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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (ET), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir à tous et à toutes. J’aimerais tout d’abord reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe, où vivent maintenant de nombreux peuples des Premières Nations, métis et inuits de toute l’île à la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Fraser d’Epekwitk, lieu aussi appelé Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je vais maintenant inviter les membres du comité ici présents à se présenter, en se nommant et en précisant leur province ou territoire. Nous commençons par ma gauche.

Le sénateur Arnot : Je suis David Arnot. Je suis un sénateur de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire du Traité no 6.

La sénatrice Hartling : Sénatrice Nancy Hartling, du territoire non cédé du peuple mi’kmaq, au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, à Mi’kmaki.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, au parc national Banff, sur le territoire du Traité no 7.

Le sénateur Prosper : P.J. Prosper, de la Nouvelle-Écosse, terre des Mi’kmaqs.

La sénatrice White : Judy White, de Ktaqmkuk, lieu mieux connu sous le nom de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick, territoire non cédé du peuple mi’kmaq.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut, Inuit Nunangat.

[Traduction]

Le président : Merci à vous tous et à vous toutes.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’efficacité du cadre canadien des droits de la personne pour ce qui est de la promotion, de la protection et de l’exercice des droits des peuples autochtones.

J’aimerais maintenant présenter nos témoins, qui représentent Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : nous accueillons Mme Valerie Gideon, sous-ministre; et Mme Mary-Luisa Kapelus, sous-ministre adjointe principale, Politiques et orientation stratégique.

Wela’lin et merci d’être avec nous ce soir.

Mme Gideon va présenter une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, puis nous passerons à la période de questions avec les sénateurs. J’invite maintenant la sous-ministre, Mme Gideon, à nous présenter sa déclaration préliminaire.

Valerie Gideon, sous-ministre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Merci beaucoup.

Kwey kwey, ullukkut, tansi, hello, bonjour.

J’aimerais reconnaître que nous nous réunissons aujourd’hui sur les territoires ancestraux non cédés du peuple algonquin anishinaabe.

[Français]

Nous venons de souligner les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe, une campagne internationale annuelle qui commence le 25 novembre, lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et qui prend fin le 10 décembre, lors de la Journée des droits de la personne. Chaque année, à l’occasion de cette campagne, nous réitérons notre engagement à mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGTBQI+ autochtones. Dans cette optique, je me réjouis de la discussion sur l’appel à la justice no 1.7, qui porte sur un élément important de la lutte contre la crise actuelle créée par la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQI + autochtones.

[Traduction]

Je m’adresse au comité non seulement en tant que sous-ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada — un poste que j’occupe depuis 10 jours —, mais aussi en tant que femme des Premières Nations, membre de la nation mi’kmaq de Gesgapegiag, dans la région de Québec, et mère de deux jeunes filles.

[Français]

Je remercie le comité pour son étude du cadre canadien des droits de la personne et pour la promotion et la protection des droits peuples autochtones. Je tiens à saluer tout particulièrement la sénatrice Audette et le travail qu’elle a fait pour protéger les femmes autochtones à titre de commissaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et maintenant comme sénatrice.

[Traduction]

À titre d’information pour les sénateurs et sénatrices qui n’étaient peut-être pas là quand tout ce processus d’élaboration a commencé, même s’ils le connaissent bien aujourd’hui, un plan d’action national a été conçu conjointement en 2021 par un groupe de travail cadre en collaboration avec le Cercle national des familles et des survivantes et les partenaires contributeurs. Notre contribution au plan d’action national, c’est-à-dire la Voie fédérale, sert d’orientation pour le travail du gouvernement fédéral.

[Français]

Nous rendons compte chaque année de l’avancement de la Voie fédérale. Comme l’indique le rapport de cette année, des progrès ont été réalisés grâce à des programmes qui appuient les familles et les survivants, les espaces culturels, la santé et le mieux-être, les langues, les refuges, le logement, l’éducation et la collecte de données. L’élaboration de nouvelles politiques et stratégies est en cours dans des domaines d’intérêt importants, comme les initiatives de sécurité communautaire, la justice et les services de police et la violence fondée sur le sexe. Je serai heureuse de vous fournir des détails sur ces progrès au cours des discussions à venir.

Malgré ce travail, les pertes et les souffrances existent toujours. Nous continuerons de travailler avec les survivantes et les familles, les organisations autochtones et les gouvernements pour faire de ce pays un endroit plus sûr pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQI+ autochtones.

[Traduction]

Je sais que la représentante spéciale du ministre de Relations Couronne-Autochtones, Mme Jennifer Moore Rattray, a témoigné devant vous en avril dernier. Comme vous vous en souvenez peut-être, elle a été nommée en janvier 2023 pour fournir des avis et des recommandations en lien avec la mise en œuvre de l’appel à la justice 1.7 et en particulier la création d’un poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne.

Depuis sa nomination, Mme Moore Rattray a mené de vastes consultations, d’un bout à l’autre du pays, auprès de plus de 600 personnes représentant plus de 100 organisations, entités de responsabilité et gouvernements. Précédemment, lorsque j’étais sous-ministre adjointe, j’ai eu la chance d’avoir une merveilleuse discussion avec elle. Elle présentera son rapport final à l’honorable ministre Gary Anandasangaree à la fin du mois de décembre.

Depuis le dernier rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, publié en 2019, nous avons entendu parler de la nécessité d’une institution autochtone axée spécifiquement sur les droits de la personne pour faire avancer l’exercice des droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada, qu’il s’agisse du droit à la santé, du droit à la justice, du droit à la sécurité ou du droit à la dignité.

[Français]

À l’heure actuelle, il n’y a pas d’ombudsman qui a le mandat précis de protéger les droits des Autochtones, malgré les disparités qui existent. Souvent, les mécanismes qui sont en place ne sont pas dirigés par des Autochtones ou fondés sur la sécurité culturelle et ne tiennent pas compte des traumatismes. En travaillant en vue de mettre fin à la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQI+ autochtones, nous avons pris note de l’importance de la collaboration entre les partenaires. Par exemple, l’appel à la justice no 1.7 demande aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de travailler en partenariat avec les peuples autochtones pour nommer un ombudsman.

[Traduction]

C’est dans cet esprit de collaboration que nous attendons avec impatience la deuxième table ronde nationale sur les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQI+ disparues et assassinées, prévue pour cet hiver. La table ronde est une occasion pour les organisations et gouvernements autochtones, fédéraux, provinciaux et territoriaux d’explorer un certain nombre de sujets d’intérêt communs, notamment la façon de lancer une alerte robe rouge pour aviser le public lorsqu’une femme ou une personne bispirituelle autochtone disparaît.

Lors de la deuxième table ronde nationale, nous nous réserverons du temps pour discuter de la reddition de comptes. Depuis la première table ronde nationale, en janvier, on a mené des travaux en consultation avec les partenaires autochtones, les familles et les survivantes dans le but de formuler des recommandations touchant la conception d’un mécanisme de surveillance. Le gouvernement fédéral, les organisations et les gouvernements provinciaux et territoriaux poursuivront ces discussions importantes sur l’établissement d’un mécanisme de surveillance.

Je vais maintenant répondre avec plaisir à vos questions. Wela’lin, meegwetch, qujannamiik, marsee, thank you, merci.

Le président : Wela’lin, madame Gideon. Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Afin de respecter le temps, et par souci d’équité envers tous et toutes, les sénatrices et sénateurs auront chacun cinq minutes pour poser des questions et entendre les réponses.

Le sénateur Arnot : Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui. J’ai deux ou trois questions, et je vais adresser la première à la sous-ministre.

Comment peut-on s’assurer qu’un cadre des droits de la personne, conçu pour les Autochtones, respecte et renforce les politiques et programmes fédéraux actuels axés sur les communautés autochtones? Je pense que c’est une question assez ouverte.

Ma deuxième question s’adresse à Mme Kapelus. L’établissement d’un cadre distinct des droits de la personne pour les Autochtones pourrait-il influencer l’orientation stratégique de Relations Couronne-Autochtones, entre autres en ce qui a trait à la réconciliation et au partenariat économique?

Si vous n’êtes pas à l’aise avec ces questions, vous pouvez toujours choisir de répondre à une autre.

Mme Gideon : Comme vous l’avez dit, sénateur, je pense que vous posez des questions assez larges.

Le problème, pour Mme Kapelus et moi-même, ici aujourd’hui, est que nous ne voulons pas anticiper les résultats du rapport de la représentante spéciale du ministre, et que je ne veux pas non plus anticiper le processus de consultation actuel sur le mécanisme de surveillance. En tant que hautes fonctionnaires de la fonction publique fédérale, nos paroles risquent d’être interprétées comme si nous avions décidé de la forme que cela allait prendre.

Nous voulons vraiment être très prudentes. Nous voulons bien évidemment participer à la discussion, mais il faut que ce soit très clair : en tant que hautes fonctionnaires, les conseils que nous allons fournir au gouvernement et aux ministres et, bien sûr, au Cabinet, seront fondés sur les résultats du rapport de la représentante spéciale du ministre et des consultations auprès de nos partenaires des Premières Nations et des Nations unies et métis.

Ce que je peux dire, en lien avec mon expérience en tant que haute fonctionnaire fédérale, qui a débattu avec le Tribunal canadien des droits de la personne au sujet de la plainte relative aux services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et à la plainte relative au principe de Jordan, c’est que je ne pense pas que ce soit un secret pour personne que j’ai eu affaire au Tribunal canadien des droits de la personne et que j’ai témoigné devant lui dans le passé.

Ce que nous avons entendu dire, c’est qu’il fallait suivre un long processus avant de pouvoir obtenir une décision. Le gouvernement fédéral a pris position, sans le soutien ou l’accord des partenaires des Premières Nations qui voulaient faire avancer la plainte.

Je dirais que, même après que le tribunal a rendu une décision, il y a eu des contestations dans le domaine public concernant la mise en œuvre de ces décisions.

Nous avons ici l’occasion de faire entendre davantage les voix des Premières Nations et des nations inuites et métisses dès le début du processus par lequel elles cernent un problème qui doit à leur avis être corrigé.

Votre comité a déjà entendu le témoignage d’un expert selon lequel, quand il s’agit d’un enjeu concernant les enfants, par exemple — et ici, il est question de filles autochtones —, lorsque cela prend du temps avant que des mesures correctives soient prises, cela a un impact sur la vie des filles autochtones — dont il est question ici —, et cela a beaucoup d’importance dans le cadre du travail de l’ombudsman et du mécanisme de surveillance. Essayez de vous mettre à leur place : je dirais que plus le processus est adapté aux contextes, à la culture, à la langue et aux besoins des personnes dont vous essayez de protéger les droits, plus les processus seront réactifs et efficaces, probablement.

Je sais que c’est une réponse générale, mais j’espère que cela vous aidera.

Mme Kapelus pourrait répondre à votre deuxième question.

Mary-Luisa Kapelus, sous-ministre adjointe principale, Politiques et orientation stratégique, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Vous avez tout dit avec la première.

Merci de la question. À ce sujet, j’ai participé au Plan d’action national sur les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ disparues et assassinées. J’étais coprésidente fédérale pour une bonne partie de ces travaux.

La question des droits, dans le cadre de ces travaux, était très importante pour beaucoup de partenaires. Ce qui était primordial, d’après ce que nous avons entendu pendant l’élaboration du plan d’action national et de la Voie fédérale, c’était que l’élaboration devait réellement être conjointe. C’est eux qui devraient diriger ces discussions, plutôt que — pour reprendre ce que la sous-ministre a dit — ce soit nous aux commandes.

Comme cela a été mentionné, nous avons maintenant une représentante spéciale du ministre. Une organisation autochtone a mené des consultations dans tout le pays.

D’après les premières informations que nous recevons, les droits et la façon dont les droits seront respectés dans l’avenir seront d’une importance primordiale, mais il est encore tôt. Nous attendons un rapport de la représentante spéciale du ministre à la fin du mois, avec un peu de chance. C’est la date prévue. Une fois que nous aurons tous ces documents, nous serons mieux placés pour répondre à la question que vous avez posée au sujet de ce que nous disent les partenaires et de ce que sera leur vision pour tout cela.

Le sénateur Arnot : Peut-être que nous allons devoir vous réinviter.

Mme Gideon : Oui. Je dirais que nous allons aussi conseiller les ministres par rapport à leur processus et à leur processus décisionnel à ce sujet.

La sénatrice Sorensen : Je vais élargir la question, alors peut-être que ce sera plus facile pour vous. Y a-t-il des exemples venant d’autres pays dont vous êtes au courant ou qui fonctionnent bien, en ce qui concerne des modèles pour l’établissement d’un mécanisme autochtone des droits de la personne?

Il y a une deuxième partie à ma question : à votre avis, est-ce que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — la DNUDPA — peut fournir une orientation à la structure que nous essayons de créer, ici au Canada, pour ce nouveau mécanisme autochtone des droits de la personne?

Mme Gideon : Je n’ai entendu parler d’aucun modèle que je pourrais donner en exemple. Je sais que l’on a fait chercher ailleurs dans le monde, mais je n’ai rien vu dans le cartable que j’ai avec moi.

La sénatrice Sorensen : Cela ne fait quand même que 10 jours que vous êtes là.

Mme Gideon : Exactement. Je vais donner la parole à Mme Kapelus.

Le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, publié en juin, indique clairement que Relations Couronne-Autochtones ainsi que le ministère de la Justice et d’autres organismes, doivent, dans leur rôle, examiner les lois et les politiques sous l’angle de la loi sur la déclaration des Nations unies.

Je dirais que n’importe quel cadre de cette nature, compte tenu de l’engagement que nous avons déjà pris dans le plan d’action, doit non seulement être conçu en gardant à l’esprit la DNUDPA, mais doit aussi la respecter. C’est l’engagement qu’a pris le gouvernement.

Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement? Nous allons certainement nous tourner vers les experts qui ont effectivement élaboré la déclaration et la loi sur la déclaration des Nations unies pour obtenir ce genre de conseil.

Plus concrètement, nous savons qu’il y a certains principes clés relatifs à l’autodétermination et à la reconnaissance de la diversité des cultures et des langues et de toutes les composantes qui doivent être mises au premier plan lors de la conception. Ce processus doit prévoir tout l’espace nécessaire pour que les diverses nations soient représentées ou obtiennent réponse. Ce serait un élément clé.

Mme Kapelus : La seule chose que je peux dire pour contribuer à la discussion, c’est que nous avons travaillé cet automne; il y a un groupe de travail trilatéral entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

La sénatrice Sorensen : D’accord.

Mme Kapelus : Les réunions ont eu lieu ici, l’automne dernier. Cela dépend des résultats des élections dans d’autres parties du monde et d’autres choses du genre, mais nous espérons pouvoir poursuivre une partie de ces travaux.

Le modèle n’est peut-être pas idéal, mais nous réussissons à tirer des bribes de leçons de ce qui se fait ailleurs et qui pourraient servir d’inspiration pour notre modèle, ici. Ils sont très intéressés par ce que nous faisons. Il y a des choses qu’ils font qui sont très progressives, et nous commençons à fonder une collaboration.

La sénatrice Sorensen : Donc, au moins, vous voyez certaines pratiques exemplaires.

Mme Kapelus : Oui. Avec l’Australie, aussi.

La sénatrice Sorensen : Je ne sais pas pourquoi, mais je pense toujours à l’Australie ou à la Nouvelle-Zélande.

Mme Kapelus : La Nouvelle-Zélande aussi, mais l’Australie souhaiterait travailler avec nous et voir où nos travaux nous amènent.

La sénatrice Sorensen : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos témoins. Bienvenue encore une fois à vous deux. Félicitations. Avec vous, nous sommes entre bonnes mains. C’est bon de vous voir ici.

Je suis certaine que vous avez suivi les travaux du comité. Nous avons reçu des témoins d’une qualité incroyable, avec qui nous avons discuté et qui nous ont souligné les choses essentielles à avoir pour réussir l’établissement du rôle d’ombudsman et du tribunal.

Une chose que les témoins précédents n’arrêtaient pas de souligner est l’importance de s’assurer que les principes de Paris — les principes que doivent suivre les organisations nationales de défense des droits de la personne — sont appliqués, ici, afin de veiller à ce que le tribunal autochtone des droits de la personne soit toujours indépendant du gouvernement. Pourriez-vous nous dire, si c’est possible, comment ces principes seront respectés ou mis en œuvre dans la création du tribunal et du rôle d’ombudsman?

Mme Gideon : Je saurai mieux répondre à cette question plus tard. C’est une question très difficile. J’ai l’impression que ma réponse serait prématurée ou même partiale, même si ce n’était que mon opinion, encore une fois, parce que j’ai un poste de haut niveau au gouvernement. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour bâtir la relation de confiance entre les ministères et les peuples autochtones. Je préfère ne pas répondre à la question.

Je dirais que les intérêts fondamentaux sont ceux de la reddition de comptes, de la transparence et de l’obligation de fournir les mesures de soutien requises et nécessaires aux gens, afin qu’ils puissent participer complètement et équitablement au processus.

Pour revenir à votre question précédente, le ministère de la Justice envisage aussi une Stratégie en matière de justice autochtone. J’ai eu des réunions avec l’Assemblée extraordinaire des chefs de l’Assemblée des Premières Nations, ces trois derniers jours. J’ai été prise par des réunions avec les chefs des Premières Nations de tout le pays. Certains d’entre eux ont parlé de l’importance de faire avancer les mécanismes relatifs à la justice, à l’application de la loi et à la reddition de comptes, et ils estiment que le Canada n’a pas suffisamment avancé à cet égard pour soutenir les modèles des Premières Nations.

Pour revenir sur ce que vous avez dit, je pense que les témoins experts ont soulevé un juste point. Cependant, je n’ai pas de réponse à vous donner ce soir sur la façon dont tout cela s’imbriquerait ensemble, selon une vision autochtone.

La sénatrice Coyle : Merci.

La sénatrice Hartling : Merci d’être avec nous ce soir. Tout d’abord, madame la sous-ministre, merci d’avoir parlé de vous. Cela nous aide de savoir d’où vous venez, de connaître votre point de vue et de savoir que vous avez des filles. Vous avez aussi bien sûr beaucoup parlé de la perte et de la souffrance que les gens ont vécues. C’est quelque chose que nous avons ressenti quand nous avons écouté les histoires et les comptes rendus, et je peux seulement imaginer ce que c’est d’être au milieu de cela tout le temps et d’écouter tout cela.

Vous avez parlé du besoin d’avoir des espaces plus sécuritaires. Je me demandais, vu la création du nouveau poste d’ombudsman et du tribunal, si vous croyez que cela sera sécuritaire culturellement et adapté aux traumatismes? Nous avons beaucoup entendu parler de cela aussi. Pouvez-vous nous en parler et nous faire part de vos réflexions là-dessus?

Mme Gideon : Bien sûr. Nous avons pu recevoir du financement pour soutenir toutes sortes d’initiatives en lien avec la mise en œuvre du plan d’action national. J’ai jeté un œil sur les nombreux projets en cours, et je crois que l’information que nous avons aujourd’hui ne sera pas celle que nous aurons dans deux ou trois ans, lorsque ces projets auront pu être mis en œuvre complètement, parce qu’il faut aussi tenir compte du fait que nous sommes toujours dans un environnement post-pandémique, où il y a un manque de capacité et où des retards empêchent les gens de commencer, même dans ce contexte. Je vais vous donner quelques exemples.

Dans le budget de 2021, un financement de 2,2 milliards de dollars avait été annoncé spécifiquement pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et il y avait une initiative précise pour les espaces culturels dans les collectivités autochtones. Il y a plus d’une initiative : 51 projets ont été financés grâce à cet argent.

Il y a aussi l’initiative Voies vers des communautés autochtones sûres, qui est d’ailleurs offerte par l’intermédiaire de Services aux Autochtones Canada. Elle soutient aussi un certain nombre d’initiatives très novatrices, qui sortent du cadre des programmes fédéraux existants et qui permettent aux collectivités mais aussi à d’autres organisations autochtones de vraiment travailler à créer des environnements plus sûrs pour leurs membres ou les gens qu’elles servent avec des moyens très différents des services de police conventionnels ou d’autres types d’approches. Bon nombre de ces initiatives intègrent également les voix des femmes autochtones, bien évidemment, dans la conception de ces composantes.

Je pense sincèrement qu’il y a énormément d’innovations. Je pense que d’importantes ressources ont été investies depuis le budget de 2021, sur une période de cinq ans. Je dirais au comité que, dans quelques années — pas trop —, vous devriez nous réinviter, nous ou peu importe qui sera à notre place, pour vous donner les véritables résultats. Il y a beaucoup d’initiatives communautaires concrètes et, pour vraiment obtenir de l’information, il faut écouter directement ce que les gens qui les offrent ont à dire.

Cela tombe à point, parce que le financement pourrait être annoncé suffisamment vite après la mise en œuvre du plan d’action national, pour que ces discussions — qui sont très complexes — sur l’ombudsman et le mécanisme de surveillance puissent avoir lieu et soient éclairées par le travail communautaire local qui se fait actuellement d’un bout à l’autre du pays.

Mme Kapelus : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, je ne sais pas si vous avez lu notre Voie fédérale, mais vous venez de nommer deux de nos principes fondamentaux clés de la voie, c’est-à-dire qu’il faut que ce soit adapté aux traumatismes et culturellement sécuritaire. C’est intéressant que vous ayez mentionné ces deux principes d’emblée, parce que je me suis dit que ce sont effectivement nos principes. Vous m’avez peut-être entendue dire que j’ai coprésidé le groupe fédéral, avec un partenaire autochtone. C’est quelque chose que nous entendions constamment : peu importe ce que nous faisons, nous devons orienter le travail sur ces principes fondamentaux clés. C’était une constante.

Cela est reflété... la sous-ministre a donné un exemple. Une grande partie du travail est lié à ces principes. C’est en partie la situation finale que nous souhaitons, pendant que nous surveillons l’avancement des travaux. Comment ferons-nous pour que les approches soient culturellement sécuritaires et adaptées aux traumatismes? Nous nous sommes entre autres assurés que les familles et les survivantes étaient au centre de ce travail. Je sais que vous avez probablement entendu beaucoup de choses là-dessus aussi.

La sénatrice Hartling : Merci. Ce que vous dites est très sensé.

Le président : Madame Kapelus, je me demandais si vous pouviez nous fournir plus de détails à propos des efforts du groupe de travail trilatéral et de certains des travaux qui se font aux États-Unis et au Mexique. Si vous ne le pouvez pas ce soir, faites-le par écrit, si c’est possible.

Mme Kapelus : Oui, bien sûr. Nous sommes justement dans ces phases, actuellement. Vous vous rappelez peut-être que nous avons eu des réunions pas plus tard que l’automne dernier, et j’ai même fait une demande, aujourd’hui, pour obtenir une mise à jour concernant un rapport contenant de l’information sur ces travaux. Je me ferai un plaisir de le communiquer à votre groupe.

À l’automne, nous nous sommes concentrés sur certains domaines. Encore une fois, les réunions trilatérales posent certains problèmes, parce que nous parlons tous des langues légèrement différentes, sans vouloir faire de blague. Quand nous commençons à parler, ici, au Canada, des approches fondées sur les distinctions, nos collègues des autres pays ne comprennent pas.

Nous nous sommes surtout concentrés sur des domaines clés où nous pouvions trouver des points communs. Parmi ces domaines, la traite de personnes et l’échange de pratiques exemplaires. Nous avons discuté des systèmes d’apprentissage. Vous vous rappelez peut-être l’alerte robe rouge, annoncée dans le budget récemment. Cela a particulièrement attiré l’attention, et nous avons aussi appris des choses sur les systèmes qu’ils ont là-bas. Donc, nous avons discuté de la traite de personnes et des systèmes d’apprentissage. Je me ferai un plaisir de vous communiquer les résultats de notre dernier tour de discussion.

Le président : Nous vous en saurions gré.

Le sénateur Prosper : Merci d’être ici ce soir. Je ne sais pas si ma question est liée au rapport qui s’en vient, mais je voulais connaître votre opinion — je le demande à l’une ou l’autre — sur la nature d’un tribunal des droits de la personne et sur la relation entre les droits collectifs, comme ils sont entendus à l’article 35 de la DNUDPA, et le plan d’action. Comment voyez-vous ces deux éléments s’imbriquer, dans le cadre d’une structure juridique comme un tribunal?

Mme Gideon : J’aurais dû étudier le droit. Je soupçonne qu’il y a quelques avocats parmi vous. Je sais qu’il y en a un assis à la table, et ce n’est ni Mme Kapelus ni moi.

Honnêtement, c’est une excellente question, parce que c’est quelque chose dont nous devons toujours nous préoccuper, pas nécessairement en lien avec le tribunal, mais dans la conception des initiatives fédérales. Il y a encore beaucoup de programmes et d’initiatives de prestation de services directs au niveau fédéral... Ils ne sont pas offerts par Relations Couronne-Autochtones nécessairement, mais par Services aux Autochtones Canada. Nous devons veiller à ce que ces services soient financés avec intégrité et fournis de manière sécuritaire culturellement, mais ils sont toujours fournis par le gouvernement fédéral — très directement dans certains cas —, ou du moins, les décisions de financement quant à des prestations de services individuelles très précises sont prises par le gouvernement fédéral.

En même temps, nous voulons aussi veiller à fournir du soutien pour faire avancer l’autodétermination des titulaires de droit prévus à l’article 35. Je vais utiliser encore une fois l’exemple de la réforme des services à l’enfance et à la famille, où nous investissons dans le système existant, et les services sont fournis par des organismes des services à l’enfance et à la famille ou par des collectivités. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un service donné directement aux personnes. Nous voulons aussi faire avancer le projet de loi C-92, la loi concernant les compétences des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Nous voulons nous assurer que ces approches sont complémentaires et qu’elles ne s’opposent pas, évidemment, mais ce n’est pas toujours facile pour les chefs des Premières Nations, inuits et métis de décider où ils doivent mettre leur énergie et leurs efforts. Je ne sais pas comment un tribunal arrivera à équilibrer ces intérêts.

Prenez le principe de Jordan et l’exemple des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations; l’Assemblée des Premières Nations a fourni des informations et des témoignages à ce sujet. Il y a eu certains échanges avec le tribunal sur ce dossier en particulier, et cela ne vient pas nécessairement du gouvernement fédéral, mais plutôt de l’Assemblée des Premières Nations. Je n’en dirai donc pas plus, mais je dirai qu’il y a eu des échanges. Je ne sais pas comment les choses devraient se régler.

La seule chose que je dirais, c’est que, si le processus était de conception autochtone, je serais convaincue qu’ils pourraient trouver un mécanisme pour atteindre l’équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, dans leur contexte, tout comme ils l’ont fait pour les générations passées en pensant aux générations futures. Certaines de leurs pratiques ancestrales en matière de justice réparatrice, par exemple, tiennent compte de l’équilibre entre les intérêts individuels et collectifs.

Le sénateur Prosper : Très bien. Merci beaucoup.

Une voix : Elle n’a pas besoin de faire des études en droit.

Le sénateur D. Patterson : Merci de votre présence. C’est un plaisir de vous revoir dans notre comité sénatorial dans votre nouveau rôle.

Je suis vraiment intrigué par le fait que vous avez été engagée — ou devrais-je plutôt dire entraînée — dans la saga des droits de la personne et de la protection de l’enfance, cette saga qui a duré 15 ans. Vous n’y avez peut-être pas joué un rôle durant les 15 ans, mais cela était digne de mention.

En ce qui concerne le règlement de cette question, le plus important règlement de l’histoire canadienne, j’ai posé aux témoins venus parler de ce sujet la question suivante : le système n’a-t-il pas fonctionné pour les Autochtones? Je me suis fait en quelque sorte l’avocat du diable en posant cette question. En quoi un tribunal autochtone des droits de la personne serait-il mieux que le processus dans lequel vous avez été entraînée?

Je vais vous dire ce que Katherine Hensel, associée dans un cabinet d’avocats spécialisé dans les questions autochtones, m’a dit à ce sujet, et j’aimerais entendre vos commentaires. Elle a dit que le Tribunal canadien des droits de la personne est axé sur les plaintes, qu’il se concentre sur les droits individuels et non pas sur les droits collectifs, qu’il exige des preuves, qu’il est de nature accusatoire et qu’il faut respecter le processus de résolution autochtone. Natan Obed dit qu’il n’y a pas, mais qu’il doit y avoir, un processus de règlement des différends.

Je crois que vous avez laissé entendre que le gouvernement était parfois en conflit avec les plaignants. Nous le savons. Auriez-vous des commentaires à faire sur les raisons données par les témoins, à nos séances du 29 novembre, je crois, pour lesquelles il faudrait créer un tribunal autochtone des droits de la personne? Avez-vous des commentaires?

Mme Gideon : Eh bien, je crois que c’est une liste des préoccupations que j’ai déjà entendues. Je crois qu’il sera complexe de répondre à ces préoccupations.

Pour mettre de l’avant un processus de règlement des différends qui n’est pas accusatoire, il faut, d’un commun accord, trouver ce qui peut être réglé. Il est important — pour le comité et pour son étude, pour la représentante ministérielle spéciale, et pour le processus de consultation — que les gens réfléchissent bien à cette question.

Je dis cela parce que, selon la décision du Tribunal canadien des droits de la personne, les provinces et les territoires ne sont pas concernés. C’est un exemple. Pourtant, les provinces et les territoires ont clairement compétence sur de nombreux services ayant une incidence sur les facteurs déterminants des services offerts aux enfants et aux familles ou, dans certains cas, sur les services eux-mêmes. Les recours qui pourraient être proposés par le gouvernement fédéral ne seront pas nécessairement accessibles à tous les Autochtones du Canada, parce que les Autochtones du Canada n’ont pas tous accès aux mêmes investissements, programmes, services ou interventions du fédéral. C’est un exemple d’une chose qui manque, selon moi, à la liste des préoccupations.

Pour accélérer le processus, pour avoir un processus moins accusatoire, pour avoir un processus qui ne dépend pas autant de... je ne sais pas comment vous faites, sans preuve, mais il vous faut avoir, bien entendu, des preuves quelconques. Le fardeau de la preuve, je crois que c’est la formulation qu’elle utilisait. Je ne sais pas par quoi vous pourriez remplacer cela. Pour que les choses se règlent, il faut un cadre commun ou partagé quant aux attentes concernant les propositions des parties et la manière de gérer ces différends. En fin de compte, pour le gouvernement, du moins, il faut demander un mandat touchant le règlement des ententes négociées, et, pour cela, il faut des paramètres très précis, comme des décisions de financement ou des mécanismes de reddition de comptes. Toutes ces choses. Toutes ces choses devront être jugées acceptables par les parties pour que le différend se règle. Ce n’est pas une tâche facile dans le contexte fédéral. Ce serait la même chose pour toutes les administrations, y compris les gouvernements autochtones. Ils ont différents points de vue sur ce qu’ils considèrent comme étant un cadre acceptable. Je ne dis pas que c’est impossible, mais je dis qu’il y aura d’autres questions complexes qu’il faudra prendre en considération dans le processus.

Le sénateur D. Patterson : Je ne sais pas pourquoi cela a pris 15 ans, mais vous avez laissé entendre qu’il y a eu des tensions entre les parties. Vous représentiez la Couronne. Pensez-vous que ce processus aurait pu être amélioré ou qu’il serait possible de l’améliorer, dans le nouveau modèle, avec un processus de résolution des différends? Lorsque vous pensez à l’impasse qu’il y a eu, un processus de règlement des différends aurait pu accélérer les choses pour mener au règlement final, après toutes ces années?

Mme Gideon : Il était toujours possible, par l’intermédiaire du Tribunal canadien des droits de la personne, que les parties acceptent la médiation. Le processus en tant que tel n’empêche pas de tenter de régler un différend par la médiation.

Le sénateur D. Patterson : Ce n’est pas ce que les témoins nous ont dit. Ils ont dit qu’aucun processus de règlement des différends n’avait été intégré. Peut-être que cela peut se faire au moyen d’une entente, peut-être que cela doit être favorisé par une loi qui n’existe pas encore.

Mme Gideon : Pour cela, vous devriez certainement vous adresser à quelqu’un du ministère de la Justice, et non pas à moi.

Je crois que le gouvernement a indiqué clairement qu’il veut le plus possible des ententes ou des règlements négociés. Même dans ce processus, nous avons essayé différentes approches, dont la médiation. C’est tout ce que je peux vous dire. Je ne sais pas comment il serait possible de rendre obligatoires certaines étapes. Je n’ai pas l’expertise qu’il faut pour répondre à votre question.

Le sénateur D. Patterson : Donc, il y a eu de la médiation dans le processus relatif à la protection de l’enfance.

Mme Gideon : Et seulement durant la négociation de l’accord d’indemnisation, par exemple. Les parties avaient convenu de suspendre le processus judiciaire pour tenter de négocier un règlement, ce que nous avons fait, et ce règlement a été présenté au tribunal. Le tribunal n’a pas accepté le règlement, au départ. Nous avons été obligés d’améliorer l’accord, puis le tribunal l’a approuvé. Il a ensuite été présenté à la Cour fédérale. C’est un exemple de cas où le litige a été mis en suspens et où un accord négocié a été présenté.

Le sénateur Arnot : Merci, sénateur Patterson, d’avoir établi le contexte. J’aimerais revenir sur le cas de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations et sur les 16 années environ que cela a pris pour régler le dossier.

Vous y avez participé très activement. Quelle a été votre expérience à l’égard de... Que pouvez-vous nous dire sur ce que vous avez appris et sur ce qui aurait dû selon vous être mieux fait? Quels changements pourraient être apportés, le cas échéant, au sein du ministère ou dans votre relation avec le ministère de la Justice pour éviter un litige qui se prolongerait ainsi durant près de deux décennies?

Mme Gideon : Je vais parler du ministère dans lequel je travaille à l’heure actuelle.

Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada gère le règlement des revendications concernant les expériences vécues par les enfants. Un certain nombre de négociations de règlement ont été conclues ou sont en cours. Bien que la plupart de ces règlements n’ont pas été soumis au tribunal, ils continuent également de démontrer qu’il y a une voie qui rend possibles des règlements négociés.

À l’époque, quand la plainte a été déposée au Tribunal canadien des droits de la personne, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens avait été conclue, mais nous n’avions pas l’expérience requise au sein de nos ministères. Nos ministères n’existaient pas, à ce moment-là, mais je parle maintenant dans le contexte où ces ministères existent. Nous tirons chaque fois profit de notre expérience des négociations, qu’il s’agisse des revendications concernant les expériences vécues par les enfants ou d’autres revendications particulières. Toutes les approches s’orientent maintenant vraiment vers la réconciliation.

Le ministère de la Justice a présenté il y a plusieurs années ses principes touchant les litiges civils, et ces principes continuent d’informer son approche à l’égard des conseils qu’il nous fournit en tant que ministère client. Beaucoup de changements ont été apportés aux approches en matière de politiques et de cadres stratégiques.

Je pourrais également parler de la formation des fonctionnaires. Nous avons adopté une politique de formation obligatoire en compétences culturelles, il y a quelques années. Elle a été adoptée conjointement par mon ministère et par Services aux Autochtones Canada. Elle touche un grand nombre d’employés fédéraux. Je dirais un peu moins de 10 000 employés environ. Cette politique a en fait été conçue par un groupe d’experts réunis au sein d’un comité tripartite que j’ai coprésidé avec l’Assemblée des Premières Nations et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Ce comité cherchait expressément des manières pour les ministères d’apprendre de cette expérience en particulier, ainsi que des séquelles des nombreuses années de colonialisme, avant cela, pour que, dans tout ce que nous entreprenons, nos approches soient davantage adaptées sur le plan culturel. Nous n’avons cessé de le faire depuis.

Le président : J’ai une question pour Mme Gideon : dans le cadre de la recommandation découlant de l’Enquête nationale, selon laquelle il faut mettre en place un mécanisme relatif aux droits des Autochtones qui peut fonctionner dans toutes les administrations, dites-moi, en tant que haute fonctionnaire fédérale qui a travaillé à l’application du principe de Jordan, quelles leçons peuvent être tirées de cette approche en matière de prestation de services et de la coopération gouvernementale?

Mme Gideon : Pourriez-vous répéter la dernière partie de la question, en ce qui concerne l’application du principe de Jordan et l’aspect intergouvernemental?

Le président : En tant que haute fonctionnaire fédérale qui a travaillé à l’application du principe de Jordan, quelles leçons peuvent être tirées de cette approche en matière de prestation de services et de la coopération gouvernementale?

Mme Gideon : D’accord. J’essaie d’envisager la question dans l’optique des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et du travail effectué dans le cadre du Plan d’action national.

Je pourrais mentionner deux ou trois choses. L’approche fondée sur les distinctions est très importante pour le Plan d’action national et pour les personnes qui y ont participé et qui ont partagé tant de choses pour que cela se produise.

Dans ce contexte, il faut s’assurer de pouvoir encadrer la prestation des services, en tenant compte non seulement des distinctions, mais également de l’endroit où les gens vivent et de leurs besoins particuliers, parce qu’il y a tant de différences entre les régions, les sous-régions, les collectivités et les nations.

Nous dressons habituellement une liste de critères d’admissibilité et de procédures opérationnelles normalisées pour les programmes ou les services, et les autorités sont encadrées et peuvent ainsi offrir autant de certitude que possible, ce qui est essentiel, lorsqu’on demande en même temps du financement à hauteur des services offerts.

Le problème, quand on élabore une approche fondée sur la diversité et dirigée par les Autochtones, c’est qu’il n’est pas toujours possible de bien définir le cadre de prestation de services. Il devient alors encore plus difficile de prévoir les coûts.

Le système fédéral n’a pas été conçu précisément pour ce type de processus. C’est quelque chose que nous avons appris. Comment fait-on pour modifier la conception d’un service de sorte qu’il s’articule autour d’une personne, tout en s’assurant de pouvoir l’offrir en bonne et due forme? Il faut aussi pouvoir prévoir ce qui va se passer, jusqu’à un certain point. Je sais que je ne suis pas très claire, mais il est difficile d’offrir un service fondé sur les besoins d’une personne en particulier, mais aussi sur le souci d’une véritable égalité sans tenir compte des personnes qui pourraient bénéficier de ce service.

À l’heure actuelle, le principe de Jordan est fondé sur les personnes qui le réclament, qui présentent une demande. Cela ne veut pas dire que d’autres personnes, dans des circonstances semblables, n’auraient pas non plus les mêmes besoins. Comment peut-on faire l’équilibre entre ces deux approches? C’est une importante leçon pour le système fédéral, pour tous les paliers de tous les gouvernements.

Nous sommes en train de l’étudier, nous analysons l’information et nous l’examinons au regard de la réforme d’autres programmes et services.

Pour répondre à votre question sur le gouvernement, je dirais que... parce que cette mise en application s’applique seulement au gouvernement fédéral. Ce dont je parle est encore plus évident lorsqu’un bénéficiaire du principe de Jordan n’est pas mieux servi directement par le gouvernement fédéral ou des programmes fédéraux. Il est difficile de réagir dans un environnement comme une commission scolaire provinciale, dans une grande ville, dans une province donnée. Comment doit-on s’y prendre pour établir des réseaux et des relations pour répondre à ces besoins? Comment peut-on amener toutes les administrations à collaborer pour corriger les lacunes systémiques et offrir un accès aux services?

[Français]

Le sénateur Cormier : Je suis ici pour remplacer la sénatrice Greenwood. Je m’excuse auprès de vous si ma question vous paraît hors d’ordre.

Madame Gideon, vous avez parlé de la communauté 2ELGBTQI+ dans vos remarques liminaires. C’est une communauté qui expérimente beaucoup de discrimination. Comment votre ministère, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, travaille-t-il avec le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres sur le Plan d’action fédéral 2ELGBTQI+, dont l’un des domaines prioritaires est d’appuyer la résilience et la résurgence des Autochtones au sein des communautés 2ELGBTQI+?

Dans le contexte de l’étude que mène ce comité, comment travaillez-vous ensemble? Quelle est la complémentarité? Comment imaginez-vous la progression de cette relation?

Mme Gideon : C’est une excellente question. Je vais y répondre un peu, mais je vais aussi donner la parole à Mme Kapelus, qui a travaillé plus étroitement avec les représentants en ce qui a trait au développement du plan d’action national.

Sur le plan de la stratégie contre la violence que le ministère a annoncée, il y a quand même des alignements très directs entre la stratégie et des exemples d’activités que notre ministère est en train de mettre en œuvre.

Par exemple, on a investi 36,3 millions de dollars pour les cinq prochaines années pour appuyer des organisations qui servent les femmes autochtones et la communauté. Donc, nous travaillons étroitement avec le ministère pour nous assurer qu’il y a un alignement entre les deux stratégies. Il y a aussi une représentation dans le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a des stratégies identifiées spécifiquement dans le plan d’action national. Nous nous sommes alliés avec eux pour la mise en œuvre de leurs engagements à cet égard.

Mary, vous pourriez peut-être donner des exemples encore plus concrets.

Mme Kapelus : Par exemple, nous avons beaucoup de réunions en ce moment avec le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.

Ce matin, en fait, j’ai eu une réunion avec mes collègues pour discuter de la possibilité de coordonner nos efforts à la table ronde à la fin de janvier. Nous nous posons notamment les questions suivantes : est-ce qu’il y a des possibilités de coordonner différents besoins et demandes de nos partenaires externes, par exemple, pour les partenaires autochtones? Est-ce qu’il y a des occasions de coordonner des discussions, des petits groupes, et de déterminer les priorités ensemble?

[Traduction]

C’est ce que nous avons fait avec eux récemment. Ce sont des petits pas.

[Français]

Nous avons commencé à travailler ensemble à une différente approche, parce que les partenaires sont les mêmes pour nous et pour les autres ministères. Nous avons les mêmes partenaires.

Cela fonctionne mieux si on travaille ensemble.

Le sénateur Cormier : Dans le même sens, cette semaine prend fin la Semaine nationale de sensibilisation au sida chez les Autochtones, qui ne concerne pas seulement la communauté 2ELGBTQI+, mais aussi la communauté autochtone, comme beaucoup de Canadiens et de Canadiennes.

Est-ce que vous travaillez avec le ministère de la Santé sur ces enjeux? Est-ce une communauté qui souffre énormément de discrimination, tant chez les communautés autochtones qu’au sein de la population en général?

Comment travaillez-vous avec le ministère de la Santé? Est-ce qu’il y a des collaborations avec le ministère de la Santé sur les plans de la discrimination et de l’accès aux soins? On sait qu’il y a beaucoup d’avancées en ce moment pour ce qui est de l’accès aux soins. Voilà ma question.

Mme Gideon : Je peux y répondre, parce que j’ai passé 13 ans à la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, qui faisait partie de Santé Canada et qui a été incorporée quand on a créé Services aux Autochtones Canada.

Je peux vous dire qu’il y a une excellente relation entre Santé Canada et les fonctionnaires de Services aux Autochtones Canada qui s’occupent de la question de la santé autochtone. D’ailleurs, il y a de meilleures pratiques sur les plans de la prévention, de la détection et des soins qui ont pris naissance dans les communautés des Premières Nations, comme en Saskatchewan. Ces réseaux existent toujours.

Il y a aussi un comité interministériel qui est responsable d’améliorer le mieux-être des femmes autochtones. Il est séparé des comités qui portent spécifiquement sur le Plan d’action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. C’est un comité qui a un mandat plus large. Ce n’est pas un comité politique, dans le sens où ce sont des sous-ministres et des sous-ministres adjoints qui y participent avec des représentants des partenaires autochtones. On a fait beaucoup de travail au cours des dernières années sur plusieurs aspects, comme les sages-femmes, l’antiracisme dans le système de soins de santé et la stérilisation forcée. La sénatrice Boyer est très impliquée dans tout cela. On a sécurisé du financement à cet effet pour appuyer les victimes. On a travaillé avec ce comité.

Il y a quelques années, durant la pandémie, on a décidé ensemble de s’assurer d’inclure des représentants de la communauté 2ELGBTQI+ au sein du comité.

Le comité du mieux-être des femmes autochtones est donc nommé, mais il inclut les représentants. D’ailleurs, on leur a demandé s’ils étaient intéressés à établir un sous-comité spécifiquement pour garder... Les domaines de priorité, ce sont vraiment la santé, les services à l’enfance et à la famille et les services sociaux. Le comité s’est beaucoup concentré sur ces préoccupations.

[Traduction]

Le président : Le temps alloué au présent groupe de témoins est maintenant terminé. J’aimerais remercier encore une fois nos témoins de s’être joints à nous ce soir. Si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, veuillez les envoyer à Andrea Mugny, notre greffière, dans un délai de sept jours.

J’aimerais maintenant présenter nos prochains témoins : la cheffe nationale par intérim Joanna Bernard et Kyrie Ransom, directrice de la justice, de l’Assemblée des Premières Nations; et la présidente Cassidy Caron, du Ralliement national des Métis. Wela’lin. Merci à vous toutes de vous joindre à nous aujourd’hui. Les témoins présenteront une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une séance de questions et de réponses avec les sénateurs.

J’invite la cheffe nationale par intérim Bernard à présenter sa déclaration liminaire.

Joanna Bernard, cheffe nationale par intérim, Assemblée des Premières Nations : Kwey kwey. Salutations. Je m’appelle Joanna Bernard et je suis cheffe nationale par intérim de l’Assemblée des Premières Nations et cheffe régionale pour le Nouveau-Brunswick.

Je tiens à souligner que la réunion se déroule à Ottawa, sur le territoire non cédé et non abandonné du peuple algonquin Anishinaabe. Merci de m’avoir invitée à m’exprimer sur le rôle du gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de l’appel à la justice 1.7 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

L’APN a pour mandat d’inviter le gouvernement du Canada à accélérer la mise en œuvre du Plan d’action national et des 231 appels à la justice, y compris l’appel à la justice 1.7, pour les FFADA et les personnes 2ELGBTQQIA+.

L’APN soutient l’approche axée sur les familles dans tout travail qu’elle réalise sur le dossier des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et des personnes bispirituelles.

Nous croyons qu’il est important que la mise en œuvre des 231 appels à la justice reflète la voix des personnes qui, pendant de nombreuses années, se sont portées à la défense de la santé et de la sécurité des femmes et des filles issues des Premières Nations.

En tant que cheffe nationale par intérim, j’ai rencontré nombre de membres des Premières Nations et de familles qui ont été profondément touchés par l’injustice liée aux droits de la personne et le racisme. Elles demeurent au cœur de ce travail.

Récemment, j’ai rencontré Martha Martin, la mère de Chantel Moore. Chantel Moore s’est fait abattre par la police lors d’une vérification du bien-être. Après le décès de Chantel Moore, l’enquête du coroner a conclu à un homicide. Le policier impliqué dans la fusillade a repris le travail peu après l’incident.

J’aimerais également mentionner que le fils de Martha Martin, Michael Martin, a aussi été tué. Il s’agit donc de la même mère des deux enfants qui ont tous les deux été tués par la police. Il a été tué dans le cadre du système de justice de la Colombie-Britannique. Cette mère a dû passer à travers cette épreuve deux fois.

En septembre, j’ai rencontré la famille de Steven et Haven Dubois, de la Première Nation de Pasqua. Nous avons discuté de la négligence et du racisme dont Steven Dubois a fait l’objet dans le cadre de ses soins de fin de vie. Ils ont raconté leur lutte pour trouver des réponses concernant le décès suspect de Haven, pour lequel la police a conclu à un accident dans les 24 heures qui ont suivi. Aucune enquête n’a été menée dans les 24 heures. On a conclu à un accident.

La famille Dubois réclame une enquête nationale sur les hommes, les garçons, les personnes bispirituelles et les personnes aux diverses identités de genre disparus, assassinés et négligés. Ces expériences mettent en lumière le racisme et les préjugés auxquels les membres des Premières Nations font face tous les jours.

Je veux insister sur un point concernant l’appel à la justice 1.7. Commençons par regarder l’autorité et les ressources nécessaires pour le poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne et le tribunal. Il doit y avoir une législation semblable à celle du Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui énonce l’autorité et la capacité de travailler entre les administrations avec des ressources qui soutiennent les bureaux régionaux de toutes les provinces et de tous les territoires. Toute législation élaborée doit supposer la participation des Premières Nations, des survivants et des familles en premier lieu pour que l’on s’assure que tous obstacles potentiels à l’accès à un ombudsman ou à un tribunal sont pris en considération.

Même si l’appel à la justice 1.7 prend racine dans le rapport sur les FFADA2S+, la portée des appels permet à l’ombudsman et au tribunal d’être accessibles à tous les membres des Premières Nations victimes de violence ou d’injustice, peu importe leur sexe ou leur genre.

L’ombudsman et le tribunal doivent également être un mécanisme qui permet d’examiner les cas actuels et historiques de membres des Premières Nations disparus et assassinés. Pour assurer une véritable réconciliation, il doit y avoir une reconnaissance du passé et de ses conséquences aujourd’hui. Le Canada doit travailler en partenariat avec les Premières Nations, comme le recommande l’appel à la justice 1.7.

Les familles continuent de subir des préjugés et du racisme lorsqu’elles recherchent leurs êtres chers. Ces expériences ont également été documentées lors de l’enquête nationale. À mesure que nous progresserons, il est essentiel que nous gardions ces familles et toutes les personnes touchées par le racisme à l’avant-plan de nos actions et que nous nous penchions sur l’accès à ces mécanismes. Lorsque les systèmes coloniaux en place nous laissent tomber, comme ils l’ont fait à maintes reprises, nous, en tant que Premières Nations, avons besoin d’un lieu sûr pour faire entendre notre voix et faire respecter nos droits de la personne.

Wela’lioq, wela’lin. Je vous remercie.

Le président : Wela’lin, cheffe nationale par intérim Bernard. J’inviterai maintenant la présidente Caron à présenter sa déclaration liminaire.

Cassidy Caron, présidente, Rassemblement national des Métis : [Mots prononcés dans une langue autochtone] Bonsoir. Tout d’abord, merci de m’inviter à comparaître devant votre comité ce soir. Je suis reconnaissante d’être ici avec ma collègue, la cheffe nationale par intérim, durant ce qui est une période très occupée pour elle cette semaine.

Je tiens également à souligner que je suis heureuse de maintenant vivre et travailler sur le territoire algonquin Anishinaabe non cédé. Je leur suis très reconnaissante de leur gestion de ce territoire traditionnel sur lequel nous sommes assis et travaillons ce soir.

Je me joins à vous ce soir en tant que présidente du Rassemblement national des Métis, ou RNM, qui est le représentant national et international reconnu de la Nation métisse au Canada depuis 1983.

Je souhaite également reconnaître que nous soulignons aujourd’hui la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Le fait d’avoir cette conversation en ce jour est très important pour nous.

Bien sûr, nous sommes ici pour parler, de mon point de vue, de la position du Rassemblement national des Métis sur la création d’un tribunal autochtone des droits de la personne, ce qui est conforme à l’appel à la justice 1.7 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. On ne saurait trop insister sur l’importance de la crise des femmes, filles et personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. Cela touche les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes LGBTQQIA+ métisses, leur famille et leur communauté. De plus, cette crise suppose un cycle de la violence, des traumatismes intergénérationnels, de la discrimination et des violations continues et répétées des droits fondamentaux de la personne des Métis.

Un principe fondamental du droit occidental veut qu’il n’y a pas de droit sans recours. L’appel à la justice 1.7 demande un ombudsman national indépendant autochtone des droits de la personne et un tribunal national indépendant autochtone des droits de la personne. Chacun constitue une mesure importante pour remédier aux violations de nos droits.

De plus, le Canada doit respecter ses obligations prévues dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. L’article 40 de la Déclaration des Nations unies précise que les peuples autochtones ont le droit d’avoir accès à des décisions rapides au moyen de procédures justes et équitables pour le règlement des conflits avec les États ainsi qu’à des voies de recours efficaces.

Pour mettre en œuvre ses obligations en vertu de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le Canada a déposé le Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou le Plan d’action de la Loi sur la DNUDPA, au Parlement en juin 2023. Dans le cadre de la 19e mesure du Plan d’action de la Loi sur la DNUDPA, le Canada s’est engagé à créer un mécanisme indépendant des droits des Autochtones qui prévoit des recours efficaces en cas de violation de nos droits. Le Ralliement national des Métis est d’avis que ce mécanisme doit être dirigé par des Autochtones, fondé sur les distinctions et guidé par les coutumes et les ententes juridiques autochtones.

Ce mécanisme doit aussi être indépendant, doté de ressources suffisantes et comprendre des recours à des réparations claires et applicables pour les violations des droits de la personne des Autochtones. Le RNM est d’avis que, en plus de toute autre mesure touchant les droits de la personne, le Canada doit respecter son engagement particulier à l’égard d’un mécanisme indépendant des droits de la personne, en fournissant à la fois des recours et des réparations efficaces pour les violations de nos droits.

Le RNM est impatient de travailler avec les gouvernements autochtones, les institutions représentatives et le ministère de la Justice du Canada pour faire avancer les droits de la personne des Métis et mettre sur pied un mécanisme de recours et de réparations, et il invite le ministère de la Justice du Canada à le faire rapidement.

Pour assurer la sécurité et la survie de l’ensemble de la population métisse, en particulier de nos femmes, de nos filles, des personnes bispirituelles et des personnes LGBTQQIA+, il faut reconnaître, défendre et corriger les violations de nos droits fondamentaux de la personne.

En cette Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, nous invitons le Canada à respecter ses engagements.

Merci encore une fois de m’avoir reçue ici. Je suis impatiente de participer à la discussion de ce soir.

Le président : Wela’lin. Merci, madame Caron. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Pour nous aider à respecter le temps et garantir l’équité pour tous, chaque sénateur aura cinq minutes pour un échange de questions et de réponses. Nous ferons deux tours de questions si le temps le permet. Je vais commencer par poser la première question à qui veut bien répondre.

De votre point de vue, quels devraient être le mandat, les responsabilités et le cadre institutionnel d’un ombudsman et tribunal autochtone potentiels?

Mme Caron : Des travaux ont cours actuellement. Bien sûr, vous en avez beaucoup entendu parler au cours des dernières audiences ici. Mais Jennifer Moore Rattray a été nommée représentante spéciale du ministre. Elle mène à l’heure actuelle beaucoup de consultations pour fournir des recommandations au ministre sur le rôle futur de l’ombudsman. Le Rassemblement national des Métis collabore avec Mme Rattray dans ce contexte. Elle nous a fourni une liste complète de questions sur laquelle nous travaillons avec nos membres dirigeants pour vraiment comprendre et officialiser la position de ce que pourrait être un ombudsman.

Dans notre conversation la plus récente, toutefois, nous voulions vraiment montrer clairement que le rôle de l’ombudsman existe, mais dans l’appel à la justice 1.7, il y a également le tribunal autochtone des droits de la personne. Je pense qu’il est important de les considérer séparément. Lors de notre dernière conversation avec la représentante spéciale du ministre, elle nous a clairement fait comprendre comment elle voit son rôle, c’est-à-dire pouvoir fournir les recommandations sur le rôle de l’ombudsman séparément du domaine du tribunal autochtone des droits de la personne.

C’est ainsi que nous travaillons sur la question au Ralliement national des Métis. Bien sûr, nous avons travaillé avec nos homologues, l’Assemblée des Premières Nations, ou APN, et l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, à l’élaboration de mesures dans le cadre du plan d’action conjoint pour la mise en œuvre de la Loi sur la DNUDPA. L’une d’entre elles était l’élaboration de ce mécanisme de droits et de recours.

C’est l’une des priorités que nous espérons voir mises en œuvre immédiatement.

Si vous ne l’avez pas déjà reçu, le Rassemblement national des Métis a publié conjointement un article, avec l’Inuit Tapiriit Kanatami, sur l’établissement d’une commission et d’un tribunal des droits de la personne, où l’on énonce le processus et les mécanismes que nous espérons voir. Beaucoup de travail a déjà été fait en ce sens. Nous pouvons également vous le faire parvenir. Tout à fait. Cela se trouve également sur notre site Web.

Mais il est important d’examiner l’appel à la justice 1.7, car il s’agit d’une recommandation énorme avec ces deux éléments. Nous choisissons de séparer l’ombudsman et le tribunal des droits de la personne à l’heure actuelle.

Le président : Je vous remercie.

Mme Bernard : J’ai huit recommandations. Bien sûr, la participation des Premières Nations est essentielle. Le tribunal doit être créé avec la participation complète des Premières Nations. Il doit également être établi au moyen de l’approche fondée sur les distinctions. Les nominations doivent être faites par les Premières Nations en fonction des propres processus de la Première Nation.

L’élaboration conjointe est l’endroit idéal où commencer, mais le système doit se concentrer sur les titulaires de droits et les institutions qui représentent les titulaires de droits pour assurer la participation des Premières Nations.

Il doit y avoir une conformité avec la norme minimale établie par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Tous les paliers de gouvernement du Canada doivent s’engager à travailler avec le tribunal.

Il faut conférer le pouvoir de rendre des ordonnances afin de remédier aux cas actuels et historiques. On doit également permettre d’évaluer les lois et les politiques pour déterminer comment elles toucheront les Premières Nations.

On doit fournir des ressources adéquates d’une manière qui permet de garantir l’indépendance complète des deux institutions. Enfin, on doit également mettre en œuvre des mécanismes pour assurer la réussite.

Le président : Madame Ransom, avez-vous quelque chose à ajouter?

Kyrie Ransom, directrice de la justice, Assemblée des Premières Nations : Ce que j’ajouterais se fait l’écho de ce que nous avons entendu la présidente Caron dire. Lorsque nous examinons ces deux mécanismes, l’ombudsman et le tribunal, nous voyons qu’il s’agirait d’instruments distincts au chapitre de leur élaboration, donc sur ce point, nous nous faisons assurément l’écho de ce que nous avons entendu dire par notre homologue ici.

Le président : Merci à tous.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Je vais poser mes questions à la cheffe nationale par intérim Bernard et à la présidente Caron. Selon les témoignages de ce soir et les derniers témoignages que nous avons entendus, ma première question n’est peut-être pas nécessaire, mais je vais tout de même la poser, et je vais comprendre si vous répondez par un seul mot.

Comment évalueriez-vous la performance du gouvernement au moment de réagir à la crise des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées?

La deuxième partie de ma question est la suivante : alors que les violations des droits de la personne des Autochtones sont flagrantes d’un bout à l’autre du Canada, comment un ombudsman ou un tribunal autochtone des droits de la personne peut-il refléter les valeurs autochtones et la diversité des cultures, des lois et des traditions autochtones dans l’ensemble du pays, même s’il semble que, peu importe l’endroit d’où viennent les témoins, nous entendons les mêmes genres d’histoires? Ma question s’adresse à vous deux.

Mme Bernard : Je m’excuse, la première question portait sur...

La sénatrice Sorensen : Comment évalueriez-vous la performance du gouvernement au moment de réagir...

Mme Bernard : Les services à l’enfance et à la famille ont connu du succès, comme la législation qui a été adoptée et le règlement pour les enfants visés par les services à l’enfance et à la famille.

Ce n’est pas parce qu’il y a une réussite que c’est un succès. Pour ce qui est du gouvernement du Canada, je pense qu’il estime que c’est convenable, qu’il a fait cette bonne chose. Cela englobe tout, et c’est là que le bât blesse. Il doit y avoir une cohérence pour veiller à ce que tout, qu’il s’agisse des lois ou des politiques... que les Premières Nations font absolument partie du processus. La cogestion est très importante à ce chapitre.

Comme je l’ai dit devant de nombreux sénateurs, vous devez commencer par nous, et non pas préparer des lois, nous les apporter et les modifier. Vous gaspillez ainsi du temps et de l’argent. Faites venir les Autochtones et assurez-vous que cela soit dirigé par eux, que ce soit cette organisation-ci ou les Métis. Commencez dès le début par nous. C’est là où le problème se trouve.

Ils l’ont refait sans cesse, se disant qu’ils iront simplement derrière des portes closes, imagineront quelque chose puis nous le remettront. C’est là que le bât blesse. Nous devons faire partie du processus dès le début. Un sénateur m’a déjà demandé à quoi ressemble la co-élaboration. Cela commence dès la conception, et c’est l’idée que nous devons être à la table à partir du tout début. Le gouvernement économisera aussi beaucoup de temps et d’argent. Je vous remercie.

Mme Caron : Comment est-ce que je classerais la réaction du gouvernement du Canada à la crise des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées? Je n’ai pas de réponse à cela, sauf pour dire que l’on doit faire tellement plus de travail. Ce n’est pas un problème qui concerne juste le gouvernement du Canada. C’est un problème canadien. La solution pour y réagir exigera une approche qui touche toute la société.

Je l’ai déjà dit dans le passé et je vais le redire encore et encore. Le défi, c’est qu’il s’agit d’un problème énorme, qui nous paralyse. Nous ne savons pas par où commencer, même lorsque nous avons les recommandations, les appels à la justice, mais il y en a tellement que nous ne savons pas par où commencer pour mettre en œuvre ces appels à la justice, sans mentionner qu’ils devront tous être mis en œuvre, pas en vase clos.

Les problèmes de compétence auxquels nous sommes toujours confrontés... est-ce un problème provincial? Est-ce un problème fédéral? Est-ce un problème municipal? Est-ce un problème autochtone? Nous devons briser toutes les cloisons et travailler ensemble pour régler ce problème. C’est un problème très systématique auquel nous sommes confrontés. Il faudra beaucoup de conversations pour continuer de mettre les choses en place.

Je pourrais continuer d’en parler plus longuement, mais pour en venir à votre deuxième question concernant la façon dont le tribunal reflète vraiment la diversité des Premières Nations, des Métis et des Inuits... Encore une fois, pour les Métis en particulier, comme la cheffe nationale par intérim l’a dit, vous devez commencer tout d’abord par travailler avec nous, et vous devez travailler avec le Rassemblement national des Métis, vous devez travailler avec nos gouvernements métis et les institutions par qui nos populations métisses choisissent d’être représentées, ces institutions représentatives, pour faire en sorte que nos lois, nos coutumes et nos traditions se reflètent vraiment dans la mise sur pied de ce tribunal.

Dès le début, il doit y avoir une co-élaboration. On doit adopter une approche fondée sur les distinctions. Une approche pan-autochtone ne fonctionnera pas. Nous avons des expériences, des traditions et des lois si uniques qu’une approche pan-autochtone ne fonctionnera pas.

Toutefois, il y a des domaines où la collaboration pourrait fonctionner. Mais une approche fondée sur les distinctions, en travaillant avec les représentants qui détiennent les droits dès le début et en nous assurant que nos titulaires de droits sont entendus dans le cadre de ces processus est la voie à suivre.

La sénatrice Sorensen : Je veux juste dire quelque chose en fonction des témoignages également; je pense que peu importe ce qu’un gouvernement passé, présent ou futur a fait ou pourrait faire, c’est ce qui se passe sur le terrain qui importe. Ce n’est même pas le gouvernement. Le gouvernement n’a vraiment rien à voir avec la manière dont une personne réagit, fut-ce un policier, une employée d’un hôpital, une personne dans une prison, voire même un voisin. C’est le racisme à la base qui est en cause.

Mme Bernard : J’ai un commentaire de plus si vous me le permettez. Il y a 231 appels à la justice. On a travaillé sur deux d’entre eux. Nous serons ici pour 100 ans. Nous devons nous concentrer et réaliser une partie de ce travail, parce que je ne serai pas ici dans 100 ans. Personne d’entre vous ne le sera. Mais nous devons vraiment nous atteler à la tâche et passer à l’action. Je vous remercie.

Mme Ransom : Si je peux ajouter quelque chose aux commentaires de notre cheffe nationale par intérim, en février dernier, nous avons organisé un rassemblement national des FFADA à Vancouver. Nous avions 450 survivants et familles et des organisateurs de base qui sont à l’avant-garde de ce travail. Nous avons entendu une frustration retentissante face à l’absence de mouvement. C’est vraiment la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui. Nous voulons voir de l’action. Nous voulons voir la mise en œuvre complète et véritable des appels à la justice, surtout en ce qui concerne l’appel à la justice 1.7.

Le président : Merci, madame Ransom.

La sénatrice Martin : En fait, la sénatrice Sorensen a posé la question qui m’intéressait le plus, à savoir comment un ombudsman ou un tribunal pouvait refléter la diversité, mais j’ai une question connexe.

Y a-t-il certains ensembles de compétences, des études, des critères ou des listes de vérification pour sélectionner un tel ombudsman? Parce que cette personne doit s’y retrouver et être efficace dans le rôle. Pouvez-vous nous en dire plus par rapport à certains de ces ensembles de compétences et des critères que vous recommanderiez?

Mme Bernard : J’ai en fait la réponse ici; je m’attendais à ce que la question soit posée. Tout d’abord, ils doivent connaître et respecter le caractère unique des nations et comprendre les lois des Premières Nations. L’ombudsman doit aussi s’attacher à faire entendre la voix des Premières Nations. De plus, il doit comprendre les rôles de l’éloignement, des considérations régionales et d’autres facteurs qui influent sur l’accès des Premières Nations aux systèmes des droits de la personne. L’ombudsman doit être d’ascendance autochtone et posséder une expérience dans la création de lieux sûrs pour que les Premières Nations puissent demander justice. Je vous remercie.

La sénatrice Martin : Génial, merci. Vous nous avez fourni huit recommandations, et vous avez cette liste de vérification, donc c’est très utile.

Pour ce qui est de l’accès à la justice dans le système actuel, le recensement des obstacles permettrait alors à ce nouveau tribunal d’espérer réduire ou éliminer de tels obstacles. Pourriez-vous parler un peu plus de ces obstacles? Avez-vous une autre liste? Je sais que l’accès aux services juridiques est l’un des plus grands obstacles. J’aimerais obtenir une autre liste.

Mme Ransom : Je n’ai pas préparé de liste, mais oui, nous avons entendu parler des obstacles de la part des différents survivants et des familles que nous avons consultés au cours des dernières années, même si l’on revient à l’enquête. Il y a évidemment le volet des services juridiques, l’absence de soutien global pour aider à s’y retrouver dans les systèmes lorsque quelque chose se produit.

Nous pensons également à certaines des considérations plus pratiques. Il y a un manque de compréhension au sujet des protocoles culturels et de la réactivité pour les Premières Nations qui cherchent à accéder à un ombudsman et même des barrières linguistiques. Nous devons reconnaître que, dans certaines de nos régions les plus éloignées, dans nos régions nordiques, la langue prédominante est la langue de leur Première Nation. Lorsqu’ils essaient d’accéder à un service externe offert principalement en anglais, beaucoup de choses se perdent dans la traduction.

Fondamentalement, tout service créé doit reposer sur des approches axées sur les traumatismes. Quiconque se présente à cet ombudsman devrait trouver un lieu sûr et le soutien dont il a besoin pour traverser une crise. Ils vivent les pires moments de leur vie lorsqu’ils recherchent leurs êtres chers.

La sénatrice Martin : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci à nos témoins d’être ici avec nous en cette soirée occupée pour vous tous.

Mes questions ont été posées, mais j’ai écouté attentivement, j’ai entendu des frustrations répétées devant les réactions lentes et inadéquates. L’une de mes inquiétudes, c’est que lorsque le nouveau tribunal sera sur pied — très bientôt, je l’espère — il pourrait être lent lui aussi. L’une des raisons pour lesquelles on a recommandé cela dans les appels à la justice, c’est que les mécanismes existants des droits de la personne au Canada sont lents dans leur mise en œuvre ou inadéquats en ce qui concerne la protection des droits des Autochtones.

Voulez-vous nous dire comment nous pouvons intégrer dans ce nouveau tribunal national des Autochtones des droits de la personne l’exigence et les mécanismes nécessaires pour garantir l’efficacité, ainsi que tout le reste des choses dont vous avez parlé? L’efficacité est probablement encore plus importante que beaucoup d’autres choses. Si la justice est retardée, c’est la pire des choses. S’il y a quelqu’un parmi vous qui a quelque chose à dire à ce sujet, j’aimerais entendre vos idées.

Mme Caron : Bien sûr. Il faut créer un système complètement nouveau. C’est ce qui doit se faire, absolument. C’est aussi pourquoi nous préconisons un tribunal des droits de la personne distinct de l’ombudsman.

Combien d’ombudsmans le Canada a-t-il eus? Encore aujourd’hui, ils déposent des recommandations devant le Parlement, mais il n’y a ensuite aucun mécanisme véritable qui tienne le gouvernement du Canada responsable de mettre en œuvre ces recommandations.

C’est pourquoi nous avons autant de rapports et de recommandations qui ne font qu’amasser la poussière. C’est pourquoi nous défendons vraiment l’idée de ce mécanisme distinct de tribunal autochtone des droits de la personne.

Encore une fois, un autre rapport a été déposé devant le Canada, qui contient la recommandation du Plan d’action de la Loi sur la DNUDPA. Nous savons que le système fédéral des droits de la personne est très limité sur le plan de la capacité. Ces limites seront davantage exacerbées par l’ajout du tribunal des droits de la personne dans ce système, et nous préconisons donc un mécanisme distinct. Il doit être indépendant et il doit s’agir d’un nouveau système qui tiendrait le gouvernement du Canada responsable des violations des droits de la personne contre les Autochtones.

La réponse n’est pas d’essayer de réparer un système brisé pour les Autochtones depuis au moins 150 ans. Plutôt, nous devons commencer à partir de zéro et utiliser nos traditions et nos coutumes pour créer quelque chose de nouveau dont nous savons qu’il fonctionnera.

Mme Bernard : Nous avons besoin de trois tribunaux. Nous devons régler tous les arriérés. Si nous commençons par quelque chose de bon et que nous en avons trois, nous rattraperons le temps perdu jusqu’à ce qu’il ne soit plus nécessaire d’en avoir trois. C’est une idée. Cela pourrait fonctionner. Nous avons beaucoup d’arriérés et de cas historiques. Je ne connais pas d’autres façons de faire qui soient correctes et adéquates. Comme vous l’avez mentionné, c’est très important. Peut-être que nous pouvons en mettre un sur les rails, et s’il fonctionne bien, nous pouvons en créer un autre. Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Il est également essentiel d’y mettre les ressources nécessaires.

Mme Ransom : J’aimerais ajouter quelque chose aux commentaires de la cheffe nationale par intérim. Encore une fois, lorsque nous examinons cette question, comme la présidente Caron l’a mentionné, nous parlons d’un tribunal et d’un ombudsman distinct. Vous avez posé une question au sujet du moment opportun de le faire. Certaines de nos familles défendent leurs êtres chers depuis des dizaines d’années.

Dans sa déclaration liminaire, notre cheffe nationale a fait référence au Bureau de l’enquêteur correctionnel. Il n’y a pas très longtemps, il a déposé un rapport qui contient des statistiques ahurissantes qui montrent que, malgré les investissements dans le système correctionnel, la situation s’est aggravée, surtout pour les femmes, qui représentent 50 % de la population.

Nous avons eu la chance de rencontrer le Dr Zinger avant cette publication pour préparer une conférence de presse conjointe. Dans le cadre de leur travail, nous avons remarqué qu’ils ont accès à de l’information. Selon moi, il est utile d’avoir un bureau qui peut éliminer le fardeau administratif et permettre à l’autorité législative d’accéder à des dossiers dans le système lorsque les familles ne peuvent pas le faire, lorsqu’elles se heurtent à un certain nombre d’obstacles.

Au-delà de la portée de ce bureau, la présidente Caron a mentionné le besoin d’un mécanisme qui peut demander des comptes au gouvernement lorsqu’il présente un rapport et des recommandations.

Tout type de bureau de l’ombudsman doit avoir le mordant législatif nécessaire pour appuyer ce qu’il recommande.

Un tribunal pour Autochtones présente un certain nombre d’avantages, notamment une expertise et une compréhension concernant la manière dont les droits de la personne au Canada coïncideraient avec la DNUDPA et la mise en œuvre de la déclaration dans le contexte actuel, alors que la DNUDPA a fait l’objet d’une loi au pays. En outre, le tribunal aurait une compréhension culturelle des personnes qui y auront accès et il pourrait veiller à ce que les membres des Premières Nations qui recourront à ces mécanismes n’aient pas à s’expliquer, à expliquer leur histoire, leurs traumatismes intergénérationnels et la discrimination systémique à leur endroit. Faire affaire avec des gens qui connaissent les membres des Premières Nations et qui peuvent les soutenir pourra réellement influencer le cours des choses dans le monde. Un tribunal qui pourrait se concentrer uniquement sur ces affaires et non pas sur tout le reste ferait une différence.

Le sénateur Prosper : Merci de votre témoignage.

Je suis curieux à propos de deux ou trois choses. J’ai pris note de vos arguments concernant la séparation entre un tribunal et un bureau d’ombudsman. Cela suppose-t-il essentiellement des obligations distinctes, des fonctions distinctes, une absence de liens? Je m’interroge sur le lien, le cas échéant, entre les deux.

De plus, vous avez tous insisté sur la nécessité d’envisager une approche fondée sur la distinction et de bénéficier de la diversité et du caractère unique de l’ensemble de notre grande nation dans tous les groupes autochtones. Selon vous, comment cela se traduit-il dans notre pays pour favoriser et recueillir ces points de vue afin de les intégrer à cette structure de tribunal?

Mme Bernard : Le tribunal et le poste d’ombudsman devraient avoir des liens. Ils sont reliés. C’est nécessaire, car il faudra peut-être recourir à l’un plutôt qu’à l’autre. Je suppose que si je m’adressais à l’ombudsman, je ne serais peut-être pas au bon endroit.

Je dirais qu’ils travaillent ensemble et doivent être ouverts pour avoir accès aux renseignements entre eux. Personnellement, j’estime qu’ils devraient avoir des liens.

Mme Caron : C’est un aspect sur lequel nous travaillons en ce moment. De nombreux éléments et recommandations sont en jeu. Nous en avons discuté avec la représentante spéciale du ministre. Cette conversation a dû avoir lieu au cours des dernières semaines. J’espère que vous avez pu consulter son rapport provisoire.

Elle a publié un rapport provisoire sur ce qu’elle a entendu jusqu’à présent à ce sujet tout au long de sa participation. Nous n’avons eu qu’une première conversation pour clarifier son mandat. Mon équipe au Ralliement national des Métis travaille activement à la création et à la mise en œuvre d’un tribunal autochtone des droits de la personne.

Nous avons progressé dans ce sens grâce au Plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il s’agit de la mesure 19 du Plan d’action, c’est-à-dire :

Créer un mécanisme indépendant relatif au suivi, à la surveillance, aux recours ou aux mesures de réparation des droits des autochtones ou des mécanismes dont la fonction serait de permettre aux peuples autochtones d’avoir accès à des procédures justes et équitables pour le règlement des différends et des conflits et de prendre rapidement des décisions à ce sujet, ainsi que de disposer de recours efficaces en cas d’atteinte ou de violation de leurs droits individuels et collectifs.

Le plan d’action a été déposé au Parlement en juin. Il nous fournit le mécanisme qui nous permet d’aller de l’avant et de commencer à travailler sur ce dossier. Il s’agissait d’une mesure conjointe du plan d’action. Le tout a été réalisé en collaboration avec l’ITK et l’APN, et nous sommes prêts à nous lancer dans ce projet.

Je crois qu’il existerait des liens avec un poste d’ombudsman, mais à ce stade-ci, encore une fois, nous considérons qu’il s’agit de deux entités distinctes. À l’avenir, cet élément est nécessaire pour la mise en œuvre des appels à la justice et pour veiller à ce que toutes les lois du Canada — qui doivent être harmonisées avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — le soient sous la supervision des peuples autochtones. Le Canada ne peut pas se tenir lui-même responsable de bien le faire sans la participation des peuples autochtones.

Nous espérons que le mécanisme sera mis en œuvre immédiatement, pendant que le processus avance. Ensuite, dans ce cadre, bien sûr, il faut trouver des moyens d’intégrer l’ensemble des autres recommandations, mécanismes et processus qui fonctionnent en vase clos. Là encore, cette approche cloisonnée à l’égard de tous les problèmes que nous tentons de résoudre au pays ne fait que nous causer encore plus de problèmes. Il faut créer le mécanisme qui sera essentiel pour nous à l’avenir, en tant que peuples autochtones, puis trouver des moyens de rassembler tous ces éléments qui nous permettront de continuer à mettre en œuvre l’appel à l’action 1.7.

Le sénateur Prosper : Merci.

La sénatrice Hartling : Je remercie les témoins de leurs exposés très intéressants ce soir. Il y a beaucoup de matière à réflexion. Je suis sensible aux diverses idées et recommandations et à la proposition de séparer le poste d’ombudsman et le tribunal. C’est la première fois que j’entends cela. Je vous en remercie. Vous avez également parlé des traumatismes, des pertes et des souffrances, ainsi que de l’arriéré.

Aux fins du compte rendu, quelles sont les répercussions du système actuel sur vos gens? Quelles sont ces répercussions pour les gens? Je sais qu’il y a beaucoup de souffrance, mais pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, s’il vous plaît?

Mme Bernard : Malheureusement, je n’étais pas présente au rassemblement à Vancouver, où plus de 400 familles ont participé et ont raconté leurs histoires. Comme pour tout, quand quelque chose arrive dans la vie, s’il n’y a pas de remède ou de solution, d’aboutissement ou de fin, cela affecte les gens toute leur vie. Ils ne peuvent pas continuer à vivre, à avancer, à penser à l’éducation et à mener une vie normale, parce que les répercussions sont toujours là, et ce, peu importe le type de traumatisme, comme nous nous y attendons tous.

Je suis profondément troublée lorsque j’entends ces histoires, car elles ont entraîné une grande consommation de drogue et d’alcool. Elles ont eu de nombreux effets. Quelles sont les conséquences? Cela a une incidence sur la prochaine génération.

Il faut s’en occuper le plus rapidement possible. Il faut vraiment régler ces cas historiques. Le traumatisme est intergénérationnel. La situation persistera jusqu’à ce que le problème soit résolu. Il existe assurément un problème.

Mme Ransom : Je reviens à l’un des exemples cités dans la déclaration liminaire de notre cheffe nationale par intérim lorsqu’elle a évoqué le cas de Chantel Moore. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Martha Martin, la mère de Chantel Moore. Nous l’avons amenée à notre rassemblement. Quel est le résultat? Elle élève sa petite-fille. Sa petite-fille grandit dans un monde où elle voit sa grand-mère devoir soutenir et réclamer des changements et porter ce fardeau pour tenter de changer des choses afin que personne d’autre ne vive la même expérience qu’elle.

À ce moment-là, nous parlons de l’impact intergénérationnel. Ce sont les enfants qui n’ont plus de mère ni de père — et c’est la façon dont ils sont élevés — qui grandissent dans un monde sans stabilité ni amour à la maison.

Mme Bernard : Je voudrais aussi mentionner qu’à notre époque il y a Facebook. Si vous êtes sur Facebook et que vous êtes ami avec Martha Martin, c’est triste. Vous la voyez publier tous ces messages. Je ne peux tout simplement pas imaginer ce qu’elle traverse. Je ne peux vraiment pas l’imaginer. Je vois ses messages. Elle est triste tous les jours. Chaque jour.

On peut le voir de façon plus précise maintenant que Facebook existe. Quand on regarde les difficultés au quotidien, on le constate. On voit directement ce qui se passe.

Mme Caron : J’aimerais ajouter qu’il importe de souligner que les systèmes continuent de laisser tomber les Autochtones. Le système d’éducation a laissé tomber et continue de laisser tomber les Autochtones. Le système de santé a laissé tomber et continue de laisser tomber les Autochtones. Il en va de même du système judiciaire.

L’enquêteur correctionnel vient de déposer son rapport. Il a également rédigé un rapport sur les statistiques qu’il a recueillies il y a 10 ans, spécifiquement sur les Autochtones dans le système de justice, et les a comparées à celles de 10 ans plus tard, à ce jour, et la situation s’est considérablement aggravée. Les recommandations qu’il dépose année après année auprès du ministre de la Sécurité publique ne sont toujours pas mises en œuvre, et le système continue de se détériorer. Nos gens ne font pas confiance à ces systèmes car des données démontrent que ces systèmes ne fonctionnent pas pour eux. Voilà exactement pourquoi nous devons créer de nouveaux systèmes.

Je souhaite également vous donner un exemple, et nous pourrons en dire davantage à ce sujet. L’un de nos gouvernements métis, la Nation métisse de la Saskatchewan, entreprend actuellement la création d’un tribunal ou d’un système judiciaire métis pour ses citoyens. Les responsables mènent actuellement des consultations partout dans la province. Ils travaillent avec des experts et des aînés, ainsi qu’à la création d’un mécanisme. Cela démontre simplement qu’il existe une expertise dans la création et le fonctionnement de mécanismes autochtones, qui peut reposer sur des lois et des ententes juridiques métisses. L’indicateur de réussite du tribunal métis sera le moment où les Métis y auront recours car cela suppose la confiance à l’égard du système. Cela suppose la confiance à l’égard d’une procédure et d’un recours justes et équitables conçus par et pour nos gens. Il faudra du temps, mais j’espère que vous verrez le processus qui aura lieu.

Il existe des systèmes qui n’ont pas été conçus pour les peuples autochtones et qui continuent de perpétuer le racisme systémique. Tant qu’on ne démantèlera pas ces systèmes et qu’on n’en construira pas de nouveaux qui seront inspirés par nos gens, on ne fera que perpétuer l’injustice contre les peuples autochtones.

Le président : Merci.

Le sénateur Arnot : Manifestement, l’APN et le RNM savent ce qu’ils veulent. C’est très clair. Nous attendons que la représentante spéciale du ministre présente un rapport, et vous serez prêts à aller de l’avant. Quel devrait être le délai pour parvenir à une conclusion à ce sujet? Votre délai et vos attentes sont-ils les mêmes que ceux du ministère des Relations Couronne-Autochtones? Les responsables vous donnent-ils des signaux indiquant que vos attentes sont les mêmes que les leurs?

Mme Bernard : Je dirais hier.

Mme Caron : Je vous confirmerai — je l’ai écrit quelque part — le dépôt du rapport final de la représentante spéciale.

Je serai tout à fait honnête avec vous : le remaniement ministériel de cet été a vraiment ralenti les progrès dans un certain nombre de domaines prioritaires du Ralliement national des Métis. Nous sommes maintenant en mesure d’informer les nouveaux ministres de tous les dossiers cruciaux sur lesquels nous avons travaillé, notamment les ministres de la Justice et de Relations Couronne-Autochtones, ainsi que des priorités du Ralliement national des Métis. Nous avons collaboré très étroitement avec l’ancien ministre de la Justice concernant la mise en œuvre de la Loi sur la DNUDPA. Nous étions prêts à passer à l’action. Le projet de loi a été déposé en juin 2023, puis, à peine un mois plus tard, il y a eu un remaniement ministériel. Nous sommes revenus en septembre... Nous informons le nouveau ministre et veillons à ce qu’il sache que la mise en place de ce mécanisme de responsabilisation est essentiellement notre principale priorité. Comment pouvons-nous continuer à progresser dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sans un mécanisme de responsabilisation? Encore une fois, nous ne pouvons pas permettre au gouvernement du Canada de se tenir lui-même responsable sans la participation des Autochtones.

Il y a eu un certain retard. Nous espérons qu’en exprimant notre inquiétude face au retard et au ralentissement des progrès, nous pourrons continuer à avancer dans ces dossiers absolument essentiels pour nos gens.

Le président : Merci de vos commentaires. Malheureusement, nous devons nous interrompre en raison de l’interprétation.

Merci beaucoup aux témoins de leur témoignage, merci à tous. Le temps imparti pour ce groupe de témoins est désormais écoulé. Je tiens à remercier tout le monde et tous les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui.

Avant de partir, je tiens à saluer et à remercier tout particulièrement le sénateur Patterson, qui met bientôt un terme à sa carrière au Sénat. Il a été un grand allié et il a accompli beaucoup de travail pour nos gens. Le sénateur Patterson a été président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de 2013 à 2015, puis vice-président de 2015 à 2017 et de 2020 à 2021. Je tiens à l’en remercier.

Le sénateur D. Patterson : Merci beaucoup. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Le président : Merci à tous.

(La séance est levée.)

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