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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 6 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner le projet de loi C-45, Loi modifiant la Loi sur la gestion financière des premières nations, modifiant d’autres lois en conséquence et apportant une clarification relativement à une autre loi.

Le sénateur David M. Arnot (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs et sénatrices, je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés aujourd’hui font partie du territoire traditionnel ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe et qu’elles abritent maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur David Arnot de la Saskatchewan et le vice‑président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J’inviterai maintenant les membres du comité ici présents à se présenter en disant leur nom et la province ou le territoire d’où ils viennent.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, Colombie-Britannique.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, Nouveau-Brunswick, le territoire non cédé des Mi’kmaqs.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, Alberta, parc national Banff, territoire visé par le Traité no 7.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, Colombie-Britannique, territoire visé par le Traité no 6.

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

Le vice-président : Merci.

Bienvenue à notre groupe de témoins. Nous recevons, entre autres, le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller; Christopher Duschenes, directeur général, Institutions autochtones et modernisation de la gouvernance; Philippe Bertrand, gestionnaire, Politique fiscale et préparation à l’investissement; Andrea Dixon, analyste politique principale, Politique fiscale et préparation à l’investissement; Me Andrew Ouchterlony, avocat-conseil, ministère de la Justice Canada; Joanne Wilkinson, sous-ministre adjointe principale, Opérations régionales, Services aux Autochtones Canada; Lynne Newman, directrice générale, Arrangements fiscaux, Services aux Autochtones Canada; et Jessica Sultan, directrice générale, Développement des politiques économiques, Services aux Autochtones Canada. Je tiens à vous remercier tous de vous joindre à nous aujourd’hui. Le ministre Miller prononcera une allocution d’environ cinq minutes, qui sera suivie par une période de questions et de réponses avec les sénateurs. Nous sommes informés du fait que le ministre doit partir au plus tard à 9 h 45 ce matin, mais l’équipe de fonctionnaires restera sur place pour répondre aux questions. J’invite à présent le ministre Miller à présenter sa déclaration liminaire.

L’honorable Marc Miller, c.p., député, ministre des Relations Couronne-Autochtones, Relations Couronne-Autochtones : Kwe Kwe, tansi, bonjour. Merci, sénateur Arnot, d’avoir souligné le territoire sur lequel nous nous réunissons aujourd’hui, et merci au comité de m’avoir invité à comparaître pour parler de cet important projet de loi qui vise à modifier la Loi sur la gestion financière des premières nations.

Nous collaborons avec les partenaires autochtones, dont certains sont présents aujourd’hui, depuis quelque temps déjà au sujet de ce projet de loi particulier, et le commentaire qui ressort le plus souvent est « dépêchez-vous, réglez la question ».

Cette loi est entrée en vigueur en 2006, et, jusqu’à maintenant, 348 Premières Nations ont choisi d’y adhérer, obtenant ainsi un cadre leur permettant d’assumer leurs compétences en matière de gestion financière et de taxation, en plus de pouvoir accéder au marché des capitaux. Le mot-clé ici est choix. Les Premières Nations qui adhèrent à la loi profitent d’un accès amélioré aux capitaux, ont plus de pouvoirs financiers et ont de meilleurs systèmes de gestion financière. Ainsi, elles sont en mesure de faire croître leurs économies et d’améliorer les résultats socioéconomiques des membres de leur communauté.

Au fil du temps, les Premières Nations signataires et les institutions dirigées par les Premières Nations créées en vertu de la loi, c’est-à-dire le Conseil de gestion financière des Premières Nations, la Commission de la fiscalité des Premières Nations et l’Autorité financière des Premières Nations ont proposé des façons d’améliorer la loi.

[Français]

Les modifications proposées viendront élargir et moderniser les mandats de la Commission de la fiscalité des premières nations et du Conseil de gestion financière des Premières Nations et ainsi mieux refléter leurs activités actuelles et futures. Elles viendront créer l’Institut des infrastructures des Premières Nations, qui aura pour mission de fournir aux Premières Nations et aux autres groupes autochtones intéressés les outils et le soutien pour établir et gérer leurs infrastructures. Elles conféreront aussi aux Premières Nations qui adhèrent à la loi le pouvoir d’adopter des lois pour réglementer les services fournis par les Premières Nations ou en leur nom.

Ces modifications sont proposées à un moment important du processus de décolonisation mené au Canada. Comme vous le savez, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est entrée en vigueur en juin 2021, après avoir été examinée en profondeur par votre comité dans le cadre du projet de loi C-15. Notre gouvernement, dans son ensemble, collabore avec les Premières Nations, les Inuit et les Métis pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et des consultations tenues auprès de partenaires autochtones ont permis la rédaction de l’ébauche d’un plan d’action.

Dans le plan d’action, on invite entre autres mon ministère à travailler avec des partenaires pour régler quelques dossiers, comme la Loi sur la gestion financière des premières nations (LGFPN), notamment en y apportant des modifications et en mettant en œuvre le droit à l’autodétermination.

Les modifications proposées dont nous parlons aujourd’hui sont essentielles pour atteindre cet objectif. Elles sont conformes à la déclaration des Nations unies et aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation puisqu’elles soutiennent une relation financière qui favorise le développement économique et la gouvernance autochtone grâce au développement de ces institutions.

[Traduction]

Avant de terminer, j’aimerais donner quelques exemples de la manière dont cette loi favorise le changement social en partageant l’histoire de certaines Premières Nations de la Colombie-Britannique.

La Première Nation de Neskonlith a financé un centre de la petite-enfance dont le programme central est fondé sur des activités culturelles de la nation des Secwepemc et qui accueille des enfants de tous les milieux. L’édifice de forme circulaire rappelle les habitations d’hiver, le kekuli, mais il permet aussi de souligner que les enfants sont au centre de tout afin qu’on prenne soin d’eux, et qu’ils soient bien élevés.

La Première Nation ‘Namgis a obtenu la certification du système de gestion financière en avril 2021, ce qui lui a permis de renforcer ses capacités en matière de gouvernance. Grâce à l’adoption de sa loi en matière de gestion financière, la Première Nation ‘Namgis peut maintenant faire preuve de plus de souplesse pour répondre aux besoins financiers et sociaux de sa communauté.

Les communautés utilisent aussi les activités de financement pour construire des projets d’énergie renouvelable. Par exemple, la Première Nation des Sts’ailes et la Première Nation des Tlingits de Taku River ont construit des centrales hydroélectriques au fil de l’eau. Ces installations aideront ces communautés à faire la transition vers une économie plus durable.

Il s’agit seulement de quelques exemples, et il en existe partout au Canada, des travaux en cours soutenus par l’Administration financière des Premières Nations, l’AFPN. Il ne fait aucun doute que la modernisation de cette loi permettra d’accélérer les changements sociaux, parce qu’elle met un certain nombre de ces instruments directement dans les mains des Premières Nations, comme vous l’entendrez dire par les gens qui me suivront. Les modifications proposées dont nous parlons aujourd’hui jouent un rôle important pour appuyer l’autodétermination des communautés des Premières Nations afin qu’elles puissent bâtir une économie. Pour créer un Canada réellement inclusif, nous avons besoin d’une économie qui permet à tous de prospérer, et souvent, ce mot est utilisé en excluant les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Dans ce cas-ci, ce n’est pas le cas.

Meegwetch. Merci.

Le vice-président : Merci, monsieur le ministre Miller.

Je m’en veux de ne pas avoir présenté Karine Tremblay, analyste politique principale, Politique fiscale et préparation à l’investissement, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Je suis heureux de vous voir.

J’invite maintenant les sénateurs à poser des questions.

Le sénateur D. Patterson : Merci, monsieur le ministre, pour votre exposé. Je pense que nous savons tous que c’est la fin d’une très longue aventure avec l’AFPN, et le comité a fait partie des progrès au fil des ans en bénéficiant d’un bon soutien de votre gouvernement. Selon moi, ce projet de loi est très bien accueilli.

Je suis au courant du bon travail qui a été accompli. L’AFPN a émis pour plus de 1 milliard de dollars d’obligations, ce qui aide à faciliter les choses. Vous avez donné quelques exemples, mais cela a facilité l’achat de Clearwater par les Mi’kmaqs et a donné aux collectivités autochtones les moyens de gérer leurs propres finances, comme vous l’avez dit.

Cependant, je sais aussi que le financement de base stable, à long terme, et réservé a parfois posé problème, et qu’il y a eu des préoccupations au sujet des délais entre la négociation, la réception et la nécessité de dépenser cet argent. Ma question est la suivante : votre gouvernement s’est-il engagé à conclure des ententes de financement de base de 5 ou 10 ans pour ces institutions, un financement de services votés?

M. Miller : C’est une question très importante. Je pense que la conclusion et la réponse à cette question sont que ces institutions sont là pour de bon, et leur réussite en est la preuve. Je sais que j’ai signalé au début que 348 Premières Nations ont été inscrites à l’annexe de la loi, et 77 d’entre elles ont eu accès à ce financement de 1,6 milliard de dollars qui a permis aux grandes entreprises autochtones de se faire connaître, ce que nous sommes heureux de voir d’un bout à l’autre du pays.

Nous sommes engagés en tant que pays et en tant que gouvernement à soutenir toutes ces institutions au moyen de fonds réguliers et récurrents. Elles font souvent l’objet d’examens financiers périodiques. C’est le travail que nous devons continuer de faire de façon continue.

Je vais peut-être permettre à M. Christopher Duschenes d’ajouter quelque chose à ce sujet. Le financement total s’élève actuellement à environ 66,7 millions de dollars. À mon avis, ce qui est important pour l’institution, la partie la plus importante de cette nouvelle loi, est l’Institut des infrastructures des Premières Nations, aussi appelé IIPN, et 12,4 milliards de dollars sur trois ans.

Pour ce qui est du financement de services votés, je ne pense pas que nous soyons déjà rendus là. C’est le cas pour de nombreuses institutions de l’ensemble du gouvernement, mais je laisserai à M. Duschenes le soin de qualifier cela.

Christopher Duschenes, directeur général, Institutions autochtones et modernisation de la gouvernance, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Merci, monsieur le président et monsieur le ministre Miller. Je vous remercie d’avoir posé la question, sénateur Patterson.

Nous avons obtenu trois ans de financement pour le lancement et le fonctionnement de l’Institut des infrastructures des Premières Nations et cinq ans de financement pour le Conseil de gestion financière des Premières Nations, ou CGFPN, et la Commission de la fiscalité des Premières Nations, ou CFPN. Comme vous le savez probablement, l’Administration financière des Premières Nations est essentiellement autofinancée.

Ces chiffres ont augmenté au fil des ans à mesure que le mandat de la CGFPN et de la CFPN s’est élargi. Par conséquent, comme le ministre Miller l’a dit, ces chiffres font l’objet d’un examen périodique pour que l’on s’assure que leurs besoins opérationnels sont comblés. À mesure que de plus en plus de Premières Nations sont inscrites dans l’annexe de la loi, évidemment, la charge de travail augmente, surtout pour la CGFPN et la CFPN.

Merci.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie de cette réponse.

La loi répond également à une demande de longue date visant à établir un institut des infrastructures des Premières Nations, et je suis très heureux de le constater. Je sais que c’est un but auquel les gens qui pilotent cette initiative aspirent depuis longtemps.

Ma question est la suivante : nous avons une Banque de l’infrastructure du Canada avec un volet autochtone, qui a été ajouté récemment. J’aimerais savoir comment vous envisagez le lancement de l’Institut des infrastructures des Premières Nations avec cette autre source de fonds d’infrastructure autochtone de la Banque de l’infrastructure du Canada. Le gouvernement a-t-il déterminé qui allait faire quoi, je suppose, pour que les choses soient claires?

Je pense que la création d’un volet de l’infrastructure autochtone au sein de la Banque de l’infrastructure du Canada est bienvenue, mais je me demande s’il faut clarifier comment ce financement fonctionnera, qui sera admissible et quel sera le mandat de l’institut des infrastructures créé par ce projet de loi.

M. Miller : La façon dont ces deux institutions travailleront ensemble permettra de mesurer leur réussite individuelle. Dans le passé, la Banque de l’infrastructure du Canada s’est malheureusement concentrée sur des grands projets, ce qui, selon sa propre définition, a exclu les projets autochtones. Au cours des dernières années, la Banque de l’infrastructure du Canada s’est adaptée — et nous pourrions vous donner de nombreux exemples — pour soutenir des projets menés par des Autochtones.

Je pense que le fait que l’Institut des infrastructures des Premières Nations... Je sais que Manny Jules derrière moi se précipite probablement pour répondre à cette question, alors peut-être que l’un d’entre vous lui posera la même question. En réalité, ce n’est pas au gouvernement de décider comment ils fonctionnent, mais je crois qu’il faut un institut des infrastructures axé sur les projets autochtones, qu’ils soient viables sur le marché ou non. C’est important, parce que ce que nous essayons de faire, c’est non pas de remplacer le modèle fondé sur des subventions, mais d’offrir des solutions de rechange, ce qui, en soi, ne peut pas combler l’écart en matière d’infrastructure que nous voyons partout au pays.

Comme toujours dans ces projets, la question de la confiance est importante, et il est important que les gens se voient eux-mêmes dans les membres de l’Institut des infrastructures des Premières Nations qui seront soutenus; alors qu’ils ne verraient pas cela, peut-être, en ce qui concerne la Banque de l’infrastructure du Canada, quels que soient leurs mandats différents et divergents. En toute franchise, je pense que l’actuelle Banque de l’infrastructure du Canada pourrait mieux adapter ses besoins aux réalités autochtones. Il y a de la place pour la coopération, et j’espère qu’ils ne se bousculeront pas, mais je pense que fondamentalement, à la base, ils ont des mandats différents.

Il serait important que Manny Jules ou Harold Calla se penche sur cette question. Malheureusement, il y a partout au pays un certain nombre de projets avec des millions de dollars d’actifs qui restent sur le terrain, de sorte que le volet de la confiance et la capacité de gérer les projets pourraient être l’un des domaines où l’Institut des infrastructures des Premières Nations pourrait jouer un rôle important.

Le sénateur D. Patterson : Merci.

La sénatrice Sorensen : Je remercie tout le monde d’être ici aujourd’hui. Nos salles de comité ne sont pas toujours aussi pleines, et cela témoigne, je pense, de l’importance de ce projet de loi.

Ma question sera assez simple, mais je ne connais pas personnellement la réponse. Selon nos notes, si j’ai bien compris, une Première Nation doit demander à être ajoutée à l’annexe. Monsieur le ministre, je pense que vous avez dit que c’était par choix; vous l’avez souligné.

Je suis curieuse de savoir quel est le processus pour demander à en faire partie. Y a-t-il des critères, sauf pour formuler la demande, afin d’être inscrit à l’annexe, et combien de temps le processus dure-t-il?

M. Miller : Sénatrice Sorensen, c’est une excellente question. Je vais céder la parole à quelqu’un d’autre.

La sénatrice Sorensen : Je me disais bien que vous feriez cela.

M. Miller : Je n’ai jamais dû faire de demande.

Nous voulons que le processus ne soit pas contraignant, évidemment, et il y a des critères qui s’appliquent. « Choix » est le mot-clé. L’ensemble des outils offerts par ces institutions importantes ne convient pas à tout le monde. Il y a des différences philosophiques dans un certain nombre de collectivités. Elles ne sont pas nécessairement fondées sur la capacité, et certaines ne veulent tout simplement pas en faire partie. Beaucoup l’ont fait, et beaucoup s’efforcent de le faire, et il est important que nous les soutenions. Je tenais à le souligner avant de passer la parole à Chris Duschenes, car ce n’est pas pour tout le monde, mais c’est fondamentalement une question de choix. Personne n’est forcé.

La sénatrice Sorensen : Merci. C’est utile.

M. Duschenes : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci d’avoir posé la question, sénatrice Sorensen.

C’est un processus très simple. Une fois que la collectivité a décidé, la bande assujettie à la Loi sur les Indiens soumet une résolution du conseil de bande au ministère, puis elle suit le processus pour être inscrite à l’annexe. Pour le conseil de bande lui-même, ce n’est pas du tout contraignant.

La sénatrice Sorensen : Merci.

La sénatrice Martin : Bonjour, monsieur le ministre.

L’un des principaux problèmes auxquels les collectivités des Premières Nations ont été confrontées — et elles le sont toujours — est l’impossibilité de faire appliquer leurs règlements. Pouvez-vous expliquer comment le projet de loi C-45 tente de réagir à cette préoccupation pour les collectivités qui ont signé la Loi sur la gestion financière des premières nations?

M. Miller : D’une manière générale, il se tient actuellement à Ottawa un sommet très important sur l’application des règlements dans les collectivités autochtones. Je pense que la conclusion générale — ou, du moins, le postulat de travail des personnes qui participent à ces réunions — est que, pour une même collectivité autochtone et une même collectivité non autochtone ayant le même type de règlements, l’un d’entre eux sera appliqué de manière stricte, plus souvent qu’autrement dans la collectivité non autochtone, et moins souvent dans les autres, sans raison particulière. En théorie, rien n’interdit l’application de la Loi sur les Indiens, ce qui explique cette situation.

Ce sont des querelles de compétence, des solliciteurs généraux qui se bousculent les uns les autres et le refus des organismes locaux d’appliquer les règlements.

Il s’agit d’un sous-ensemble financier de règlements qui sont inclus dans cet ensemble législatif, auxquels les gens souscrivent volontairement parce qu’ils sont poussés par les collectivités elles-mêmes grâce aux outils qui existent dans le cadre de cet ensemble législatif; cela permet une meilleure application et une plus grande efficacité des règlements proprement dits. Nous parlons d’instruments financiers. Il existe des recours en cas de non-respect des règlements au profit des institutions qui avancent l’agent.

Selon moi, il s’agit d’un tout petit exemple du fonctionnement de l’autodétermination, parce qu’elle est volontaire. Elle est fondée sur le choix. Vous avez une série de règlements prévisibles qui sont, encore une fois, de nature financière et que les gens acceptent volontairement. S’ils ne sont pas respectés, il existe des conséquences pour toute institution financière en ce qui concerne sa capacité de demander des prêts ou de s’assurer que les dispositions sont respectées.

Encore une fois, ce n’est qu’un petit exemple du problème lié à l’applicabilité des règlements dans les collectivités autochtones. Je ne dis pas que cela fonctionnerait pour chaque situation où un règlement n’est pas appliqué. Par exemple, il y a des questions liées aux services de police qui seront le principal sujet de la conférence qui aura lieu cette semaine. Il s’agit d’un très gros problème. C’est un problème énorme dans les collectivités autochtones.

La sénatrice Martin : Ce sera très important.

Une autre source d’inquiétude est l’eau potable. Vu l’obligation directe du gouvernement du Canada de garantir l’approvisionnement en eau potable des collectivités autochtones, et compte tenu de la création de l’IIPN dans le projet de loi C-45, comment les Canadiens et, surtout, les collectivités autochtones peuvent-ils être assurés que le gouvernement fédéral ne se décharge pas de cette responsabilité sur l’IIPN?

M. Miller : Pour ce qui est de l’eau potable, il y a non seulement un impératif moral, comme vous l’avez dit, mais un impératif légal. Nous avons dit aux collectivités autochtones que nous allons faire le travail.

Ce que nous avons constaté au cours des dernières années, c’est la mesure dans laquelle l’eau est complexe. Cela peut sembler simple dans l’esprit de beaucoup de gens. On ne peut pas envoyer par avion de l’armée un osmoseur inverse puis que, comme par magie, le problème est réglé. Il faut du vrai travail au sein de la collectivité pour déterminer quel est le problème.

Il y a toutes sortes d’exemples où le simple fait de lever l’avis d’ébullition de l’eau ne règle pas le problème de l’eau potable dans la collectivité, qu’il s’agisse de raccordements à des maisons individuelles ou de la crainte réelle de l’eau potable qui sort, ce qu’il ne faut pas sous-estimer.

Il y a des collectivités où l’on craint l’eau depuis des dizaines d’années, parce que l’on boit de l’eau bouillie. Le simple fait de lever l’interdiction sur une période de un an ne change pas le fait que les gens recourent toujours à l’eau embouteillée.

C’est une question qui comporte de multiples facettes. Elle est complexe. La réalité, vous l’avez vue dans les divers rapports du vérificateur général, c’est que vous pouvez consacrer le capital à la construction de nouvelles usines de traitement de l’eau; cela ne garantit pas, en vertu de la même déclaration, la levée de l’avis d’ébullition de l’eau, qui est un choix et une décision des collectivités.

C’est pourquoi, pour un certain nombre de raisons, nous avons élargi l’enveloppe des infrastructures, pour nous assurer d’adopter une approche plus complète à l’égard de la levée des avis d’ébullition de l’eau, qui comprend de la formation et le financement adéquat des exploitants autochtones de réseaux d’aqueducs.

Nous avons autrefois utilisé un modèle 80-20, qui est maintenant entièrement financé par le gouvernement fédéral. Il est cher, mais c’est le bon choix, parce que ces gens sont la fierté de leurs collectivités. Une communauté non autochtone peut facilement les débaucher afin qu’ils travaillent dans leur usine pour un salaire beaucoup plus élevé, et pourquoi ne le feraient-ils pas? Cela ne devrait pas être une question de pauvreté de l’eau et de forcer des gens à se retrouver dans une situation particulière; il s’agit de s’assurer qu’il existe une approche complète pour que l’eau qui sort des robinets soit propre.

L’un des plus importants règlements de recours collectif au Canada dont on parle rarement est le recours collectif concernant la salubrité de l’eau potable, qui prévoit un règlement de plusieurs milliards de dollars pour les personnes qui ont été touchées par le fait de ne pas avoir d’eau potable dans leurs collectivités, mais qui prévoit également un investissement de plusieurs milliards de dollars sur un certain nombre d’années, ce qui nous rassure quant au fait que des investissements seront réalisés dans les collectivités.

Dans le cadre de ce règlement, une enveloppe est prévue pour les collectivités qui cherchent des infrastructures et des investissements en matière d’eau potable. Dans le Nord de l’Ontario et ses environs, il ne reste plus que deux douzaines de collectivités qui ont encore des avis d’ébullition de l’eau.

Depuis le début de 2015, environ 130 avis d’ébullition de l’eau ont été levés. C’est important. Encore une fois, nous ne serons pas satisfaits tant qu’ils n’auront pas tous été levés.

La sénatrice McCallum : Bienvenue au Sénat.

Dans le cadre de l’administration de la gestion des terres des Premières Nations, l’administration des terres est transférée aux Premières Nations une fois que leurs codes fonciers entrent en vigueur. Cela comprend le pouvoir d’adopter des lois concernant les terres, l’environnement et les ressources naturelles. Est-ce vrai?

M. Miller : Oui.

La sénatrice McCallum : Je vais revenir à une question qui a été posée par la sénatrice Martin.

Le comité a souvent entendu parler des défis auxquels les Premières Nations sont confrontées pour faire appliquer leurs lois et leurs règlements. Le projet de loi C-45 prévoit qu’une Première Nation qui a adopté un code foncier ou une loi des Premières Nations puisse utiliser toute mesure d’application de la loi pour faire appliquer une loi locale sur le revenu, autre qu’une mesure d’enquête ou de poursuite pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue dans le code foncier.

À l’heure actuelle, il n’y a pas de relation de nation à nation avec les Premières Nations. Il y a un manque de clarté au sujet des ressources naturelles. J’avais soulevé en décembre la question des deux lois qui devaient être changées pour rendre les règlements applicables, et vous ne les connaissez pas; c’est la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et la Loi sur le directeur des poursuites pénales, pour que tout se passe vraiment sans heurts. Autrement, il y a ce que la Manitoba Keewatinowi Okimakanak, aussi appelée MKO, appelle des régimes laissés en plan, ce qui, je commence à m’en rendre compte, se produit beaucoup plus souvent qu’on ne le pense.

J’ai également une lettre du chef Robert Louie qui dit être d’accord pour clarifier la loi fédérale en raison de l’incertitude entourant l’autorité juridique. Il a dit qu’il appuyait une mesure législative qui inclurait une référence à l’application des lois des Premières Nations reconnues en vertu des accords d’autonomie gouvernementale qui ont été approuvés par des lois du Parlement, y compris l’accord d’autonomie gouvernementale de la Première Nation de Westbank.

Dans ce cas, comment l’application de la loi fonctionnera-t-elle avec ce groupe?

M. Miller : Sénatrice McCallum, c’est une excellente question. Je pense que lorsque les gens parlent d’application de la loi, ils veulent dire un certain nombre de choses. Est-ce le système judiciaire qui ne sert pas les intérêts des peuples autochtones incapables de faire respecter la délivrance d’une assignation à comparaître ou d’une citation en vertu d’un règlement du conseil de bande?

Est-ce la police locale, souvent administrée par la province, qui refuse de se rendre dans une collectivité, parfois en cas de violation grave d’un règlement quasi criminel ou de type criminel, voire même d’application de la loi au criminel, ce qui n’est pas un problème au chapitre des règlements?

Est-ce la capacité de faire appliquer les lois qui existent en vertu d’un ensemble particulier d’outils législatifs comme celui-ci et de leur donner du mordant? L’équipe peut parler de la façon dont cela fonctionnerait, à l’exception de ceux qui commencent à ressembler à des citations à comparaître quasi criminelles ou de type criminel. Je ne pense pas que certaines des modifications que vous avez proposées soient les seules si nous devions apporter des changements, parce que beaucoup ont à voir avec le chevauchement des compétences et les zones grises qui ont été créées et qui, souvent, ne sont pas la faute des collectivités autochtones.

Je pense parfois qu’il est tout à fait clair que l’on peut et que l’on doit faire respecter les lois, mais que ce n’est pas le cas parce que les gens refusent de le faire. C’est un travail que nous devons faire avec les solliciteurs généraux des provinces, et le travail dont nous discuterons cette semaine au sommet, en fait, portera sur l’application des règlements et l’exécution de la loi en général.

La façon dont cela fonctionnerait dans la loi, comme je l’ai mentionné plus tôt dans ma réponse à la sénatrice Martin, c’est qu’il y a un certain nombre de recours dont disposeraient les institutions ou le conseil de bande si les membres individuels sont incapables de respecter les conditions des règlements.

M. Duschenes : C’est une tranche assez petite, mais très importante. Cela donne le pouvoir de s’adresser aux tribunaux compétents équivalant à tout autre ordre de gouvernement, mais à des fins très précises en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, comme vous l’avez mentionné, et maintenant en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations. C’est un pas important dans cette direction, mais comme le ministre Miller l’a mentionné, une grande conférence se tient cette semaine au sujet de l’exécution de la loi qui portera sur un éventail beaucoup plus vaste de problèmes que nous espérons pouvoir régler par d’autres moyens.

La sénatrice McCallum : Je pense que ce qui m’inquiète, c’est que les gens ne s’attendent pas à ce que le système fonctionne, et c’est ce qui s’est passé avec la COVID, dans la mesure où les chefs n’ont pas pu adopter leurs règlements. Nous ne faisons pas en sorte qu’ils soient applicables. En réalité, il existe des lacunes.

M. Miller : On a souvent fait valoir que, lorsqu’il s’agit de bannir des gens ou d’empêcher des gens de se rendre dans les collectivités, cela soulève des questions constitutionnelles. C’est une grossière déformation de l’ampleur du problème.

Ce que nous avons vu durant la COVID, c’est que vous pouvez imposer un couvre-feu — peu importe ce que vous en pensez — dans le centre-ville de Montréal, mais vous ne pourriez pas nécessairement avoir des règlements de conseil de bande qui créeraient des points d’accès dans les collectivités ou une façon systématique de filtrer les gens, et il fallait compter sur quelques personnes costaudes qui se tenaient sur la route et se rendaient dans la collectivité en disant essentiellement: nous sommes les membres de la collectivité locale qui essaient de protéger notre propre peuple. Ce n’est pas la meilleure façon de s’assurer que les gens respectent la loi.

Il s’agissait non seulement du risque de COVID ou de personnes de passage pour quelque raison que ce soit, mais aussi de la drogue et de l’approvisionnement en drogues. Il s’agit d’un problème beaucoup plus vaste qui entraîne des décès dans les collectivités et qui est en partie dû à l’incapacité d’appliquer les règlements. C’est un problème grave.

Le vice-président : Merci, si nous le pouvons, je veux que tous les sénateurs participent au premier tour.

La sénatrice Greenwood : Je remercie les témoins d’être présents ce matin. C’est un plaisir de vous recevoir, vous ainsi que toutes les personnes présentes.

J’ai une question d’ordre général. Je sais que ce texte législatif est rapidement passé par la Chambre et qu’il nous est parvenu. Je me demande si, au cours de son élaboration, il y a eu une réflexion sur les défis ou les obstacles qui pourraient survenir au fur et à mesure que nous avançons dans sa mise en œuvre. Qu’il s’agisse de la conception ou de la mise en œuvre, il est simplement question d’y réfléchir. Je me demande quels sont ces défis.

À titre de question complémentaire, quelles sont les raisons pour lesquelles une Première Nation pourrait choisir de ne pas participer à cette loi?

M. Miller : Il y a deux raisons, une plus importante que l’autre. Celle de moindre importance est en fait aussi importante, parce que j’ai été un grand défenseur de l’Institut des infrastructures des Premières Nations pendant des années et je suis également déçu. Il y a deux raisons à cela, la réponse historique à la COVID et les priorités qui vont dans des directions différentes financièrement, mais il était frustrant de ne pas voir un institut des infrastructures des Premières Nations soutenu par le gouvernement jusqu’à quelques années. J’ai été heureux pour Manny Jules et pour l’équipe qui y a mis tant de travail et de réflexion. Il y a un rôle à jouer ici, sans s’en éloigner, car le modèle fondé sur les subventions ne va pas disparaître. Le déficit d’infrastructure au Canada est trop important pour que l’on puisse soutenir l’argument selon lequel nous devons continuer à investir, et certains projets ne sont pas viables sans une injection directe d’argent, alors qu’ils changent la donne dans les communautés. Cependant, un institut dirigé par les Premières Nations a un rôle à jouer dans ce domaine et devrait mener le bal. Ça permet de combler le manque de confiance et de mener les projets à bien avec un peu plus de confiance, dans la mesure où il s’agit non pas de la saveur du jour au gouvernement fédéral, mais d’idées provenant des communautés. Je m’en réjouis.

D’un point de vue conceptuel, lorsqu’on parle de ces mesures — et je vais plaisanter un peu à ce sujet — le chef de l’opposition a déclaré qu’il s’agissait du premier ensemble de mesures législatives ayant du bon sens que le gouvernement avait adopté, ce qui m’a immédiatement mené à me demander si nous avions fait ce qu’il fallait faire. Quoi qu’il en soit, je pense que vous savez tous de quoi je parle. Il est agréable d’avoir le soutien de tous les partis, franchement, et que ce soit une affaire moins partisane.

La réalité, c’est que ce n’est pas quelque chose qui convient à tout le monde. Il s’agit d’une forme très occidentale d’obtention des capitaux, et lorsque vous parlez de certains des défis auxquels nous sommes exposés en tant que gouvernement sur des questions capitales... même la Cour suprême du Canada a rencontré des difficultés sur ce plan. Elle a déclaré que le titre existait, mais pas en quoi il consistait, si ce n’est dans les grandes lignes. Lorsqu’on parle de reconstituer les lois, les entités et les modes de vie autochtones, il y a peu d’exemples où cela s’est concrétisé par un ensemble de lois applicables, véritablement dirigées par les Autochtones et fondées sur les Autochtones, différentes et distinctes du modèle occidental, parce que nous avons passé toute notre existence historique à essayer d’écraser ces modèles avec plus ou moins de succès.

Je pense qu’il faut reconstituer ces lois et soutenir les communautés qui reconstituent leur propre idée de la terre, de l’identité et du titre, grâce à un travail de pointe réalisé au profit des communautés autochtones en Colombie-Britannique et, franchement, dans tout le Canada. Les communautés savent ce qu’est la terre, elles savent qui en sont les gardiens, mais l’applicabilité juridique, telle que nous l’utilisons dans nos modèles, est inexistante et nuit aux communautés.

On soupçonne réellement qu’il s’agit d’une tentative de municipaliser, par exemple, le type de relation et de s’éloigner d’une relation de nation à nation. Je pense que lorsqu’on se rend compte qu’il s’agit d’une question de choix fondamental des communautés, il faut que cela reste un élément de choix. Je respecte profondément les communautés qui choisissent de ne pas le faire, et je respecte également celles qui ont fait beaucoup d’efforts pour s’assurer qu’elles essaient de faire progresser et prospérer leur communauté. Nous efforcer de ne pas résoudre la quadrature du cercle : voilà, je pense, le véritable défi que nous avons dû relever pour nous assurer que nous mettions en place une série d’options législatives qui ne sont pas obligatoires, mais qui, si elles le sont, peuvent contribuer à l’excellence autochtone, et il y a des exemples vraiment remarquables de prospérité autochtone dans tout le pays.

Dans le cadre de mon travail, je dois passer une bonne partie de mon temps à remettre en question chacun de mes choix et chacune de mes décisions, en me demandant si je ne suis pas en train de recréer un modèle social qui a été conçu pour opprimer. Évidemment, il faut toujours le faire, mais c’est une réflexion que toute personne à ma place doit avoir pour vérifier le bien-fondé.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que vos adjoints, de votre témoignage et de votre présence au comité ce matin. Nous nous réjouissons de cette nouvelle étape sur la voie de la décolonisation, et comme vous l’avez dit, il est très important que le gouvernement accélère sa réponse à la feuille de route vers l’autodétermination qui a été élaborée par des dirigeants autochtones. Je considère que l’Institut des infrastructures des Premières Nations est une étape importante, et c’est pourquoi je commencerai par là.

Je vais vous poser une question au sujet d’un domaine que nous n’avons pas encore trop approfondi. S’il est adopté, le projet de loi C-45, si je comprends bien, octroierait de nouveaux pouvoirs de collecte, d’analyse et de publication de données pour la Commission de la fiscalité des Premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et le nouvel Institut des infrastructures des Premières Nations. Pourriez-vous nous en dire plus sur l’aspect de la collecte des données mentionné dans les amendements proposés? Quelles sont les données supplémentaires qui devraient être recueillies, et comment pensez-vous que ces données contribueront à la prise de décisions ainsi qu’à la planification fondée sur des données probantes?

Je poserai probablement la même question au prochain groupe, mais quelle forme cela pourrait-il prendre, selon vous?

M. Miller : Pour paraphraser ma prédécesseure, Carolyn Bennett, il est difficile de réparer ce que l’on ne peut pas mesurer et, de toute évidence, dans un grand nombre de ces approches soi-disant fondées sur des preuves, les preuves sont souvent très minces.

Je pense que la collecte constante de données — et il y a une discussion générale très importante sur la souveraineté des données autochtones et la capacité d’un peuple de contrôler ses propres données — est un élément important, mais je pense que cela va s’améliorer.

Les mesures contenues dans les amendements proposés permettront de recueillir davantage d’information afin d’établir si ces mesures sont réellement efficaces et si elles fonctionnent. Dans le domaine de la fiscalité, nous avons certainement constaté que certaines mesures fonctionnent, et d’autres, moins. Il sera important que les gens aient accès à ces informations et qu’ils les rassemblent à l’aide des outils prévus dans l’amendement proposé afin de pouvoir mesurer et réévaluer, le cas échéant.

Dans les communautés autochtones, plus encore peut-être que... même si l’on entend dire dans le Canada non-autochtone que la fiscalité est un sujet brûlant et qu’il faut constamment en mesurer l’efficacité et la nécessité.

Le sénateur Tannas : Merci de votre réponse, monsieur le ministre.

Je suis sûr que les sénateurs et sénatrices ici et en général travaillent fort pour que la loi soit adoptée et qu’elle entre en vigueur le plus rapidement possible. Cette institution a connu un succès incroyable. Depuis les 10 années que je suis ici, c’est probablement l’une des choses les plus réconfortantes auxquelles je peux repenser, et dire que j’ai observé le progrès de cette institution dirigée par l’équipe de rêve de la Colombie‑Britannique grâce à tous les efforts de M. Calla, de M. Jules ainsi que d’autres personnes. C’est tout simplement remarquable.

Nous avons maintenant une institution qui s’occupe vraiment de la gouvernance et des questions économiques telles que les finances, les infrastructures, la fiscalité et l’utilisation des terres. Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : étant donné le succès de cette initiative, à quoi pensez-vous et qu’est-ce que vous et vos collaborateurs envisagez de mettre en place dans d’autres domaines où les institutions dirigées par les Autochtones font cruellement défaut, comme l’éducation, la santé et la justice? Y a-t-il des projets en cours dans ce domaine dont vous pourriez nous parler ou s’agit-il d’une sorte de miracle ponctuel qui ne sera pas facile à reproduire et une situation où rien d’autre n’est prévu?

M. Miller : Je pense qu’appeler cela un « miracle », avec tout le travail qui a été accompli... un travail acharné, comme vous l’avez dit, ça a été accompli sur presque deux décennies pour que nous puissions en arriver où nous célébrons — comme l’a mentionné le sénateur Patterson — les grandes entreprises autochtones. On a tendance à parler de petites et moyennes entreprises autochtones d’une manière presque méprisante, mais Clearwater a fait connaître les grandes entreprises autochtones. Il y en a eu quelques autres. Il y en a probablement eu deux ou trois avant, mais j’ai oublié.

Avec des revenus et des profits records à Clearwater cette année, on voit que les peuples autochtones peuvent dépasser les entreprises non autochtones, et c’est plutôt génial à voir, et je pense que c’est une source d’inspiration pour les communautés dont la pêche ne fait pas partie des moyens de subsistance, parce qu’elles voient certains de leurs frères et sœurs à travers le Canada qui réussissent réellement.

Ce n’est pas pour tout le monde, mais si vous me demandez où je vois des signes d’espoir, je pense que vous les verrez dans des domaines où l’on ne s’attendrait pas nécessairement à voir au gouvernement, et vous ne devriez pas non plus vous y attendre parce que le gouvernement dictant le rythme a entraîné des répercussions qui ont clairement été mauvaises.

Par exemple, lorsque nous concluons des accords juridiques importants avec des communautés pour des préjudices historiques, j’ai souvent entendu dire... et vous vous attendez à ne pas parler aux gens pendant quelques semaines alors qu’ils célèbrent quelque chose qui a vraiment transformé leur communauté, mais parfois, la chose suivante que vous entendez c’est : « Eh bien, comment allons-nous progresser vers l’autonomie, et comment allons-nous avancer vers un traité moderne qui représente réellement notre relation et progresser? » Parce que ce fossé au chapitre de la confiance historique a été comblé par le règlement d’une revendication, par exemple, qui est restée en suspens pendant une centaine d’années.

Il y a donc des retombées. Lorsqu’on voit que des montants importants sont dégagés pour des années et des années de préjudice, il ne s’agit pas de cas isolés, et cela fait naître la confiance dans une relation et avancer les discussions sur l’autonomie gouvernementale, qui sont au cœur de cette question. Les gens prennent soin de leurs proches. La COVID nous a permis de constater que, lorsque les communautés autochtones disposent des ressources nécessaires, elles peuvent obtenir de meilleurs résultats que le reste du Canada dans la lutte contre une pandémie historique comme le démontrent les statistiques relatives au taux de mortalité.

Cela survient dans tout le spectre de l’engagement autochtone. Là où j’aimerais que l’on travaille davantage — et je pense que le ministre de la Justice serait d’accord avec moi — c’est dans le domaine de la justice autochtone, et c’est un domaine où il y a beaucoup de demandes et beaucoup de travail.

Je pense que vous l’avez bien décrit; vous voyez effectivement des bourgeons apparaître.

Le vice-président : Monsieur le ministre, j’ai deux sénateurs qui ont des questions à poser, si vous pouvez les autoriser à poser deux questions supplémentaires. L’une est posée par la sénatrice Hartling et l’autre par le sénateur Klyne.

La sénatrice Hartling : Monsieur Miller, c’est parfait. Je pense que vous deviez partir.

M. Miller : J’ai une réunion du Cabinet, je risque donc d’avoir des ennuis.

La sénatrice Hartling : Je suis sûre que d’autres personnes peuvent répondre à ces questions si vous avez besoin de partir.

M. Miller : Merci.

Le vice-président : Sénateur Klyne, aimeriez-vous vous exprimer, puisque vous pilotez ce projet de loi au Sénat?

Le sénateur Klyne : Pendant qu’il est ici... Je sais que vous êtes pressé et je m’excuse d’être en retard, mais je vous souhaite la bienvenue.

J’ai une question générale, et elle est assez large, mais je veux l’approfondir un peu. Ma question s’adresse donc à vous, monsieur le ministre.

Le projet de loi C-45 favorise la réconciliation économique de pair avec la reconnaissance des droits, des droits à l’équité économique et sociale énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, également appelée DNUDPA. Pouvez-vous nous parler un peu plus de la façon dont vous envisagez la réconciliation économique au Canada dans les années à venir, en lien avec la DNUDPA, et les aspects particulièrement excitants pour nous tous, comme les minéraux importants pour la carboneutralité?

Pouvez-vous commenter cela, mais aussi parler des liens entre le projet de loi C-45 qui rétablit l’autodétermination, y compris les échanges et le commerce, et de la manière dont ce processus non seulement profitera aux peuples autochtones, mais conduira à des possibilités et des avantages partagés dans tout le pays?

M. Miller : C’est une bonne question, et je pense que nous pourrions sans doute en discuter pendant quelques heures, sénateur Klyne, mais c’est l’autodétermination à l’œuvre. Lorsque vous parlez d’un partenaire et que nous parlons d’une relation de nation à nation et d’un partenaire comme le gouvernement du Canada, dans le travail que je fais au quotidien, payer les factures qui auraient dû l’être depuis des centaines d’années est très important pour ranimer la confiance entre le Canada et un certain nombre de communautés autochtones. En effet, c’est quelque chose que nous faisons, et ce sont de gros montants, mais on doit le voir ainsi, parce que comment pouvez-vous faire confiance à un partenaire financier qui ne paie pas ses factures? Et c’est ce que fait le Canada depuis le début, depuis en particulier qu’il a signé les traités numérotés et tous les traités que nous avons signés. C’est quelque chose qui a contribué à la sous-capitalisation des communautés et à leur maintien dans la pauvreté.

Donc, lorsque je parle de réconciliation économique, je sais très bien que cela ne peut pas être utilisé comme un slogan. Si une personne arrive dans la communauté la plus prospère du Canada et dit : « c’est ainsi que tout le monde devrait se comporter », il faut vraiment que cela vienne des communautés elles-mêmes et du travail qu’elles font avec le gouvernement du Canada dans une atmosphère de confiance à l’aide des outils qui sont disponibles et des outils que sont en train de concevoir les communautés elles-mêmes.

Ce serait étrange que ce soit pareil d’un bout à l’autre du pays. On se demanderait sans doute ce qui se passe. Il se passe bien des choses, et le Canada doit d’abord reconnaître le devoir historique qu’il a envers les communautés autochtones, mais il doit aussi s’assurer qu’elles ont bel et bien accès exactement aux mêmes leviers pour prospérer, que ce soit en éliminant les obstacles ou en respectant réellement les décisions de la Cour suprême lorsqu’il s’agit de subsistance convenable ou des instruments qui leur sont offerts dans des traités qui n’ont pas été respectés; il faut aussi s’assurer que les communautés autochtones puissent prospérer financièrement grâce à ces instruments, parce qu’elles n’ont pas accès aux capitaux qui seraient accessibles à des gens simplement parce qu’ils ne sont pas autochtones.

Cela fait partie des discussions que nous avons eues concernant la Banque de l’infrastructure du Canada, la façon dont elle pourrait tisser des liens avec l’Institut des infrastructures des Premières Nations et comment cela serait perçu, en général, par le public. Vous avez abordé le sujet lorsque vous avez posé votre question.

Un certain nombre de communautés du Canada et des environs sont les moteurs de l’activité économique pour les communautés non autochtones qui les entourent plutôt que l’inverse. C’est important de le savoir. Elles sont de grands employeurs de gens qui ne sont pas autochtones; cela ne peut pas être plus vrai que dans le cas de Clearwater, dont nous avons beaucoup parlé aujourd’hui. Plus il y en aura, plus nous verrons que nos économies et les occasions de croissance de nos communautés sont interreliées.

Dans mon rôle et dans celui de la ministre Hajdu, tout commence par les notions fondamentales d’un pays juste et équitable. Le rôle de madame Hajdu au sein des Services autochtones, c’est de s’assurer que le niveau d’éducation des Autochtones équivaut à celui des communautés non autochtones au Canada ou le dépasse. Les problèmes socioéconomiques graves qui existent ne peuvent être laissés de côté dans la discussion générale sur la simple réconciliation économique.

Le vice-président : Merci, monsieur Miller; je sais que vous devez partir. Merci d’être venu aujourd’hui. J’apprécie votre témoignage. Nous avons hâte de travailler sur cette loi, et nous le ferons le plus vite possible; merci.

Dans le cadre de la deuxième série de questions, je vais laisser la sénatrice Hartling poser la première question; M. Duschesne ou n’importe quel témoin peut donner une réponse.

La sénatrice Hartling : Merci à tous d’être présents aujourd’hui. C’est génial d’avoir un projet de loi où tout le monde gagne. Je suis très enthousiaste, et je sais que certaines personnes à qui j’ai parlé plus tôt le sont elles aussi.

Comme nous l’avons entendu de nombreuses fois ici, la confiance a toujours été un facteur, pour les Premières Nations; il faut savoir la construire. Pouvez-vous donner plus de détails sur le processus, le processus de codéveloppement? Quelles mesures ont été prises et quels sont les défis? La sénatrice Greenwood en a parlé. J’aimerais en apprendre plus sur le sujet parce qu’il semble que d’autres Premières Nations auront l’occasion de se joindre au processus, à n’importe quel moment. Est-ce le cas, ou y aura-t-il une date limite à respecter? Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le processus de renfocement de la confiance et nous dire si cela s’est bien passé? Merci.

M. Duschenes : Merci, madame la sénatrice. Oui, c’est aussi un plaisir pour nous, les bureaucrates, de nous associer à un projet de loi gagnant. Cela rend certainement notre travail plus facile et beaucoup plus agréable.

Ce qui a été plus que réussi et gratifiant dans le processus de renforcement de la confiance, c’est d’avoir pu obtenir les conseils de dirigeants réputés des Premières Nations, qui sont assis derrière moi; vous aurez l’occasion de leur parler sous peu. Nous, les fonctionnaires, avons tissé une relation de confiance avec eux, mais probablement, et plus important, un lien de confiance s’est tissé entre eux et les communautés qu’ils servent et avec lesquelles ils travaillent.

Je suis sûr que certains des dirigeants parleront de la façon dont ils interagissent avec les communautés, mais qu’ils mentionneront aussi qu’ils ont tenu une série de rassemblements annuels, appelés Les Premières nations ouvrent la voie, qui réunissent les Premières Nations inscrites à l’annexe de cette loi, les communautés assujetties à une subvention sur 10 ans et les communautés qui ont signé la loi sur la gestion des terres des Premières Nations; dans ce cadre, de 200 à 350 représentants débattent du développement institutionnel et de ce projet de loi et bâtissent cette relation de confiance, de sorte que, lorsque les dirigeants interagissent avec nous, la confiance règne déjà avec de nombreuses communautés.

Le chef Allan Claxton est ici lui aussi, et vous aurez l’occasion de lui parler; Jason Calla du Conseil de développement de l’Institut des infrastructures des Premières Nations est présent également. C’est un exemple intéressant : avant la création de l’institut, le conseil de développement de réputés dirigeants des Premières Nations s’est rendu d’un océan à l’autre pour rencontrer les communautés, d’autres organisations d’infrastructure — par exemple, la First Nation Water Authority, dans l’Atlantique — pour bâtir cette confiance et avoir ces discussions.

L’Institut des infrastructures des Premières Nations tisse ce lien de confiance efficacement depuis de nombreuses années grâce à ce conseil de développement.

La sénatrice Hartling : Est-ce que les gens peuvent se joindre? Il n’y a pas de limite de temps? Ils peuvent toujours se joindre?

M. Duschenes : Il n’y a pas non plus de limite du nombre de personnes. Ce que l’on ajoute à la loi, ici, permettra à des bandes non visées par la Loi sur les Indiens, à d’autres organisations, de se joindre elles aussi éventuellement, et de concevoir des règlements qui leur permettront de se joindre. Il y a déjà un processus, et l’on conçoit des règlements pour que les Premières Nations autonomes et les signataires de traités modernes puissent se joindre.

Non seulement il n’y a pas de limite, mais de plus en plus d’organisation peuvent bénéficier des services et des avantages qu’offre la loi. Les services de l’Institut des infrastructures des Premières Nations seront accessibles à tous, à tous les groupes intéressés, qu’il s’agisse ou non de bandes inscrites à l’annexe de la loi.

La sénatrice Hartling : Merci. C’est une façon géniale de célébrer le Mois national de l’histoire autochtone.

Le sénateur D. Patterson : Merci, monsieur Duschenes, d’avoir répondu clairement à ma question concernant le financement à long terme au titre du budget des services votés. La source de ce financement est stable; il s’agit de sources de financement du gouvernement fédéral. Votre ministre a dit que le modèle fondé sur des subventions ne sera pas abandonné.

Vous seriez peut-être d’accord pour dire que, lorsqu’il est question des projets importants qui découleront, nous l’espérons, de ces amendements progressifs, des engagements de 10 ans seraient plus pertinents pour une planification stratégique à long terme. Vous avez été clair. Il y a des engagements de trois et de cinq ans. Ne serait-il pas possible de les prolonger, disons jusqu’à 10 ans, compte tenu de la stabilité que cette loi offrira?

M. Duschenes : Ce n’est pas à nous de prendre ces décisions. Nous sommes toujours prêts à en discuter. Lynne Newman et d’autres représentantes de Services aux Autochtones Canada sont ici; elles ont dirigé le processus qui a permis aux conseils de bande des Premières Nations d’accéder à la subvention de 10 ans. Nous serions intéressés à avoir ces discussions à l’interne et avec les institutions — et avec la ministre pour trouver une façon d’étendre la portée à d’autres organisations —; oui, nous serions intéressés.

Le vice-président : Merci. Si Mme Newman ou quelqu’un d’autre aimerait en dire davantage par écrit, ce serait utile.

J’aimerais tous vous remercier. Celà met fin à la discussion avec ce groupe de témoins. Merci à tous les témoins d’être venus. Comme on l’a mentionné, c’est bien de voir tant de témoins dans le cadre d’un projet de loi si important.

Dans le deuxième groupe de témoins, cet après-midi, quatre organismes sont représentés : Nous accueillons M. Ernie Daniels, président-directeur général et chef de la direction; M. Steve Berna, directeur des opérations et Mme Jody Anderson, conseillère en stratégie et partenariats, de l’Administration financière des Premières nations. Ils témoigneront par vidéoconférence. Nous accueillons aussi M. Harold Calla, président exécutif, du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Nous accueillons M. Allan Claxton, président du Conseil de développement, et M. Jason Calla, chef d’équipe technique, de l’Institut des infrastructures des Premières Nations et nous accueillons M. Manny Jules, commissaire en chef, de la Commission de la fiscalité des premières nations.

Merci à tous les témoins de se joindre à nous pour discuter de ce projet de loi très important. Chaque organisme aura cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire. Je vous prierais d’être bref, parce que vous devez respecter le temps alloué. Je sens qu’il y a beaucoup d’appuis dans la salle pour ce projet de loi. Donc, le plus important sera les questions qui suivront. Je vous laisserai prendre les choses en main.

Ernie Daniels, président-directeur général et chef de la direction, Administration financière des Premières nations : Bonjour et merci. Excusez-moi de ne pas être avec vous en personne. Compte tenu de la réunion du conseil hier matin et des retards importants dans mes déplacements, je serais arrivé à trois heures du matin. J’ai déjà vécu cela et je n’ai pas aimé. Excusez-moi pour cela.

J’aimerais remercier Leane Walsh et son équipe de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et le Conseil de développement de l’Institut des infrastructures des Premières Nations d’avoir travaillé en collaboration sur ces amendements de la Loi sur la gestion financière des premières nations, qu’on a aussi appelée la LGFPN dans les dernières années.

L’Administration financière des Premières nations est un organisme à but non lucratif qui fournit des services et des conseils en matière de financement et d’investissement aux gouvernements des Premières Nations du Canada qui s’inscrivent volontairement à la LGFPN. Cette loi a obtenu la sanction royale en 2005 avec l’appui de tous les partis, et depuis, l’Administration financière des Premières nations offre des services aux gouvernements des Premières Nations partout au Canada.

À ce jour, 342 communautés des Premières Nations se sont inscrites à l’annexe de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, et l’Administration financière des Premières nations a prêté plus de 1,8 milliard de dollars à 151 communautés des Premières Nations dispersées dans neuf provinces et dans les Territoires du Nord-Ouest. Cela a entraîné la création de plus de 20 000 emplois et généré des retombées économiques de 4 milliards de dollars, ce qui montre que nous sommes plus forts ensemble; cependant, certains besoins économiques et sociaux de nos membres ne peuvent être comblés que grâce à des amendements de notre loi.

L’Administration financière des Premières nations appuie fortement en principe le projet de loi C-45. Il apporte des changements importants et positifs, qui ouvriront davantage de débouchés pour les Premières Nations et les gouvernements autochtones de tout le Canada. Plusieurs amendements sont particulièrement pertinents pour l’Administration financière des Premières nations; par exemple, le Règlement sur le financement garanti par d’autres recettes sera incorporé directement dans la LGFPN. L’ajout de ces dispositions sur les autres recettes directement dans la LGFPN lui donnera de la cohésion et la rendra plus facile à appliquer.

Un autre exemple, c’est que la définition de « membre emprunteur » est élargie en prévision de l’admissibilité des gouvernements autochtones et des organismes à but non lucratif, ou OBNL, bien que d’autres règlements seront toujours nécessaires. Ces entités importantes fournissent aux Premières Nations des services économiques et sociaux essentiels.

Il y a 634 Premières Nations au Canada; il est donc important de noter qu’il n’existe pas une seule méthode normalisée pour planifier les infrastructures nécessaires ou pour stimuler le développement économique. Certaines Premières Nations confient toutes les décisions de la communauté à un conseil. D’autres font appel à des organismes à but non lucratif, lorsqu’il est question par exemple de la santé, de l’eau, du logement et de l’éducation, et d’autres comptent sur les conseils tribaux, où de nombreuses Premières Nations travaillent ensemble à la recherche de possibilités économiques. Les amendements proposés auront une incidence très positive pour les Premières Nations.

Merci et mahsi’cho de votre temps et de votre attention.

Le vice-président : Merci, monsieur Daniels.

C’est maintenant au tour de M. Harold Calla, président exécutif du Conseil de gestion financière des Premières Nations.

Harold Calla, président exécutif, Conseil de gestion financière des Premières Nations : Merci de nous accueillir aujourd’hui. Quand je me suis levé ce matin, j’ai été surpris qu’il y ait tant de fumée dans l’air. Je viens de Colombie-Britannique, alors j’imagine que j’y suis habitué.

Je vous remercie d’avoir entrepris d’étudier ce projet de loi. Parfois, j’entends dire « Oh, cela va trop vite. » Nous travaillons là-dessus depuis 2005. Nous avons discuté entre nous de ces amendements; les communautés en ont discuté entre elles. Elles sont 348 aujourd’hui. À l’époque où le projet de loi a été envisagé, on croyait qu’il allait n’y en avoir que 35 ou peut-être 40. Les gens voient maintenant la voie à suivre vers le développement et les possibilités économiques. Ils voient qu’il faut avoir accès aux capitaux et comprennent aussi les défis à surmonter quand ils essaient de faire des affaires. Je vous ai déjà parlé de quelques-uns de ces défis.

Je ne dis pas que vous n’avez pas de délais serrés à respecter, mais ce n’est pas notre faute. C’est votre processus, et nous le respectons, mais en même temps, c’est une occasion que nous ne voulons pas perdre, parce qu’il nous faudrait attendre des années pour une deuxième chance. Nous avons des collectivités qui ont besoin des services que nous sommes sur le point de fournir. Vous ne pouvez pas combler le déficit d’infrastructure avec le programme que vous offrez actuellement. Nous devons le modifier.

Je pense que tout ce que nous voulons, par-dessus tout, c’est trouver une façon de faire le pont entre la colonisation et l’autonomie gouvernementale, et à mon avis, ce sera grâce à des institutions comme celles que nous mettons sur pied. Je veux remercier le sénateur Tannas de son commentaire sur la suite des choses. Vous avez des questions à poser, et je vous implore de le faire, de poser des questions sur les prochaines étapes.

À mesure que l’autonomie gouvernementale devient réalité — ce qui veut dire que les gouvernements coloniaux existants devront se retirer —, nous devons avoir nos propres compétences. Le gouvernement actuel et les gouvernements qui lui succéderont doivent investir dans le développement des capacités des gouvernements autochtones. Il faut aussi nous laisser le temps de réapprendre à nous réunir, comme nous l’étions dans le passé, au lieu d’être divisés en 600 bandes en vertu de la Loi sur les Indiens. Le 23 juillet, ma communauté va célébrer le 100e anniversaire de son amalgamation; au début, nous étions divisés en 17 bandes différentes en vertu de la Loi sur les Indiens, mais de 1919 à 2023, nous avons entrepris des négociations et nous sommes réunis à nouveau en tant que nation Squamish. C’est le genre de mesures qui doivent être prises, encore et encore, afin que nous soyons en position d’agir en tant que gouvernement, et nous avons besoin de soutien pour cela.

Il est beaucoup mieux d’investir dans le développement de nos capacités que de payer le prix de la pauvreté, que vous continuez à devoir payer. Travaillons pour avoir enfin la capacité de développer de la richesse, et comprenons aussi qu’il est temps de cesser de vouloir éviter, par extinction, les droits autochtones et les titres ancestraux; il est plutôt temps de les intégrer, afin qu’ils nous permettent de contribuer à l’économie canadienne. Voilà la raison d’être de ce projet de loi.

Nous devons reconstituer nos gouvernements. Nous devons reconstituer notre capacité de générer des recettes, et nous devons être en mesure, comme les autres ordres de gouvernement, de réunir des capitaux grâce à l’administration financière.

Quelles autres entités au Canada permettent à une petite collectivité du Nord d’emprunter de l’argent, par l’intermédiaire de l’administration financière, au même prix que la province de l’Ontario? C’est une grande réussite.

Je veux aussi vous faire part d’une réalisation remarquable. Je vous ai déjà parlé d’Attawapiskat. Eh bien, le conseil d’administration a approuvé la semaine dernière sa loi sur l’administration financière. Il a approuvé la semaine dernière son attestation de rendement financier, et l’a déclarée admissible à des subventions sur 10 ans la semaine dernière. Les choses progressent, même si cela a pris du temps. L’avantage des institutions des Premières Nations, c’est que les Premières Nations peuvent prendre le temps d’élaborer ce genre de choses. Vous y allez à votre rythme. C’est absolument essentiel.

Parfois, il faut des années aux collectivités pour compléter le processus de certification, mais ce n’est pas un problème. Elles doivent le faire à leur propre rythme, quand elles sont prêtes. Notre but est de leur donner la capacité dont elles ont besoin pour être prêtes, mais seulement quand elles le sont et quand elles estiment que c’est le bon moment.

C’est toujours ce que nous disons quand nous nous rendons dans des collectivités des Premières Nations : « Nous ne sommes pas ici pour faire le travail; c’est à vous de le faire, parce que, quand nous ne serons plus là, ce sera à vous de faire le travail. » Nous aidons à développer les capacités, mais nous n’allons pas abandonner les collectivités non plus. Nous allons continuer d’y revenir et de les soutenir, au besoin.

Ce dont il faut se souvenir, par rapport à ce projet de loi et aux amendements dont il est question, c’est que nous y travaillons depuis des années; nous discutons avec les Premières Nations depuis des années, et nous avons consulté directement toutes les Premières Nations inscrites à l’annexe pour en arriver là.

J’aimerais répéter ce que le ministre et certains d’entre vous ont fait observer : les gens et les Premières Nations viennent ici quand ils sont prêts à le faire, quand ils voient des possibilités qu’ils n’auraient pas vues autrement. Nous sommes patients, et nous attendons que les gens soient prêts. Nous espérons que le gouvernement va offrir des incitatifs, afin que les gens puissent voir pourquoi il y a ce genre d’institutions, pourquoi c’est un pont vers la véritable autonomie gouvernementale et la reconnaissance des droits, mais pour cela, le gouvernement doit continuer d’intervenir.

Ce n’est pas parce que vous nous avez créés que nous obtiendrons des résultats. Il faut que le gouvernement change fondamentalement sa façon de voir quant à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la capacité de créer l’autonomie gouvernementale. Cela veut dire que vous devez avoir la capacité financière, la capacité de développement ainsi que du soutien pour le cadre institutionnel dont nous allons avoir besoin pour coexister, dans notre pays. Voilà ce que fait ce projet de loi, et c’est une réussite.

Merci.

Le vice-président : C’est au tour de M. Allan Claxton, de l’Institut des infrastructures des Premières Nations.

Allan Claxton, président du Conseil de développement, Institut des infrastructures des Premières Nations : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.

Je n’aurais jamais cru, de toute ma vie, témoigner devant le Sénat un jour, mais je suis content d’être ici. C’est un honneur. Je m’appelle Allan Claxton, et comme vous pouvez le voir, j’ai été pendant 20 ans chef de ma Première Nation, la Première Nation Tsawout, sur l’île de Vancouver. Je siège présentement au conseil. Il me reste encore deux semaines, et durant toutes mes années en tant que chef, j’ai pu voir et comprendre les besoins de notre Première Nation en matière d’infrastructure.

J’étais chef depuis seulement quelques années quand j’ai rencontré Manny Jules. Ma Première Nation a commencé à gérer l’impôt foncier, puis nous avons commencé à gérer la TPS, et tout récemment, nous avons commencé à gérer l’impôt sur la mutation de propriété. Le chef et la collectivité ont effectivement ces outils à leur disposition, mais nous devons tout de même les utiliser. Nous devons les mettre à l’œuvre, et aider à générer des recettes pour ma nation.

Nous savons que le déficit infrastructurel est énorme. C’est beaucoup de travail, et ce sera un défi colossal à relever, mais en travaillant avec d’autres institutions, nous sommes sûrs de pouvoir y arriver et d’établir des liens entre les Premières Nations. Nous allons travailler avec toutes les Premières Nations, et toutes les organisations des Premières Nations, pour combler le déficit infrastructurel.

Dans le système qui est en place actuellement, l’infrastructure est extrêmement coûteuse. Cela prend beaucoup de temps pour la mettre en place, et elle ne dure pas très longtemps.

Nous travaillons avec Jason Calla depuis cinq ans, et nous formons une excellente équipe. Nous avons énormément de respect l’un pour l’autre. C’est emballant de travailler avec d’autres institutions et d’être les nouveaux joueurs. C’est aussi excitant de relever les défis qui nous attendent. Nous devons tous travailler ensemble pour faire progresser les choses.

Sur ce, je vais demander à M. Calla de nous dire quelques mots.

Jason Calla, chef d’équipe technique, Institut des infrastructures des Premières Nations : La raison d’être de l’Institut des infrastructures des Premières Nations — l’IIPN — est de soutenir les collectivités dans la réalisation de leurs projets et travaux d’infrastructure, comme M. Claxton l’a dit, et d’aider n’importe quelle organisation autochtone ou Première Nation à faire avancer ces projets et établir une analyse de rentabilité solide, une analyse de rentabilité robuste, pour gérer les risques liés à la réalisation des projets. Ce sont des projets compliqués, comme vous le savez; ce sont des projets d’aqueduc et d’égouts, de routes et de connectivité. Leur élaboration prend parfois des années. Quelquefois, la planification d’un projet s’étale sur plus d’un cycle électoral, et c’est pourquoi il est important d’avoir un certain soutien et une certaine stabilité. Nous savons qu’il y a de grands besoins en infrastructure dans tout le pays. Nous discutons avec les collectivités, comme Allan Claxton l’a mentionné, depuis plusieurs années, d’un bout à l’autre du Canada. Nous avons réalisé quelques projets de validation de concept, qui nous ont permis de bien réfléchir à la façon dont l’IIPN peut soutenir ces projets, et nous sommes impatients de nous mettre à l’œuvre.

Merci.

Le vice-président : Merci, monsieur Calla, et merci à l’Institut des infrastructures des Premières Nations.

C’est maintenant au tour de M. Manny Jules, commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des Premières Nations.

Manny Jules, commissaire en chef, Commission de la fiscalité des premières nations : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs. Mon nom est Manny Jules, et je suis commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des premières nations, l’une des trois organisations créées en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations, aussi connue sous le sigle LGFPN. J’ai aussi été chef de la bande indienne de Kamloops de 1984 à 2000. Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant votre comité, en soutien au projet de loi C-45.

L’histoire du Canada nous a montré que les propositions concrètes visant à accroître notre autodétermination et à mettre en œuvre la réconciliation économique bougent lentement, sauf si c’est nous qui concevons et dirigeons les changements. Les propositions sont optionnelles, et les institutions des Premières Nations soutiennent leur mise en œuvre. Je le sais de première main, parce que j’ai passé la plus grande partie de ma vie adulte à travailler sur des propositions visant à renouveler les leviers financiers de notre autodétermination.

Cela comprend l’amendement de Kamloops, apporté à la Loi sur les Indiens en 1988, qui a donné aux Premières Nations la capacité de générer des recettes à partir des terres louées sur des terres désignées; la création de la Gazette des Premières Nations en 1997, qui donne une voix juridique aux Premières Nations; la taxe de vente des Premières Nations en 1998; et l’adoption de la LGFPN en 2005. Chaque fois, j’ai veillé à ce que nous ayons l’appui de tous les partis, au Sénat et à la Chambre des communes.

En février 2005, j’ai témoigné devant votre comité à l’appui de la première version de la LGFPN. J’ai dit que nous cherchions à construire un cadre institutionnel pour les gouvernements des Premières Nations qui permettrait aux Premières Nations d’assumer des pouvoirs à mesure qu’elles développent leurs capacités, de créer de la certitude pour les investisseurs et de construire des infrastructures. Plus important encore, j’ai dit que ce cadre avait été développé par et pour les Premières Nations. C’est notre loi.

Avec le recul, je pense qu’il serait juste de dire que, à tous les points de vue, nous avons réussi. Les Premières Nations visées par la LGFPN ont fait des milliards de dollars grâce aux investissements, et la valeur évaluée des terres de réserve dépasse maintenant les 15 milliards de dollars. Des milliers de lois sur la gestion des finances des Premières Nations ont été adoptées, et 150 administrateurs des Premières Nations ont reçu leur diplôme du Tulo Centre of Indigenous Economics, le centre Tulo de l’économie autochtone.

Mais ce qui est peut-être le plus important, c’est que grâce, à la réussite de la LGFPN, nous avons mis au point une formule qui permet d’accélérer le processus d’autodétermination et de réconciliation économique, nous avons adopté une loi fédérale qui crée le champ des compétences des Premières Nations intéressées et nous avons rempli cet espace de nos propres lois, dans le plus grand respect de nos droits à l’autodétermination. Les Premières Nations qui ont choisi de participer seront soutenues par les institutions des Premières Nations et bénéficieront des normes et des formations accréditées afin d’accroître leurs avantages.

Le projet de loi C-45 est la prochaine étape de ce processus. Il reflète ce que nous avons entendu à l’égard de la LGFPN : nous avons besoin de notre propre institution, pour les infrastructures, nous devons étendre nos pouvoirs financiers, nous devons prendre le contrôle de notre information financière et nous devons augmenter la capacité de soutien du Tulo Centre for Indigenous Economics.

Je devrais souligner que ces amendements reflètent ce que les institutions créées en vertu de la LGFPN ont déclaré au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, en 2022, dans le cadre de son étude relative aux obstacles au développement économique autochtone. Le rapport du comité de la Chambre des communes comprenait aussi des recommandations.

La LGFPN est le texte de loi autochtone le plus réussi de l’histoire du Canada, et plus de la moitié des Premières Nations y ont maintenant recours. Nous savons que, grâce à ces améliorations, ce nombre ne peut qu’augmenter. À présent, nous ne nous contentons pas de reconnaître les droits des Premières Nations; nous mettons en œuvre les compétences des Premières Nations.

En travaillant ensemble, avec l’appui de tous les partis au Parlement, les institutions créées en vertu de la LGFPN et les Premières Nations ont ouvert une voie législative optionnelle qui permettrait de terminer une partie du projet inachevé du Canada, c’est-à-dire trouver une place pour le gouvernement des Premières Nations au sein de la fédération et de l’économie. Notre travail va se poursuivre le long de cette voie législative; par exemple, l’élaboration d’une redevance sur les ressources des Premières Nations, pour veiller à ce que nous puissions bénéficier des recettes provenant des ressources de nos terres, et la création d’un organisme d’évaluation des Premières Nations, qui sera une institution accessible et fiable pour la valorisation des terres des Premières Nations.

L’appui de tous les partis au projet de loi C-45 prouvera que le Canada s’est engagé à l’égard de notre autodétermination et de la réconciliation économique. À mes yeux, ce projet de loi poursuit le travail que mon père a commencé en 1965. Ses paroles de l’époque trouvent toujours écho aujourd’hui : nous devons pouvoir suivre le rythme des affaires.

Votre appui à ces amendements montre que mes ancêtres ont eu raison quand ils ont écrit leur lettre au premier ministre Wilfrid Laurier en 1910 : en travaillant ensemble, nous deviendrons tous grands et bons. Merci.

Le vice-président : Merci, monsieur Jules. Merci à tous les témoins. Je pense que vos témoignages sont probablement parmi les plus importants que nous avons entendus. Il y a tant de choses à dire, mais si peu de temps pour tout faire.

Le sénateur Tannas : Je trouve cela génial de parler d’infrastructure avec certains des grands bâtisseurs de ponts de notre époque.

J’aimerais malgré tout poser une question à M. Daniels, à M. Berna et peut-être aussi à Mme Anderson, à propos de la prochaine génération, les 1,6 milliard de dollars. Quelle sera la prochaine génération de prêts? Nous savons qu’il y a de très importantes transactions qui s’en viennent, par rapport à la base de ressources, comme Trans Mountain, par exemple, un projet dont tout le monde parle, mais il y en a beaucoup d’autres.

Peut-être que vous le faites déjà, mais avec vos pouvoirs, avec votre registre de prêts... menez-vous disons des initiatives hybrides en coopération avec le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et d’autres organismes, dans le cadre desquelles ils offrent des garanties complètes ou partielles? Y a‑t-il quoi que ce soit qui permet de passer à la prochaine étape, au lieu d’être juste satisfaits que les revenus provenant de vos ressources soient là, pour l’émission des obligations, à parts égales? Êtes-vous passés au niveau supérieur, et estimez-vous que le gouvernement fédéral est un partenaire qui est prêt à fournir des garanties de prêt partielles pour aider les Premières Nations — par exemple, comme avec Clearwater — à saisir ou à récupérer ce qui leur revenait de droit, en matière de possibilités économiques?

M. Daniels : Merci de cette question, sénateur Tannas. C’est une question très importante. On commence à se tourner vers l’avenir, à envisager une destination et de réfléchir à ce que nous devons faire par rapport aux futurs amendements et même aux institutions qui devront être créées.

Je sais que l’on parle beaucoup de Clearwater Seafoods. C’est un exemple parfait où le gouvernement fédéral est intervenu. Je parle des pêcheries : les Premières Nations devaient posséder les permis de pêche. Les permis qui appartenaient à des gens qui ne venaient probablement pas des Premières Nations devaient être transférés. Nous avons travaillé en collaboration avec les nations, le secteur privé et les pêcheries pour y arriver, et nous avons finalement obtenu d’excellents résultats. Puis, depuis quelques années, l’entreprise a connu des profits records. C’est un exemple parfait.

L’autre chose, c’est que nous avons commencé à travailler avec un certain nombre de provinces. Nous avons eu des rencontres avec diverses provinces au sujet des diverses façons pour les Premières Nations de participer aux grands projets de ressources. Le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est montré assez disposé à aider les Premières Nations durant la phase de la construction, par exemple en payant l’intérêt sur les prêts, ce qui est vraiment un élément clé. Nous avons rencontré récemment le gouvernement du Québec et celui de l’Ontario, et nous prévoyons nous réunir avec le gouvernement de la Saskatchewan et quelques autres.

L’élément sous-jacent clé, ici, c’est, que pour participer à bon nombre de ces projets — il faut des fonds —, il vous faut une source de revenus. Quand on parle du déficit d’infrastructure, de l’énorme déficit, il faut que le gouvernement fédéral soit disposé à intervenir réellement, pour que les choses changent. Nous sommes en train de mener des discussions avec le gouvernement fédéral, présentement.

Mais jusqu’ici, le gouvernement fédéral n’a pas proposé beaucoup de solutions, et c’est l’ingrédient manquant actuellement qui nous empêche d’accroître le nombre d’organisations participantes et les empêche de réussir. Si on regarde l’élargissement des critères d’admissibilité, il y a au moins 400 organismes à but non lucratif qui pourraient tirer parti de ces amendements. Je ne sais pas combien de temps il me reste.

Le vice-président : Cela fait 4 minutes et 50 secondes. Nous allons devoir passer à la prochaine question, monsieur.

La sénatrice Hartling : Merci à tout le monde de leur présence. C’est un honneur de vous accueillir. Votre brillant leadership et votre patience... vous avez dit 1910, mon Dieu. Vous n’étiez pas encore né. Je vous en remercie. Comme M. Calla l’a dit, cela ne date pas d’hier. Nous sommes à l’autre bout, mais la capacité est le fruit de vos efforts.

J’ai posé une question à l’autre groupe de témoins. J’ai dit que cela semblait être une situation où tout le monde gagne, mais il doit y avoir eu des problèmes et d’autres enjeux, par exemple pour renforcer la confiance et la capacité. Pouvez-vous nous en parler un peu plus, et nous dire ce que vous avez traversé et certaines des choses qui ont peut-être nui à cette confiance?

M. H. Calla : L’accès aux capitaux a vraiment beaucoup d’importance. Nous ne pourrons pas surmonter les défis auxquels nous faisons face si le gouvernement ne nous consent pas des garanties de prêt, dans son bilan. C’est la réalité, et le Canada doit l’accepter et agir en conséquence, à mon avis.

Nous avons besoin de pouvoirs financiers. Si nous voulons continuer d’avancer vers la reconnaissance du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, nous avons besoin de ces pouvoirs. Il doit y avoir une place, à la table des finances, pour les Premières Nations.

Le sujet d’aujourd’hui, à propos de l’application des lois des Premières Nations, est absolument crucial, à mesure que nous avançons vers la prochaine génération de l’évolution de cette relation.

Comme je l’ai dit dans le discours que j’ai prononcé à Toronto, c’était clairement un événement historique quand l’Église catholique a répudié la doctrine de la découverte, mais j’ai demandé à la foule réunie à Toronto si nous ne devrions pas tous faire la même chose, parce que, à moins d’être tous prêts à le faire, nous ne réussirons pas la transition du système colonial vers le système des droits inhérents. Il faut s’armer de patience, et continuer d’avancer dans cette direction.

Vous me demandez de parler de certains des défis; les fonctionnaires doivent avoir le pouvoir de prendre certaines décisions, et le gouvernement doit être prêt à prendre ces décisions. Il ne faut pas continuer à vouloir l’extinction des droits. Vous devez réaliser que, en 1982, nous avons adopté la Constitution, et que nous avons passé les 40 dernières années devant les tribunaux à débattre de ce que cela veut dire. Combien d’occasions avons-nous perdues? Combien d’autres règlements de milliards de dollars le Canada veut-il signer, avant de nous rendre les rênes de notre propre destinée? Merci.

Le sénateur Klyne : Bienvenue, et j’aimerais féliciter tous les témoins de leur vision et du travail acharné qui a mené les Premières Nations du Canada à ce projet de loi vital pour la réconciliation économique.

Ma question s’adresse à M. Calla. Vous avez déclaré, précédemment :

Une grande partie de ce succès réside dans le fait que la Loi offre aux Premières Nations la possibilité de choisir individuellement, par une résolution de leur conseil de bande, d’être ajoutées à l’annexe de la Loi. Elles n’ont aucune incitation financière à le faire. Il leur suffit de désirer une bonne gestion financière conforme aux normes internationales qui leur permettra d’emprunter à l’Administration financière des Premières Nations et de percevoir des recettes locales pour financer les services qu’offrent les gouvernements des Premières Nations.

Dans ce but, près de 350 Premières Nations ont choisi, par une résolution de leur conseil de bande, d’être ajoutées à l’annexe de la loi et ainsi de participer. Au total, plus de 60 % de ces Premières Nations sont assujetties à la Loi sur les Indiens.

Pouvez-vous nous expliquer en détail comment la possibilité de choisir individuellement a contribué à renforcer la confiance et la relation, nécessaires pour que le projet de loi crée cet élan favorable vers la réconciliation économique?

M. H. Calla : C’est l’une des premières fois où nous avons eu la possibilité, en tant que bande assujettie à la Loi sur les Indiens, de décider en tant que gouvernement. Avant cette loi — je pense par exemple à la Loi sur la gestion des terres des premières nations —, les décisions venaient toujours d’en haut. On nous disait toujours quoi faire. Je pense que le fait de donner aux Premières Nations la possibilité soupeser elles-mêmes la question présentait un attrait pour elles. À mesure que les possibilités économiques apparaissaient sur leur radar, elles s’intéressaient de plus près à ce que nous faisions. Malgré tout, c’est la première fois, à mon avis, que nous avons eu la possibilité en tant que gouvernement de prendre une décision et d’intervenir dans certains domaines gouvernementaux qui nous revenaient historiquement.

Le sénateur Klyne : J’ai une deuxième question, s’il me reste du temps.

Je vais m’adresser à l’Institut des infrastructures des Premières Nations. Je crois comprendre que le centre d’excellence pour la planification des infrastructures ne sera pas réservé aux Premières Nations; il sera aussi ouvert aux Inuits et aux Métis qui veulent demander des conseils sur des projets d’infrastructure. Pouvez-vous nous expliquer comment cela va fonctionner, concrètement, et quelle sera la valeur ajoutée pour les diverses communautés autochtones du Canada?

M. J. Calla : C’est une très bonne question, monsieur le sénateur. La LGFPN a donné d’excellents résultats, comme cela a été mentionné, mais je pense que les autres groupes autochtones du Canada ont exprimé leur frustration d’en avoir été exclus, qu’il s’agisse des nations autonomes ou, comme vous l’avez dit, des Inuits ou des Métis.

L’idée, c’est que l’IIPN soit en mesure de répondre à tout organisme autochtone qui est intéressé, et pas seulement les bandes assujetties à la Loi sur les Indiens. Nous allons fournir une méthodologie et de la rigueur pour soutenir et aider ces groupes dans les projets d’infrastructure qu’ils réalisent sur leurs terres. C’est une méthodologie qui va fonctionner. Ils ont peut‑être des outils fiscaux, en vertu d’un traité, ou d’autres outils ou pouvoirs en tant qu’organismes autochtones. Nous pensons que la méthodologie de planification va fonctionner pour eux aussi. Donc, l’IIPN est prêt à travailler avec n’importe quelle organisation.

La sénatrice McCallum : Merci de votre exposé. Je vous remercie de tout le travail que vous avez fait et des discussions que nous avons eues. Je crains que l’organisation ne soit un autre niveau de colonisation.

De nombreux universitaires ont considéré le projet de loi comme une fin, une assimilation ou une autre colonisation, car notre propre peuple peut être un colonisateur. Quand on examine la réglementation des services d’infrastructure, c’est seulement une partie de l’autodétermination. Quand j’ai rencontré les chefs à l’occasion de l’Assemblée des chefs du Manitoba, il y a deux semaines, ils ont dit que cela supprimait le travail que les chefs doivent faire au chapitre des rapports fondés sur des traités de nation à nation, des lois sur le transfert des ressources naturelles, des revendications territoriales, de la récupération des terres et de toutes ces questions qui, je pense, seraient profondément liées à tout cela.

Cette organisation permettrait-elle de créer un système à deux niveaux où certains participent et d’autres pas? Qui vous oblige à rendre des comptes en tant qu’organisation? Utilisez-vous un modèle pancanadien? Ce qui me préoccupe, c’est que les gens ont tendance à nous considérer tous comme des Premières Nations.

M. Jules : J’aimerais dire aux fins du compte rendu que nous travaillons avec plus de 50 % des collectivités des Premières Nations du Manitoba. Nous avons travaillé à l’élaboration d’un gabarit pour les ententes sur les services municipaux fournis à une Première Nation sur le site des casernes Kapyong. Cela établit un précédent, non seulement dans la province du Manitoba, mais à l’échelle nationale. Nous avons des protocoles d’entente avec des chefs du sud et de nombreux chefs signataires du Traité 2 également. Nous effectuons un travail approfondi dans l’ensemble du pays.

Je disais entre autres à Mme la sénatrice, en réponse à sa question, comment nous en sommes arrivés là. En 1927... et nous connaissons tous le nom Duncan Campbell Scott, l’inventeur des pensionnats, mais il a également contribué à nous priver de nos pouvoirs fiscaux. Vous êtes des sénatrices et des sénateurs, et vous participez à beaucoup d’audiences. On a accordé à Duncan Campbell Scott 15 heures d’exposé à la Chambre des communes. Mes ancêtres ont eu droit à 15 minutes. Au cours des délibérations, ils nous ont retiré deux choses : nos pouvoirs fiscaux, ce qui signifiait que nous ne pouvions plus recueillir des fonds par nous-mêmes, que nous devions dépendre à jamais du gouvernement fédéral et que nous ne pouvions pas discuter de la question des terres en Colombie-Britannique. Nous étions sur le point de régler cette question dans les années 1910 et 1920, et jusqu’à ce que cela se produise... et la première fois où nous avons commencé à nous éloigner du modèle de dépendance, c’était avec le projet de loi que j’ai dirigé en 1988. Pour la première fois, on pouvait recueillir des fonds par nos propres moyens, non pas auprès de nos membres, mais auprès de ceux qui font affaire avec nous.

Nous parlons de réconciliation économique, et elle est fondamentale pour nous permettre d’aller de l’avant sans dépendre du gouvernement. Tant que nous ne serons pas allés au-delà des discours, nous serons toujours bloqués dans ce processus.

J’ai participé aux discussions constitutionnelles depuis le tout début, en tant que membre du conseil et en tant que chef. Certaines de ces discussions se sont tenues dans ce même édifice, donc je connais très bien le débat sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Est-ce un ensemble complet ou vide? Selon moi, nous avons un ensemble complet, mais le dilemme est de savoir comment régler ces enjeux, parce que l’on doit toujours faire face à la réalité de l’État canadien, qui est, d’après moi, indéfectible. Il nous faut traiter avec le gouvernement fédéral et avec les gouvernements provinciaux.

Nous avons exposé un processus qui, du point de vue de notre collectivité, permet de faire cela, et il s’agit d’amener le gouvernement fédéral à adopter une loi habilitante de sorte que nos Premières Nations puissent occuper ce champ de compétence. Nous nous en servons pour traiter avec les gouvernements provinciaux et les écarter afin de pouvoir occuper pleinement ce champ de compétence. C’est la voie que nous avons choisie, et c’est pour cela que ce projet de loi est optionnel.

Le vice-président : Je remercie les témoins de tout cela. C’est une réponse très complète, et, si d’autres personnes veulent contribuer à cette réponse, c’est une question importante, je crois qu’elles devraient le faire par écrit.

La sénatrice Coyle : Merci et bienvenue aux témoins qui sont de retour ici aujourd’hui. Vous avez parlé du fait qu’il a fallu des années pour élaborer les amendements, sans parler de l’ensemble des changements institutionnels et relationnels que vous avez effectués et que vous continuez de viser.

Monsieur Calla, vous avez dit qu’il faut combler les lacunes en matière d’infrastructure, qu’il faut y réfléchir avec soin et que c’est l’un des aspects clés dont nous parlons ici. Je crois que vous avez dit que nous ne pouvons pas le faire avec les outils dont nous disposons actuellement ou quelque chose de ce genre, et que nous avons donc besoin de ces amendements et de ce nouvel institut. Monsieur Calla, pourriez-vous parler des limites des outils actuels, des contraintes qui existent, des avantages que ces amendements apporteront et de ce que vous envisagez, concrètement? Supposons que nous soyons cinq ans plus tard et que nous avons adopté le projet de loi. Pendant ces cinq ans, nous sommes passés des contraintes liées aux outils actuels à de nouveaux outils et à une trousse d’outils découlant de ces amendements. Quel est l’avantage, et que verrons-nous, concrètement?

M. H. Calla : Je pense que le plus grand défi auquel nous faisons face dans les collectivités autochtones, c’est que notre gouvernement fonctionne selon un régime par répartition. Peut‑être que certains Canadiens souhaitent que tous les ordres du gouvernement du Canada fonctionnent ainsi, mais ce n’est le cas d’aucun d’entre nous, et nous finançons tous. Nous allons tous sur les marchés financiers et nous contractons des dettes, et il y a une raison à cela. Combien de personnes payent leur maison au comptant? Est-ce que cela veut dire que l’on ne peut pas acheter une maison si l’on ne peut pas la payer comptant? Je pense que c’est le plus grand problème, il faut changer tout le modèle de financement. Le gouvernement fédéral doit prendre des engagements à long terme en ce qui concerne ce capital. Nous avons compris une chose, c’est que nous n’allons nulle part en tant qu’Autochtones et que le Canada ne va nulle part. Établissons une approche plus raisonnable qui reflète les principes modernes de la finance et du gouvernement. C’est la chose la plus importante.

La deuxième chose importante, c’est qu’il faut envisager un modèle d’approvisionnement complètement différent qui soutient les capacités, qui tient compte des partenariats publics‑privés et de la possibilité de mélanger le financement en capital avec d’autres ordres et d’autres fonds. Pour vous donner un exemple, dans ma nation, la nation Squamish, nous avions un grand projet d’infrastructure pour le logement, mais nous n’avons obtenu un financement que pour un quart, car c’était tout l’argent qu’on pouvait nous donner pour cet exercice. J’ai demandé, et si nous payions le reste et que vous nous donniez l’argent seulement quand il sera disponible? Nous ne pouvons pas faire cela. Cela nous a coûté 25 % de plus pour l’étaler sur six ans. Cela n’a aucun sens. Nous devons rester ouverts à ces types de concepts. Ce sera une autre étape importante, mais l’étape la plus importante est de travailler en collaboration avec les collectivités pour apporter une capacité technique que bon nombre d’entre elles ne peuvent pas avoir elles-mêmes. On ne peut simplement pas avoir 600 administrations différentes qui seraient toutes en mesure de répondre aux besoins. Il faut se regrouper et fournir un soutien institutionnel.

Selon moi, c’est ce qui se serait passé s’il n’y avait jamais eu de colonisation. Nous nous serions développés — en phase avec l’époque — et nous aurions établi des cadres institutionnels, ainsi que des traités et des relations de travail, entre nous, et tout cela nous aurait permis de jouer un rôle dans le monde tel qu’il est aujourd’hui. C’est à mon avis ce qui se passera avec l’infrastructure. Nous comblerons cet écart en faisant participer les marchés financiers de manière significative, en fournissant des sources de revenus pour les pouvoirs fiscaux et les autres dispositions en matière de revenu, et cela commence à se produire. Ressources naturelles Canada étudie le partage des recettes de l’exploitation des ressources, par exemple. L’augmentation de la table d’impôt est un autre exemple dont nous parlons.

Je pense que, avec ces trois choses, nous obtiendrons le type de changement systémique que nous cherchons. Il faudra compter 90 ans pour ce programme. Je suis allé à Attawapiskat, comme j’ai pu le dire. Ils boivent de l’eau en bouteille. J’ai acheté une caisse pour neuf dollars à Vancouver. Je suis allé à Attawapiskat et cette même caisse coûtait 48 $. Pourquoi ont-ils un conseil consultatif de l’eau potable? Parce que leur prise d’eau se trouve à 100 mètres de la décharge. Où sont l’ingénierie et la planification pour faire ce genre de choses? Tout le système doit changer, et c’est comme cela que nous y parviendrons.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup à tous d’être ici. J’ai trouvé tous vos commentaires instructifs, émouvants et très inspirants. J’apprécie tous vos commentaires. Je l’ai dit auparavant dans cette salle, mais j’apprends tellement chaque fois que je siège au comité, peu importe le sujet, et c’est certainement un privilège pour moi d’être ici.

Ma question sera pour les représentants de l’Institut des infrastructures des Premières Nations. Je suis curieuse de savoir dans quelle mesure les Premières Nations sont aujourd’hui habilitées à choisir et à diriger leurs propres entrepreneurs, quand il s’agit du développement des infrastructures, et si votre organisation pourra leur donner les moyens de le faire davantage? Ce projet de loi aura-t-il une influence sur cela?

M. Claxton : Je crois que oui. Notre objectif initial est d’y aller et... elles ont peut-être quelques projets d’infrastructure en cours. Nous voulons qu’elles soient prêtes à démarrer. Notre prochain objectif est de renforcer leur capacité, donc l’Institut des infrastructures des Premières Nations y sera, mais renforcer leur capacité et ensuite cela se passera ainsi. Elles doivent être en mesure de travailler en collaboration avec les entrepreneurs et choisir qui elles veulent pour réaliser leur infrastructure, et M. Calla est plus impliqué que moi dans ce dossier. J’avais l’habitude d’y aller en tant que chef et de parler aux politiciens et à la direction, puis je passais le relais à M. Jason Calla et à son équipe.

La sénatrice Sorensen : J’ai été mairesse, je vous comprends.

M. J. Calla : L’expérience de M. Claxton avec les titulaires de certificats de possession et avec les différentes localités est utile lorsque l’on parle aux communautés.

L’un des objectifs de l’IIPN est d’aider au chapitre des achats pour les projets également, qui serait défini dans le cadre des appels d’offres et de la passation des marchés. Je pense que, dans le système actuel de Services aux Autochtones Canada, on tend à se limiter à un seul modèle d’approvisionnement, l’approche concevoir puis construire. Nous proposons qu’il y ait plusieurs modèles. Ces modèles ont des avantages et des inconvénients, selon vos objectifs et votre projet, il s’agit donc d’aider la collectivité à travailler sur ces différents modèles et à trouver ce qui lui convient le mieux.

La sénatrice Greenwood : Ma question fait suite à celle que la sénatrice Sorensen vient de poser. Tout d’abord, merci de tout le travail que vous avez fait et du travail que les générations qui vous précèdent ont fait pour qu’on en soit arrivés là.

Je sais qu’il y a un peu moins de 300 Premières Nations qui ne font pas partie de ce groupe. Que se passe-t-il, pour elles? D’autres groupes peuvent avoir d’autres moyens de parvenir à l’autonomie gouvernementale. Je suppose que j’aurais dû poser cette question aux représentants du gouvernement. Le gouvernement continuera-t-il de soutenir ces moyens également pour les nations qui veulent parvenir d’une autre manière à l’autonomie gouvernementale?

Quelles options ou possibilités offrez-vous aux Premières Nations qui ne peuvent pas nécessairement faire partie de votre groupe, mais qui veulent parvenir à l’autonomie gouvernementale? Je pense que nous allons tous vers l’autonomie gouvernementale, mais cela peut être différent.

Je suis née et j’ai grandi sur le territoire visé par le Traité no 6, je viens donc d’un endroit visé par un traité, et je me demande quel effet aura cette loi sur les relations découlant des traités et sur les relations des nations avec le gouvernement. Je sais que c’est un peu long, mais j’y pense parce que tout le monde ne sera pas pareil.

M. H. Calla : J’ai travaillé avec de nombreuses collectivités des Premières Nations qui font partie du processus des traités ou qui ont des traités, et particulièrement les traités modernes. La question que vous avez posée est : que se passe-t-il le lendemain de la signature du traité? Vous vous êtes tellement concentrés sur la signature d’un traité. Vous n’avez pas la capacité administrative, et vous devez commencer à la bâtir. Nous sommes des outils pour ces groupes. Nous devons être considérés comme des outils, pour ces groupes de personnes, pour les aider.

Nous reconnaissons également le gouvernement. Ce que je veux dire, c’est que nous ne sommes pas toujours ici pour le critiquer. Le gouvernement a vraiment soutenu certaines des initiatives que le Conseil de gestion financière des Premières Nations a proposées, y compris fournir des services de soutien à de petites collectivités, particulièrement dans les régions éloignées, où nous nous occupons pour elles des fonctions administratives, de la même façon que l’IIPN le fera avec les infrastructures. Mais nous nous occupons de la comptabilité et de la production de rapports au moyen de la technologie. Quand j’étais à Attawapiskat, cela se passait sur Starlink. J’avais une connexion Internet aussi rapide à Attawapiskat qu’au centre-ville de Toronto. Le saut technologique est déjà fait, alors nous fournirons ce soutien aux Premières Nations.

Nous n’excluons personne. Nous parlerons à tout le monde, inscription à l’annexe ou pas, dans l’espoir d’amener les gens à envisager cette possibilité, parce qu’il n’y a pas d’obligation. La raison pour laquelle certains prennent autant de temps, c’est qu’ils veulent en faire partie, mais qu’ils veulent prendre le temps d’y arriver, et nous sommes ravis que cela se passe ainsi. Cependant, nous avons besoin de certains de ces amendements pour pouvoir nous occuper de l’autonomie gouvernementale et des Premières Nations signataires d’un traité. Certaines des choses que nous faisons permettront à certaines de ces collectivités d’envisager ces avenues, ce qu’elles ne pouvaient pas faire avant.

M. Jules : Une des choses extrêmement importantes également concernant le projet de loi, c’est qu’il y a une disposition de non-dérogation qui n’affecte pas les traités ou les ententes sur l’autonomie gouvernementale. L’une des raisons pour lesquelles nous voulons que le projet de loi soit élargi, c’est que nous voulons pouvoir fournir des services comme le fait la régie de la santé de la Colombie-Britannique, par exemple, de sorte que nous ne nous contenterons pas de construire un établissement de santé, mais 20. Ce sont les discussions que nous avons avec la Colombie-Britannique. Nous n’allons pas construire un réseau d’eau potable pour les Mi’kmaqs; nous allons en construire 25. Cela augmente la cadence à laquelle nous pouvons combler le déficit d’infrastructure de 300 millions de dollars. Nous allons essayer de faire notre part. Cela ne règle pas tous les problèmes, mais, sans un soutien institutionnel et sans les centres d’excellence, nous ne serons pas en mesure d’avoir les normes ou la formation nécessaire pour les personnes qui feront fonctionner ces installations 24 heures sur 24, sept jours sur sept et 365 jours par année.

Le sénateur D. Patterson : Le ministre Miller m’a invité à poser la question suivante à M. Jules : comment envisagez-vous le mandat de l’Institut des infrastructures des Premières Nations pour ce qui est de travailler en collaboration avec la Banque d’infrastructure du Canada et son volet autochtone?

M. Jules : D’abord, nous aidons à la création de notre propre infrastructure des Premières Nations et de notre administration financière; il s’agit donc d’une option disponible pour les Premières Nations, mais cela ne les empêche pas de travailler avec la Banque de l’infrastructure. Ce sera leur choix. Je pense que, étant donné le travail qui doit être fait, nous devons être en mesure de travailler avec toutes les institutions financières, et ce sera à l’échelon local des Premières Nations de faire ce choix.

Nous serons ouverts, espérons-le, après l’adoption du projet de loi. Nous voulons qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible pour que nous puissions nous mettre au travail et fournir des services directs aux Premières Nations.

Cela ne nous empêche pas de travailler avec toutes les institutions financières, mais nous notre priorité, c’est l’opération dirigée par M. Ernie Daniels, à savoir l’administration financière. Encore une fois, quand la Banque d’infrastructure du Canada envisage de mettre de côté environ 3 milliards de dollars, on doit être en mesure d’en tirer parti également.

De plus, je pense que, pour la première fois, nous allons pouvoir avoir de véritables partenariats publics-privés avec les Premières Nations pour construire des infrastructures dans nos collectivités. Le comble de l’ironie, et j’aime toujours le souligner, c’est que le seul partenariat public-privé a été conclu en Colombie-Britannique et visait à construire une prison provinciale. Nous voulons aller au-delà de la construction de prisons, monsieur le sénateur.

Le sénateur D. Patterson : Merci.

Le vice-président : Est-ce que d’autres sénatrices ou sénateurs voudraient poser une question?

M. Manny Jules voudrait faire une déclaration.

M. Jules : Je ne voulais pas laisser passer ce jour sans reconnaître les sacrifices qu’ont faits nos anciens combattants ce jour même, il y a de nombreuses années. Mon oncle a combattu en Afrique du Nord, a remonté la botte de l’Italie, est entré en France puis en Allemagne; il y a eu aussi les combats de nos anciens combattants pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, qui ont ouvert les discussions que nous avons aujourd’hui. Merci de cette occasion.

Le vice-président : C’est tout pour ce groupe de témoins, et nous finissons sur une belle note. Le groupe de témoins a été très convaincant et très utile pour le comité. Je tiens à remercier tous les témoins d’être venus et du bon travail qu’ils ont fait. J’espère que ce projet de loi sera rapidement adopté au Sénat, et en temps voulu.

Avant de lever la séance, j’aimerais prendre un moment pour rappeler à tout le monde que, demain, nous tiendrons notre événement annuel, Voix de jeunes leaders autochtones, et qu’il y aura deux séances pendant la journée, une à 11 h 30, et l’autre à 18 h 45, qui dureront deux heures chacune. En prévision, j’aimerais demander au comité s’il est d’accord pour autoriser la diffusion électronique et la couverture médiatique photographique de ces séances publiques le mercredi 7 juin 2023, en perturbant le moins possible les séances?

Des voix : D’accord.

Le vice-président : Merci.

Je remercie tout le monde, la séance est maintenant levée.

(La séance est levée.)

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