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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 16 mai 2022

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 14 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les Autochtones; et la teneur des éléments des sections 2 et 3 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, je veux d’abord reconnaître que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire ancestral et non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis Brian Francis, sénateur micmac d’Epekwitk, notre mot pour désigner l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai le plaisir de présider la réunion d’aujourd’hui, qui se déroule sous forme hybride, du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

J’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins de garder leur micro en mode sourdine jusqu’à ce que je vous nomme. En cas de problème technique, veuillez m’aviser ou aviser la greffière. Je veux aussi vous rappeler à tous et à toutes qu’il est interdit de prendre une saisie d’écran de votre écran Zoom, de l’enregistrer ou de le photographier. Nous pouvons utiliser et partager les délibérations officielles diffusées sur le site web SenVu pour cela.

Je vais présenter les membres du comité qui participent à la réunion d’aujourd’hui, en commençant par notre vice-président, le sénateur Christmas, de la Nouvelle-Écosse. Sont aussi présents le sénateur Arnot, de la Saskatchewan; la sénatrice Audette, du Québec; le sénateur Brazeau, du Québec; la sénatrice Coyle, de la Nouvelle-Écosse; la sénatrice Hartling, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Pate, de l’Ontario; et le sénateur Patterson, du Nunavut, qui est aussi l’autre membre du comité directeur.

Notre ordre du jour est chargé aujourd’hui, avec trois sujets : durant la première demi-heure, nous commençons par notre étude sur la mise en œuvre par le gouvernement fédéral de l’ancien projet de loi S-3, lequel traitait des inégalités dans les dispositions de la Loi sur les Indiens; puis, durant la demi-heure suivante, nous allons examiner le projet de loi C-19, Loi d’exécution du budget; et au cours de la dernière demi-heure, nous allons examiner la mise en œuvre par le gouvernement fédéral de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Nous allons maintenant commencer, avec notre premier groupe de témoins, notre suivi de la mise en œuvre fédérale de l’ancien projet de loi S-3. Nous accueillons aujourd’hui les représentants de Services aux Autochtones Canada : Mme Christiane Fox, sous-ministre; Mme Paula Hadden-Jokiel, sous-ministre adjointe, Secteur des opérations régionales; et M. Michael Walsh, directeur principal, Inscription et gestion intégrée des programmes.

Mme Fox va nous présenter sa déclaration préliminaire. Vous avez un maximum de cinq minutes, puis nous passerons à une courte période de questions. Les sénateurs et les sénatrices qui sont présents dans la salle devraient lever la main s’ils ont une question. Si vous participez par Zoom, utilisez la fonction « Lever la main ». Je vous nommerai, ou la greffière s’en chargera.

Puisque nous disposons de seulement 30 minutes avec ces témoins, je vais demander aux sénateurs et aux témoins d’être succincts. Vous aurez trois minutes en tout pour poser vos questions et écouter les réponses. Quand ces trois minutes seront écoulées, je vais intervenir; je déteste le faire, mais cela nous aidera à respecter le temps.

Dans l’éventualité où les témoins n’ont pas le temps de répondre en trois minutes, je les invite à l’avance à communiquer leurs réponses complémentaires par écrit à la greffière, avant la fin de la semaine.

Maintenant que tout cela a été dit, je vais inviter Mme Fox à présenter sa déclaration préliminaire.

Christiane Fox, sous-ministre, Services aux Autochtones Canada : Kwe kwe, tansi, unnusakkut, bonjour. Je m’adresse à vous depuis le territoire du Traité no 6 en Saskatchewan, juste à côté de la Première Nation de Muskoday. Je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole devant le comité aujourd’hui.

Monsieur le président, le gouvernement du Canada est déterminé à réparer les torts historiques et à promouvoir l’égalité des sexes et la réconciliation avec les peuples autochtones. Nous sommes déterminés à remédier aux injustices et aux défis auxquels de nombreuses Premières Nations sont confrontées, pour appuyer l’autodétermination, l’autonomie gouvernementale et l’autonomie de toutes les Premières Nations intéressées.

Avec le projet de loi S-3, nous avons fait un pas important dans cette direction. Le projet de loi répond aux préoccupations de longue date au sujet de l’inégalité et de la discrimination entre les sexes soulevées par les Premières Nations, le Comité des droits de la personne des Nations Unies, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et d’autres intervenants clés.

Bien qu’il reste beaucoup de travail à faire, je vais maintenant faire le point sur nos progrès dans la mise en œuvre du projet de loi S-3.

[Français]

Même s’il reste beaucoup de travail à faire, je vais vous parler de la mise en œuvre du projet de loi S-3 depuis la dernière mise à jour.

[Traduction]

Services aux Autochtones Canada a fait d’importants progrès dans le traitement des demandes d’inscription, en partie parce qu’il a maintenant des unités spécialisées à Gatineau et à Québec, ainsi qu’une dotation accrue à l’Unité de traitement de Winnipeg.

Le ministère a investi 15,8 millions de dollars en ressources humaines, en changements de politiques et en modernisation afin d’accélérer nos délais de traitement pour assurer l’inscription en temps opportun des personnes nouvellement admissibles.

L’an dernier, à la même date, nous avions traité 17 500 demandes S-3. En avril 2022, le ministère a plus que doublé ce nombre, traitant plus de 37 000 demandes.

Nous avons traité ou partiellement traité plus de 85 % des demandes reçues. À ce jour, 28 152 personnes ont été inscrites, ce qui leur donne accès aux droits, aux avantages et aux services connexes.

Nous avons donné la priorité au traitement des demandes des demandeurs âgés. Toutes les demandes de personnes de plus de 75 ans ont maintenant été traitées, et nous terminons de traiter les demandes pour les 65 ans et plus et traitons activement les dossiers restants.

De plus, le ministère prévoit traiter les demandes conformément à sa norme de service de six mois d’ici septembre 2022.

Pour s’assurer que les gens sont au courant de leur admissibilité potentielle à l’inscription, SAC a affecté 5,4 millions de dollars à la mobilisation, à la sensibilisation et à la surveillance. Le ministère a élaboré une solide trousse de communication contenant de l’information sur le projet de loi S-3, y compris des foires aux questions, des vidéos et des documents infographiques. Cette trousse est distribuée aux collectivités et aux partenaires. D’ailleurs, ces renseignements ont été communiqués par l’entremise d’Indigenous Link, un organisme partenaire qui a établi des liens avec plus de 28 000 organisations, entreprises et autres groupes autochtones uniques au pays.

SAC a aussi financé l’Assemblée des Premières Nations et l’Association des femmes autochtones du Canada pour entendre les défenseurs de la mise en œuvre du projet de loi S-3. Nous leur avons demandé leur point de vue sur les pratiques exemplaires pour communiquer la législation aux populations touchées.

Il est vrai qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour contrer les effets néfastes des dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription et à l’appartenance à une bande. Nous devrons donc continuer à modifier la loi jusqu’à ce que les Premières Nations soient pleinement responsables de la citoyenneté. Notre ministère s’est engagé à élaborer conjointement des solutions avec les partenaires des Premières Nations afin de remédier aux iniquités restantes qui privent les peuples des Premières Nations de leurs droits inhérents.

Le redressement proactif des torts historiques en collaboration avec les peuples autochtones fera progresser la réconciliation et soutiendra une relation renouvelée entre le Canada et les Premières Nations.

Nous voulons travailler en tant que partenaires. Nous comprenons qu’il y a encore beaucoup à faire, et je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de l’intérêt que vous portez au projet de loi S-3 et des efforts soutenus que vous consacrez à ce dossier. Je suis impatiente d’entendre ce que vous avez tous à dire aujourd’hui, de répondre à vos questions et de vous éclairer sur notre démarche pour l’avenir.

Merci beaucoup.

Le président : Avant de céder la parole à mes collègues, je voudrais poser aux témoins une question qui aidera notre comité à rédiger son rapport sur le sujet.

Pourriez-vous, s’il vous plaît, décrire le processus pour protester contre une décision relative à une inscription au titre de l’article 14.2 de la Loi sur les Indiens? Combien de temps faut-il au registraire pour prendre une décision lorsqu’il y a protestation? Aussi, combien y a-t-il de protestations qui sont présentement en attente d’une décision du registraire, s’il y en a?

Mme Fox : Merci, monsieur le président. Je vais demander à M. Michael Walsh de vous fournir des détails sur les éléments plus techniques de votre question. Notre but a toujours été de traiter les demandes dans un délai de six mois. Nous n’avons pas nécessairement atteint ce but dans tous les cas, et il est difficile de dire quels seraient les délais exacts pour chaque décision, selon la situation. Je vais tout de même céder la parole à M. Walsh, qui pourra vous donner des détails plus précis.

Michael Walsh, directeur principal, Inscription et gestion intégrée des programmes, Services aux Autochtones Canada : Merci, madame la sous-ministre, et merci, monsieur le président.

Comme madame la sous-ministre l’a dit, votre question comporte deux parties. D’abord, la personne qui reçoit une décision officielle du registraire au sujet de sa demande d’inscription a trois ans pour protester, si elle le désire. Ensuite, quand la protestation est reçue, comme la sous-ministre l’a dit, le délai de traitement habituel pour ce genre de demande est de six mois. Cela peut changer en fonction de la documentation de recherche nécessaire, mais la norme de service est de six mois.

J’essaie de trouver une réponse précise à la deuxième partie de votre question, en ce qui concerne le nombre de demandes en attente d’une décision du registraire, et avec un peu de chance, j’aurai une réponse pour vous durant la réunion.

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup de vos commentaires, madame la sous-ministre. Cela fait environ trois ans maintenant que la représentante spéciale de la ministre, Mme Claudette Dumont-Smith, a déposé un rapport dans lequel elle mentionnait que la préoccupation qui avait été le plus soulevée dans son processus concernait l’exclusion après la deuxième génération, et elle a mentionné dans son rapport que, dans un avenir pas si lointain, certaines collectivités n’auront plus de membres inscrits.

Elle a recommandé qu’un processus de consultation distinct et approfondi soit mis en place relativement à la règle de l’exclusion après la deuxième génération. Madame la sous-ministre, pouvez-vous nous donner une mise à jour pour nous dire où nous en sommes avec ce processus de consultation, afin que nous sachions quand le problème de la règle de l’exclusion après la deuxième génération pourra être réglé?

Mme Fox : Merci beaucoup de la question. En août 2019, comme vous l’avez dit, la règle de l’exclusion a été retirée des dispositions d’inscription prévues à l’article 6 de la Loi sur les Indiens. Cela a été fait, comme vous le savez, pour faire en sorte que les lignées patriarcales et matriarcales ne soient plus traitées différemment. Un rapport final a été publié sur le projet de loi S-3 et déposé en décembre 2020, mais vous avez tout à fait raison de dire que nous devons poursuivre les consultations; d’ailleurs, dans le cadre de nos communications continues et du litige civil dans l’affaire Nicholas c. Canada, notre ministère s’est engagé à poursuivre ses efforts de mobilisation. À mon avis, il n’y a pas de date de début ou de fin particulière pour cette mobilisation, mais aux fins de notre engagement à l’égard du processus législatif pour régler le problème de la règle de l’exclusion et des autres iniquités qui demeurent, nous consulterions nos partenaires, et nous entreprenons d’ailleurs ces discussions maintenant.

Le président : Merci. Par souci de respecter le temps imparti, avant de céder la parole à la sénatrice Coyle, je veux rappeler aux témoins que la date limite pour vos réponses de suivi est la fin de la semaine.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, madame la sous-ministre Fox, d’être avec nous aujourd’hui. Je vais poursuivre sur la lancée du sénateur Christmas en ce qui concerne la règle de l’exclusion après la deuxième génération. C’est l’une des iniquités que nous avons constatées, et il y en a d’autres; d’ailleurs, vous les avez vous-même mentionnées.

Vous avez parlé d’élaborer conjointement des mesures pour régler les iniquités restantes. Pourriez-vous nous parler du calendrier et du processus que vous prévoyez suivre pour traiter ces iniquités restantes?

Mme Fox : Absolument, et merci. Pour répondre aux commentaires du président sur les questions, nous sommes très conscients des délais, et nous travaillons pour terminer à temps. Nous vous les enverrons très certainement avant la date limite du 20 mai.

En ce qui concerne le travail qui se poursuit pour régler les iniquités restantes, nous avons un accord de suspension relativement au litige civil dans l’affaire Nicholas, et dans le cadre de cette entente, nous nous sommes engagés à trouver, en temps opportun, une solution législative qui permettra de régler la politique discriminatoire d’émancipation. Nous voulons commencer à collaborer pour trouver des solutions, et ensuite nous déterminerons quel sera le processus législatif complet pour mettre en place ces solutions sous le régime de la loi.

Nous poursuivrions les discussions, mais le travail commencerait officiellement au cours des prochaines semaines, compte tenu de l’accord de suspension et de l’importance de ce travail. Donc, je m’attends à ce que vous ayez plus de nouvelles de la part du gouvernement et du ministre au cours des prochaines semaines et des prochains mois en ce qui concerne le calendrier, mais je dirais qu’il y a un certain sentiment d’urgence au ministère et de la part du ministre pour que ce travail avance le plus rapidement possible, et aussi pour que nous travaillions en collaboration avec nos partenaires.

[Français]

La sénatrice Audette : Ma question s’adresse à vous, madame Fox. Avant 1985, on avait des enfants illégitimes s’il n’y avait pas de père qui signait à la naissance et maintenant, depuis 1985, il existe une obligation de divulguer le nom du père. Cette fois-ci, cette demande, qui est à mes yeux discriminatoire, surtout envers les mères et les femmes, l’avez-vous réglée ou est-elle toujours présente dans le projet de loi S-3? Si c’est présent, ce n’est même pas un amendement, c’est un règlement. Pourquoi ne l’avons-nous pas changé? Merci.

Mme Fox : Merci beaucoup de votre question. Je dirais qu’effectivement, on trouve que c’est réglé dans le contexte des amendements qui ont été faits. Par contre, il y a du travail à faire pour l’interprétation, les communications — pour que les gens soient vraiment au courant des changements.

On essaie aussi, au sein du ministère, de trouver des façons d’automatiser certains changements. Ainsi, on ne laisse pas la responsabilité à l’individu d’effectuer les changements; si on voit, dans le système, qu’une personne aurait dû recevoir un certain service, on fait les changements de façon automatisée. J’ai trouvé cet élément important, en ce sens qu’on peut commencer à traiter les enjeux directement.

Cependant, on doit accomplir plus de travail en collaboration avec nos partenaires et avoir plus de communications avec les communautés afin que les gens soient au courant des changements, pour qu’ils bénéficient des programmes et des services offerts par le ministère.

Selon nous, des changements ont été apportés dans le projet de loi, mais le travail n’est pas terminé en ce qui a trait à l’engagement des communications et au partage de l’information, ainsi que pour faciliter le processus. Encore une fois, on remarque qu’il y a tout de même, parfois, un fardeau qui repose sur l’individu et, dans le cadre du travail du ministère, on tente de l’éliminer.

[Traduction]

Le sénateur Brazeau : Je vous souhaite la bienvenue à tous. Comme mes collègues le savent très bien, il s’agit d’une question très importante pour moi, et aussi très personnelle, depuis 1985. Je sais à quel point le ministère aime parler de tout le progrès qu’il a accompli en ce qui concerne les dispositions régissant le statut, mais soyons sérieux et honnêtes : le ministère a toujours tenté de limiter le nombre d’Indiens inscrits au pays, alors je crois qu’il convient de rétablir les faits sur certains points.

Discutons donc du processus d’inscription. Cela peut prendre de six mois jusqu’à deux ans, mais il y a des cas comme celui de M. Mike Mallette et de son fils Rocco, sur le dossier de qui je travaille depuis 2016.

Il y a eu énormément d’échanges par rapport à leur demande. Je ne veux pas aller dans le détail, mais cela fait presque sept ans que Mike Mallette et son fils Rocco attendent. Cela étant dit, il y a de nombreuses personnes qui ont aussi eu des problèmes dans leur propre processus d’inscription.

Pourrais-je demander au ministère de transmettre à notre comité le véritable document écrit qui habilite le ministère à décider du statut des gens des Premières Nations au Canada? Je demanderais aussi aux représentants du ministère de nous dire combien de fois, depuis 1985, le ministère a recommandé au ministre des Affaires indiennes du jour de céder la responsabilité de décider qui a droit au statut de membre des Premières Nations dans notre pays, et qui n’y a pas droit. Merci.

Mme Fox : Merci beaucoup. Je sais que certains détails seront transmis après notre témoignage d’aujourd’hui, mais je crois que je peux dire que nous continuons évidemment de surveiller les taux d’inscription et l’incidence que cela a sur les programmes et les services. Le ministère essaie d’injecter davantage de ressources pour traiter les demandes et rendre des décisions et ainsi améliorer les délais de traitement.

Je ne vais pas faire de commentaire sur des dossiers précis, mais c’est un fait, je le sais, qu’il y a de la frustration à l’égard du système. Les gens nous disent directement — et je sais qu’ils le disent aussi à notre ministre — que le système actuel ne fonctionne pas pour eux. Je reconnais tout à fait, devant vous aujourd’hui, qu’il y a du travail à faire et des améliorations à apporter.

Je veux cependant souligner, malgré tout, qu’il y a certains programmes et services du ministère, comme ceux liés au principe de Jordan, par exemple, pour lesquels il n’est pas nécessaire d’être inscrit pour obtenir un service ou du soutien. Je reconnais qu’il y a bon nombre de programmes, de services et de politiques qui exigent l’inscription. Il y a beaucoup de travail à faire, et nous vous fournirons des réponses plus tard à certaines des questions précises ou détaillées que vous avez posées aujourd’hui.

Le sénateur Patterson : Merci aux témoins d’être ici. Ma question porte sur l’émancipation. Comme vous le savez, madame la sous-ministre, le 3 mai 2022, la ministre Hajdu s’est engagée à présenter un projet de loi à la Chambre des communes d’ici l’été pour apporter les modifications nécessaires aux dispositions relatives à l’inscription. Nous savons tous que « d’ici l’été » veut dire avant l’ajournement du Parlement en juin, alors je voulais vérifier si un plan avait été mis en place pour présenter le projet de loi nécessaire avant la pause de juin.

Ensuite, le projet de loi proposé va-t-il seulement porter sur les questions soulevées dans l’affaire Nicholas c. Canada ou va-t-il aussi porter sur les nombreuses iniquités relatives à l’inscription? Merci.

Mme Fox : Merci. J’ai des commentaires à formuler par rapport à votre question. Comme je l’ai dit plus tôt, l’accord de suspension que nous avons signé en lien avec l’affaire Nicholas le 6 janvier 2022 comprenait son entrée en vigueur. Essentiellement, le gouvernement du Canada — comme vous l’avez souligné — s’est effectivement engagé à lancer le processus parlementaire nécessaire pour proposer les modifications législatives requises en vue de régler les iniquités liées à l’émancipation. Nous devons obtenir les autorisations nécessaires pour apporter ces modifications, qui visent fondamentalement à faire en sorte que les antécédents familiaux d’émancipation n’aient plus d’incidence sur l’admissibilité à l’inscription sous le régime de la Loi sur les Indiens.

La ministre s’est effectivement engagée publiquement à cet égard au début du mois de mars, et je crois que nous devons enclencher ce processus. Cependant, le projet de loi effectif doit être élaboré conjointement si nous voulons qu’il réussisse, ce qui veut dire que la présentation d’un tel projet de loi doit tenir compte des opinions de nos partenaires. Ce n’est pas le travail du seul ministère. Donc, je veux dire que nous devons absolument enclencher le processus pour obtenir les pouvoirs voulus et aller de l’avant avec un projet de loi, mais nous voulons aussi que le projet de loi lui-même soit élaboré en collaboration.

Le sénateur Patterson : Merci de votre réponse.

La sénatrice Pate : Merci aux témoins. Ma question s’adresse aussi à la sous-ministre Fox. Quand l’Alliance féministe pour l’action internationale a témoigné devant nous — elle a aussi envoyé une lettre à la ministre Freeland à ce sujet —, sa représentante a dit qu’il fallait s’assurer que votre ministère dispose des ressources adéquates pour faire en sorte que les gens de la collectivité puissent participer au processus. Pour donner suite aux questions de mes collègues, de quelles ressources avez-vous toujours besoin pour accélérer ce processus et ainsi éviter qu’on oublie des gens ou que — comme nous l’avons entendu — des gens ne décèdent avant qu’ils ne deviennent admissibles? Donc, de quelles ressources financières et...

Mme Fox : Merci de la question. D’abord, nous avons investi jusqu’à maintenant 40 millions de dollars à l’appui de la mise en œuvre du projet de loi S-3, y compris 5,5 millions de dollars pour la mobilisation et la sensibilisation, dans le but que les populations touchées soient informées des modifications apportées à la loi. C’est une grande partie de l’activation de notre stratégie de communication.

Durant mon temps au ministère, j’ai surtout vu, durant les mois de la COVID, que nous avons utilisé beaucoup de tables de communications pour discuter des grandes modifications dues à la pandémie : les vaccins, les EPI ou quoi que ce soit d’autre. Nous avons vraiment communiqué avec les aînés et les chefs autochtones. Nous voulons utiliser les canaux de communication qui ont été établis, pour en tirer parti et les utiliser pour des choses comme le projet de loi S-3; nous voulons utiliser ces réseaux de communication pour accroître nos efforts de mobilisation et de sensibilisation.

Pour répondre à votre question précise sur les ressources supplémentaires dont le ministère a besoin, je dirais que nous utilisons présentement l’intégralité des 40 millions de dollars. Chaque année, le ministère examine d’où viennent les pressions, et nous tentons d’atténuer la pression en particulier qui a des conséquences sur les personnes. Avec l’investissement de 40 millions de dollars, et dans le cadre de la stratégie, nous avons commencé par les aînés et, comme je l’ai dit dans mon exposé, les personnes de plus de 75 ans. Ensuite, nous sommes passés aux personnes de 65 ans, et nous priorisons leur inscription.

Pour donner au comité une idée des modifications apportées depuis le projet de loi S-3, en ce qui concerne les demandes dont le traitement a été achevé, on parle de 37 438 demandes, ou 82 %. Sur ce nombre, 28 000 personnes ont été inscrites par les unités de traitement en vertu du projet de loi S-3. Il reste tout de même de nouvelles demandes, environ 6 500, dont certaines ont été partiellement traitées.

Les investissements qui ont été faits ont effectivement donné des résultats. Nous devons simplement poursuivre le travail que nous faisons pour obtenir les résultats dont nous avons besoin.

Le président : Le temps que nous avions avec ces témoins est terminé. Je remercie Mme Fox, Mme Hadden-Jokiel et M. Walsh.

Nous allons maintenant changer de sujet et commencer notre étude sur la teneur du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, plus précisément la section 2 de la partie 5, qui modifie la Loi sur l’Accord définitif nisga’a, et la section 3 de la partie 5, qui abroge la Loi sur la salubrité de l’eau potable pour les Premières Nations.

Nous accueillons les représentants du ministère des Finances : M. Brent Almond, directeur, Section de la politique fiscale autochtone, et M. Roch Vézina, analyste principal de la politique fiscale, Section de la politique fiscale autochtone.

Comme je l’ai demandé aux témoins de la dernière demi-heure, je vais demander aux témoins de ne pas dépasser cinq minutes pour leur déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions, les intervenants auront trois minutes chacun, et lorsque le temps sera écoulé, je vais devoir respectueusement vous demander de céder la parole au prochain sénateur. Encore une fois, si les ministres sont incapables de répondre à une question en trois minutes, je vais leur demander de nous envoyer une réponse par écrit avant vendredi.

Je rappelle à mes collègues que les représentants du ministère des Finances sont seulement ici pour discuter de la teneur des éléments des sections 2 et 3 qui relèvent de leur compétence. Compte tenu de la nature intégrée de certaines de ces mesures, certaines questions seraient peut-être plus appropriées pour les représentants de Services aux Autochtones Canada, qui devraient comparaître le 30 mai. Ce serait peut-être préférable que vous gardiez vos questions pour eux, jusque là.

Sans plus attendre, je vais demander à M. Almond de commencer sa déclaration préliminaire.

Brent Almond, directeur, Section de la politique fiscale autochtone, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux sénateurs et aux sénatrices de nous avoir invités à discuter cet après-midi des sections 2 et 3 de la Loi d’exécution du budget.

Je parlerai d’abord de la section 2, article 177, qui porte sur les modifications apportées à la Loi sur l’Accord définitif nisga’a. Cette loi, qui est la législation fédérale sur le règlement qui a mis en œuvre et mis en vigueur le traité d’autonomie gouvernementale de la nation Nisga’a, ne donne présentement force de loi qu’à certaines dispositions précises d’un accord parallèle, l’Accord de taxation concernant la nation Nisga’a, et non à l’ensemble de cet accord parallèle.

J’aimerais souligner que, de façon générale, cet accord parallèle est appelé un accord de traitement fiscal. Les traités modernes qui ont suivi l’accord nisga’a tiennent compte de la possibilité que des amendements ou des ajouts soient faits à ce genre d’accords parallèles, et c’est pourquoi les lois fédérales de règlement comparables ont accordé force de loi à toutes les dispositions des accords de traitement fiscal, au cas où il faudrait apporter des modifications ou ajouter des mesures. Donc, cette mesure modifie la Loi sur l’Accord définitif nisga’a et donne force de loi à toutes les dispositions de l’accord parallèle, c’est-à-dire l’Accord de taxation concernant la nation Nisga’a et faisant en sorte que toute modification éventuelle de nature fiscale dans l’Accord de taxation concernant la nation Nisga’a ait pleinement force de loi et soit pleinement en vigueur. Merci.

Le président : Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Christmas : Je veux remercier les témoins de leur présence devant notre comité cet après-midi. J’ai deux questions qui se rejoignent pour M. Almond. Premièrement, pourquoi le gouvernement fédéral propose-t-il des modifications à la Loi sur l’Accord définitif nisga’a environ 20 ans après son entrée en vigueur? Deuxièmement, pourquoi l’Accord de taxation concernant la nation Nisga’a n’est-il pas un accord en vertu d’un traité ou un accord sur une revendication territoriale au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle?

M. Almond : Merci beaucoup de la question. Monsieur le président, j’aimerais répondre à la première question.

En ce qui concerne l’Accord de traitement fiscal avec la nation Nisga’a dont j’ai parlé, le but de cet accord était — et est toujours — qu’il puisse être modifié par les parties, de façon volontaire et convenue, afin de pouvoir être adapté à des modifications éventuelles qui seraient apportées aux mesures fiscales et qui n’avaient peut-être pas été prévues au moment où la Loi sur l’Accord définitif nisga’a et le traité avaient été ratifiés et mis en œuvre en 2000.

Dans l’accord de traitement fiscal, ainsi que dans les autres accords de traitement fiscal similaires qui ont été conclus avec d’autres groupes autochtones autonomes au Canada, il y a des aspects techniques liés au traitement, par exemple en ce qui concerne le traitement fiscal d’un gouvernement autochtone lui-même relativement à la taxe sur les produits et les services, à la taxe de vente provinciale et sous le régime de la Loi fédérale de l’impôt sur le revenu.

Il y a aussi, dans l’accord de traitement fiscal, des mesures qui, encore une fois, sont de nature technique qui visent principalement le traitement fiscal applicable aux particuliers. Dans ce cas précis, celui de la nation Nisga’a, la Colombie-Britannique et le gouvernement du Canada se sont complètement entendus pour modifier l’accord de traitement fiscal afin de fournir une exonération fiscale aux citoyens nisga’a qui touchaient un revenu de régime de retraite enregistré en fonction d’un revenu d’emploi qui lui-même était exonéré d’impôt.

En d’autres mots, il s’agit d’une mesure d’allégement visant précisément à prolonger le traitement exonéré d’impôt pour les revenus de régimes de retraite enregistrés des prestataires nisga’a et des citoyens nisga’a, tout comme ce genre de revenu est exonéré d’impôt sous le régime de la Loi sur les Indiens et de l’article 87 de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Christmas : Ma deuxième question était : pourquoi l’accord fiscal n’était-il pas considéré comme un traité ou un accord sur une revendication territoriale au sens des articles 25 et 35?

M. Almond : Je serai heureux de répondre à cette question. L’accord de traitement fiscal n’est pas considéré comme un traité au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle, principalement parce que cet accord a été conçu pour être modifié de temps en temps par les parties, si elles s’entendent sur certains aspects techniques liés à l’impôt.

En ce qui concerne les dispositions de l’accord, l’accord lui-même est permanent; il prévoit une échéance minimale, et il reste en vigueur si les parties en décident ainsi. Dans ce cas, la Nation Nisga’a a choisi de reconduire l’accord, et il a été conclu que ce n’était pas nécessaire de donner un statut constitutionnel à cet accord parallèle, à cause de la nature des mesures techniques en matière d’impôt qu’il contient.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur Almond.

La sénatrice Coyle : Merci, monsieur Almond. J’essaie de comprendre quels seront les effets, concrètement. Vous avez abordé quelques-uns des effets fondamentaux en répondant aux questions du sénateur Christmas.

Pourriez-vous nous donner une idée de l’effet que cela aura sur la Nation Nisga’a et, surtout, sur les citoyens qui appartiennent à la Nation Nisga’a? Pourriez-vous nous donner un aperçu des conséquences ou des effets que cela aura sur eux, et nous dire combien de personnes cela va toucher? Si vous pouviez nous donner cette information, cela nous aiderait à mieux comprendre.

M. Almond : La disposition dont j’ai parlé est un exemple pratique et concret de l’une des mesures fiscales d’allégement qui sont proposées dans les amendements; en somme, il s’agit d’un amendement d’allégement pour l’Accord de taxation concernant la Nation Nisga’a. C’est une mesure très ciblée, qui touche les revenus de régimes de retraite enregistrés des citoyens nisga’a.

Pour ce qui est du nombre de personnes qui, selon nous, seront touchées, nous n’avons pas de données absolument certaines, mais à mon avis, il devrait s’agir environ de quelques centaines de personnes au maximum, qui sont des membres et des citoyens de la Nation Nisga’a qui auront la certitude que leurs revenus de régimes de retraite enregistrés, quand ils les recevront, seront exonérés d’impôt. Je veux dire, dans la mesure où le revenu d’emploi connexe est exonéré d’impôt au titre de l’article 87, l’exonération fiscale prévue dans la Loi sur les Indiens avant la mise en œuvre de la loi fédérale qui a accordé l’autonomie gouvernementale à la Nation Nisga’a.

Au sujet de la Nation Nisga’a elle-même, en tant que gouvernement, elle a son propre système fiscal qui s’applique à tous les habitants des terres nisga’a octroyées par entente, et en particulier aux collectivités nisga’a qui se trouvent sur ces terres octroyées par entente. Donc, la Nation Nisga’a elle-même, qui génère d’importantes recettes grâce à l’impôt sur le revenu de tous ses habitants, y compris les citoyens sur les terres octroyées par entente, verra, au bout du compte, une légère baisse de ses recettes venant de l’impôt sur le revenu. Je devrais plutôt dire qu’elle ne verra pas la légère augmentation attendue de ses recettes provenant de l’impôt sur les particuliers, à cause de cette mesure.

La Nation Nisga’a, la province de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du ministère des Finances, soutiennent ces modifications.

Le président : Merci, monsieur Almond.

[Français]

La sénatrice Audette : Je suis encore nouvelle au Sénat, mais pas nouvelle quand j’entends le gouvernement exprimer maintes fois des propos concernant les relations de nation à nation et tout ce qui concerne la réconciliation.

De mon point de vue, il me manque des éléments pour comprendre pourquoi un gouvernement parle au nom d’un autre gouvernement. Je ne vois pas le document dans lequel la nation nisga’a mentionne qu’elle est d’accord avec cela. Serait-il possible d’avoir cette confirmation? Merci.

M. Almond : Merci de la question. Monsieur le président, je voudrais passer la parole à mon collègue, M. Roch Vézina.

Roch Vézina, analyste principal de la politique fiscale, Section de la politique fiscale autochtone, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur Almond.

Donc, il s’agit d’une mesure plus habilitante, qui reconnaîtrait l’accord et les modifications futures par les trois parties, plus ou moins du côté du fédéral, pour lui donner pleine force de loi et effet. La mesure en elle-même est plutôt habilitante, ce qui nous permettait, après le fait, de conclure un amendement ou de futurs amendements relatifs à l’accord de taxation, si les parties s’entendent.

Nous avons proposé des amendements fondés sur des mandats fédéraux, que nous avons aussi proposés à d’autres Premières Nations autonomes qui ont des accords similaires. Par contre, leur législation, qui met en œuvre le traité ainsi que l’accord de taxation, donne pleine force de loi à tout l’accord de taxation, tandis que la législation concernant l’Accord de taxation concernant la Nation nisga’a donnait seulement force de loi à certains articles, qui sont les seuls à avoir force de loi en ce moment. Donc, la mesure vient amender la loi de mise en œuvre pour effectivement donner force de loi à tout l’accord pour nous permettre d’amender l’accord, par la suite, avec l’accord des trois parties.

[Traduction]

Le président : Merci, monsieur Vézina.

La sénatrice Hartling : Merci aux témoins de leur présence et des renseignements qu’ils ont partagés avec nous.

Tout cela est un peu difficile à comprendre, surtout lorsqu’il s’agit d’impôt. Il y a deux ou trois choses qui me viennent en tête : nous savons qu’un grand nombre d’accords qui ont été signés avec les Premières Nations n’étaient pas dans leur intérêt. Je veux m’assurer de bien comprendre.

Dans le passé, y a-t-il eu d’autres types d’accords comme celui-ci, avec d’autres groupes des Premières Nations et le gouvernement et les provinces dont vous pourriez nous parler?

M. Almond : Merci de la question, madame la sénatrice. Oui, il y a eu un certain nombre d’accords similaires, comprenant des dispositions similaires ou pour ainsi dire identiques, qui ont été conclus avec plus de 15 Premières Nations autonomes au Canada.

Les mesures comprises dans les accords de traitement fiscal, comme on les appelle généralement, servaient à alléger le traitement fiscal du gouvernement dans certains cas, comme nous l’avons expliqué, relativement aux régimes de retraite enregistrés, aux revenus et au traitement fiscal des particuliers, et aussi pour s’adapter à toute modification éventuelle que les parties pourraient convenir d’apporter.

Je devrais souligner que tous ces accords, et ce, dans tous les cas, sont accessibles au public. Vous pouvez les consulter sur le site Web de Finances Canada. Nous pourrions certainement envoyer plus tard à la greffière et au comité les liens exacts, ou même des copies exactes des accords, si le comité le juge utile.

Encore une fois, ces accords sont conçus pour être des mesures techniques mutuellement acceptables, entre les parties, et ils sont fondamentalement conclus parce que les lois de l’impôt du Canada, depuis l’époque de la Nation Nisga’a jusqu’aux gouvernements autonomes futurs et actuels, ne contiennent pas suffisamment de détails précis pour couvrir toutes les situations touchant les gouvernements autochtones et leurs citoyens.

La sénatrice Hartling : Merci.

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, nous pouvons poursuivre la discussion. Si vous avez des questions, il nous reste quelques minutes. Puisqu’il n’y en a aucune, nous allons passer aux témoins suivants.

Nous reprenons maintenant notre étude sur la mise en œuvre fédérale du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le ministre Marc Miller a été retardé à cause de votes à la Chambre des communes, mais il sera avec nous au cours de la prochaine demi-heure.

En attendant qu’il arrive, accueillons les représentants de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : M. Daniel Quan-Watson, sous-ministre, et Mme Chantal Marin-Comeau, directrice générale, Secrétariat des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées.

Je vais inviter M. Quan-Watson à nous présenter sa déclaration préliminaire au nom du ministre Miller. Vous avez cinq minutes tout au plus. Ensuite, nous passerons à la période de questions. Les sénateurs et sénatrices disposeront de trois minutes chacun, comme avec les témoins précédents. Si le ministre, le sous-ministre ou la directrice générale sont incapables de nous fournir une réponse de vive voix aujourd’hui, je vais leur demander d’envoyer leur réponse par écrit à la greffière d’ici vendredi.

Sur ce, je cède maintenant la parole au sous-ministre Quan-Watson.

[Français]

Daniel Quan-Watson, sous-ministre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : C’est un plaisir d’être avec le comité aujourd’hui. Le ministre sera ici bientôt. Entretemps, j’aurai quelques remarques assez rapides à faire.

[Traduction]

Je tiens à souligner que je m’adresse à vous aujourd’hui à partir d’Edmonton, sur le territoire du Traité no 6, où se trouvent les Métis de l’Alberta.

[Français]

Comme le comité l’a entendu au début du mois, notre travail collectif pour mettre fin à cette tragédie nationale est centré sur la mise en œuvre des 231 appels à la justice contenus dans le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Les anciens commissaires de la commission d’enquête ont clairement indiqué que les gouvernements — y compris le gouvernement fédéral — ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre de ces recommandations, dont beaucoup visent les causes profondes de la violence.

[Traduction]

Une grande partie de cet objectif consiste à fournir des programmes et des services accessibles dans les quatre domaines clés identifiés par l’enquête : la culture, la santé, la sécurité et la justice.

Le budget 2022 s’appuie sur les investissements passés et confirme à nouveau l’engagement de plus de 2,2 milliards de dollars pris par le gouvernement en 2021 pour faire face à cette tragédie nationale.

Le budget 2022 investit également dans le plan d’action national contre la violence sexiste, le plan d’action fédéral LGBTQ2+ et le plan de lutte contre le racisme.

[Français]

Toutes ces initiatives sont liées aux engagements pris par le gouvernement du Canada dans sa Voie fédérale pour traiter les questions relatives aux femmes et aux personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones.

Le gouvernement reconnaît que l’accès à la culture reste un élément important de la reconquête du pouvoir et de la place et, en fin de compte, de la sécurité. Le ministre a récemment annoncé une série d’investissements qui répondent directement à l’appel à la justice no 2.3 sur la création d’espaces culturels sûrs pour les communautés autochtones du pays.

Dans le territoire mohawk de Kahnawake, au Québec, et à 108 Mile Ranch en Colombie-Britannique, le gouvernement aide à financer la construction de nouveaux centres culturels qui serviront d’espaces sûrs pour que les membres de la communauté puissent partager leurs connaissances traditionnelles.

À Savona, en Colombie-Britannique, le gouvernement du Canada finance la construction d’un foyer traditionnel et d’un musée pour la bande indienne skeetchestn. Ce financement permettra à la Première Nation de célébrer et d’enseigner sa culture, et de souligner le rôle des femmes, des filles et des personnes bispirituelles et LGBTQQIA+ dans leur communauté.

[Traduction]

L’année dernière, le secrétariat des FFADA a lancé le Programme de contribution au soutien du bien-être des familles et des survivantes et survivants des FFADA et des personnes bispirituelles et LGBTQQIA+. Grâce à ces programmes, le gouvernement a accordé plus de 2,5 millions de dollars de financement à 20 organisations autochtones pour des projets qui proposent des activités, des programmes et des services de guérison et de bien-être aux familles et aux survivants.

En plus de ces annonces, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a alloué près de 1 million de dollars à des organisations autochtones pour soutenir 19 projets de données dirigés par des Autochtones. Ces projets nous aideront à mieux comprendre le problème de la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles et LGBTQQIA+ autochtones.

[Français]

Le gouvernement a fait du travail et des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire, c’est clair. Mon ministère présentera une mise à jour en juin de cette année pour souligner certains des progrès accomplis à ce jour et tracer la voie à suivre.

[Traduction]

Nous avons entendu la nécessité de mettre en place de solides mécanismes de surveillance et de responsabilisation, de multiplier les programmes qui donnent accès à l’éducation, à l’emploi et à d’autres possibilités économiques, et de mieux soutenir les personnes ayant affaire au système judiciaire.

[Français]

Il s’agit d’une entreprise qui concerne l’ensemble du gouvernement et du Canada. Toutes nos actions doivent être menées en partenariat — élaborées en collaboration, dirigées par des femmes autochtones et avec la participation des communautés autochtones. Il s’agit là d’un élément crucial au moment où nous mettons en œuvre ces recommandations. Bien que nous ayons fait des progrès pour combler ces lacunes, il nous reste encore du travail à faire et nous continuerons ce voyage ensemble.

Meegwetch, qujannamiik, marsee. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci, monsieur le sous-ministre. Avant de commencer la période de questions, j’ai moi-même une question à poser. Certains témoins ont soulevé des préoccupations à l’égard du manque d’information sur la mise en œuvre des appels à la justice. Comment le ministère projette-t-il de communiquer les résultats de ses efforts?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de la question. Nous déployons des efforts considérables justement de ce côté. Nous sommes conscients du fait qu’il est crucial de savoir quelles données mesurer pour voir l’histoire à long terme. La meilleure façon de s’assurer que personne ne pourra reléguer cela aux oubliettes encore une fois, comme cela a été fait pendant beaucoup trop longtemps dans notre histoire, c’est d’avoir des données et des mesures qui sont à la vue de tous.

J’ai parlé de 19 projets, par exemple, qui sont en cours d’élaboration relativement aux données. Nous allons publier notre premier rapport annuel en juin. Ce sera un rapport non seulement sur le plan fédéral, mais aussi sur le plan d’action national avec les provinces et les territoires et les groupes autochtones.

Avec le temps, cela va prendre de l’ampleur, et une partie de ce que nous avons tenté de faire est de veiller à ce que les choses ne puissent jamais revenir où elles ont déjà été — c’est-à-dire que c’était invisible —, et pour veiller à ce que cela soit à la vue de tous les Canadiens et de toutes les personnes responsables d’apporter ces modifications.

Le président : Merci, monsieur Quan-Watson.

[Français]

La sénatrice Audette : Je pense que vous le savez tous les deux, et bientôt M. Miller le saura aussi : j’ai fait partie de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA). Maintenant, c’est à titre de sénatrice que je réagis et que je vous pose des questions.

S’il vous plaît, concernant les 2,2 milliards de dollars : il y a une crise, les femmes continuent de disparaître, encore aujourd’hui, en 2022. Les jeunes filles sont encore victimes de toutes sortes de choses dont on a témoigné et qu’on a présentées dans les appels à la justice, qui sont des impératifs juridiques, à mon avis. Alors, oui, la culture c’est important, la langue et tout cela, c’est important, mais on retrouve un surnombre de femmes incarcérées — cela ne passe pas —, puis on a toutes sortes de problèmes.

Qu’est-ce que le gouvernement entend faire? Pour moi, il s’agit d’une urgence, pour le Canada et bien sûr pour le Québec, de valider, de vérifier, de surveiller les appels à la justice; donc, l’appel no 1.7, le poste d’ombudsman, c’est quelque chose qui est fondamental et urgent. Bien sûr, il y a aussi l’appel à la justice no 1.10, qui permet de rendre compte, de faire rapport et de vérifier — de surveiller — les appels à la justice.

Je ne veux pas savoir combien d’argent sera investi, parce que je n’ai pas l’impression que cela sauve des vies, encore aujourd’hui; mais en tant que sénateurs, nous avons besoin de savoir ce que le gouvernement fédéral fait au quotidien.

M. Quan-Watson : Merci beaucoup pour la question, madame la sénatrice.

Je pense qu’un élément absolument essentiel du rapport des commissaires a été la grande, grande, grande, série de liens entre causes et effets. Par le passé, trop souvent, on blâmait les victimes ou on croyait que c’était très simple; c’était une ou deux choses et si on les réglait, la situation se réglait. Le rapport démolit ces arguments pour toujours — cela a un impact incroyablement important.

Je pense que la sénatrice cerne deux éléments clés : l’ombud, qui, encore une fois, ne permettra jamais aux gens d’oublier, mais qui permettra de faire la lumière sur les lacunes, et les rapports, car ce sera sur la base d’évaluations qu’on pourra démontrer s’il y a des lacunes ou, encore plus important, s’il y a parfois des succès. Donc, les questions relatives aux services de police, au revenu, à l’éducation, aux services d’hébergement dans le contexte de violence conjugale, et toute une série d’investissements seront nécessaires.

C’est vrai que ce n’est qu’un départ, et c’est absolument vrai que le gouvernement fédéral doit travailler avec les provinces, les territoires, et surtout les communautés et le gouvernement autochtones. Cependant, c’est en répondant à l’ensemble de ces appels et à l’ensemble de ces causes — c’est bien écrit dans le rapport qui a été publié en 2019 — et même, je dirais pour la première fois en tissant tous ces liens, que nous allons y répondre.

[Traduction]

Le sénateur Christmas : J’aimerais poser une question à M. Quan-Watson. Je tiens à vous remercier et, par votre entremise, remercier le gouvernement des investissements budgétaires récents pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Je sais que c’est un début, mais c’est un bon début.

Quand nous avons entendu les témoins des familles, il y avait, et c’est compréhensible, énormément de méfiance envers les gouvernements fédéral et provinciaux, et puisqu’il s’agit d’une partie de la population qui est tellement vulnérable, qui a été maltraitée et négligée et qu’on a refusé d’entendre, c’est tout à fait compréhensible.

Nos témoins aussi ont parlé de responsabilisation, et je crois qu’on parlait non seulement de la responsabilisation du gouvernement actuel, mais aussi de celle des futurs gouvernements, tant fédéraux que provinciaux. Pour les témoins, c’était une garantie à l’égard de la responsabilisation et des actions.

J’ai remarqué que, dans le plan d’action national, tous les gouvernements prendraient des mesures pour créer un poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne avant le 3 juin 2022, et je suis sûr que cela est aussi pris en considération dans votre rapport annuel à venir.

Sans trop compromettre votre propre rapport — même si c’est essentiel que le comité soit aussi précis et exact que possible dans son propre rapport — pouvez-vous nous dire quelles mesures le gouvernement fédéral va prendre ou prend actuellement pour créer ce poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de la question. Je vais céder la parole à ma collègue, Mme Chantal Marin-Comeau, qui pourra vous fournir de l’information détaillée. Il s’agit évidemment d’un enjeu très important, comme je l’ai dit plus tôt; il faut veiller à ce que ce soit impossible pour ce genre de questions de retomber dans l’ombre, comme cela est arrivé trop souvent dans le passé. Il y a des gens avec qui nous avons interagi. Vous avez parlé des survivants et des familles. Il y a des gens qui, 50 ans avant que ce processus ne soit lancé, demandaient d’être reconnus, et nous comprenons pourquoi cela a entraîné un manque de confiance. Je crois que cela souligne le besoin crucial d’avoir un ombudsman et que des comptes soient rendus pour que ce genre de problèmes soient mis en lumière.

Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec les provinces et les territoires, et même si je ne crois pas que nous avons progressé autant que nous l’aurions voulu jusqu’à présent, les choses avancent très bien. Les provinces et les territoires reconnaissent qu’il faut s’attaquer à ce problème également. Je peux certainement dire que les survivants ont dit très clairement que c’était une priorité; le gouvernement fédéral, comme toujours, soutiendra de très près les survivants à ce chapitre, et nous espérons que la question sera réglée bientôt.

Peut-être que ma collègue, Mme Marin-Comeau, pourra vous parler des réunions que nous avons tenues en particulier.

Chantal Marin-Comeau, directrice générale, Secrétariat des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Merci beaucoup de la question, et merci, monsieur le sous-ministre. Comme le sous-ministre vient de le mentionner, la reddition de comptes est quelque chose d’important. C’est une responsabilité que se partagent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et tous les ordres de gouvernement. Cela rejoint également la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Récemment, le gouvernement fédéral, par l’entremise du ministère de la Justice et de Relations Couronne-Autochtones, a entamé les efforts de mobilisation pour déterminer la forme que pourrait prendre le poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne et ce que cela pourrait être. Nous avons commencé à consulter nos partenaires autochtones. Nous allons être plus proactifs pour consulter les familles et les survivantes et survivants en vue de déterminer quelle sera la portée du poste d’ombudsman.

Évidemment, il faut une plus grande mobilisation des gouvernements provinciaux et territoriaux, si nous voulons que l’ombudsman ait toutes les ressources dont il a besoin pour une reddition de comptes réelle et pour assurer, jusqu’à un certain point, une surveillance des dossiers relevant du fédéral, des provinces et des territoires.

Nous prévoyons que tout cela fera l’objet de discussions pendant la mise au point du plan d’action concernant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de la loi qui est en cours d’élaboration, puis les choses pourront avancer.

Des travaux préliminaires ont déjà été entrepris. Nous avons besoin d’accroître beaucoup la mobilisation, et le gouvernement s’est engagé entièrement à cet égard et a commencé ses importants efforts de mobilisation dans ce dossier très crucial. Merci beaucoup.

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup de cette réponse. Monsieur Quan-Watson, prévoyez-vous de proposer un projet de loi au Parlement pour créer le poste d’ombudsman?

M. Quan-Watson : Certainement. Nous allons respecter l’engagement qui a été pris. Je ne peux pas vous dire exactement à quel moment cela sera fait, mais nous avons l’intention de respecter entièrement cet engagement, oui.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur le sous-ministre.

Le sénateur Patterson : Rapidement, j’ai seulement une question complémentaire dans la même veine. Je crois qu’il y avait effectivement un aspect temporel à cet engagement, alors j’espère que nous obtiendrons une réponse qui confirmera les délais promis.

Je veux remercier les témoins d’être avec nous.

Il y a 231 appels à la justice. La question est : par où commencer? Vous avez dit que vous avez commencé à travailler sur la recommandation de créer un poste d’ombudsman. Je me demande si le ministère avait établi une liste de mesures prioritaires, compte tenu du fait que vous ne pourrez pas mettre en œuvre les 231 appels en même temps. Je sais que la mobilisation est nécessaire, mais est-ce que le ministère a établi une liste des priorités, et le cas échéant, pourriez-vous dire au comité de quelles priorités il s’agit?

Ensuite, il a été question de 2,2 milliards de dollars sur cinq ans, et dans le budget 2021, 724 millions de dollars étaient affectés aux stratégies de prévention de la violence. Ce sont des fonds pour aider les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Le ministère a-t-il décidé de la façon dont ces fonds seront distribués équitablement entre les citoyens des Premières Nations, inuits et métis?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de la question. Je crois que l’une des meilleures façons de réfléchir aux priorités, c’est en regardant les dépenses. Par exemple, si on regarde 2019, 21 millions de dollars sur trois ans ont été investis pour le soutien en santé et le soutien des services aux victimes, puisqu’on a reconnu qu’il s’agit d’un aspect crucial.

Il y a eu des investissements à des fins de commémoration, par exemple, pour honorer la vie et l’héritage de celles qui ont été assassinées ou portées disparues.

Nous avons financé en 2019 un examen des politiques et des pratiques policières, encore une fois, pour souligner l’importance du maintien de l’ordre en tant que priorité, et cela a compris un examen du Bureau national des normes et pratiques d’enquête.

À l’automne 2020, nous avons ajouté énormément de fonds liés à l’infrastructure. Le lien entre l’infrastructure et les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées n’est peut-être pas évident pour certains, mais souvent, les circonstances qui font que des gens se retrouvent dans des situations où ils sont beaucoup plus vulnérables sont le manque d’accès au logement ou le manque d’eau potable dans les collectivités, entre beaucoup d’autres facteurs. Donc, cela a été une grande priorité.

Les refuges, pour les victimes de violence conjugale, par exemple, ont été une priorité dans laquelle nous avons investi énormément d’argent au fil du temps. En juin de l’année dernière, deux nouveaux refuges ont été annoncés, grâce à 85 millions de dollars et à 10,2 millions de dollars annuellement par la suite.

Mais, dans le budget de l’année dernière, il y avait 18 milliards de dollars pour combler l’écart entre les Autochtones et les non-Autochtones, et encore une fois, c’est quelque chose qui rejoint les conclusions de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui se trouvent dans un rapport exhaustif expliquant tous ces liens entre les causes et les effets. C’est un dossier qui soulève toutes sortes d’aspects différents, tout, depuis les données jusqu’à l’aide aux survivantes et survivants et aux familles des victimes, en passant par le logement, encore une fois, les refuges, la création d’un secrétariat, le tout de façon à nous assurer que nous ne perdons pas de vue tous ces enjeux et qu’ils ne resteront pas en plan.

Nous travaillons en très étroite collaboration avec les Métis, les Inuits et les Premières Nations, et ceux-ci ont fait partie intégrale des discussions sur les dépenses, et nous continuerons à veiller à ce que les fonds appropriés soient distribués à chacun de ces groupes. Évidemment, ce n’est pas un processus convenu. Ce n’est pas toujours facile. Les besoins sont différents, mais c’est pour cela que nous devons nous assurer de travailler ensemble.

La sénatrice Pate : Merci aux témoins. Ma question porte sur les liens entre le travail de votre ministère et celui des autres ministères, étant donné que la réconciliation et la mise en œuvre des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation font partie des lettres de mandat de tous les ministres.

Que faites-vous pour établir des liens entre vous afin de veiller à ce que le genre de cadres dont vous venez juste de parler soit mis en place et de veiller à obtenir des résultats, au bout du compte, par exemple pour remédier à la surreprésentation des femmes autochtones dans le milieu carcéral ainsi qu’à leur incarcération de masse, surtout compte tenu du fait qu’elles représentent la moitié des femmes détenues sous responsabilité fédérale? Comment voyez-vous votre rôle, pour ce qui est de veiller à ce que les autres ministères donnent suite aux appels à la justice?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de la question. Je pense que notre rôle correspond tout à fait au nom du ministère : Relations Couronne-Autochtones. Le ministère dont je suis sous-ministre et pour lequel Marc Miller est le ministre est surtout responsable d’organiser la perspective de la Couronne sur ces relations. Nous y consacrons beaucoup de temps. Le secrétariat qui fait partie du ministère est responsable d’établir des liens entre les ministères fédéraux et de s’assurer que les engagements de la Voie fédérale dans ce dossier non seulement sont bien réfléchis, mais sont aussi bien présentés, bien compris, bien exécutés et bien signalés.

Évidemment, comme ce serait le cas pour n’importe quel rapport qui soulève de multiples causes entraînant les conséquences qui sont malheureusement présentes dans la vie de trop de femmes et de filles autochtones, il est crucial pour nous que nous nous assurions de coordonner nos efforts, et c’est donc ce que nous faisons. Je ne veux pas prétendre que nous réussissons parfaitement, mais c’est la première fois.

Encore une fois, je vais revenir à mon commentaire sur le rapport lui-même. C’est la première fois, même si cela fait plus ou moins 30 ans que je travaille dans ce domaine, que je vois toutes ces diverses causes, d’un bout à l’autre d’un vaste continuum de besoins et de situations, être liées à ces conséquences. Dans le passé, on faisait beaucoup trop souvent comme s’il n’y avait qu’un seul ensemble linéaire de causes, et que si on pouvait y remédier, alors tout irait bien. Le rapport a exposé les faiblesses de ces arguments et a montré que c’est toutes ces choses auxquelles il faut remédier. Nous reconnaissons que nous devons mobiliser toute la famille fédérale au complet pour que nous puissions intervenir, au même titre que les gouvernements provinciaux et territoriaux et les collectivités et gouvernements autochtones aussi.

La sénatrice Pate : Allez-vous publier des rapports sur l’avancement de ces initiatives?

M. Quan-Watson : Oui. Il va y en avoir un sur le plan national que nous allons faire en juin, et un autre que nous allons faire sur la Voie fédérale. Il y a trop de gens qui pensent que national veut dire fédéral. National, bien sûr, englobe tous les autres acteurs, mais ce sera un rapport séparé, la Voie fédérale, et c’est notre responsabilité en tant que gouvernement fédéral de commencer à travailler sur certaines parties des 231 appels à la justice que votre collègue a mentionnés plus tôt, parce que cela incombe à juste titre au gouvernement fédéral.

Bien sûr, n’importe quel appel à la justice pourrait concerner plusieurs gouvernements; peut-être que la responsabilité incombe entièrement au gouvernement fédéral; peut-être qu’il est responsable d’une partie, mais d’une façon ou d’une autre, notre travail consiste à nous assurer que nous englobons tout cela et que nous réagissons adéquatement.

Le sénateur Arnot : Ma question s’adresse au sous-ministre Quan-Watson. Merci d’être avec nous aujourd’hui, monsieur.

L’efficacité de l’intervention tiendra en grande partie à la collaboration avec les provinces et les territoires et à leur coopération. Selon vous, la réponse des provinces et des territoires est-elle satisfaisante? Dans le cas contraire, comment envisagez-vous de travailler avec ceux qui sont peut-être réticents à l’idée de prendre des mesures robustes pour aller de l’avant et véritablement accomplir les objectifs des appels à la justice?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de poser la question. D’abord, il est important de souligner que lorsque le Plan d’action national a été publié en juin de l’année dernière, toutes les provinces et tous les territoires ainsi que de nombreux groupes d’Autochtones y ont participé.

Lorsqu’il s’agit d’un ensemble de problèmes qui sont aussi difficiles que ceux-ci, et pour lesquels il y a autant de points de vue différents, ce n’est pas commun de réunir tous les gouvernements de la fédération canadienne, mais nous y sommes arrivés.

Clairement, les antécédents historiques, les besoins et les relations spécifiques seront différents d’une province à l’autre et d’un territoire à l’autre, et il y aura donc de grandes différences entre nos interventions, mais tous ont montré une grande volonté à poursuivre les efforts. Nous approchons du premier anniversaire et de son rapport, et je crois qu’il sera donc important que les provinces et les territoires se mobilisent, mais aussi que la reddition de comptes dont j’ai parlé plus tôt, avec le poste d’ombudsman que nous allons créer, constitueront des outils importants pour, je le redis, révéler les lacunes et déterminer qui en est responsable.

Le problème de l’incarcération et de l’emprisonnement a déjà été mentionné, et évidemment, les provinces et l’administration de la justice doivent jouer un rôle important sur ce plan. Un grand nombre des services d’éducation et de services sociaux qui ont été mis en cause sont de la compétence provinciale ou territoriale, et il va falloir se pencher là-dessus également.

Nous allons certainement être là pour insister sur ces discussions. Nous ne reculerons pas devant les évaluations qui vont survenir, et nous allons certainement, dans nos interventions en réaction, nous assurer que les problèmes et les difficultés sont clairement cernés, afin qu’ils puissent être réglés, peu importe de qui cela relève.

Le sénateur Arnot : J’aimerais que le sous-ministre parle un peu plus d’éducation et de ces éléments dans les appels à la justice. Il a parlé des forces policières, du personnel médical et d’autres choses qui relèvent de la compétence provinciale. Qu’en est-il de l’éducation du public en général au sujet de ces questions et de l’importance de les régler?

M. Quan-Watson : Merci de poser la question et d’aborder ce sujet. Bien sûr, monsieur le sénateur, puisque vous avez été Commissaire aux traités, vous savez très bien ce qui arrive quand les gens ne comprennent pas leur propre histoire. Je pense en particulier aux non-Autochtones qui n’ont aucune idée de l’importance et du sens des traités.

Une des choses qui ont été soulignées dans le rapport et par beaucoup d’autres est que nous souffrons tous, au bout du compte — les Autochtones en particulier —, quand le reste de la population n’a pas appris complètement ou exactement son histoire.

Je sais que mes collègues de SAC, dans leurs efforts d’éducation, travaillent pour régler ces lacunes non seulement dans les programmes dont ils sont directement responsables, mais aussi dans leurs interactions avec les provinces et les territoires.

Un élément qui dépasse peut-être un peu la question que vous avez posée, mais qui est très important, est le fait que les problèmes de revenu mènent très souvent à l’insécurité dont souffrent un si grand nombre de victimes. Dans le cadre des interventions, c’est l’éducation — le genre d’éducation qui vous permet de gagner un revenu stable —, qui vous permet de participer entièrement et d’être au courant des recours qui vous sont offerts, si le système ne vous donne pas ce dont vous avez besoin. De façon générale, il y a une corrélation entre l’éducation et des résultats de vie plus favorables au fil du temps. C’est une autre approche en matière d’éducation qui sera extrêmement importante, dans ce dossier.

J’insiste sur l’aspect auquel, je pense, vous vouliez principalement en venir, à savoir que si d’autres personnes non autochtones ne comprennent pas l’histoire, les circonstances, les aspirations et les capacités des collectivités autochtones, nous continuerons d’être confrontés à bon nombre des défis sous-jacents qui ont été si bien décrits dans le rapport et qui ont souvent une incidence disproportionnée sur les résultats que nous essayons désespérément d’éviter ici.

Le sénateur Arnot : Merci.

Le président : Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées explique que la mise en œuvre des appels à la justice doit inclure la participation et les perspectives des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones ayant une expérience vécue, y compris la famille des survivants de la violence et des personnes disparues et assassinées.

Quelle approche devrait être adoptée pour garantir l’inclusion et le point de vue des divers groupes de femmes, de filles et de personnes 2ELGBTQQIA autochtones dans la mise en œuvre des appels à la justice, et dans quelle mesure le soutien pourrait-il différer selon la région ou le groupe autochtone? À votre avis, cette approche a-t-elle été adoptée dans le plan d’action national?

M. Quan-Watson : Je suis heureux de répondre à cette question. Je vais me tourner vers ma collègue, Mme Marin-Comeau, pour ce qui est du travail particulier qui a été réalisé.

Tous ces éléments sont au cœur du projet. Par exemple, il y a le plan d’action national, dans le cadre duquel nous avons travaillé en étroite collaboration avec des groupes de survivants, des groupes communautaires, des administrations autochtones et des organisations autochtones représentatives. Au final, ce sont les personnes qui ont le plus insisté pour que l’enquête ait lieu et pour que les Canadiens cessent de faire fi de ces questions. En fin de compte, si elles ne sont pas convaincues que nous faisons des progrès, je pense que, par définition, il est difficile pour les gouvernements d’être en désaccord et de dire que nous en faisons, même s’ils ne sont pas du même avis.

Nous avons adopté de nombreuses approches pour nous assurer que, non seulement elles jouent un rôle, mais qu’elles soient aussi au centre de tout cela. Je pourrais peut-être me tourner rapidement vers ma collègue, qui pourra expliquer une partie du travail en cours pour les garder au centre.

Mme Marin-Comeau : Merci beaucoup pour la question. Le plan d’action national, lancé le 3 juin 2021, a été mené par des Autochtones. D’un océan à l’autre, du nord au sud, les femmes autochtones, les organisations et personnes 2ELGBTQQIA ont joué un rôle très important, en plus d’être fortement mobilisées et dévouées envers ce travail.

À l’époque, le plan d’action national a été lancé avec des partenaires autochtones, y compris des comités et des groupes de défense des droits tels que le Cercle national des familles et des survivants. Il y avait un comité urbain qui représentait des Autochtones vivant en milieu urbain, et il y a toujours un comité national sur les 2ELGBTQQIA qui travaille dur sur la mise en œuvre pour sa population. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis de tout le pays ont joué un rôle important et ont dirigé ce plan d’action national.

En outre, des organisations autochtones nationales, comme le Congrès des peuples autochtones, ont également participé à cette élaboration, de même que certaines organisations régionales. Nombre d’entre elles ont poursuivi les aspects de la mise en œuvre, notamment en mettant davantage l’accent sur le Cercle national des familles et des survivants. Les familles et les survivants sont également mobilisés dans diverses provinces et divers territoires, ainsi que dans des organisations, des ministères et des organismes fédéraux.

À titre d’exemple, les femmes autochtones et les organisations 2ELGBTQQIA ont été et resteront au centre de cet effort aux échelons fédéral, provincial et territorial et, évidemment, grâce à une étroite collaboration avec les provinces et les territoires qui possèdent leurs propres réseaux ainsi que les organisations autochtones avec lesquelles elles travaillent.

En plus, un éventail d’organisations, de ministères et d’organismes gouvernementaux ont pleinement collaboré avec des partenaires autochtones dans le cadre de leurs initiatives. Cela sera également inclus dans le rapport du 3 juin concernant le plan fédéral. Merci beaucoup.

Le président : Merci à vous deux de vos réponses.

[Français]

La sénatrice Audette : Merci à mon collègue pour cette question. J’aimerais y aller plus en détail, car il est important de bien séparer, par exemple les Inuits et les Innus — ce sont deux mondes et deux cultures. Plusieurs nations, au Québec, ne parlent pas l’anglais comme langue seconde. Le Canada a tendance à créer des organisations qui utilisent l’anglais comme langue d’échange et langue commune.

Quelles sont vos stratégies pour les communautés comme Schefferville, Pakuashipi, Obedjiwan, des communautés qui ne sont peut-être même pas au courant de toutes les questions liées à l’ENFFADA et des possibilités de financements? Que fait-on pour toutes nos sœurs des Maritimes qui sont si loin d’Ottawa? Plus vous êtes loin d’Ottawa, moins vous avez accès au financement. Il y a aussi celles qui sauvent des vies dans le Downtown Eastside de Vancouver. Je ne sais pas comment on va faire pour elles. On a tendance à financer des organisations qui sont déjà établies, alors que les organisations de la base n’ont peut-être pas la capacité d’obtenir ce financement. Comment peut-on les appuyer pour qu’elles bénéficient du budget de 2,2 milliards de dollars, parce qu’elles sauvent et accompagnent des vies? Avez-vous des solutions pour elles?

M. Quan-Watson : Je vais commencer, si vous me le permettez, monsieur le président, et je céderai ensuite la parole à Mme Marin-Comeau.

Je pense qu’en fin de compte, nous faisons des choses pour la première fois, dans plusieurs cas, par exemple, les espaces culturels. Par le passé, bien des gens nous avaient dit que c’était nécessaire et même essentiel; d’ailleurs, on se demandait ce que cela avait à voir avec les questions de sécurité. On s’est lancé là-dedans, dans des questions de santé mentale, ce qu’on n’avait jamais fait par le passé. Ce qui est le plus fascinant, c’est que les personnes et les organismes des communautés engagées sont souvent très différents des intervenants avec qui nous travaillons généralement. C’est un aspect très important du succès futur et durable de cette entreprise. Beaucoup plus de gens seront engagés, et pas seulement les mêmes institutions que par le passé. Ma collègue pourra parler d’exemples particuliers, par exemple, dans le domaine du développement des espaces culturels. Ce ne sont souvent pas les mêmes gens que ceux avec qui on travaille habituellement. Il y en a évidemment d’autres aussi, donc je passe la parole à ma collègue.

Mme Marin-Comeau : Merci beaucoup, sénatrice, pour cette question très importante. Merci au sous-ministre. Dans un premier temps, le gouvernement est conscient que les organisations de la base, dont vous parlez, sont celles qui ont le plus d’impact pour traiter cette tragédie nationale. Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a élaboré et lancé un programme pour le bien-être des familles des survivantes, l’année dernière. Ce programme est dans sa deuxième année. Il a été créé et élaboré avec l’aide de Services aux Autochtones Canada. Il y a évidemment plus à faire pour améliorer le processus. On a entendu que c’était difficile pour les organisations, pour les individus, d’accéder à ce financement. On travaille à mettre des solutions en place pour les programmes qui rélèvent de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, pour aider ces gens et ces organisations à manœuvrer et à accéder à ce financement.

C’est un travail de longue haleine, parce qu’il y a plus de 25 ministères et organismes qui sont engagés dans le dossier des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et des personnes 2ELGBTQQIA+. Il y a beaucoup de travail à faire avec ces ministères pour améliorer le processus de financement. Il faut vraiment cibler l’endroit où l’impact se fera le plus sentir. Nous sommes au courant et cela fait partie de nos préoccupations et de nos engagements.

La sénatrice Audette : Merci.

[Traduction]

Merci de votre exposé et de votre réponse.

Le sénateur Christmas : Il y a quelques semaines, ma fille de 32 ans a été déclarée disparue par la police du Nouveau-Brunswick. Elle n’avait pas disparu. Je savais où elle était. Nous avons un camp familial dans les Hautes-Terres-du-Cap-Breton. Sur un coup de tête, elle et une autre famille ont décidé de s’y rendre et, bien sûr, pendant une semaine, personne n’a pu les joindre et ils ont été déclarés disparus.

Ce qui m’a vraiment impressionné, c’est la réaction de la police, du moins d’un policier en particulier. Il a fait un travail remarquable tout au long de cette fausse urgence. J’ai dû communiquer avec lui pour le remercier et lui dire que j’étais impressionné par sa réaction.

Cela a soulevé dans mon esprit la question la plus importante. Cela fait maintenant trois ans que la commission a déposé un rapport. Il m’a semblé que la réponse antérieure des diverses forces de police du Canada, que ce soit la GRC, les services de police provinciaux ou municipaux, était au cœur du problème. Vous ne pouvez vous empêcher de penser que, si la réaction de la police était proche de ce que ce jeune agent a fait au Nouveau-Brunswick, nous n’aurions pas eu la situation que nous connaissons aujourd’hui.

Je suis parfois un peu dépassé par la complexité, l’ampleur et la profondeur de cette question. Vous avez parlé de multiples ministères. Vous avez parlé des provinces. Vous avez parlé des territoires. Au cours des trois dernières années, monsieur le sous-ministre, avez-vous commencé à voir une transformation et des changements au sein de nos forces de police lorsqu’elles s’occupent des femmes autochtones disparues? Si tel est le cas, pouvez-vous nous donner quelques exemples de la façon dont la culture policière commence à changer et à réagir davantage à la situation?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de poser la question et de nous fournir cet exemple très poignant. Je suis d’accord avec vous pour dire que si les services de police de tout le pays, au fil des décennies, avaient réagi de la même manière, la probabilité que nous ayons eu les résultats qui sont au cœur de cette enquête n’aurait pas existé.

Cela dit, vous avez fait allusion à la complexité, et les questions sous-jacentes — ce que cela signifie quand vous n’avez pas de logement stable, lorsque votre éducation ne vous permet pas d’obtenir l’emploi dont vous avez besoin, que vous devez quitter un mariage ou une relation, mais n’avez nulle part où aller — sont toujours aussi présentes, et souvent, bien sûr, la police est la dernière réponse disponible à une série de choses qui ont terriblement mal tourné auparavant.

Maintenant, je ne peux pas parler au nom des forces de police, mais je peux dire que, dans le cadre de mes interactions avec la GRC, la force policière avec laquelle je travaille, elle a pris très au sérieux l’ensemble des conversations que nous avons eues. Je sais que des sommes ont été investies avec la GRC sur quelques questions que j’ai mentionnées plus tôt au sujet de l’unité des normes, par exemple. Je sais que la commissaire a pris cela très au sérieux. Il ne fait aucun doute que la police pourra venir vous présenter un rapport plus complet à ce sujet.

Dans une partie de mes réponses précédentes, j’ai fait référence à l’importance de ne plus jamais repousser ce problème. On ne peut tout simplement pas reléguer ce problème dans l’ombre ou l’expliquer comme on l’a fait pendant tant de décennies. Je ne dis pas que ce problème est entièrement résolu, mais je pense que les trois dernières années, et pas seulement au moment du rapport, les histoires déchirantes qui ont été racontées à maintes reprises — et, votre collègue, la sénatrice Audette, était là et a entendu certaines de ces histoires — ont éveillé de nombreux Canadiens à une réalité.

Vous parlez de ce qui s’est passé lorsque vous avez téléphoné à cet agent. Presque tous les autres citoyens canadiens s’attendent à ce que cela soit simplement le point de départ d’une conversation avec toute institution publique. Malheureusement, c’est l’exception, et cela a été l’exception pour trop de gens.

Le fait que nous avons eu ces conversations, ce rapport, ce témoignage, rend encore plus difficile pour toute institution de revenir en arrière, et j’ai certainement vu la GRC prendre cela très au sérieux dans toutes les conversations que j’ai eues avec ses représentants.

Le sénateur Christmas : Dans le même ordre d’idées, monsieur le sous-ministre, pouvez-vous décrire pour nous certains des changements que vous avez observés au sein de la GRC?

M. Quan-Watson : Il est très difficile pour moi de le faire en détail, car j’ai mes échanges avec la commissaire et avec certains de leurs organes, mais ils se présentent et ils le font volontiers. Nous avons des conversations détaillées sur l’importance de ces questions. Ce sont eux qui soulèvent souvent ce qu’ils espèrent faire et ce qu’ils doivent faire.

Encore une fois, j’exerce cette activité sous une forme ou une autre depuis près de 30 ans, et je dirais que ce que je vois aujourd’hui est différent de ce que j’ai vu dans ce secteur au cours de l’essentiel de ces 30 années, et j’attribue cela au fait que les gens prennent la question au sérieux. Ils partent et vont faire ce qu’ils ont dit qu’ils feraient, et il est clair dans les conversations qu’ils prennent cela au sérieux.

Je le répète, je ne peux pas parler au-delà de ce qui se passe sur le plan opérationnel. Je ne fais pas partie de la GRC et je ne peux pas parler en son nom, mais certainement, si je dois faire référence aux conversations que j’ai eues, c’est ce qui s’en dégage.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur le sous-ministre.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos deux témoins cet après-midi. Il y a eu tellement d’éléments importants propres à susciter la réflexion et l’action.

J’ai deux questions, et si vous le permettez, je vais poser les deux en même temps. Nous avons eu la chance, au sein du comité, d’entendre les commissaires eux-mêmes, et nous avons reçu un ancien commissaire à la table. Au cours de notre conversation au comité, il a été question du rôle potentiel et continu de ces commissaires dans le processus en cours, au fur et à mesure de la mise en œuvre de leurs recommandations. Ma première question porte donc sur les rôles possibles que vous envisagez ou dont vous discutez avec les anciens commissaires concernant leur participation continue à la mise en œuvre des appels à la justice et du plan global.

Ma deuxième question découle quelque peu du point soulevé par le sénateur Christmas et d’autres points que les gens ont soulevés au sujet de l’urgence, du fait de consacrer l’argent et les ressources aux choses qui auront les répercussions les plus importantes et les plus concrètes afin de mettre fin à cette situation, pour que nous n’ayons plus de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées, entre autres.

Au fur et à mesure que nous progressons en tant que pays, et que vous progressez avec les différents partenaires dans la mise en œuvre de la stratégie fédérale et nationale, et que nous surveillons et, je l’espère, évaluons très attentivement les modifications qui sont apportées, comment les décisions seront-elles prises pour que l’on puisse, pour ainsi dire, arroser les fleurs au lieu de mettre l’eau sur les mauvaises herbes? Comment nous assurons-nous que les ressources sont bien utilisées en fonction des changements que nous observons? Parce que nous voulons que des changements se produisent, alors je suis juste curieuse à ce sujet. Je sais que certains changements prendront du temps, et qu’il sera donc difficile de les mesurer, mais quels sont les processus en place pour vraiment évaluer les choses et ensuite les changer, au besoin, afin de nous assurer de faire les bonnes choses?

M. Quan-Watson : Merci beaucoup de poser la question. Pour ce qui est de la première question sur la participation future des commissaires, il est d’usage pour de nombreux commissaires différents d’avoir des communications et des questions en permanence. Parfois, c’est de nature plus formelle; parfois, ce l’est moins. Il reviendrait au ministre de tirer des conclusions en fonction de cela, mais pour être très clair, nous avions des commissaires extraordinairement dévoués, qui ont entendu des milliers de personnes et ont fourni un rapport. Encore une fois, je continue de le souligner, parce que je n’ai jamais rien vu de tel, au cours de mes 30 ans de carrière dans ce domaine, qui a permis de relier pour la toute première fois, pour autant que je sache, l’ampleur des causes sous-jacentes.

Cela rejoint un peu votre deuxième question sur la hiérarchisation des priorités. Selon la hiérarchie des besoins de Maslow, à un moment ou à un autre, ils sont tous touchés par les besoins qui sont cernés dans ce rapport. Il y a très peu d’autres segments de la population canadienne pour lesquels nous pourrions faire ce type d’étude et constater qu’un grand nombre des besoins les plus fondamentaux ne sont pas comblés, ce qui crée le type de résultats que la commission et son rapport ont détaillés et auxquels nous devons répondre.

Pour ce qui est de savoir si l’on fait les bonnes choses, il est absolument essentiel que les survivants, les collectivités et ceux qui travaillent auprès des personnes les plus à risque non seulement participent, mais soient aussi au centre de ce que nous faisons. La relation que nous devons établir entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les gouvernements territoriaux...

Le président : Monsieur Quan-Watson, je suis désolé de vous interrompre. Le ministre est ici, alors nous allons faire une brève pause et passer à lui. Merci.

M. Quan-Watson : Absolument.

Le président : Monsieur le ministre, wela’lin, merci de vous joindre à nous pour discuter de la mise en œuvre fédérale de l’enquête nationale, qui revêt une importance urgente pour le bien-être et la sécurité des femmes et des filles ainsi que des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones.

Étant donné que nous avons déjà eu l’occasion d’entendre directement les fonctionnaires, j’invite maintenant les sénateurs à poser leurs questions sur ce sujet directement au ministre.

[Français]

La sénatrice Audette : Bonjour et merci de votre présence au comité. J’espère que vous avez voté pour une bonne cause, mais revenons maintenant au projet de société qui est majeur; j’espère que votre énergie et votre leadership vont résonner à travers le Canada.

Comme je le disais à vos collègues, je rappelle l’importance — pour les 251 appels à la justice, plus ceux qui sont particuliers au gouvernement du Québec — de la reddition de compte, des mécanismes et des façons de faire pour que les familles et d’autres gens puissent rendre des comptes ou poser des questions individuellement, et bien sûr de l’ombudsman et du tribunal. C’est tiré du document Appels à la justice, à l’obligation gouvernementale no 1.10. Les familles que je connais ou avec lesquelles je travaille font des pressions pour faire en sorte que tout soit important, mais s’il n’y a pas de reddition de compte, nous risquons d’utiliser cela pour financer des choses qui n’ont pas d’impact réel pour les femmes et les filles autochtones. Qu’avez-vous à dire à ce sujet?

J’enchaîne avec ma deuxième question. Comment fait-on pour que cela se ressente jusqu’à Pakuashipi, Schefferville, Obedjiwan et Manawan, au lieu de tout centraliser dans ce que l’on connaît traditionnellement — les organisations? Elles font du bon travail, mais quelles sont les stratégies pour sauver des vies dans le Downtown Eastside de Vancouver ou dans les communautés éloignées?

L’honorable Marc Miller, c.p., député, ministre des Relations Couronne-Autochtones : Merci, madame la sénatrice, de cette question fort pertinente. Premièrement, j’aimerais dire au comité que je suis désolé pour mon retard.

D’abord et avant tout, s’il y a quoi que ce soit que le rapport final de l’ENFFADA nous a appris, c’est que l’approche du gouvernement doit être systémique, et non à l’emporte-pièce.

La réalité dans tout cela — et c’est un peu un début de réponse à votre deuxième question —, c’est qu’on ne devrait pas être satisfait tant et aussi longtemps que les femmes, les enfants et les personnes LGBTQ2+ vivent toujours dans l’insécurité dans ce pays. C’est un standard très élevé et un grand fardeau qui repose sur les épaules du gouvernement fédéral. On n’est pas le seul, mais on est responsable, et puis il faut l’avouer.

Dans l’optique d’une pandémie qui a rendu les femmes et les enfants plus vulnérables et plus sujets à violence — c’est tangible et mesuré —, il y a forcément un échec à constater, et il y aura un échec tant et aussi longtemps que les personnes ne se sentiront pas en sécurité dans les communautés que vous avez nommées.

La reddition de compte est essentielle — le sous-ministre en a parlé—, que ce soit par la mise en place d’un ombudsman qui puisse ajouter du mordant à la reddition de compte ou autre chose, c’est un principe clé et j’appuie la démarche. Nous ne sommes pas rendus là encore, mais on y sera et il faut le faire de la bonne façon. C’est très important de montrer à la société que les investissements de plusieurs milliards de dollars, qu’il s’agisse du budget de 2021 ou des investissements prévus dans le budget de 2022, visent des organisations de terrain. Je pense que le sous-ministre a nommé ou aurait pu nommer au-delà d’une quarantaine d’organisations ou programmes auxquels un financement a été accordé.

En ce qui a trait aux standards, aux résultats et aux niveaux à atteindre, ce qui est important, c’est vraiment la sécurité des personnes qui ne sont pas en sécurité aujourd’hui, ainsi que d’adopter une approche systémique et non à l’emporte-pièce ou « broche à foin ». On doit parler de réforme du système de santé au pays et du système judiciaire, surtout pour les personnes qui sont très vulnérables au sein du système de garde et du système carcéral de ce pays. Cela n’est pas quelque chose qui va se faire du jour au lendemain. Nous n’avons aucune excuse à présenter, mais il faut continuer le travail et c’est ce qu’on essaie de faire partout au gouvernement. Nous en serons à la fin de la première année le 3 ou le 4 juin; il faudra commencer à rendre des comptes, mais ce n’est pas le rôle du gouvernement fédéral de s’évaluer lui-même; ce sont de tierces parties indépendantes qui doivent le faire.

La sénatrice Audette : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : J’aimerais remercier le ministre d’être venu. Il est malheureux — et nous comprenons les circonstances — que nous n’ayons pas beaucoup de temps aujourd’hui, et nous ne recevrons le rapport d’étape tant attendu qu’après cette réunion, le 3 juin.

Monsieur le ministre, de toute évidence, nous sommes très investis dans ce travail important en tant que comité, alors seriez-vous prêt à continuer de renseigner le comité sur les progrès réalisés au cours de la prochaine session parlementaire cet automne et après cela?

M. Miller : Oui, absolument. J’ai un peu plus de temps aujourd’hui. Je ne veux pas bousculer mon emploi du temps et que cela se répercute sur tout un tas d’autres personnes, mais je pense qu’il me reste quelques minutes après ceci, si vous voulez prolonger la discussion pour les personnes qui pensent vouloir poser plus de questions. Je serais également heureux de revenir devant le comité à tout moment pour parler plus en détail de ce qui se passe. C’est un sujet trop important pour que l’on s’oppose à la procédure du Sénat. Je suis heureux d’offrir mon temps chaque fois que vous choisissez de me faire revenir.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous savons que c’est un défi. Je pense que le comité voudrait aider et montrer son soutien à mesure que nous avançons, alors merci de cet engagement.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur le ministre Miller, d’avoir pu vous présenter devant nous aujourd’hui.

Dans votre déclaration, vous avez parlé d’un ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne. Dans le prochain rapport ou par la suite, envisagez-vous une réponse législative fédérale pour établir le rôle et le bureau de l’ombudsman?

M. Miller : Je vais vous donner une réponse incomplète, monsieur le sénateur. La question est vraiment de savoir s’il s’agit de pouvoirs qui, selon moi, appartiennent déjà au ministre de la Justice. Je pense que nous avons examiné à l’interne les pouvoirs que je détiens et que nous les trouvons insuffisants. Encore une fois, nous sommes toujours prêts à les réviser. C’est un travail que nous sommes en train d’entreprendre, et nous ne sommes pas dans une position dont je suis particulièrement satisfait. Nous devons examiner cela très sobrement dans notre évaluation, en particulier à l’approche du premier anniversaire. Je suis absolument prêt à suivre la voie du processus législatif.

La question porte en fait sur un point soulevé par la sénatrice Audette, à savoir la comptabilité et la possibilité de demander : « Où va le fonds X, Y ou Z? Quel est le résultat qu’il atteint, et quels sont les objectifs? » Évidemment, l’objectif primordial est que nous ne devrions pas être heureux tant que tout le monde n’est pas en sécurité au pays, mais nous devons pouvoir mesurer ces milliards de dollars pour nous assurer que les répercussions vont aux personnes qui savent le mieux comment réagir à cette tragédie en cours.

Le sénateur Christmas : Le sous-ministre a mentionné dans ses commentaires au comité un lien entre la DNUDPA et les plans d’action nationaux du FFADA. Je n’ai pas eu le temps de demander au sous-ministre de quel lien il s’agissait. Maintenant que vous avez mentionné le ministre de la Justice, est-ce que la mise en œuvre du Plan d’action national du FFADA est liée au Plan d’action national de la DNUDPA?

M. Miller : Monsieur le sénateur, je dirais oui, mais pas nécessairement. Ils sont liés en ce qui concerne la révision des lois racistes comme la Loi sur les Indiens et d’autres lois moins évidentes qu’effectue notre gouvernement, en adoptant la DNUDPA et l’examen que nous devons entreprendre pendant cette période. Les plans d’action que le ministre Lametti, principalement, et moi-même sommes chargés de produire sont ceux qui auront une incidence sur la sécurité des femmes et sur la manière dont nos lois ont eu, de manière préjudiciable, des répercussions négatives sur les femmes et les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones dans notre pays. Cela fait partie de la réponse systémique.

J’ai eu un rôle de leadership très précis à jouer dans la réponse au rapport final du FFADA en coordination avec les ministres qui sont également concernés et auxquels ces appels à la justice sont directement liés; précisément, dans ce cas, il est question des appels à la justice, mais aussi de Sécurité publique Canada et de Services aux Autochtones Canada pour la santé et le bien-être, ainsi que beaucoup d’autres qui sont couverts.

Ils sont évidemment liés d’un point de vue systémique, mais la production d’un rapport ne dépend pas de l’autre, et différentes personnes sont touchées par chaque élément crucial du travail de notre gouvernement.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur le ministre.

La sénatrice Pate : Merci, monsieur le ministre, de votre présence et de tout le travail que vous faites.

J’ai remarqué que vous avez dit que vos pouvoirs étaient insuffisants. Je voudrais revenir sur ce point. Lorsque notre collègue et le reste des commissaires examinaient la question des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées, ils l’ont clairement associée aux inégalités socioéconomiques, sanitaires et autres dont elles sont victimes. Nous savons que les problèmes à l’origine de la disparition ou de l’assassinat des femmes autochtones dans le pays sont les mêmes que ceux qui font qu’elles se retrouvent dans la rue, dans la pauvreté et dans les prisons, et nous sommes en pleine crise.

Je crois savoir que vous avez travaillé avec d’autres ministres sur ces questions. Je suis curieuse de savoir comment vous mettez en œuvre ces mesures de responsabilisation. Quels sont les pouvoirs qui, selon vous, font défaut? Je suis frappée par le fait que, alors que nous, l’enquête et les commissaires soulevons des moyens nouveaux et créatifs, il semble que la réponse du gouvernement soit de se tourner vers les anciennes pratiques et d’essayer encore de faire entrer ces questions dans les silos et les mandats actuels.

Même si la réconciliation fait partie de la lettre de mandat de chaque ministre, il est difficile de voir où nous allons au-delà de l’approche actuelle en silo au sein du gouvernement. Étant donné que votre rôle consiste à être capable de traverser ces silos, quels sont les pouvoirs qui vous font défaut? Que pourrions-nous recommander pour vous aider?

M. Miller : C’est une excellente question, et je pourrais passer une bonne partie du temps à parler de l’approche en silo du gouvernement, ayant été ministre principalement pendant une pandémie et une crise mondiales où les approches en silo peuvent coûter des vies.

C’est une chose à laquelle nous avons certainement réfléchi au sein du Cabinet. Cela ne signifie pas que ces silos n’existent plus, que ce soit dans la fonction publique — sans juger qui que ce soit — ou dans le comportement des ministres. Une chose que nous avons pu prouver, c’est que, lorsque nous travaillons ensemble, même en tant que ministres au sein d’entités de la fonction publique, les résultats sont bien meilleurs.

Dans ce cas, ils sont cruciaux, et je ne limiterais pas cela au gouvernement fédéral. J’inclurais le travail que nous faisons avec les entités provinciales et municipales, qui représentent une partie immense de l’équation dont nous parlons aujourd’hui.

En ce qui concerne les pouvoirs, je n’ai pas le pouvoir de nommer d’un trait de plume un ombudsman doté des pouvoirs appropriés qui serait indépendant et en mesure de donner aux Canadiens, aux survivants et survivantes et à leur famille le sentiment que le gouvernement fédéral est tenu de rendre des comptes, ou un point de pivot pour que les gens puissent signaler les problèmes lorsque nous échouons ou réussissons. Cela n’a pas d’importance. Je n’ai tout simplement pas ce pouvoir, et c’est probablement une bonne chose dans de nombreux contextes. Dans celui-ci, c’est malheureux, mais lorsque nous examinons les pouvoirs qu’ont d’autres ministères, nous constatons dans certaines itérations que le ministre de la Justice pourrait avoir ce pouvoir. Cela pourrait faire l’objet d’une discussion au Cabinet, et ce serait un point sur lequel nous devrions travailler.

C’est un exemple de la façon dont nous travaillons dans une approche en silo. C’est probablement un exemple parmi tant d’autres, et il y en a d’autres qui sont pires.

La tendance à faire transiter le financement par les organisations et les administrations existantes est quelque chose d’opportun parfois, mais, évidemment, comme nous l’avons vu en particulier dans ce domaine, lorsque la compétence est un obstacle aux résultats, c’est quelque chose dont nous sommes très conscients. Nous avons aussi le parallèle difficile auquel je fais face actuellement avec la recherche des disparus dans les pensionnats autochtones. Les nécessaires guerres de compétence que l’on voit toujours de la part d’entités qui s’opposent aux peuples autochtones qui essaient d’obtenir une part de vérité pour tourner la page ont été mises en évidence dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Elle est mise en évidence dans toutes les questions, en particulier lorsqu’il est nécessaire de soutenir les gens dans le contexte urbain, où le gouvernement fédéral a un rôle réel beaucoup plus limité. Oublions pour un instant notre politique, notre incapacité ou notre manque de volonté à investir dans ces questions, qui sont bien documentés.

Une partie du travail que nous avons fait lorsque j’occupais le rôle de ministre des Services aux Autochtones consistait à élargir les pouvoirs, en particulier en réponse aux appels à la justice afin de nous assurer que nous pouvions financer des organisations qui n’étaient pas strictement, pour ainsi dire, dans les réserves ou le Grand Nord. Mais c’est quelque chose que nous avons fait, et nous devons continuer de nous réinventer et, franchement, de nous remettre en question dans la façon dont nous déployons les fonds. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas remettre en question ou vérifier l’efficacité de leur utilisation, mais il ne faut pas nous comporter comme nous l’avons fait jusqu’ici, ce qui a créé, délibérément ou par aveuglement ou omission volontaire, la tragédie que nous vivons aujourd’hui.

Je pense que pour vous, en tant que sénateurs, il est très important d’examiner les points que je viens de soulever, et il pourrait être utile pour mon travail que des organismes comme le vôtre examinent cela plus en détail. Cela a été souligné dans notre rapport, mais cela mérite un examen plus approfondi lorsque vous regardez l’efficacité de la façon dont les fonds et les mesures de soutien sont déployés.

La sénatrice Pate : Je sais que, plus tôt aujourd’hui, vous étiez à une conférence de presse avec le ministre Lametti et la ministre Hajdu, et il a été question de la surincarcération et de la capacité d’examiner rétrospectivement certaines de ces questions comme un moyen de relier les appels à la justice ainsi que les appels à l’action à la CVR. Quel rôle vous imaginez-vous jouer dans ce type de processus pour essayer d’encourager vos collègues du Cabinet à se lancer dans ce genre de révision?

M. Miller : D’abord et avant tout, le premier ministre a dit clairement que c’est dans nos lettres de mandat. Il est de la plus grande importance, qu’il s’agisse de la mise en œuvre des appels à l’action de la CVR ou du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, de la recherche en cours et de la tragédie des pensionnats et de ses répercussions aujourd’hui, que nous continuions d’examiner la façon de travailler les uns avec les autres. L’intérêt de la présence des ministres Lametti et Hajdu, ainsi que d’un certain nombre d’autres ministres concernés, est de nous assurer d’avoir une réponse concertée et de ne pas dire, alors que les gens sont bouleversés : « SAC ne fait pas cela » ou « RCAANC ne fait pas cela », et tous ces acronymes, afin que quelqu’un qui cherche des réponses n’ait pas ces obstacles à franchir.

C’est un parallèle difficile à faire, mais, au cours des deux dernières années, nous avons constaté que le fait d’abattre un grand nombre de ces murs qui trouvent leur origine dans notre passé colonial a créé des obstacles. Il n’est pas facile de les abattre, et je ne vous le cache pas, mais c’est quelque chose qui est au cœur de nos préoccupations, en particulier dans deux domaines où le gouvernement fédéral a joué un rôle de premier plan, que ce soit par l’entremise du ministre des Relations Couronne-Autochtones, mais aussi par l’entremise des ministres clés de ce dossier qui sont, essentiellement, des acteurs clés de la mise en œuvre des appels à la justice et des appels à l’action de la CVR. Les ministres qui étaient présents aujourd’hui et ceux qui sont autour de la table du Cabinet en sont très conscients. Au fur et à mesure que le travail avance et que nous continuons de nous remettre en question, c’est probablement l’obstacle bureaucratique numéro un qu’il faudra affronter.

Le président : Merci, monsieur le ministre Miller.

Honorables sénateurs, le débat est toujours en cours.

[Français]

La sénatrice Audette : Je nous invite, monsieur le ministre, dans ce cas, à être des voisins proactifs et à nous parler plus souvent pour voir comment nous, les collègues, pouvons soutenir la démarche des parlementaires et de votre gouvernement. Je crois que notre vision est d’amener quelque chose au Sénat et de poser plus souvent des questions au sénateur Gold. Je pense qu’entre les questions, il faut que nous nous parlions officiellement. Si on ne sait pas ce qui se passe, on peut inventer toutes sortes de scénarios. Plus on est au courant, plus on est aptes, après coup, à expliquer aux familles, aux groupes et aux mouvements auxquels on participe que les choses avancent.

M. Miller : Absolument. Je serai ravi de le faire. Je n’aimerais pas ajouter de la formalité à un contexte déjà parfois trop formel. Toutefois, si besoin est, j’accepte volontiers. Évidemment, je vous encourage à me contacter directement, moi ou mon équipe, pour m’inviter à contribuer. Je sais que bon nombre d’entre vous, dont vous-même, madame la sénatrice, ont un intérêt pour cet enjeu sur une base quotidienne. Je salue cette complicité et ce partage, parce que cela rend notre travail plus efficace, mais pas plus facile. Cela contribue, surtout dans les communautés que vous représentez de façon active, à passer le message ou nous transmettre un message. Il y a beaucoup à faire et ce travail ne sera pas efficace si nous ne vous écoutons pas. Je salue cet échange vivement.

[Traduction]

Le président : Le temps de parole de ce groupe est maintenant écoulé. Wela’lin, merci, monsieur le ministre Miller, monsieur Quan-Watson et madame Marin-Comeau.

(La séance est levée.)

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