LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 30 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, j’aimerais commencer par souligner que nous nous trouvons sur le territoire ancestral et traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe où vivent maintenant de nombreux autres membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits venus de toute l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur Brian Francis d’Epekwitk, aussi appelé Île-du-Prince-Édouard, et je préside le Comité des peuples autochtones.
Je demanderai aux membres du comité qui sont présents de se présenter en donnant leur nom et celui de leur province ou de leur territoire.
Le sénateur Arnot : Je suis le sénateur David Arnot de la Saskatchewan, du territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Hartling : Je suis la sénatrice Hartling du Nouveau-Brunswick, du territoire des Mi'kmaqs.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 7.
[Français]
La sénatrice Audette : Bonjour, [mots prononcés en innu‑aimun]. Michèle Audette, division sénatoriale De Salaberry, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, Colombie-Britannique, territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.
Le président : Je vous remercie, honorables sénatrices et sénateurs. Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.
Avant de commencer, je demanderai à tout le monde d’être bref. Notre temps étant limité, chaque sénateur aura cinq minutes pour poser une question et recevoir une réponse. Nous donnerons la priorité aux membres du comité, puis nous passerons aux autres collègues. S’il reste du temps, nous entamerons un deuxième tour de table. De plus, je demanderai aux témoins de fournir par écrit, avant la fin de la semaine, toute réponse qui n’aurait pas encore été communiquée.
Je vais maintenant présenter le premier panel de témoins. Nous avons, du Réseau jeunesse des Premières Nations Québec-Labrador, la porte-parole Kananish McKenzie; du Conseil national des jeunes Inuits du Canada, le président Brian Pottle; et d’Échanges Racines Canadiennes, la directrice générale Hillory Tenute.
Chaque témoin disposera d’environ cinq minutes pour présenter ses observations préliminaires, après quoi nous passerons à une séance de questions et réponses avec les sénateurs. Afin de ne pas dépasser le temps imparti et par souci d’équité, quand quatre minutes se seront écoulées, je montrerai ce carton pour vous informer qu’il vous reste une minute. J’espère que nous n’aurons à interrompre personne.
J’invite à présent Kananish McKenzie à présenter ses observations préliminaires.
[Français]
Kananish McKenzie, porte-parole, Réseau jeunesse des Premières Nations Québec-Labrador : Bonjour, [mots prononcés dans une langue autochtone].
Mesdames et messieurs les sénateurs, chers membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, vous nous avez sollicités pour que nous nous exprimions sur le projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation. Étant donné que cette loi met en œuvre l’appel à l’action no 53 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, nous accueillons favorablement la création de ce conseil national.
Toutefois, en l’état du projet de loi, nous craignons que les perspectives des jeunes ne soient pas assez prises en compte. Le paragraphe 12(1) du projet de loi prévoit d’assurer, dans la mesure du possible, la représentation des jeunes, des aînés, des survivants, des organisations, des femmes, des hommes et de la diversité de genres. Nous pensons que le terme « dans la mesure du possible » n’est pas assez contraignant. Il faudrait que le conseil national s’assure effectivement de représenter la pluralité de ces voix.
En ce qui nous concerne, nous pensons qu’il faudrait assurer un siège à la jeunesse des Premières Nations, des Inuit et des Métis. Le processus de mise en candidature prévu par le conseil d’administration devrait veiller à réserver un siège à la jeunesse.
L’autre aspect sur lequel nous souhaitons interpeller le comité sénatorial permanent aujourd’hui est la part des personnes autochtones à ce conseil national. La réconciliation nécessite bien évidemment les Autochtones et les allochtones. Pour que cette réconciliation fonctionne, il faut qu’elle soit définie et déterminée par nos nations. Nous pensons que le paragraphe 11(1) devrait être amendé pour imposer que tous les administrateurs soient autochtones. Ce conseil national est important pour nous, pour notre avenir, il faudrait que son conseil d’administration soit celui des Autochtones.
Je serai ravie de répondre à vos questions. Le plus important reste la formation de ce conseil national de la réconciliation. Merci, [mots prononcés dans une langue autochtone].
[Traduction]
Le président : Je vous remercie, madame McKenzie. J’invite maintenant Brian Pottle à présenter ses observations préliminaires.
Brian Pottle, président, Conseil national des jeunes Inuits du Canada : Je vous remercie, honorables sénatrices et sénateurs, de me donner l’occasion de m’exprimer devant vous aujourd’hui. Les dirigeants inuits — par la voix du président Natan Obed de l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK — ont déjà fait part de préoccupations au sujet du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, que je ne répéterai pas. Nous avons les mêmes préoccupations.
Il y a quelques préoccupations générales, cependant, qui demeurent, même pour les jeunes Inuits : la représentation et des questions à propos de la mise en œuvre et de la structure même du conseil, y compris de la définition potentielle — ou de l’assurance qu’il y ait une définition — du rôle et de la portée du conseil, afin qu’il y ait le moins d’ingérence possible, par exemple, dans le tout à fait unique et très important Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne que les dirigeants inuits ont avec le gouvernement fédéral. Si nous constituons un conseil qui surveille la réconciliation au niveau national, il devient important de demander, par exemple, si le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne est visé par cette surveillance. Comment faire pour que les progrès que les Inuits ont enregistré et continuent d’enregistrer en partenariat avec le gouvernement fédéral dans un esprit de réconciliation ne soient pas anéantis ou freinés?
De plus, chez moi, à St. John’s, à Terre-Neuve, où je réside actuellement, il y a une controverse intéressante au sujet de la présidente de l’Université Memorial de Terre-Neuve qui, au fil des nombreuses années de son illustre carrière, a prétendu avoir des origines autochtones. Radio-Canada a mené une enquête qui a, en fait, discrédité cette affirmation. Il en est résulté que la présidente a été démise de ses fonctions à l’Université Memorial de Terre-Neuve. Par conséquent, ma question au Sénat en ce qui concerne le projet de loi C-29 est la suivante : comment éviter ce genre de problème? Comment éviter que des personnes nommées au conseil, par exemple, soient dans la même situation que l’ancienne présidente de l’Université Memorial de Terre-Neuve? Comment nous protégeons-nous contre des personnes qui se prétendent autochtones — qui prétendent avoir des ancêtres autochtones — de façon plus ou moins frauduleuse pour profiter de ce que cela rapporte aujourd’hui?
Il y a, évidemment, un problème très contemporain qui découle, en fait, de lois telles que le projet de loi C-29 qui donnent à penser qu’il y a à gagner à certains aspects des possibilités offertes aux Autochtones. Il est donc nécessaire d’y réfléchir aussi. Nous devons nous protéger contre les personnes qui cherchent à profiter des avantages très récents et très contemporains liés au fait d’être Autochtone aujourd’hui au Canada et faire en sorte que ces personnes ne se retrouvent pas à la tête de ce conseil national. Nous nous en voudrions si quelqu’un chargé de la réconciliation affirmait être Autochtone et ne l’était pas.
Enfin, je répète ce qu’a déclaré précédemment Mme McKenzie, c’est-à-dire qu’il faut écouter les jeunes. Que ce soit pour parler au nom de tous les Autochtones ou en faisant des distinctions, les jeunes doivent avoir voix au chapitre.
Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie, monsieur Pottle. J’invite à présent Hillory Tenute à présenter ses observations préliminaires.
Hillory Tenute, directrice générale, Échanges Racines Canadiennes : Aaniin Boozhoo, Bagamibizo Gichi-noodinkwe Aaptii Beebom Nigig-kwe, Hillory dishnikaaz, Neyaashiinigmiingndo njibaa, Ottawa ndo daa, nigig dodem.
Je m’appelle Hillory Tenute et je suis fière d’être une Anishinaabekwe descendante de colons et membre de la Première Nation des Chippewas de Nawash, qui font partie du territoire de la Nation des Ojibway de Saugeen. Mes pronoms sont elle/elle, iel/elleui. Chi-meegwetch. Je vous remercie de me donner l’occasion de parler avec vous aujourd’hui. Je tiens aussi à remercier mes amis ici présents qui se sont déjà exprimés.
Échanges Racines Canadiennes, ou ERC, est un organisme national dirigé par de jeunes Autochtones qui envisage un avenir où les jeunes Autochtones sont des dirigeants autonomes et connectés dans des communautés dynamiques et prospères. Nous appuyons la constitution d’un conseil national de réconciliation indépendant et dirigé par des Autochtones, chargé de surveiller et de promouvoir la réconciliation dans ce que nous appelons maintenant le Canada, en réponse à l’appel à l’action 53 de la Commission de vérité et réconciliation.
Les recommandations que je formulerai aujourd’hui reposent sur les différentes possibilités de mobilisation que notre organisation a encore la chance d’avoir avec les jeunes Autochtones d’un bout à l’autre du pays.
Ce que nous entendons souvent, entre autres, dans nos contacts avec les jeunes, c’est qu’il y a une absence fondamentale de confiance dans la capacité du gouvernement fédéral d’écouter la voix des jeunes. ERC, qui fait partie des organisations qui s’attachent à concrétiser la vision de l’appel à l’action 66 de la CVR, s’entend continuellement rappeler par les jeunes qu’elle sert, que la CVR a accompli un travail d’une grande incidence qui vise à aider les jeunes Autochtones à s’épanouir et à créer l’avenir qu’ils espèrent voir pour leurs communautés.
Notre appui à ce conseil est subordonné à l’inclusion véritable de jeunes Autochtones dans ses structures de direction et de gouvernance et au fait qu’il soit doté des capacités nécessaires.
Les jeunes Autochtones ont vu le gouvernement fédéral faire des promesses en matière de réconciliation et de ne pas prendre les mesures qui s’imposaient. Il est temps de faire en sorte qu’ils jouent un rôle véritable à la direction de ce travail.
En tant que leaders actuels et futurs dans leurs communautés, les jeunes Autochtones ont un rôle clé à jouer pour ce qui est de s’assurer que les objectifs du conseil soient atteints en tout point. Leurs points de vue et leurs priorités doivent être réellement pris en compte dans la structure de direction et de gouvernance de ce conseil.
Des collaborations officielles avec des organisations dirigées par de jeunes Autochtones, semblables à ERC et à bien d’autres, seront indispensables au succès du conseil. Le travail de ce conseil aura des répercussions sur les jeunes Autochtones aujourd’hui et sur les jeunes Autochtones des sept prochaines générations.
Nous savons aussi que les Autochtones bispirituels et LGBTQ+ ont toujours été exclus des rôles de leadership et des processus décisionnels les concernant et qu’ils le sont encore aujourd’hui. Ils ont subi et subissent les effets de la colonisation différemment et leurs connaissances, leurs compétences et leur présence sont essentielles dans toutes les conversations sur la réconciliation.
Conformément à l’appel à l’action 54, ERC reprend les appels d’autres organisations autochtones demandant que le projet de loi C-29 comprenne des dispositions qui prévoient un financement de base pluriannuel. C’est crucial pour garantir la vraie indépendance du conseil et pour faire en sorte qu’il dispose des ressources nécessaires pour continuer le travail important qu’il sera chargé d’accomplir pendant de nombreuses années.
Un conseil doté des ressources nécessaires sera également en mesure de mieux soutenir des organisations — comme ERC, le Mouvement jeunesse des 4R, l’Association nationale des centres d’amitié, l’Assemblée des sept générations et We Matter, pour n’en nommer que quelques-unes — dont le travail est axé sur la réalisation des appels à l’action, notamment de l’appel à l’action 66. Étant donné les innombrables effets positifs constamment freinés par des obstacles systémiques lorsqu’il s’agit d’obtenir un financement à long terme, on ne peut laisser compromettre ce travail par un financement insuffisant ou instable.
Quelle que soit la question, les jeunes Autochtones croient fermement qu’un organisme de surveillance indépendant dirigé par des Autochtones est nécessaire pour obliger les gouvernements à rendre des comptes sur les objectifs de réconciliation et pour tenir les communautés autochtones informées. Il faut donc s’assurer que le conseil ait le pouvoir législatif voulu pour accéder aux données nécessaires pour surveiller correctement l’état de la réconciliation.
Afin de s’assurer que la voix, les besoins et les réalités des jeunes Autochtones soient guidés par le conseil, nous proposons une des options suivantes : a) Que l’article 11 soit amendé de manière à prévoir qu’au moins trois des administrateurs autochtones soient âgés de 18 à 29 ans, ou b) Que le conseil d’administration crée un comité directeur des jeunes Autochtones qui travaillera de concert avec lui.
Nous recommandons aussi, premièrement, que vous amendiez l’article 11 afin d’ajouter qu’au moins trois des administrateurs doivent être bispirituels et/ou LGBTQ+ et, deuxièmement, que vous veilliez à ce que le projet de loi C-29 comprenne des dispositions prévoyant un financement de base pluriannuel qui permette au conseil de s’acquitter de son mandat et qui lui garantisse une vraie indépendance.
Troisièmement, nous rappelons aussi les appels d’autres organisations autochtones à faire en sorte que le conseil nouvellement constitué ait le pouvoir législatif voulu pour accéder à tout rapport et à toute donnée nécessaire pour surveiller convenablement l’état de la réconciliation.
Les jeunes Autochtones méritent de voir des mesures de réconciliation concrètes, de jouer un rôle prépondérant et de faire partie de cet important travail pour l’avenir. Les générations futures retiendront l’effet historique de tous ces dirigeants qui vont de l’avant avec les appels à l’action de la CVR. C’est un groupe qui doit être protégé, soutenu et considéré comme sacré. Leurs connaissances, leur leadership et leur espoir pour les générations futures ne peuvent qu’enrichir le travail du conseil et garantir que le dialogue, la réflexion et l’action en faveur de la réconciliation soient novateurs.
Chi-meegwetch de votre attention et merci de donner aujourd’hui aux jeunes Autochtones un espace où ils sont entendus.
Le président : Je vous remercie, madame Tenute. J’invite maintenant les sénateurs à poser des questions.
Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. Vous militez en faveur d’un rôle important de la jeunesse au Conseil national de réconciliation. Il est envisagé d’avoir un conseil d’administration de 9 à 13 membres. Mme Tenute en a parlé. Des témoins nous ont également dit qu’il pourrait être judicieux de créer un conseil des aînés ou un groupe d’aînés au sein de l’organisation. Il me semble que Mme Tenute parlait de la même idée lorsqu’elle a demandé que soit créé un comité directeur.
Les témoins veulent-ils nous dire comment ils intégreraient ces voix? Devrait-il y avoir un groupe consultatif des jeunes rattaché au conseil qui servirait de plateforme à la voix des jeunes et au large éventail de voix de jeunes de tout le Canada, afin de tenir compte de l’intersectionnalité dont vous parliez?
Peut-être que vous pouvez parler de cela aussi. Vous avez dit que vous êtes favorables à un conseil national. Pensez-vous qu’il y ait des amendements essentiels à apporter au texte? J’ai l’impression, à vous écouter, que vous ne voulez pas attendre que le projet de loi C-29 soit parfait. Vous voulez aller de l’avant et vous ne voulez pas attendre des années pour trouver le modèle parfait parce que le mieux pourrait être l’ennemi du bien. S’il y a des amendements essentiels à apporter, quels sont-ils?
Mme Tenute : Pour ce qui est de constituer un conseil ou un groupe consultatif de jeunes, je suis tout à fait d’accord pour une plus grande représentation des survivants des pensionnats autochtones et des aînés. Si nous cherchons de vrais modèles de leadership éclairé qui prennent en compte les principes autochtones et le fait de penser sur sept générations, les jeunes et les aînés doivent en faire partie. Je pense que cette intégration doit d’abord découler de l’engagement. Il y a une merveilleuse et magnifique jeunesse autochtone, qui est aussi la population en plus forte croissance de ce que nous appelons maintenant le Canada. Beaucoup de nouvelles idées peuvent être retenues pour alimenter une réflexion durable et novatrice sur la gouvernance et les pratiques en matière de politiques. Cela me semble essentiel non seulement pour le succès de ce conseil, mais aussi pour sa viabilité à long terme. C’est leur travail pour les générations à venir. Nous devons les faire participer au processus aujourd’hui afin qu’ils puissent prendre de meilleures décisions éclairées pour les sept générations à venir aussi.
En ce qui concerne l’autre question, j’ai une chose à ajouter, puis je laisserai mes autres collègues y répondre. Je ne peux parler que pour ma propre organisation, mais en tant qu’organisation qui s’efforce de concrétiser la vision de l’appel à l’action 66, nous voyons tous les jours les avantages pour beaucoup d’organisations et de personnes qui se sont fixé des objectifs semblables. Beaucoup d’autres d’organisations pour les jeunes Autochtones font ce travail, surtout au niveau communautaire. Même si nos approches sont différentes, elles sont toutes utiles et importantes. Ce travail nécessite l’intervention de beaucoup d’acteurs et il doit avancer le plus rapidement possible.
Ce que nous prônons souvent pour les jeunes avec lesquels nous avons tellement de chance de travailler, c’est de battre le fer tant qu’il est chaud. Il est important d’apporter ces amendements, comme je le mentionnais, mais aussi de faire ce travail sans plus tarder.
Le président : Quelqu’un d’autre veut intervenir?
M. Pottle : Vous avez posé deux questions. Une portait sur ce groupe consultatif de jeunes adjacent. Le fait que les jeunes ne soient pas comme moi, dans ce cas, littéralement assis à la table est un problème continu. Ils sont souvent dans le voisinage de la table, dans la périphérie. Il est important que les jeunes aient directement voix au chapitre au conseil.
Pour ce qui est de votre deuxième question sur des changements essentiels, nous devons veiller à ce qu’il y ait des mesures de protection. Comme je le mentionnais, il y a un problème croissant de personnes qui se prétendent d’ascendance autochtone et qui en récoltent les avantages, les très nouveaux avantages. Il faut des mesures de protection contre ce phénomène.
Par ailleurs, la question se pose de savoir si le projet de loi, en créant ce conseil, exonère le gouvernement de participer directement à la réconciliation. Ce n’est pas clair pour moi.
C’est la question que je me pose. Je suis désolé de ne pas avoir de changement à proposer, mais c’est tout. Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie de votre réponse.
Je rappelle aux témoins que s’ils ont des témoignages supplémentaires qu’ils souhaitent soumettre par écrit après la séance d’aujourd’hui, ils peuvent le faire d’ici la fin de cette semaine.
La sénatrice Hartling : Je vous remercie tous de votre présence aujourd’hui. Notre comité attache une grande importance à la voix de la jeunesse, et nous avons d’ailleurs des activités la semaine prochaine avec des jeunes. Vous nous aidez à approfondir notre examen de certaines de ces questions.
Je pensais aux idées que vous proposiez à propos d’un comité consultatif par opposition à une participation directe. Est-ce que cela pourrait se faire en ayant quelqu’un à la table qui retourne au comité directeur?
Avez-vous des exemples de questions dont les jeunes estiment qu’il est important de parler? Quelqu’un veut-il répondre à cette question? Je vous remercie.
M. Pottle : Comme l’ont répété mes cotémoins, il y a, en fait, une mise à l’écart des jeunes au Canada. Beaucoup de jeunes se méfient du gouvernement. Il reste encore du travail à faire pour regagner leur confiance. C’est facile à voir, étant donné l’état actuel des choses. Si vous allez dans n’importe quelle réserve ou n’importe quelle petite communauté du Nunangat, vous constaterez les problèmes systémiques des gens de l’extérieur et de la population locale. Il reste encore du travail à faire pour regagner cette confiance dans le gouvernement fédéral ou la renforcer.
Mme Tenute : Je me ferai l’écho de cette réponse. C’était bien dit. Je pense que le manque de confiance dans le gouvernement fait partie de la question de la reddition de comptes. Comme nous le savons, c’est un problème systémique qui existe depuis le premier jour de la colonisation.
Cela dit, je crois vraiment que de bonnes pratiques d’engagement constructives de la part du gouvernement, en travaillant en partenariat avec d’autres organisations qui ont bâti cette confiance, pourraient constituer une approche plus complète avant qu’un conseil soit véritablement établi, ou par l’intermédiaire d’un mécanisme de groupe consultatif. Plusieurs organisations autochtones font ce travail de façon remarquable. Comme je l’ai dit plus tôt, il s’agit d’une des populations en plus forte croissance. Nous avons beaucoup de questions à régler et beaucoup de confiance à instaurer. Cela demande du temps, un engagement, de l’attention et du respect.
Le président : Madame McKenzie, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
Mme McKenzie : Au fond, je suis d’accord avec les autres témoins aussi. Un enjeu que les jeunes peuvent vivre aujourd’hui est qu’on ne leur donne pas assez la parole. En tant que porte-parole, ce que je conseille, pour les jeunes, c’est qu’on leur donne un espace, pour qu’ils puissent démontrer leur vision des choses. Écouter la voix des jeunes serait quelque chose de bon.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Sorensen : Je remercie tous les témoins de s’investir autant et de parler au nom des jeunes — évidemment, dans votre monde, des jeunes Autochtones — sur ce sujet et sur bien d’autres.
La question de la composition du conseil domine, de toute évidence, toutes nos réunions. Je demande à chacun de vous de donner son avis brièvement. Mme McKenzie a déclaré que, tout en respectant l’idée que des allochtones doivent participer activement à la réconciliation, elle estime que leur présence au conseil — et je ne veux pas lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit — n’est peut-être pas nécessaire. Vous pouvez préciser votre pensée, madame McKenzie, si vous le souhaitez.
J’aimerais savoir ce qu’en pensent d’autres personnes. La demande de sièges au conseil — nous ne savons pas combien il y en aura et je ne me rappelle pas si un nombre a été fixé — semble telle que je pose cette question : d’autres témoins sont-ils d’accord que laisser des allochtones siéger au conseil reviendrait à les laisser prendre la place de jeunes Autochtones qui doivent participer à la conversation?
Par ailleurs, la proposition de Mme Tenute et d’Échanges racines canadiennes d’avoir trois jeunes âgés de 18 à 29 ans au conseil revient à déjà réserver quelques sièges potentiels. Il n’y a rien de mal à cela. Il peut y avoir une double représentation d’autres groupes.
Au sujet du concept du conseil consultatif, il me semble que M. Pottle a dit qu’il serait plus logique qu’ils siègent au comité. Indépendamment des amendements, de la politique ou de ce qu’elle dit, si cela devait arriver, est-ce que vos organisations ne pourraient pas se réunir pour créer proactivement un conseil des jeunes qui pourrait communiquer de l’information au conseil d’administration moyennant le développement à la base de votre propre conseil? Je comprends qu’il serait plus approprié de le reconnaître, mais si cela ne se produisait pas, pour faire avancer ce dossier, est-ce que ce n’est pas quelque chose que vous pourriez créer indépendamment pour ensuite transmettre des commentaires?
J’aimerais entendre vos réponses à tous. Madame McKenzie, voulez-vous répondre en premier et préciser votre commentaire à propos des allochtones?
[Français]
Mme McKenzie : Pour commenter la part des personnes autochtones au conseil d’administration, nous trouvions important de pouvoir représenter tous les groupes autochtones du Canada. Nous trouvions que la réconciliation engage bien sûr les Autochtones et les allochtones.
Cependant, ce conseil national, puisqu’il traite des peuples autochtones, devrait comprendre beaucoup de personnes autochtones qui seront compétentes et qualifiées pour faire partie du conseil d’administration. Nous pensons que ce qui est important est d’avoir cette représentation de personnes autochtones au sein du conseil. Ce sera très important pour donner la voix aux personnes autochtones. Ce sera bien aussi de pouvoir travailler avec les personnes allochtones, mais pas au sein du conseil.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : Je vous remercie.
Madame Tenute, voulez-vous commenter l’idée d’une initiative à la base, le cas échéant?
Mme Tenute : Je pense que c’est un projet fantastique. Quand nous examinons l’appel à l’action 66, par exemple, il demande en partie de constituer un réseau, et ce genre de choses conviendrait mieux à mon avis.
En tant qu’organisations autochtones, nous sommes bien plus fortes ensemble lorsqu’il s’agit de démanteler ces systèmes d’oppression, mais aussi pour défendre les intérêts des jeunes Autochtones parce que c’est eux qui inspirent notre travail.
Cela dit, je suis ouverte à cette solution. J’espère qu’il y aura un financement garanti à long terme pour quelque chose comme cela, pour payer tout le travail et recueillir la parole des Autochtones afin de poursuivre ce travail qui aura une grande incidence.
La sénatrice Sorensen : Je vous remercie. Je tiens à dire quelques mots sur vos recommandations en ce qui concerne le financement et le pouvoir législatif d’obtenir des données. C’est quelque chose que nous avons entendu de nombreuses fois et avec lequel nous sommes certainement d’accord. Avez-vous un commentaire sur les membres autochtones et allochtones? Peut‑être que M. Pottle aimerait dire quelque chose à ce sujet.
M. Pottle : En ce qui concerne la question des sièges que vous avez soulevée au début, il est évident que la présence de représentants allochtones à la table réduit naturellement la représentation autochtone. Je comprends que le gouvernement fédéral ait besoin de nommer des représentants. Au fond, si ce groupe doit vérifier si la réconciliation s’opère ou pas, ce sont principalement des Autochtones qui devraient prendre ces décisions.
Ensuite, pour ce qui est de savoir s’il pourrait y avoir un large soutien à ce mouvement à la base, la réponse est évidemment. Cependant, pourquoi est-ce que ce devrait être secondaire? Est-ce que ce ne devrait pas être intégré? C’est une possibilité. Hypothétiquement, nous pourrions avoir la voix des jeunes et un groupe adjacent, comme nous l’avons déjà mentionné, peut-être un comité permanent de jeunes qui informerait le représentant des jeunes au Conseil national de réconciliation. Ce ne devrait pas être séparé. Ce ne devrait pas être quelque chose dont nous devons nous charger. Souvent, les jeunes n’ont pas, pour commencer, les moyens de faire cela. Cette proposition n’est donc pas juste. Nonobstant l’excellent travail accompli par Échanges racines canadiennes et par d’autres organisations, cela représente beaucoup de travail et beaucoup de pression.
La sénatrice Coyle : Je remercie tous les témoins ce matin de leurs propositions concrètes et constructives, y compris de leurs propositions d’amendements. Je vous remercie aussi du travail que vous faites.
La voix et le point de vue des jeunes sont essentiels pour tout ce que nous faisons ici. Comme vous l’avez à juste titre souligné, si nous regardons les chiffres de la population, la population autochtone fait partie des groupes en plus forte croissance au Canada. Pour les jeunes qui sont parmi nous aujourd’hui et pour ceux qui viendront ensuite, c’est votre avenir et c’est de votre avenir que nous parlons ici. Je vous remercie du sérieux de votre réflexion.
Ma première question est pour M. Pottle. Vous avez soulevé la question au sujet du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne et des progrès enregistrés. Ils ne viennent jamais assez rapidement ou assez complètement, mais il y a des progrès. L’Inuit Tapiriit Kanatami nous l’a dit, et je vous remercie d’en avoir de nouveau parlé.
Pour ce qui est de définir le rôle et la portée du conseil de manière à protéger le travail important du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne et à continuer de progresser, pouvez-vous approfondir un peu cette définition et expliquer comment vous voyez concrètement les possibilités que cela se produise? Nous ne voulons pas appuyer l’adoption d’un projet de loi au comité si nous n’avons pas le plein appui des Inuits du Canada.
M. Pottle : Je vous remercie. À mon avis, je ne suis pas entièrement qualifié pour répondre. Je représente les jeunes. La semaine prochaine, après les élections, je ne serai plus président.
Je dirai qu’en ce qui concerne un conseil national chargé de surveiller la réconciliation, nous avons le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne qui réunit directement les dirigeants inuits et fédéraux. Ce partenariat entre les Inuits et la Couronne est unique dans la population autochtone du Canada.
Si nous avons un conseil qui est chargé de la réconciliation, il est très possible que ce soit l’opposé qui se passe, que le modèle de partenariat entre les Inuits et la Couronne s’applique par l’intermédiaire du conseil pour profiter aussi aux Premières Nations et aux Métis, dans le cadre d’un partenariat latéral du même genre.
Quant à la définition même du conseil, il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera la mise en œuvre. D’autres panels vous ont présenté beaucoup de très bons arguments, de même que mes collègues aujourd’hui, au sujet de leurs préoccupations relatives aux lacunes de l’aspect concernant les jeunes. Il est difficile de dire à ce stade ce qui peut être fait exactement pour préserver les progrès réalisés.
Évidemment, nous nous demandons où se termine exactement la responsabilité du gouvernement fédéral. Est-ce que le conseil national donne une marge de manœuvre au gouvernement fédéral lorsque l’on confie de futurs travaux au conseil? Cela dans le cadre de la réconciliation. C’est difficile à dire.
Ce sont des conversations que devra avoir le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, mais qu’il faudra aussi avoir plus généralement, pendant que nous essayons de créer ce conseil national. Au fait, je ne pense pas qu’il faille aller trop vite en besogne. Mieux vaut aplanir toutes les grandes préoccupations qui ont été soulevées, par exemple, par le président Obed de l’Inuit Tapiriit Kanatami, comme je l’ai déjà mentionné.
Tant que ces questions ne seront pas réglées et qu’il ne sera pas répondu à ces grandes préoccupations, il y a un risque de conflit entre l’intention du conseil national et le travail en cours entre les Inuits et le gouvernement fédéral — et potentiellement, bien sûr, entre les Premières Nations, les Métis et le gouvernement aussi. Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Audette : Merci beaucoup, [mots prononcés en innu-aimun] à notre président, et [mots prononcés en innu‑aimun]. J’étais fière de voir une jeune Innue. Plusieurs témoins viennent du territoire du Québec. Je n’ai aucune idée quelles sont vos opinions, alors c’est un plaisir de vous entendre.
Êtes-vous à l’aise pour ce qui est de la partie consultation? Un jour, si le conseil voit le jour, il devra vous consulter partout au Canada. Nous pourrions certainement ajouter des mots qui font référence à la jeunesse, à l’expertise de la relève, et ainsi de suite. Je vois déjà des amendements à apporter dans cette partie‑là.
À l’ensemble des témoins, merci beaucoup pour vos messages. Oui, il y a des enjeux politiques, certains leaders sont contre. Cela dit, dans le quotidien, grâce à ce projet de loi, nous saurons de la part du gouvernement fédéral où en sont nos enfants sur le plan de l’éducation, quelles sont les statistiques de réussite ou d’échec des étudiants autochtones partout au Canada, où en est la recherche qui permettra d’influencer les politiques fédérales, et ainsi de suite.
Trouvez-vous que les mandats proposés dans ce projet de loi auront un impact significatif sur le bien-être et le mieux-être de nos jeunes dans les communautés et à l’extérieur des communautés?
Mme McKenzie : Merci, Michèle. Pour parler de la consultation, il est très important aussi, comme on le voit en ce qui concerne la jeunesse, de les consulter; il y a peut-être un manquement, là. La consultation auprès de la jeunesse, je pense que cela sera important au sein du conseil national. Quant à cet aspect que vous avez nommé tantôt, si on est à l’aise avec les mandats donnés, je pense que cela va aider; sûrement que oui. Toutefois, je pense que la jeunesse a besoin d’être consultée. Des fois, il y a un manquement, mais au conseil, ce sera important d’apporter cela.
La sénatrice Audette : Merci, [mots prononcés en innu-aimun].
[Traduction]
Le président : Les sénateurs qui souhaitent poser une question peuvent encore le faire. Puisque je n’en vois aucun, je déclare que le temps pour ce panel est terminé. Je remercie encore tous les témoins de leur présence aujourd’hui.
Honorables collègues, j’aimerais prendre quelques instants pour accueillir les étudiants du Centre régional d’éducation des adultes Kitci Amik de Pikogan, au Québec, qui sont présents dans la salle avec nous. Soyez les bienvenus. Ils sont ici dans le cadre d’une visite organisée par S’ENgage, le programme jeunesse du Sénat. Nous savons tous que les comités sont un élément important du processus législatif et je suis heureux que les étudiants soient parmi nous aujourd’hui pour en savoir plus sur le fonctionement du Parlement. Encore une fois, soyez les bienvenus. Nous sommes heureux que vous soyez tous là.
Honorables collègues, je me répète, mais je vous demande à toutes et à tous d’être aussi brefs que possible. Notre temps étant limité, chaque sénateur aura cinq minutes pour poser une question et obtenir une réponse. La priorité sera donnée aux membres du comité, puis ce sera le tour d’autres collègues. Je demande également aux témoins de fournir par écrit, d’ici la fin de la semaine, toute réponse qui n’aurait pas encore été communiquée.
J’aimerais maintenant présenter notre deuxième panel de témoins. Nous avons, à titre personnel, Mme Marie Wilson, ancienne commissaire, Commission de vérité et réconciliation du Canada, et Jay Launière-Mathias, directeur général de Puamun Meshkenu. Je vous remercie tous les deux d’être des nôtres aujourd’hui.
Nos témoins disposeront d’environ cinq minutes chacun pour présenter leurs observations préliminaires, après quoi nous passerons à une séance de questions et réponses avec les sénateurs.
J’invite maintenant Mme Marie Wilson à présenter ses observations préliminaires.
Marie Wilson, ancienne commissaire, Commission de vérité et réconciliation du Canada, à titre personnel : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs, président, et merci beaucoup de me donner l’occasion de vous parler.
Je me suis déjà exprimée devant ce comité, et j’ai aussi parlé de ce sujet à vos collègues de la Chambre des communes. J’ai l’impression d’en parler publiquement et aux médias depuis huit ans maintenant. Il s’agit donc d’une conversation très importante et je suis heureuse que nous nous rapprochions apparemment de la ligne d’arrivée. Je m’en réjouis.
Je ne sais pas si vous savez comme moi que ce vendredi marque, en fait, le huitième anniversaire du rapport des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et que la semaine prochaine marquera le 15e anniversaire des excuses aux survivants des pensionnats autochtones. Nous savons tous, je l’espère, que nous avons perdu plus de la moitié des survivants qui étaient encore vivants à ce moment-là. Toutes ces années plus tard, nous ne parvenons toujours pas à dire si la situation s’améliore ou empire. De quelles sources d’inspiration pouvons‑ous tirer des leçons? Quelles sont les choses décourageantes et qui se détériorent auxquelles nous devons prêter plus attention? Le conseil national est donc, comme nous l’avons dit alors, essentiel. Je le crois encore.
Par conséquent, je tiens à souligner deux grands thèmes, et j’ai des propositions précises à faire. Je dirai d’abord que j’espère que rien de ce que je vais dire aujourd’hui — ou de ce que diront les autres intervenants, en fait — n’entraînera d’autre retard important, car nous avons déjà tellement attendu.
L’autre chose que je tiens à souligner — et je suis préoccupée au sujet de certaines des interventions que j’ai entendues jusqu’ici — concerne les relations. Pendant toute la Commission de vérité et réconciliation, ou CVR, nous avons insisté sur le fait que, premièrement, la réconciliation n’était pas une affaire autochtone et qu’il était entendu que la réconciliation elle-même visait à établir et à maintenir des relations respectueuses entre les peuples autochtones et tous les Canadiens.
Je veux parler de deux ou trois choses en particulier à ce propos. Cet esprit ressort dans le préambule, mais dans l’objet du projet de loi même, il est expressément question de réconciliation avec les peuples autochtones. Cela la limite. Je pense qu’il serait plus fidèle à l’esprit de la CVR d’avoir un libellé qui mentionne des relations respectueuses entre les peuples autochtones et tous les Canadiens aux fins de la loi.
En ce qui concerne les questions controversées relatives à la composition et à la représentation au sein du conseil, il me semble important que le tout soit assez équilibré, qu’il n’y ait de geste symbolique envers personne. Je crois fermement qu’il doit y avoir des Autochtones et des allochtones au conseil national. Je pense que vous savez tous que je ne suis moi-même pas autochtone. J’étais la commissaire allochtone. Je pense que cela apportait une perspective très utile au sein de l’équipe de la commission et par rapport à notre approche du travail très enrichissant et certainement instructif pour nous tous dont nous étions chargés.
Je veux aussi parler de la question du rapport annuel. L’article est repris presque mot pour mot de l’appel à l’action 53, mais ne précise pas comme l’appel à l’action que le mandat ne doit pas être exclusif, mais qu’il « comprendra[it], sans toutefois s’y limiter, ce qui suit ». Le fait que le libellé actuel donne à penser que la liste énoncée est complète m’inquiète. Je pense aux choses importantes dont nous savons tous qu’elles ont évolué au cours des dernières années au Canada. Je pense, par exemple, au rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il me semble qu’il s’agit de quelque chose dont le conseil voudra faire le suivi. Je pense que le conseil voudra prêter attention au dossier des enfants disparus qu’il faut trouver et identifier, et faire rapport à ce sujet. Il est question de ces deux sujets dans d’autres appels à l’action du rapport de la CVR. Il serait donc logique qu’ils fassent partie du mandat du conseil.
Je tiens à dire ma préoccupation de voir que l’appel à l’action 54, qui concerne le financement permanent à long terme et la dotation d’une fiducie, semble absent de ce projet de loi. Je crains que sans argent ni moyens, tout se politise et se fragilise, alors que nous avons besoin d’un conseil permanent et stable.
Enfin, et même s’il ne m’appartient pas de décider comment les peuples autochtones devraient être représentés, je soumettrai à votre appréciation le fait que les chefs autochtones nationaux qui étaient présents et qui étaient représentés à la Chambre des communes lorsque des excuses y ont été présentées — moment historique s’il en est — pourraient être les modèles à suivre pour ceux qui devraient être représentés au conseil national. Il me semble tout simplement que c’est, entre autres, une question de continuité. Si les excuses ont été présentées en présence de toutes ces organisations nationales, elles pourraient certainement aussi avoir une place à la table du conseil national.
J’observe que certaines des autres personnes qui ont témoigné devant le comité ce matin — le Conseil national des jeunes Inuits du Canada et Échanges Racines Canadiennes — croient très fermement à l’importance de la voix des jeunes au conseil.
Je rappellerai, enfin, que notre pays est vaste et complexe. Souvent, le Nord est résumé comme étant seulement inuit. C’est simplifier à l’extrême la complexité du Nord. Je propose d’ajouter sous « Représentativité » un alinéa d) qui prévoie de tenir compte de toutes les régions du pays. Ce n’est pas précisé pour l’instant.
Ce sont mes observations précises. J’ai bien d’autres choses à dire, mais pour une question de temps, permettez-moi d’en rester là. Je vous remercie de m’avoir invitée. Maasi cho.
Le président : Je vous remercie, madame Wilson.
J’invite à présent Jay Launière-Mathias à présenter ses observations préliminaires.
[Français]
Jay Launière-Mathias, directeur général, Puamun Meshkenu : Bonjour. Merci d’être présent et de me recevoir ce matin. C’est la première fois que j’ai l’occasion de témoigner devant un comité du Sénat, cela me fait plaisir et je me sens très honoré de pouvoir me prononcer sur le projet de loi.
Je me présente : je suis Jay Launière-Mathias, je suis Innu et Anishinaabe. J’officie comme directeur général de l’organisme Puamun Meshkenu qui a été fondé en 2016 par le Dr Stanley Volant, premier chirurgien autochtone au Québec.
Avant de fonder Puamun Meshkenu, le Dr Volant, avec le projet Innu Meshkenu, avait parcouru près de 6 000 kilomètres dans les différentes communautés autochtones du Québec. Dans le cadre de ce projet, il est allé à la rencontre des gens dans les communautés, mais aussi à la rencontre des personnes allochtones des villages et des municipalités qu’il croisait.
Pour lui, c’est important de créer ces moments de rencontre au moyen de la marche et de son projet. Dans Puamun Meshkenu, c’est l’essence de ce projet que nous perpétuons par l’ensemble des actions que notre organisation entreprend. On s’efforce de mettre au cœur de nos projets les rencontres entre les personnes autochtones et allochtones.
La réconciliation, c’est un aspect transversal de l’ensemble de nos projets, et en fait, je suis vraiment touché de pouvoir venir témoigner, entre autres parce que c’est quelque chose qui nous tient énormément à cœur, au sein de notre organisation.
De façon plus concrète, l’été dernier, en marge de la visite du pape, notre organisation a fait une grande marche de 275 kilomètres de la communauté innue de Mashteuiatsh, d’où je suis natif aux plaines d’Abraham, où le pape se rendait au mois de juillet.
Ce n’est pas anodin : on est parti de la communauté de Mashteuiatsh, qui est le lieu du dernier pensionnat autochtone qui a fermé ses portes au Québec en 1993. Nous sommes partis le 21 juillet 2022 et on a marché 275 kilomètres pour se rendre jusqu’à Québec, où on est arrivé le 27 juillet 2022.
On a eu l’occasion de rallier des Autochtones de toutes les générations grâce à cette marche, et on a aussi pu rallier des personnes allochtones pour les sensibiliser à la réalité que les jeunes Autochtones vivent, mais aussi ramener le message à l’essentiel qui est celui de soutenir les survivants et survivantes des pensionnats autochtones. On était d’avis qu’on parlait trop du pape et pas assez des individus pour qui il était présent ici, au Canada. C’était essentiel pour nous de ramener ce message au niveau des survivants et survivantes et d’engager la jeune génération.
C’est ce qui m’amène à vous émettre mes commentaires ce matin. Tout d’abord, pour nous, la réconciliation se fait à plusieurs niveaux. On parle souvent de la réconciliation entre les Autochtones et les institutions, que ce soit le gouvernement canadien, les ministères, les municipalités et les gouvernements provinciaux; il y a cette réconciliation que l’on doit faire et dans laquelle on chemine présentement.
Il y a également la réconciliation entre les personnes autochtones et la population canadienne; on continue de la faire aussi. Par contre, dans le projet de loi, je vois moins la réconciliation entre les Autochtones. Pour moi, cette réconciliation est importante et primordiale. En tant que jeune Autochtone, je dois me réconcilier avec mon histoire, avec les blessures du passé, avec les traumas intergénérationnels qui continuent d’être transmis, et on a aussi besoin de se réconcilier entre nous.
Il y a énormément de blessures qui ont été causées par les politiques assimilatrices du gouvernement canadien et de l’Église. Aujourd’hui, je pense qu’on doit aussi guérir de façon individuelle dans tout cela, pour pouvoir se réconcilier entre nous, mais aussi, au sens plus large, avec le reste de la population canadienne.
Finalement, j’aimerais aussi aborder la place des jeunes. En tant que jeune autochtone, je crois qu’il est primordial d’avoir une place pour les jeunes au sein du conseil national, donc j’aimerais voir des sièges réservés pour de jeunes représentants au sein de ce conseil.
Merci, [mots prononcés dans une langue autochtone].
[Traduction]
Le président : Je vous remercie, monsieur Launière-Mathias. J’invite maintenant les sénateurs à poser des questions.
Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. J’ai deux questions, et je pense que les deux témoins peuvent y répondre.
Premièrement, madame Wilson, je vous remercie d’avoir servi le Canada en tant que commissaire de la Commission de vérité et réconciliation. Ce sont, en fait, les appels à l’action qui guident le projet de loi C-29 et qui en sont le catalyseur. Vous avez parlé de manière concise de certaines des questions et de certaines de vos recommandations. Y a-t-il, selon vous, dans ce projet de loi un mécanisme efficace qui permette au conseil national de réconciliation de demander que le gouvernement fédéral soit tenu de rendre des comptes?
Deuxièmement, vous étiez l’auteure de ce travail. Pensez-vous que le projet de loi C-29 reflète votre intention?
Troisièmement — et je pense que vous avez déjà répondu sur ce point —, le projet de loi C-29 n’est pas parfait, mais nous devons aller de l’avant. Nous ne pouvons pas attendre des années. Le temps presse. La quête de la perfection sera l’ennemi du bien. Si vous souhaitez ajouter quelque chose à ce propos, j’aimerais certainement l’entendre.
À M. Launière-Mathias, je demanderai si nous devons ajouter la réconciliation économique à la teneur du mandat du conseil.
Le président : M. Launière-Mathias va répondre en premier.
[Français]
M. Launière-Mathias : Qu’est-ce que vous entendez par « réconciliation économique »?
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Vous représentez les jeunes. Voici où je veux en venir : la pauvreté est un des problèmes fondamentaux qui rendent la réconciliation nécessaire. C’est un des facteurs fondamentaux qui ont créé cette situation. Pensez-vous que ce serait une bonne idée d’ajouter au mandat du conseil national le concept de réconciliation économique et de mettre l’accent sur l’économie, afin que les peuples autochtones de ce pays prennent la place qui leur revient de droit dans l’État canadien?
[Français]
M. Launière-Mathias : Oui, je suis complètement d’accord, c’est vrai que c’est un point qui n’est pas nécessairement abordé dans le projet de loi. Si on veut que les Autochtones puissent prendre part activement à la réconciliation, il faut qu’ils soient en mesure de répondre à leurs besoins primaires en premier.
Lorsqu’on parle d’économie, on parle d’intégrer des Autochtones dans l’économie, mais on parle aussi de donner les moyens aux Autochtones de se développer dans leur propre communauté. Si on veut que les personnes puissent s’engager adéquatement, elles doivent pouvoir répondre à leurs besoins dans leurs communautés pour ensuite prendre part à quelque chose de plus grand.
Je pense que l’engagement d’organisations autochtones dans les différentes sphères économiques partout au pays est très important aussi. Nous, en tant qu’organisation autochtone, on collabore avec des partenaires autochtones, mais aussi avec des partenaires allochtones. Dans le cadre de ces rencontres, on a l’occasion de se sensibiliser mutuellement aux réalités de l’autre. Donc, oui, je pense que c’est un point qui serait essentiel à inclure.
[Traduction]
Mme Wilson : Oui, je pense que cela fonctionnera. Oui, tout va bien.
Je reviens en arrière. Votre première question était de savoir si le projet de loi permet de demander au gouvernement de rendre des comptes. Je dirai que c’est une question très technique et qu’honnêtement, je ne suis pas certaine d’être qualifiée pour y répondre. Je sais ceci : l’expérience acquise au cours de ma longue vie m’a appris que si l’on compte sur la seule bonne volonté politique, il faut savoir qu’elle peut aller dans le sens du vent. Je pense que nous devons avoir une institution permanente qui dispose d’assez de pouvoir pour demander des documents. Nous avons dû retourner devant les tribunaux, même avec une obligation imposée par la justice en faveur de la Commission de vérité et réconciliation qui obligeait notamment le gouvernement du Canada et les églises de communiquer des documents, nous avons dû retourner devant les tribunaux pour une lecture par la cour afin d’être certain de recevoir ce que nous pensions devoir recevoir. Nous avons donc une expérience des blocages et des refus. Je pense qu’il est très important que le conseil ait le pouvoir nécessaire en l’espèce.
J’ai précisé dans les premiers jours de cet appel à l’action que je n’avais pas ma place dans le comité de transition ou le conseil intérimaire parce que je ne possède pas les compétences techniques qui sont, à mon sens, essentielles pour savoir comment doter le conseil du pouvoir nécessaire. C’est une de mes préoccupations au sujet du conseil et de tout l’effort consacré à la perception de la représentation. Nous devons nous assurer aussi d’avoir de solides compétences techniques. En fait, nous devons nous assurer que les personnes sachent quoi demander et comment et où l’obtenir. Pas seulement auprès du gouvernement. Je tiens à être très claire sur ce point. En fait, je pense qu’il est possible d’apporter un amendement pour dire que ce n’est pas seulement auprès du gouvernement, mais aussi auprès de ses organismes. Nous avons des appels à l’action qui concernent, par exemple, les sociétés d’État. Comme, par nature, elles travaillent de manière indépendante, je pense qu’il serait bon de pouvoir ajouter ce genre de disposition. D’autres personnes qui ont parlé au comité seraient également concernées par ce que le conseil fera. Par exemple, le Centre national pour la vérité et la réconciliation enquête sur les enfants disparus et cherche à les retracer. Nous aurons besoin de savoir où il en est de ses recherches, s’il dispose des soutiens et des mécanismes nécessaires pour faire ce travail et s’il avance bien. Le conseil des jeunes et le souhait que les jeunes se rassemblent font partie des appels à l’action.
Vous avez posé une question sur la réconciliation économique. C’est son propre appel à l’action. Par conséquent, si le conseil surveille tous ces appels à l’action et y prête attention, les tenants de ces différents points de vue auront une occasion de dire ce qui fonctionne pour eux, ce qui ne fonctionne pas, ce qui fait obstacle et ce dont ils ont besoin. Cela fera, je l’espère, partie du rapport annuel.
Le président : Nous allons devoir passer à autre chose. Notre temps est écoulé. Je rappelle aux témoins que s’ils souhaitent fournir plus d’information par écrit, qu’ils n’hésitent pas à le faire, de préférence d’ici la fin de la semaine.
Le sénateur Tannas : Je remercie les deux témoins. Ma question s’adresse plus particulièrement à Mme Wilson. La rencontre avec une des auteurs est un grand moment pour nous. C’est précieux de pouvoir explorer avec vous la réflexion qui a sous-tendu les appels à l’action. Ma crainte est que la portée soit tellement élargie que l’organisme que vous avez réclamé perd en efficacité.
Je vais me concentrer sur le volet de l’appel à l’action qui concerne l’obligation de communiquer des renseignements clés qui serviront de base à la mesure comparative des progrès et les enjeux précis et très importants qui sont énoncés dans l’appel à l’action. Comme vous le savez, cette information est indispensable si on veut connaître toute la vérité. C’est une partie intégrante de la recherche de vérité et de la réconciliation. Pour mettre en place des méthodes plus efficaces et plus rapides de réconciliation, il faut avoir accès à la vérité. À mes yeux, il faut des données, et notamment des données comparatives si nous voulons connaître la vérité, et elles sont essentielles pour agir et aller de l’avant.
Concernant l’activisme politique de cet organisme, quels en seront les éléments importants selon vous? L’adoption d’un plan d’action a été évoquée dans certains témoignages que nous avons entendus. On parle d’un organisme imposant et puissant, qui a déjà commencé… C’est peut-être même pour cette raison qu’ITK craint que le conseil en vienne à couper l’herbe sous les pieds des autres organismes et à compromettre certaines avancées essentielles qui n’avaient pas été envisagées au moment de la rédaction du rapport. Je crains vraiment que les préoccupations concernant la composition du conseil éclipsent la recherche de la vérité.
Pouvez-vous m’aider à mettre les choses en perspective en m’expliquant le raisonnement qui a été suivi au moment de la rédaction du rapport et comment vous voyez les choses maintenant, quelques années plus tard?
Mme Wilson : Quand nous, les commissaires, avons rédigé ce document, nous n’avons pas vraiment discuté de la composition du conseil. Je vais donc garder une certaine réserve. Je n’ai pas participé aux travaux du conseil d’administration provisoire et du comité de transition et, très franchement, je n’ai pas non plus été consultée. J’ai seulement participé à une activité d’une journée du premier conseil d’administration provisoire. Je ne suis pas vraiment au courant de toute la réflexion qui a été menée.
La représentativité au sein du conseil est importante non pas parce qu’il doit devenir un organisme d’activisme politique, mais parce qu’elle est essentielle pour nous donner les perspectives éclairées de toutes les régions du pays concernant les aspects qui doivent pris en considération ou examinés. Contrairement à ce que vous avez suggéré, il n’est pas question de couper l’herbe sous le pied de quiconque — ce qui serait d’ailleurs impossible au Nunavut —, bien au contraire. Ce que je souhaite, c’est que tous les ordres de gouvernement, les autorités autochtones et publiques, utilisent cela comme un miroir précieux et honnête pour refléter ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ce pourrait être une source d’information supplémentaire pour les groupes qui ont besoin d’aide. Tout à l’heure, j’ai donné l’exemple du Centre national pour la vérité et la réconciliation, mais j’aurais pu parler aussi des groupes de jeunes. Ils ont proposé une stratégie nationale pour la jeunesse. Je pense qu’ils attendent encore de savoir s’ils vont avoir le feu vert pour faire quelque chose de significatif en ce sens. Les organismes autochtones nationaux ont leurs propres mandats, mais ils apprécieraient certainement qu’on leur transmette des données utiles pour eux. M. Launière-Mathias a dit quelque chose de très important au sujet des blessures entre et parmi les peuples autochtones. C’est une partie du bourbier dont le Canada doit se dépêtrer. Les gouvernements ont causé ce fractionnement et la situation actuelle où tout le monde fait des pieds et des mains pour se faire entendre.
Il n’a jamais été question de créer un groupe qui ferait de l’activisme pour faire remplacer des politiques ou défendre des intérêts. L’objectif a toujours été que tout le pays en sorte gagnant, en partant de l’hypothèse que nous aspirons tous à vivre dans le meilleur pays qui soit et que, pour y arriver, il est essentiel d’avoir des relations positives et de plus en plus harmonieuses. Selon cette hypothèse, nous aurions tous avantage à avoir accès aux données, comme vous l’avez souligné, et à l’information nécessaires. Dans cette optique, qui aurait intérêt à dissimuler de l’information?
Le président : Merci, madame Wilson.
La sénatrice Sorensen : Bienvenue à tous. Je suis ravie que vous soyez des nôtres. Je vais poser une question aux deux témoins, mais je voudrais tout d’abord exprimer ma reconnaissance à Mme Wilson pour sa remarque concernant les personnes présentes au moment des excuses voilà 15 ans. J’aimerais vraiment voir cette liste, et je me tourne vers la greffière pour savoir s’il serait possible d’avoir la liste des personnes qui étaient présentes il y a 15 ans. J’ai trouvé cette remarque vraiment pertinente.
Ma première question s’adresse à Mme Wilson, mais je demanderais au président de surveiller le chronomètre parce que je veux vraiment avoir le temps de poser une question à M. Launière-Mathias.
Madame Wilson, à l’instar du sénateur Tannas, je tiens à dire à quel point nous sommes choyés de vous accueillir ici. À titre de rédactrice… C’est toujours un grand bonheur d’échanger avec les personnes qui ont pris part à la rédaction d’un rapport et aux discussions. Il se peut que je répète une question qui vous a déjà été posée, mais j’espère vous donner l’occasion d’aller un peu plus loin. En fait, la première partie de mes questions s’inscrit dans le droit fil de celles du sénateur Tannas au sujet de l’intention de la CVR et de la manière dont le cadre proposé actuellement s’inscrit dans sa vision.
J’aimerais vous entendre davantage au sujet de l’intention. Nous avons entendu toutes sortes de choses. Est-ce que l’intention était de créer un organisme de reddition de comptes, ou une tribune de réflexion sur les pratiques exemplaires et les solutions aux problèmes économiques et sociaux chroniques des Autochtones? À votre avis, que faut-il attendre du cadre proposé?
Mme Wilson : Pour ce qui concerne l’intention, nous avons tenu compte des avis de différents organismes, dont certains organismes internationaux qui avaient créé des commissions de vérité dans d’autres contextes. Ce que nous entendons sans cesse, notamment au Canada, c’est que des rapports volumineux sont rédigés, publiés, oubliés et ignorés.
Une des choses qui nous tenaient à cœur était la mise en place d’un mécanisme pour empêcher que le rapport soit relégué aux oubliettes, qu’il reste d’actualité. Il n’était pas question qu’on se borne à proclamer notre foi dans la réconciliation. Il est primordial que l’élan se maintienne. Qu’est-ce que cela signifie? Comment le savoir sans un mécanisme qui nous donne un tableau d’ensemble?
Actuellement, l’article 92 de la Constitution répartit les compétences en matière d’éducation. Il établit les responsabilités dans les réserves, les communautés, les provinces et les autorités de gouvernance autochtones. Nous n’avons pas de tableau d’ensemble de ce qui se passe à l’échelle du pays. Des choses extraordinaires se produisent. Je le sais, mais je suis aussi consciente que j’en sais très peu. Je suis loin de savoir tout ce qui se passe. Je suis convaincue que vous en connaissez probablement une petite partie, et je suis tout aussi convaincue que personne d’entre vous ne sait tout ce qui se passe. Nous n’avons aucun moyen d’avoir ce tableau d’ensemble. C’est un rêve immense, mais il faut commencer quelque part et avancer. En fait, nous devons nous regarder en face, de manière humble et positive, pour déterminer où il faudra diriger nos efforts concertés. Comment pouvons-nous continuer d’avancer en empruntant une voie différente? Comment faire en sorte de maintenir cet élan?
La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup pour ces réponses très utiles.
Pour donner suite aux propos de M. Launière-Mathias, je dois dire que je suis curieuse de savoir ce qu’un jeune homme et ce groupe de merveilleux jeunes assis derrière nous… Selon ce que j’ai compris de la réponse, l’intention est liée essentiellement à la reddition de comptes concernant les appels à l’action de la CVR et la production de rapports sur les progrès. Je vous en remercie, car je suis convaincue qu’il y a eu des progrès, mais qu’il faut également rendre compte des échecs.
Êtes-vous d’accord que l’intention principale est liée à la reddition de comptes à l’égard de certains autres aspects que j’ai évoqués et dont d’autres personnes nous ont parlé, comme la résolution de tel ou tel problème, ou les choses que le conseil devrait faire? Je vais vous laisser répondre dans le peu de temps qui reste.
[Français]
M. Launière-Mathias : Oui, je suis d’accord avec cela. Le comité doit avoir ce rôle, soit de regarder, de voir ce qui se fait, d’orienter, d’être un peu le chien de garde du gouvernement en ce qui a trait à la réconciliation.
Je pense que les organisations locales, comme Puamun Meshkenu, ont un rôle à jouer. Elles sont implantées dans les communautés, les villes, les municipalités. Elles peuvent donc mettre en place des projets qui favoriseront la réconciliation. Je ne pense pas que ce soit au conseil national de porter la réconciliation entière sur ses épaules. Il doit plutôt veiller à ce qu’il y ait un avancement dans la réconciliation et à appuyer les organisations qui ont peut-être des contacts et des ressources pour faire avancer la réconciliation sur le terrain. Je vois cela fonctionner à deux niveaux et de façon complémentaire.
La sénatrice Sorensen : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Je remercie nos témoins d’être des nôtres. J’ai trois questions, que je vais vous poser sans plus tarder.
Premièrement, madame Wilson, comme mes collègues l’ont souligné avant moi, nous sommes tout à fait ravis de vous accueillir et nous vous remercions pour votre formidable travail. Vous avez dit à quel point la constitution d’un conseil national est essentielle. Il était grand temps et c’est absolument inenvisageable de laisser les choses traîner. Nous avons une merveilleuse occasion. Vous savez aussi, puisque vous avez suivi nos délibérations et le débat à l’échelle nationale, que certains aspects soulèvent d’importantes réserves. Vous avez mentionné quelques points à améliorer dans le projet de loi à l’étude. Auriez-vous des conseils à nous donner sur certains aspects problématiques pour lesquels nous avons l’impression d’être devant une impasse? Je ne pense pas forcément à des aspects qui sont du ressort de notre comité, mais qui pourront être examinés à une étape ultérieure du processus.
Ma deuxième question pour vous, madame Wilson, concerne ce que Cassidy Caron, la présidente du Ralliement national des Métis, a dit au sujet des progrès importants réalisés depuis 2015. Vous avez aussi fait allusion à certains éléments liés à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et au travail sur les enfants disparus. Auriez-vous d’autres exemples de changements survenus depuis huit ans qui pourraient avoir une incidence sur les appels à l’action 53 et 56?
Monsieur Launière-Mathias, je vous remercie. Je suis très contente de vous avoir entendu parler de réconciliation entre nous. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la forme que doit prendre cette réconciliation? J’aimerais aussi vous demander si les mécanismes de reddition de comptes dont il a été question s’appliquent aussi aux organismes autochtones et aux gouvernements. Merci.
Mme Wilson : Je ne sais pas vraiment à quoi vous faites allusion quand vous parlez d’aspects problématiques que vous considérez comme des impasses actuellement. J’ai suivi certaines de vos audiences, dont celles qui ont eu lieu aujourd’hui et précédemment. Toutefois, je ne les ai pas toutes suivies, et je ne sais donc pas de quelles impasses importantes vous parlez exactement. Si elles sont liées à la représentation, alors ma principale recommandation serait de revenir à la case départ.
Ce que je ferais observer à cet égard, c’est qu’aucun leader autochtone à l’échelon national n’était en poste à l’époque de la lutte pour la constitution de la Commission de vérité et réconciliation ou quand les excuses ont été présentées. C’est toujours le même défi. Je suis exaspérée que les choses traînent en longueur parce qu’il y a urgence d’agir, mais aussi parce que plus le temps passe, moins on comprend ce que nous voulions accomplir. C’est pourquoi j’ai suggéré un retour à la case départ. Si c’est un des aspects qui pose problème, c’est la seule suggestion concrète que je peux vous faire.
Il est primordial selon moi que des membres non autochtones siègent à ce conseil. C’est quelque chose qu’il ne faut absolument pas perdre de vue. Autrement, comment voulez-vous que le conseil noue des relations si seulement une partie y siège? C’est impossible.
Vous avez demandé où nous en sommes dans d’autres domaines comme l’itinérance. Pour ce qui concerne les enfants en famille d’accueil et leur retrait — c’est un des sujets de la liste —, où en est le dossier des compétences parentales et des ateliers en la matière? Où en sommes-nous dans le dossier du conseil national des jeunes? C’est un des appels à l’action. Où en est le dossier des cadres supérieurs dans le monde des affaires?
Il y a d’importants conflits au sein même des communautés. Je suis contente que M. Launière-Mathias en ait parlé. Souvent, ce sont les traditions spirituelles de longue date qui sont en cause. Où en sommes-nous dans le processus d’intégration d’études religieuses interconfessionnelles ou multiconfessionnelles dans les écoles par opposition au cloisonnement dans une confession ou une autre? Les sujets de réflexion sont très nombreux. Quel est le nombre de nos professionnels diplômés, de diplômés du secondaire? Ce sont des questions auxquelles je m’intéresse. Il y en a d’autres, mais ce sont celles qui me viennent en tête.
La sénatrice Audette : [La sénatrice s’exprime en langue autochtone.] Madame Wilson, merci infiniment pour votre dévouement. Vous avez entrepris ce parcours comme un portage. Permettons-nous de rêver. Quand vous étiez commissaire, de concert avec vos collègues, vous avez fait cette proposition. Comment envisagez-vous les incidences, les bienfaits et les vibrations que le conseil laissera en héritage au Canada d’ici 10 ou 20 ans?
[Français]
Quelle est votre vision ou quel est votre rêve? J’ai aussi des questions pour vous, monsieur Launière-Mathias.
[Traduction]
Mme Wilson : J’ai deux choses à dire à ce sujet. Pour ce qui a trait à l’ensemble des appels à l’action de la CVR, il serait possible d’avoir un bon aperçu. Soit dit en passant, certains ne seront jamais réalisés. Ces appels à l’action doivent s’inscrire dans la continuité. J’aimerais aussi qu’il soit possible d’avoir un bon aperçu de la réalisation concrète de toutes ces choses qui ont rallié les appuis de tous les partis politiques, mais d’autres entités également, parce qu’une bonne partie de ces appels à l’action ne s’adressent pas au gouvernement, mais à d’autres secteurs de la société. Nous aurions aussi un moyen de savoir comment nous nous en sortons dans ce domaine.
Dans le futur, nous aurions aussi, même si c’est un cadre de réflexion quasiment trop structuré à mon goût… Comme toute bonne entreprise, nous aurions un plan stratégique qui énoncerait les points sur lesquels les efforts devront être axés au cours des cinq années à venir, les priorités pour l’année à venir et les points qui nécessitent des interventions urgentes. Nous aurions peut-être également une célébration des prix pour la réconciliation nationale pour marquer les énormes progrès accomplis.
C’est un débat plus large, mais j’espère qu’un conseil national se concentrera sur ce genre de choses pour être en mesure de définir ce que nous souhaitons redonner au pays. On ne peut pas tout faire. Personne ne demande à un conseil national de devenir le gouvernement du Canada. J’espère que ce conseil national parviendra à rassembler de l’information pertinente sur le pays et nos relations, et que nous pourrons enfin raconter notre passé au reste du monde d’une manière beaucoup plus positive que ce que nous avons été en mesure de faire jusqu’ici.
[Français]
La sénatrice Audette : Merci beaucoup. À vous, monsieur Jay Launière-Mathias, merci infiniment. J’ai presque ressenti l’émotion du moment du pensionnat de Mashteuiatsh et la période de la visite du pape. Merci pour ce que vous faites avec votre équipe.
Pourriez-vous nous donner un exemple pour qu’on sache à quoi ça ressemble quand vous mentionnez qu’il y a aussi, entre nous, cet exercice de réconciliation qui doit se faire? Souvent, on a tendance à être pour ou contre le gouvernement, mais il y a un important exercice et vous êtes parmi les seuls témoins qui en parlent : on doit faire cela entre nous aussi.
M. Launière-Mathias : Bien, merci de me donner l’occasion de m’exprimer davantage là-dessus. C’est quelque chose qui vient me chercher personnellement. Ma kukum est allée au pensionnat et elle est une survivante. Je me considère comme un survivant intergénérationnel. Malheureusement, en raison des blessures qu’elle a vécues, elle n’a pas partagé sa langue et sa culture avec ma mère et ses enfants. Cela me touche de parler de cela, parce que ça a un impact sur moi.
En ce qui concerne la relation que j’ai avec ma culture et avec ma langue, c’est une blessure qui est là et que j’essaie de guérir. C’est un processus dans lequel je suis engagé : me réconcilier avec les blessures qui n’ont pas eu d’impact sur moi directement, mais qui ont eu un impact sur la génération avant moi. J’essaie de trouver comment je peux me guérir de ça et me réapproprier ces éléments. Je pense que d’abord, je dois le faire d’un point de vue individuel.
Ensuite, dans les communautés, on le voit, il y a beaucoup de racisme entre les Autochtones eux-mêmes et entre les différentes nations, entre les Autochtones d’une même communauté, entre ceux qui vivent en réserve et ceux qui vivent en milieu urbain. On doit se réconcilier là aussi. Cette relation et ce fossé qui ont peut-être été causés entre les Autochtones eux-mêmes, souvent, découlent de politiques assimilatrices des gouvernements. On ne peut pas changer le passé, et la création d’un comité national ne va rien changer au passé. Par contre, ce qu’on peut faire, c’est de veiller à ce que dans le futur, il y ait des choses qui ne se reproduisent plus, de prendre conscience de ce qu’on peut faire ensemble pour se réconcilier. Dans le cadre de la réunion d’aujourd’hui, on est tous sur ce chemin. J’espère qu’on va se rendre loin.
[Traduction]
La sénatrice Greenwood : Bonjour. Bienvenue à nos invités. Merci, madame Wilson, et merci, monsieur Launière-Mathias, pour l’excellent travail que vous avez fait et que vous continuez de faire. Je tiens également à saluer spécialement les élèves qui se joignent à nous aujourd’hui. C’est merveilleux de vous voir ici. Hiy hiy à tous.
J’ai deux questions. Je vais vous les soumettre et vous demander à tous les deux d’y répondre. La première sera très pointue et la seconde sera beaucoup plus large.
Je voudrais revenir à la représentation. Je sais qu’on vous a souvent posé cette question, mais je veux quand même vous entendre à ce sujet.
Quand je regarde les 94 appels à l’action et la diversité des thèmes visés, et quand nous discutons de la sélection des membres du conseil, c’est clair qu’il ne sera pas aisé de parvenir à une représentativité parfaite. Il faut aussi tenir compte de la représentation politique et technique. Comme vous l’avez mentionné, madame Wilson, il faudra des gens compétents sur le plan de la mise en œuvre. Il faut trouver l’équilibre dans ce mariage. J’aimerais beaucoup entendre l’un de vous deux à ce sujet, parce que nous entendons toutes sortes de choses.
Ma seconde question est beaucoup plus large, et je suis intéressée d’entendre ce que vous en pensez. Il y a des pressions pour que le projet de loi soit adopté dans sa version actuelle plutôt que d’attendre des propositions d’amendement qui risquent de retarder la mise en œuvre. Le sénateur Arnot en a parlé tout à l’heure.
Dans le contexte politique actuel où il faut envisager un changement de gouvernement, pensez-vous que la nouvelle administration va poursuivre les efforts de réconciliation et réalisation des appels à l’action, ou faut-il craindre qu’elle les relègue aux oubliettes?
Mme Wilson : Je peux me lancer, mais je sais que mes réponses ont tendance à être longues. Monsieur Launière-Mathias, voulez-vous commencer?
[Français]
M. Launière-Mathias : Merci. Pour ce qui est de la représentation au sein du comité, c’est un fait que ce ne sera jamais parfait. Je pense qu’il ne faut pas que cela devienne un enjeu d’adopter le projet de loi en se disant : « Est-ce qu’on oublie quelqu’un dans la représentation? » Tout le monde a la même préoccupation. On a attendu assez longtemps avant de voir la mise en place d’un tel comité. Il faut tenir pour acquis que cela ne sera jamais parfait.
J’en profite pour faire une parenthèse, pour mentionner que personnellement, nous, on est d’accord avec une représentation de personnes allochtones au comité. Il est important d’avoir ce dialogue au sein du conseil d’administration, entre des représentants autochtones et allochtones également. J’ai oublié votre deuxième question.
La sénatrice Audette : J’ai parlé de l’enjeu politique qui s’en vient.
M. Launière-Mathias : Ah, oui. Poser la question, c’est un peu comme y répondre. Il faut l’adopter rapidement dans ce comité et mettre toutes les chances de notre côté pour favoriser la réconciliation.
[Traduction]
Mme Wilson : Je crois qu’un de nos bons coups durant les travaux de la Commission a été d’organiser sept événements nationaux. Comme une instance de ce genre n’avait jamais existé, nous étions obligés de construire l’autobus et de le conduire en même temps. Nous avons notamment intégré à notre approche, suivant la méthode de travail prévue dans notre document d’orientation, la prise en compte des leçons apprises de l’événement précédent pour nous améliorer de fois en fois.
Une des choses qui manquent et que vous devriez envisager… En fait, plutôt que de vous inquiéter d’avoir à sauter du plus haut plongeon sans pouvoir vérifier s’il y a de l’eau dans la piscine, vous pourriez commencer par intégrer un mécanisme d’examen après une période donnée. Vous devrez bien choisir les parties qui participeront à cet examen. Je ne sais pas si ces exemples vous sont utiles, mais je sais que ce sont des choses dont j’ai beaucoup appris. Notamment — et je ne sais pas si le conseil ferait de même —, nous avons créé une table multipartite qui nous permettait de rencontrer régulièrement toutes les parties à la Convention de règlement, c’est-à-dire le gouvernement, les organismes autochtones nationaux, les représentants des survivants et les églises.
Les échanges étaient bilatéraux. Les rencontres nous permettaient de les tenir au courant de nos travaux et de ce qui s’en venait, des événements auxquels leur présence était escomptée, et ainsi de suite. Nous en profitions aussi pour les informer des obstacles rencontrés, qui parfois venaient d’eux, et pour nous assurer que ce que nous faisions correspondait à leurs aspirations à notre égard. L’objectif était de nous assurer que tout le monde restait sur la bonne voie.
Il s’agissait en quelque sorte de deux mécanismes de contrôle qui nous permettaient de faire une révision et de nous améliorer, y compris pour ce qui était des membres. Je ne suis pas particulièrement d’accord avec l’idée que le conseil choisisse lui-même ses membres à l’avenir. Cela pourrait l’empêcher de corriger le tir au besoin ou de vérifier s’il remplit les objectifs qu’il est censé poursuivre. C’est quelque chose qui mérite réflexion.
La sénatrice Greenwood : Merci.
La sénatrice Coyle : En fait, M. Launière-Mathias a déjà répondu à ma question puisque la sénatrice Audette lui a posé la même. J’ai toutefois une autre question sur le même sujet. Madame Wilson, où en sommes-nous avec cette mesure législative? Comment pouvons-nous aller de l’avant de manière positive? Comment nous assurer que le conseil qui sera constitué aura toutes les chances d’obtenir de bons résultats, ou du moins les résultats auxquels nous aspirons tous, dont vous avez parlé et qui sont certainement visés par les appels à l’action dont émane ce très important mandat?
Vous avez raison de dire qu’on entend beaucoup parler de la représentation, et particulièrement des objections ou de l’impasse dont j’ai parlé, mais c’est un aspect seulement. Comme M. Launière-Mathias l’a souligné, les désaccords sont inévitables. C’est pourquoi il est si essentiel d’en arriver à une représentation juste, y compris sur le plan de l’expertise technique.
On nous dit aussi, ou du moins c’est ce que j’en ai compris, que certains groupes nationaux importants n’ont pas participé à l’élaboration du projet de loi, et que c’est une lacune. Il semblerait que leur absence expliquerait certaines lacunes dans le projet de loi que nous avons devant nous. Nous nous attendons normalement à ce qu’il y ait un processus de consultation assez vaste pour inclure au moins ces organismes nationaux et d’autres.
C’est ce qu’on nous dit… Selon ce que nous avons entendu, il sera difficile d’obtenir l’appui de ces organismes nationaux au projet de loi actuel, mais cet appui est fondamental. Il faut que ce projet de loi inspire confiance et que tout soit mis en place pour obtenir de bons résultats. C’est ce que je voulais faire ressortir, mais un comité sénatorial peut difficilement faire davantage. Nous ne pouvons pas exiger qu’il y ait d’autres processus. Nous pouvons seulement faire notre travail. Nous pouvons faire des propositions qui favoriseront l’adoption du projet de loi. Nous avons tous le même objectif : que les choses aillent de l’avant d’une manière qui ralliera les gens.
Mme Wilson : La question porte sur les consultations, si j’ai bien compris. Je vous ai déjà dit que j’ai été très peu consultée. Je ne sais pas quels organismes nationaux vous avez en tête. Je sais que ce que je vais dire ne fera pas l’affaire de tout le monde, mais j’ai l’impression que la CVR était en soi un vaste exercice de consultation. C’était la première fois dans l’histoire qu’autant de peuples autochtones se réunissaient pour mener des consultations qui portaient en principe sur les pensionnats, mais au cours desquelles les participants ont partagé des pans beaucoup plus larges de leur vie. C’est pourquoi les appels à l’action débordent largement ce qui s’est passé dans ces écoles et les solutions à apporter. Les appels sont beaucoup plus vastes parce que les conséquences vont bien au-delà.
C’était une vaste consultation. On nous a répété sans cesse qu’il fallait à tout prix éviter que le rapport s’empoussière sur une tablette et que les fruits de cet énorme travail soient relégués aux oubliettes. Beaucoup de personnes nous ont dit qu’elles étaient réticentes à prendre la parole devant nous parce qu’elles étaient convaincues qu’il ne se passerait rien ensuite. C’est assez injuste de dire que personne n’a été consulté. Tout cela n’est pas venu de nulle part. C’est venu de quelque part. Ce qui se passe est le fruit d’un vaste chantier d’écoute attentive et de réflexion sérieuse pour que ce travail reste d’actualité et que l’élan soit maintenu, comme je l’ai mentionné tout à l’heure.
Tout à l’heure, vous avez parlé de la représentation politique. J’avoue que le mot « politique » me fait tiquer parce que c’est une contradiction. C’est un exercice indépendant qui est rempli de nominations politiques. L’esprit de votre démarche, les compétences requises pour faire ce travail et la nécessité que le comité soit composé de personnes de tous âges représentant toutes les régions du pays, notamment, de même que la connaissance du sujet, il va de soi, et certaines compétences techniques, tout cela forme la matrice de votre travail. Il existe plusieurs façons de mobiliser ces personnes, mais il faut y arriver.
La sénatrice Coyle : Merci. C’est très utile.
Le président : Le sénateur Arnot va boucler la période de questions. Il reste trois minutes environ.
Le sénateur Arnot : Ma question sera très générale. Je suis ravi de pouvoir donner à Mme Wilson la chance d’ajouter des compléments d’information. Toutes les interventions que nous avons entendues étaient concrètes, concises et précises. En regardant tout cela, je constate qu’elles sont vraiment importantes et qu’il y en a beaucoup. Y a-t-il des choses que vous tenez absolument à nous dire aujourd’hui? Je suis certain que le sénateur Francis va vous demander de nous transmettre tout ce que vous auriez pu oublier par écrit. J’estime que le témoignage de Mme Wilson revêt une importance cruciale et je veux lui donner la chance de prendre une dernière fois la parole. Merci.
Mme Wilson : Je vais revenir en arrière, si vous me le permettez. Vous m’avez posé trois questions au début. Je n’ai pas pu répondre à deux de ces questions et je voudrais maintenant m’y attarder parce que je les trouve très importantes. La deuxième concernait notre intention et elle me ramène à ce que j’ai dit au sujet des relations. Si l’accent n’est pas mis sur les relations aux étapes de la création, de la sélection des membres et de l’adoption d’une approche, tout ce que nous avons dit n’aura aucune valeur. C’est même mentionné expressément dans l’appel à l’action 53.
La deuxième question était celle de savoir s’il faut aller de l’avant même si ce n’est pas parfait. J’y ai répondu à un autre moment, mais je peux répéter ce que j’ai dit. Selon moi, un élément important a été oublié, mais je ne sais pas à quel point ce serait compliqué de l’ajouter.
Effectivement, ce n’est pas parfait. Notre CVR n’était pas parfaite. La Convention de règlement n’était pas parfaite. Aucun de nos appels à l’action n’est parfait, mais ils nous donnent une base pour travailler, pour faire preuve de bonne volonté et pour mobiliser de braves gens qui mettront tout leur cœur et tout leur esprit pour que ce processus débouche sur quelque chose de positif.
Je vais répéter la suggestion amicale concernant l’intégration d’un mécanisme d’examen. Si nos attentes communes ne sont pas réalisées — en partant du principe que nous avons tous pour objectif que ce travail important soit accompli efficacement et au bénéfice de tous —, ce mécanisme permettra de déterminer ce qui fonctionne ou non et les améliorations à apporter. Il permettra de vérifier si le problème vient de la composition ou de la grille de compétences, ou plutôt des pouvoirs et du refus de certaines personnes de transmettre de l’information essentielle. Je vous demanderais simplement d’envisager cette possibilité.
J’aimerais souligner par ailleurs que l’appel à l’action 54 ne précise pas d’où viendrait l’argent pour que ce soit possible. Je ne sais pas pourquoi. Il faut à tout prix éviter de mettre en place un autre organisme qui essaiera de faire des miracles avec des moyens de fortune.
Le sénateur Arnot : Merci.
Le président : Le temps alloué pour ce groupe de témoins tire à sa fin. Je vous remercie de nouveau d’avoir participé à nos travaux.
Honorables sénateurs, j’ai une dernière information à vous donner avant de lever la séance. Je serai bref. Au nom du Comité et tel que le comité directeur en a convenu, j’ai l’intention de présenter un avis de motion dans la salle du Sénat aujourd’hui afin de demander l’autorisation de déposer notre rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis au greffier du Sénat. Nous pourrons tenir une conférence de presse le mardi 13 juin 2023. Y a-t-il des questions à ce sujet? Merci beaucoup à vous tous. La séance est levée.
(La séance est levée.)