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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 21 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 16 h 34 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

Le sénateur David Arnot (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je tiens à commencer la réunion en soulignant que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés aujourd’hui font partie du territoire traditionnel ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe et qu’elles abritent maintenant de nombreux peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan. Je suis le vice-président du comité.

Je voudrais tout d’abord signaler que nous sommes dans une situation inhabituelle. On demandera aux sénateurs d’aller voter. Il y aura probablement une sonnerie de 30 minutes. Nous poursuivrons la réunion jusqu’à ce que nous ayons suffisamment de temps pour permettre aux sénateurs de voter et de revenir. Il est probable que la réunion soit interrompue. Cependant, nous continuerons, car nous sommes en mesure de siéger plus tard afin que chaque témoin puisse s’exprimer.

J’aimerais commencer la séance de ce soir en soulignant aux membres du comité et aux témoins que ce projet de loi, le projet de loi C-51, les questions qui seront posées et nos discussions de ce soir feront partie de l’histoire. Ils s’inscriront dans l’histoire. C’est vrai pour toutes les délibérations du Sénat, mais nous devons garder à l’esprit que la conclusion de traités et les traités conclus avec les Premières Nations constituent des événements extrêmement rares au Canada. La plupart des projets de loi que nous examinons n’ont pas, au moins, 140 ans d’histoire.

C’est pour moi un honneur d’avoir le privilège de présider la réunion de ce soir et de participer au processus par lequel la Première Nation dakota de Whitecap façonnera son avenir à sa manière.

Sur ce, je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Hartling : Sénatrice Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, du parc national Banff dans le territoire visé par le Traité no 7 en Alberta.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish dans le territoire Mi’kma’ki, en Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Greenwood : Margot Greenwood, de la Colombie-Britannique. Le territoire visé par le Traité no 6 est ma patrie.

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut, où nous avons réglé une importante revendication territoriale.

Le vice-président : Merci, sénateurs.

Nous commençons aujourd’hui notre étude sur le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

J’aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Nous accueillons ce soir des représentants de la Première Nation dakota de Whitecap : le chef, M. Darcy Bear; deux conseillers, soit MM. Dwayne Eagle et Frank Royal; le directeur de l’autonomie gouvernementale, M. Murray Long; et le conseiller juridique, Me Maxime Faille.

Je demande maintenant au chef Bear de faire sa déclaration préliminaire.

Darcy Bear, chef, Première Nation dakota de Whitecap : [mots prononcés dans une langue autochtone]

Je tiens à remercier le sénateur de présider cette réunion. Je remercie le Sénat de nous permettre d’être ici et de représenter notre Première Nation, Wapaha Ska Dakota Oyate, pour parler de cet important projet de loi.

Quand on regarde l’histoire — je crois que vous la connaissez très bien, sénateur Arnot —, la guerre de 1812 et la façon dont nos ancêtres ont combattu aux côtés des Britanniques et des Français, ils ont aidé à créer cette belle nation multiculturelle qu’est le Canada. Malheureusement, de nombreuses promesses ont été faites à notre peuple, mais aucune n’a été tenue.

Lors de la signature des traités en Saskatchewan, les traités nos 4 et 6, notre chef, le chef Wapaha Ska, également connu sous le nom de chef Whitecap, était présent, et il n’a pas été autorisé à conclure un traité, tandis que nos frères et sœurs, les Nakotas, ont été autorisés à adhérer à un traité.

Vous connaissez l’histoire, je le sais. Vous êtes un ancien commissaire aux traités de la Saskatchewan. Or, le parcours a été long et, en ce qui concerne l’autonomie gouvernementale, la Première Nation dakota de Whitecap a eu, au fil du temps, son propre code électoral, son propre code de gestion des terres des Premières Nations et son propre code d’appartenance. Nous avons déjà éliminé environ 35 % de la Loi sur les Indiens. Notre nation voulait conserver certains articles, comme les articles 87 et 91. Ils ont été conservés. C’était le souhait de notre peuple. Il y a eu nos votes initiaux pour la ratification de l’entente sur l’autonomie gouvernementale — c’était avant le traité d’autonomie gouvernementale —, 92 % des gens ont voté pour et 62 % se sont présentés pour voter.

Ensuite, lorsque nous avons envisagé de passer à un traité d’autonomie gouvernementale, nous avons parlé de la reconnaissance de la Première Nation dakota de Whitecap en tant que peuple autochtone du Canada. Bien entendu, le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale nous a été donné par le Créateur — et il s’agit de veiller à ce qu’il soit protégé par la Constitution.

Nous avons obtenu un vote unanime à cet égard. Bien entendu, mes conseillers sont également présents aujourd’hui, ainsi que M. Long. Je tiens à les remercier pour le travail qu’ils ont accompli. Je tiens également à remercier l’équipe de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada pour les négociations et le consentement unanime qui a été obtenu à la Chambre des communes.

Aujourd’hui, c’est la Journée nationale des peuples autochtones et j’espère que le projet de loi sera adopté aujourd’hui. C’est ce que nous souhaitons, sénateur. Voilà pour mes observations. Je vous remercie.

Le vice-président : Merci beaucoup. Est-ce que quelqu’un d’autre, les conseillers, M. Long ou le conseiller juridique souhaitent faire une déclaration?

Frank Royal, conseiller, Première Nation dakota de Whitecap : Merci, monsieur le président. Je suis heureux d’être ici et je me réjouis de participer à de bonnes discussions cet après-midi. Merci.

Le vice-président : Allez-y, monsieur Eagle.

Dwayne Eagle, conseiller, Première Nation dakota de Whitecap : Bonjour à tous ceux qui sont ici et à tous les gens à la maison. Je sais que beaucoup de gens nous regardent en ligne et j’aimerais les saluer également.

C’est important pour notre peuple. Je pense à ma mère, qui vient d’une Première Nation signataire d’un traité. Lorsqu’elle a épousé un membre de la Première nation dakota de Whitecap, elle a perdu tous ses droits conférés par traité. Ce serait bien qu’ils soient récupérés.

C’est très important pour tout le monde. Nous avons obtenu notre mandat, comme le chef l’a mentionné, avec un vote unanime. C’était une soirée incroyable, car c’est ce que notre peuple veut. Il nous a donné le mandat de faire de notre nation une Première Nation autonome, une Première Nation signataire d’un traité autonome. C’est incroyable. Nous allons marquer l’histoire aujourd’hui. Je ne vois personne nous empêcher d’y arriver. C’est quelque chose que toutes les Premières Nations du Canada devraient accomplir. Merci.

Le vice-président : Merci, monsieur Eagle.

Sur ce, nous allons passer directement à la discussion. C’est la sénatrice Sorensen qui commence.

La sénatrice Sorensen : Merci. C’est un privilège pour moi d’être ici pour participer à l’étude du projet de loi et à la réunion de ce soir.

En vertu de la Loi sur les Indiens, les communautés autochtones ont été privées du droit de gérer leurs propres affaires. Cependant, malgré cette situation, la Première Nation dakota de Whitecap fait preuve d’excellence sur le plan du développement économique, de la prestation de services et de la gestion des terres depuis longtemps.

Chef Bear, pourriez-vous nous expliquer quelles mesures la Première Nation dakota de Whitecap a prises au fil des ans pour accroître sa capacité d’assumer son autonomie? C’est une histoire fascinante. Je suis sûre qu’il vous sera difficile de répondre de façon concise, mais qu’est-ce qui a changé la donne?

Pardonnez mon ignorance, mais pourriez-vous préciser ce que sont les articles 87 et 91?

M. Bear : Pour Whitecap, cela a été tout un cheminement. Je tiens à saluer les gens de chez nous.

Je me souviens lorsque j’ai été élu pour la première fois que les membres m’avaient demandé de me présenter pour notre nation. C’était en 1991. Nous n’avions pas un sou dans notre compte bancaire. Nous avions des frais de découvert. Nous avions une pile de comptes à payer. Les politiques étaient peu nombreuses.

Pour commencer, nous avons dû nous redresser sur le plan financier. Il fallait évaluer notre déficit, créer un plan de gestion financière, demander une consolidation de dette auprès d’une institution financière et respecter le plan. Ensuite, il fallait garantir notre droit à l’économie. Toutes les nations devraient avoir droit à l’économie.

Nous sommes passés par ce processus. Nous avons d’abord construit des infrastructures. Nous avons bâti une nouvelle école et un nouveau centre de santé. Nous avons créé une petite entreprise, un magasin. Nous voulions comprendre comment la Loi sur les Indiens ralentissait nos affaires. Pour assurer le développement économique de notre région, avec le terrain de golf, par exemple, nous devons désigner les terres à cette fin en vertu de la Loi. Nous devons tenir un vote sur la cession de terres. Il faut une approbation ministérielle. C’est un long processus. On ne peut suivre le rythme des affaires.

C’est à ce moment-là que nous avons songé à d’autres options. Il y avait notamment l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations, un accord de nation à nation, de gouvernement à gouvernement. Il permettait à notre nation d’éliminer 25 % de la Loi sur les Indiens, de gérer ses terres et d’établir son propre code foncier. Toutes ces mesures ont dû être approuvées par nos membres; nous avons obtenu l’approbation de 87 % d’entre eux. Ces mesures ont tout changé. Nous avons pu évoluer au même rythme que l’économie.

Même lorsqu’on a tenté d’établir un casino à Saskatoon, il y a eu un plébiscite. Whitecap était le « plan B », parce que nous avions un code foncier en place. Nous pouvions procéder et signer un bail avec le Conseil tribal de Saskatoon pour la construction du casino. La Saskatchewan Indian Gaming Authority le gère pour nous.

À partir de là, nous avons construit l’hôtel et le centre des congrès. Nous travaillons à la construction d’une station thermale; nous allons offrir un centre de santé virtuel avec le Dr Ivar Mendez, un chef de file mondial en matière de soins de santé à distance. Il collabore avec nous également.

Ces emplois sont importants, parce que la Première Nation dakota de Whitecap est perçue à titre d’employeur régional. Nous avons 700 emplois dans la communauté. Chaque jour, 500 personnes viennent de Saskatoon pour travailler dans notre nation. Tout le monde en profite. Nous travaillons avec tout le monde.

Nous avons établi de nombreux partenariats avec le gouvernement provincial; c’est un autre élément important. Nous travaillons avec toutes les administrations voisines. Lorsqu’il a été question de construire une autoroute jusqu’à Whitecap, nous savions que la province n’allait pas accepter de la financer si elle permettait seulement de se rendre à un casino. Nous en avons discuté en conseil et avec mon équipe. Nous avons décidé de créer un corridor touristique de Saskatoon jusqu’au lac Diefenbaker. Nous avons ensuite obtenu l’appui de tout le monde — la Ville de Saskatoon, quatre municipalités rurales, deux villages et Whitecap —, et il était très difficile alors pour le gouvernement provincial de dire non. Il est très rare de voir les municipalités rurales, les villages, les Premières Nations et le plus grand centre urbain de la Saskatchewan collaborer à un projet.

La sénatrice Sorensen : Cela n’arrive que très rarement, voire jamais.

M. Bear : Nous avons géré trois des cinq phases pour la province.

Le vice-président : Je suis désolé de vous interrompre, chef Bear. Nous avons un problème technique. Nous allons devoir suspendre la séance, mais votre histoire est très intéressante. Je vais m’assurer que vous puissiez la raconter et que vous puissiez répondre à la question de la sénatrice. Nous allons suspendre la séance un instant.

Le vice-président : Sénateurs, messieurs les témoins, on nous dit que nous pouvons reprendre la séance. C’est ce que nous allons faire, parce que le temps presse.

Lorsque nous avons dû l’interrompre, le chef Bear répondait à la question de la sénatrice Sorensen. Je lui demanderais donc de poursuivre et de raconter son histoire à tous les sénateurs, afin qu’ils puissent bien évaluer le projet de loi.

Vous avez la parole, monsieur.

M. Bear : Nous parlions des droits des Autochtones et de l’économie, et de leur importance dans le cadre de l’édification de la nation. Il nous faut une économie et en tant qu’Autochtones, nous avons droit, comme tous les autres citoyens canadiens, à des possibilités d’emploi.

En ce qui a trait au retrait de la Loi sur les Indiens, je crois que j’allais parler de notre code foncier. Nous sommes passés par le processus de planification de l’utilisation des terres, le zonage, les normes de développement... tout ce que font les autres administrations. Bien sûr, les membres ont dû adopter cette loi, ce qu’ils ont fait.

Toutes les maisons de Whitecap ont une adresse parce que nous avons recensé tous les ménages, toutes les rues. En cas d’urgence, il n’est plus nécessaire d’expliquer comment se rendre à une maison. C’était très important pour les membres de notre communauté.

Nous avons aussi un régime d’impôt foncier. À l’origine, il fallait passer par un règlement de la Loi sur les Indiens, puis passer par l’Administration financière...

Murray Long, directeur de l’autonomie gouvernementale, Première Nation dakota de Whitecap : L’Administration financière des Premières Nations.

M. Bear : Oui. Nous avons ensuite créé une loi sur l’impôt foncier. La province ne s’y est pas opposée. J’ai constaté que dans le cadre d’autres ententes sur l’autonomie gouvernementale, le gouvernement provincial avait compétence sur les réserves en matière fiscale. Le gouvernement de la Saskatchewan a été d’une grande aide. Nous entretenons un bon partenariat avec lui.

Nous avons donc une loi sur l’impôt foncier. Nous réalisons nos évaluations et nous offrons un taux par mille concurrentiel afin d’inciter les entreprises à investir dans notre nation.

Si l’un de nos membres souhaite construire une maison, il peut obtenir un intérêt à bail de 99 ans. Vous avez parlé des parcs nationaux. Nous connaissons très bien...

La sénatrice Sorensen : C’est la même chose.

M. Bear : Il en va de même pour les entreprises : nous offrons des baux commerciaux de 49 ans, sans intérêt... les institutions financières. Comme les terres sont arpentées et enregistrées en bonne et due forme, les améliorations locatives sont reconnues et il est aussi possible d’obtenir un prêt hypothécaire.

C’est très important pour favoriser l’économie.

Ces changements ont aussi entraîné certains défis. La question de la population desservie n’a jamais été abordée. Les membres de la nation ne sont pas les seuls à vivre à Whitecap. Nos membres se marient à des Métis et à des non-Autochtones, et ces personnes sont toujours oubliées. Nous avons une clinique de soins de santé primaires provinciale. La province paie pour certains des services offerts, notamment pour l’ajout d’une infirmière praticienne. Les services offerts à la nation sont donc améliorés, mais on reconnaît également que les non-Autochtones qui vivent sur nos terres et vivent dans la nation font partie de notre communauté. C’est très important.

Nous avons aussi établi un centre de services à la petite enfance. Nous avons à cœur l’éducation, l’apprentissage de la lecture et l’alphabétisation, dès le jeune âge. Nous favorisons la persévérance. Les élèves restent à l’école et terminent leur parcours scolaire. Nous avons construit un nouveau centre de services à la petite enfance de 56 places. C’était la première fois de l’histoire que la province investissait dans un tel centre sur une réserve. Nous avons eu recours aux règlements provinciaux sur les services de garde d’enfants afin que la province puisse investir dans les immobilisations et dans l’exploitation du centre. C’est aussi très important parce que nous voulons non seulement nous assurer que nos familles aient des possibilités d’emploi, mais aussi que les services de garde d’enfants soient de grande qualité. Le gouvernement fédéral parle des garderies à 10 $; nous offrons déjà ce service à Whitecap.

La sénatrice Sorensen : C’est incroyable.

M. Bear : Grâce à nos propres revenus, nous réinvestissons de l’argent dans le centre de services à la petite enfance et nous nous assurons que les membres de notre communauté ayant un emploi disposent d’une place en garderie pour leurs enfants. C’est plus qu’une simple garderie; c’est une question de langue et de culture. Nous y attachons une très grande importance.

En ce qui concerne notre système d’éducation, nous travaillons en partenariat avec la Ville de Saskatoon. Il lui a fallu 125 ans pour reconnaître enfin le chef Whitecap comme l’un des pères fondateurs de la ville, si bien qu’on trouve maintenant une statue du chef Whitecap et de John Lake dans le centre-ville de Saskatoon. La municipalité avait déjà reconnu le rôle de John Lake, mais elle n’avait jamais reconnu la contribution du chef Whitecap au choix de l’emplacement actuel de la ville de Saskatoon. Aujourd’hui, une statue deux fois grandeur nature se dresse au centre-ville de Saskatoon.

Quel prince était venu nous rendre visite? Le prince Edward?

M. Long : Oui, le prince Edward.

M. Bear : C’était en 2012, à l’occasion du bicentenaire de la guerre de 1812. Nous avons donc créé un monument dans le centre-ville de Saskatoon.

Je me souviens d’être venu à Ottawa et d’avoir parlé de ce bicentenaire. On nous a demandé pourquoi nous organisions un bicentenaire à Saskatoon, sachant que toutes les batailles s’étaient déroulées dans l’est du Canada. Nous avons répondu que nous étions bien conscients de ce fait, mais que nos ancêtres, les Dakotas, étaient originaires de l’est du Canada, et qu’ils s’étaient battus aux côtés des Français et des Britanniques, contribuant ainsi à l’édification de notre pays. Nous avons érigé un monument dans le centre-ville de Saskatoon et raconté l’histoire de nos ancêtres et de leur rôle dans la création de cette belle nation multiculturelle qu’est le Canada.

J’étais à Kelowna et j’ai reçu un appel du Conseil privé. On m’a dit que le prince Edward allait venir à Saskatoon. Nous avons donc accéléré le processus de construction du monument, qui a été dévoilé au centre-ville. Je me souviens que le prince Edward a clairement reconnu que la région de Saskatoon était la terre des Dakotas. Il a été très clair à ce sujet.

Beaucoup d’efforts sont déployés pour le renforcement communautaire, mais il faut aussi, je dirais, faire en sorte que nos membres soient bien informés et qu’ils donnent un mandat aux dirigeants. Nous ne nous contentons pas de prendre des mesures. Nous veillons toujours à parler avec nos membres et nos aînés.

Nous organisons d’ailleurs des repas mensuels avec les aînés. Pendant la COVID, nous avons dû acheter des iPad à nos aînés pour qu’ils puissent communiquer avec leurs petits-enfants et participer à des réunions Zoom, et nous leur avons distribué des repas. Il est très important pour nous de toujours consulter notre peuple — nos aînés et nos jeunes —, et nous allons même nous asseoir avec les enfants de la maternelle. Je me souviens d’une fois où nous étions là et où ils nous parlaient de leur terrain de jeu. J’ai dit aux conseillers qu’il fallait en construire un nouveau. Cela nous coûtera probablement environ 100 000 $. Il est important de s’adresser même aux plus jeunes et de s’impliquer dans les écoles. D’ailleurs, nous étions récemment à l’école pour discuter avec les enfants.

Toutes ces choses sont très importantes pour bâtir une communauté. Nous avons des routes pavées et des lampadaires publics. Toutes nos maisons sont désormais conformes aux normes du Code national du bâtiment, mais il reste d’autres besoins à combler. Nous avons encore une liste d’attente pour les logements, comme c’est le cas pour toutes les Premières Nations du pays. Il y a une liste d’attente pour obtenir une maison. Nous avons le même problème à l’heure actuelle. Même dans le cas des infrastructures, on parle toujours de combler les lacunes.

Le vice-président : Merci, chef Bear, et merci à vous, sénatrice Sorensen.

La sénatrice Sorensen : Félicitations pour tout ce que vous avez accompli. J’ai beaucoup de respect pour le leadership dont vous et votre conseil avez fait preuve dans vos démarches pour faire avancer ce dossier avec tant de brio.

M. Bear : Je vous remercie.

Le vice-président : Je veux m’assurer que tous les sénateurs auront la possibilité de poser des questions. C’est maintenant au tour du sénateur Patterson. Je tiens d’abord à saluer le sénateur Cotter, qui parraine le projet de loi au Sénat. Il est ici pour poser quelques questions, lui aussi.

Le sénateur D. Patterson : Merci. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue parmi nous à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones. Notre réunion d’aujourd’hui tombe à point nommé. Je siège au comité depuis maintenant 14 ans. Je crois d’ailleurs que j’en suis le doyen.

La sénatrice Coyle : Nous le concédons.

Le sénateur D. Patterson : Oui, je n’ai pas encore jeté l’éponge. Cela fait longtemps que nous étudions, pour en faire rapport, des projets de loi visant à mettre en œuvre des traités modernes. C’est l’un des moments forts de notre travail. Je tiens à vous assurer que nous avons toujours été d’avis qu’après de longues années de négociations et la ratification sans équivoque par vos membres, ce traité devait être respecté.

Il est rare que nous ayons la permission de siéger en même temps que le Sénat, comme c’est le cas aujourd’hui. Je suis persuadé que nous parviendrons à faire adopter le projet de loi avant l’ajournement pour l’été, grâce à la bonne volonté de tous les partis au Sénat. Il se peut que le Sénat s’ajourne dès demain, ce qui nécessitera une certaine gymnastique procédurale et quelques assouplissements des règles ici et là pour y parvenir, mais je tiens à vous assurer qu’il y a beaucoup de bonne volonté en votre faveur.

J’aimerais vous poser une question. Vous avez parlé des progrès considérables que vous avez accomplis pour le développement de votre économie. Votre traité contient des dispositions relatives aux arrangements fiscaux. En vertu de l’article 25, les parties travailleront ensemble pour accéder à des ressources financières suffisantes afin de répondre aux besoins en matière de dépenses dans le cadre de cet accord au fur et à mesure qu’ils évolueront dans le temps.

Je me demande si vous pouvez nous en parler un peu plus. Des arrangements fiscaux ont-ils déjà été négociés? Où en sont les choses? Comment ces arrangements garantiront-ils que vous disposerez de ressources suffisantes pour mettre en œuvre ce nouvel accord?

M. Bear : Tout d’abord, sénateur Patterson, je tiens à vous féliciter pour votre cravate aux motifs d’ours.

Le sénateur D. Patterson : Les ours sont de bon augure, n’est-ce pas? Je vous remercie.

M. Bear : C’est une superbe cravate. En ce qui concerne les arrangements fiscaux, les négociations sont en cours, pour autant que je sache. La date d’entrée en vigueur est censée être le 1er septembre, mais je dirais qu’il y a encore un manque de ressources, à mon avis, pour ce qui est des fonds consacrés à la langue et à la culture. Il n’y a pas vraiment de discussion sur l’aspect économique des choses.

Le Programme pour la préparation des collectivités aux possibilités économiques est assorti d’un plafond. C’est censé représenter 25 % d’un projet de développement économique, mais le montant est soumis à un plafond. Le financement était plafonné à 3 millions de dollars, mais c’est encore pire aujourd’hui. Je pense qu’on l’a ramené à 1 million de dollars. Voilà les défis. Si l’on compare l’économie et les droits des Autochtones à ceux des entreprises non autochtones, on constate que ces dernières ont été avantagées par rapport à nous. Certaines entreprises ont plus de 100, 150, 200 ans. Si vous regardez les sociétés de développement autochtones, comme la Whitecap Development Corporation, elles sont toutes de la première génération. Elles ont toutes entre 25 et 30 ans.

Ce sont là quelques-uns des défis à relever. Par ailleurs, les lacunes en matière d’infrastructures sont toujours présentes, et il faut veiller à ce que nos nations disposent des ressources nécessaires pour investir dans nos communautés et combler ces lacunes. Il y a lieu d’améliorer les accords, mais pour l’instant, nous avons mené à bien les négociations. Monsieur Long, voulez-vous dire quelques mots?

M. Long : Merci, chef.

Oui, il y a lieu d’améliorer les arrangements fiscaux. Nous y sommes presque. En tant que Première Nation autonome, nous avons maintenant la possibilité de participer à ce qu’on appelle le processus de collaboration financière, c’est-à-dire que les 26 Premières Nations s’assoient autour de la table avec le gouvernement fédéral et négocient en tant que partenaires égaux pour déterminer les besoins en matière de dépenses dans différents domaines. Nous avons constaté des progrès dans le domaine de base — la gouvernance, le coût de la gouvernance et le fait que c’est comparable à ce qui se fait dans les territoires, les provinces et les collectivités. Il y a maintenant des projets en matière de culture, de langue et d’infrastructures, mais il y a aussi d’autres domaines où rien n’a encore été fait, comme celui du développement économique. C’est un travail qui suit son cours, mais les choses avancent, et c’est un aspect que le comité pourrait examiner à l’avenir afin d’en savoir plus.

Le sénateur D. Patterson : Tenez-nous au courant. Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos témoins d’avoir parcouru tout ce chemin pour être des nôtres aujourd’hui. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants, et il est aussi formidable de savoir que votre communauté est présente en ligne, par solidarité avec vous, et je tiens à la remercier d’être là.

Il est important que vous sachiez — et je crois que c’est l’impression que vous avez eue de mes collègues — que nous sommes ici pour vous écouter et vous appuyer. Nous ne sommes absolument pas là pour poser des obstacles. Vous en avez assez rencontré au fil des ans, n’est-ce pas? Pourtant, malgré tous ces obstacles, c’est une sacrée histoire que vous êtes venus nous raconter sur ce que vous avez déjà réussi à accomplir, même sans le projet de loi que nous étudions actuellement.

Dans votre réponse à la sénatrice Sorensen, vous avez essentiellement répondu à la majorité des questions que j’avais pour vous, mais vous avez parlé de l’économie et des efforts que vous investissez là-dedans, de l’infrastructure sociale et physique, de l’importance des entreprises, des emplois, de l’impôt foncier, et cetera. Vous faites toutes sortes de choses magnifiques dans votre communauté. Je me demande simplement si vous pouvez nous dire s’il y aura de grandes différences pour vous et votre communauté une fois ce projet de loi adopté et en vigueur? Y a-t-il quoi que ce soit que vous ne nous avez pas encore dit, que vous aimeriez nous communiquer et sur quoi nous n’avons pas posé de questions, mais que vous voulez aborder maintenant, par exemple : « D’accord, voici pourquoi nous voulons vraiment que vous adoptiez ce projet de loi... »

M. Bear : Je crois que la partie la plus importante de ce projet de loi, maintenant que c’est un traité sur l’autonomie gouvernementale, est la reconnaissance de nos ancêtres, de mes membres aujourd’hui et des générations futures à titre de peuples autochtones du Canada, et que cela n’aurait jamais dû nous être enlevé.

La sénatrice Coyle : Donc, l’identité?

M. Bear : L’identité est majeure, mais aussi le fait que nous allons gouverner.

Nous avons pris des dispositions avec la province à propos du fait que, actuellement, partout au pays, les Premières Nations... La GRC n’appliquera aucun de nos règlements ni la moindre des lois de notre gouvernement autonome parce que personne ne va entendre les poursuites. Donc, en Saskatchewan, nous avons réussi à négocier une entente avec la province, qui a modifié sa mesure législative, soit la Summary Offences Procedures Act, ce qui veut dire que nos lois seront aussi reconnues. Il est important que nos lois soient reconnues parce que notre nation accueille plus d’un million de touristes, dont certains ne seront pas issus des Premières Nations, tandis que d’autres le seront. Nous devons donc veiller à pouvoir appliquer ces lois et à faire entendre les poursuites connexes. C’est un autre point : c’est une première canadienne, à savoir un gouvernement provincial qui travaille vraiment avec une nation pour assurer l’application de ses lois et l’entente des poursuites connexes.

Nous avons toujours dit : « Si nous adoptons l’autonomie gouvernementale, pourquoi voudrions-nous des lois sans conséquence? » Nous devons veiller à ce que nos lois soient appliquées et à ce que les poursuites connexes soient entendues.

Nous avons aussi les agents de sécurité communautaire, aussi appelés les ASC. Nous en avons deux dans le cadre d’une entente communautaire tripartite. Nous avons deux agents de la GRC qui vivent au sein de la nation, mais nous avons maintenant cinq agents de sécurité communautaire en plus, la sécurité communautaire étant très importante pour nos aînés. Nous avons donc ce projet pilote actuellement en cours de pair avec les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan. Comme je l’ai dit, en plus de nous donner cinq agents de sécurité communautaire, la loi de la Saskatchewan a été modifiée pour veiller à ce que nos lois soient appliquées et que les poursuites connexes soient entendues. Encore là, ce sont nos aînés qui ont mené cette requête en matière de sécurité communautaire. Donc, nous avons aujourd’hui des ASC qui circulent en véhicule.

Avec l’autonomie gouvernementale qui s’en vient, le 1er septembre, nous pouvons maintenant établir n’importe quelle loi et elle sera appliquée.

La sénatrice Coyle : C’est important. Merci.

Le vice-président : Merci.

Le sénateur Cotter : Merci au chef, aux conseillers et à M. Long d’être des nôtres.

Je suis naturellement en faveur de ce projet de loi; quand je consulte le document du traité, c’est un peu comme la concrétisation d’un rêve. M. Long sait à quel point nous avons peiné de toutes sortes de façons il y a des années de cela, sans arriver à quoi que ce soit se rapprochant de la plénitude de ce texte. Donc, félicitations à vous et au gouvernement du Canada.

Je n’ai pas de questions précises là-dessus, mais je vous invite à nous parler un peu plus des agents de sécurité communautaire et du lien constructif avec la province. Mais permettez-moi d’en venir à ma question : vous avez réussi de façon assez remarquable à sortir votre nation d’un ensemble de circonstances très difficiles pour lui faire connaître une certaine prospérité, autonomie et discipline, ce genre de choses, et ma question vise à savoir si cela ou quelque chose de semblable peut être assez facilement reproduit par d’autres nations? Sinon, doivent-elles avoir atteint un stade comparable au vôtre, où vous faites preuve d’avant-gardisme et d’imagination quant à la façon d’assurer la gouvernance de votre nation? Ce pourrait même être une question pour le ministre, mais à quel point est-ce facilement reproductible de sorte à voir ce genre de progrès, pas uniquement dans les nations des Dakota, mais dans les centaines de Premières Nations partout au pays?

M. Bear : L’intérêt est très grand, selon moi. Nous avons reçu des appels d’autres Premières Nations au pays qui ont pris connaissance du traité sur l’autonomie gouvernementale. Elles trouvent que c’est la voie à suivre. Je sais que la bande Muskeg Lake, en Saskatchewan, a maintenant lancé une table ici, à Ottawa, et il me semble que vous étiez là, messieurs Eagle et Royal, à la réunion où le Conseil tribal de Saskatoon... Tout le monde souhaite vraiment procéder avec un traité semblable. L’autre partie de cela, ce serait pour le Conseil tribal de Saskatoon — nos sept Premières Nations ont des codes fonciers, et le projet pilote avec les agents de sécurité communautaire est un projet pilote avec la Première Nation de Whitecap et la Première Nation de Muskoday, en Saskatchewan; toutes nos nations au sein du Conseil tribal de Saskatoon souhaitent avoir elles aussi des agents de sécurité communautaire. Avec toute la formation qu’ils reçoivent, ils assument environ 80 % des responsabilités d’un agent de la GRC.

Le sénateur Cotter : Décrivez cela un peu plus à la sénatrice Coyle, parce que vous parliez des agents de sécurité communautaire; dites-lui d’où ils viennent, qui gère cela et quelle est la part provinciale dans l’équation.

M. Bear : Toute la formation est assurée par la province, puis les agents doivent obtenir leur certification. Ils ne peuvent pas porter des armes à feu ou toute autre arme; c’est entièrement une question de maintenir la paix, donc c’est leur rôle dans la communauté. Ce qui est positif, c’est que la communauté peut établir les questions de sécurité dans notre nation, et c’est très important, car très souvent avec la GRC, malheureusement... Je ne veux absolument pas casser du sucre sur le dos de la GRC, mais très souvent, ce sont des agents régionaux et les ressources humaines sont limitées compte tenu de la grande région à couvrir, donc ils ne sont pas toujours disponibles au sein de la nation. Chaque matin, les agents de sécurité communautaire nous font un rapport par courriel pour nous dire ce qui se passe dans la nation. C’est très important.

Pour ce qui est du processus avec les autres Premières Nations, nous espérons qu’il ne s’agit là que d’un projet pilote et qu’il sera étendu à d’autres Premières Nations partout au pays et que, espérons-le, d’autres provinces seront prêtes à étudier ce que la Saskatchewan a fait par rapport à l’application des lois locales des Premières Nations et aux poursuites connexes.

Le sénateur Cotter : Votre nation, par exemple, a un leadership stable depuis un bon bout de temps, et vous êtes des représentants manifestes de cela, mais dans le cas du Code foncier, il y a des prérequis pour vraiment aller de l’avant dans ce domaine. Vous savez desquels il s’agit. Le gouvernement du Canada sait desquels il s’agit. Ils pourraient servir de guide pour les autres; si vous voulez passer à cette étape, est-ce la plateforme que vous devez créer en premier?

M. Bear : Dès que la Première Nation dakota de Whitecap a emprunté cette voie et élaboré son code foncier, elle a été disposée à en faire part à d’autres Premières Nations. Il est aussi possible d’établir un code foncier très restrictif, qui serait pire que la Loi sur les Indiens. Il faut prendre garde aux lois que l’on met en place. Il faut être en mesure de s’adapter à la vitesse des activités commerciales. Il faut veiller à ce que les lois que l’on met en place permettent cette souplesse.

Le sénateur Cotter : Cela a dû être frustrant que l’entrave au développement que constitue la Loi sur les Indiens vous oblige à être plus créatifs que doivent l’être normalement les entreprises de Saskatoon ou d’ailleurs pour réussir sur le plan économique. Il s’agit surtout d’un commentaire. Il est bon de voir ces difficultés se dissiper pour que vous gagniez en autonomie afin d’optimiser intelligemment l’utilisation de vos terres.

M. Bear : Il nous a fallu expliquer au monde des affaires que, dans la ville de Saskatoon, à l’Université de la Saskatchewan et à Preston Crossing, toutes les entreprises se trouvent sur des terres à bail, car l’Université de la Saskatchewan ne peut renoncer à la propriété des terres. Quand on l’explique de cette façon aux entreprises, on voit que la situation est comparable. Il faut ensuite veiller à ce qu’elles comprennent qu’il y a aussi les infrastructures. Et pour investir dans les infrastructures, il faut prélever des droits de développement, comme sur d’autres territoires qui prélèvent des droits de développement si un nouveau secteur de leur territoire ou de leur municipalité accueille une nouvelle construction. Les entreprises versent des droits pour payer ces infrastructures en partie, alors il faut s’assurer d’avoir, nous aussi, ces mesures en place.

Tous ces mécanismes sont en place. Ils ont mené aux réussites modestes que nous connaissons aujourd’hui. Nous avons réussi cela sans être signataires d’un traité et sans avoir la même assise territoriale. Voilà l’autre grand problème. Nos frères et sœurs visés par un traité ont 128 acres par personne. Or, les Dakotas n’ont reçu que 16 acres par personne. Il s’agit d’une grande différence dans la quantité de terres.

Une partie de ce traité d’autonomie gouvernementale concerne un futur traité de réconciliation qui aborderait cette question dans l’avenir.

Le sénateur Cotter : Vous avez obtenu un timbre-poste d’un timbre-poste. Merci.

La sénatrice Hartling : Je remercie nos invités et le chef Bear. Voilà une journée palpitante, particulièrement à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones. En tant que membre du comité, je suis très fière d’être ici avec vous aujourd’hui.

Je vous félicite. Les gens chez vous attendent probablement votre retour avec impatience. Avez-vous prévu des cérémonies ou des célébrations? Qu’allez-vous faire après l’adoption du projet de loi?

M. Bear : Nous allons certainement organiser une célébration avec les gens de notre collectivité. Il faut d’abord terminer notre travail. J’espère que vous adopterez le projet de loi pour nous demain et que nous pourrons rapporter cette bonne nouvelle aux gens de chez nous. Ce serait fantastique, particulièrement en ce mois de juin et en cette Journée nationale des peuples autochtones. Nous allons certainement travailler sur une célébration et une cérémonie avec notre communauté.

La sénatrice Hartling : Bravo. Il nous tarde de voir la suite des choses. Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci. Je suis navrée pour mon retard. Il est intéressant d’être à la chambre en ce moment. Il se passe beaucoup de choses.

Je vous remercie, chef Bear, pour votre présence. Je sais que vous n’étiez pas à la Chambre des communes. Vous avez bonne mine, maintenant. Je sais que le déplacement a été ardu.

Le projet de loi est monumental à bien des égards. Je veux d’abord vous parler de la reconnaissance que vous obtenez enfin comme peuple autochtone du Canada, tout en vous éloignant de grandes parties de la Loi sur les Indiens.

Ma première question concerne les négociations avec le gouvernement fédéral et le processus que vous avez entamé pour faire reconnaître votre nation. Voilà un aspect marquant à mes yeux. Ce n’était que le préambule. Ce n’était même pas la meilleure partie du projet de loi.

M. Bear : Après que notre collectivité a ratifié le vote du 7 octobre, à 92 % en faveur, le conseil et moi sommes venus rencontrer le ministre Marc Miller le 17 octobre. Je lui ai rappelé qu’en 2018, la ministre Bennett était venue en Saskatchewan et avait signé un protocole d’entente relatif à la création d’un traité sur la nation dakota de Whitecap, qui reconnaît enfin le rôle de nos ancêtres dans l’évolution du pays.

Il faut aussi être conscient du fait que de nombreuses Premières Nations ont un territoire qui chevauche la frontière. Après la guerre de 1812, le Traité de Gand a été établi; le 49e parallèle a été créé en 1818. Cette reconnaissance comme peuple autochtone du Canada est vraiment importante pour notre nation et pour les personnes qui la composent. Comme je l’ai dit, à l’origine, on n’aurait jamais dû nous priver de cette reconnaissance. Nous avions des terres des deux côtés de la frontière. Une carte ayant servi dans une cause de la Cour suprême, la carte d’Arrowsmith, montre des territoires occupés par les Dakotas des deux côtés de la frontière. Malheureusement, cette carte n’a jamais été reconnue.

Nous avons grandi à Whitecap, dans la région de Saskatoon. Très souvent, on nous a traités comme une Première Nation de deuxième ordre, une Première Nation moins valable parce que nous n’avions pas de traité. Mais si nous n’avions pas aidé le Canada à devenir un pays, le pays n’aurait pu signer aucun traité. Il est très important de s’en souvenir. Le Canada est né en 1867, n’est-ce pas? La guerre de 1812 a eu lieu avant. Nous avons aidé le Canada à devenir un pays, mais nous en avons été exclus.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Sauf des politiques rétrogrades, auxquelles on a semblé vous soumettre...

Je suis au bureau du représentant du gouvernement depuis trois ans. Je n’avais jamais vu des sénateurs se disputer le parrainage d’un projet de loi auparavant. Il s’agit d’une première, pour nous. Il y a presque eu un bras de fer pour décider qui parrainerait le projet de loi, parce qu’il est extrêmement important et que tous veulent en être le parrain. Ce n’est pas le cas pour d’autres projets de loi, mais celui-ci, oui, certainement.

Le sénateur R. Black : J’ai perdu.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Non, vous avez gagné. Ce pourrait aussi être cela. Je ne sais pas. J’aurais tiré au poignet pour le parrainer. C’est un bon projet de loi.

Je trouve frappante votre manière de mettre en application les enseignements liés aux relations. Dans la tradition crie, nous avons de très nombreux enseignements sur la façon dont il faut se comporter dans une relation. Vous avez réussi à percer le secret des relations provinciales. Quelle a été votre stratégie pour bâtir vos liens avec la province, qui a permis d’obtenir des réussites aussi franches dans votre partenariat avec elle?

M. Bear : Le mot « Dakota » signifie « allié ». Nous avons beaucoup parlé de l’époque où notre nation n’avait pas de ressources, de notre manière de collaborer avec tous dans la région — les villes et les villages. Il n’importe pas de savoir qui est au pouvoir à l’échelle provinciale ou fédérale; il nous faut travailler tous ensemble. C’est la seule manière de faire progresser notre nation et d’offrir des possibilités à notre peuple.

Par exemple, avant que Brad Wall devienne premier ministre, il nous rendait visite, et nous avions des pourparlers. Nous sommes devenus de très bons amis. Il demeure un ami aujourd’hui. Je crois qu’il a fait quelques appels pour nous auprès de l’opposition. Et monsieur le sénateur Cotter, vous êtes le parrain. Vous avez gagné le tir au poignet, c’est évident.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Une joute très difficile. Merci beaucoup. C’est un honneur d’être ici. Je vous félicite pour tout le travail que vous avez accompli.

M. Bear : J’ajoute un dernier commentaire sur la province et le premier ministre Scott Moe. Don Morgan est venu dans notre circonscription, une fois, et il ne remportait jamais la circonscription de Whitecap. Il voulait que je fasse du porte-à-porte avec lui. Il m’a présenté comme son frère d’une autre mère et a fini par l’emporter. Les gens chez nous connaissent cette histoire, parce que nous frappions à leur porte.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Il est vrai que toute bonne chose vient des liens que l’on crée. Vous en êtes un exemple. Il est beau de le voir. Merci.

Le vice-président : Chef Bear, je pose une question qui a été soulevée au Sénat hier. Elle concerne l’appartenance.

Je constate dans le traité et dans le projet de loi que vous avez la capacité de décider qui appartient à votre nation plutôt que de vous fier à la Loi sur les Indiens. Aimeriez-vous faire un commentaire à ce sujet? Le conseiller Eagle a évoqué un enjeu important à ce propos. Sa mère a perdu son statut de membre des Premières Nations. Y a-t-il quoi que ce soit que vous voulez dire à ce sujet, en l’absence de la sénatrice Audette, qui a posé cette question? Vos propos pourraient être utiles.

M. Bear : Le seul aspect regrettable est que, bien que nous ayons le pouvoir d’établir notre code d’appartenance, nous sommes tout de même régis par les articles 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens. Nous pouvons décider qui appartient à notre nation, mais il nous faut tout de même passer par le processus prévu aux articles 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens.

Je vous donne un exemple. L’arrière-petite-fille du sénateur Littlecrow a perdu le statut. Elle ne fait plus partie d’une Première Nation. Comment cela est-il possible? Si nous sommes censés décider qui appartient à notre nation, nous devrions pouvoir décider qui sont les personnes qui en font partie. Comment une personne comme l’arrière-petite-fille du sénateur Littlecrow peut-elle perdre le statut?

Voici comment le système fonctionne. Un membre d’une Première Nation au titre de l’article 6(1) peut transmettre son statut. Cependant, si cette personne entre en union avec une personne non autochtone, l’enfant de cette union a un statut au titre de l’article 6(2). Toutefois, si cet enfant entre en union avec une personne non autochtone, l’enfant suivant aura le statut. Cette situation doit être redressée.

Il faut aussi s’occuper de la population desservie. Qui vit sur notre territoire? Qui réside à Whitecap? Ces personnes ne devraient pas être exclues des formules de financement. Elles doivent être prises en compte, parce que nous leur fournissons des services. Elles vivent dans notre collectivité. Comme l’a affirmé plus tôt le conseiller Eagle, avant 1985 et le projet de loi C-31, les femmes obtenaient automatiquement le statut dans notre nation. Feu ma tante Catherine venait de Caswell. Ma tante Annie Cook était originaire de la bande indienne de Lac La Ronge. Or, parce qu’elles sont devenues membres de notre communauté à Whitecap, elles ne font plus partie d’une Première Nation visée par un traité. Cela a des répercussions sur leurs enfants. Ils ne sont pas visés par un traité; leurs petits-enfants non plus.

J’espère que certains de ces éléments relatifs aux répercussions des articles 6(1) et 6(2) pourront être résolus dans l’avenir.

Le vice-président : Vous dites donc que ces injustices restent à corriger.

Le sénateur Dalphond : Merci. Je suis ici pour la sénatrice Audette. La question qu’elle voulait que je pose vient d’être posée par le vice-président.

D’abord, je vous remercie pour votre présence et vous félicite pour ces négociations fructueuses, qui ont démarré en 2009. Nous sommes aujourd’hui en 2023 et le processus est presque terminé, mais il manque toujours la sanction royale. Je vous félicite pour votre travail acharné et votre persévérance.

Mes questions donnent suite à celles du sénateur Arnot. J’aimerais savoir comment vous percevez les liens avec les dispositions de la Loi sur les Indiens qui demeurent applicables, comme l’article 6(2). Vous l’avez dit: l’article 6(1) est problématique, alors il devra être corrigé par un amendement à la Loi sur les Indiens. Voici ma question. Qu’en est-il de la question de la propriété? Je constate que vous avez le droit d’édicter des lois relatives au territoire de la réserve, mais celui-ci reste assujetti à la Loi sur les Indiens et aux restrictions prévues aux articles 87 et 89 de la Loi, à moins que vous exerciez votre pouvoir. À votre avis, cela vous empêchera-t-il d’élaborer un modèle unique?

M. Bear : Non. Ces articles ont été conservés par décision de la communauté. Les gens chez nous voulaient s’assurer que les terres de la réserve demeureraient des terres de réserve. Ils voulaient préserver les exemptions d’impôt sur le revenu.

Ces dispositions pourraient aussi être modifiées à l’avenir. L’article 87 pourrait rester en vigueur pour les personnes vivant sur des terres de Premières Nations qui ne paient pas d’impôt sur le revenu provincial ou fédéral. Je pense que c’est une mesure juste, si l’on tient compte de la richesse intergénérationnelle et du fait que les peuples des Premières Nations n’ont pas eu la possibilité de constituer un patrimoine immobilier pour le transmettre de génération en génération. Or, les personnes non autochtones ont été en mesure de le faire.

Les exemptions d’impôt sur le revenu doivent demeurer en vigueur pour nous permettre un rattrapage. Nous n’y sommes pas encore. Même nos entreprises sont de première génération.

Le sénateur Dalphond : Vous ne pensez pas que cela vous empêcherait d’élaborer votre propre concept?

M. Bear : Non, cela ne va pas nous en empêcher, mais il serait bien d’apporter une modification à la loi pour que nous ne soyons pas obligés d’être assujettis à la Loi sur les Indiens pour bénéficier de l’exonération fiscale dans les réserves.

Le vice-président : Nous allons devoir suspendre nos travaux dans quelques minutes afin que les sénateurs puissent se rendre à la Chambre pour voter.

Le sénateur Cotter : Je n’ai pas vraiment de question à poser. Je veux simplement dire que j’ai observé la discipline et le sens des responsabilités dont vous faites preuve à la tête de votre Première Nation, et je vois une analogie dans la question que vous a posée la sénatrice Hartling. Elle vous a demandé si vous aviez prévu une grande célébration. Si j’ai bien compris, chef, vous avez dit que le moment viendrait, mais que pour l’instant, vous aviez du travail à faire.

J’ai fréquenté le terrain de golf de Dakota Dunes. Voici ce que j’ai à dire — et je ne vous dirai pas à quel point mon jeu est mauvais. La Première Nation dakota de Whitecap a créé un parcours de golf de classe mondiale. C’était le meilleur nouveau parcours de golf du pays lorsqu’il a été créé. Dans ce pays, on construit souvent des clubs de golf qui sont de véritables cathédrales. On en voit beaucoup. C’est souvent la raison pour laquelle de nombreux terrains de golf font faillite. Le Willows, en Saskatchewan, en est un bon exemple. Pendant des années, le club de golf de la Première Nation dakota de Whitecap semblait proposer un terrain de golf de grande classe. Il était géré à partir de presque rien. Je ne parlerais pas d’un hangar, mais plutôt d’une caravane. Vous conviendrez avec moi que les installations étaient très modestes jusqu’à ce que les bases financières et fiscales du terrain de golf soient assurées et que l’on construise des installations plus substantielles, bien que modestes. J’ai toujours été impressionné par cette simple illustration de la discipline dont vous avez fait preuve pour développer non seulement les entreprises commerciales, mais aussi la communauté dans son ensemble. Lorsque la sénatrice Hartling vous a demandé si vous alliez célébrer cet événement, cela m’est revenu à l’esprit. Vous avez répondu que vous arriveriez à ce point, mais que vous aviez d’abord d’autres choses à faire. Je dis tout cela pour en fait vous féliciter de vous être rendus à ce point au fil des décennies. Je ne parle pas que de la reconnaissance de la nation, mais aussi de la construction d’une communauté économiquement stable et beaucoup plus dynamique que celle dont vous avez hérité il y a des années. C’est tout à votre honneur et à celui des citoyens de la nation. J’espère qu’ils apprécient tout ce que vous faites en leur nom.

Le vice-président : Merci à tous les témoins ici présents. Je suis sûr que vous avez pu constater qu’il y a beaucoup de soutien pour ce que vous faites. Je crois que la Première Nation dakota de Whitecap est un véritable modèle à suivre pour l’ensemble du Canada, et c’est dans la façon dont vous avez fait les choses : non seulement votre leadership, mais aussi ce projet de loi particulier et le traité que vous avez conclu. Vous vous êtes frayé un chemin dans la neige, vous poursuivez dans cette voie et vous savez faire preuve de leadership. Je suis sûr que ce sera un modèle pour le reste du Canada.

Je tiens à saluer l’aînée Malvina Eagle, que je connais. Je sais qu’elle vous donne beaucoup de conseils. Elle m’a beaucoup guidé lorsque j’étais commissaire aux traités. Je tiens également à saluer le regretté Mel Littlecrow, un aîné puissant qui n’est plus parmi nous, mais dont nous avons parlé.

Sur ce, je vous remercie, chef Darcy Bear, de votre leadership, ainsi que Dwayne Eagle, conseiller, Frank Royal, conseiller, et Murray Long, fonctionnaire de longue date au service des Premières Nations de la Saskatchewan et, bien sûr, de la Première Nation dakota de Whitecap. Je vous remercie d’être venus ici aujourd’hui et d’avoir expliqué votre intérêt pour cette question. Nous travaillerons d’arrache-pied pour que cela devienne réalité.

Nous allons suspendre la séance jusqu’à 18 heures, pour le vote, et nous reprendrons ensuite.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

J’aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons l’honorable Marc Miller, c.p., député, ministre des Relations Couronne-Autochtones. Il est accompagné de Martin Reiher, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone. Je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui.

Le ministre Miller fera une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, puis les sénateurs poseront leurs questions. Il y a d’autres collaborateurs du gouvernement dans la salle aujourd’hui, et ils se feront un plaisir d’aider le ministre à répondre aux questions techniques des sénateurs. J’invite maintenant le ministre Miller à faire sa déclaration liminaire. C’est à vous.

L’honorable Marc Miller, c.p., député, ministre des Relations Couronne-Autochtones : Bonjour à vous tous. Tout d’abord, je tiens à souligner que nous nous trouvons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinabe. Mesdames et messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je suis parmi vous aujourd’hui pour parler du projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

Monsieur le président, comme vous le savez mieux que la plupart d’entre nous, ce projet de loi se fait attendre depuis longtemps. Dans un certain sens, on pourrait dire qu’il se prépare depuis 2009. C’est à ce moment que le Canada a commencé à travailler avec la Première Nation dakota de Whitecap en vue de la conclusion d’un traité sur l’autonomie gouvernementale qui reconnaît le gouvernement de la Première Nation dakota de Whitecap à titre d’entité autonome, ayant compétence et autorité relativement à un vaste éventail de pouvoirs. Cependant, il serait plus précis de dire qu’il se prépare depuis des générations.

L’autonomie gouvernementale de la Première Nation dakota de Whitecap était présente bien avant l’arrivée de nos colons dans ce qui est aujourd’hui le Canada. Des lois et politiques fédérales successives, notamment la Loi sur les Indiens, ont réduit cette autonomie à néant. La Première Nation dakota de Whitecap a réussi, au fil des ans, à faire disparaître certaines parties de la Loi sur les Indiens grâce à des instruments tels que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et la Loi sur la gestion financière des Premières nations.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui va encore plus loin. Il soustrait la Première Nation dakota de Whitecap à la gouvernance prévue par la Loi sur les Indiens. Il reconnaît officiellement que la Première Nation dakota de Whitecap fait partie des peuples autochtones du Canada et qu’elle détient un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale qui est protégé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

D’une manière plus générale, il est important de marquer une pause et de parler de ce dont il est question aujourd’hui, à savoir la reconnaissance des droits garantis par l’article 35. C’est la reconnaissance d’un aspect très fondamental de la dignité, c’est-à-dire l’existence des peuples dakota et lakota, des neuf communautés, des neuf oyates, qui constituent la présence dakota au Canada. Leurs terres ancestrales leur ont longtemps été refusées, ce qui a valu à ces communautés d’être traitées comme des Premières Nations de seconde zone. C’est une tache dans l’histoire du Canada, et elle ne s’efface maintenant que parce que ces neuf communautés, dont la Première Nation dakota de Whitecap, se sont mobilisées pour la faire disparaître. L’accord d’autonomie gouvernementale dont nous discutons aujourd’hui est un exemple, et nous espérons, respectueusement, que le Sénat adoptera le projet de loi à temps pour la date butoir de septembre, que vous connaissez bien.

Encore une fois, les peuples dakota et lakota ont été traités de manière indigne, comme s’ils étaient des immigrants ou des réfugiés au Canada, ce qui est très insultant puisque c’est à eux qu’appartiennent les terres. Cet affront est en passe de cesser. À la base, il est important que le Canada reconnaisse les peuples dakota et lakota comme des peuples autochtones du Canada, car des droits en découlent, mais je m’empresse de dire qu’ils savent exactement qui ils sont et qu’en principe, ils n’ont pas besoin du Canada pour cela, car ce n’est pas au Canada de déterminer qui est ou qui n’est pas une personne autochtone. C’est à eux de le déterminer.

Cet accord accomplit une chose importante : il redonne à ce gouvernement autochtone le pouvoir de prendre des décisions sur la manière dont les programmes sont mis en œuvre et dont les services sont fournis à la communauté. Il établit une nouvelle relation de nation à nation entre la Première Nation dakota de Whitecap et le Canada. Il définit des mécanismes concrets de coopération intergouvernementale. Il s’agit de la prochaine étape pour rétablir l’autonomie et l’autodétermination de la Première Nation dakota de Whitecap.

Monsieur le président, je sais que les sénateurs vous ont parlé de l’histoire des Premières Nations dakota et lakota. Le chef Bear et les conseillers présents aujourd’hui vous ont dit que ce peuple est ici, comme je l’ai mentionné plus tôt, depuis des temps immémoriaux et qu’il continue de faire sa contribution au Canada.

Quand j’ai visité la Première Nation dakota de Whitecap ce printemps, j’ai eu l’occasion de voir les effets de leur vision, ainsi que la détermination et les efforts de la communauté, grâce au leadership du chef Darcy Bear. Du terrain de golf au Dakota Dunes Resort, soutenu par le Programme pour la préparation des collectivités aux possibilités économiques de Services aux Autochtones Canada, en passant par le casino, Whitecap est un exemple éloquent de l’importance de l’autodétermination des communautés autochtones dans tout le Canada.

[Français]

Ce traité sur l’autonomie gouvernementale est le fruit d’environ 12 ans de longues et minutieuses négociations menées en collaboration avec le Canada. Tout au long de ce processus, le Canada a travaillé en étroite collaboration avec les dirigeants de la Première Nation Whitecap Dakota afin de garantir que le document final reflète la vision de l’autodétermination propre à la communauté. Ce processus a abouti en avril, lorsque la communauté de Whitecap Dakota a atteint un consensus unanime sur ce traité.

Si le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui est adopté, un décret confirmera la date de prise d’effet du traité sur la gouvernance qui se fera le 1er septembre 2023.

Ainsi, le gouvernement de Whitecap Dakota obtiendrait la pleine et entière compétence et autorité sur les fonctions de gouvernance de base, y compris les élections, les membres, la citoyenneté, l’imposition, l’administration et l’application des lois de Whitecap Dakota; les terres, y compris la gestion des terres et des ressources naturelles les travaux publics, les infrastructures et les services; les règlements, y compris l’octroi de licences, la réglementation et le fonctionnement des entreprises, et le développement économique; les programmes et services, y compris les services à l’enfance et à la famille, l’éducation, la santé, la langue et la culture.

[Traduction]

Dans ce traité, la Première Nation dakota de Whitecap confirme qu’elle a pleinement compétence dans ces domaines de gouvernance. Elle récupère les pouvoirs et les capacités que des décennies de colonialisme et de racisme incarnés par la Loi sur les Indiens et les politiques gouvernementales ont érodés.

Ce traité, tourné vers l’avenir, permet à la Première Nation de prendre des décisions axées sur sa culture, son histoire et ses priorités qui influenceront les générations futures.

Lorsque ce projet de loi sera adopté, la Première Nation dakota de Whitecap sera en mesure d’adopter des lois définissant la manière dont elle va gérer ses propres ressources, promouvoir et enrichir sa culture et miser sur ses succès en matière de développement économique pour la communauté, avec une transparence et une responsabilité totales vis-à-vis de ses membres. Étant donné que ce traité d’autonomie gouvernementale est le premier que le Canada conclut avec une Première Nation de la Saskatchewan, il vient compléter les ententes existantes entre la Première Nation dakota de Whitecap et la province de la Saskatchewan.

Le vice-président : Honorables sénateurs, avec la permission du comité et conformément à l’article 12-20(4) du Règlement, je propose que le comité ne procède pas à l’étude article par article du projet de loi C-51 et qu’un rapport sans amendement sur le projet de loi soit déposé au Sénat dès que possible.

Sommes-nous d’accord pour renoncer à l’étude article par article?

Des voix : Oui.

Le vice-président : Sommes-nous d’accord pour qu’un rapport sans amendement sur le projet de loi soit déposé au Sénat dès que possible?

Des voix : Oui.

Le vice-président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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