LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 17 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-29, Loi prévoyant la création d’un conseil national de réconciliation.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe, qui accueille maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de toute l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaw Brian Francis, d’Epekwitk, aussi connue sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité des peuples autochtones. Je vais maintenant demander aux membres du comité qui sont ici de se présenter et de préciser de quelle province ou de quel territoire ils viennent.
L’honorable David M. Arnot : Merci. Je suis le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan. Je vis à Saskatoon, sur le territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen. Je vis à Banff, sur le territoire visé par le Traité no 7.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, de l’Alberta, sur le territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse, Mi’kmaque.
La sénatrice Audette : Kwe. [mots prononcés en langue autochtone] Michèle Audette, Maliotenam, au Québec.
La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, sur le territoire visé par le Traité no 6.
Le président : Merci, honorables sénateurs. Nous poursuivons aujourd’hui l’étude du projet de loi C-29, Loi prévoyant la création d’un conseil national de réconciliation.
Avant de commencer, j’aimerais demander à tout le monde de s’en tenir à des échanges courts. En raison des contraintes de temps, chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser une question et recevoir une réponse. Nous allons donner la priorité aux membres du comité, puis nous passerons à nos autres collègues. S’il reste du temps, nous entamerons un deuxième tour. De plus, je demanderai aux témoins de fournir par écrit, avant la fin de la semaine, toute réponse qu’il n’auront pas eu le temps de donner.
J’aimerais vous présenter notre premier groupe de témoins. Nous accueillons, à titre personnel, l’honorable sénateur Patrick Brazeau. Bienvenue, sénateur Brazeau. Du Centre national pour la vérité et la réconciliation, nous accueillons Stephanie Scott, directrice, et Raymond Frogner, directeur des archives. De l’organisation Les Femmes Michif Otipemisiwak, nous accueillons Melanie Omeniho, présidente.
Merci à tous de vous joindre à nous aujourd’hui. Les témoins feront une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, puis il y aura une période de questions et réponses avec les sénateurs.
J’invite maintenant le sénateur Brazeau à faire sa déclaration préliminaire.
L’honorable Patrick Brazeau, Sénat du Canada, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier, la greffière et vous, de m’avoir invité à faire quelques observations pour essayer de mettre en contexte une omission dans le projet de loi. L’omission touche l’une des cinq organisations autochtones nationales au Canada.
Chers collègues, il y a 22 ans, j’ai commencé à participer aux activités du Congrès des peuples autochtones, qui était ce que j’appelle une organisation donnée pour perdante. Le problème avec lequel cette organisation était aux prises à l’époque, c’est que le gouvernement de l’ex-premier ministre Chrétien avait présenté la Loi sur la gouvernance des Premières Nations dans le but de délaisser la Loi sur les Indiens.
À l’époque, l’Assemblée des Premières Nations ne voulait pas participer à ce processus parce qu’elle n’y croyait pas. On a donc demandé à l’organisation dont j’étais membre de participer, et nous l’avons fait.
Cependant, lorsque Paul Martin est devenu premier ministre après Jean Chrétien, son gouvernement a décidé de ne traiter qu’avec l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et les Inuits, excluant ainsi l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones.
Chers collègues, en pays indien et en politique indienne — les Premières Nations, les Métis et peu importe —, bon nombre de gens se tournent vers une organisation pour les représenter. Beaucoup estiment qu’ils ne sont pas représentés par ces organisations, mais le fait est que, aujourd’hui, comme il y a 20 ans, il y a cinq organisations autochtones nationales. Ce qu’on essaie de faire ici, avec l’aide d’autres organisations autochtones, c’est d’inclure les Premières Nations, les Inuits et les Métis dans la définition des peuples autochtones au Canada qui figure dans la Constitution. Ce ne sont pas que ces organisations qui ont le monopole de la représentation. Elles n’avaient pas de monopole en 1971 ou après 1969, lorsque le Livre blanc a été publié, et c’est pour cette raison que bon nombre de ces organisations ont été créées. En fait, le Ralliement national des Métis faisait autrefois partie du Congrès des peuples autochtones ou CPA. Il y a eu une scission en 1993 ou en 1994.
Lorsque le gouvernement actuel, délibérément ou non… nous allons entendre le ministre ultérieurement, mais je ne comprends toujours pas pourquoi l’une des cinq organisations autochtones du Canada est exclue. Que ce soit intentionnel ou non, elle est toujours exclue, et ce n’est pas correct. Ce n’est pas correct parce que, si je vous donne quelques noms — comme Tony Belcourt, Kermit Moore, Harry Daniels, Smokey Bruyere, Gloria George et Viola Robinson —, ce sont tous des gens qui font partie du Congrès des peuples autochtones.
Je ne suis pas ici pour défendre le congrès, puisqu’il sera représenté plus tard. J’ai fait partie du congrès, mais je ne suis pas ici pour le défendre. Je ne suis pas ici dans un esprit partisan. Je suis ici dans un esprit non partisan, simplement pour vous donner des renseignements et un contexte, parce que, malheureusement, je suis l’un des seuls anciens dirigeants du Congrès des peuples autochtones qui soit encore en vie. Heureusement, j’ai cette mémoire institutionnelle.
J’ai mentionné à l’étape de la deuxième lecture que, lorsque l’ex-premier ministre Harper a décidé de présenter des excuses aux survivants des pensionnats indiens, moi et même l’actuelle gouverneure générale du Canada étions à la Chambre des communes lorsque les excuses ont été présentées, et nous avons pu prendre la parole à la Chambre des communes en 2008. Cependant, le lendemain, le 12 juin 2008, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, devaient comparaître devant le Sénat. Devinez qui a été exclu? Le Congrès des peuples autochtones. Le 11 juin 2008, le Sénat — je n’étais pas sénateur à l’époque — a dû adopter une motion pour que le Congrès des peuples autochtones puisse prendre la parole le lendemain des excuses présentées aux survivants des pensionnats indiens. C’était en 2008.
Ma carrière a commencé il y a 22 ans. En 2023, je suis encore ici à parler des mêmes choses, à parler d’exclusion. Lorsque le gouvernement parle de réconciliation et qu’il exclut une organisation délibérément, ou non, nous devrions tous nous demander pourquoi.
Je sais que beaucoup de gens autour de cette table peuvent avoir des préférences quant aux personnes avec lesquelles ils traitent, en ce qui concerne les organisations autochtones, mais je répète qu’il y a cinq organisations, pas quatre, pas trois, pas deux et pas une. Cela ne devrait pas être très difficile à comprendre. Je pourrais continuer à parler du CPA pendant longtemps si c’est ce que vous souhaitez ultérieurement, mais, pour les besoins de la réunion d’aujourd’hui, je ne commente pas le projet de loi. Je sais que certains ont laissé entendre qu’il faudrait peut-être tout réécrire. Attendons cependant que le ministre comparaisse pour poser ces questions très difficiles.
Chers collègues, on a tenté de présenter un amendement pour inclure le CPA à la Chambre des communes. Une entente entre les libéraux et le NPD a fait avorter cet amendement. Je ne suis pas membre du comité, mais, chose certaine, j’espère que quelqu’un autour de cette table présentera un amendement visant à inclure le CPA. Parce que voici le fond de l’histoire. Peut-être que, dans l’avenir, de nouvelles organisations seront créées. Je ne sais pas. Ce serait mon rêve qu’il y ait un organisme qui ne soit pas financé par le gouvernement du Canada. Il aurait une véritable influence. Mais le fait est que ces cinq organisations sont tout ce que nous avons à l’heure actuelle. C’est tout ce que nous avons pour l’instant. Quand l’une d’elles est exclue, comment ose-t-on parler de dialogue de nation à nation et de réconciliation? C’est blessant pour tous les dirigeants qui ont travaillé pour cette organisation et pour leur famille. Nous avons aujourd’hui un gouvernement qui essaie de les exclure, et c’est inacceptable.
Merci.
Le président : Merci, sénateur Brazeau, de vos observations.
Raymond Frogner, directeur des archives, Centre national pour la vérité et la réconciliation : [mots prononcés en cri]
Je m’appelle Raymond et je suis le directeur des Archives du Centre national pour la vérité et la réconciliation, ou CNVR. Je me joins à vous aujourd’hui depuis Winnipeg, sur le territoire visé par le Traité no 1, les terres originales des peuples anishinabes, cri, oji-cri, dakota et déné, la patrie des Métis de la rivière Rouge et le lieu de vie d’un grand nombre d’Inuits.
Je m’adresse à vous en tant que directeur des archives du CNVR et membre du Comité consultatif national sur les enfants disparus des pensionnats et les sépultures non marquées. Je suis accompagné de Stephanie Scott, directrice du CNVR.
Aujourd’hui, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-29 et la création d’un conseil national de réconciliation, qui était attendue depuis longtemps. Comme vous le savez, le CNVR a été créé pour poursuivre le travail essentiel entrepris par la Commission de vérité et réconciliation du Canada, ou CVR. Le CNVR est l’intendant des déclarations des survivants recueillies par la CVR et il est également le principal centre d’archives du Canada pour les documents liés aux pensionnats.
Le CNVR continue de recueillir des déclarations auprès des survivants, et nous continuons de négocier l’accès à un vaste ensemble de documents qui n’ont jamais été communiqués à la CVR. Il aide les survivants à accéder à ces documents, et il aide les chercheurs à raconter l’histoire des pensionnats et des établissements connexes. Le CNVR travaille également avec les survivants dans le cadre d’activités de commémoration et de vastes programmes d’éducation du public pour veiller à ce que cette histoire soit comprise et ne soit jamais oubliée.
Étant donné le rôle unique et vital du CNVR, les membres du comité seront peut-être surpris d’apprendre que le CNVR n’a jamais été consulté au sujet du projet de loi C-29. En fait, le Cercle des survivants, qui guide le CNVR, se demande comment cette initiative a pu se rendre aussi loin sans qu’il ait voix au chapitre. Je dis cela non pas pour condamner le projet de loi C-29, mais pour illustrer à quel point la coordination, la surveillance et la reddition de comptes sont importantes au fur et à mesure que nous progressons ensemble sur la voie de la réconciliation. Un travail énorme est accompli partout au pays par les survivants et par leur communauté, par les organisations autochtones, par les institutions publiques et privées et par le gouvernement. Mais je dirais que personne n’a de portrait complet ou clair de ces activités.
Nous ratons des occasions importantes de collaborer, d’apprendre de nos erreurs et de mettre en œuvre des pratiques exemplaires ensemble. Je dirais aussi que le gouvernement fédéral doit en faire davantage pour que son engagement à l’égard de la réconciliation se concrétise de façon cohérente. Il s’agit notamment de veiller à ce que les survivants, les gouvernements autochtones et les institutions dirigées par les Autochtones participent pleinement à chaque étape. C’est pourquoi il est si important que nous ayons un conseil national, qu’il soit vraiment indépendant et qu’il dispose de toutes les ressources nécessaires pour accomplir son important travail.
Merci. Meegwetch.
Stephanie Scott, directrice, Centre national pour la vérité et la réconciliation : Boozhoo Miskwa aankwaadkwe ndizinakaaz wabeshishii Dodem. Winnipeg doonji.
Mon nom anishinabe est Red Cloud Woman. Ma famille est de la Première Nation des Anishinabes de Roseau River, et je suis du clan de la Marte. J’ai le privilège de vivre et de travailler sur le territoire du Traité no 1, terre natale de mon peuple. Meegwetch aux honorables sénateurs pour cette occasion de parler avec eux aujourd’hui.
Comme mon collègue Raymond Frogner l’a mentionné, le CNVR appuie l’adoption du projet de loi C-29. Il a été gratifiant de voir les parlementaires appuyer ce projet de loi. Le Conseil national de réconciliation est l’un des trois piliers des appels à l’action de la CVR. La création d’un conseil national se fait attendre depuis bien longtemps, et nous ne voudrions pas qu’elle soit retardée davantage.
Cependant, le CNVR a des préoccupations à l’égard du projet de loi C-29, et nous espérons qu’elles seront prises en compte dans sa mise en œuvre. Il est étonnant et décevant de constater que, lorsque le projet de loi établit la composition du futur conseil d’administration, les survivants des pensionnats indiens sont les derniers à être nommés. De plus, les exigences d’inclusion des survivants sont assorties de l’expression « dans la mesure du possible », comme toutes les autres exigences relatives à la composition du conseil d’administration. Pourquoi n’est-il pas obligatoire que le conseil d’administration inclue des survivants ou leurs descendants, dont bon nombre sont des aînés et des gardiens du savoir? J’aimerais rappeler à tous les parlementaires qu’il n’y aurait pas eu de CVR si les survivants n’avaient pas lutté pendant des décennies pour contrer les efforts concertés de l’Église et du gouvernement visant à les faire taire.
Les recherches effectuées par la CVR et par le CNVR confirment le décès de milliers d’enfants dans les pensionnats. Chaque année, nous perdons d’autres de ces courageux guerriers. Tant qu’ils sont avec nous, nous devons honorer leur voix. Au CNVR, nous croyons qu’un principe fondamental de la réconciliation est que notre travail doit être dirigé par les survivants.
Ensuite, on ne sait pas exactement comment tout le travail important prévu par le projet de loi sera accompli. Le conseil aura pour mandat :
de surveiller et d’évaluer les progrès réalisés en matière de réconciliation, de mener de la recherche et de rendre des comptes relativement à ces progrès […] dans tous les secteurs de la société canadienne et par tous les gouvernements […]
Cela comprend l’évaluation des politiques, des programmes et des lois qui concernent les peuples autochtones; la recommandation de façons de promouvoir, de prioriser et de coordonner les efforts de réconciliation; et l’évaluation des progrès réalisés à l’égard de résultats mesurables. Pour réussir ce travail, le conseil devra entendre directement le point de vue des collectivités autochtones. Cela suppose de visiter les collectivités et de veiller à ce que les survivants aient accès aux services de santé dont ils ont besoin pour participer à ce dialogue. Il est essentiel que le conseil dispose des ressources nécessaires pour répondre à ces besoins.
De plus, les rapports annuels requis afin de créer le comité sont une occasion d’élaborer de meilleurs outils pour évaluer les progrès en matière de réconciliation. Par exemple, le projet de loi lui-même met l’accent sur une comparaison brute entre les communautés autochtones et non autochtones dans des domaines comme le niveau de revenu et le niveau de financement de services comme l’éducation. Mais si nous voulons vraiment évaluer les progrès vers la réconciliation, nous devons aussi demander aux peuples autochtones comment ils mesureront les progrès vers la restauration et la guérison de leur culture et de leurs collectivités. En tant qu’Anishinabe Kwe, je ne suis pas en sécurité aujourd’hui sur mes terres traditionnelles. Cela signifie que nous avons beaucoup à faire dans ce pays pour réparer les torts du passé et veiller à ce que mes enfants et mes petits-enfants soient en sécurité et puissent s’épanouir avant que nous puissions nous réconcilier. Après tout, nous en sommes encore à l’étape de la vérité.
De plus, le CNVR est préoccupé par les données qui seront générées…
Le président : Madame Scott, je suis désolé de vous interrompre. Votre temps est écoulé. Je vous ai laissé parler un peu plus longtemps. Merci.
Nous allons maintenant passer à Mme Omeniho, qui va faire une déclaration préliminaire.
Melanie Omeniho, présidente, Les Femmes Michif Otipemisiwak : Bonsoir. Je m’appelle Melanie Omeniho et je suis la présidente de Women of the Métis Nation – Les Femmes Michif Otipemisiwak. Je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd’hui depuis les territoires non cédés des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, ainsi que de la Métis Nation British Columbia.
Les Femmes Michif Otipemisiwak est une organisation nationale de femmes autochtones qui a reçu démocratiquement le mandat de représenter les femmes métisses dans l’ensemble de la mère patrie de la nation métisse. Je parle aujourd’hui en faveur de la création d’un conseil national de réconciliation en tant qu’organisation indépendante, apolitique, permanente et dirigée par les Autochtones, dont le but est de faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones. Nous appuyons la loi sur le Conseil national de réconciliation.
Je reconnais également que ce travail a pris des années, le premier conseil intérimaire ayant été constitué le 14 décembre 2017. Après avoir examiné le projet de loi, je me réjouis de voir les lignes directrices concernant la participation et la composition du conseil national. J’espère que, parmi les divers membres du comité, il y aura des femmes, des aînés, des jeunes, des personnes bispirituelles et ayant diverses identités de genre qualifiés ainsi que des survivants des pensionnats qui pourront aider les femmes métisses et tous les Autochtones du Canada à concrétiser des efforts de réconciliation authentiques et réels.
En ce qui concerne la première élection officielle du conseil d’administration du Conseil national de réconciliation, nous prenons bonne note des lignes directrices sur la formation fondée sur les distinctions. Nous appuyons le Ralliement national des Métis dans la nomination d’un membre du conseil pour l’élection. Les Femmes Michif Otipemisiwak participeront dans la mesure où elles pourront appuyer l’examen des candidatures des femmes métisses de notre collectivité dans l’ensemble de la mère patrie métisse.
Nous espérons encourager le Conseil national de réconciliation, une fois qu’il aura été élu, à faire avancer ce bon travail en adoptant nos valeurs traditionnelles de [mots prononcés dans une langue autochtone] tout en préconisant des façons de travailler axées sur les forces, sensibles aux autres et tenant compte des traumatismes pour faire progresser la réconciliation au Canada de façon inclusive. Nous appuyons fortement l’idée que les travaux du Conseil national de réconciliation soient constamment guidés et soutenus par une analyse comparative entre les sexes et une perspective intersectionnelle autochtones dans la mise en œuvre de ses nombreuses fonctions.
Nous serions ravies d’offrir notre soutien en offrant une perspective sexospécifique propre aux Métis relativement à cet important travail. Ayant participé à l’élaboration d’autres plans d’action pluriannuels au sein des organisations de nos partenaires fédéraux, des dirigeants autochtones et des femmes autochtones à l’échelle nationale, nous continuons d’espérer que ce conseil national sera efficacement et concrètement habilité à obtenir des résultats significatifs et mesurables, y compris l’appel à l’action no 55 de la CVR du Canada.
Nous attendons avec impatience l’application du processus de mise en candidature et de recrutement visant à former le conseil, et nous participerons activement à la surveillance étroite des renseignements communiqués et des comptes rendus du Conseil national de réconciliation dans les rapports annuels connexes.
Il faudra un effort véritablement collectif pour que ce processus soit un succès et pour donner à ce conseil national historique le pouvoir d’être un moteur de la réconciliation au Canada. Je reconnais tout particulièrement le niveau de transparence et d’engagement à l’égard du rapport annuel du ministre et des enfants, des jeunes, des femmes, des hommes et des aînés autochtones qui regardent la vérité en face au Canada.
Je me réjouis à l’idée de me joindre à d’autres dirigeants autochtones pour contribuer au succès de l’initiative et appuyer le Conseil national de réconciliation.
Merci beaucoup de m’avoir écoutée.
Le président : Merci, madame Omeniho.
Le sénateur Arnot : Je remercie tous les témoins d’être venus aujourd’hui.
Je remercie le sénateur Brazeau d’avoir pris la parole. Je pense qu’il se trouve dans une position unique en venant témoigner devant nous aujourd’hui, puisqu’il a été chef national du CPA. J’ai une question générale pour tous les témoins.
Je pense que nous reconnaissons tous qu’un plan national bien financé visant à établir un conseil de vérité et de réconciliation au Canada, conformément aux appels à l’action, se fait attendre depuis longtemps. Le comité a entendu — et j’ai entendu — certaines préoccupations exprimées par des particuliers, de façon officielle et officieuse, au sujet de l’approche proposée dans ce projet de loi, et beaucoup m’ont dit que, même si le projet de loi C-29 n’est pas parfait, nous devons absolument nous attaquer à ce problème — et j’ai entendu certains témoins le dire ici — et ne pas attendre pendant des années. En effet, nous devons éviter de chercher le mieux et d’être l’ennemi du bien.
Compte tenu des positions que j’ai entendues, et certainement de votre position unique, monsieur, je vous demande de décrire la nécessité de mesures pour permettre la réconciliation, telle que vous la voyez, et j’aimerais que vous commentiez le projet de loi, du moins de façon générale. Il est présenté sous une certaine forme en ce moment; il faudra peut-être le modifier. Dites-nous si vous pensez que le comité devrait se concentrer sur certains aspects à amender.
Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de la question.
En tant que sénateurs, notre travail consiste à examiner les projets de loi et à essayer de les améliorer, si nous le jugeons bon, et je ne vais pas commenter le contenu du projet de loi ce soir, parce que je suis ici pour jouer un autre rôle.
Mais, cela dit, je suis venu ici parce qu’il y a une omission : il y a une organisation qui a été oubliée. N’oublions pas que ces cinq organisations sont financées par le gouvernement fédéral, alors, lorsque le gouvernement fédéral décide d’offrir un siège à ces quatre ou cinq organisations et de se réserver quelques sièges, eh bien, ne nous leurrons pas.
Si on regarde le préambule de tout cela, il est question d’un dialogue de nation à nation…
Le sénateur Arnot : Sénateur Brazeau, puis-je intervenir brièvement? Si je ne vous ai pas posé cette question directe, c’est parce que je connais vos arguments. J’ai été directeur général de la justice autochtone à Justice Canada de 1994 à 1997, et je rencontrais régulièrement le CPA. Je comprends vos arguments et j’y suis sensible. Je me posais simplement des questions sur cet enjeu plus vaste — et je pense que vous pouvez nous aider tous ici aujourd’hui — de l’état du projet de loi, de la nécessité de mettre en place un conseil de vérité et de réconciliation à l’échelle nationale.
Le sénateur Brazeau : Évidemment, je crois que nous avons besoin de quelque chose de ce genre, et, si nous réussissons à obtenir la participation de toutes les organisations, nous aurons au moins fait notre travail, et nous les laisserons décider de la façon dont l’organisation ira de l’avant. Quand on regarde le préambule de beaucoup de documents du gouvernement fédéral — peu importe qui est au pouvoir —, mais lorsqu’il est question de dialogue de nation à nation, c’est juste…
Nous disons toujours ici que nous sommes sur un territoire algonquin non cédé. Le peuple algonquin a-t-il été consulté dans ce projet de loi? La nation algonquine a-t-elle été consultée? La réponse est non. Ce sont des organisations qui ont été créées pour représenter les gens. C’est ce que nous avons. Nous savons tous que toutes ces organisations sont imparfaites. Nous savons tous qu’elles ont tous leurs propres problèmes et qu’elles en ont eu à différents moments. Comme je l’ai dit, le fait est qu’aujourd’hui, nous avons cinq organisations autochtones nationales reconnues et financées par le gouvernement du Canada. Donc, s’il exclut une ou deux organisations, c’est à lui de dire clairement pourquoi il le fait.
Je ne sais pas pourquoi le CPA a été exclu, mais, d’après mon expérience des 22 dernières années, disons simplement que le gouvernement du Canada aime faire de la politique et se servir des différentes organisations autochtones, même pour qu’elles se battent les unes contre les autres. Ne nous cachons pas ce fait non plus.
Pour répondre à votre question, je pense que nous avons besoin de quelque chose du genre. C’était un appel à l’action. Nous y sommes presque, et nous pouvons l’améliorer. Nous pouvons améliorer ce projet de loi.
Le président : Merci, sénateur Brazeau. Je rappelle aux témoins que, s’ils n’ont pas l’occasion de répondre maintenant, ils pourront le faire par écrit. Malheureusement, nous avons une limite de cinq minutes pour les questions et les réponses. Je dois m’en tenir à cela parce que nous avons sur la liste de nombreux sénateurs impatients de poser des questions.
La sénatrice Sorensen : Bienvenue à tous les témoins. Je tiens à remercier le sénateur Brazeau pour la leçon d’histoire. Elle m’a beaucoup aidée à comprendre l’histoire du CPA. J’entends constamment parler du CPA et de sa situation, et je comprends votre point de vue.
J’aimerais poser une question à Mme Scott et à M. Frogner. Il est décevant d’apprendre que votre organisation n’a pas été consultée. J’ai trouvé cela un peu surprenant. Je voudrais dire que les témoins de cette semaine nous ont beaucoup parlé de la nécessité de faire jouer aux gardiens du savoir et aux aînés un rôle extrêmement important au conseil. Je pense pouvoir dire que nous avons bien reçu le message la semaine dernière.
Nous avons entendu des préoccupations selon lesquelles le conseil pourrait entraver les progrès et le travail qui se font déjà. J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Il devient évident qu’il y a un domaine où les progrès sont très lents. En outre, pensez‑vous que le conseil pourrait combler un vide si on lui donnait le pouvoir de contraindre à produire des documents et à témoigner ou espérez-vous qu’il puisse le faire? Merci.
Mme Scott : Oui, absolument, c’est crucial en ce moment. C’est en 2015 que le mandat de la CVR a pris fin. Nous avons poursuivi le travail. Le CNVR découle de la CVR.
Nous n’avons pas été consultés, mais tout ce qui va de l’avant relativement à cette loi doit être dirigé par les survivants et axé sur les survivants. Nous en perdons chaque jour. Je peux vous dire que les nombreux survivants que j’ai rencontrés partout au pays savent qu’il est nécessaire d’agir rapidement. Nous en perdons chaque jour, et c’est vraiment important parce qu’il y a une profondeur dans ce qu’ils ont à dire. La rétroaction qu’ils fournissent, les expériences de vie et l’histoire ne peuvent que profiter grandement au conseil. Sans eux, si leur présence n’est qu’accessoire, il ne pourra pas s’épanouir. Il n’est pas nécessaire que nous répétions les erreurs du passé.
M. Frogner : Absolument. Je pense qu’il est important de reconnaître que ce que nous faisons est une transformation générationnelle de la relation entre les peuples autochtones et la société colonisatrice. Nous sommes en train d’élaborer des mécanismes qui relanceront le dialogue sur le fondement des principes de la dignité, de l’égalité et du respect. Le conseil pourrait être très utile pour appuyer l’acquisition de documents. Cela comprend les documents de l’entente de principe et d’autres procédures relatives aux documents, par exemple le transfert d’environ 10 millions de documents de plus par le gouvernement fédéral en ce moment. Tout juste la semaine dernière, nous avons négocié le règlement définitif de l’entente avec les oblats, qui nous permettra d’obtenir les documents de la congrégation des oblats. Il nous reste encore à acquérir un nombre considérable de documents et de sources qui documentent cette histoire.
Une autre façon de le faire serait de reformuler la Loi sur les Archives nationales du Canada, qui est la loi portant sur l’histoire documentaire du pays, mais qui ne fait aucunement mention de l’identité autochtone du Canada. Une nouvelle version de loi sur les archives qui inclurait cette identification serait également utile pour recueillir l’histoire des documents que nous détenons en tant que principal centre de recherche sur l’histoire et les séquelles des pensionnats au Canada.
La sénatrice Sorensen : Merci.
La sénatrice Coyle : Je remercie tous nos témoins, notre collègue, le sénateur Brazeau, et nos invités en ligne. J’ai tellement de questions à poser après avoir entendu les divers témoignages.
Je voudrais simplement dire quelque chose au sénateur Brazeau. Je comprends ce que vous nous dites. Cette histoire est importante pour nous, et le fait qu’elle vienne de vous a aussi son importance, comme vous le savez. Pour le compte rendu, lorsque j’ai questionné la sénatrice Martin au Sénat au sujet de son discours sur le projet de loi, ce n’était pas parce que je remettais en question la légitimité du CPA. Je remettais en question le fondement de cette légitimité. Je veux simplement mettre les choses au clair.
J’ai une question pour Mme Scott, puis une autre pour quiconque voudra y répondre. J’ai trouvé très intéressant que vous disiez que, après tout, nous en sommes encore à l’étape de la vérité, parce que nous parlons d’un conseil de vérité et de réconciliation, qui aura les deux fonctions. Votre centre a également cette fonction. Je comprends que vous découvrez encore des vérités. Mais il y aura de nouvelles vérités au sujet des lacunes, et cetera, qui seront importantes et des données qui démontreront les lacunes ou, espérons-le, les progrès vers la réconciliation qui feront partie de cela. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous entendez par là, que nous en sommes encore à l’étape de la vérité, et sur les répercussions que cela aura sur le projet de loi?
Mme Scott : Oui. Il y avait la CVR du Canada. À l’époque, j’étais gestionnaire de la collecte des déclarations. J’ai parcouru tout le pays et j’ai écouté les survivants dire leur vérité. La CVR nous a amenés à un certain point. Le CNVR poursuit ce travail. Nous avons fait des progrès importants. Raymond a poursuivi nos recherches. Nous allons encore recevoir plus de 15 millions de documents, et, dans ces documents, il y aura énormément de vérités qui restent à dire.
Raymond a effectué des recherches sur le nombre d’enfants disparus dans les pensionnats. Ce chiffre va augmenter, de même que le nombre de déclarations de survivant, que nous avons à cœur et que nous voulons préserver pour les décennies à venir. À cela s’ajoutent les documents et les témoignages. Tout ce que disent les survivants constitue davantage de vérités. Il y a tellement de travail à faire... de recherche dirigée par le CNVR. Il y a un certain dédoublement lorsqu’on regarde les mandats, mais je pense que, en l’absence du conseil, le CNVR est allé de l’avant, et cela s’est fait par de multiples conversations. Nous n’avions pas le choix, parce que nous sommes ici pour les enfants et pour les survivants, alors, lorsque je parle de vérité, nous ne connaissons pas encore toute la vérité.
La sénatrice Coyle : Je crois que vous qui êtes tous les trois ici sur notre écran avez dit être en faveur du projet de loi C-29. Je crois avoir entendu chacun d’entre vous souligner l’importance de son indépendance. Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez par là?
M. Frogner : Je pourrais dire quelques mots à ce sujet.
Nous comprenons que la réconciliation est fondée d’abord sur la reconnaissance, alors la reconnaissance complète de cette histoire est le premier pas vers la réconciliation entre les sociétés colonisatrices et les peuples autochtones. De plus, il doit s’agir d’un ensemble de documents transparent et vérifiable qui mène à cette vérité afin qu’il n’y ait aucune possibilité de déni. Les archives doivent être claires et vérifiables. Elles doivent raconter de manière fiable ce qui s’est passé. Ce genre de foi envers les archives et l’histoire sera le premier pas vers la réconciliation et vers un dialogue bénéfique pour tous.
La sénatrice Coyle : Merci. Quelqu’un d’autre a-t-il quelque chose à ajouter?
Mme Omeniho : J’aimerais parler de quelques vérités qui restent à découvrir et dont on n’a pas encore parlé.
D’abord, il y a huit organisations autochtones financées à l’échelle nationale. Les femmes métisses et inuites sont toujours laissées de côté lorsqu’on parle des quatre ou des cinq, et personne ne veut parler du fait qu’elles sont marginalisées.
Mais l’autre vérité, c’est que l’histoire des Métis qui ont été dans les pensionnats n’a jamais été racontée, et il faut la documenter et appuyer les progrès à cet égard. Je sais que nous travaillons avec le pensionnat de l’Île-à-la-Crosse pour surmonter les difficultés qui y sont survenues. Je sais que les gens continuent d’insister sur la question des externats. Le fait d’avoir fréquenté un externat ne change pas le résultat, et ces gens ont des histoires et des traumatismes à exprimer.
Il y a donc beaucoup de travail à faire, et il ne convient pas d’exclure qui que ce soit. Nous devons nous assurer d’inclure tout le monde.
Le président : Merci, madame Omeniho.
Le sénateur Tannas : Tout d’abord, je tiens à dire à Mme Scott que nous n’avons pas oublié la conversation que nous avons eue sur le fait d’amener les organismes qui ne se conforment pas à le faire et de leur demander pourquoi ils ne collaborent pas avec vous. Nous y viendrons. Nous sommes évidemment saisis d’un projet de loi du gouvernement, mais j’ai hâte à ce jour. Nous allons travailler fort pour y arriver.
J’aimerais revenir à la composition. Mme Omeniho vient de parler des autres membres. C’est pour constituer le premier conseil, puis, à partir de là, il me semble qu’il commencera à sélectionner des gens au fur et à mesure qu’il en partira, mais je me trompe peut-être; je ne comprends peut-être pas. Serait-il logique, comme moyen de nous en sortir, de constituer nous-mêmes le conseil, de faire preuve d’audace et de choisir chacun des membres? Alors, les quatre associations qui ont déjà été choisies, plus les centres d’amitié, plus quelqu’un du CNVR que vous désigneriez parmi les survivants que vous connaissez... Nous pourrions parcourir la liste et probablement arriver à près de 13 ou 10 membres, de sorte que tout le monde serait heureux.
Est-ce une façon de nous en sortir, ou avez-vous une autre idée de la façon dont nous pouvons régler ce problème? J’aimerais savoir si vous y avez réfléchi. Merci.
Mme Scott : Je pense que vous pourriez créer un cercle de survivants qui comprendrait des représentants de partout au Canada et qui serait un organe de surveillance du conseil national.
Au CNVR, nous avons continué d’élargir le cercle. La profondeur des conseils et des orientations que nous recevons des diverses nations est essentielle à notre travail. Nous ne passons pas une journée sans communiquer ou collaborer directement avec elles. Nous sommes ici et nous existons grâce aux survivants, et nous travaillerons avec eux et nous amplifierons leur voix tant que nous existerons.
Je pense qu’un cercle de survivants renforcerait certainement ce conseil.
Le président : Quelqu’un d’autre? Madame Omeniho?
Mme Omeniho : Je sais que nous pourrions tous passer beaucoup de temps à débattre de la composition du premier conseil. Je comprends aussi la chose de la manière décrite : le conseil va commencer à choisir par lui-même; ce ne seront pas des organisations politiques ou d’autres organisations qui essaieront de faire le choix.
Mais la vérité, c’est que nous devons aller de l’avant. Nous avons besoin de la transparence et de l’indépendance que ce groupe aura au bout du compte, parce qu’il sera important de veiller à ce que nous allions de l’avant avec la réconciliation.
La sénatrice Martin : Je remercie tous les témoins. J’ai deux questions. Ma première s’adresse au sénateur Brazeau.
J’ai entendu plus tôt aujourd’hui que ce qui distingue le CPA des autres organisations nommées, c’est que c’est un fournisseur de services plutôt qu’un titulaire de droits. Est-ce exact? Même si c’est le cas, en tant qu’organisation nationale, il a été exclu, alors j’aimerais beaucoup obtenir des précisions à ce sujet.
Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de la question.
Même il y a 20 ans, les gens se demandaient ce qu’était le CPA. Qui sont les membres de l’Assemblée des Premières Nations ou du Ralliement national des Métis? Quelles sont les règles régissant leur composition? Le congrès est une organisation nationale composée d’organisations provinciales affiliées. Je ne pense pas qu’il y ait des organisations affiliées dans chaque province ou territoire, pour des raisons historiques, à cause de problèmes qui sont survenus et tout cela.
Le CPA est un organisme de défense d’intérêts politiques. Il n’offre pas de services. Ce sont ses organisations provinciales affiliées, comme le Native Council of Nova Scotia, qui offrent des services à leurs membres.
Mais, en ce qui a trait à une organisation autochtone, il n’y a pas une grande différence, sauf pour ce qui est des gens que l’organisation représente. Il n’y a pas beaucoup de différences.
Elles sont toutes financées par le gouvernement du Canada. Je l’ai déjà dit, et je le disais lorsque j’étais chef : lorsqu’on décide de ne pas collaborer avec le gouvernement du Canada, il y a des conséquences.
Comme je l’ai dit, le fait est qu’il y a cinq organisations, alors traitons avec celles-ci. Quand je dis « cinq organisations », je parle des organisations de défense d’intérêts politiques. Il y en a toujours eu cinq, et maintenant on essaie de limiter cela. Cela touche à une discussion plus approfondie sur la compétence du gouvernement fédéral à l’égard de tous les peuples autochtones.
Nous n’en avons pas encore parlé, mais c’est par l’intermédiaire de l’arrêt Daniels de la Cour suprême. Harry Daniels était l’ancien président du Congrès des peuples autochtones. Nous avons eu gain de cause devant la Cour suprême, qui a dit au gouvernement fédéral que, même s’il avait créé différentes étiquettes — Indiens inscrits, Indiens non inscrits, Indiens visés par un traité, Indiens non visés par un traité et ainsi de suite — la responsabilité englobait tous les peuples autochtones. Pendant de nombreuses années, le gouvernement fédéral a fonctionné comme s’il avait seulement compétence sur les « Indiens » qui vivaient dans les réserves. Pourquoi dis-je une telle chose? Parce que pour chaque 8 $ que le gouvernement fédéral a dépensé dans les réserves, il a dépensé 1 $ hors réserve.
C’est donc un problème et une tentative de transférer le dossier aux provinces. Je n’ai jamais rencontré un premier ministre provincial qui a dit : « Je suis d’accord avec le gouvernement fédéral, une fois qu’une personne quitte une réserve, elle relève de notre compétence. » Je n’en ai encore jamais rencontré.
Quand on parle de politique d’assimilation, ce n’est pas une politique d’assimilation, mais, de toute évidence, le gouvernement fédéral l’applique. Je l’ai vu. Je l’ai vu il y a 20 ans et je le vois encore aujourd’hui; la tendance se poursuit. Mon message à tous — surtout aux membres des Premières Nations qui font partie de ces organisations — est le suivant : pour l’amour de Dieu, travaillez ensemble, parce que le gouvernement fédéral vous monte les uns contre les autres.
La sénatrice Martin : Comme d’autres collègues l’ont dit, vos observations ce soir ont été très utiles, et vous avez une mémoire institutionnelle. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses à analyser dans ce que vous venez de dire. J’aurais aimé avoir plus de temps.
Madame Scott, vous pouvez peut-être répondre par écrit, car je sais qu’il me reste moins d’une minute. En ce qui concerne le plan d’action que le conseil élaborerait et mettrait en œuvre — un de ses premiers mandats sera la création d’un plan d’action national pluriannuel —, je voulais comprendre ce que vous recommanderiez, parce que vous avez été exclue du processus de consultation, mais lorsque tout sera mis en œuvre, j’espère que vous participerez à l’élaboration du plan d’action pluriannuel. Votre participation serait très importante.
Mme Scott : Je tiens à souligner rapidement que vous n’avez pas oublié non plus notre conversation sur les dossiers, alors je l’apprécie également.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie tous de vos exposés. Je voulais parler des relations dans le cadre du processus de réconciliation. Il s’agit d’un processus multigénérationnel. C’est un projet multidimensionnel. C’est énorme. Quand on regarde les Premières Nations — et je me considère comme un ancien élève —, la réconciliation que je dois faire avec moi-même, la terre, la communauté, la langue et la culture, c’est quelque chose d’énorme.
Et dans le cas des Métis, comme nous l’avons entendu, leurs histoires n’ont pas encore été entendues, et leurs récits sont différents des nôtres, différents des histoires qui ont été racontées dans le cadre des travaux de la CVR. C’est la même chose pour la rafle des années 1960. Il y a les Métis, puis il y a les Autochtones et les non-Autochtones. Ce n’est pas de la réconciliation, c’est de la conciliation. C’est un mot différent.
Lorsqu’on examine l’engagement requis, on constate qu’il doit être authentique, qu’il doit être moins axé sur les traumatismes et que, à tous les niveaux, les besoins sont différents. L’oppression a entraîné un chaos politique, de la discorde sociale, une dépendance collective et des violations des droits de la personne, entre autres. Pensez-vous que le plan d’action et le conseil pourront faire toutes ces choses, ou faudra-t-il se concentrer sur certains éléments, en se rappelant que, au bout du compte, la conciliation entre les peuples autochtones et non autochtones devra reposer sur une population autochtone en santé pour que le processus soit positif et que la relation soit transformatrice?
Quand j’adopte une vue d’ensemble, compte tenu de tout le travail que je fais moi-même... Vous faites beaucoup de choses simultanément, alors comment faites-vous? Pensez-vous que c’est possible?
Le président : Quelqu’un voudrait-il essayer de répondre à la question du sénateur McCallum?
Mme Scott : Je vais répondre. Ou Mme Omeniho. Avez-vous levé la main? Je vais la laisser commencer.
Mme Omeniho : L’une des choses que j’ai dites dans mon exposé, c’est que nous devons revenir aux valeurs [mots prononcés en langue autochtone], qui consistent à établir des relations entre tous nos peuples et à nous aider à guérir collectivement. Si nous excluons certains groupes ou utilisons nos processus pour semer la discorde, nous avons perdu la bataille. Nous devons travailler ensemble et être unis afin de pouvoir aller de l’avant dans l’intérêt de la population, et il faut toujours tenir compte des traumatismes.
Mme Scott : Je suis tout à fait d’accord. Je suis la fille d’une survivante. Je suis une survivante de la rafle des années 1960. J’ai été emmenée à la naissance. J’ai moi-même passé des décennies à essayer de réparer et de récupérer ce qui a été perdu. Je ne vais pas abandonner et je ne vais pas laisser le gouvernement dicter de quelle façon et à quel endroit je dois être en santé, mais un processus adapté aux traumatismes est crucial. Chaque jour, dans le cadre de notre travail, nous faisons face à des préjudices, des traumatismes, de la douleur et de la souffrance. Ces choses ne peuvent pas être séparées et traitées distinctement, parce que nous sommes toujours engagés dans le processus que j’ai mentionné plus tôt. Il y a les pensionnats, la rafle des années 1960, la protection de l’enfance, les prisons et les femmes assassinées. Ce ne sont donc pas des choses distinctes. Tant que nous commençons à nous attaquer à tout ça, à nous rassembler et à être inclusifs, nous pouvons le faire ensemble en tant que nations. Nous sommes plus puissants, et je crois que le gouvernement craindra le résultat. Nous devons donc travailler ensemble.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Madame Omeniho, je suis heureuse de vous revoir. J’ai une série de questions auxquelles vous pourrez répondre en cinq minutes.
Je sais que vous faites partie de la Métis Nation of Alberta, depuis 300 ans, alors vous connaissez très bien l’histoire de cette organisation. Pouvez-vous me dire quelle est la relation — il s’agit de ma première question — la relation organisationnelle entre les groupes métis locaux, la Métis Nation of Alberta et la Métis Nation of Ontario? Quel est le fonctionnement?
Mme Omeniho : En Alberta, il existe une solide relation entre les groupes métis locaux, les régions métisses et la Métis Nation of Alberta, et le groupe est en train — tout récemment, avec un vote d’appui de plus de 16 000 personnes — d’adopter un processus constitutionnel qui rassemblera ces collectivités et les intégrera davantage dans le cadre de gouvernance de la nation métisse albertaine.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Selon la constitution de la Métis Nation of Alberta, peut-on être membre d’une Première Nation et de la Métis Nation of Alberta?
Mme Omeniho : Non. Soit une personne est membre de la nation métisse, soit elle est membre des Premières Nations.
L’autre aspect concernant la Métis Nation of Alberta et toutes les organisations provinciales métisses, c’est que les dirigeants sont tous élus démocratiquement dans le cadre d’élections provinciales tous les quatre ans.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Pourriez-vous me dire quels sont les paramètres pour devenir membre de la Métis Nation of Alberta? Parlez-moi de la rigueur du processus d’adhésion.
Mme Omeniho : Pour devenir membre de la nation métisse — quel que soit le processus de gouvernance de la nation métisse —, il faut pouvoir prouver l’existence d’un lien historique et il faut le démontrer en documentant la lignée familiale. En fait, le processus d’adhésion à l’une ou l’autre de nos nations métisses est plus rigoureux que celui de toute autre organisation à laquelle nous avons déjà participé. Je sais que les gens qui sont des citoyens métis au sein de notre nation métisse sont en fait des Métis dont l’identité peut être vérifiée, des gens qui font partie de nos communautés et qui peuvent prouver historiquement — jusque dans les années 1600 et 1700 — qu’ils appartiennent bel et bien à la communauté et que c’est leur nation.
La sénatrice Greenwood : J’ai quelques questions à poser. Je vous inviterais donc à répondre à la première par écrit.
J’ai trouvé la discussion très intéressante, et je vous remercie, sénatrice Martin, de vos questions, car elles m’ont vraiment fait réfléchir. J’aurais aimé avoir plus de temps pour discuter.
De toute évidence, pendant que j’écoutais ce soir, j’ai entendu les organisations politiques parler de ceux qui sont inclus, des exclus et de ce genre de choses. J’ai travaillé avec un certain nombre d’organisations autochtones nationales au pays au fil des ans, alors je crois qu’il y en a un certain nombre. J’y pense, et en écoutant Mme Scott et M. Frogner, il était intéressant de constater qu’ils parlent du Cercle des survivants, et je comprends bien. Je me demande comment ces deux concepts — ces deux grandes idées — vont s’articuler. Je pense que le projet de loi, tel que je l’interprète, tente en partie d’arriver à un tel résultat. J’aimerais donc que chacun d’entre vous réfléchisse à ce à quoi ressemblerait une structure fondée sur le Cercle des survivants en lien avec le présent projet de loi et son contenu actuel.
L’autre aspect, sénateur Brazeau, ce sont les organisations politiques. J’ai une idée de ce que vous feriez, mais à quoi cela ressemblerait-il par rapport au projet de loi? S’agit-il simplement d’ajouter le Congrès des peuples autochtones? C’est peut-être plus qu’un simple ajout. J’aimerais beaucoup que vous participiez au processus. J’aimerais recevoir des commentaires par écrit.
Au cours d’autres séances, lorsque nous avons entendu des témoins, les gens ont parlé de la structure envisagée dans le projet de loi en tant que tel et ils se sont demandé si elle ne remplacerait pas des choses déjà faites par d’autres groupes qui travaillent sur la réconciliation. Les gouvernements s’en serviraient-ils pour contourner la consultation directe ou la mobilisation des peuples autochtones? Pourraient-ils s’adresser à ce conseil plutôt qu’aux gens eux-mêmes? C’est un aspect de la question. Vous pouvez tous répondre à cette question si vous le souhaitez.
Le sénateur Brazeau : Je dirais qu’il vaudrait peut-être mieux poser cette question au ministre et à ses fonctionnaires.
La sénatrice Greenwood : Merci.
Mme Omeniho : Je dirais simplement qu’il sera important que ce ne soit pas la seule perspective de réconciliation. Je ne peux pas vous dire ce que le gouvernement fédéral va faire. Cependant, je ne peux qu’espérer — surtout tandis que nous travaillons sur les questions liées à la rafle des années 1960, au système de protection de l’enfance et aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées — qu’il s’agira seulement d’une composante du processus de réconciliation. Il y a beaucoup de travail à faire pour traiter les traumatismes auxquels nous avons été exposés et que nous avons dû vivre. Nous espérons qu’un processus ou une commission semblable pourra être mis sur pied dans le cas des femmes autochtones disparues et assassinées afin de mettre en place un conseil de surveillance qui nous aidera à donner suite aux recommandations formulées dans le cadre de l’enquête.
M. Frogner : Si je peux me permettre d’appuyer ce qui vient d’être dit, il y a un risque que le conseil essaie de tout faire pour tout le monde. Ce genre de métarécit qui regroupe toutes les questions en un seul conseil n’est pas possible. L’histoire complexe et diversifiée; elle fait intervenir plusieurs générations et ne peut être réglée par un seul conseil. Le conseil peut appuyer le travail effectué sur le terrain, dans les collectivités locales, pour résoudre ces problèmes. Je pense que ce serait la force du conseil, de ne pas essayer de superviser toutes les activités comme s’il s’agissait d’un métaconseil qui englobe tout. Une telle démarche serait contre-productive.
La sénatrice Greenwood : Merci.
Le président : Il ne nous reste presque plus de temps, mais j’aimerais revenir à Mme Scott, car j’ai dû interrompre sa déclaration préliminaire. Si elle veut prendre quelques minutes pour terminer, elle peut le faire.
Mme Scott : Je comprends tout à fait. Je voulais simplement souligner l’inclusion de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — la DNUDPA — et répéter et amplifier cet aspect du projet de loi. C’est seulement dans le préambule en ce moment, alors nous voulions le souligner; il pourrait s’agir d’une façon d’aller de l’avant.
Le président : Merci, madame Scott. Sénatrice Audette, avez-vous une petite question à poser?
La sénatrice Audette : Je tiens à remercier tous les témoins et le leadership qu’ils assument chaque jour. Je vous remercie de tout cœur. Pour moi, d’où je viens — certains d’entre vous savent d’où je viens —, nous avons tendance à dire que le Canada nous dit ce que vous avez fait, ce que vous faites ou ce qui est bien et ce qui est mal. Mais si nous pouvons préciser dans le projet de loi que le conseil s’adresse également à vous, qu’il a cette responsabilité et cette relation — ne serait-ce qu’en proposant un membre du conseil —, la responsabilité à l’égard de ce qui se passe au Canada serait plus officielle. Nous vous remettons le rapport.
Je ne sais pas si c’est quelque chose que vous aimeriez voir.
Mme Scott : L’unité est importante. Elle est cruciale. Je pense qu’une telle relation et une telle collaboration sont nécessaires. Les Autochtones sont là pour de bon. Nous sommes ici depuis toujours. Lorsque nous nous réunissons, nous sommes puissants, et c’est, je l’espère, ce que le conseil pourra être et sera.
La sénatrice Audette : Merci.
Le président : Merci, sénatrice Audette. Le temps alloué à ce groupe de témoins est écoulé. Je tiens à remercier nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui et, si vous le souhaitez, je vous invite à fournir par écrit à la greffière et avant la fin de la semaine toute réponse en suspens.
Le président : Comme je l’ai déjà dit, je vous demanderai d’être le plus bref possible. En raison des contraintes de temps, chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser une question et obtenir une réponse. La priorité sera accordée aux membres du comité, puis à d’autres collègues.
J’aimerais vous présenter notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons Kim Beaudin, chef adjoint national, et Lorraine Augustine, directrice du conseil du Congrès des peuples autochtones. Nous accueillons aussi Jocelyn Formsma, cheffe de la direction de l’Association nationale des centres d’amitié.
Merci de vous être joints à nous aujourd’hui. Nos témoins feront une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes chacun, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant le chef adjoint Beaudin à faire sa déclaration préliminaire.
Kim Beaudin, chef adjoint national, Congrès des peuples autochtones : Merci.
Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. Depuis 52 ans, le Congrès des peuples autochtones défend les droits et les intérêts des Indiens non inscrits, des Métis inscrits hors réserve et des Inuits du Sud. Nous sommes souvent la seule voix pour nos communautés hors réserve et nous sommes vraiment le seul groupe ayant le droit de parler au nom de nos communautés.
La réconciliation est toujours à l’avant-plan de notre travail, principalement parce qu’un grand nombre de nos membres se sont retrouvés à l’extérieur des réserves ou ont perdu leur statut en raison des pensionnats, de la rafle des années 1960, des systèmes de protection de l’enfance, de la Loi sur les Indiens et tout le reste. Nos survivants et nos communautés ont été exclus, ignorés et marginalisés.
Le projet de loi C-29 perpétue cette marginalisation. Les voix des Indiens non inscrits et hors réserve sont réduites au silence par cette nouvelle forme de colonialisme et d’assimilation. Aujourd’hui, plus de 80 % des Autochtones vivent hors réserve dans les régions urbaines, rurales et éloignées de l’île de la Tortue. Il s’agit de la nouvelle réalité autochtone. Le Canada n’a pratiquement fait aucun effort pour protéger ou soutenir le bien‑être de ces Autochtones et a été encore moins actif dans le dossier de la réconciliation.
Pendant des années, le gouvernement n’a pas reconnu les peuples du CPA. Ce n’est qu’après une bataille juridique de 17 ans qu’une réponse a été obtenue. L’arrêt CPA/Daniels de la Cour suprême a confirmé que les gens que nous représentons sont des Autochtones en vertu du paragraphe 91(24) de la Constitution du Canada. En 2016, la Cour suprême s’est prononcée, mais le Canada a-t-il écouté? L’exclusion du CPA du projet de loi C-29 va à l’encontre de la décision unanime de la Cour suprême dans l’affaire CPA/Daniels. Le Sénat doit corriger cette situation et ne pas permettre au Canada de continuer à diviser les peuples autochtones et à sélectionner ceux avec lesquels il veut travailler. Notre exclusion signifie que la plupart des Autochtones sont oubliés. Les résultats sont des défis sociaux évidents dans tous les domaines, comme l’incarcération massive des nôtres, ce qui constitue une honte permanente.
Ce n’est pas parce que nos membres quittent les réserves que leurs traumatismes disparaissent. La réconciliation ne peut être réservée à certains, elle doit être pour tous. La décision d’exclure nos voix du projet de loi C-29 est une manœuvre politique discriminatoire. Elle provoque un traumatisme extrême chez nous tous qui continuons de subir des mauvais traitements et d’être victimes d’exclusion sociale. En retirant délibérément le CPA du projet de loi C-29, le gouvernement du Canada a décidé que les voix des personnes hors réserve sont de deuxième ordre par rapport à celles de leurs frères et sœurs qui vivent dans les réserves. Cette exclusion va également à l’encontre des appels de la CVR à inclure les Autochtones hors réserve dans le processus de réconciliation.
La réconciliation exige un effort collectif de tous les peuples dans le cadre d’un processus multigénérationnel. La décision d’exclure le Congrès des peuples autochtones va à l’encontre de tous les efforts de réconciliation et tourne le processus en dérision. Comme il n’y a pas de place garantie au sein du conseil, le projet de loi affirme que le gouvernement choisit politiquement qui sont les peuples autochtones, et non les Autochtones eux-mêmes. L’histoire du Canada ne nous a-t-elle rien appris?
Le Canada réduit au silence plus de 200 000 Indiens non inscrits, 400 000 Métis qui ne font pas partie du Ralliement national des Métis et des milliers d’Inuits du Sud. Aucune de ces personnes n’est représentée par l’un des trois groupes politiquement choisis dans le projet de loi C-29. La réconciliation échouera si vous choisissez de travailler uniquement avec certains peuples autochtones. L’histoire jugera le Parlement et le Sénat en fonction de la réconciliation. Si nous voulons parvenir à la réconciliation, de telles exclusions doivent cesser. Le Sénat doit modifier le projet de loi afin d’inclure le CPA à la table de réconciliation.
Meegwetch.
Je cède maintenant la parole à la cheffe Lorraine Augustine.
Le président : Il vous reste une minute et demie.
Lorraine Augustine, directrice du conseil, Congrès des peuples autochtones : Merci. Je m’adresse à vous depuis le territoire mi’kmaq en Nouvelle-Écosse.
J’aimerais ajouter quelques points au sujet de l’article 35. La Constitution entend par peuples autochtones « les Indiens, les Inuits et les Métis ». La Constitution ne dit nulle part que les peuples autochtones sont des groupes ou des organisations. Je tenais à le préciser.
Deuxièmement, je veux simplement ajouter que les gens disent que le projet de loi C-29 créera un organisme indépendant et apolitique, mais pour ce qui est de la composition du conseil d’administration, il est dit qu’il comprendra une personne représentant l’Assemblée des Premières Nations, une personne représentant le Ralliement national des Métis, une personne représentant l’Inuit Tapiriit Kanatami et une personne représentant l’Association des femmes autochtones, soit quatre des cinq organisations. Quand vous parlez d’exclure le Congrès des peuples autochtones, c’est carrément de la discrimination. Vous excluez notre peuple pour qu’il se taise. Je suis sûre que vous connaissez tous l’article 18 de la DNUDPA, qui est à la base de la CVR. Il affirme que nous avons le droit de choisir ceux qui nous représenteront.
Donc, lorsqu’il est question de cet organisme indépendant et apolitique, le gouvernement du Canada ne devrait pas, par l’intermédiaire du projet de loi, nommer un conseil d’administration. Ce devrait être les peuples autochtones du pays qui choisiront la réconciliation et l’identité des membres. Comme un témoin l’a déjà dit, vous savez quoi, nous devons nous éloigner de cette approche qui consiste à diviser pour régner. Nous devons travailler ensemble en tant que peuples autochtones. Que nous vivions dans une réserve, dans une collectivité ou dans les bois, nous sommes tous des Autochtones. Je pense que nous devons commencer à nous pencher là-dessus et mettre fin à l’approche qui consiste à « diviser pour régner », une approche que le Canada a imposée aux peuples autochtones du pays. Nous devons y mettre fin.
Le président : Merci. Nous allons passer aux observations de Mme Formsma.
Jocelyn Formsma, cheffe de la direction, Association nationale des centres d’amitié : Wachay misiway. [mots prononcés en langue autochtone] Je m’appelle Jocelyn Formsma et je représente la Première Nation de Moose Creek, du territoire du Traité no 9, dans le Nord de l’Ontario. Je suis cheffe de la direction de l’Association nationale des centres d’amitié. Je suis la fille, la petite-fille et la nièce des pensionnaires. On utilise souvent le terme « survivants », mais, en réalité, mes deux grands-parents, ma mère et cinq de mes sept tantes et oncles sont maintenant décédés. J’ai aussi appris récemment que ma mère fréquentait un externat. Ce travail est important pour moi sur les plans professionnel et personnel. Je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et je souligne que nous nous trouvons sur un territoire algonquin ni cédé ni abandonné.
L’Association nationale des centres d’amitié est l’organisme national de coordination des centres d’amitié. Nous sommes un mouvement national de la société civile composé de membres des Premières Nations, d’Inuits et de Métis qui vivent dans des collectivités urbaines, rurales et nordiques d’un océan à l’autre. Nous fournissons un cadre culturel, une communauté et des liens depuis plus de 60 ans. Les centres d’amitié ont été les lieux de réconciliation avant que le terme ne soit à la mode. Collectivement, nous avons répondu et continuons de répondre aux multiples appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation dans tous les domaines, y compris l’éducation, les soins de santé, l’accès à la justice et d’autres.
Comme vous le savez peut-être, à l’échelle nationale, environ 65 à 80 % des 2 millions d’Autochtones du Canada vivent en milieu urbain. Comme de plus en plus de familles autochtones élèvent leurs enfants dans des centres urbains, la population autochtone urbaine continue de croître à un rythme quatre fois plus rapide que la population urbaine non autochtone. Il est encourageant de voir que l’appel à l’action no 53 et le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation sont considérés comme des aspects fondamentaux du projet de loi qui vise à créer officiellement un conseil national de réconciliation dans le cadre du projet de loi C-29.
Cet appel à l’action est particulièrement important, car il faut mettre en place un mécanisme afin de suivre les progrès et la mise en œuvre des appels à l’action.
Nous comprenons les préoccupations des gouvernements des Premières Nations, des Inuits et des Métis ainsi que les commentaires qu’ils ont formulés jusqu’à présent au sujet du projet de loi C-29. Notre intention aujourd’hui n’est pas de miner le témoignage des gouvernements autochtones qui ont participé au processus, mais plutôt de fournir des renseignements et les points de vue de plus d’un million de personnes qui franchissent les portes de nos plus de 100 centres d’amitié chaque année.
Le principe du conseil consiste à demander des comptes au gouvernement du Canada dans le cadre des efforts de réconciliation, mais si le projet de loi est adopté, nous craignons que le Conseil national de réconciliation n’ait pas la profondeur politique, les ressources et la stabilité financière nécessaires pour générer des changements significatifs et percutants, tout en assurant une responsabilisation transparente.
Nous sommes d’avis que l’indépendance est d’une importance cruciale pour le Conseil national de réconciliation. Le conseil est créé à titre de mécanisme de reddition de comptes et doit maintenir son indépendance pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. Il surveillera les progrès à long terme et rendra compte de la mise en œuvre des 94 appels à l’action. Comme nous avons été mobilisés tout au long du processus, j’envisage ce conseil comme un comité technique composé d’Autochtones dont le but est d’organiser, de documenter, de faire rapport et de formuler des recommandations sur la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. L’accent doit être mis sur la promotion de la réconciliation.
À mon avis, la Commission de vérité et réconciliation a eu raison de présenter son rapport à tout le monde. Elle ne s’est pas contentée de remettre un rapport au gouvernement pour qu’il le mette sur une tablette. Tout le monde était visé : la protection de l’enfance, le droit, l’éducation, le milieu de la justice et les systèmes de soins de santé. Elle nous a dit que nous avions tous un rôle à jouer dans sa mise en œuvre. Je ne crois pas que le conseil doit effectuer le travail de réconciliation en tant que tel, mais plutôt nous dire dans quelle mesure les systèmes en question ont répondu à ces appels à l’action et la façon dont le tout a été mis en œuvre.
Comme je l’ai mentionné au début, un tel travail est à la fois professionnel et personnel. Sur le plan professionnel, le mouvement que nous représentons a toujours soutenu les survivants et continue de fournir des ressources cruciales et vitales aux survivants et aux enfants et petits-enfants des survivants des pensionnats. Personnellement, j’ai vu ma mère passer sa vie à se remettre de ses expériences dans les pensionnats. J’ai maintenant la responsabilité de poursuivre le travail qu’elle a entrepris dans le domaine de la guérison communautaire.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Formsma. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je vais commencer par mon vice-président, le sénateur Arnot.
Le sénateur Arnot : Merci, sénateur Francis, et merci à tous les témoins qui ont comparu. J’ai une question d’ordre général à poser à chacun des témoins.
J’entends les témoins dire qu’ils appuient entièrement la création d’un conseil national de réconciliation. Selon vous, quels sont les principaux défis que doit relever le conseil en ce qui concerne son mandat, sa structure ou tout autre élément du projet de loi qui, selon vous, doivent être modifiés? Je pose la question à chacun des témoins.
Mme Augustine : Je pense que le plus important pour le conseil de réconciliation, c’est qu’il doit inclure tous les peuples autochtones.
De la façon dont il est actuellement présenté, je crois qu’il a une composante politique, car il inclut seulement quatre organisations. Si vous choisissez les cinq organisations, alors je crois que, par l’intermédiaire de ces organisations, nous ne pouvons pas exclure les autres organisations, c’est-à-dire les autres organisations de femmes ainsi que les centres d’amitié. Il faut que le processus soit inclusif.
Si vous voulez parler d’un conseil de réconciliation — ou d’un comité, ou peu importe —, il faut qu’il soit inclusif. Il ne peut pas exclure le Congrès des peuples autochtones. Il ne peut pas oublier les femmes métisses. Il ne peut pas oublier Pauktuutit. Il ne peut pas laisser de côté les femmes inuites. Il faut qu’il soit inclusif. C’est peut-être un grand conseil, mais nous devons être là pour parler au nom de tous les peuples autochtones, comme le dit la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous devons respecter ce principe. Le Canada doit emboîter le pas. Il faut être inclusif.
M. Beaudin : L’autre chose que j’aimerais ajouter concerne la responsabilité du conseil. Je vois qu’il y a beaucoup de pression sur le conseil pour qu’il donne suite à certaines recommandations formulées dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Le gouvernement doit rendre des comptes. Il doit y avoir un mécanisme pour s’assurer qu’on tient compte de tout ce qui est proposé — cela ne fait aucun doute —, sans quoi il n’y aura pas de réconciliation. C’est la chose importante que je constate. Merci.
Mme Formsma : Je suis du même avis. Je pense que le défi pour le conseil sera de gérer les attentes et de trouver les bonnes personnes pour pourvoir les postes. J’ai mentionné comment j’envisageais le conseil. Le conseil que j’ai donné au comité de transition, c’est que je voulais un conseil « ennuyeux », un endroit où les gens se réunissent et font leur travail et dont on pourrait dire : « Dans l’ensemble, ils font du bon travail. » Ce ne devrait pas être un conseil où ce qui compte, ce sont les noms des membres, un comité qui serait composé de personnes qui sont là pour se faire un nom. Il faudrait vraiment que le conseil travaille dur pour aller au bout des choses et faire preuve de créativité dans les approches qu’il adopte.
Je pense que le défi sera de gérer les attentes. Comme l’a mentionné un témoin précédent, ce ne sera pas une solution universelle pour tout le monde. Je pense que c’est la raison pour laquelle les gens accordent autant d’importance à la composition du conseil. Je suis également d’avis que le conseil devrait être aussi apolitique que possible afin que le travail puisse se faire avec créativité et indépendance.
Le sénateur Tannas : Madame Formsma, je suis ravi de vous voir ici. Je ne sais pas si vous savez à quelle fréquence vous utilisez le mot « travail » et si vous le faites consciemment.
Il est vrai que c’est la marque de commerce des centres d’amitié dans la mesure où le travail se fait vraiment. Il y a un vieil adage qui dit que, lorsque vient le temps de passer de la parole aux actes, souvent, il ne se fait pas grand-chose et les gens continuent de parler. Les membres de votre organisation sont les exécutants, alors je vous remercie d’être ici.
J’ai également été frappé par ce que vous avez dit au sujet de ce que vous pensiez — j’imagine que vous vous êtes renseigné sur les appels à l’action — du rôle de la commission, qui n’était pas de dire aux gens comment mener à bien le processus de réconciliation, mais de mesurer les progrès réalisés. Je pense que c’est une phrase très puissante. Merci.
Je pose ma question au Congrès des peuples autochtones. Avez-vous l’impression que les Autochtones vivant hors des réserves et en milieu urbain sont laissés pour compte? Ou pensez-vous que le représentant et les membres de l’APN accordent le même poids à leurs membres qui vivent hors réserve?
M. Beaudin : Je suis le chef national du CPA depuis 6 ans et demi. Avant cela, j’ai également siégé au conseil d’administration du CPA. Je peux vous dire que le gouvernement s’est vraiment concentré sur les bandes dans les réserves. Les représentants du gouvernement se tournent vers ces personnes pour ce qui est des politiques, mais la majorité de nos membres vivent hors des réserves, en plus des gens qui sont oubliés — les Indiens non inscrits, par exemple —, qui ne cadrent pas avec le discours sur les politiques relatives aux traités et ce genre de choses. Ils ont en fait été exclus des traités, alors qu’ils en faisaient partie à une certaine époque. C’est ce qui se passe.
Je vais moi aussi ajouter quelque chose de personnel. Ma mère, mes grands-parents et moi-même venons d’une bande qui a été émancipée en 1958. Nous avons été chassés de force de notre terre par Villeneuve, en Alberta. C’était une parcelle de terre de 40 par 40, et elle a disparu. Notre communauté, nos relations ont fini par se retrouver un peu partout au Canada. À l’heure actuelle, il y a 1 300 membres sur la liste générale de la bande de l’Alberta qui se trouvent partout au Canada et aussi aux États-Unis. Cette seule et unique mesure du gouvernement a eu pour effet de supprimer toute une communauté.
Il y a d’autres bandes émancipées au Canada également. La même chose leur est arrivée. Il y a des listes générales de membres de bande dans chaque province. Pour ce qui est de la politique, ce sont des choses de ce genre qui touchent notre peuple sur le terrain.
Le sénateur Tannas : Merci beaucoup. J’espère que ma question ne manquait pas de délicatesse, mais je vous remercie de votre réponse franche. Je l’apprécie.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos témoins en ligne. Êtes-vous à Truro en ligne?
Mme Augustine : Oui.
La sénatrice Coyle : C’est ce que je pensais. Votre arrière-plan me dit quelque chose. Mme Augustine et moi vivons à environ une heure l’une de l’autre.
La réunion a été très utile. Madame Augustine, vous avez dit que le conseil devait d’abord et avant tout être inclusif, et je ne pense pas que quiconque s’opposera à ce principe. Il y a eu trop d’exclusion. En fait, le fait de perpétuer une telle exclusion reviendrait à signer l’arrêt de mort de tout ce que nous essayons d’entreprendre ici.
Selon moi, ce que les gens ont du mal à comprendre, cependant, c’est ce que cela signifie concrètement pour ce qui est de savoir à qui reviendra la tâche de nommer les membres du conseil. De qui le conseil relèvera-t-il? Bien sûr, il relèvera de diverses entités gouvernementales, mais aussi des peuples autochtones du Canada, ce dont les gens ont souligné l’importance. L’inclusion des personnes qui vivent dans les quatre territoires inuits, des Métis, des femmes, des hommes, et ainsi de suite, des membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves et hors des réserves, c’est ce que vous entendez par inclusion. Mais comment y arriver concrètement? Pourriez‑vous nous en parler, et nos autres invités pourraient‑ils également nous en parler?
Mme Augustine : Absolument, et je vous remercie de votre question.
Pour ce qui est de savoir qui va siéger au conseil ou ce genre de chose, il faut que la décision revienne aux collectivités. Ce sont les collectivités qui déterminent qui est le mieux placé pour les représenter. Ce n’est pas différent de la communauté qui élit son chef et son conseil. C’est la même chose.
Par exemple, dans le cas du CPA, ce serait les collectivités, par l’intermédiaire de leurs affiliés, qui diraient : « C’est la personne la mieux placée pour s’occuper de tel ou tel dossier, pour faire le travail et pour ramener tout ça dans les collectivités. »
Le point de départ doit être les gens sur le terrain. Ce genre de chose ne peut pas être dicté d’en haut. Une telle structure a échoué dans le passé et elle ne fonctionnera pas à l’avenir. La collectivité doit participer, car elle n’est pas écoutée. Les gens ne savent pas ce qui se passe. Ils ne savent pas que nous travaillons pour eux. Il faut partir de la base.
La sénatrice Coyle : Merci.
Mme Formsma : J’ai déjà siégé à un comité consultatif indépendant qui conseillait un ministre sur les nominations. C’est le ministre des Relations Couronne-Autochtones qui nommerait les membres conformément à la loi.
Pour ce qui est de trouver une façon de le faire qui soit axée sur la collectivité, je ne sais pas si un tel mécanisme existe au Canada en ce moment. J’imagine que c’est notre peuple qui devrait choisir les membres du conseil. Je ne sais pas si un comité consultatif indépendant comprend tout à fait cela, parce que je pense que le problème, c’est que ce sera toujours la décision du ministre, et même si le ministre était un Autochtone… Exactement, vous comprenez.
Bonne chance. Je ne veux pas prendre la chose à la légère, mais il faut absolument qu’un nouveau mécanisme soit élaboré par et pour les peuples autochtones et qu’il tienne compte des points de vue des collectivités et, comme vous l’avez dit, de toutes ces intersectionnalités et de toutes ces identités superposées. De plus, il faut tenir compte de tous les secteurs visés par les appels à l’action, comme les affaires et les milieux de la justice et de l’éducation; il faudrait qu’il y ait une certaine expertise venant de tous ces domaines.
La dernière chose que j’aimerais souligner, c’est le processus de demande et de participation. J’ai vu un tel processus qui était complètement inaccessible aux peuples autochtones. En tant que membre de conseils d’administration autochtones, j’ai reçu des demandes incroyables de la part d’Autochtones extraordinaires qui ont été de merveilleux membres de conseils d’administration, puis on adopte le processus établi par la Couronne, et soudainement, on ne voit plus les mêmes demandes être présentées, parce que le processus n’est pas très clair.
En plus de savoir qui choisit, j’aimerais aussi que l’on réfléchisse à la façon de créer ce processus pour que les gens qui veulent siéger au conseil puissent présenter leur candidature.
La sénatrice Coyle : Un peu comme les sénateurs.
Le président : Merci. Je rappelle à nos témoins que s’ils ont autre chose à dire et qu’ils ne peuvent pas le dire ce soir, ils ne doivent pas hésiter à envoyer le tout par écrit à la greffière d’ici la fin de la semaine.
La sénatrice Audette : Merci beaucoup aux témoins.
Pour ma part, je participe au débat visant à établir qui représente qui. J’étais avec l’Association des femmes autochtones du Québec et l’Association des femmes autochtones du Canada, et il était clair pour moi que je ne représente pas toutes les femmes. Nous naissons avec une voix et une autonomie. Nous aimerions que les gens se prennent en main, mais je représentais les membres, comme vous l’avez mentionné, monsieur Beaudin. Les mots sont très puissants et très importants, et je crois que tout le monde a sa place dans ce travail et dans ce cercle.
Cependant, au Québec, d’où je viens, il m’est difficile d’accepter que quelqu’un prétende me représenter. J’ai 51 ans et je veux choisir qui me représente. Cependant, si on peut changer ces mots… La Cour supérieure du Québec a refusé dans le cas de l’Alliance autochtone du Québec, parce qu’elle a dit qu’elle était une nation et qu’elle voulait se faire entendre.
Comment pouvons-nous amener le Congrès des peuples autochtones, sachant que ce débat a lieu dans mon propre territoire? Je pense qu’il doit y avoir une conversation. Je ne veux pas fermer la porte, mais il y a une discussion franche sur la façon dont nous pouvons y voir, alors vous avez peut-être une suggestion à faire. Il y a des « personnes qui prétendent » partout. Je ne veux pas dire que c’est le cas, mais il y en a dans toutes les régions, pas seulement au sein de l’alliance. Comment pouvons-nous empêcher une telle chose de se produire? Ces gens prennent la place des Autochtones, dans les universités et les collèges. Vous avez peut-être ce point de vue, monsieur Beaudin, chef adjoint national. Merci.
M. Beaudin : Vous avez parlé de la question de ceux qui prétendent. C’est une discussion que nous avons eue en tant que conseil d’administration, et c’est une question importante pour nous. Nous ne voulons pas qu’une telle situation se produise. Nos organisations provinciales et territoriales ont un processus en place pour éviter ce genre de chose, et nous croyons que le mécanisme fonctionne.
J’aimerais revenir sur deux ou trois choses également, du point de vue des solutions. Nous avons signé un accord en 2018 avec le Canada. Il devait s’agir d’une relation et d’un processus de nature bilatérale et, en fait, cela n’a pas vraiment été à la hauteur de nos attentes. Par exemple, pourquoi sommes-nous ici aujourd’hui? Si nous étions nommés, nous ne serions pas ici aujourd’hui. Nous participerions au processus global. Ce n’est pas ce qui s’est produit.
Le Canada semble avoir failli à la tâche en ce qui concerne toutes les questions dont je parle, et c’est important.
Pour ce qui est de la collectivité elle-même ou du conseil, nous devons absolument être présents, car cela exclura les 80 % de personnes qui vivent hors réserve, qui sont des Autochtones et qui vivent dans de grandes régions urbaines.
J’espère y avoir répondu dans la mesure du possible, parce que nous arrivons aux questions délicates, lorsque vous parlez des Indiens de façade et de ce genre de choses, et cela devrait également faire partie d’une discussion plus générale. C’est autre chose. Je vous remercie de cette question.
La sénatrice Audette : Merci.
La sénatrice Sorensen : Nous avons entendu beaucoup de témoins, et nous passons tellement de temps à parler de la composition du groupe; de toute évidence, il s’agit d’une question très importante pour les témoins que nous entendons.
Nous parlons sans cesse des quatre organisations qui ont obtenu un siège garanti par l’autre Chambre. D’après ce que je comprends, il y a neuf sièges de plus, si nous y allons pour 13. Je ne sais pas si 13 est le bon chiffre. Je ne sais pas qui a choisi 13. Théoriquement, neuf autres sièges sont accessibles.
La discussion sur la composition du conseil semble porter sur le désir d’avoir une place garantie, surtout parce qu’il n’y a aucune certitude quant à la façon dont les autres places seront attribuées ou aux paramètres qui seront utilisés pour l’attribution des autres places.
Je suis d’accord avec Mme Augustine et d’autres quant au fait que le conseil doit être inclusif. Dans le but de sauver le travail qui a été fait — pour que nous ne gaspillions pas tout ce travail, parce que nous avons accompli quelques progrès — et d’amener le pays à aller de l’avant avec le travail qui est si crucial, j’invite les témoins à me faire part de leur opinion, mais je demande également aux membres du comité de réfléchir à la question suivante : si d’autres consultations sont nécessaires, la recommandation la plus importante du Sénat serait-elle qu’on en tienne qui soient dirigées par les Autochtones, avec les gardiens du savoir et d’autres qui doivent être présents, pour ce qui est de fournir le nom des groupes qui occuperont tous les sièges? Encore une fois, l’idée serait que l’on revienne de consultations dirigées par les Autochtones en disant : « Voici qui, selon nous, devrait faire partie du conseil d’administration. » Je ne sais pas si c’est avant ou après l’adoption du projet de loi C-29. Cependant, on consacre tellement de temps à la question de savoir qui sera présent que je crains que nous n’arrivions pas à celle des travaux du conseil, car nous nous inquiétons de savoir qui y siégera.
C’est davantage un commentaire qu’une question, mais je serais heureux d’entendre les témoins.
Madame Formsma, vous vous êtes engagées sur cette voie en ce qui concerne le mécanisme d’attribution des sièges. Merci.
Mme Formsma : Si je puis répondre rapidement à cette question… Ce n’est pas à moi de décider comment mettre en œuvre ce processus et les consultations. De notre point de vue, il est important de s’assurer que tout processus mis en place est accessible. Les communautés et les gens que nous servons entretiennent des relations variées avec leurs nations — les Premières Nations, les Métis et les Inuits — et leurs gouvernements respectifs. Certains ont des liens solides et d’autres moins, en raison de relations perturbées et parfois à cause des pensionnats.
En ce qui concerne tout processus de sélection du conseil, ou s’il y a d’autres consultations, nous devrons veiller à ce que le processus soit accessible, en passant directement par les nations, oui, absolument. D’après notre expérience et nos observations, il est important qu’il y ait un processus urbain robuste qui garantira que les gens qui vivent en milieu urbain pourront y avoir accès, et il en va de même en ce qui concerne les collectivités rurales qui sont hors réserve ou à l’extérieur des régions d’établissement des Métis ou de l’Inuit Nunangat, pour les mêmes raisons.
La sénatrice Sorensen : Madame Augustine, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Augustine : Tout d’abord, alors que la discussion se poursuivait, j’ai entendu beaucoup de témoins aborder cette question également. Il semble toujours être question d’exclure le Congrès des peuples autochtones, qui existe depuis plus de 50 ans. Il est temps que nous cessions de nous préoccuper de la composition. Si vous voulez établir ce conseil, vous devez inclure le Congrès des peuples autochtones. Si ce n’est pas un problème, si ce n’est pas faisable, ou si ce n’est pas l’orientation qu’il prendra, alors je pense que nous devrions revenir en arrière et tenir de véritables consultations avec tous les peuples autochtones, ce qui n’a pas eu lieu au pays. Il est discriminatoire de continuer d’entendre dire que le congrès n’en fait pas partie.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés.
Je voulais revenir à la déclaration de M. Beaudin au sujet de l’extérieur des réserves. Au Manitoba, nous n’avons pas le CPA; nous avons une autre organisation dirigée par Damon Johnston. Ces gens travaillent avec 37 organisations. Je le sais parce que je travaille avec eux. L’Assemblée des chefs du Manitoba a un bureau, le Eagle Urban Transition Centre. Il s’occupe des gens en milieu urbain du point de vue des habitations, des emplois et des finances. Il s’occupe également des prisonniers qui sortent de l’établissement de Stony Mountain. Les conseils tribaux, avec lesquels nous travaillons, s’occupent également des affaires urbaines. Ils font beaucoup de travail, mais je sais que les centres urbains ont été exclus.
Vous pouvez répondre par écrit. Pourriez-vous nous donner un aperçu du travail que vous avez accompli au sein de vos organisations? À quoi ressemble la réconciliation à l’extérieur des réserves, surtout lorsqu’il n’y a pas de territoire? Cela fait partie de la réconciliation en soi. Des jeunes m’ont dit : « Je ne me sens pas assez autochtone parce que je ne suis pas sur le territoire et que je ne parle pas la langue. » À quoi ressemble la réconciliation pour les gens avec qui vous travaillez hors réserve?
J’ai la même préoccupation en ce qui concerne la vérification de l’appartenance en raison de l’augmentation de la fraude d’identité et des problèmes liés à l’auto-identification. Vous avez dit que vous avez un processus. Pourriez-vous l’inclure dans votre réponse lorsque vous la rédigerez? Vous venez de dire que vous avez un processus. Je pense que nous devons comprendre, et je ne comprends pas ce que fait le CPA. Je n’ai jamais vu le travail qu’on y fait, parce qu’il n’est pas au Manitoba. Il y a un groupe, mais il est très petit.
J’ai vu le travail qui se fait avec les centres d’amitié. J’en ai été témoin dans le Nord et partout au Manitoba.
Il y a un problème lié à la représentation hors réserve. Nous devons aussi trouver un moyen d’obtenir les statistiques concernant ces Autochtones. Vous avez dit que 80 % sont exclus. Je ne suis pas d’accord. Nous avons besoin des déclarations. Le cabinet du ministre pourra peut-être nous fournir les statistiques. Je regardais ce qui se passe à l’extérieur des réserves et dans les réserves, et c’est au Manitoba que le nombre est le plus élevé, selon le recensement de 2021. Je crois que c’est 121 000.
Si nous pouvions obtenir cette information, elle nous donnerait une meilleure idée des programmes que vous offrez et des résultats que vous avez obtenus. Nous ne parlons pas d’organisations qui vont garder les gens dépendants. Ils vont croître, se réconcilier avec eux-mêmes et passer à autre chose. Si nous obtenons cette information, nous aurons une meilleure idée de ce que nous devrions recommander. Je ne suis pas membre du comité. Je siège tout simplement.
Le président : Comme la sénatrice McCallum l’a mentionné à nos témoins, si vous pouviez fournir l’information par écrit à la greffière le plus tôt possible, de préférence d’ici la fin de la semaine, ce serait grandement apprécié.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Monsieur Beaudin, pour faire écho à certains des commentaires de mes collègues, à bien des égards, on est mal à l’aise de parler d’appartenance. Rien de ce qui est dit ici n’enlève quoi que ce soit au travail que vous avez fait. Rien n’enlève quoi que ce soit au travail de Harry Daniels à la Cour suprême, qui a été une cause si importante pour nous tous, en tant que Métis de l’Alberta.
Lorsqu’il est question des ayants droit, on consulte l’article 35. On voit les trois groupes qui sont considérés comme des détenteurs de droits constitutionnels.
Mme Augustine a parlé de diviser pour mieux régner. Il faut alors se demander qui est un Indien, qui est un Métis et qui est un Inuit. Ensuite, on commence à parler de nos processus d’adhésion. J’ai donc demandé à la présidente Omeniho de me dire comment et avec quelle rigueur la Métis Nation de l’Alberta détermine son processus d’adhésion.
La raison pour laquelle nous cafouillons en ce qui concerne le CPA, c’est qu’il n’y a apparemment pas de processus d’adhésion — peut-être pouvez-vous m’aider —, et la première question est donc de savoir comment le CPA détermine qui sont ses membres.
Je vais faire une mise en garde à ce sujet. Mon époux est membre de la nation crie de Beaver Lake, en Alberta. Je suis métisse. Nous vivons en milieu urbain, mais cela ne veut pas dire que nous ne nous sentons pas représentés ou que nous n’avons pas voix au chapitre dans nos propres organisations représentatives. J’ai l’impression que nous faisons partie du nombre que vous incluez.
J’essaie de comprendre comment vous définissez vos membres. Et comment ceux-ci participent-ils à l’élection ou à la détermination de vos dirigeants?
M. Beaudin : Je veux être très clair en ce qui concerne le processus d’adhésion. Nous travaillons avec le gouvernement fédéral sur cette question. Nous le faisons depuis des années pour nous assurer que les cases sont cochées comme il se doit, que les gens viennent de leur communauté — toutes ces questions qui ont été soulevées dans les médias. Voilà le premier élément. Je ne suis pas sûr que les gens le sachent même, mais nous travaillons avec le Canada sur cette question.
Chaque organisme provincial ou territorial le fait. C’est une question qui a été soulevée à maintes reprises. Franchement, nous nous en lassons parce que nous avons investi beaucoup d’efforts là-dedans.
Vous venez de parler d’une communauté métisse de l’Alberta. Nous incluons les personnes qui n’ont pas été incluses, comme les Indiens non inscrits, par exemple. Un Indien non inscrit est une personne qui avait une relation scellée par traité avec le Canada, mais le Canada a choisi de ne pas respecter ces traités.
En ce qui concerne les Métis, un argument a été formulé relativement à ceux de la rivière Rouge. C’est une autre question qui a été soulevée; il y aura une autre discussion avec le Canada sur la façon de s’y prendre, parce qu’ils ne sont pas inclus. Ils n’ont pas voix au chapitre. Mon père était un Métis de la rivière Rouge. Je viens de cette communauté, moi aussi, du côté de mon père.
La majorité des membres de notre conseil sont des détenteurs de droits issus de l’article 35 et de traités. Mais je me sens mal à l’aise lorsque les gens disent que l’Assemblée des Premières Nations, l’ITK ou qui que ce soit d’autre sont des ayants droit en tant qu’organisation. Je ne les vois pas du tout de cette façon. Les communautés sont des ayants droit. Voilà qui détient les droits, pas l’APN, pas même le CPA. Nous n’avons jamais dit cela à qui que ce soit. Je veux que ce soit bien clair. C’est un message que nous devons transmettre haut et fort. Je vous remercie de cette question.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je conviens que la communauté — pour mon époux, il s’agit de la nation crie de Beaver Lake — est la raison pour laquelle il fait partie de ce groupe d’ayants droit. Ces droits viennent de la communauté dont il fait partie. Je suis d’accord.
Je sais que l’arrêt Daniels a contribué à affirmer les droits des Indiens non inscrits, ainsi que des Métis, soit dit en passant, mais cette cause a marqué un tournant historique pour les Indiens non inscrits.
Selon moi, pour que vous soyez une organisation représentative, nous devons comprendre qui vous représentez. Il doit y avoir une ligne droite vers le statut de membre du point de vue des chiffres. C’est là que la sénatrice McCallum voulait en venir. Ces chiffres ne semblent pas concorder aux yeux de certains Autochtones qui travaillent dans nos communautés.
L’endroit est mal choisi, mais il serait intéressant que vous reveniez pour nous aider à comprendre. Le Sénat inclut toujours le CPA, ainsi que les centres d’amitié, soit dit en passant. Je pense que la Chambre des communes vous invite également. Je suis heureux que votre voix soit entendue ici au moins.
M. Beaudin : Je voudrais ajouter un commentaire au sujet du gouvernement et de ses consultations avec le CPA. Au mieux, elles ont été sporadiques au cours des dernières années.
L’autre chose sur laquelle je veux insister, c’est que nous avons avancé le même argument que vous, d’abord à l’échelon fédéral, puis à celui de la Cour suprême. On nous posait les mêmes questions. « Qui représentez-vous? Qui sont vos membres? » Nous avons apporté tous les documents exigés. Nous avons confirmé qui nous étions, et la décision a été rendue à 9 contre 0. Encore une fois, si les gens ne comprennent pas la décision, nous avons certainement les documents à vous remettre. Cette affaire a été réglée en 2016.
La sénatrice LaBoucane-Benson : C’est à propos des ayants droit. Cette décision de la Cour suprême portait-elle sur le CPA?
M. Beaudin : Oui. Le CPA est l’organisation qui a soulevé la question à cause de l’argument, du ballon politique. J’ai entendu le sénateur Brazeau en parler ici, lui aussi. Nous avons parlé de la joute politique entre les provinces et le Canada. Nous avons fini par comprendre que le gouvernement fédéral était ultimement responsable de tous les peuples autochtones du Canada aux fins du paragraphe 91(24), tous. Nous insistons toujours là-dessus, alors je vous en remercie.
La sénatrice Audette : Ce serait bien si vous pouviez nous envoyer le document dont vous parlez, la décision de la Cour suprême.
Vous souvenez-vous de la Commission royale sur les peuples autochtones? Trois exemples de gouvernance urbaine ont été proposés. C’est quelque chose que vous pourriez nous envoyer également. Merci beaucoup.
Le président : Il nous reste encore quelques minutes. Avez‑vous des questions?
Mme Formsma : Je n’ai pas de question. À titre d’information, Edith Cloutier était membre du conseil national intérimaire et du conseil de transition. Elle est depuis longtemps directrice générale du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or. C’est une francophone anishinabe très respectée du Nord du Québec. Tout au long du processus, elle a veillé à ce que la voix des villes soit prise en compte tout au long du travail des conseils, ainsi que dans la loi.
Lorsque la version initiale a été présentée, nous nous sentions à l’aise. S’il y avait des sièges à attribuer, bien sûr, nous aurions accepté de siéger, mais nous estimions qu’il était plus important que ce conseil inclue le plus grand nombre possible d’identités autochtones diverses et qu’il englobe les milieux urbains. Je crois que c’est mentionné dans le document comme étant l’une des choses à prendre en considération. Merci de m’avoir permis de vous en parler.
Le président : Merci. Le temps dont nous disposions est écoulé. Je remercie les témoins d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Veuillez faire parvenir toute réponse en suspens à la greffière par écrit avant la fin de la semaine.
(La séance est levée.)