnot : Je remercie nos deux témoins.
La sénatrice Sorensen : Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’être parmi nous, monsieur le chef national et madame Blaney.
J’ai rencontré des membres de votre organisation au cours des dernières semaines, et c’était la première fois que j’entendais parler de la population autochtone que vous desservez. Je dois dire que je suis relativement nouvelle dans ce poste. Le congrès s’est inquiété d’être exclu de certaines initiatives fédérales visant à mobiliser les communautés autochtones. Je suis curieuse de savoir ce qui suit : êtes-vous préoccupés à l’idée que les voix des Autochtones des centres urbains ne soient pas entendues lors des consultations avec le gouvernement?
M. St. Pierre : Oui, cela me préoccupe assurément, parce que ces voix font partie de nos organisations provinciales. Ce sont leurs membres. Si on ne permet pas aux membres de nos communautés de s’exprimer, c’est de la discrimination, du racisme. Pourquoi n’écoute-t-on que quelques organisations, alors que le congrès, qui existe depuis 50 ans — et qui, comme je l’ai dit, a travaillé avec chaque gouvernement fédéral au cours de la même période — n’a soudainement plus voix au chapitre depuis 7 ou 8 ans? Je remercie le Sénat de nous avoir invités afin que nous puissions exprimer nos opinions. Nous aimerions faire de même avec le gouvernement fédéral également. C’est un gros problème.
La sénatrice Sorensen : Merci.
La sénatrice Boniface : Je vous remercie d’être parmi nous, monsieur le chef national. Vous avez très clairement exprimé votre désir d’avoir un mécanisme indépendant. Mon collègue vous a posé une question à ce sujet.
Ma question s’adresse à vous ou à Mme Blaney. Je serais intéressé de savoir si vous avez réfléchi à ce à quoi il pourrait ressembler. Comment se distinguerait-il des processus qui ont laissé les Autochtones pour compte par le passé? Mme Blaney saurait peut-être me dire comment vous envisageriez de le concevoir et de le mettre en place pour mieux servir la population autochtone.
Mme Blaney : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos partenaires du gouvernement fédéral, et nous allons rencontrer la représentante spéciale du ministre ce vendredi pour discuter de tous ces enjeux.
La collaboration est importante pour toute structure envisagée. Il y aura toutes sortes d’idées proposées.
Nous estimons que la structure doit avoir certaines caractéristiques essentielles. Nous croyons notamment qu’elle doit tenir compte des traumatismes, qu’elle doit offrir une approche sûre qui reconnaît entre autres les droits et les circonstances propres aux peuples autochtones dont notre chef national a parlé plus tôt — je fais ici référence aux Indiens non inscrits et aux Autochtones vivant dans des centres urbains — pour veiller à ce qu’ils ne soient pas laissés pour compte, et, bien sûr, qu’elle doit être indépendante.
Nous savons également que la structure doit avoir le pouvoir institutionnel d’examiner les politiques discriminatoires et d’exclusion. Par exemple, il faut reconnaître le droit à la mobilité dans le processus. On pourra ainsi commencer à inclure les populations urbaines également.
Tout cela doit être inclus dans la structure. Cette dernière doit tenir compte des enjeux autochtones et mettre l’expertise autochtone au premier plan. Il faudra tenir compte des enjeux autochtones en examinant les politiques et les pratiques. Cela différerait quelque peu de la méthode utilisée pour les mécanismes existants.
Les peuples autochtones doivent jouer un rôle central. Les Allochtones pourraient également participer au processus, mais il faudrait leur faire suivre une formation sur le savoir-faire culturel pour que cette inclusion soit bénéfique aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQQIA+ qui se manifesteront.
De plus, le Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et les appels à la justice ont également relevé la nécessité de reconnaître les doléances collectives. Les mécanismes existants préconisent une approche très individuelle. Les groupes doivent pouvoir s’exprimer. Ce serait un enjeu propre aux Autochtones.
Il faut également tenir compte des connaissances et des méthodes traditionnelles, comme les perspectives matriarcales, et reconnaître les gardiens du savoir autochtone et le rôle qu’ils jouent. Il serait possible d’inclure bien des éléments tenant compte du point de vue autochtone dans une nouvelle structure. Je suis impatiente de voir cette collaboration dans la phase de conception.
Le président : J’ai une question pour l’un ou l’autre d’entre vous. En 2021, le Congrès des peuples autochtones a déposé une plainte devant le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Veuillez décrire votre plainte et les résultats jusqu’à maintenant. Pourquoi le Congrès des peuples autochtones a-t-il déposé une plainte contre le gouvernement du Canada auprès d’une instance internationale?
Mme Blaney : Il s’agit d’une question politique à laquelle je laisserai le soin à la direction de répondre.
Le président : Peut-être pouvez-vous nous transmettre la réponse par écrit; cela suffira.
Mme Blaney : D’accord.
James Devoe, directeur général, Congrès des peuples autochtones : Depuis le jugement Daniels, en 2016, nous nous heurtons à un mur avec le gouvernement libéral. Nous nous heurtons à des situations expresses où nous sommes inclus ou non — parfois nous le sommes; parfois nous ne le sommes pas.
Notre conseil d’administration a pris la décision de déposer une plainte en matière de droits de la personne. La plainte est toujours à Genève. D’après notre compréhension, elle progresse, ce qui est très bon signe. Les avocats qui nous représentent ont affirmé qu’il est positif que la plainte soit toujours à l’examen dans le système. Nous nous inquiétions de voir notre plainte écartée sans être entendue.
J’userai de prudence et ne m’avancerai pas trop sur la question, en raison de la situation. Je ne veux pas en dire trop. Je n’étais pas prêt pour cette question; mes excuses. Je ne suis pas certain qu’il y ait quoi que ce soit de plus à dire à ce sujet.
La sénatrice Martin : Ravie de vous revoir, chef St. Pierre. Ma question s’adresse à Mme Blaney. Elle est en lien avec la question que vous a posée la sénatrice Boniface au sujet de la forme que devrait prendre cette structure. Vous avez donné une liste de suggestions ou d’éléments très importants à inclure dans la création d’une structure autochtone pour les enjeux relatifs aux droits de la personne. J’ai écouté attentivement, mais je n’ai rien entendu qui se rapporte précisément aux propos que vous avez tenus dans votre allocution au sujet du chevauchement des compétences et des lacunes en matière de services, et du fait que cette situation peut entraîner un déni de service. Quels mécanismes doivent être en place dans cette structure, à votre avis, pour éviter ce type de problème de champ de compétences?
Mme Blaney : Je reviens brièvement en arrière. Le ministre Marc Miller a assisté à la première table ronde d’organismes autochtones au sujet des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées. Il a fait remarquer qu’il ne savait pas que la majorité des appels à la justice — je crois qu’il a dit 140 ou 141 d’entre eux — relevaient de différentes sphères de compétences. Il en a été étonné.
Cette remarque de sa part était importante, et il importait qu’il l’ait faite devant nous, qui vivons au quotidien, surtout ceux d’entre nous en milieu urbain ou qui n’ont pas le statut, la réalité des querelles de compétences. Qui est responsable des programmes pour les personnes autochtones en milieu urbain et hors réserves?
Par exemple, dans bien des provinces du pays — dans les centres urbains —, le gouvernement ne sait pas combien d’enfants autochtones se trouvent dans le système de protection de l’enfance, ce qui a des répercussions directes sur l’avenir de ces enfants. Un lien a été établi avec l’enjeu des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et l’enquête nationale sur le sujet.
Qui porte la responsabilité? D’après les discussions que j’ai eues avec le gouvernement fédéral, la reddition de compte est un énorme enjeu qui est pris très au sérieux. Le problème survient quand on descend au palier provincial. Je ne cherche pas à blâmer les provinces, mais je note que personne à ce palier ne porte attention au sort de ces enfants dans le système. Qui en porte la responsabilité?
Le gouvernement fédéral a sa loi sur la famille et les services, les provinces ont les leurs, mais les enfants passent inaperçus dans le système. Il y a manifestement un problème : nous ne savons pas ce qu’il advient d’eux. Voilà un exemple de situation où il est nécessaire que les paliers de gouvernement responsables rendent des comptes.
Un bureau de l’ombudsman nous aiderait certainement à manœuvrer ces enjeux et à contester le racisme systémique enraciné dans les services et les systèmes, y compris celui de la protection de l’enfance. Il faut le contester. Est-ce que mes propos répondent à votre question?
La sénatrice Martin : Ils y répondent en partie, en illustrant bien le contexte dans lequel surviennent ces difficultés et ces querelles relatives aux champs de compétence. J’essaie de comprendre comment nous pouvons combler les lacunes dans ces querelles. Je ne sais toujours pas comment y arriver efficacement.
Mme Blaney : Voilà une très bonne question. Il existe un argument solide pour justifier la création d’un poste d’ombudsman des droits des personnes autochtones : il faut aider la population canadienne à comprendre les problèmes et les répercussions des processus actuels sur la vie des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones. Je crois que l’un des rôles importants de l’ombudsman sera la sensibilisation.
La sénatrice Martin : Merci.
La sénatrice Audette : Merci beaucoup pour votre exposé, madame Blaney. J’ai été très touchée, émue et impressionnée par votre façon de parler de la forme que doit prendre cet organisme, ce lieu, ainsi que des personnes qui devraient être mobilisées. De plus, nous avons eu une discussion franche. Sur mon territoire, il est manifeste qu’il faut tenir un grand débat sur le rôle des représentants et des intervenants.
Je sais que, dans bien des endroits, vous croisez la vie des autres et vous sauvez des vies. Je suis certaine que c’est ce que font les gens du Centre d’amitié autochtone de Montréal ou de l’organisme urbain inuit à Montréal. Il existe un écosystème partout au Canada qui travaille pour les personnes autochtones, qui les représente et qui défend les intérêts des peuples autochtones. Je veux m’assurer que l’on comprenne bien que, là d’où je viens, il y a mon chef, mais je veux aussi travailler avec tout le monde.
Votre travail sera important pour rassembler les peuples autochtones — peu importe la nation, que l’on parle des Métis ou des Inuits — qui seront membres de votre organisme et qui pourraient venir si nous faisons avancer la présente étude. Il y a un espoir d’obtenir un bureau d’ombudsman — et pas un simple organisme — qui soit un jour reconnu dans la loi. Il existe un lien juridique avec le gouvernement fédéral dans le cadre duquel nous pouvons nous faire entendre, ce qui servirait et qui profiterait à ce bureau d’ombudsman et à ce tribunal. À mes yeux, la voix la plus puissante est celle des gens de la base. Nous tentons de représenter leurs intérêts, mais il convient parfois d’avoir des discussions.
Participeriez-vous avec nous à un événement — où seraient présents des membres de la famille de votre organisme — qui nous permettrait de poursuivre la discussion et la réflexion sur cet organisme et tribunal à construire collectivement?
M. St. Pierre : Je suis certain que c’est possible. Nous avons une réunion du conseil d’administration prochainement. Je m’assurerai de mettre la question à l’ordre du jour. Nous en parlerons à chacun des présidents ou chefs provinciaux et verrons si c’est possible, mais je suis certain que ce l’est. Vous savez, il est incroyable de voir le travail qu’on peut accomplir avec Zoom. Je ne crois pas que cela poserait un problème de tenir une réunion avec Terre-Neuve-et-Labrador ou la Colombie-Britannique — ce pourrait être cinq ou six membres — et l’ensemble des sénateurs ou certains d’entre eux.
Mme Blaney : Merci, madame la sénatrice, pour cette invitation. Je vous ai rencontrée — et c’était un réel privilège — lorsque j’ai participé à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Cette enquête nous a tous réunis. La discussion a été très difficile et traumatisante pour bon nombre d’entre nous, mais ce fut l’occasion pour nous tous de nous rassembler autour de cette question. Je crois que cette mobilisation peut se poursuivre et qu’elle se poursuivra. Nous nous y consacrons. Il me tarde d’avoir cette occasion.
La sénatrice Audette : Merci.
Le sénateur D. Patterson : Je comprends que nous étudions les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, que nous avons entendu des commentaires sur l’inaccessibilité des institutions actuelles aux personnes autochtones — ainsi que sur le manque de représentation dans les processus existants — et que l’adoption reste timide. Toutefois, je ne peux m’empêcher de songer à l’enjeu de longue date de la protection de l’enfance et du principe de Jordan, et à la somme considérable qui a été accordée par la Commission canadienne des droits de la personne en raison de certaines objections, lenteurs et tentatives d’évitement de la part des gouvernements touchés.
Honnêtement, à première vue, certains diront qu’il y avait au moins là une réponse à un problème très grave concernant les enfants autochtones. Je me demande ce que vous pensez de cette décision et des répercussions qu’elle a pu avoir sur vos membres et leur famille. Y a-t-il des leçons à tirer de cette expérience dont l’indemnisation représente la somme considérable de 40 milliards de dollars?
J’espère que mes propos sont clairs. J’ai entendu Mme Blaney parler des faiblesses des processus actuels. Certains souligneront peut-être que la somme accordée récemment aux peuples autochtones est importante. Je ne sais pas si vous pensez que cela a eu ou non un effet positif sur les membres de votre organisme, mais je serais reconnaissant d’obtenir vos commentaires. Sans que l’on se porte à la défense de la Commission canadienne des droits de la personne, les choses n’ont-elles pas pris une tournure positive, dans ce cas-ci?
Je sais que beaucoup de critiques ont été formulées, mais était-ce là une exception? Avez-vous des commentaires à cet égard?
Mme Blaney : Au cours des dernières années, on a eu l’occasion à quelques reprises de remédier aux torts causés aux peuples autochtones dans ce pays et de les reconnaître. La question de la protection de l’enfance a constitué l’un de ces moments, et ceux-ci ont tous des effets positifs, parce qu’ils indiquent à la population que le Canada reconnaît les préjudices qui ont été causés. Toutefois, on constate également que l’on peut faire mieux. Tout cela n’est pas suffisant, parce que ça ne règlera pas les problèmes futurs liés à ce qui se passe actuellement dans le système de protection de l’enfance, à la situation des enfants qui sont dans le système en ce moment.
Voilà la situation. Mais tous ces moments ont été positifs, car on y a reconnu les événements du passé. Il nous faut agir davantage pour faire progresser notre pays et notre vie. Est-ce que je réponds à votre question, monsieur le sénateur?
Le sénateur D. Patterson : Oui, merci. Je pense que vous nous dites qu’il y a eu certains bons moments, peut-être en dépit des barrières et des obstacles. Je soupçonne que, n’eût été de personnes fortes, tenaces et déterminées — comme Cindy Blackstock — prêtes à consacrer de nombreuses années de leur vie à cette cause, nous n’aurions peut-être pas obtenu le résultat dont nous venons de parler.
À votre avis, ces effets positifs sont-ils trop rares, et existent‑ils malgré les barrières dont vous avez parlé dans votre exposé ce soir?
Mme Blaney : Certainement, mais je ne suis pas ici pour parler de la manière dont le Canada perpétue encore le racisme systémique et le racisme contre les Autochtones en particulier.
Comme vous venez de l’affirmer, le travail de Cindy Blackstock et des gens de la Commission de vérité et réconciliation concerne les personnes autochtones dont nous parlons. Ce sont leur travail et leurs efforts qui font progresser la réconciliation. Le leadership est là et il est prêt à agir davantage. Je crois qu’un ombudsman des droits de la personne est un pas dans la bonne direction.
Le sénateur D. Patterson : Je pense que le comité a œuvré au fil des ans, y compris pendant nos études sur le logement dans les réserves et hors réserves, à souligner les crises qui, partout au pays, représentent des obstacles importants au progrès vers l’égalité et l’égalité des chances pour les personnes autochtones. Nous avons rédigé des rapports forts demandant des mesures de la part du gouvernement et mettant l’accent sur l’urgence de la crise. Le comité s’est déplacé dans de nombreux endroits et a mis en lumière des conditions vraiment horrifiantes. D’autres études ont été menées sur l’eau potable, la lutte contre les incendies et bien d’autres privilèges que la population urbaine — et allochtone — du Canada tient pour acquis.
Je pense que tout ce bon travail — où notre comité émet des recommandations et que le gouvernement offre ou non une réponse significative — exige des mécanismes de rechange pour protéger les droits de la personne qui sont tenus pour acquis par les personnes allochtones. Est-ce là ce que vous dites — que les institutions actuelles, en dépit de certains progrès hésitants ici et là, ne sont pas équitables par rapport aux droits de la personne, et que nous devons avoir quelque chose de plus? Est-ce l’essence du message que vous nous livrez ce soir?
Mme Blaney : Oui; je rentre tout juste de la conférence nationale sur le logement social et les droits de la personne à Winnipeg. Nous parlions du logement comme d’un droit fondamental et de la situation déplorable des populations autochtones urbaines en ce qui concerne le logement. Il y a beaucoup de travail à faire et la pauvreté est un problème majeur. Comme je l’ai affirmé dans mon allocution, les institutions existantes peuvent jouer un rôle pour soutenir les efforts relatifs aux droits des personnes autochtones, pour dénoncer les violations des droits de ces personnes et pour mettre en lumière le travail qui doit être accompli, ainsi que celui qui est en cours. Elles ont un rôle à jouer, et il faut poursuivre le bon travail et les bonnes initiatives qui ont été entreprises.
Le sénateur D. Patterson : Merci. Si je puis me permettre, je me demande ce que vous pensez du rôle et de la place de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans l’avancement des droits. Je ne vous ai pas entendue à ce sujet ce soir. Elle contient une énumération assez importante — je ne dirais pas exhaustive — de droits de la personne qui doivent être reconnus et a été intégrée dans le droit canadien à titre de cadre pour réformer l’ensemble de nos lois.
La déclaration — et la législation qui l’a enchâssée dans le droit canadien — peut-elle aider à traiter de ces questions, ou devrions-nous concentrer nos efforts sur les appels à l’action en faveur d’une commission des droits des personnes autochtones et d’un ombudsman, plutôt que de faire confiance au processus lié à la déclaration? Avez-vous des réflexions à ce sujet?
M. St. Pierre : En ce qui concerne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il y a de gros problèmes au Canada. Oui, le gouvernement canadien l’a acceptée. Or, la déclaration comporte des dispositions, entre autres, sur l’éducation, le logement et les Autochtones — à qui veulent-ils appartenir? Ils ont le droit d’appartenir à n’importe quelle organisation, mais le gouvernement fédéral ne le reconnaît pas. En fait, il le reconnaît probablement, mais il ne fait rien à cet égard.
L’affaire Daniels est un autre exemple frappant. Tous les juges à la Cour suprême du Canada ont voté à l’unanimité en faveur de cette décision. Voici ce que nous disons au sujet du bureau : « Nous avons eu gain de cause, mais qui a écouté? Qui écoute? Personne. » Le gouvernement fédéral n’a pas écouté — le mieux que nous ayons obtenu de l’affaire Daniels, c’était un accord politique. Nous y travaillons depuis six ans; rien n’a abouti, là non plus.
Le gouvernement peut rester à ne rien faire et se contenter de dire : « Oui, nous avons adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. » Or, l’a-t-il fait parce qu’il le devait, sachant que c’était une recommandation des Nations unies et de tous les gens? Est-ce la raison pour laquelle il l’a adoptée? C’est difficile à dire. Toutefois je sais qu’il y a quelques points de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones que le gouvernement ne respecte pas.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.
Le président : Le temps imparti à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je tiens à remercier encore une fois le chef national St-Pierre et Mme Blaney d’avoir été des nôtres aujourd’hui.
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Dalee Sambo Dorough, chercheuse principale et conseillère spéciale concernant les peuples autochtones de l’Arctique à l’Université de l’Alaska à Anchorage. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Mme Dorough fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, et nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
J’invite maintenant Mme Dorough à prendre la parole.
Dalee Sambo Dorough, chercheuse principale et conseillère spéciale concernant les peuples autochtones de l’Arctique, Université de l’Alaska à Anchorage, à titre personnel : Je vous remercie de me donner l’occasion de faire quelques observations sur les questions très précises qui m’ont été envoyées pour les besoins de cette séance. Je me concentrerai exclusivement sur ces questions, dans l’ordre où elles figurent dans le courriel.
En ce qui concerne la première question, ma réponse est « non ». Le 16 mai 2018, j’ai témoigné dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, lors de l’audience tenue à Québec. Entre autres recommandations, j’ai soulevé la nécessité d’un recours, d’une réparation, d’un moyen de guérison et d’une réadaptation en collaboration avec les Inuits, et conformément aux valeurs, aux coutumes, aux pratiques et aux institutions des Inuits. À ma connaissance, aucun mécanisme actuel de protection des droits de la personne au Canada n’est basé sur notre contexte culturel distinct.
J’ai également recommandé que des mesures actives soient prises pour mettre fin à la nature discriminatoire des systèmes juridiques — à tous les stades et à tous les niveaux. À ce jour, je ne pense pas que cela se soit concrétisé, et je ne crois pas non plus que les mécanismes existants puissent être adaptés de manière adéquate pour permettre au gouvernement du Canada de bien remplir ses obligations liées aux droits fondamentaux des Autochtones.
Il est nécessaire de mettre en place un tribunal pour offrir des recours et des réparations aux peuples autochtones dont les droits individuels ou collectifs ont été brimés et pour garantir la mise en œuvre de ces droits par le gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas quitter cette séance et la discussion générale sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en acceptant l’idée qu’un mécanisme ou un tribunal mettra l’accent uniquement sur la promotion des droits fondamentaux des Autochtones. Il doit s’agir d’un mécanisme complet de recours en matière de droits de la personne.
Permettez-moi de répondre à la fois à l’élément principal de la deuxième question et à la série de questions supplémentaires concernant les peuples autochtones.
Oui, je crois fermement qu’un nouveau mécanisme ou tribunal des droits de la personne pour les Autochtones est nécessaire pour garantir nos droits fondamentaux individuels et collectifs distincts. Il faut un organe indépendant et autonome, ainsi qu’un mandat et une compétence connexes, et le tout doit être conforme aux objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Sur la scène internationale, chaque instrument relatif aux droits de la personne est assorti d’un organe conventionnel correspondant, par exemple le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Comité des droits de l’enfant. À l’instar des femmes et des enfants, les droits économiques, sociaux, culturels, spirituels et politiques des peuples autochtones sont distincts. Dans l’ensemble, le dossier des peuples autochtones, à l’échelle tant nationale qu’internationale, est un sujet distinct, c’est-à-dire qu’il englobe des questions séparées ou distinctes.
Historiquement, le gouvernement du Canada a considéré l’objectif d’obtenir justice — c’est-à-dire l’objectif de défendre, de reconnaître et de respecter les droits des peuples autochtones — comme un domaine du droit unique par rapport aux autres domaines juridiques. Malheureusement, et comme l’affirme le préambule de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ces lois et politiques ont donné lieu à des injustices historiques.
Toutefois, le Canada s’engage aujourd’hui dans une voie plus progressiste. Bien que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne crée pas de nouveaux droits, le traitement des droits fondamentaux des Autochtones et des questions connexes doit se faire d’une manière qui tient compte pleinement et efficacement du déni historique de l’égalité, de l’autodétermination et des droits de la personne connexes.
La plupart des normes relatives aux droits de la personne sont axées sur les droits fondamentaux individuels, comme on en a discuté récemment. Cette orientation des droits de la personne fondée sur l’aspect individuel n’est pas adaptée à la dimension collective des peuples autochtones ni à leurs circonstances et caractéristiques contextuelles particulières. L’obligation d’épuiser les recours internes ou autres crée également un obstacle important pour les peuples autochtones et leur accès à la justice.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones constitue clairement le cadre nécessaire pour le mécanisme, mais il importe aussi de prendre en considération les normes complémentaires qui se renforcent mutuellement et qui sont énoncées dans la Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail, ou OIT, et dans la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones, à laquelle adhère également le Canada.
Les Principes de Paris, adoptés par les Nations unies, établissent des critères essentiels pour l’examen et la surveillance de la conformité — par le gouvernement et d’autres intervenants — aux normes relatives aux droits fondamentaux des peuples autochtones. Il est nécessaire de compléter ces critères par le contexte culturel distinct des peuples autochtones et d’aller bien au-delà du rapport annuel sur la situation des droits de la personne au niveau national.
En tant que mécanisme de recours et de réparation, ce tribunal devrait avoir le pouvoir de statuer sur les plaintes et les appels lancés par les Autochtones à propos de mesures gouvernementales ou autres.
Afin de tenir compte de la diversité des systèmes de connaissances, le mécanisme devrait également s’inspirer des traditions juridiques des peuples autochtones et s’y adapter comme source de droit. Les peuples autochtones devraient se voir garantir un rôle de premier plan dans toutes les étapes menant à la création du tribunal, ainsi que dans l’exécution et la mise en œuvre des jugements, des actes administratifs et d’autres décisions.
Pour ce qui est de la question 2b), le mécanisme pourrait effectivement devenir instructif et fournir une valeur éducative en tant qu’institution grâce à la production de connaissances sur les caractéristiques distinctes des droits fondamentaux des Autochtones, permettant ainsi à la société civile du Canada de mieux comprendre les droits des peuples autochtones.
Le Tribunal canadien des droits de la personne, à l’échelle nationale, et ses équivalents provinciaux et territoriaux, pourraient éventuellement envisager une politique semblable à celle des tribunaux tribaux et des tribunaux d’État aux États‑Unis. Plus précisément, aux États-Unis, la reconnaissance totale des ordonnances de protection signifie que lorsqu’une ordonnance de protection délivrée par un État, une tribu autochtone ou un territoire n’est pas respectée dans une autre administration, elle doit être exécutée comme si elle provenait de l’administration concernée. Ainsi, le tribunal ou le mécanisme pourrait faire avancer ses travaux plus facilement en vue d’atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Relativement à la deuxième question, l’adoption de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones exige une coopération et une collaboration sans précédent avec les peuples autochtones. Par conséquent, le mécanisme ou le tribunal des droits de la personne pour les Autochtones, en tant que mécanisme de recours solide, devra être calibré pour faire progresser les droits confirmés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui neutralisera potentiellement les chevauchements de compétences.
En ce qui concerne la question 2d), permettez-moi d’attirer votre attention sur deux articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. L’article 44 prévoit que « [t]ous les droits et libertés reconnus dans la présente Déclaration sont garantis de la même façon à tous les autochtones, hommes et femmes » et l’article 22 parle de veiller à ce que « [...] les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues ».
Les peuples autochtones ont affirmé que leurs communautés devaient être des havres de paix, où tout le monde a sa place. Il est clair que certains se sont sentis exclus ou mal accueillis dans nos communautés, là où ils souhaitent le plus créer des liens d’appartenance. Dans le contexte d’un mécanisme de recours, il faut appliquer la même norme de respect, de reconnaissance et de tolérance.
J’espère que ces brèves observations auront au moins permis de répondre aux questions qui m’ont été envoyées. Je vous remercie.
Le président : Merci, madame Dorough. Je vais maintenant céder la parole aux sénateurs pour qu’ils posent des questions, en commençant par notre vice-président, le sénateur Arnot.
Le sénateur Arnot : Merci d’être des nôtres aujourd’hui, madame Dorough. Je vous suis très reconnaissant de vos observations.
J’ai deux ou trois questions à vous poser. Si l’on examine les concepts occidentaux des droits de la personne et des principes tels que l’égalité ou la justice, vous plaidez, ou vous avez déjà plaidé, pour l’intégration du savoir autochtone et son application à ce genre de questions. Il y a, selon toute vraisemblance, une formidable occasion qui se présente : celle de créer un mécanisme de défense des droits de la personne pour les Autochtones, ce que vise d’ailleurs le travail que nous effectuons ici.
J’en viens à ma question. J’ai souvent dit — pour avoir rencontré des centaines d’aînés tout au long de ma carrière auprès d’autres organisations — que les Autochtones voient le monde différemment des non-Autochtones et que ces derniers ont beaucoup à apprendre de la vision autochtone du monde.
Dans le contexte des notions occidentales des droits de la personne, vous préconisez l’application du savoir autochtone, ou des modes de connaissances autochtones, et leur intégration dans ces nouveaux processus qui seront élaborés. Pouvez-vous nous expliquer, à moi et à mes collègues ici présents, comment vous envisagez l’application du savoir autochtone? Pourriez-vous fournir un exemple afin que je puisse comprendre ce que vous entendez par là, ainsi que votre point de vue sur la valeur de cette application dans le nouveau modèle qui, je l’espère, sera bientôt mis en place?
Mme Dorough : Je vous remercie de la question. Tout d’abord, permettez-moi de faire remarquer que vous avez employé le mot « intégration ». Le respect et la reconnaissance du savoir autochtone vont, comme vous le savez, bien au-delà de l’intégration de quelques histoires, légendes, et cetera. Il faut aussi la reconnaissance...
Le sénateur Arnot : Du lieu, n’est-ce pas? C’est la thèse fondamentale de tout nouveau processus.
Mme Dorough : Je ne fais que commenter l’utilisation du terme. Ce que je veux dire, c’est que le respect et la reconnaissance du savoir autochtone en tant que système de connaissances complet, ainsi que les droits et les garanties connexes, découlent du droit à l’autodétermination, d’où la portée et l’importance du savoir autochtone.
Lorsque je parle du savoir dans le contexte d’un mécanisme ou d’un tribunal, je fais allusion aux traditions juridiques des peuples autochtones et à leurs valeurs, coutumes, pratiques et traditions particulières.
C’est ce qui ressort, en grande partie, des travaux novateurs effectués par Val Napoleon et John Borrows à l’Université de Victoria, ainsi que par d’autres universitaires autochtones du Canada qui s’efforcent de révéler l’importance de leurs traditions juridiques.
L’autre dynamique importante est la suivante : depuis le début, l’élaboration de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été, pour ainsi dire, alimentée par ce savoir, ainsi que par les histoires, les interventions et les contributions directes des peuples autochtones. Ainsi, un mécanisme ou un tribunal permet de garantir l’exercice et la jouissance des droits confirmés par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones... et de veiller à ce qu’ils soient, je suppose, parfaitement compris non seulement par les peuples autochtones, mais aussi par la société dans son ensemble.
Bref, mon allusion au savoir et aux systèmes de connaissances dans ce contexte particulier repose à la fois sur la substance de ce savoir et, chose importante, sur les garanties et les aspects procéduraux destinés à protéger ce savoir.
J’espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Arnot : Oui, c’est parfait. Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie infiniment, madame Dorough. C’est merveilleux. Votre témoignage de ce soir donne beaucoup de matière à réflexion. Ce sera extrêmement utile dans le cadre de notre travail. Merci beaucoup.
Je crois que vous avez récemment coécrit un article publié dans la revue Oxford Commentaries on International Law, qui traite de la Convention du patrimoine mondial sur les droits des peuples autochtones. Nous savons que vous avez apporté une contribution incroyable et participé directement à la discussion, au débat et à la négociation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
En tant qu’ancienne membre experte de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, pourriez-vous nous dire quelles leçons — le cas échéant — nous pouvons tirer? Je suis sûre que vous en avez déjà parlé, mais y a-t-il des leçons particulières que le Canada pourrait tirer d’autres pays qui ont réformé avec succès leurs propres cadres de défense des droits de la personne afin de mieux protéger et respecter les droits de leurs peuples autochtones? Y a-t-il des exemples que vous pourriez nous donner?
Mme Dorough : Oui. Permettez-moi d’abord de présenter mes excuses au sénateur précédent parce que je ne lui ai pas donné d’exemple. J’en avais un en tête, mais il s’est évaporé pendant que je répondais à la question principale sur le savoir autochtone. Le sénateur a demandé un exemple qui illustre l’importance du savoir autochtone comme fondement de certaines de ces mesures. Voici, selon moi, le défi qui se pose en ce moment à l’échelle internationale : la mise en œuvre lacunaire qui touche les peuples autochtones dans le monde entier, y compris au Canada.
Je me répète parce que je l’ai déjà dit dans un certain nombre de tribunes internationales : à l’heure actuelle, le gouvernement du Canada est le seul gouvernement démocratique sur terre à s’attaquer de manière substantielle et concrète à la question de la mise en œuvre. L’adoption de la loi nationale est extraordinaire. Dans d’autres pays lointains, on trouve des gouvernements qui diminuent activement les droits des peuples autochtones ou qui perpétuent activement des violations flagrantes des droits de la personne à l’encontre des peuples autochtones.
Sur la scène internationale, la situation a quelque peu évolué. En effet, des institutions nationales de défense des droits de la personne ont apporté des ajustements afin de tenir compte des droits confirmés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Certaines d’entre elles s’inspirent des pratiques et des mesures prises par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, lesquels ont adopté et utilisé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme cadre de travail pour comprendre et interpréter ces droits. Il ne s’agit pas seulement des Nations unies, mais aussi de l’Organisation des États américains, ou OEA, de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
Je ne peux sans doute énumérer qu’environ six gouvernements qui ont pris des mesures concrètes à cet égard parce qu’on leur a demandé, dans le contexte des Nations unies, d’élaborer des plans d’action nationaux — chose qu’ils ont accepté de faire — afin de donner suite à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Si nous prenons les quelque 6 pays sur les 193 membres... nous pouvons tous faire le calcul, n’est-ce pas?
Tout cela pour dire que les exemples sont rares. L’exhaustivité avec laquelle le gouvernement du Canada a choisi d’aborder cette question particulière est sans précédent.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie.
Le président : Madame Dorough, j’aimerais que vous étoffiez un peu une de vos réponses précédentes. Dans le cadre de notre étude sur l’efficacité des institutions de défense des droits de la personne, à part Val Napoleon et les gens travaillant sur la revitalisation des traditions juridiques autochtones, y a-t-il d’autres spécialistes que nous devrions convoquer?
Mme Dorough : Oui, car de plus en plus de gens mènent ce genre de travaux, en particulier sur la scène internationale. Je pense notamment que vous pourriez communiquer avec les peuples autochtones d’Australie, plus précisément avec Mme Megan Davis de l’Université de New South Wales à Sydney. Nous commençons aussi à voir naître une dynamique à cet égard dans diverses tribunes internationales, comme la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Le savoir autochtone commence à se tailler une place importante dans les tribunes internationales les plus diverses. Il me faudrait un peu de temps pour y réfléchir et vous fournir une liste plus exhaustive, mais ces gens sont là et leur nombre ne cesse de croître.
Le président : S’il vous vient des noms à l’esprit, pourriez‑vous les acheminer à la greffière? Cela nous serait très utile.
Mme Dorough : Oui, bien sûr.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie, madame Dorough, de votre exposé très pertinent. Comme l’a mentionné la sénatrice Coyle, vous nous avez donné beaucoup de pistes de réflexion et d’éléments à examiner.
J’aimerais rebondir sur la question du sénateur Arnot et aller un peu plus loin, mais en prenant un angle différent. Vous avez dit que les caractéristiques distinctes des droits fondamentaux des Autochtones pourraient apparaître si, en effet, le savoir autochtone servait de fondement au nouveau mécanisme. Je comprends qu’il existe très peu d’exemples, alors ces caractéristiques ne sont pas encore connues. Avez-vous une idée de leur nature? À quoi ressemblerait ce tribunal s’il reposait vraiment, disons, sur la tradition juridique des Cris?
Mme Dorough : Je ne peux pas vous parler précisément des Cris, mais je pense que certaines réponses fournies précédemment par Mme Blaney sont importantes.
J’aimerais aussi revenir au début de la discussion, plus précisément au système judiciaire et aux problèmes créés par la common law. Presque tous les pays du Commonwealth s’entendent sur l’idée suivante : leurs points de vue sur la loi et sur son mode de fonctionnement dans la société, et la compréhension qu’ils en ont, sont les seuls qui existent. Le sénateur précédent parlait d’une vision du monde différente — d’un point de vue différent sur le monde — et de la vision holistique qu’ont les Autochtones du monde, de leur compréhension des liens indivisibles qui existent avec la nature qui nous entoure et de la place que nous occupons dans ce monde. Ces éléments sont très différents des idées exprimées par d’autres sociétés, d’autres peuples. Il y a beaucoup d’éléments à considérer pour qu’un mécanisme ou un tribunal puisse répondre aux besoins des peuples autochtones.
Pour vous donner rapidement un exemple, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones confirme les liens profonds que les peuples autochtones ont avec leurs terres, leurs territoires et leurs ressources, et la compréhension qu’ils ont de la place qu’ils occupent sur ces terres et des liens qu’ils ont avec la nature. La question que vous avez posée pourrait faire l’objet d’un cours pendant tout un semestre. Je ne sais pas si j’y ai répondu, et si je peux répondre à votre question et à celle du sénateur précédent en vous donnant un exemple.
Le président : Bien sûr.
Mme Dorough : Je vous remercie. La première chose qui m’est venue à l’esprit quand la question a été posée, c’est l’expérience liée aux coutumes traditionnelles du peuple yupik qui vit dans le Sud-Ouest de l’Alaska, principalement à Bethel. Ses membres éprouvaient beaucoup de difficultés à garder les enfants yupiks au sein de la communauté et à veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant conformément à l’Indian Child Welfare Act. Ils ont donc décidé avant toute chose de remonter à la source, à leurs propres valeurs et traditions, et à leur méthode traditionnelle d’adoption. Le mot adoption n’est bien sûr pas celui qu’ils ont employé. Ils ont utilisé le savoir yupik, les lois et les politiques de l’État de l’Alaska sur le bien-être des enfants, la loi et la politique fédérales sur le bien-être des enfants autochtones, de même que les normes internationales en matière de droits de la personne confirmées par la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, et ils ont amalgamé le tout pour créer leur propre code tribal qui inclut leurs perspectives. Ils l’ont ensuite traduit dans leur langue, et c’est le document qu’utilise leur tribunal pour veiller au bien-être des enfants. C’est un exemple qui illustre bien, à mon avis, qu’il est important de tenir compte de son propre savoir et de ses propres pratiques et traditions, mais aussi que des normes qui ont été établies par d’autres sont importantes pour assurer le bien-être des enfants yupik. C’est l’exemple que j’ai omis de donner à la première question qui m’a été posée, et j’espère que cela répond également à votre question. Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur D. Patterson : C’est bon de vous revoir, madame Dorough. Vous êtes une spécialiste des droits de la personne renommée, alors je sais que vous pouvez répondre à ma question au sujet de l’exposé de position d’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, concernant la création d’une commission sur les droits fondamentaux des Autochtones. Ils recommandent que la commission soit établie conformément aux Principes de Paris. J’aimerais savoir comment les Principes de Paris pourraient s’appliquer à notre étude et renforcer certaines de vos précieuses recommandations ce soir.
Mme Dorough : Je vous remercie. Les travaux d’ITK sont une importante contribution à ces vastes discussions. J’ai fait allusion aux Principes de Paris plus tôt pour mettre en évidence le fait que, trop souvent, les institutions nationales de protection des droits de la personne — et c’était ma raison d’en parler — rédigent un rapport sur la situation des droits de la personne qui se limite à leur mandat.
Les Principes de Paris ont établi des critères comme garantir l’autonomie et l’indépendance de l’institution, veiller à ce que sa vision, son mandat et ses objectifs soient de promouvoir et protéger les droits de la personne, et veiller à ce qu’elle ait la capacité d’examiner les violations des droits de la personne et de faire enquête d’une manière qui exige parfois la confidentialité. Je fais allusion ici aux pratiques des organes créés en vertu des instruments internationaux lorsque des plaintes d’une nature sensible sont déposées afin de protéger et défendre la victime.
J’oublie la liste des critères, mais il y en a environ six. Dans ce cas particulier, pour ce qui est du tribunal, je suggère d’en tenir compte pour assurer une harmonisation avec les institutions chargées de protéger les droits de la personne, mais il faut aussi, et c’est ce qui est le plus important, tenir compte des droits fondamentaux des Autochtones, un élément qui, comme l’a affirmé les Nations unies, n’avait pas été pris en compte dans leur régime initial. Je dirais que c’est le cas également au Canada, de même que dans d’autres pays sur la planète, et c’est pourquoi il faut un mécanisme qui réponde aux besoins précis des peuples autochtones.
Les Principes de Paris sont très faciles à consulter. Je vous invite donc à les examiner avant de mettre en place un tel tribunal, mécanisme ou organe.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie. Si je peux me permettre, j’aimerais mieux comprendre ce que vous avez recommandé, comme l’ont fait d’autres organismes internationaux de défense des droits de la personne, soit qu’il y ait un lien correspondant à un instrument international. Dans le cas du Canada, cela devrait assurément être la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
J’aimerais que vous nous expliquiez comment on procède dans d’autres pays, et comment nous pouvons en tirer des leçons pour notre étude au sujet de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Mme Dorough : J’ai déjà répondu, en partie, à la question. Il y a très peu d’endroits — que ce soit des institutions nationales des droits de la personne ou des gouvernements — où l’on a mis en place concrètement un mécanisme pour promouvoir et protéger les droits distincts des peuples autochtones.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous avons quelques exemples. En fait, le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones des Nations unies est en train de mettre la touche finale à une étude sur le sujet; je viens de terminer la révision du document. À mon point de vue, ce serait une étude utile pour répondre aux questions qui ont été posées concernant la déclaration et le mécanisme.
Je dois mentionner que Sheryl Lightfoot, à l’Université de la Colombie-Britannique, fait partie des membres du mécanisme d’experts. À la fin de 2022, elle a organisé une rencontre à Vancouver pour examiner précisément cette question. Cette étude répondra à au moins certaines questions qui m’ont été posées au cours de la présente audience.
Ce qui me vient à l’esprit en ce moment, c’est le bureau du commissaire à la justice sociale pour les Autochtones et pour les insulaires du détroit de Torres en Australie et ses travaux en faveur des peuples autochtones dans ce pays. Le terme « ombudsman » ne convient pas vraiment pour le rôle du commissaire à la justice sociale, mais c’est un exemple où on a un mandat qui porte expressément sur l’examen des droits fondamentaux des peuples autochtones, et non pas uniquement sur la question du racisme et de la discrimination raciale dans ce contexte.
Son bureau manque cruellement de fonds et connaît une foule d’autres problèmes. J’aimerais mentionner ici cet autre enjeu important : le besoin impérieux de ressources financières pour procéder à la création d’un mécanisme ou un tribunal.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie beaucoup.
La sénatrice Martin : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Je suis d’accord avec mes collègues pour dire qu’il y a beaucoup d’éléments à examiner, et vous nous fournissez beaucoup de renseignements très importants.
Pour revenir sur ce qui s’est dit lors des témoignages précédents, à savoir que la reddition de compte est une question très importante, notamment en raison du chevauchement des compétences et des querelles qui en découlent. Dans votre témoignage, certains mots m’ont frappé, car vous avez parlé de neutraliser potentiellement les chevauchements de compétences.
Pourriez-vous m’expliquer plus en détail — et il se peut que j’aie raté la première partie — comment nous pouvons procéder pour arriver à surmonter les querelles de compétences qui se produisent souvent?
Mme Dorough : Dans le contexte d’une saine gouvernance, quand on parle de pouvoirs et de compétence, y compris quand il s’agit du gouvernement du Canada et des sous-divisions politiques que sont les provinces et les territoires, le but est de faire en sorte que chaque institution politique protège et promeuve les droits de la personne, des droits universels. Selon l’impressionnante liste des instruments internationaux des droits de la personne auxquels adhère ou a ratifié le gouvernement du Canada — contrairement à celle des États-Unis —, il semble que chacun se doit, à tous les échelons, de promouvoir et de protéger les droits de la personne.
Au sujet d’une institution qui se pencherait expressément sur les droits fondamentaux des Autochtones, je disais qu’elle peut jouer un rôle important pour mieux expliquer — et je me répète — les caractéristiques des droits fondamentaux des Autochtones, de même que les enjeux autochtones qui relèvent, disons, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et ses relations avec les Inuits et d’autres Premières Nations relativement à sa « compétence ». Cela ouvre la porte au dialogue et à la collaboration, mais aussi, je pense, et ce qui est plus important, à une meilleure compréhension des droits des Inuits ou des Premières Nations. Cette dynamique aiderait à faire en sorte que lorsque des problèmes de chevauchement de compétences surgissent, les droits, les intérêts, les préoccupations et les aspirations des peuples autochtones seront mieux compris par les administrations concernées.
Un mécanisme ou une institution aurait, à mon sens, des possibilités extraordinaires de produire des connaissances à ce propos. On pourrait faire beaucoup. Pour ce qui est des pouvoirs et des compétences — et j’essaie de penser à un exemple concret à l’heure actuelle au Canada —, prenons un conflit au sujet d’une ressource, ou une approche visant à s’assurer que les peuples autochtones obtiennent aussi des fonds de recherche, et si des questions litigieuses surgissent et qu’une plainte est déposée, alors, dans les faits, chacun aura une meilleure compréhension, d’abord et avant tout, des droits et des intérêts des Autochtones dans le dossier.
Nous pourrions sans doute nous éterniser sur toutes sortes de scénarios concernant les chevauchements de compétences. Il y en a presque tous les jours ici en Alaska. L’un d’eux concerne les droits de chasse, de pêche et de récoltes. Le gouvernement fédéral a une norme, l’État de l’Alaska en a une autre, et les deux entrent en conflit. La constitution de notre État dit une chose, et le gouvernement fédéral a reconnu autre chose dans nos revendications territoriales.
Je pense que beaucoup de problèmes pourraient être réglés au sujet des compétences, mais aussi, et surtout, au sujet des droits qui ont été confirmés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, un important instrument international sur les droits de la personne qui a été accepté et qui, selon moi, fait l’objet d’un consensus international.
J’essaie de penser à d’autres exemples concrets pour répondre à la question précise des compétences, mais ils sont si nombreux.
La sénatrice Martin : Je vous remercie. Vous avez déjà donné de bons exemples.
La sénatrice Greenwood : Je vous remercie, tout d’abord, de votre exposé; comme d’autres l’ont dit avant moi, il contenait assurément beaucoup d’information.
En vous écoutant, j’avais tant de choses qui me venaient à l’esprit, en particulier quand on parle du savoir autochtone, de nos systèmes de connaissances. Je pensais à la façon dont nos systèmes de connaissances commencent à se définir dans de multiples disciplines. C’est le cas notamment dans le monde de l’enfance, pour ce qui est de notre façon de prendre soin et d’élever nos enfants, mais aussi, je pense, dans d’autres disciplines également.
En réfléchissant à cela, je m’interrogeais sur la façon de procéder dans la pratique. Nous avons des tribunaux, mais ils se situent dans un contexte beaucoup plus large. Je vous écoutais au sujet d’un tribunal pour les Autochtones. Ce serait formidable d’avoir nos propres tribunaux, de mettre en application notre savoir comme nous le ferions dans nos communautés si nous avions cette liberté, mais il y a aussi les liens avec le système colonial, ou il pourrait ne pas y en avoir.
Je pensais au fait que nos systèmes de connaissances vont interagir avec d’autres systèmes de connaissances et d’autres structures. Comment pourrions-nous veiller à l’application des mesures pour garantir le changement? Je me demande comment tout cela pourrait fonctionner. Il ne s’agit pas seulement de nous dans nos communautés avec nos systèmes, car nous interagissons avec d’autres systèmes où il y a beaucoup de choses qui se passent, beaucoup d’interactions.
Si nous voulons appliquer certaines conclusions auxquelles un tribunal pour les Autochtones est arrivé, comment faudrait-il procéder? Nous pourrions arriver à certaines conclusions, mais comment allons-nous procéder pour les faire appliquer et parvenir au changement souhaité?
Mme Dorough : Oui, comme c’est le cas dans les travaux sur le savoir autochtone et la coproduction de savoir, vous parlez des échanges et de tout ce qui nous entoure.
En substance, je pense qu’il doit y avoir une compréhension et un accord sur le fond. Il semble que vous — j’entends par « vous » le Canada et son gouvernement — avez reconnu le fond, ce qui veut dire, à mon sens, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
J’ai mentionné la Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail et la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, qui sont importantes parce que les normes sont exprimées différemment dans ces deux instruments. Quand il s’agit de l’exercice et de la jouissance des droits par les peuples autochtones, c’est ici que certains aspects procéduraux entreront en jeu. Je pense que les aspects procéduraux d’un mécanisme ou d’un tribunal peuvent être élaborés de façon à ce qu’on respecte tant le fond que les aspects procéduraux.
Je pense à cela en relation, par exemple, avec notre participation en tant que peuples autochtones dans des tribunes comme la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, où nous avons fait de tels progrès que les États doivent comprendre nos droits et comment ils sont interprétés. Nous avons aussi besoin des aspects procéduraux — et, dans ce cas, il s’agit d’un mécanisme — qui établissent clairement le mandat, de même que la compétence, les pouvoirs, l’autorité et la composition de l’institution.
Pour résumer, je pense qu’une bonne compréhension et une clarté sur le fond et les aspects procéduraux garantiront que — Mme Blaney a utilisé le terme « codéveloppement » — cela soit coproduit. Il semble assez clair que les Inuits, les Premières Nations et les Métis sont disposés à prêter main-forte quant à la façon de procéder, qu’il s’agisse d’un mécanisme ou d’un tribunal.
Il est évident qu’il est impératif, avant tout, de comprendre la substance et le contenu des droits qui ont été affirmés. La coproduction, ou le codéveloppement des aspects procéduraux aboutira à un mécanisme propice. Il faudra peut-être du temps pour qu’il se développe, mais, à mon avis, il s’agit d’un important développement progressiste pour la société, pour le droit et pour les droits de la personne, un développement dont le Canada peut être fier.
[Français]
La sénatrice Audette : La raison pour laquelle je vais parler en français, c’est qu’il s’agit d’un domaine d’expertise que vous avez, dans lequel je ne nage pas au quotidien. Il y a des termes plus complexes et je me demande comment nommer en anglais les différentes conventions, sachant que le Canada aura signé sept grands instruments internationaux relatifs aux droits de la personne.
Pendant des années, les femmes autochtones du Canada auront utilisé toutes les plateformes pour dénoncer la discrimination et le racisme. Donc, cela devient un droit individuel. Il y a un conflit entre le leadership autochtone, parce qu’on fait valoir nos droits individuels alors que nos leaders ne parlent que du droit collectif. On a beaucoup apporté au Canada en tant que femmes autochtones.
Sachant aussi que les déclarations, les pactes n’ont pas été construits en collaboration avec les Autochtones, à l’époque, nous n’avons peut-être pas la perspective de l’impact colonial, des effets des pensionnats, etc. — des impacts qui sont contemporains aujourd’hui. Voilà une des bonnes raisons d’avoir une Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Les femmes ont dû lutter. J’étais présente au Chili durant les débats pour m’assurer que dans cette déclaration, il y ait des articles disant que cela s’applique autant aux femmes qu’aux hommes autochtones.
Nous avons un débat interne, qui plus est, dans un grand pays. Il y a des questions vraiment importantes et intelligentes de la part de mes collègues, parce qu’ils ont beaucoup de connaissances.
Comment peut-on faire, si jamais, comme je l’ai vécu pendant l’enquête nationale, les provinces refusent? Selon cette approche, on ne peut pas aller plus loin. Or, selon moi, on peut y aller, et si une province se retire, c’est son droit. On ne devrait pas pénaliser les autres.
Il y a des questions de compétence, de participation et de juridiction; vous le savez, au Canada, nous avons des provinces et des territoires. Comment peut-on trouver un équilibre entre les droits collectifs et individuels, les instruments internationaux et nos droits autochtones? Si un territoire précis ou une province refuse, il ne faut pas rejeter le projet de loi, il faut continuer à le pousser et à le mener de l’avant.
J’aurais peur que certains élus de partout au Canada nous disent que, parce que telle province n’est pas présente, on ne devrait pas appuyer du tout le projet. Pensez-vous que c’est un projet viable s’il manque des partenaires importants, soit des provinces ou des territoires?
Souvent, quand il y a une décision du fédéral et que cela touche les peuples autochtones, elle est rejetée ou menée devant la Cour d’appel, par exemple, parce que ce n’est pas quelque chose qui était accepté de la part d’un gouvernement, au Québec. C’est un exemple précis.
[Traduction]
Mme Dorough : Pour revenir à la réponse que j’ai donnée à la question sur les compétences et l’enchevêtrement des compétences, vous êtes encore plus précis en ce qui concerne l’objection à la reconnaissance et au respect des droits de la personne des peuples autochtones.
Pour être honnête, je trouve cette question assez troublante. Si l’on pense aux efforts déployés par les peuples autochtones, je pense que tout le monde ici présent sait que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est le fruit de la plus longue négociation d’un instrument relatif aux droits de la personne jamais entreprise par les Nations unies. Cela concerne en partie la substance, ou l’essence, de votre question, à savoir l’opposition au statut, au rôle et aux droits distincts des peuples autochtones — sans parler des conditions atroces en ce qui a trait aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées.
Si une province ou un territoire s’y oppose, je pense que la société dans son ensemble et la communauté internationale devraient réagir. Il serait bien étonnant que quelque chose du genre se produise dans le contexte des droits de la personne des populations autochtones.
Je repense à l’accord de Charlottetown. Si je comprends bien, en tant qu’observatrice externe, les Canadiens ont soutenu la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Le libellé de l’article 35 de la Loi constitutionnelle répond à cet appel particulier.
Si d’autres contraignent une province ou un territoire dans un domaine très précis ou très large lié au respect et à la reconnaissance des droits individuels et collectifs des peuples autochtones, ils ne font que perpétuer les injustices historiques qui ont été identifiées dans le cadre de l’exercice original d’établissement des normes relatives aux droits de la personne qui s’est déroulé aux Nations unies et qui cherchait, entre autres, à trouver une façon de modifier de bout en bout le comportement des personnes, des politiciens et des administrations. Il faut espérer que le résultat ne sera pas simplement de s’en remettre à l’évolution. Il faut espérer que la société dans son ensemble — non seulement au Canada ou en Amérique du Nord, mais aussi à l’échelle internationale — réagira.
En ce qui concerne les questions de compétences, je pense qu’en étant très attentifs au contexte, nous pouvons trouver des réponses et parvenir à des résultats qui répondent à cette tension constante qui existe dans le domaine des droits de la personne. Nous savons que les droits de la personne ne sont pas absolus et qu’il existe une tension constante autour de cette question, attendu que les droits de la personne nous concernent tous. L’élément clé qui a manqué pendant des siècles est l’écart qui existait en ce qui a trait aux conditions et aux caractéristiques contextuelles des peuples autochtones.
Je mentionne à nouveau la longueur des négociations qui ont mené à la Déclaration universelle des droits de l’homme simplement à cause de cette résistance. Nous la voyons actuellement dans les interventions de la Fédération de Russie, de la Chine et d’autres États — comme l’Indonésie — aux Nations unies, interventions qui tentent effectivement de restreindre les droits des peuples autochtones.
C’est mon point de vue et mon opinion. Je vais me contenter de dire qu’il est difficile d’être tolérant.
Je ne pense pas avoir répondu à votre question, mais il s’agit d’un enjeu important auquel je désire ardemment réfléchir davantage, et pas seulement pour les besoins de l’étude que le comité mène en ce moment. Je vais aussi réfléchir à chacune des questions que vous et vos collègues avez posées en matière de compétence. Je vais devoir y réfléchir plus longuement et plus attentivement. Je vous remercie de votre attention.
Le président : Madame Dorough, si vous avez quelque chose à ajouter, n’hésitez pas à le faire par écrit. Vous n’avez qu’à envoyer cela à notre greffière. Ce serait utile.
Mme Dorough : Merci.
La sénatrice Coyle : Si Mme Dorough n’y voit pas d’objection, j’aurais une autre question pour elle.
Mme Dorough : Bien sûr.
La sénatrice Coyle : Vous nous avez beaucoup aidés ce soir. J’aimerais revenir à votre témoignage et essayer de comprendre quelque chose.
Vous avez fait référence, je crois, à l’Organisation des États américains et à la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones. Avez-vous également mentionné l’OIT à ce moment-là?
Mme Dorough : Oui, je l’ai fait.
La sénatrice Coyle : S’agissait-il de la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux?
Mme Dorough : C’est exact.
La sénatrice Coyle : Franchement, je ne connais pas grand‑chose à ces deux cadres, et il serait utile que vous nous disiez ce que vous vouliez souligner en faisant référence à ces cadres dans le contexte de la présente discussion. Ce serait très utile pour nous — ou pour moi.
Mme Dorough : Merci. Je vais essayer d’être brève.
J’ai fait cette référence particulière parce que l’Organisation internationale du Travail, l’OIT donc, a reconnu — j’ai emprunté la forme écrite actuelle, et elle est entre guillemets — sa convention adoptée en 1989 comme seul instrument international juridiquement contraignant traitant spécifiquement des droits des peuples autochtones. L’OIT a déclaré que la convention est complémentaire à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et que les deux instruments se renforcent mutuellement. C’est son point de vue et son opinion. L’OIT a effectivement établi un lien entre les deux instruments. Certaines normes sont formulées très différemment dans l’un et l’autre.
Par exemple, la convention de l’OIT inclut une note de bas de page qui dit essentiellement — je ne l’ai pas mot à mot — que lorsqu’elle utilise le terme « environnement », elle entend l’environnement dans son ensemble : les terres, les territoires, les eaux, l’air et le sous-sol. Il s’agit de l’ensemble de l’environnement. Ce n’est qu’un exemple en ce qui a trait à cette convention.
En ce qui concerne la référence à la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones, je sais que le Canada est membre de l’Organisation des États américains. La Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones définit les normes différemment, comme lorsqu’il est question du savoir autochtone, par exemple. La Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones établit un lien entre le savoir autochtone et notre identité culturelle en général. D’autres éléments sont soulevés en relation avec les dispositions relatives au savoir autochtone. Elles sont décrites de manière beaucoup plus large. Il y est en outre question de l’importance de ce savoir pour l’éducation, la propriété intellectuelle et toute une série d’autres choses.
Cela signifie qu’aux termes de cette trilogie d’instruments, certaines normes sont plus étoffées que d’autres selon l’instrument considéré. Dans mon témoignage, j’ai dit que le gouvernement du Canada devait garder à l’esprit que la convention de l’OIT est liée à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Enfin, j’ajouterai simplement que le texte de la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones invoque explicitement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les éléments de cette trilogie doivent être considérés comme étant interdépendants. Je vous remercie de votre attention.
La sénatrice Coyle : Merci. Cela nous sera très utile.
Le président : Nous arrivons à la fin de ce deuxième segment. Je tiens à vous remercier encore une fois, madame Dorough, de votre témoignage de ce soir. Nous vous en sommes très reconnaissants.
(La séance est levée.)