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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 29 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones. Il poursuivra la discussion sur le sujet à huis clos ensuite.

Le sénateur Brian Francis (président) assure la présidence.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Pour commencer, je tiens à reconnaître que nous nous réunissons ce soir sur le territoire ancestral non cédé de la nation algonquine anishinabe, où sont établis aujourd’hui de nombreux autres membres des Premières Nations, Métis et Inuits de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis, d’Epekwitk, ou l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité des peuples autochtones.

Je demanderais maintenant aux membres du comité de se présenter en citant leur nom et leur province ou leur territoire, à commencer par le sénateur qui se trouve à ma gauche.

Le sénateur Arnot : Je suis le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan. J’habite sur le territoire du Traité no 6.

La sénatrice Greenwood : Je suis Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, territoire du Traité no 6.

La sénatrice Boniface : Je suis Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice White : Judy White, de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, aussi appelée Ktaqmkuk.

Le sénateur Prosper : Je suis le sénateur Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, terre des Mi’kmaqs.

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, de l’Inuit Nunangat, au Nunavut.

Le président : Merci à tous. Avant de commencer, je tiens à souligner que la réunion d’aujourd’hui porte sur les pensionnats indiens, et que les sujets abordés pourraient troubler certaines personnes. Sachez que du soutien est offert gratuitement et en tout temps à quiconque en a besoin par l’entremise de la ligne d’écoute téléphonique nationale de résolution des questions des pensionnats indiens, au 1-866-925-4419, et de la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être, au 1-800-721-0066 ou à l’adresse www.espoirpourlemieuxetre.ca.

J’aimerais maintenant vous donner un peu de contexte sur la séance d’aujourd’hui. Vous vous rappellerez peut-être qu’en mars dernier, le Comité des peuples autochtones a entendu des représentants du Centre national pour la vérité et réconciliation et du bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens au sujet de leur travail respectif visant à lever le voile sur le système des pensionnats et ses répercussions douloureuses et permanentes, à faire connaître l’expérience des survivants et à leur rendre honneur.

En se fondant sur ces témoignages, le Comité des peuples autochtones a publié le 19 juillet un rapport provisoire intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation. L’une des recommandations formulées dans ce rapport comprenait un engagement à tenir une audience publique avec les gouvernements, les entités religieuses et d’autres intervenants qui gardent des dossiers sur les pensionnats et les sites connexes. Nous continuerons d’entendre ces témoins ce soir.

J’aimerais maintenant vous les présenter. Nous recevons les représentants de Services aux Autochtones Canada : la directrice générale aux Affaires individuelles, Lori Doran, et le registraire des Indiens pour les Affaires individuelles, John Gordon.

Wela’lin. Merci à vous deux de vous joindre à nous aujourd’hui.

Mme Doran fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes. Nous passerons ensuite à une séance de questions et réponses avec les sénateurs. Madame Doran, vous avez la parole.

Lori Doran, directrice générale, Affaires individuelles, Services aux Autochtones Canada : Merci, monsieur le président, de nous avoir invités, notre registraire des Indiens John Gordon et moi, à comparaître aujourd’hui devant le comité.

Je tiens également à souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.

Nous reconnaissons l’important travail du comité et du Sénat en vue de faire connaître l’expérience des aînés, des survivants et de leur famille, et de lever le voile sur cette réalité.

Je vais prendre quelques instants pour décrire les politiques de gestion de l’information qui régissent le Registre des Indiens et le type de recherche menée à l’appui de la Children of Shingwauk Alumni Association, ou CSAA, et d’autres groupes à la recherche de leurs êtres chers disparus. La réponse écrite que le ministère a transmise au cours des deux derniers jours contient plus de détails à ce sujet.

Conformément aux articles 589 et 11 de la Loi sur les Indiens, Services aux Autochtones Canada est responsable de la tenue du Registre des Indiens dans lequel est consigné le nom de toutes les personnes inscrites à ce titre. Conformément à la Loi, le Registre est tenu par le registraire des Indiens. Le titulaire actuel de ce poste, John Gordon, m’accompagne aujourd’hui.

Le Registre a été créé en vertu de la loi en 1951 et, à l’époque, il s’agissait d’un système d’enregistrement sur papier. En 1985, le ministère a mis en place la plateforme de base de données électronique actuelle. Avant la création du Registre, la tenue des dossiers se faisait au moyen de documents tels que les listes de paiement découlant des traités et les dossiers de recensement. Par conséquent, les dossiers consignés au début des années 1900 dans le Registre sont très restreints.

Il est important de souligner que le Registre des Indiens contient des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels, notamment le nom, la date de naissance, le sexe, le numéro d’inscription, l’affiliation de bande, le statut d’inscription actif ou inactif, ainsi que des documents qui ont servi à évaluer l’admissibilité à l’inscription. Il peut s’agir d’un certificat de naissance, d’un certificat de mariage ou d’un permis.

Ces renseignements personnels ne doivent être divulgués qu’avec le consentement écrit de la personne concernée ou conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le Registre des Indiens ne contient pas de renseignements sur la fréquentation des pensionnats ni sur la cause du décès.

Cela dit, les dossiers du Registre ont été utilisés à titre de source secondaire d’information en association avec d’autres sources de données détenues par d’autres ministères, les documents d’églises, les documents de Bibliothèque et Archives Canada et les dossiers du Centre national pour la vérité et réconciliation dans le but d’identifier les personnes, notamment les enfants disparus.

Services aux Autochtones Canada possède l’expertise et une certaine capacité pour effectuer des recherches historiques et généalogiques dans le Registre des Indiens et d’autres sources de données du ministère. À cette fin, le ministère a fait des efforts pour aider à identifier les personnes ayant fréquenté le pensionnat indien de Shingwauk. En avril 2020, les fonctionnaires ont cherché dans les quelques dossiers — principalement les listes de paye des bandes — disponibles pour la période demandée, mais nous n’avons pas pu trouver de résultats correspondants pour les enfants en question.

Les résultats ont été communiqués lors d’une réunion avec la Children of Shingwauk Alumni Association en octobre 2020, ce qui a donné lieu à une demande en vue d’obtenir les listes salariales de l’Ontario de 1900 à 1920, qui ont été fournies par la suite. Le ministère demeure disponible pour transmettre des renseignements sur les listes salariales antérieures à 1910 et d’autres renseignements qui se trouvent dans les données historiques du recensement, ou pour aider l’association et tout autre groupe intéressé.

Le ministère a aussi encouragé l’association à communiquer avec le centre d’aide à la recherche généalogique de Bibliothèques et Archives Canada pour obtenir de l’aide supplémentaire, puisque de nombreuses archives y sont disponibles.

John Gordon et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, madame Doran.

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs. Afin de respecter le temps imparti et de veiller à ce que les interventions des sénateurs soient égales, nous allons tenir une série de questions et réponses de cinq minutes pour chacun, puis nous tiendrons une deuxième série si le temps le permet.

Je vais céder la parole à mon vice-président, s’il souhaite poser une première question. Sinon, nous allons passer aux questions.

Le sénateur Arnot : Madame Doran et monsieur Gordon, le comité est préoccupé par les obstacles administratifs et législatifs qui ont empêché le gouvernement du Canada de désigner et de publier des dossiers relatifs aux pensionnats, aux externats, aux hôpitaux et aux sanatoriums. J’aimerais que vous commentiez les politiques et les obstacles que vous avez cernés et qui nuisent à ce qui est fondamentalement un droit d’accès à des renseignements qui appartiennent aux Autochtones.

Je m’inquiète aussi de la durée, de la transparence et de la difficulté de ce processus, alors j’aimerais savoir si vous croyez que le manque de ressources pour le Registre ou au sein de votre organisation est fondamentalement responsable d’une situation où les dossiers ne sont tout simplement pas disponibles et ne peuvent pas être communiqués ou ne peuvent pas être trouvés.

Merci.

Mme Doran : Je vous remercie pour votre question.

Nous pouvons vous parler du Registre des Indiens. Services aux Autochtones Canada et d’autres ministères détiennent d’autres sources de données.

Le sénateur Arnot : Parlez-nous de ce dont vous êtes responsable.

Mme Doran : Oui, donc le Registre des Indiens, comme je l’ai dit plus tôt, est une base de données électronique qui contient des renseignements sur toutes les personnes inscrites en vertu de la Loi sur les Indiens; il comprend des renseignements personnels et privés. Nous sommes donc assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Lorsqu’il y a une demande d’information, la possibilité de communiquer l’information doit être considérée dans le contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le groupe du ministère qui gère la loi est responsable à cet égard.

Nous pouvons effectuer une recherche dans les dossiers en utilisant des termes, mais nous ne sommes pas en mesure de donner un accès complet ou sans entrave au Registre des Indiens. Les gens qui ont accès au Registre des Indiens font partie du ministère et sont autorisés à accéder au système pour déterminer le droit à l’inscription.

Le sénateur Arnot : Donc, vous dites que la Loi sur la protection des renseignements personnels représente un obstacle important? Elle vous empêche de répondre à certaines questions légitimes des Autochtones au sujet des dossiers qu’ils veulent voir?

Mme Doran : Les personnes qui souhaitent obtenir des renseignements dans le cadre de leur propre demande d’admissibilité ont habituellement un accès illimité à ces renseignements, mais à des fins de recherche générale, le Registre des Indiens n’est pas accessible au public, et il ne contient pas de renseignements précis sur la fréquentation des pensionnats. Il y a donc des limites très importantes associées aux données du Registre...

Le sénateur Arnot : Si la Loi sur la protection des renseignements personnels n’existait pas, quels seraient les autres obstacles?

Par exemple, si la Loi ne s’appliquait pas à vos dossiers, qu’est-ce qui changerait?

Mme Doran : La Loi sur la protection des renseignements personnels n’exclut pas nos dossiers en raison de...

Le sénateur Arnot : Je dis que ce serait possible. Supposons qu’elle n’existe pas. C’est là où je veux en venir.

Elle n’existe pas; à quels obstacles devez-vous faire face?

John Gordon, registraire des Indiens, Affaires individuelles, Services aux Autochtones Canada : Les renseignements que nous conservons dans le Registre des Indiens portent sur les personnes et leurs liens ancestraux. Même si nous permettions l’accès à ces dossiers, si la Loi sur la protection des renseignements personnels n’existait pas, ils ne seraient guère utiles pour quiconque essaie de savoir qui a fréquenté ou non les pensionnats.

Nous pouvons vous dire que telle personne faisait partie de telle bande au moment en question ou encore que son nom figure sur tel ou tel dossier de recensement. Je pense que nous avons d’ailleurs permis à certains groupes d’avoir accès à nos dossiers. Étant donné les restrictions, nous pouvons le faire pour les données qui remontent à plus de 100 ans ou à un certain nombre d’années après le décès d’une personne. Il y a des façons de rendre ces dossiers accessibles. Je pense que c’est ce que nous avons fait avec ce groupe, cette association d’anciens élèves. Avec notre équipe généalogique, nous avons tenté de les aider à avoir accès à des documents qui pourraient être utiles. Cependant, le Registre des Indiens comme tel ne comprend que des informations sur les liens ancestraux et les données personnelles des Indiens inscrits du Canada. Il n’a donc que très peu de valeur pour les gens recherchant ce genre de renseignements.

Le président : Je me demandais — vous l’avez peut-être déjà mentionné; j’étais occupé à noter certaines choses — à quelles dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels vous faites référence exactement? Pouvez-vous éclairer notre lanterne?

Mme Doran : Merci pour la question. M. Gordon et moi-même ne sommes pas des experts de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutes les demandes de renseignements sur le registre sont prises en charge par le groupe au sein de Services aux Autochtones Canada qui est responsable de l’application de cette loi. Il faut toutefois préciser que celle-ci s’applique bel et bien en l’espèce, car l’information est de nature personnelle. On peut ainsi notamment y trouver le nom, la date de naissance, le certificat de naissance et le certificat de mariage d’un individu.

Je ne saurais vous en dire davantage au sujet de l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais sachez que cette loi s’applique à toute communication d’information se trouvant dans le registre.

Le président : Est-ce que cela comprend les informations qui remontent à des décennies, voire à des siècles?

Mme Doran : Toutes les demandes d’accès à l’information sont évaluées, et cela fait partie des paramètres qui sont alors pris en considération.

M. Gordon : Pour répondre à votre question, sénateur, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans sa forme actuelle nous impose certaines restrictions quant à l’information qu’il nous est possible de communiquer. Je suis loin d’être un spécialiste de cette loi, mais je sais entre autres qu’un certain nombre d’années doivent s’être écoulées depuis le décès d’une personne. Vous pourrez poser la question aux experts en la matière. Quoi qu’il en soit, nous avons pu orienter l’association d’anciens élèves vers certains dossiers que nous savions accessibles.

Il est effectivement possible pour nous de communiquer les renseignements personnels d’une personne un certain nombre d’années après son décès. Le problème qui se pose alors, c’est qu’une partie de ces renseignements constituent aussi de l’information sur les liens ancestraux d’autres personnes qui sont toujours vivantes. Nous nous en remettons vraiment à nos experts en matière de protection de la vie privée pour savoir ce que nous pouvons diffuser ou non. Toutes les fois que l’on m’adresse, en ma qualité de registraire, une demande d’accès à l’information contenue dans le registre, nous demandons au personnel chargé de la protection de la vie privée à Services aux Autochtones Canada de nous confirmer si les renseignements peuvent effectivement être communiqués.

Je peux vous assurer que nous mettons tout en œuvre pour essayer de rendre accessibles les dossiers que n’importe quel individu pourrait légalement obtenir et consulter.

Le président : Merci pour ces précisions.

La sénatrice Coyle : Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Je serais curieuse de savoir si votre bureau collabore avec le Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats. Si c’est le cas, à quels égards collaborez-vous? Ce serait ma première question.

Voici ma seconde question. Il y a le registre, mais il y a aussi d’autres informations. Pourriez-vous nous dire par quels moyens vous pouvez aider les gens à trouver ces renseignements dont ils ont si désespérément besoin?

Mme Doran : Merci. Pour ce qui est du comité consultatif sur les documents, Services aux Autochtones Canada en fait partie, tout comme de nombreux autres ministères. Je crois d’ailleurs que le président indépendant de ce comité a comparu devant vous il n’y a pas si longtemps.

Ce n’est pas moi ni M. Gordon qui représentons le ministère au sein de ce comité. C’est un de nos collègues. Ce groupe amorce à peine son travail, mais il nous sera certes possible, dans la mesure où le Registre des Indiens et les dossiers détenus par notre organisation sont pertinents, d’apporter notre collaboration aux fins d’une utilisation significative de ces informations. Je pense que cela répond à votre première question.

Pour ce qui est de la deuxième, nous travaillons avec différentes associations, dont celle des anciens élèves de Shingwauk. Nous pouvons compter au sein de notre organisation sur un petit groupe d’employés qui possèdent une certaine expertise de la recherche généalogique et archivistique dans les dossiers historiques. Nous continuons d’offrir l’expertise et le soutien de cette équipe spécialisée aux associations d’anciens élèves ainsi qu’aux autres groupes et individus à la recherche d’informations pour arriver à mieux comprendre les traumatismes attribuables aux pensionnats indiens.

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup d’être des nôtres aujourd’hui. Je suis un peu une intruse au sein de ce comité.

À la lumière de ce que nous avons pu entendre, j’ai l’impression qu’il serait surtout intéressant de cerner ce qui est le plus pertinent dans toute cette information contenue dans votre registre. Pouvez-vous donc nous donner une idée de la proportion de ce qui pourrait être particulièrement utile pour les survivants des pensionnats?

Mme Doran : Merci pour la question. Le registre, qui a été créé en vertu d’une ordonnance de la loi en 1951, renferme relativement peu d’information sur ce qui a pu se passer auparavant. Il y a en outre aussi certaines restrictions du fait que c’était un système uniquement sur papier entre 1951 et 1985.

Comme je le disais précédemment, le registre a principalement pour but d’enregistrer les individus inscrits comme Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens. À cette fin, on doit aussi toutefois y consigner des données de nature personnelle permettant de valider cette inscription. Vous ne trouverez pas dans le Registre des Indiens beaucoup de renseignements pouvant être recherchés par les associations d’anciens élèves et d’autres intéressés.

C’est une source de données qui peut être utilisée en combinaison avec d’autres sources pouvant être détenues par les églises ou d’autres ministères. L’équipe spécialisée dont je parlais a une certaine expertise de l’établissement de ce genre de concordance avec les documents d’archives. En revanche, on ne note pas dans le registre lui-même des informations sur la fréquentation des pensionnats ou les causes du décès. Le registre ne peut donc pas nous renseigner directement à ce sujet. Il peut servir de source de données, mais il demeure lui-même incomplet.

La sénatrice Boniface : Puis-je vous demander un éclaircissement? On peut y trouver des renseignements sur les individus, mais pas sur leur décès?

Mme Doran : En fait, nous y consignons effectivement les décès, lorsqu’on nous en informe. Bien souvent, nous ne sommes pas au courant. C’est l’une des difficultés que nous avons.

La sénatrice Boniface : C’est assurément l’une des lacunes.

Mme Doran : On ne précise pas la cause du décès.

La sénatrice Boniface : Ni la cause ni le lieu ?

Mme Doran : C’est exact.

La sénatrice Boniface : Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Gordon?

M. Gordon : Nous enregistrons effectivement les décès, si nous en sommes avisés, mais ce n’est pas toujours le cas.

Il faut comprendre que ce n’est qu’à compter de 1951, lors de la création du registre, que l’on a commencé à tenir une liste des Indiens inscrits au Canada. Avant 1951, nous déterminions, et ce, à partir de 1850, qui était Indien et qui ne l’était pas, les seules listes étaient notamment celles des bandes elles-mêmes et des bénéficiaires d’un traité. Ce n’est pas avant 1951 que nous avons commencé à procéder à l’enregistrement des Indiens en consignant les informations nécessaires et en leur remettant un numéro d’inscription.

La sénatrice Boniface : Merci.

Le sénateur D. Patterson : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.

Je pense que nous essayons simplement de tirer les choses au clair. J’aurais une question au sujet de cette association des anciens élèves de Shingwauk dont vous avez parlé dans vos observations préliminaires.

Les gens de l’association auraient voulu obtenir de l’information au sujet de quatre élèves qui sont décédés pendant qu’ils fréquentaient le pensionnat au début des années 1900, et je pense qu’ils désiraient savoir si leurs noms figuraient dans le registre. On leur aurait répondu qu’ils ne pouvaient pas consulter le registre pour des motifs liés à la protection de la vie privée. Je crois d’ailleurs qu’ils ont reçu une lettre de vous, monsieur Gordon, à ce sujet. Comme vous le confirmez, j’aurais quelques questions à vous poser.

Premièrement, j’ai cru comprendre que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas aux personnes décédées, surtout lorsqu’une si longue période s’est écoulée depuis leur mort. Vous avez aussi indiqué que le système n’était pas parfait avant 1951 et que l’on n’y consignait pas, et c’est toujours le cas aujourd’hui, les noms des élèves ayant fréquenté les pensionnats.

Je me demande simplement pour quelles raisons vous auriez dit à ce groupe des anciens de Shingwauk que ce sont des considérations liées à la protection de la vie privée qui vous empêchent de leur permettre de consulter le registre alors même que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas dans le cas de personnes décédées depuis aussi longtemps. Je n’arrive pas vraiment à comprendre.

M. Gordon : C’est une très bonne question. Je suis ravi de pouvoir apporter des éclaircissements à ce sujet. Je pense que certaines de ces requêtes ont été prises hors contexte. Je ne veux pas m’engager dans un débat quant à savoir qui a dit quoi exactement. En fin de compte, on voulait avoir accès à l’ensemble du Registre des Indiens, et ce, sans restriction. C’est ce qu’on a demandé. La réponse donnée concernait cette requête, et pas précisément certains enfants des années 1900 ou certains individus en particulier. Les requérants voyaient un peu les choses de la manière suivante : « Nous avons eu un accès limité aux ressources liées à ces dossiers. Vous nous avez mis des bâtons dans les roues lorsque nous avons tenté de retrouver certains dossiers. Lorsque nous recherchons ainsi des informations, nous ne demandons pas que le gouvernement nous donne accès aux dossiers; nous voulons qu’il nous accorde un accès sans restriction au Registre des Indiens. » C’est à cette requête que je répondais lorsque j’ai indiqué que ce n’était pas possible en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Je pense que c’est ce qui nous a incités à amorcer une collaboration avec les gens de Shingwauk pour voir ce que nous pouvions leur fournir et comment nous pouvions les aider à retracer les quatre enfants en question.

Je regrette d’avoir répondu à cette lettre de la manière dont je l’ai fait, c’est-à-dire sans leur offrir de travailler avec eux d’une manière plus efficiente. Je suppose que c’est comme ça que j’ai jugé bon de répondre à cette requête visant à obtenir un accès sans entrave au Registre des Indiens. Je pense avoir pris la bonne décision en répondant de cette façon. Je ne me souviens pas exactement de la lettre en question, car je dois signer énormément de correspondance, année après année. Vous pouvez difficilement vous imaginer combien de gens peuvent écrire au registraire des Indiens pour lui poser une question. Quoi qu’il en soit, je crois avoir répondu en leur proposant de discuter avec eux du soutien que nous pourrions leur apporter, et je pense que cela a été fait par l’intermédiaire de nos spécialistes en généalogie.

On demandait un accès sans condition à la totalité du Registre des Indiens, ce que je ne pouvais bien sûr pas autoriser. Tout le monde parle de la Loi sur la protection des renseignements personnels comme si c’était un obstacle. Je peux vous assurer qu’il y a plusieurs Indiens inscrits au Canada qui vous diraient qu’ils se réjouissent vivement de l’adoption de cette loi qui permet à leurs renseignements personnels de demeurer confidentiels. Je sais que c’est un autre élément du débat — le fait que les Indiens inscrits ne veulent pas, au même titre que tous les autres Canadiens, que leurs renseignements personnels puissent être communiqués.

Le sénateur D. Patterson : Merci. Il est bon de savoir comment les choses se sont déroulées. Je suis heureux de constater que vous les avez approchés par la suite. Tout indique que le registre ne peut pas vraiment les aider, car on n’y trouve pas l’information qui est recherchée.

J’aurais une brève question pour Mme Doran, si vous le permettez. Vous avez traité dans votre exposé des politiques de gestion de l’information. Nous parlons des dispositions prévues dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Est-ce que ces politiques de gestion de l’information sont du domaine public et pourraient être communiquées à notre comité? Je pense que cela pourrait nous aider à mieux comprendre les contraintes avec lesquelles vous devez composer dans le cadre de votre travail.

Mme Doran : Merci pour la question. Nous avons effectivement des politiques que doivent suivre les gens chargés de saisir des données dans le registre. Nous pourrons voir s’il est possible de transmettre au comité des copies de ces politiques qui sont bel et bien mises en œuvre. Je dois toutefois vous dire qu’il s’agit d’abord et avant tout de lignes directrices et de procédures à suivre pour assurer l’uniformité dans l’enregistrement des données et les contrôles de qualité requis. Ce sera avec plaisir que je ferai le suivi pour acquiescer à votre requête même s’il s’agit de politiques internes qui visent principalement à assurer un degré de cohérence en la matière de telle sorte que certains principes de base soient respectés. Quelque chose à ajouter, monsieur Gordon?

M. Gordon : Je vous dirais seulement que la majorité des politiques que nous avons mises en place visent à protéger l’information contenue dans le Registre des Indiens. Soucieux de préserver la vie privée des gens, nous ne voulons pas que ces renseignements soient accessibles à tous. Nous détenons une quantité considérable de renseignements personnels. Comme certains dossiers d’adoption sont très délicats, il y a des informations que nous ne pouvons même pas communiquer aux personnes concernées, et ce, pour diverses raisons.

Je dirais que la plus grande partie de nos politiques de gestion de l’information ont pour but de protéger la vie privée des gens.

Le sénateur D. Patterson : Je peux le comprendre. Vous allez donc déterminer si vous pouvez communiquer ces politiques à notre comité. J’espère que ce sera le cas, car il est question ici d’un registre public régi par la loi. Il devrait donc être possible de nous transmettre ces politiques, aussi fastidieuses puissent-elles être. Je comprends bien qu’il s’agit de directives procédurales. J’estime toutefois que cela pourrait contribuer à répondre à nos interrogations quant aux contraintes que vous impose la Loi sur la protection des renseignements personnels. Vous pouvez nous transmettre le tout par l’entremise de notre greffière. Merci.

Le président : Je ne sais pas si vous pourriez nous communiquer certaines données sur le fonctionnement du service d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels à Services aux Autochtones Canada, quant à savoir par exemple combien de demandes vous recevez par année et combien de temps il vous faut en moyenne pour y donner suite.

Mme Doran : Merci pour la question, monsieur le président. Pas plus M. Gordon que moi-même sommes en mesure de répondre à des questions à ce sujet. Il faudrait que nous consultions les membres de notre organisation qui voient à la mise en œuvre de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Celle-ci s’applique à toutes les demandes d’accès à l’information que notre ministère reçoit, et non seulement à celles qui concernent le Registre des Indiens. Nous recevons de nombreuses demandes d’information touchant ce registre que nous confions à nos experts en matière de protection de la vie privée. Il faudrait toutefois que nous nous renseignions pour pouvoir fournir ultérieurement les différents chiffres et délais d’exécution.

Le président : Pouvez-vous faire ce suivi et transmettre l’information par écrit à notre greffière?

Mme Doran : Tout à fait.

Le président : C’est d’accord?

Mme Doran : Nous allons faire les vérifications nécessaires pour voir ce qu’il est possible de vous communiquer.

[Français]

La sénatrice Audette : Ma première question est la suivante. Je comprends que c’est un autre ministère qui est responsable de la Loi sur l’accès à l’information, mais sachant que vous êtes ceux et celles qui détiennent des informations importantes — à mes yeux, elles sont importantes quand on veut faire des croisements de recherches de données pour des êtres chers qui sont disparus ou jamais revenus. Est-ce possible de penser un peu à l’extérieur de la boîte et de voir que, dans d’autres régions au Canada, on va adopter une législation pendant 10 ans qui permettra à différents ministères de donner de l’information aux familles qui ont perdu un être cher?

Avez-vous eu des discussions à l’interne avec les ministères concernés afin de trouver une façon d’être flexible et peut-être de proposer une loi temporaire jusqu’à ce qu’on donne accès à l’information?

Ma deuxième question est la suivante. Sachant qu’il y a des formulaires qui datent de très longtemps, pouvez-vous indiquer à quoi ressemblaient vos formulaires par le passé et à quoi ils ressemblent aujourd’hui, sans nommer personne?

[Traduction]

Mme Doran : Merci pour la question. Comme nous l’avons déjà indiqué, le Registre des Indiens a été mis sur pied en 1951. Avant cette date, très peu de dossiers étaient tenus, si bien que l’information remontant à plus loin que 1951 est vraiment limitée.

Nous retournons effectivement dans le temps et sommes en mesure, grâce à l’expertise de notre équipe de recherche généalogique, d’extraire certaines données historiques pour donner suite à diverses demandes et expressions d’intérêt. Nous continuons de mettre l’expertise de cette équipe spécialisée à la disposition des associations d’anciens élèves et des autres groupes et individus intéressés.

Le registre en lui-même est d’une portée limitée. Pour effectuer une recherche plus exhaustive, il faut consulter d’autres sources de données. C’est en interreliant ainsi divers documents provenant de différentes bases de données qu’il peut parfois être possible de tirer certaines choses au clair.

Encore là, je peux vous parler uniquement des renseignements contenus dans le Registre des Indiens. Il existe d’autres dossiers tenus par certains ministères, dont le nôtre, qui peuvent en fait renfermer des données portant plus spécifiquement sur la fréquentation des pensionnats. Je crois que le comité mis sur pied pour examiner l’ensemble des documents disponibles apportera sans doute une aide précieuse en vue d’optimiser la contribution des différents fonds de données.

M. Gordon : Je vous dirais simplement que de nombreux employés de Services aux Autochtones Canada, particulièrement au sein de la Direction générale des affaires individuelles, n’ont pas hésité à sortir des sentiers battus pour aider des associations d’anciens élèves et d’autres organisations à avoir accès à des ressources comme les listes des bénéficiaires d’un traité, les listes des membres d’une bande et les documents auxquels nous nous référons habituellement pour déterminer l’admissibilité au statut d’Indien. Lorsque nous établissons si un individu peut être inscrit comme Indien, il n’est pas rare que nous consultions ces vieux dossiers. Nous vérifions souvent dans les registres et les données du recensement. Toutes ces informations sont accessibles.

D’après ce que j’ai pu comprendre, notre équipe de recherche généalogique et archivistique a fait le nécessaire pour aider cette association d’anciens élèves à avoir accès à certains de ces documents. Je crois que c’est le résultat que ce comité cherche à obtenir.

Il y a ainsi différentes personnes qui mettent les bouchées doubles pour trouver des solutions novatrices. Pour ma part — et je ne sais pas si je devrais le mentionner —, je n’ai jamais vu qui que ce soit bloquer l’accès à des dossiers. J’ai vu des employés essayer de protéger les renseignements personnels contenus dans le Registre des Indiens, mais il n’y a pas à ma connaissance d’efforts qui sont déployés pour éviter d’avoir à communiquer des documents. Au contraire, nous exerçons des pressions sur les responsables de la protection de la vie privée pour faire en sorte que l’on rende accessibles le plus de dossiers possible.

La sénatrice Audette : Je vais essayer de formuler ma question différemment. Ne croyez-vous pas que l’adoption d’une loi permettant à tous ces ministères et aux différents responsables de s’assurer qu’il n’y a aucune barrière systémique… Je ne suis pas en train de dire que c’est le cas actuellement. Vous accomplissez un excellent travail, mais la prochaine personne à occuper votre poste aura peut-être des valeurs différentes.

M. Gordon : C’est un argument tout à fait valide, mais nous traitons avec des dossiers historiques, et il n’y a aucun obstacle à leur communication. La difficulté est plutôt de retrouver ces dossiers et d’établir les liens pertinents. Comment en fait combiner le tout pour en arriver en fin de compte à savoir ce qui nous intéresse?

Je ne crois pas qu’il y ait de barrière systémique empêchant l’accès à certains de ces dossiers historiques. Il s’agit seulement de pouvoir les retrouver, y avoir accès et les mettre en concordance pour trouver des réponses à nos questions.

La sénatrice Audette : Je ne sais pas s’il serait possible d’avoir une copie des formulaires d’inscription utilisés maintenant et par le passé, y compris celui qui est anonymisé. J’aimerais bien voir à quoi cela ressemble.

[Français]

C’est le document du registraire.

[Traduction]

M. Gordon : C’est en 1951 que l’on a commencé à tenir des registres écrits à la main où l’on indiquait le nom d’un individu sur la liste d’une bande, avec son numéro d’inscription. La migration vers un système s’est effectuée en 1985. On avait alors rempli plusieurs registres à couverture noire que nous conservons dans nos archives. Le processus a débuté seulement en 1951. On se référait aux listes des membres d’une bande ou aux listes des bénéficiaires d’un traité qui avaient été dressées auparavant.

Mais, comme je l’ai dit, nos spécialistes de la recherche généalogique et archivistique sont bien au fait de la situation et savent exactement quels renseignements ils sont en mesure de communiquer. Je crois d’ailleurs qu’ils ont collaboré de très près avec le groupe en question pour essayer de lui fournir l’information dont il a besoin.

La sénatrice Greenwood : Merci d’être des nôtres ce soir. Je vais simplement poursuivre un peu dans le sens des questions qui ont déjà été posées.

Si j’ai bien compris, les dossiers en votre possession ont été établis au départ en 1951 à partir de documents historiques. Est-ce bien le cas? Pouvez-vous me dire alors si vous conservez ces listes des membres d’une bande, des bénéficiaires d’un traité ou de l’agent des Indiens ou si ces listes se retrouvent plutôt dans les archives pour les années précédant 1951?

Nous savons que les gouvernements coloniaux ont établi, à compter des années 1850, des listes des Autochtones vivant au pays. Nous savons également que la Loi sur les Indiens a été adoptée en 1876, et que des listes doivent obligatoirement exister quelque part.

J’aimerais donc savoir si c’est vous qui gardez ces listes. Sont-elles plutôt dans les archives? J’essaie simplement de me mettre à la place des gens qui cherchent de l’information. Avez-vous certaines de ces listes? Est-ce que vos spécialistes de la généalogie en détiennent une partie ou se trouvent-elles dans nos archives nationales? Commençons par cette question. J’en aurai une autre par la suite.

M. Gordon : Depuis 1951, nous avons le Registre des Indiens qui contient les noms et les numéros d’inscription. Avant cette date, nous avions des pages du registre noir, ce qui remonte à longtemps.

Oui, vous avez tout à fait raison. Depuis 1850, année où nous avons défini pour la première fois qui étaient des Indiens au Canada, nous maintenons des listes, mais ces listes sont incomplètes et imprécises. Nous devons souvent ajouter ou retirer des gens des listes et ce genre de choses.

Nous conservons un grand nombre de dossiers dans nos archives généalogiques, parce qu’ils nous servent à déterminer si quelqu’un qui présente une demande aujourd’hui a droit à l’inscription ou non. Toutefois, certains dossiers ont été transférés à Bibliothèque et Archives Canada. C’est un mélange — nous en conservons un certain nombre, et Bibliothèque et Archives Canada en conserve d’autres.

Quand nous avions de l’espace, nous pouvions marcher dans notre édifice, aller dans la salle à environnement contrôlé, mettre des gants et examiner nos dossiers. Cela dit, notre édifice et d’autres installations sont actuellement en rénovation, et nous avons de la difficulté à accéder aux dossiers. En raison de leur état, certains dossiers ont été transférés à Bibliothèque et Archives Canada pour leur conservation. Nous avons certains documents, et Bibliothèque et Archives Canada en a aussi.

Nos spécialistes en recherche généalogique et d’archives savent où accéder à l’information. Ils travaillent avec l’association des diplômés et d’autres groupes pour fournir le plus d’information possible. Nous cherchons à être le plus utiles possible.

Dans son exposé de ce soir, Mme Doran a mentionné que nous serions prêts à faire plus de présentations sur nos dossiers avec les experts en généalogie, qui savent où chercher pour trouver des documents. Nous serions prêts à présenter des exposés et à travailler avec d’autres groupes pour tenter d’obtenir des réponses.

La sénatrice Greenwood : J’ai des projets d’écriture, et je sais que l’on n’a pas à citer quelqu’un 50 ans après son décès; je le sais. Vous ne connaissez peut-être pas la réponse à cette question, mais il existe peut-être des règles qui prévoient qu’après un certain nombre d’années, on peut accéder à ses renseignements et les communiquer; j’y réfléchis. Je n’insisterai pas pour que vous nous fournissiez une réponse, car vous avez déjà dit que vous aviez besoin de vos experts en généalogie pour cela, mais j’y réfléchis.

Les responsables des pensionnats indiens avaient des listes des enfants qui y étaient inscrits. Je me demande à quel point — et je ne parle pas d’obtenir des renseignements privés — il serait difficile de simplement faire des recoupements entre ces listes de noms et votre registre. On ne demanderait pas d’où ces personnes viennent ni rien de tout cela, mais on pourrait assez facilement faire des recoupements. Je présume que certaines informations se trouveraient dans les archives et que votre équipe saurait comment y accéder.

Si nous avions des listes des enfants qui allaient dans ces pensionnats, les gens auraient peut-être une assez bonne idée de la communauté d’où venaient ces enfants — ou non —, mais nous saurions à quels pensionnats ils allaient, et on pourrait faire des recoupements.

Est-ce que quelqu’un faisant ce genre de travail pourrait accéder à l’information? Il saurait au moins si la personne était inscrite au registre. Serait-ce possible?

M. Gordon : L’information ne se trouverait pas nécessairement dans le Registre des Indiens, parce qu’il a été créé en 1951. Dans le cas des pensionnats indiens, on parle souvent d’information qui date d’avant 1951.

Une voix : Pas au Québec.

M. Gordon : Pas au Québec. Je voulais apporter une légère nuance.

Pour les informations datant d’avant 1951, on pourrait faire des recoupements avec les listes de bénéficiaires des bandes, les listes des bandes et les listes de bénéficiaires de traité. On pourrait sans doute faire des recoupements avec les documents de recensement, sur lesquels on inscrivait souvent si la personne était indienne ou non. Il est possible de faire ce genre de recoupements. Il faudrait que je demande à nos experts en généalogie si ce travail a déjà été fait, mais je pense qu’une partie de ce travail a déjà été réalisé par les spécialistes de la recherche généalogique et archivistique ainsi que la Children of Shingwauk Alumni Association.

La sénatrice Greenwood : Cependant, les dossiers que vous conservez ou auxquels vous avez accès sont une autre source d’information pour les gens qui font des recherches, n’est-ce pas?

M. Gordon : En effet.

Mme Doran : Si je puis ajouter une chose, oui, le travail que nous accomplissons se fait dans cet esprit de recoupement des informations venant de diverses sources pour essayer de brosser un portrait d’ensemble. Nous demeurons engagés à faire ce travail avec l’information dont nous disposons. Nous comptons sur les experts de notre organisation et nous importons l’information pertinente que peuvent nous offrir d’autres groupes.

Je tiens aussi à dire qu’en raison de la fragilité de certains vieux dossiers d’archives, nous nous efforçons de transférer l’information sur support numérique pour ainsi maintenir son intégrité autant que possible. Comme M. Gordon l’a dit, ces documents sont vieux et faits de papier. Nous avons donc pris ces mesures pour préserver l’information.

Concernant la règle au-delà de 50 ans, sénatrice — et je pense que M. Gordon y a fait référence aussi —, le Registre des Indiens lie l’information aux ancêtres, et le droit à l’inscription se fonde sur un lien ancestral.

Disons qu’un ancêtre est décédé il y a 50 ans, le registre comprendra de l’information jusqu’à aujourd’hui. Il serait donc très difficile de révéler le lien ancestral qui figure au registre sans dévoiler les renseignements personnels connexes toujours d’actualité. Cela fait partie du défi qui vient avec l’évaluation des demandes d’information.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie.

Le sénateur Prosper : Cette discussion est fascinante. Je vous remercie de témoigner au comité.

Ma question porte un peu sur ce que la sénatrice Audette demandait. Si je ne m’abuse, vous avez laissé entendre que la législation pourrait peut-être — et je peux me tromper — permettre aux gens d’obtenir accès aux archives, compte tenu des contraintes qu’on trouve actuellement dans la législation sur la protection des renseignements personnels.

Je présume que ma première question s’adresse à Mme Doran. Vous avez mentionné que la nature de l’information qu’on pourrait trouver sur les personnes qui ont fréquenté des pensionnats indiens ne serait pas forcément celle qu’on cherche. Vous avez dit qu’on pourrait trouver des données sur les décès, mais que ce n’est pas garanti. Vous avez dit que ces informations peuvent provenir d’une source secondaire et avoir une valeur moindre.

J’aimerais en savoir plus. En matière d’accès, vous avez dit que la personne qui cherche des renseignements sur elle-même — mettons de l’information sur les adoptions, d’après que ce M. Gordon a dit — dispose d’un accès illimité. Qu’en est-il des membres de la famille, des enfants et des petits-enfants? Y a-t-il une interdiction d’accès mur à mur pour les membres de la famille?

J’aimerais simplement savoir comment cela fonctionne.

M. Gordon : Je vais tenter de situer le contexte. Lorsqu’une personne demande l’inscription, elle va parfois demander les dossiers sur sa mère ou sur son père. Malheureusement, je ne peux pas lui donner cette information, en raison des dispositions sur la protection de la vie privée.

On ne peut pas accéder à l’information sur toute sa famille. On a droit à la protection de ses renseignements personnels face aux membres de sa famille. Donc, on ne peut pas forcément obtenir les dossiers sur ses enfants devenus adultes, son grand-père ou son père. Ces gens ne veulent peut-être pas que vous ayez accès à leurs informations, qui sont protégées par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le sénateur Prosper : J’ai une autre question. Je sors tout juste d’une séance de comité où les représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ont témoigné sur le projet de loi S-231. Ils y ont parlé de ce qu’on appelle l’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

D’après ce que je comprends, lorsqu’on envisage d’adopter un projet de loi ou diverses initiatives, une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée peut être prise en considération.

Je me demande ceci : cette évaluation est-elle parfois prise en compte concernant les dossiers des pensionnats indiens?

M. Gordon : Je comprends la disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée dont vous parlez. On peut se demander si une personne profiterait de la divulgation de l’information de notre part à quelqu’un qui n’y aurait pas accès normalement. Souvent, ce genre de demande se fait dans le cadre d’une enquête policière ou d’une enquête de cette nature.

Les gens du Commissariat à l’information du Canada et du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada seraient les mieux placés pour vous répondre. Ce sont eux qui mènent des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée et déterminent s’il faut autoriser ou non l’accès à l’information. Personnellement, je ne sais pas si une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée a été menée concernant les quatre enfants que cherche l’association des diplômés, en ce qui a trait aux dossiers des pensionnats indiens.

Je ne pense pas qu’il y ait d’obstacles systémiques, institutionnels ou législatifs pour accéder aux dossiers en raison des années dont il s’agit ici. Je dirais que nous travaillons fort pour fournir l’information voulue. Si je me souviens bien, ces dossiers remontent au début des années 1900, soit à il y a 120 ans.

Je pense que nous pouvons accéder à ces dossiers sans crainte pour la vie privée, mais encore faut-il avoir accès aux bons dossiers pour reconstituer l’histoire. Néanmoins, il s’agit d’une opinion personnelle, et je devrais peut-être m’abstenir de dire une telle chose en tant que témoin.

Le sénateur Prosper : J’essaie de concilier cela avec le fait qu’une interdiction complète est en vigueur pour les membres de la famille qui tentent de...

M. Gordon : Il y a diverses raisons à cela, voyez-vous? Deux frères ou la mère et le père pourraient être en désaccord — il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les gens sentent le besoin de protéger leurs renseignements personnels. Cependant, on peut toujours mener une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée; c’est une façon de faire. Je répète que les gens du Commissariat à l’information du Canada et du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada seraient mieux placés que moi pour répondre à ce type de question.

Le sénateur Prosper : À votre connaissance, on n’a aucunement considéré de faire une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée; est-ce bien cela?

M. Gordon : Je crois qu’il faut présenter une demande, puis le processus suivra son cours avec les responsables de la demande d’accès à l’information.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Comme vous pouvez le voir, nous essayons tous d’assembler les pièces du casse-tête, comme d’autres le font pour obtenir l’information dont ils ont besoin.

Selon nos renseignements, les demandeurs cherchent les dossiers de quatre élèves ayant fréquenté des pensionnats indiens en 1914-1915. Comme vous l’avez dit, cela fait presque 110 ans. Ils ont été en mesure de mettre la main sur des dossiers provinciaux.

Monsieur Gordon, vous nous avez dit que la demande qui vous a été présentée visait un accès illimité au registre. Vous avez répondu que c’était impossible d’octroyer aux demandeurs un accès illimité au registre, pour les raisons que nous avons tous entendues aujourd’hui, mais que vous et d’autres travailliez avec eux pour leur donner l’information qui serait utile et à laquelle ils ont droit.

Selon nos renseignements, ils ont obtenu des documents datant de cette période, mais ils étaient illisibles. Ces gens semblent penser que ce dont ils ont besoin est lisible et se trouve dans le registre, mais vous nous dites que le registre ne couvre pas cette période de toute façon. Et même si c’était le cas, vous ne pourriez pas leur donner accès à ces renseignements, mais quoi qu’il en soit, vos dossiers ne couvrent pas cette période.

Compte tenu du fait que les documents que ces gens ont maintenant sont illisibles, comme c’est mentionné dans leur demande, pensez-vous que cela est dû à la dégradation des dossiers originaux? Y a-t-il quoi que ce soit que vous pouvez faire de plus si les documents sont illisibles?

M. Gordon : Lorsque nous traitons avec des personnes qui demandent d’être inscrites au registre et que nous consultons les documents historiques, nous nous heurtons souvent à des problèmes parce que les documents historiques très anciens sont souvent en mauvais état et peu lisibles.

Mme Doran a mentionné que nous avons travaillé à la numérisation de ces documents à des fins de préservation, mais nous nous sommes également assurés qu’ils soient lisibles et qu’on puisse y faire des recherches au moyen de la reconnaissance optique des caractères, ce qui est très important dans la numérisation. Mais même nous et moi, dans mon rôle de registraire des Indiens, lorsque j’examine des documents historiques, j’ai parfois du mal à lire ce que dit un document. Nous constatons qu’il n’est pas toujours évident de lire le contenu des documents très anciens, puis de déterminer les droits des gens en conséquence. Nous nous heurtons aux mêmes difficultés qu’eux.

Je pense que lorsque les gens cherchent de tels documents, ils pensent souvent que nous les gardons cachés. Mais je peux vous dire qu’à titre de registraire des Indiens, il m’arrive moi-même de chercher des dossiers et de ne pas les trouver parce qu’ils n’existent pas ou qu’ils ont été détruits dans un incendie, une inondation, qu’ils ont été perdus dans un bureau de bande ou dans le bureau de l’agent des Indiens. C’est ce qui arrive pour certains documents historiques, de sorte que nous devons souvent chercher des informations secondaires et tertiaires de Statistique Canada, du recensement ou de tout autre document que nous pouvons trouver. Cela fait partie de la recherche généalogique et archivistique, mais on sait que si l’on n’arrive pas à trouver tel document ici, alors on peut chercher l’information là.

Les délais nous occasionnent parfois toutes sortes de problèmes avec les documents, et c’est très regrettable. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour préserver l’intégrité des documents que nous avons actuellement, tout comme Bibliothèque et Archives Canada, avec qui nous travaillons.

La sénatrice Coyle : Dans ce cas particulier, ils ont un document dont ils ne sont pas satisfaits parce qu’il n’est pas lisible. Savez-vous si vous pouvez toujours les aider à trouver quelque chose qui réponde à leurs besoins? Ce dossier est-il toujours ouvert?

Mme Doran : J’ai gardé des traces des différentes interactions que nous avons eues et des informations que nous avons échangées jusqu’à présent. À ma connaissance, il n’y a pas de demande toujours ouverte chez nous, mais nous restons ouverts à l’idée de mener d’autres recherches selon des paramètres différents, s’il y a un intérêt.

La sénatrice Coyle : J’aimerais approfondir un peu la question. Doit-il toujours y avoir une demande à la base? Est-ce qu’il vous arrive d’être proactif quand vous voyez que les gens sont dans une impasse? Vous demandez-vous comment vous pouvez les aider, même s’ils ne le demandent pas nécessairement?

M. Gordon : Nous travaillons vraiment en collaboration. Nous essayons de travailler avec les gens et de leur fournir tout ce que nous pouvons. Nous recevons souvent des demandes d’aide pour obtenir des informations archivistiques. Il s’agit de demandes individuelles de détermination du droit à l’inscription, donc nous recevons souvent des demandes de la part des gens. Au lieu de simplement leur demander ce qu’ils demandent exactement, nous leur précisons souvent que s’ils demandent telle chose, ils peuvent peut-être chercher à tel endroit ou demander à Bibliothèque et Archives Canada d’effectuer une recherche.

Nous essayons d’être aussi coopératifs que possible et de les aider à atteindre leur objectif, plutôt que de simplement leur dire : « Non, nous ne pouvons pas répondre à votre demande. » Nous essayons de collaborer.

La sénatrice Coyle : Merci.

Le sénateur Arnot : Madame, monsieur, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de faux-fuyants bureaucratiques. Nous tournons en rond. On cite constamment la protection de la vie privée. La loi sur la protection des renseignements personnels est un obstacle. Elle est paralysante. Vous ne pouvez pas répondre aux questions. Ou alors vous nous dites que vous n’êtes pas les bonnes personnes pour répondre à nos questions. C’est mon impression.

À cet égard, faites-vous le suivi du taux de satisfaction de vos clients ou du public qui vous demande de l’aide? Mesurez-vous la qualité de votre travail de manière objective? Le cas échéant, vos données attestent-elles d’un haut degré de satisfaction à l’égard de ce service public?

Mme Doran : Je vous remercie de votre question. Je comprends votre point de vue en ce qui concerne les obstacles que la Loi sur la protection des renseignements personnels semble créer dans ce cas.

Pour réagir aux propos de M. Gordon, cela dit, comme le registre contient des renseignements personnels, nous savons que nous devons suivre certaines règles et respecter la vie privée des gens, mais nous essayons de trouver des moyens de composer avec tout cela. Nous espérons vous avoir donné aujourd’hui quelques exemples de nos efforts en ce sens.

Nous ne faisons pas systématiquement le suivi de la satisfaction de la clientèle, mais nous travaillons quotidiennement avec des personnes à localiser des informations ancestrales afin de les aider à remplir leur demande d’inscription au registre, en particulier. Nous entendons souvent des gens nous remercier pour les conseils que nous leur avons donnés et l’aide que nous avons pu leur fournir dans leur processus de demande. Monsieur Gordon, vous voulez peut-être en dire plus à ce sujet?

M. Gordon : Je dirais simplement que le degré de satisfaction des personnes qui sollicitent l’aide de notre unité généalogique est très élevé lorsqu’elles sont admissibles à l’inscription. Lorsqu’elles découvrent qu’elles n’y ont pas droit, elles ne sont malheureusement pas très satisfaites.

Nous leur fournissons le service. Parfois, les gens n’apprécient pas le service reçu lorsqu’on leur répond : « Non, vous n’y avez pas droit. » Ce sont ceux qui se plaignent le plus, et c’est généralement d’eux que je reçois le plus de messages et de plaintes.

Malheureusement, je dois composer avec cela, mais heureusement, il y a bien des gens qui utilisent les services de notre unité généalogique qui sont jugés admissibles et qui sont très satisfaits de nos services. Je ne suis pas sûr que nous donnions vraiment l’occasion aux gens de nous faire part de leurs commentaires sur la qualité des services reçus de notre unité généalogique, mais je pense que la majorité des interactions sont positives.

Le président : Je vous remercie. Nous n’avons presque plus de temps, mais je sais que le sénateur Patterson a une dernière question à poser.

Le sénateur D. Patterson : Oui, juste une petite question. Comme nous n’avons presque plus de temps, vous pourrez nous fournir votre réponse par écrit. Ma question concerne le Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats indiens du gouvernement. C’est justement ce qui nous intéresse dans le cadre de cette étude. Ce comité est composé de représentants de 14 ministères fédéraux et d’une interlocutrice spéciale.

Ma question est très simple : votre bureau travaille-t-il avec ce comité consultatif sur les documents? Et si ce n’est pas le cas, pourquoi pas? Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Sénateur Patterson, j’ai posé cette question un peu plus tôt.

Le sénateur D. Patterson : Vraiment? Je n’étais pas attentif. Je vous prie de m’excuser.

Le président : Ils peuvent y répondre à nouveau.

Mme Doran : Oui. J’espère que je vous donnerai la même réponse.

La sénatrice Coyle : La réponse était oui.

Mme Doran : En bref, Services aux Autochtones Canada est représenté à ce comité. Ni M. Gordon ni moi n’en faisons directement partie, mais comme nous détenons des informations pertinentes dans le cadre de cet exercice, nous y collaborons. Le travail de ce groupe en est encore à ses débuts.

Le président : Je vous remercie.

Le temps imparti à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je tiens à remercier à nouveau tous nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter d’autres observations, veuillez les envoyer par courrier électronique à la greffière dans les sept jours. Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance pour nous permettre de poursuivre à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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