LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 30 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Avant de commencer, j’aimerais que tous les sénateurs et les participants en personne consultent les cartes sur la table qui donnent les directives pour prévenir les incidents de retour de son.
Veuillez vous assurer de garder votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous ne l’utilisez pas, placez-la face en bas sur l’autocollant qui se trouve sur la table à cet effet. Merci de votre collaboration.
J’aimerais commencer par reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe, où vivent maintenant de nombreuses autres Premières Nations, des Métis et des Inuits de partout sur l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur Brian Francis d’Epekwitk, qu’on appelle aussi l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis président du Comité des peuples autochtones.
Je demanderais maintenant aux membres du comité de se présenter, en indiquant leur province ou territoire et en commençant à ma gauche.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick, dans le Mi’kma’ki.
Le sénateur McNair : John McNair, du territoire non cédé du peuple mi’kmaq au Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
Le sénateur Arnot : David M. Arnot, de la Saskatchewan.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, le territoire du Traité no 7.
La sénatrice White : Judy White, du Ktaqmkuk, mieux connu sous le nom de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse, dans le Mi’kma’ki.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.
Le président : Aujourd’hui, nous sommes ravis d’accueillir de jeunes autochtones d’un peu partout au pays dans le cadre de l’édition 2024 des Voix de jeunes leaders autochtones. Cet événement annuel vise à amplifier les perspectives et les expériences de jeunes leaders autochtones âgés de 18 à 35 ans qui favorisent des changements importants dans leurs communautés et ailleurs.
Les témoignages qui seront entendus aujourd’hui aideront à orienter le travail en cours de notre comité. Nous avons entendu d’autres participants plus tôt aujourd’hui. Ce soir, nous entendrons les derniers participants. Nous allons maintenant inviter chacun des témoins à présenter un exposé d’environ cinq minutes, puis nous tiendrons une séance de questions et réponses avec les membres du comité. Je vous rappelle simplement que, comme ce matin, nous devons nous arrêter après 30 minutes pour chaque participant.
Le premier témoin à la table est Ethan Paul, Mi’kmaq de la Première Nation Membertou de la Nouvelle-Écosse, qui siège présentement au Students on Ice Alumni Council et au Canadian Youth Road Safety Council. J’inviterais maintenant M. Paul à présenter son exposé.
Ethan Paul, à titre personnel : Kwe’ Bonjour. Je m’appelle Ethan Paul, Mi’kmaq de la Première Nation Membertou, et j’étudie en éducation de la petite enfance mi’kmaq au Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse. Je suis honoré de pouvoir vous parler un peu de mon expérience, de mon travail et de ma vision pour les jeunes leaders autochtones.
Dès mon plus jeune âge, j’ai joué des rôles de leadership pour faire connaître les voix des jeunes de ma communauté. J’ai commencé par le Youth Chief & Council de Membertou à l’école secondaire, puis j’ai siégé à divers conseils et comités, dont Cuso International, Good Neighbours Canada et Students on Ice. Ces rôles m’ont appris l’importance d’écouter, de collaborer et d’habiliter les autres. Je porte ces leçons avec moi dans toutes mes initiatives.
Une initiative dont je suis fier, c’est le réseau des jeunes de Membertou, une plateforme que j’ai lancée pour mettre les jeunes en lien avec les activités, les ateliers et les occasions à saisir dans la communauté. Ce réseau nous a permis de tenir des activités culturelles comme des ateliers de fabrication de paniers où les jeunes reconnectent avec la tradition et communiquent leurs expériences. J’ai aussi lancé Books & Piteway, un club de lecture qui met l’accent sur la santé et les droits sexuels et reproductifs et qui est soutenu par Oxfam Canada. Ce projet favorise les discussions critiques sur le féminisme autochtone, les droits 2SLGBTQ+ et la violence fondée sur le sexe, des discussions dont nous avons urgemment besoin en tant que communauté.
Dans mon travail lié aux programmes des jeunes d’Ocean Wise, j’ai élaboré le projet Esmut Apuknajit dans lequel nous enseignons aux jeunes mi’kmaqs les pratiques traditionnelles de pêche à l’anguille, fondées sur le principe mi’kmaq de Netukulimk, un mode de vie durable. Nous nous sommes réunis pour un jeune Mawio’mi, et avons terminé par une offrande à Apuknajit, l’esprit de l’hiver, approfondissant ainsi notre connexion à la terre et à la communauté.
Ce projet m’a inspiré à travailler à un livre de cuisine de produits de la mer mi’kmaq qui met en vedette les recettes traditionnelles d’Unama’ki. C’est un hommage à notre culture et à feu mon oncle Danny, un gardien du savoir respecté.
Cette année, j’ai reçu mon diplôme de l’École de politique de la jeunesse autochtone et j’ai pu mettre mes connaissances en pratique en allant aux Nations unies à titre de délégué jeunesse de l’Association canadienne pour les Nations unies au Forum politique de haut niveau sur le développement durable. Dans nos discussions avec l’ambassadeur Bob Rae, nous avons exprimé nos craintes concernant le besoin urgent de mettre fin au génocide à Gaza et avons souligné l’importance que le Canada poursuive son engagement en matière de financement de l’UNRWA.
Un autre de mes projets, c’est le Shaylene Johnson Memorial Regalia Lending Library Project. La vie de ma cousine a pris fin tragiquement en juillet dernier. Elle était une véritable ambassadrice culturelle de notre nation. Dans ce projet, les jeunes peuvent emprunter sans frais toutes sortes de tenues cérémonielles, comme des chemises à rubans, des jupes à rubans et autres. Le processus est facile pour que les jeunes puissent participer pleinement aux cérémonies, aux pow-wows et aux événements communautaires.
Ma vision pour le leadership des jeunes autochtones est simple : les jeunes doivent être représentés à tous les niveaux, pas seulement dans les conseils des jeunes, mais aussi dans les conseils d’administration et les organisations qui prennent les décisions. Pour les préparer, je prône le mentorat, le jumelage avec des dirigeants communautaires et des aînés. La formation en leadership enseigne des compétences comme l’art oratoire et la gestion de projets et est essentielle pour bâtir sa confiance et renforcer ses capacités.
Pour soutenir les jeunes, il faut aussi leur donner de réelles occasions dans le cadre de stages, de placements en emploi et d’accès à des conférences où ils peuvent tisser des liens, réseauter et apprendre. C’est essentiel d’intégrer les aînés et les gardiens du savoir dans l’enseignement pour que les jeunes apprennent les pratiques, la langue et les histoires traditionnelles qui sont le fondement de leur identité. Il faut réduire les obstacles et s’assurer que l’éducation soit accessible, avec des cursus scolaires pertinents sur le plan culturel et des ressources flexibles. L’habilitation économique est aussi la clé. Il faut donner accès à la formation, au microcrédit et à la formation professionnelle pour que les jeunes puissent construire leur avenir dans leur communauté.
Au bout du compte, j’espère habiliter les jeunes autochtones pour qu’ils ouvrent leur propre voie, défendent leurs droits et dirigent avec la sagesse de nos ancêtres. Ensemble, nous pouvons créer un avenir où les jeunes autochtones non seulement prospèrent, mais dirigent de façon à honorer notre passé et à façonner un avenir plus radieux. Wela’lioq.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Paul. C’était très bien. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs, et je vais commencer par poser la première.
Je me demandais si vous pouviez nous faire part de vos réflexions sur l’importance d’une éducation adaptée spécifiquement aux jeunes mi’kmaq et nous dire comment l’apprentissage de notre culture et de notre langue influence positivement l’expérience professionnelle et personnelle des jeunes de nos communautés.
M. Paul : Mon programme, c’est l’éducation de la petite enfance mi’kmaq. Ce qui le rend unique, c’est que tous les enseignants et le directeur sont mi’kmaqs. Tout le programme a été créé par des Mi’kmaqs. C’est très intéressant. Il se fonde en grande partie sur les apprentissages relatifs à la terre, et il y a une différence entre l’apprentissage relatif à la terre et l’apprentissage en plein air dans notre culture.
Le président : C’est donc très important que tout ce que nous faisons soit dirigé et mené par des Mi’kmaqs?
M. Paul : Oui.
Le président : Merci de votre réponse.
Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Paul. Je voulais simplement revenir à la question que le sénateur Francis vient de poser. Comment l’éducation de la petite enfance, un sujet qui vous intéresse vivement, peut-elle aider à revitaliser la langue et la culture mi’kmaqs pour les prochaines générations?
J’ai une deuxième question, si vous voulez faire un commentaire. Vous avez de l’expérience internationale qui vous donne une perspective sur les mouvements autochtones à l’échelle internationale. Quelles leçons avez-vous tirées du peuple maori qui pourraient s’appliquer aux défis des jeunes autochtones au Canada? Ce serait bien si vous pouviez ajouter quelque chose là-dessus.
M. Paul : Je suis allé en Nouvelle-Zélande en mai dernier, et nous avons pu visiter un centre d’éducation de la petite enfance, qui a un programme d’immersion. Il y a des enseignants non autochtones qui ont suivi des cours en langue maori. C’est une école d’immersion. Quand je pense à là d’où je viens, Eskasoni est la seule communauté qui a une école d’immersion, si je ne me trompe pas. Un facteur important à cette école, c’est que les parents doivent contribuer aux efforts. Quand les enfants rentrent à la maison, les parents doivent parler la langue avec eux, sinon cela ne fonctionnera pas vraiment.
La sénatrice White : Merci de votre exposé, monsieur Paul. C’était excellent. J’ai deux questions. Voici la première : où puis-je trouver ce livre de cuisine?
M. Paul : Il n’est pas encore disponible, mais il le sera bientôt.
La sénatrice White : Mettez-moi sur la liste, s’il y en a une.
De plus, je suis très impressionnée par toutes les initiatives auxquelles vous participez et les liens que vous faites avec la langue. Vous veillez à ce que nous ayons ces fondements, parce qu’en tant que Mi’kmaq, la plupart de notre culture vient de notre langue. C’est donc très important. Je n’ai pas appris notre langue dans mon enfance, mais dans ma vie d’adulte, je cherche toujours des occasions de l’apprendre. Quand vous avez utilisé des mots comme netukulimk et ce genre de choses, j’étais ravie.
Voici ma question. Comment pouvons-nous mettre à profit les jeunes et les aînés? Pourriez-vous nous dire comment vous avez pu acquérir beaucoup de connaissances grâce aux projets auxquels des aînés participaient? Comment pouvons-nous bénéficier de leur savoir pour créer un modèle à reproduire dans d’autres régions du pays? En particulier, comment pouvons-nous consulter les jeunes et nous assurer d’entendre leurs perspectives, leurs points de vue intersectionnels et les perspectives des aînés pour en tirer des leçons?
M. Paul : Je pense que le MK, le conseil d’éducation mi’kmaq, a réalisé une étude, et la principale cause de la perte de notre langue, c’est la technologie. Nous n’arrivons simplement pas à maintenir le rythme. On produit des séries télé et des films si vite, et ils ne sont pas offerts en langue mi’kmaq. C’est un peu comme si nous étions en concurrence avec la langue anglaise. Je dirais qu’une partie importante du travail à faire, c’est d’avoir bien plus de contenu en langue mi’kmaq. J’y travaille avec des aînés.
La sénatrice White : Merci.
La sénatrice Coyle : Merci, monsieur Paul. C’est fantastique, vous travaillez à des initiatives très diversifiées. Vous devez être très occupé.
M. Paul : Oui.
La sénatrice Coyle : C’est très impressionnant, et chaque domaine dans lequel vous œuvrez est si important. J’étais très enthousiaste quand vous avez parlé du travail que vous faites en matière de santé sexuelle et reproductive. C’est si important pour les jeunes, et c’est tout à fait louable d’inclure la communauté LGBTQ et les personnes bispirituelles.
Vous avez parlé d’habilitation économique. On nous dit souvent que les gens ont besoin d’apprendre pour gagner leur vie dans leur milieu, que ce soit dans leur propre entreprise ou un emploi. Pourriez-vous nous parler un peu de l’habilitation économique et de ce qui se fait pour les jeunes dans votre communauté, ou de ce que vous avez appris dans d’autres situations qui seraient utiles dans votre communauté sur le plan économique?
M. Paul : Membertou se porte très bien, mais bien des gens doivent quitter le Cap-Breton pour aller travailler sur le continent, parce qu’il n’y a pas autant de débouchés au Cap‑Breton. Souvent, on finit par aller à l’école et déménager à Halifax, et les gens ne reviennent pas avant leur retraite.
Mon livre de cuisine et la pêche visent à revitaliser la région. Actuellement, on met l’accent sur la pêche de subsistance, et je pense que quelques-uns d’entre vous siègent au comité qui en parle.
La sénatrice Coyle : Membertou se situe tout près de Sydney.
M. Paul : Oui.
La sénatrice Coyle : Ce n’est pas comme d’autres communautés des Premières Nations qui sont isolées, même si Membertou a ses propres assises. J’étais à Membertou pas plus tard que samedi, en fait. Je suis allé à la maison de l’ancien sénateur Dan Christmas. J’espérais qu’il soit là et que la galerie serait ouverte, mais ce n’était pas le cas.
Quoiqu’il en soit, cherchez-vous aussi à consolider les relations entre les jeunes de Membertou et les jeunes de Sydney et des environs, par exemple?
M. Paul : Quand je crée un programme ou autre chose dans le réseau de Membertou, il s’adresse à toutes les communautés dans le Mi’kma’ki.
La sénatrice Coyle : Donc, les autres communautés du Mi’kma’ki. Qu’en est-il des communautés non mi’kmaq? Par exemple, y a-t-il des interactions avec les jeunes de Sydney.
M. Paul : Pas beaucoup, non.
La sénatrice Coyle : Des interactions pourraient être très enrichissantes pour eux.
M. Paul : Je travaille au parc du patrimoine. Il y a souvent des activités scolaires où les jeunes viennent au centre pour faire du travail et autre.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
La sénatrice Sorensen : C’est bon de vous voir ce soir, monsieur Paul. Je m’intéresse à votre livre de cuisine, moi aussi. Je ne me souviens pas de ce qui vous a inspiré — peut-être un oncle. Je voudrais en savoir plus sur ce qui vous a amené à écrire un livre de cuisine. Je ne viens pas de Nouvelle-Écosse, d’un endroit près de la mer et je ne suis pas mi’kmaq, mais j’aimerais connaître votre recette préférée — une recette peut-être unique en son genre que je ne comprendrais pas totalement.
Ensuite, je ne connaissais pas Students on Ice, alors j’ai fait une recherche sur Google. Puisque vous y avez pris part, pourriez-vous nous expliquer un peu vos expériences avec cette organisation, comme les endroits que vous avez visités, etc.?
Mais d’abord, parlez-moi de votre recette préférée.
M. Paul : La recette, oui. Ce qui m’a inspiré, c’est mon premier atelier sur l’anguille. Je me suis dit que ce serait génial de documenter la chose pour en faire profiter à d’autres jeunes, parce que ce n’est pas tout le monde qui a accès à l’atelier. En fait, je n’aime pas les produits de la mer.
La sénatrice Sorensen : C’est parce que cela faisait partie de la diète mi’kmaq?
M. Paul : Il semblerait qu’avant les premiers contacts, environ 90 % de la diète mi’kmaq venait de l’océan.
Mon livre s’inspire aussi de mon oncle Danny. Il était pêcheur. J’ai beaucoup appris de lui. Il est une de mes inspirations pour ce livre.
La sénatrice Sorensen : Lui avez-vous dédié?
M. Paul : Oui, il lui sera dédié.
La sénatrice Sorensen : C’est excellent.
Parlez-nous de Students on Ice et de votre expérience à cet égard.
M. Paul : C’est un organisme sans but lucratif. On amène des étudiants par bateau en Antarctique, dans le Nord et d’autres régions du Canada. Nous sommes montés dans un ancien bateau de la Garde côtière qui appartient à Miawpukek Horizon Maritime Services Ltd. de Terre-Neuve. Nous sommes allés au Cap-Breton et à l’île de Sable. J’ai donc pu aller à la maison pour quelques...
La sénatrice Sorensen : À la maison pour souper.
M. Paul : Oui, l’île de Sable, c’était incroyable. J’ai pu y voir des chevaux sauvages. Nous y avons passé deux jours.
La sénatrice Sorensen : Quelle est la durée d’un voyage?
M. Paul : En général, une semaine.
La sénatrice White : Il y a des recettes d’anguille dans ce livre?
M. Paul : Pas encore. Je suis en train de recueillir les recettes de la communauté. Il s’agit d’une collaboration entre les cinq communautés du Mi’kma’ki.
La sénatrice Hartling : Nous apprenons beaucoup de choses intéressantes ce soir.
Vous avez parlé du club de lecture et d’Oxfam, et j’ai cru vous entendre mentionner le féminisme autochtone dans ce contexte. C’est bien ce que vous avez dit?
M. Paul : Oui.
La sénatrice Hartling : Parlez-moi du club de lecture. Comment avez-vous conclu ce partenariat avec Oxfam et quel est le lien avec le féminisme autochtone?
M. Paul : Il y a quelques années, Oxfam organisait une conférence sur la santé sexuelle et génésique à Ottawa. J’ai rencontré une personne originaire de la Nouvelle-Écosse. Elle s’appelait Lisa Gunn et travaillait pour Oxfam.
Elle m’a encouragée à demander une subvention, ce que j’ai fait. C’était génial. Le club s’appelle Books and P’tewei, ce qui signifie « Livres et thé », chaque livre étant associé à un thé. C’est un club de lecture mensuel.
La sénatrice Hartling : C’est intéressant. Vous avez beaucoup de premières à votre actif. Merci pour votre courage; il faut du courage pour faire toutes ces choses. Je vous remercie.
La sénatrice Martin : Merci. C’est un plaisir de vous rencontrer ce soir. Je n’ai pas pu participer à certains des événements précédents, et je suis donc heureuse de vous voir ici en même temps que les autres jeunes qui vous accompagnent.
Il y a un commentaire que j’ai particulièrement retenu dans votre exposé. Vous avez dit que les jeunes doivent être représentés à tous les niveaux. Vous êtes ici, au Sénat du Canada, autour de cette table, et d’autres sont également présents. Il est évident que vous êtes engagés, mais pouvez-vous nous parler de l’engagement des jeunes d’une manière générale? Pouvez-vous aussi nous dire dans quelle mesure la relation avec vos aînés et les membres de votre communauté vous permet d’être reconnus comme des voix importantes pour votre nation? J’aimerais beaucoup entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
M. Paul : Puis-je vous demander de répéter la question?
La sénatrice Martin : Cela concerne l’engagement des jeunes. De toute évidence, vous êtes un leader et vous êtes très engagé. Quel est le degré d’engagement des autres jeunes de votre nation et des autres nations que vous avez rencontrés? Qu’en est-il de votre relation avec vos aînés et les membres de votre communauté? Reconnaissent-ils que vous devez être un représentant de votre nation?
M. Paul : D’accord. Il y a le réseau des jeunes de Membertou, que j’ai cofondé avec quelques amis de notre communauté. Nous voulions simplement faire quelque chose. Des jeunes sont bien sûr engagés au sein de ce réseau.
Par ailleurs, je travaille au parc patrimonial et j’interagis avec les aînés tous les jours. J’ai des relations avec tous les aînés de la communauté.
La sénatrice Martin : Les relations entre les aînés et les jeunes sont-elles bonnes, au point que les jeunes sont invités à prendre part aux discussions organisées au sein de votre nation pour donner leur point de vue?
M. Paul : Je dirais que c’est le cas, mais il y a une sorte de fossé. Beaucoup de jeunes ne veulent pas s’engager dans ce genre d’activité. Ils sont simplement préoccupés par l’école et différentes choses.
La sénatrice Martin : Nous avons besoin de plus de gens comme vous.
Le président : Oui, tout à fait.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Merci, monsieur Paul. C’est vraiment un parcours intéressant que vous nous avez décrit et que vous continuez à suivre.
J’aimerais bien savoir à quel âge vous avez commencé à participer à l’autogestion de votre communauté. Si j’ai bien compris, c’est l’une des premières choses que vous avez faites.
M. Paul : Oui.
La sénatrice McPhedran : Pouvez-vous nous parler de la décision que vous avez prise de vous engager dans votre communauté? Pouvez-vous vous rappeler ce qui vous préoccupait ou ce qui vous a mené à cette décision? J’aurai ensuite une question complémentaire si le temps le permet.
M. Paul : Lorsque j’ai rejoint le conseil des jeunes, j’étais à l’école secondaire. C’était entre 2016 et 2018, je crois, soit pendant deux ans. Comme il ne se passait pas grand-chose dans notre communauté pour ce qui est des événements et des activités pour les jeunes, j’ai décidé de m’engager lorsque des élections ont été tenues dans notre école.
La sénatrice McPhedran : Je vous demandais quels sont vos souvenirs à ce sujet, et je pense que vous avez répondu à cette question. Vous avez dit que vous en vouliez plus pour les jeunes de votre communauté.
M. Paul : Nous avions un programme d’engagement social pour les jeunes. Nous avons organisé des séances de discussion. Il y avait beaucoup de choses qui se passaient. C’est toujours le cas aujourd’hui avec le conseil des jeunes. Ils le refont chaque année.
La sénatrice McPhedran : Considérez-vous que le conseil des jeunes fait partie de la structure de gouvernance de la communauté?
M. Paul : Oui, il est géré par le comité de gouvernance de Membertou. Lorsque nous l’avons créé, il a été difficile d’établir la connexion : nous essayions de rencontrer le chef et le conseil, mais ils étaient très occupés et ne pouvaient pas nous recevoir. Aujourd’hui, je pense qu’il y a des rencontres de temps à autre.
La sénatrice McPhedran : Il y a eu un changement.
M. Paul : Oui.
La sénatrice McPhedran : À quel âge les jeunes de votre communauté peuvent-ils voter pour choisir vos dirigeants?
M. Paul : Pour le chef et le conseil? Dix-huit ans.
La sénatrice McPhedran : Dix-huit ans?
M. Paul : Mais pour le chef et le conseil des jeunes, tous les jeunes en âge de fréquenter l’école secondaire peuvent voter.
La sénatrice McPhedran : D’accord. Merci.
Le sénateur McNair : Monsieur Paul, merci d’être ici ce soir, et merci à tous les jeunes Autochtones présents. Je dois dire que vous êtes une grande source d’inspiration. Vos curriculum vitæ n’ont rien à envier à ceux de la plupart de vos aînés, j’en suis persuadé. Vous avez parlé de votre cousine qui a malheureusement perdu la vie. Je ne vois pas de meilleur hommage que celui que vous lui avez rendu de la manière que vous nous avez décrite. Vous avez également parlé des jeunes qui ne sont pas intéressés.
Je suis curieux de savoir ce que vous leur dites pour les stimuler. Ou s’agit-il simplement de prêcher par l’exemple, ce que vous faites évidemment aussi?
M. Paul : Je pense qu’il s’agit en grande partie de montrer l’exemple, car s’ils ne sont pas intéressés, on ne peut pas les forcer à s’engager. Vous devez leur montrer ce qui est possible, ce que vous pouvez faire et ce qui est disponible.
Le sénateur McNair : Vous avez mentionné dans votre exposé préliminaire que les jeunes peuvent construire leur avenir au sein même de leur communauté. C’est une réalité à laquelle les jeunes du monde entier sont confrontés, et je dois vous remercier de prêcher ainsi par l’exemple.
M. Paul : En ce qui concerne mes études, le programme d’éducation de la prime enfance mi’kmaq est offert en ligne. C’est génial, parce que je peux ainsi demeurer dans ma communauté et continuer d’y travailler. Il n’est pas nécessaire de déménager et de quitter sa communauté pour aller à l’école.
Le sénateur McNair : Lorsque vous avez parlé de tous ces gens qui quittent le Cap-Breton et ne reviennent pas, ils ont été plusieurs à hocher la tête derrière vous. C’est un phénomène bien connu et un problème pour toutes les communautés. Merci.
Le président : Monsieur Paul, avant de conclure, j’aimerais savoir quel message clé vous aimeriez que les sénateurs retiennent de votre témoignage de ce soir, notamment concernant la normalisation de la langue ou de la culture.
M. Paul : L’une des choses importantes est la langue. Notre programme est basé sur la langue mi’kmaq et nous voulons la promouvoir. Une grande partie de notre culture repose sur la langue et sans elle, on peut se demander ce qu’est un Mi’kmaq. La langue est tellement ancrée dans notre vie quotidienne.
Le président : Vous avez raison. Notre langue définit qui nous sommes. C’est dire son importance. C’est primordial. Je vous remercie. Sur ce, le temps imparti à ce témoin est maintenant écoulé. Je tiens à remercier Ethan Paul de s’être joint à nous ce soir. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage et de votre engagement continu en faveur de votre communauté.
Je voudrais maintenant présenter notre prochain témoin. Crystal Starr Lewis nous vient de Vancouver et de la nation Squamish. Elle est représentante des jeunes au sein de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique et nouvelle locutrice de première génération de sa langue. Mme Lewis dispose d’environ cinq minutes pour nous présenter ses observations préliminaires, après quoi les membres du comité auront des questions à lui poser. J’invite Mme Lewis à prononcer maintenant son allocution.
Crystal Starr Lewis, à titre personnel : Merci.
ha7lh skwáyel ta newyáp. Je remercie l’honorable président et les honorables dirigeants présents dans cette salle. Je tiens à remercier les peuples algonquin et anishinaabe de nous accueillir sur leur magnifique territoire ancestral non cédé, ainsi que le Sénat de nous recevoir aujourd’hui en tant qu’intervenants et témoins.
Je m’appelle Crystal Starr Lewis et je viens de Vancouver et de la nation Squamish.
Avant l’âge de deux ans, je suis passée par plusieurs foyers d’accueil avant d’être placée en foyer permanent. Enfant, je me souviens m’être sentie mal aimée, abandonnée et perdue. Je ne comprenais pas pourquoi mes parents ne voulaient pas de moi. J’ai compris intuitivement que le changement devait venir de moi et j’ai décidé que je ne laisserais pas mes futurs enfants subir les expériences douloureuses que j’avais vécues.
À l’âge de six ans, j’ai décidé de consacrer ma vie à devenir une cheffe de file et de m’abstenir de consommer des drogues ou de l’alcool. Enfant, les membres de ma famille me comparaient souvent à ma mère, qu’ils jugeaient sévèrement, et ils pensaient que je finirais comme elle. Cette attitude a contribué à la honte que je ressentais à l’égard de mon identité et de mes origines.
À l’âge de neuf ans, j’ai dû prendre la décision la plus difficile de ma vie. J’ai décidé de couper les ponts avec ma mère biologique parce que la douleur que je ressentais lorsque je la voyais rechuter était trop forte. Je dois vous dire que ma mère était une travailleuse du sexe qui menait une vie difficile dans le quartier est du centre-ville. Quand j’étais plus jeune, j’avais beaucoup de ressentiment envers ma mère. En grandissant et lorsque j’ai atteint l’âge de 16 ans, j’ai pu lui pardonner et passer à autre chose, car je me suis rendu compte que si ma situation avait été différente, je ne serais pas devenue la personne que je suis aujourd’hui. J’aurais facilement pu finir dans le quartier est du centre-ville. Je n’aurais pas rencontré mes amis et toutes les merveilleuses personnes qui sont entrées dans ma vie, et je n’aurais pas su ce que je sais aujourd’hui.
Avant d’avoir pu lui dire que je lui pardonnais, j’ai perdu ma mère, ainsi que ma sœur et mon frère, tous victimes de surdoses de fentanyl entre 2018 et 2023. Ces pertes m’ont rappelé pourquoi je faisais ce travail. Depuis, j’ai suivi mon cœur et mon intuition et je suis devenue la représentante de la jeunesse de l’Assemblée des Premières Nations, ou APN, nouvellement élue en Colombie-Britannique. Au fil des ans, j’ai reçu plus de 40 prix et certificats pour mes activités de plaidoyer, d’éducation et de leadership, et pour mes réalisations, qui racontent l’histoire d’une petite fille qui a décidé de croire en elle malgré les obstacles et les difficultés qu’elle a dû surmonter.
J’ai donc eu une incidence considérable à l’échelle provinciale, nationale et internationale, en travaillant au sein de divers paliers de gouvernement et avec ceux-ci, dans le domaine du développement économique et en tant que stagiaire sur la Colline du Parlement. Plus récemment, j’ai joué le rôle de consultante et j’ai créé le nouveau volet de stages parlementaires destiné aux jeunes autochtones avec GreenPAC.
Après avoir été victime de harcèlement au sein d’un établissement, j’ai décidé d’apprendre ma langue mourante à l’Université Simon Fraser, ou SFU, en tant que nouvelle locutrice de première génération, et j’ai failli me présenter aux élections provinciales de cette année.
Cette année, j’ai présenté quatre recommandations politiques aux Nations unies. La première portait sur la prévention de la traite des êtres humains.
Dans ma déclaration, j’ai dit que j’avais eu l’occasion et le privilège de rencontrer notre ministre canadien des relations Couronne-Autochtones et des jeunes Autochtones de toute l’île de la Tortue. Je leur ai posé la question suivante : Combien d’entre vous ont reçu la visite d’un organisme ou d’une organisation de lutte contre la traite des êtres humains qui leur a dispensé une formation pratique et accessible en matière d’autodéfense et de prévention de la traite des êtres humains? Personne n’a levé la main.
J’ai posé la même question à nos dirigeants autochtones du monde entier lors de la séance plénière des Nations unies. Une seule personne a levé la main dans toute la salle. Nous devons donc prendre des mesures immédiates pour offrir des formations gratuites et accessibles sur la prévention de la traite des êtres humains au sein des communautés autochtones. Ces formations doivent être axées sur l’autodéfense, la connaissance des signes de la traite des êtres humains et autre. Elles doivent être financées par nos gouvernements et inscrites dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. On redonnera ainsi à nos peuples le pouvoir de contribuer à faire baisser nos statistiques.
En nous fondant sur cette expérience — et ces travaux sont toujours en cours —, mon partenaire et moi-même avons décidé de créer notre propre agence de conseil qui se concentre sur la formation à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains dans les communautés autochtones. Nous avons également proposé quelques idées sur la manière d’y intégrer la technologie.
Ces travaux m’ont amenée à participer à deux groupes de discussion des Nations unies avec notre rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones. J’ai parlé de mes propres recommandations politiques et de la recommandation générale numéro 39 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. J’ai également fait part de ma recommandation politique sur la formation relative à la sécurité culturelle. J’ai déclaré que ce type de formation devait être offert dans tous les organismes et secteurs qui travaillent avec les peuples autochtones et les communautés de personnes autochtones, noires et de couleur, y compris les personnes 2ELGBTQIA+, et pas seulement dans le système de soins de santé.
Troisièmement, en tant qu’ancienne enfant placée, j’estime que nous devons prendre des mesures préventives et des précautions pour protéger nos enfants contre le retrait de leur famille et le placement dans de multiples foyers d’accueil, à moins que l’on juge qu’ils sont en danger et que l’on ait vérifié qu’ils le sont réellement. Non seulement ce problème est préjudiciable et dommageable pour nos enfants, mais les travailleurs sociaux devraient vérifier en permanence la situation de nos enfants, et pas seulement celle des personnes qui ont leur charge, tout en apportant un soutien et une formation efficaces et continus aux enfants et aux personnes qui ont leur charge, et en prenant des mesures préventives supplémentaires tout au long de ce processus d’examen.
Après avoir assisté à l’Assemblée extraordinaire des chefs de l’Assemblée des Premières Nations sur la réforme à long terme du Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, j’ai fait part à APTN News, à notre directeur général et à certains chefs de l’assemblée de la nécessité de faire participer les jeunes autochtones pris en charge au processus décisionnel, au processus de vote et au processus de résolution. S’il s’agit d’un problème de financement ou d’accessibilité, demandons à notre gouvernement de nous aider à mobiliser nos jeunes et à recruter des travailleurs sociaux pour nous aider à atteindre la diversité et l’inclusion nécessaires.
Enfin, en ce qui concerne l’autodétermination, je demande aux Nations unies de nous aider à créer notre propre entité, semblable à celle des Nations unies. Son but sera de nous rassembler, à la fois sur le plan international et sur le plan de la réconciliation. Les Nations unies sont une institution importante et le resteront toujours, et nous leur sommes reconnaissants pour leurs conseils et leur soutien. Toutefois, les peuples autochtones doivent maintenant se rassembler et créer leur propre structure et alliance en partenariat avec les Nations unies et dans le respect de leurs objectifs, car, collectivement, les peuples autochtones ont les réponses nécessaires. Nous avons les solutions. Nous avons des forces, des talents, des connaissances et autres, mais surtout, si nous nous unissons et travaillons collectivement de façon unie pour résoudre les problèmes de nos communautés autochtones, si nous nous aidons les uns les autres, que nous veillons les uns sur les autres et que nous bâtissons ensemble dans la solidarité, sans égard aux frontières et sans division, nous pourrons ouvrir la voie en tant qu’entité unique et au sein de notre propre système autodéterminé, en partenariat avec les Nations unies.
Aujourd’hui encore, je continue à défendre l’idée que nous faisons tous partie de la solution. Nous sommes tous une pièce du casse-tête. Nous devons intégrer les forces et les talents de chacun à la solution. Nous ne pouvons pas attendre que d’autres personnes apportent les changements pour nous. Nous devons être les artisans du changement. [Mots prononcés en langue autochtone]. J’écoute mon cœur. J’écoute le Créateur. Merci à tous.
Le président : Merci beaucoup, madame Lewis, pour vos observations liminaires. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
Le sénateur Arnot : Merci, madame Lewis, de nous avoir communiqué tous ces renseignements. Pouvez-vous nous parler un peu du stage de GreenPAC et de la manière dont il a façonné votre approche de la durabilité? [Difficultés techniques] Comment envisagez-vous d’inspirer les jeunes, les concepts de l’écologie et de la durabilité dans le cadre de la réconciliation?
Mme Lewis : D’accord. Mon parcours dans le domaine de la durabilité précède en fait GreenPAC. À l’âge de 19 et 24 ans, je me suis présentée à mes premières élections de chef et de conseil, et j’avais axé mon programme sur la durabilité, le bien‑être, la transparence et le logement durable. J’ai ensuite créé un projet de développement communautaire basé sur les actifs axé sur les connaissances ancestrales et la durabilité. Ce projet visait notamment à enseigner à nos jeunes et à nos aînés des connaissances sur les plantes et les remèdes autochtones, et à transmettre ce que j’avais appris au sujet de notre jardin communautaire à l’époque. Nos aînés et nos ancêtres souhaitaient que nos peuples puissent subvenir à leurs besoins et prendre soin les uns des autres. Nous nous sommes rendu compte que la durabilité était liée à tout, notamment à notre bien-être, à notre lien avec la terre et à notre identité.
Je me suis donc engagée à assurer la durabilité. C’est pourquoi j’ai mis en œuvre ce projet au sein de ma communauté. Je pensais que nous devions créer des emplois verts mieux rémunérés, mais je me suis également rendu compte que, comme tout le monde l’a dit jusqu’à présent, l’éducation et les connaissances basées sur la terre étaient nécessaires et devaient être reconnues.
En outre, je crois vraiment au pouvoir des jeunes et de leur voix. C’est pourquoi je me suis présentée aux élections pour devenir cheffe et conseillère. Il n’y avait pas beaucoup de jeunes qui se présentaient à l’époque, mais j’ai toujours pensé que les jeunes avaient une voix, même si elle n’est pas toujours reconnue ou appréciée, d’après mon expérience. Je voulais m’assurer que l’on mobilise les jeunes. J’ai été confrontée à beaucoup d’âgisme, mais j’ai décidé de continuer.
J’ai continué de me mettre au défi et j’ai développé une passion pour l’apprentissage. En 2019, on m’a demandé de me présenter pour le NPD à North Vancouver. J’ai respectueusement refusé en raison du décès de ma mère, de ma sœur, de mon oncle et de mon frère, tous survenus au cours de ces années et je me suis retrouvée sur la Colline du Parlement.
Lorsque je repense à mon enfance, je n’aurais jamais pensé faire de la politique, mais certains chefs disent que si vous êtes autochtone, vous êtes né pour faire de la politique, ce qui est tout à fait vrai.
Après m’être rendue sur la Colline du Parlement et avoir constaté certains problèmes en tant qu’Autochtone vivant loin de sa communauté, j’ai constaté que les choses pourraient s’améliorer si nous nous concentrions davantage sur l’inclusion et la création d’une expérience plus sûre pour les jeunes autochtones. C’est ce que j’ai fait valoir. C’est vraiment ce qui m’a incité à participer à la création du nouveau volet de stage destiné aux Autochtones. Je savais, d’après mon expérience, que si nous voulions augmenter la représentation autochtone au sein du gouvernement, nous devions créer plus d’espaces sûrs sur le plan culturel pour les jeunes autochtones. Si je pense à autre chose, j’ajouterai des éléments à ce sujet.
La sénatrice White : Félicitations, madame Lewis. Vous illustrez ce que nos ancêtres et nos anciens disent toujours : Nous nous concentrons si souvent sur les traumatismes intergénérationnels que nous oublions parfois la sagesse intergénérationnelle. Vous en êtes la preuve. C’est un honneur pour moi de partager cet espace avec vous. Je vous en remercie.
J’ai une question. Nous avons entendu parler à de nombreuses reprises, au sein de ce comité et de tous les comités au sein desquels j’ai siégé depuis que je suis sénatrice, du gouvernement et de la consultation, du manque de consultation ou de l’absence de consultation dans certains cas. J’aimerais recueillir vos suggestions ou vos conseils. Certaines des initiatives auxquelles vous avez participé ont été menées en collaboration avec différentes entités, gouvernementales ou non. J’aimerais beaucoup entendre vos suggestions ou vos conseils sur la manière dont nous pourrions obliger les gouvernements à agir et à s’assurer que nous menons des consultations et que nous recueillons les perspectives dont nous avons besoin pour façonner la politique et la loi.
Mme Lewis : D’accord. Le problème ne se limite pas au gouvernement. En tant que peuples autochtones, nous devons également nous attaquer aux lacunes et aux obstacles qui existent d’une Nation à l’autre. Il y a beaucoup de sujets controversés notamment, la question des pipelines.
En tant que défenseure de la justice sociale, j’aime me pencher sur les obstacles sous-jacents. Il y a de nombreux problèmes de justice sociale dans le monde, et ils ont une incidence sur nous. Il n’y en a pas qu’un. Il y en a un grand nombre. Tout le monde est concerné, évidemment.
Je plaide également, pour que l’on s’attaque au racisme environnemental et que l’on respecte les droits, les titres et les pratiques des Autochtones sur leur territoire, bien entendu. Je plaide également pour la défense des zones marines protégées au niveau international. Ces enjeux ne concernent pas seulement les peuples autochtones. Il s’agit d’action et de justice climatiques. Nous devrions tous en parler, prendre ces choses au sérieux et prendre des mesures concrètes.
Je ne sais pas pourquoi je ressens le besoin de partager ces choses, mais je parle simplement avec mon cœur; je parle avec ma vérité. Je parle de ce que l’on m’a dit. On m’a parlé d’un problème auquel nous sommes tous confrontés : Certaines entreprises s’installent sur des territoires autochtones, veulent faire des affaires et établir des partenariats avec les communautés autochtones, mais détruisent ensuite ces terres et ne les restaurent pas ou ne les revitalisent pas par la suite. C’est un problème auquel beaucoup d’entre nous, peuples autochtones, sommes confrontés et qui a pour effet de nuire à nos pratiques culturelles. C’est le cas, par exemple, en ce qui concerne les mollusques et les crustacés. Sur le territoire de mon partenaire, il y a un moulin qui a contaminé l’eau, mais sa mère se souvient de l’époque où on y trouvait des plages de sable blanc. Aujourd’hui, à cause du phytoplancton et de la façon dont il affecte la coquille des mollusques, il ne peut plus en manger.
Nous devons renforcer la surveillance de l’eau pour déterminer comment elle est contaminée. Vous pouvez donc voir que ce seul exemple peut être lié à un grand nombre d’enjeux, créer des divisions, mais aussi nuire au respect de nos droits, de nos titres, etc.
Par ailleurs, à plus grande échelle, si un pays ne respecte pas ses objectifs de développement durable, tout le monde en pâtit. Certains pays comme les Maldives, par exemple, font un travail remarquable pour atteindre leurs objectifs de développement durable, mais parce que d’autres pays ne font pas leur part du travail pour atteindre ces objectifs, les déchets se déversent dans leurs régions. C’est ce que m’ont dit d’autres dirigeants autochtones. Nous allons parler de réconciliation, mais la réconciliation n’est pas qu’un mot. Elle doit être pratiquée et mise en œuvre, ce qui signifie également que nous ne devons pas être de simples spectateurs. Nous devons créer plus d’ateliers pour apprendre aux gens à ne pas être de simples spectateurs, à prendre la parole et à mettre fin aux injustices.
Le président : Je vous remercie. N’oubliez pas qu’un certain nombre de sénateurs souhaitent encore poser des questions, alors soyez aussi brefs que possible dans vos questions et vos réponses. Nous vous en serions très reconnaissants. Nous nous arrêterons à 19 h 45 pile.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie, madame Lewis. Franchement, cela représenterait beaucoup de difficultés pour n’importe quelle personne. Vous avez cependant piqué ma curiosité. Vous avez mentionné le développement communautaire fondé sur les actifs. J’ai travaillé dans ce domaine pendant des années au sein du Coady Institute, que je dirigeais. Nous avons en fait lancé un programme de leadership communautaire pour les femmes autochtones, et le développement communautaire fondé sur les actifs sous-tendait ce programme, ainsi que tous les programmes de l’institut, ce qui correspond à ce dont vous parlez. Que pouvons-nous faire à l’aide de ce que nous avons? Il me semble que vous avez fait beaucoup de choses à l’aide de ce que vous aviez. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de la manière dont vous intégrez le développement communautaire fondé sur les actifs — et nous ne parlons pas d’actifs physiques, mais plutôt de l’ensemble des actifs — dans le travail que vous effectuez?
Mme Lewis : Je vous remercie tous des questions formidables que vous me posez. Je vais tenter d’y répondre brièvement, je vous le promets.
Je crois que nous inspirons plus de gens que nous ne le pensons par nos actions, nos paroles et nos actes de gentillesse, entre autres choses. Je ne sous-estime pas le fait que nos actions ont un effet d’entraînement et inspire d’autres personnes à tenter d’en faire davantage ou à atteindre leur plein potentiel. Ce qui me plaît vraiment dans le développement communautaire fondé sur les actifs, c’est qu’il met l’accent sur l’utilisation des points forts, des talents et des ressources de notre communauté, mais aussi sur les solutions faciles. Si vous ne bénéficiez d’absolument rien en matière de soutien ou de ressources, que pouvez-vous tout de même faire pour créer un changement? Lorsque les gens pensent au changement, ils oublient que le changement ou la mesure peut être aussi mineur — et je ne veux pas vraiment dire un changement mineur, mais plutôt un changement aussi simple — qu’une initiative communautaire de nettoyage d’une plage.
Il n’est pas nécessaire que la mesure soit de grande envergure pour semer une idée et inspirer d’autres jeunes à envisager à ce qu’ils peuvent faire pour créer des changements. Nous ne savons jamais combien de vies nous avons touchées. Même vous, les sénateurs, ne savez jamais combien de personnes ont été touchées par vos paroles et combien d’idées ont été semées. Je m’engage à donner l’exemple et à agir, car je pense qu’il n’est pas nécessaire d’agir à grande échelle. Les actions peuvent être tangibles et universelles. Je vous remercie de votre attention.
La sénatrice Martin : Je serai brève, car je sais qu’il y a d’autres sénateurs qui souhaitent intervenir. Madame Lewis, je suis très heureuse de vous voir ce soir. Je suis originaire de Vancouver, en Colombie-Britannique — j’habite à Pitt Meadows maintenant, mais j’ai grandi à Vancouver —, et je connais l’importance que la nation Squamish revêt dans notre région. Vous avez accompli un travail extraordinaire en faisant entendre la voix des jeunes Autochtones dans le cadre de l’élaboration des politiques. Et vous l’avez fait au plus haut niveau, sur la scène internationale. Je vais me limiter à ce que vous avez accompli en devenant la première locutrice de votre langue à l’Université Simon Fraser qui appartient à la nouvelle génération. J’aimerais savoir comment cela se passe et si la langue est une question importante pour les jeunes Autochtones. Je vous félicite d’être devenue membre de la première génération de locuteurs de votre langue.
Mme Lewis : Je vous remercie beaucoup de vos paroles. Je ne peux pas parler au nom de tous les Autochtones, mais oui, c’est une question importante. Il n’y a plus de locuteurs originels de la langue, alors tous ceux qui intègrent le programme aujourd’hui sont des locuteurs de première génération, et nous faisons de notre mieux, bien sûr, pour les instruire. Nous avons la chance d’avoir des professeurs extraordinaires qui prennent ce travail très au sérieux. En gros, j’ai parlé en anglais pendant un mois, puis je n’ai plus eu le droit de le faire en classe. J’ai été forcée de m’exprimer toujours dans la langue d’immersion, ce qui a été une grande leçon pour moi. Cela se résume à une obligation morale, à faire ce qui est juste, non seulement pour vous, mais aussi pour votre communauté, et à prendre l’initiative d’apprendre cette langue et de la maintenir en vie pour les générations futures.
Nous pensons toujours aux sept générations à venir. Je ne connaissais pas grand-chose concernant ma langue avant de me lancer, même si j’avais appris des formules de présentation très simples quand j’étais plus jeune, mais je crois que c’est une obligation morale qui m’a poussée à apprendre cette langue, ainsi que le simple sentiment que quelqu’un a besoin que vous le fassiez. Et s’il faut que quelqu’un le fasse, pourquoi pas moi? En le faisant, j’espère pouvoir inciter quelqu’un d’autre à apprendre la langue. Je vous remercie de votre question.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur Prosper : Comme je sais que d’autres personnes ont des questions à poser, je me contenterai de faire une brève déclaration. J’ai été inspiré par votre exposé et votre témoignage. Il est certain que lorsque nous apportons cela, nous inspirons un plus grand nombre de personnes que nous ne le pensons, et cela a comme un effet d’entraînement. Cela importe énormément, et il est évident que cela se manifeste dans votre esprit à bien des égards. Je tiens à le souligner et à reconnaître que votre témoignage est entendu à de nombreux niveaux.
Il est certainement entendu par les personnes qui suivent la diffusion de cette séance, ainsi que les personnes présentes dans la salle, mais ce sont nos ancêtres et les générations futures qui en sont les témoins, et je pense que vous représentez cet esprit incroyable qui rendra nos vies à jamais très différentes, et ce, dans l’intérêt de tous. Alors, wela’lioq. Je vous remercie de vos paroles.
La sénatrice Sorensen : Merci, mais la sénatrice Martin a posé exactement la question que j’avais en tête.
Le président : Donc, vous êtes satisfaite.
La sénatrice McPhedran : Je vous remercie, madame Lewis. Votre témoignage était émouvant et inspirant, et ma question porte sur le fait que vous aimeriez utiliser les traités et les processus internationaux pour guider votre travail, le renforcer, et vice versa. Je voulais vous demander si vous aviez participé à l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, et si vous pourriez nous parler un peu de la mesure dans laquelle vous considérez que cette instance a rapport au travail que vous souhaitez réaliser quotidiennement et à vos expériences internationales.
Mme Lewis : C’est une excellente question, et je vous remercie de l’avoir posée. Permettez-moi de prendre un moment pour y réfléchir, car votre question est excellente.
J’ai donc participé à l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, et j’ai aussi assisté à la réunion du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, qui a eu lieu cette année à Genève, en Suisse, et où j’ai fait part de ces recommandations politiques. J’ai également communiqué ces recommandations politiques à la rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains. Elle m’a dit comment elle pouvait m’aider, en particulier en ce qui concerne la traite des êtres humains, mais je ne révélerai pas ses propos pour respecter leur confidentialité.
Je ne fais que suivre les traces de mes ancêtres et de mes prédécesseurs. Je n’ouvre pas la voie — c’est-à-dire que je montre la voie à suivre, mais je ne réinvente pas la roue. Je n’essaie pas de réinventer la roue. Je transmets simplement ce qu’on m’a appris, et je m’assure que les voix des jeunes sont entendues à toutes les tables des négociations, car c’est important. Toutefois, je crois vraiment que les jeunes offrent de nouvelles perspectives, de nouvelles connaissances, comme nous l’entendons souvent dire au sein du gouvernement, et j’espère que... en réalité, je le répète, ce que j’essaie de faire, c’est d’inspirer les autres en étant ce changement que nous voulons voir. Je suppose que la meilleure partie de mon travail consiste à avoir l’occasion de boucler la boucle avec tous les dirigeants extraordinaires dont j’ai appris au fil des ans.
Ainsi, lorsque j’ai participé au Forum des jeunes de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, ou APNCB, la meilleure expérience que j’ai eue s’est produite lorsque je me suis sentie nerveuse en m’entretenant avec tout le monde. Je traversais la foule, et je me suis rendu compte que j’avais rencontré tous ces jeunes à un moment ou à un autre de ma vie, qu’ils étaient présents dans cette salle et qu’ils continuaient d’accomplir leur travail parce qu’il importait. Il est très facile d’oublier ce fait. On peut se sentir seul quand on fait ce travail, qui peut être très lourd, et on a l’impression qu’il y a tellement de problèmes, mais lorsqu’on croit vraiment au pouvoir collectif et qu’on s’efforce de combler ces fossés, on accomplit plus de travail qu’on a connaissance et plus de travail que ce que je peux même comprendre en coulisse.
C’est ce qui m’inspire, et je vois que cela se produit. Je vois la guérison qui s’opère au sein des communautés autochtones, les gens qui se serrent les coudes, de nombreux jeunes qui réalisent des premières, comme celles de devenir avocats ou médecins dans leur communauté, et qui voient la guérison qui s’opère. J’espère que le monde entier pourra bientôt le remarquer aussi. Je vous remercie de votre attention.
Le sénateur McNair : Je vous remercie, madame Lewis, d’avoir témoigné devant nous aujourd’hui, de nous avoir raconté votre histoire et de nous avoir fait part de détails très personnels. Quand vous dites que vous avez pris, à l’âge de 6 ans, de 9 ans et de 16 ans, des décisions qui ont changé votre vie, cela nous donne une grande leçon d’humilité. Et je dois dire que vous êtes d’une sagesse qui dépasse votre âge, et je tenais à en rester là. Je n’ai pas de question à vous poser, mais je tenais à faire cette déclaration et à communiquer une partie de ce que — en écoutant votre histoire et la façon dont vous abordez la vie, on constate qu’une partie de cette approche consiste à s’occuper des autres, et que cette approche est au cœur de votre philosophie. Je reconnais que c’est le cas, et je vous en félicite.
Le président : Je vous remercie de votre déclaration, sénateur McNair.
Madame Lewis, je tiens à vous féliciter de nous avoir fait part de votre histoire avec autant de courage et de vulnérabilité. Votre plaidoyer de jeune cheffe de file crée de profonds changements, et je vous remercie du dévouement dont vous faites preuve en vue d’élever nos voix et d’offrir un modèle inspirant pour vos pairs et pour nous tous. Merci encore.
Le président : J’aimerais maintenant vous présenter notre prochain témoin, Justin Langan. Justin est un Métis de Swan River, au Manitoba, qui dirige actuellement O’KANATA, une organisation sans but lucratif dont l’objectif est de soutenir les jeunes Autochtones. J’invite maintenant M. Langan à faire sa déclaration préliminaire.
Justin Langan, à titre personnel : Taanshii Kiyawow, chers sénateurs, aînés et invités de marque. Maarsiiaux aînés et aux gardiens du savoir de leurs sages paroles.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de me joindre à vous aujourd’hui. Je m’appelle Justin Langan. Je suis un fier jeune Métis, qui est membre de la communauté rurale de Swan River, au Manitoba. C’est un honneur pour moi de faire partie des jeunes chefs de file autochtones à qui vous avez accordé la possibilité de s’exprimer devant vous aujourd’hui, et je représente non seulement moi-même, mais aussi les espoirs, les difficultés et les points forts de ma communauté et de la jeunesse autochtone de l’ensemble du Canada.
Je me présente ici en tant que produit de notre histoire commune, pour témoigner des sacrifices de mes ancêtres, qui se sont battus pour préserver notre culture, nos droits et notre place sur ce territoire que nous appelons le Canada. Mon parcours en tant que jeune chef de file a été guidé par le désir d’honorer cet héritage tout en forgeant un avenir où les voix des jeunes Autochtones ne sont pas seulement entendues, mais véritablement valorisées et respectées.
Aujourd’hui, je voudrais parler de l’importance de la réconciliation et de l’autonomisation. Trop souvent, les discussions sur la réconciliation mettent uniquement l’accent sur la reconnaissance du passé. Bien que cela soit nécessaire, ce n’est pas suffisant. Une véritable réconciliation exige des actions et un engagement à démanteler les barrières qui ont freiné nos communautés et à bâtir un avenir qui valorise nos voix, nos traditions et nos contributions au tissu social du Canada.
J’ai eu le privilège de travailler en étroite collaboration avec de jeunes Autochtones qui, malgré les difficultés qu’ils affrontent, possèdent une immense volonté de diriger, d’innover et d’apporter des changements. J’ai vu comment l’accès à l’éducation, le soutien à la santé mentale et la promotion des connaissances traditionnelles peuvent transformer des vies.
Pourtant, un grand nombre de ces possibilités restent inaccessibles en raison d’obstacles systémiques, d’une négligence et d’un manque d’engagement véritable de la part des détenteurs du pouvoir. Il est temps de dépasser les discours et d’investir dans l’avenir des jeunes Autochtones. Nous avons besoin de politiques ancrées dans nos réalités, qui tiennent compte de l’intersection de nos identités en tant que jeunes et membres des peuples autochtones, et qui nous donnent les moyens de diriger nos propres communautés. Nous avons besoin d’un investissement soutenu dans une éducation qui honore nos langues et nos cultures. Nous avons besoin de services de soutien en santé mentale qui répondent aux défis uniques que nous affrontons, en particulier les traumatismes qui ont été transmis d’une génération à l’autre. Nous avons besoin de débouchés économiques qui ne soient pas extractifs, mais qui cadrent plutôt avec nos valeurs en matière d’intendance et de bien-être communautaire.
Je tiens également à souligner l’importance de la participation des jeunes dans les processus décisionnels. Nous ne sommes pas seulement l’avenir du pays, nous sommes le présent. Les jeunes chefs de file autochtones de notre pays effectuent déjà le travail nécessaire, en défendant nos communautés, en préservant nos traditions et en menant des mouvements en faveur de la justice climatique et de l’équité sociale. Ce dont nous avons besoin, c’est de foi en nous et de plateformes pour élargir ces effets.
Je suis ici aujourd’hui non seulement pour raconter mon histoire, mais aussi pour demander expressément à chacun de vous d’écouter attentivement les témoignages et d’agir avec audace. Le travail que nous accomplissons ensemble peut façonner l’avenir de notre pays — un avenir où les jeunes Autochtones ne sont pas un élément secondaire, mais plutôt un puissant moteur de changement.
Je vous remercie de votre attention, Maarsii.
Le président : Je vous remercie de votre déclaration préliminaire, monsieur Langan. Nous allons maintenant passer aux séries de questions provenant des sénateurs.
Le sénateur Arnot : Monsieur Langan, quelle est la solution à certains des problèmes que vous avez soulevés, une solution qui permettrait de soutenir les jeunes, de les faire participer au processus et de leur accorder un siège à la table de la gouvernance et une voix au chapitre? Comment répondriez-vous à votre propre question, je suppose? Je sais que vous avez des idées à ce sujet, et j’aimerais savoir comment vous voyez certaines de ces réponses se concrétiser de manière positive.
M. Langan : Bien sûr. Je vous remercie de votre question.
Je participe à la défense des intérêts des jeunes depuis 2015, et comme je fais partie d’une communauté rurale, j’ai affronté de nombreuses difficultés auxquelles bon nombre de jeunes Autochtones font face, non seulement dans les communautés rurales, mais aussi dans les communautés nordiques et isolées. Cela rejoint une grande partie de ce que nous avons entendu dire ici aujourd’hui. Il s’agit du lien avec la culture, l’identité et la langue. Ce sont là des éléments essentiels pour découvrir qui l’on est et de quoi l’on est capable.
Ce que j’ai remarqué et ce que je continue à dire aux jeunes et aux communautés autochtones, c’est ceci : quand on sait d’où l’on vient, on sait où l’on va. Tout cela nous ramène à la compréhension de notre propre culture — du meilleur comme du pire. Nous l’avons remarqué dans le cas de la vérité et de la réconciliation. Nous sommes en train de vivre la vérité en ce moment même. Toutefois, nous ne savons pas à quoi cette réconciliation ressemblera. Nous ne le saurons pas tant qu’il n’y aura pas de jeunes Autochtones au sein des systèmes du pouvoir. Cela nous ramène aussi à de nombreuses mesures de planification de la relève, en ce qui concerne les chefs et les conseils, ainsi que les gouvernements métis. Il est important de veiller à ce que les jeunes Autochtones participent dès maintenant à ces processus, afin de garantir leur participation à cet égard à l’avenir.
Pour répondre à votre question, cela revient à la culture et à la garantie de pouvoir comprendre la langue autochtone en question et d’avoir accès à des renseignements sur qui ils sont et d’où ils viennent.
Le sénateur Arnot : Maintenant, je vais simplement poser très rapidement une question complémentaire. Swan River, au Manitoba, est une petite communauté du nord-ouest de la province. Comment avez-vous eu accès à votre culture et à votre langue là-bas? Y a-t-il une communauté métisse à Swan River? Dites-moi comment vous avez eu accès aux connaissances dont, selon vous, chaque enfant et chaque jeune Métis devraient bénéficier.
M. Langan : Tout dépend de la collectivité. Swan River se distingue par le fait que c’est une collectivité métisse. Il y a des réserves autour d’elle. C’est aussi une collectivité agricole. Il y a beaucoup d’Ukrainiens.
C’est une collectivité distincte où la prospérité passe par la collaboration des divers éléments. Cela nous ramène au centre d’amitié. Le centre d’amitié local était comme une deuxième maison pour moi. J’y ai appris comment accéder aux ressources offertes. Même lorsque nous nous réunissions pour le bingo, nous parlions d’apprentissage, de perlage et de gigue. Toutes ces activités étaient offertes au centre local.
J’ai appris à connaître ma culture, mais aussi d’autres cultures. Cela a été extrêmement important pour me comprendre moi-même, mais aussi pour comprendre mes voisins.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie de m’avoir éclairé.
La sénatrice White : Merci, monsieur Langan, de votre exposé. Je l’ai bien aimé. J’ai deux questions à vous poser. Si vous répondez « oui » à la première, il y aura une deuxième question. Si vous répondez « non » à la première, la deuxième question sautera.
Nous avons entrepris cette étude sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA. Nous avons reçu la présidente du Conseil provincial de la jeunesse métisse, Autumn Laing-LaRose. Dans son témoignage, elle a déclaré que les changements climatiques étaient l’un des plus grands problèmes qui s’imposaient aux jeunes Autochtones, et en particulier aux jeunes Métis.
Ma première question est la suivante : êtes-vous d’accord avec le choix de cette priorité?
M. Langan : Oui, je le suis.
La sénatrice White : D’accord. Il y a maintenant une deuxième question. Vous avez répondu à la première.
Vous avez beaucoup parlé de réconciliation et votre point de vue à ce sujet m’a beaucoup fasciné. Comment pouvons-nous concilier vos points de vue sur les changements climatiques et la réconciliation? Comment pouvons-nous concilier les deux?
M. Langan : Bien sûr. Je vous remercie de votre question.
Il s’agit en grande partie de savoir à quoi ressemble un pays qui mérite d’être réconcilié. Je crois que c’est quelque chose qui est loin dans le futur, mais on pourrait mettre un astérisque à côté de cet enjeu, qui renverrait à la question suivante : aurons-nous cet avenir, en particulier en ce qui concerne les changements climatiques? Vous ne pouvez donc pas parler de la jeunesse ou de l’avenir sans parler des changements climatiques, car c’est l’éléphant dans la pièce.
Malheureusement, il y a quelques années, les changements climatiques faisaient vendre. Tout le monde y pensait. Aujourd’hui, la préoccupation est toujours là, mais le sujet n’est plus aussi pertinent qu’il l’était. Il est également très difficile d’aborder la question des changements climatiques autour de la table à dîner. On ne peut pas vraiment faire cela à moins de vouloir déclencher une bagarre ou quelque chose du genre.
J’ai eu le privilège de participer à des discussions sur l’Arctique. L’Arctique est certainement un élément important de la politique qui doit être abordé. J’ai assisté à un dialogue entre des jeunes de l’Union européenne et des jeunes de l’Arctique. Nous avions des jeunes des États-Unis, de Norvège, des jeunes Samis, des jeunes autochtones et des jeunes de l’Arctique. Ce que nous avons réalisé — et cela fait partie des recommandations que nous avons faites à l’Union européenne —, c’est que vous ne pouvez pas parler de l’Arctique si vous ne parlez pas des peuples autochtones. L’Arctique et les peuples autochtones sont en symbiose, et une fois que nous aurons compris cela et que nous aurons compris les liens des peuples autochtones avec la terre, nous comprendrons mieux pourquoi les changements climatiques sont assurément au premier plan des préoccupations. Nous vivons selon les principes des Haudenosaunee — les principes de la septième génération. C’est quelque chose que j’aime suivre et dont j’aime parler, parce que même si cela ne fait pas nécessairement partie de ma culture particulière, cela s’applique à ma vie. Il s’agit d’un principe très sage pour garantir une communauté et un monde où l’air est sain et respirable. Dans sept générations, nous aurons une communauté qui méritera d’être réconciliée.
Cela montre bien à quel point il est important de nous attaquer aux changements climatiques.
Nous pouvons le répéter à l’infini, et cela ne surprendra personne. Or, comment devons-nous procéder compte tenu des structures que nous avons maintenant et des systèmes qui sont si bien établis? C’est la question que se posent de nombreux jeunes Autochtones. Je sais à quel point le changement presse, surtout pour les jeunes, mais c’est là qu’un engagement comme celui-là entre en jeu : un engagement à comprendre les gens qui sont sur le terrain au sein des collectivités. Nous devons comprendre comment nous pouvons travailler ensemble pour réaliser ce changement par l’intermédiaire de ces systèmes et d’un dialogue comme celui-ci.
La sénatrice White : Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Monsieur Langan, merci. Ce que vous avez dit est absolument fascinant, de même que votre propre parcours pour trouver le soutien dont vous aviez besoin par l’entremise d’un centre d’amitié. D’autres jeunes nous ont dit la même chose que vous en soulignant à quel point les centres d’amitié peuvent être essentiels, surtout lorsqu’on n’a pas grandi avec eux dans sa propre vie au sein de la collectivité.
Vous nous avez mis au défi. Vous avez parlé d’une plus grande participation des jeunes aux prises de décisions et du besoin de confiance et de plateformes pour cette participation. Vous voilà donc ici. En tant que sénateurs réunis à cette table, ce que nous vivons ici a une incidence considérable. Vous allez tous partir, n’est-ce pas? J’aimerais beaucoup vous entendre sur la manière dont le Sénat pourrait mieux soutenir son engagement auprès des jeunes tout au long de l’année. Pas seulement une fois l’an. Avez-vous des idées à ce sujet?
M. Langan : Il est certain que des occasions comme celle-ci sont cruciales. J’applaudis le Sénat du Canada de cette occasion qu’il nous donne et pour son existence. Ce n’est assurément pas quelque chose que nous voyons du côté de la Chambre — je vais le dire.
La façon dont nous soutenons le dialogue crucial qui se déroule ici aujourd’hui conditionne ce qui se produira demain. Qu’apportons-nous aujourd’hui? Que se passera-t-il avec les renseignements que nous vous donnons? Cette information servira-t-elle à formuler certaines recommandations? Cela permettra-t-il de mieux comprendre une étude? Il faut expliquer aux jeunes Autochtones et au public les résultats de ce dialogue et veiller à ce que le temps passé ici en vaille la peine, attendu que ce dialogue entraînera des changements dynamiques sur le terrain.
Je sais que les budgets sont limités, et je sais que les budgets sont importants, mais nous vivons à l’ère de la communication active en ligne. Si vous avez la possibilité de fournir un bulletin d’information ou des recommandations politiques, ou même d’impliquer activement les jeunes Autochtones dans le processus politique et dans ce que fait le Sénat, faites-le. Il est en effet crucial, non seulement pour les jeunes Autochtones, mais pour tous les jeunes, de comprendre le rôle des électeurs, les procédés qui existent dans ce pays et la façon dont ces procédés nous touchent concrètement. Cela vaut également pour S’ENgage. Il serait possible de fournir une perspective autochtone étayée dans le matériel de communication de S’ENgage et dans tout ce qui s’y rattache. Ce n’est qu’un premier pas, mais j’ai bon espoir pour l’avenir dans des domaines comme celui-là. Merci.
Le président : Rapidement, monsieur Langan — vous avez demandé ce qu’il adviendra des renseignements communiqués ici. Eh bien, nous produirons un rapport, alors gardez l’œil ouvert.
M. Langan : J’ai hâte d’en prendre connaissance.
La sénatrice Sorensen : J’ai fait quelques recherches sur O’KANATA. Parlez-nous un peu de Dreamweavers, qui est un système de soutien postsecondaire, si j’ai bien compris.
M. Langan : Oui, O’KANATA, vous avez compris. Il s’agit d’un programme qui est entièrement autochtone et qui est dirigé par des jeunes. Nous l’avons lancé au Manitoba. Il a été constitué en société en janvier 2023, mais nous l’avons lancé avec de jeunes Autochtones des collectivités rurales. Je ne sais pas si vous connaissez bien le Manitoba, mais mes parents ont grandi dans les bois — à Barrows, Mafeking, The Pas, Thompson. Avec O’KANATA, et plus particulièrement avec Dreamweavers, nous voulons rejoindre les jeunes de toutes ces communautés.
Cela vient de l’expérience que j’ai vécue en passant d’une collectivité rurale à un centre urbain comme Winnipeg. Même si je suis un leader dans ce domaine, je n’ai pas toujours été comme ça. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires, je suis allé à l’université pendant un mois, mais j’ai dû renoncer à mes études parce que j’avais trop de difficulté. Quand je suis retourné dans ma collectivité, j’ai eu l’impression d’être un vrai perdant. J’ai l’impression que la première chose que beaucoup de jeunes des petites villes veulent faire lorsqu’ils obtiennent leur diplôme — et je pense que nous y avons fait référence plus tôt —, c’est de quitter leur patelin pour se lancer à l’assaut du monde. Dreamweavers s’efforce de changer ce discours en montrant qu’il n’est pas nécessaire d’aller dans un centre urbain et de laisser sa communauté derrière soi. Il y a des débouchés, surtout avec l’apprentissage à distance. Il n’y a pas de honte à aller dans une école de métiers. J’y suis allé. En fournissant un soutien en matière de santé mentale et de l’aide pour le passage de la campagne à la ville à ceux qui s’engagent activement dans un processus tel que l’université ou autres études postsecondaires, Dreamweavers veille à ce que les jeunes Autochtones bénéficient d’un soutien pendant leurs études universitaires, mais aussi après, en établissant des liens avec le marché du travail. C’est un espace que nous voulions combler, car nous avons souvent remarqué que les jeunes Autochtones sont livrés à eux-mêmes lorsqu’ils obtiennent leur diplôme d’études postsecondaires. Dreamweavers essaie de mettre les jeunes Autochtones en contact avec des sociétés — Walmart, Starbucks — qui souhaitent ardemment les voir s’engager auprès d’elles, mais qui manquent d’aide à cet égard et qui ne connaissent pas nécessairement la bonne façon de les mobiliser.
La sénatrice Hartling : Merci, monsieur Langan. C’est formidable. Vous nous fournissez beaucoup de bons renseignements. Vous avez parlé des jeunes et de leur désir de rencontrer leurs leaders, du fait qu’ils sont motivés et qu’ils veulent du changement. Je pense que c’est tout à fait vrai, mais d’un autre côté, vous avez parlé des problèmes de santé mentale et des obstacles systémiques. Pouvez-vous approfondir ce point pour nous? Ce que vous avez dit est vrai. Le fait de venir une fois par an ne suffit pas. Les jeunes doivent venir plus souvent parce que nous apprenons tellement de choses. Pouvez-vous approfondir cet aspect des obstacles et des problèmes de santé mentale?
M. Langan : Bien sûr, et cela vaut la peine d’en parler. Ce que nous avons remarqué ici aujourd’hui et, j’en suis sûr, ce que nous ont dit d’autres jeunes leaders autochtones, c’est que même si nous venons de collectivités et de cultures différentes, nous partageons tous les mêmes problèmes, mais aussi les mêmes réussites. Toutes nos collectivités ont certains aspects reluisants et d’autres qui sont plus sombres.
Les problèmes que j’ai vus s’inscrivent dans un système plus vaste, celui des laissés-pour-compte. Bien sûr, les traumatismes ressentis sont une question importante dont il faut en parler. Il s’agit des Premières Nations dans les réserves, des Métis dans les établissements, des Inuits dans l’Arctique et de leur isolement, de l’absence de connectivité à Internet et de leur isolement subséquent — de l’absence d’occasions spéciales comme celle-ci. C’est en s’engageant activement auprès de ces collectivités, des collectivités rurales, nordiques et isolées, que les jeunes Autochtones comprennent que des occasions spéciales comme celle-ci existent et qu’il y a de l’espoir pour eux.
Vous pouvez être ce que vous voulez. Je sais que cela peut paraître cliché, mais c’est une chose à laquelle je crois fermement. Les jeunes Autochtones peuvent être tout ce qu’ils veulent. J’aspire à ce qu’un jour, le fait qu’une personne autochtone occupe une certaine fonction ne soit pas considéré comme une réussite, mais comme quelque chose de normal. C’est une réalité que j’attends assurément avec impatience.
Le sénateur Prosper : Merci beaucoup pour tout ce que vous nous avez apporté.
J’ai une question simple parce qu’elle porte sur un aspect qui a été déterminant pour mon enfance, mon approche et mon parcours dans la vie. Vous avez parlé de réconciliation et d’autonomisation. Je voudrais me pencher sur la question de l’autonomisation et sur le lien que vous avez fait plus tard avec la culture, l’identité et la langue. Pouvez-vous me dire comment vous voyez ce lien entre l’autonomisation et la culture, l’identité et la langue?
M. Langan : Bien sûr. Je le constate souvent chez les jeunes Autochtones. Certains sont terriblement coupés de leur identité et de leurs origines. Nous avons vu les pensionnats, nous avons vu les tombes et nous avons vu qu’il y a beaucoup d’autres problèmes, notamment en ce qui a trait à la police. Imaginez l’effet que cela peut avoir sur l’état d’esprit d’un Autochtone de se voir dépeint dans le traumatisme et les dégâts du pays dans lequel il se trouve. Une fois qu’il comprend la beauté de ce qu’il est, de l’endroit d’où il vient, de sa langue et de sa culture, il voit qu’il n’y a pas qu’une seule façon de représenter sa culture.
Je porte ceci. C’est ma mère qui l’a fait, mais il n’y a pas qu’une seule façon d’être autochtone. Je pense que cela va bien au-delà de la culture. C’est l’esprit. C’est l’essence du lien profond avec nos ancêtres, notre communauté et nos origines, et le fait d’utiliser cela non pas comme un élément négatif, mais comme un élément positif et comme un moyen de s’engager activement dans le monde en se servant de sa collectivité. C’est la raison pour laquelle je m’exprime avec autant d’insistance au sujet de Swan River. Je ne l’ai jamais fait, mais je suis fier de venir de cette collectivité, de ce que j’ai appris et de ce avec quoi je me suis battu.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie.
La sénatrice McPhedran : En tant que sénatrice du Manitoba, j’apprécie particulièrement cette occasion qui nous est donnée. Monsieur Langan, j’aimerais revenir sur le point soulevé par le sénateur Prosper, mais sous un angle différent. En ce qui concerne l’autonomisation des jeunes, avez-vous des idées sur l’âge de voter pour les jeunes, y compris pour la gouvernance locale au sein des communautés autochtones, mais aussi dans le contexte du Canada?
M. Langan : Je vous remercie de votre question. J’ai bien sûr réfléchi longuement à cette question qui touche la mobilisation des électeurs.
Comme nous l’avons vu lors des élections provinciales et fédérales, il est très difficile pour les peuples autochtones de participer au vote. Pour prendre part à un système colonial, il faut apprendre. Je suis allé sur la Colline. Je continue d’apprendre. J’apprends encore comment les choses fonctionnent et tout le reste. Sauf qu’en ce qui concerne l’âge de voter, je crois vraiment qu’à l’époque où nous vivons, avec l’information numérique à portée de main et l’énorme quantité de connaissances dont nous disposons sur tous les aspects d’une question, les jeunes comprennent plus souvent leur place dans le monde et les politiques actives et les engagements qu’ils peuvent percevoir. Si l’abaissement de l’âge de voter peut renforcer cet engagement et garantir que davantage de jeunes participent aux processus démocratiques, je pense que c’est une bonne chose.
Cela dit, il faut aussi veiller à ce que les jeunes aient la possibilité de comprendre les institutions elles-mêmes et de s’y engager activement, non seulement au Sénat, mais aussi à la Chambre des communes. Pour les jeunes Autochtones en particulier, c’est une difficulté supplémentaire que de comprendre la place des Autochtones sur la Colline, à quoi cela ressemble et comment les Autochtones peuvent construire un avenir où ils ne sont plus qu’à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur d’un système bien établi. Ils ont parfois de la difficulté à saisir comment nous pouvons améliorer ce système.
Le président : Le temps imparti à ce témoin est maintenant écoulé. Je tiens à vous remercier, monsieur Langan, de votre témoignage de ce soir. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J’aimerais vous présenter notre dernier témoin de la soirée. Brett Recollet est un Anishinabe de la Première Nation de Whitefish River, sur l’île Manitoulin, en Ontario. En tant qu’agent de soutien autochtone pour un conseil scolaire, il défend les intérêts des élèves autochtones dans le système éducatif occidental. M. Recollet fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, après quoi les membres du comité auront des questions à lui poser.
Brett Recollet, à titre personnel : [Le témoin s’exprime en langue autochtone]
Je m’appelle Brett Recollet. Je suis un fier Anishinabe bispirituel du clan de l’ours et un membre de la Première Nation de Whitefish River qui a un lien direct avec [difficultés techniques] territoire non cédé visé par les traités Robinson-Huron de 1850.
J’ai grandi, entouré de l’amour et des encouragements des quatre plus fortes et plus belles femmes de ma vie : ma mère, Angela Recollet, ma sœur, Dakota Recollet, ma grand-mère, Elizabeth Recollet, et mon arrière-grand-mère, Annie Recollet. Quatre générations de femmes m’ont précédé. Elles m’ont appris à devenir un homme fort et doux. Elles m’ont appris à être un leader à ma façon pour ma famille, mes amis et ma communauté.
Je suis titulaire d’un diplôme en travail social du Collège Georgian et j’en suis à mon dernier semestre en vue d’un diplôme de premier cycle en travail social autochtone à l’Université Laurentienne. J’ai l’intention de poursuivre mon parcours éducatif en faisant une maîtrise axée sur la sécurité culturelle dans l’éducation autochtone.
Je suis ici aujourd’hui pour parler de l’intelligence autochtone, d’un point de vue anishinabe, dans le domaine de l’éducation, et je crois que l’éducation occidentale ne détient pas le monopole du savoir.
Les accords initiaux des traités conclus avec la Couronne, c’est-à-dire le gouvernement, et le Canada visaient à honorer nos modes de connaissances incarnant l’intelligence autochtone. Cela comprenait l’éducation, la santé, les ressources terrestres, la gouvernance et plus encore. Ce n’est qu’aujourd’hui que nous constatons que le Canada maintient sa position à l’égard des traités. Songeons, par exemple, à la récente décision relative au litige sur les annuités découlant des traités Robinson-Huron de 1850.
Je ne suis pas ici pour défendre la division entre l’éducation occidentale et l’éducation autochtone. Je crois plutôt qu’il faut intégrer les deux approches pour enrichir notre compréhension commune. Le système occidental a ses mérites, mais il y a une lacune évidente dans la façon dont les connaissances et l’histoire autochtones sont représentées, non seulement dans l’éducation de la maternelle à la 12e année, mais aussi dans les programmes postsecondaires.
Bien que certains programmes offrent des cours axés sur les Autochtones, il est impératif que tous les apprenants, quel que soit leur domaine d’études, reçoivent des connaissances fondamentales sur les traités, les pensionnats et l’histoire autochtone. Les infirmières, les avocats, les enseignants, les dentistes, les géologues, et j’en passe, sont tous des professionnels qui, tôt ou tard dans leur carrière, interagiront avec des communautés autochtones. Comment pourront-ils le faire avec respect et efficacité s’ils ne sont pas exposés à cette éducation essentielle pendant leur formation?
L’appel à l’action no 62 de la Commission de vérité et réconciliation demande aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, en consultation et en collaboration avec les survivants, les peuples autochtones et les éducateurs, de rendre obligatoire, pour les élèves de la maternelle à la 12e année, l’établissement d’un programme adapté à l’âge portant sur les pensionnats, les traités, de même que les contributions passées et contemporaines des peuples autochtones à l’histoire du Canada.
Il s’agit d’un appel à l’action essentiel, mais sa mise en œuvre demeure inégale. Je peux constater de première main l’hésitation des éducateurs au sein de nos systèmes scolaires. Nombre d’entre eux ne se sentent pas préparés à enseigner l’histoire des pensionnats, craignant dire ce qu’il ne faut pas ou estimant ne pas avoir l’expérience vécue nécessaire pour rendre justice à ce sujet. Cependant, au lieu d’éviter le sujet ou de compter sur le personnel autochtone pour assumer ce fardeau, j’encourage ces éducateurs à accepter l’inconfort. C’est en sortant de notre zone de confort que nous pouvons progresser. J’ai un profond respect pour tous les professionnels qui s’engagent à améliorer leur compréhension des récits et des expériences des Autochtones. Ce sont tous de véritables alliés des premiers peuples de ce pays.
Mon objectif est de rendre hommage au travail de nos ancêtres et de faciliter le transfert des connaissances aux générations futures afin d’habiliter les jeunes leaders autochtones partout au Canada. Je suis déterminé à faire entendre la voix des jeunes et à les aider à accepter leur identité en tant que membres des peuples autochtones du territoire qui forme aujourd’hui le Canada. J’envisage la création d’un comité national de jeunes leaders autochtones dont le mandat serait d’examiner des questions cruciales et de mettre en commun des stratégies visant à renforcer les relations entre les peuples autochtones et les Canadiens. Ce travail peut être guidé par l’approche à double perspective, qui intègre les points forts des visions occidentales et autochtones traditionnelles.
Nous en avons eu la preuve aujourd’hui même avec les autres témoins derrière moi. Chi-meegwetch pour le courage et la sagesse dont ils ont tous fait preuve en racontant leur histoire. Je vous remercie de votre attention et vous invite à prendre part à ce cheminement vers une véritable réconciliation en instaurant un système d’éducation qui non seulement reconnaît, mais célèbre le savoir autochtone et notre histoire commune. Meegwetch.
Le président : Je vous remercie de votre déclaration préliminaire, monsieur Recollet. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
Le sénateur Arnot : Monsieur Recollet, compte tenu de l’importance que vous accordez à la voix des jeunes, quels conseils donneriez-vous aux jeunes Autochtones qui cherchent à améliorer les choses dans leur communauté et au-delà, comme vous l’avez fait vous-même jusqu’ici?
M. Recollet : Il y a encore beaucoup de guérison à faire dans nos communautés pour nos jeunes Autochtones. Personnellement, j’ai eu le privilège de vivre la vie que j’ai vécue grâce aux femmes fortes dont j’ai parlé plus tôt et qui m’ont fourni les outils et les ressources nécessaires pour être là où je suis aujourd’hui. Beaucoup de jeunes dans nos communautés ne sont pas aussi privilégiés, mais je sais qu’ils sont tous résilients et forts et qu’ils réussiront à atteindre leurs objectifs.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion, monsieur Recollet. Nous avons eu une bonne discussion hier soir aussi; d’ailleurs, il se peut que nous ayons des connaissances communes dans la région de Whitefish River, en Ontario, un magnifique coin de pays. Je suis impressionnée par ce que vous avez dit au début de votre exposé. Vous avez raison : vous avez le privilège d’avoir été entouré de ces femmes fortes qui ont su discerner votre force et qui vous ont aidé à la mettre en valeur, comme vous l’avez dit, pour devenir un homme fort et doux. J’aime que ces deux qualités coexistent en vous et que vous en reconnaissiez le pouvoir.
Vous parlez beaucoup de l’éducation et de la fusion des modes de savoir et d’apprentissage autochtones et occidentaux. Je crois que votre travail ne se limite pas nécessairement à un conseil scolaire autochtone, n’est-ce pas? Faites-vous partie d’un conseil scolaire occidental?
M. Recollet : Oui.
La sénatrice Coyle : Je suis curieuse à ce sujet, car il y aurait un certain nombre d’élèves autochtones. Vous êtes à Sudbury?
M. Recollet : Oui.
La sénatrice Coyle : C’est donc dans le système scolaire ordinaire. Pourriez-vous nous parler un peu de ce que vous jugez le plus important? Bien sûr, ce que vous voulez, c’est la réussite de ces jeunes. Vous voulez qu’ils se sentent, comme vous l’avez dit, en sécurité dans ce milieu. Plus que tout, vous voulez qu’ils se sentent interpellés. Vous voulez qu’ils s’épanouissent. À votre avis, de quoi ont surtout besoin les jeunes auprès de qui vous travaillez pour qu’ils puissent réaliser leur plein potentiel?
M. Recollet : Oui, exactement. Je travaille dans un système public d’éducation occidentale, de la maternelle à la 12e année, en tant qu’agent de soutien autochtone. Au cours des quatre dernières années, j’ai travaillé dans une école secondaire, de la 9e à la 12e année. Récemment, j’ai commencé à travailler dans une école primaire, de la maternelle à la 8e année. J’ai donc l’occasion de rencontrer des jeunes de tous les âges et de les entendre parler de leurs histoires et de leurs origines. Dans notre région, à Sudbury, dans le Nord de l’Ontario, il s’agit d’un milieu scolaire urbain. Beaucoup de nos élèves sont des Autochtones qui vivent hors réserve, et bon nombre d’entre eux sont aux prises avec des difficultés et issus de milieux différents; ils viennent d’horizons très diversifiés.
Mon rôle et ma priorité, c’est de veiller à ce qu’ils se sentent écoutés, surtout dans une école primaire où les élèves parlent déjà un peu des pensionnats, contrairement aux enseignants. Je suis censé être là pour défendre les intérêts de ces élèves et assurer un climat de sécurité pour qu’ils puissent s’exprimer, eux aussi.
La sénatrice Sorensen : Je vais poursuivre dans la même veine. J’ai récemment rencontré des représentants de l’Association canadienne des commissions/conseils scolaires pour parler de l’éducation autochtone. L’une des questions qu’ils ont soulevées était l’écart troublant dans les taux de diplomation au niveau secondaire entre les Autochtones et les non‑Autochtones. Vous avez une expérience de première main en la matière. Bien sûr, de nombreux facteurs y contribuent : le racisme, la pauvreté, le manque d’accès aux ressources pédagogiques, ainsi que des méthodes d’enseignement insuffisamment adaptées à la culture. En fait, j’insiste pour que nous menions une étude à ce sujet à un moment donné.
D’après votre expérience — et vous avez déjà plusieurs années à votre actif —, quels sont, selon vous, les problèmes les plus urgents qui créent des obstacles pour les élèves autochtones du secondaire et dans le système scolaire occidental en milieu urbain? J’aimerais aussi que vous nous parliez un peu plus du concept de sécurité culturelle dans l’éducation autochtone et de la façon dont cela pourrait servir à soutenir les élèves autochtones du secondaire.
M. Recollet : Exactement. J’allais moi aussi aborder le sujet en parlant des statistiques sur le pourcentage de diplomation chez les élèves autochtones par rapport aux élèves non autochtones. L’écart entre les deux est très grand. Pourtant, il y a tellement de ressources qui pourraient être créées et utilisées pour que les élèves autochtones éprouvent un sentiment d’appartenance, mais rien de tel n’a encore été mis en œuvre. Pour réussir dans un établissement et un système qui ne leur appartiennent pas traditionnellement, ils doivent d’abord trouver cette force en eux-mêmes et au sein de leur communauté.
De nombreux élèves avec qui j’ai travaillé viennent du système de placement en famille d’accueil et du système de protection de l’enfance, et ils ne connaissent pas leurs origines. Ces systèmes ne sont même pas dirigés par des Autochtones. Ils reposent sur des principes occidentaux. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que nos élèves autochtones réussissent dans un tel système d’éducation lorsqu’il y a tant de problèmes plus importants auxquels ils doivent faire face sur le plan individuel?
La sénatrice Sorensen : Je suis curieuse. Pensez-vous que le conseil scolaire pour lequel vous travaillez a accès à certaines de ces données qui démontreraient l’écart?
M. Recollet : Oui, je suis sûr que le conseil scolaire a des données.
La sénatrice Sorensen : Nous communiquerons peut-être avec vous.
M. Recollet : Oui. J’en serai ravi.
La sénatrice White : Merci, monsieur Recollet, de votre travail et merci aussi d’aider nos enfants à se forger une nouvelle mémoire, car c’est l’essence même des principes de la septième génération. Je vous en remercie.
Je suis curieuse d’en savoir plus sur le poste que vous occupez et la façon dont il a vu le jour. Savez-vous s’il existe d’autres postes semblables? Ce rôle est-il appuyé par les communautés autochtones? Ou est-ce quelque chose qui a été créé par le conseil scolaire parce qu’il a constaté un besoin? Si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet, ce serait utile.
M. Recollet : Oui. Parlez-vous précisément de mon poste au sein du conseil scolaire en tant qu’agent de soutien autochtone? Oui. Dans le Nord de l’Ontario, il y a beaucoup d’Autochtones. Dans mon école en particulier, le conseil scolaire compte probablement plus de 3 500 élèves autochtones. Il s’agit d’un grand conseil scolaire à Sudbury, en Ontario.
Le besoin était dû à ce nombre d’élèves. Il y avait un directeur de l’éducation autochtone au sein du conseil scolaire, et ce poste a été créé il y a plus de 15 ans. Par conséquent, les agents de soutien autochtones sont là depuis 15 ans. On les appelait auparavant des travailleurs de soutien autochtones. On aime toujours changer nos titres. On nous appelle maintenant des agents de soutien autochtones. Dans le cadre de ce rôle, on a montré l’importance et la nécessité de cette fonction en raison du nombre d’élèves autochtones inscrits dans ce système scolaire.
La sénatrice White : Avez-vous des relations avec les communautés? Je pense aux conseils de bande, et cetera.
M. Recollet : Dans le cadre de notre rôle de soutien auprès des Autochtones, nous travaillons beaucoup à établir des partenariats communautaires. L’un de nos centres de soins de santé autochtones est le Shkagamik-Kwe Health Centre. Nous avons également un centre d’amitié. Il y a aussi un certain nombre de programmes de soutien aux Autochtones dans les services de police, les municipalités et, en tant que petite ville, nous unissons nos efforts pour trouver des ressources et des moyens afin d’appuyer nos jeunes en général. Par exemple, il y a une école alternative à Shkagamik-Kwe. Nous avons des ressources pour les élèves autochtones parce que certains d’entre eux n’apprennent pas forcément selon le modèle occidental. Nous avons d’autres moyens, qui favorisent davantage l’apprentissage axé sur la terre. Nous avons aussi des camps de chasse pour nos jeunes afin de leur permettre d’apprendre leur propre culture et de développer leur propre sentiment d’appartenance.
La sénatrice White : C’était très utile. Je vous remercie.
La sénatrice Martin : Je vous remercie de votre exposé de ce soir. J’ai eu l’honneur de parler de vous au Sénat aujourd’hui. En ce qui concerne le poste d’agent de soutien autochtone ou son équivalent, je sais qu’en Colombie-Britannique, où j’ai été enseignante pendant 21 ans et où mon mari est actuellement enseignant, la plupart des districts scolaires sont dotés de tels experts, qui se rendent dans les écoles ou qui y sont affectés. Ma question comporte deux volets : d’après vous, quels sont certains des programmes précis qui ont connu beaucoup de succès? Vous avez parlé des camps de chasse — je trouve cela très intéressant. Faites-vous aussi du perfectionnement professionnel? Existe-t-il un réseau de personnes qui occupent le même poste que vous afin que vous puissiez mettre en commun des pratiques exemplaires et des idées?
M. Recollet : Pour les Autochtones ou pour n’importe qui?
La sénatrice Martin : Pour les agents de soutien autochtones.
M. Recollet : Non, en fait, à titre d’agents de soutien autochtones, nous n’avons pas encore eu l’occasion de faire du perfectionnement professionnel parce que, dans le système occidental, tout est encore très rigide. Nous devons suivre les journées pédagogiques, et le conseil scolaire décide de ce qu’il faut faire ces jours-là. En tant qu’agent de soutien autochtone, si je voulais inviter mes élèves autochtones à un camp de chasse pendant une semaine, je serais obligé d’utiliser mes jours de congé.
La sénatrice Martin : Il reste encore du travail à faire.
M. Recollet : En effet, il reste encore beaucoup à faire.
La sénatrice Martin : Le soutien dont vous avez besoin en tant que travailleur indépendant est plus important.
M. Recollet : D’accord.
La sénatrice Martin : Vous êtes donc un précurseur. Continuez à faire du bon travail, et je pense qu’il y a encore beaucoup à explorer dans ce domaine.
M. Recollet : Je suis bien d’accord.
La sénatrice McPhedran : Je vous remercie de votre attention. Monsieur Recollet, j’aimerais explorer avec vous la même question que celle que j’ai posée à M. Langan. Je voulais vous demander, et cela concerne probablement surtout votre expérience au sein d’établissements d’éducation secondaire, si vous pensez que le fait de voter plus tôt ferait une différence dans le sentiment d’autonomisation des jeunes étudiants autochtones qui pourraient à présent envisager de voter dès l’âge de 18 ans, et j’inclus les élections locales pour le conseil, mais aussi pour le gouvernement canadien?
M. Recollet : Je suis d’accord dans le sens où le vote devrait avoir lieu à n’importe quel âge et dans n’importe quelle capacité que nous voulons donner en exemple. Ce n’est pas une question d’âge; il s’agit plutôt d’une question de compréhension et de connaissance du terrain. Quel type d’éducation reçoivent-ils et qui est équipé pour prendre ces décisions sur ce qu’il convient de voter? Je ne sais plus exactement où j’en suis.
La sénatrice McPhedran : D’accord, je vous remercie.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie, monsieur Recollet. Votre témoignage est fort pertinent. Vous savez, j’envisagerai probablement différemment les prochaines séances du comité, car je m’inspire beaucoup de ce que j’ai entendu au cours de ces discussions. Il y a beaucoup de corrélations avec mon enfance, car je dois admettre que mon estime de soi était faible, et ce n’est qu’à l’université — croyez-le ou non —, que j’ai commencé à en apprendre davantage sur ma culture et mon histoire, et c’est incroyable ce qui peut arriver à une personne lorsqu’elle est dotée de ces connaissances.
Vous parlez du sentiment d’appartenance, et dans notre langue il y a un dicton : danwetabik sulti. Il s’agit en fait de savoir où sont vos racines, et les gens savent d’où ils viennent. Je me demande si vous pouvez nous en parler. Pourriez-vous nous faire part de conseils basés sur vos expériences, car je suis certain que vous en avez beaucoup sur la manière dont ce sentiment d’appartenance permet à un jeune autochtone d’acquérir les compétences nécessaires?
M. Recollet : Je peux même partager un récit personnel. Moi-même, on pourrait penser que j’ai eu un sentiment d’appartenance dès le départ, mais même avec le soutien que j’ai reçu en grandissant, j’ai grandi dans une société très blanche et hétéronormative, et tout au long de mes études primaires et secondaires, alors que je n’avais que 28 ans, on ne parlait pas d’eux. Je pense que nous avons eu droit à une demi-page dans le manuel d’histoire pour parler de l’histoire des peuples autochtones. Ce court chapitre est vraiment tout ce que je connaissais. Si ce n’était de ma famille, de ses enseignements et de ses leçons, je n’en saurais pas plus avant d’avoir obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires.
En fait, j’avais vraiment honte de ce que j’étais jusqu’à ce que je termine mes études secondaires, parce que j’étais la seule personne brune dans mon cercle d’amis, qui étaient des gens exceptionnels, et aucun d’entre nous ne considérait la couleur de notre peau comme une différence. Nous regardions simplement la personne qui était en nous, et nous nous entendions bien parce que nous avions grandi ensemble. Pour ma part, il m’a fallu attendre le début de ma vie d’adulte pour accepter qui j’étais réellement, et pour être fière de parler ma propre langue, que j’apprends encore. Je ne pense pas que j’arriverai un jour à parler couramment ma propre langue, ce qui est très regrettable, mais c’est ainsi que les choses se passent aujourd’hui.
À l’époque, même en parlant d’éducation et en expliquant pourquoi elle est si importante pour moi, l’éducation de type occidentale n’a jamais été mon point fort. Je n’étais pas très douée pour les études, et je n’aurais jamais pensé obtenir mon diplôme de fin d’études secondaires, sans parler de celui que j’obtiendrai dans les prochains mois. C’est une grande réussite pour moi. Ma motivation pour le faire était très... Il s’agissait réellement d’une situation en dents de scie. C’était donc vraiment une perspective individualiste. Tout le monde doit considérer la jeunesse en fonction de la personne, de la manière dont elle a grandi, des défis et des obstacles qu’elle a rencontrés, des défis et des obstacles que j’ai rencontrés et que j’ai surmontés. Même si je viens d’une famille très privilégiée avec des racines solides et que je sais d’où je viens maintenant, ce fut quand même tout un parcours du combattant pour moi. Meegwetch.
Le président : Le temps imparti à ce panel est maintenant écoulé. Je tiens à vous remercier à nouveau, monsieur Recollet, pour votre précieux témoignage.
Chers invités, chers collègues, nous voici arrivés au terme de notre réunion. Wela’lin, merci à chacun des participants du groupe Voix de jeunes leaders autochtones. Vos voix résonnent profondément, et je veux que vous sachiez que nous vous voyons, que nous vous entendons et que nous vous célébrons. Alors que vous poursuivez votre voyage en tant que leaders, n’oubliez pas la force que vous portez en vous, et l’impact que vous pouvez avoir dans vos communautés et au-delà. Je vous souhaite, à vous et à vos familles, le meilleur, et j’attends avec impatience le moment où nos chemins se croiseront à nouveau.
(La séance est levée.)