LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 8 février 2024.
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour tout le monde. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin, et je suis la présidente du comité.
Je vais présenter les autres membres qui sont avec nous aujourd’hui : le sénateur Loffreda, qui est notre vice-président; le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse; la sénatrice Audette, qui remplace le sénateur Gignac aujourd’hui; la sénatrice Marshall; la sénatrice Martin; le sénateur Massicotte; la sénatrice Miville-Dechêne; la sénatrice Petten; la sénatrice Ringuette; et le sénateur Carignan, qui est des nôtres aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi. Bienvenue.
Nous commencerons notre étude du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.
Nous avons le plaisir d’accueillir les représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Nous accueillons en personne, dans la salle : M. James Burns, directeur principal des Politiques, Direction générale de l’examen des investissements étrangers et de la sécurité économique; M. Mehmet Karman, analyste principal des politiques, Direction générale de l’examen des investissements étrangers et de la sécurité économique; M. Jamieson McKay, directeur général, Direction générale de l’examen des investissements étrangers et de la sécurité économique; et une personne que nous accueillons souvent ici au comité des banques, M. Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal, Secteur des stratégies et politiques d’innovation.
Bienvenue à tous. Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Nous commencerons par votre déclaration préliminaire, que M. Schaan présentera, si je ne me trompe.
[Français]
Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal, Secteur des stratégies et politiques d’innovation, ministère de l’Industrie, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vous remercie, madame la présidente et honorables sénateurs, de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-34, la Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.
Comme vous le savez, le Canada est l’une des principales destinations d’investissement étranger dans le monde. Chaque jour, notre gouvernement travaille main dans la main avec des entreprises de toutes tailles afin d’attirer encore plus d’investissements et de créer de meilleures possibilités économiques pour tous les Canadiens.
Le Canada reste une économie ouverte, mais notre pays est aussi, de plus en plus, la cible d’acteurs hostiles qui cherchent à acquérir des biens, des technologies et de la propriété intellectuelle pour arriver à leurs propres objectifs stratégiques, ce qui menace à la fois notre sécurité nationale et notre prospérité. Nous devons donc veiller à faire évoluer nos outils pour mieux nous défendre contre les menaces actuelles.
Pour protéger nos intérêts, sécuriser nos actifs et assurer la sécurité des Canadiens, nous mettons à jour les outils juridiques actuellement à notre disposition. L’année dernière, le ministre Champagne a présenté le projet de loi C-34, la Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada, afin de mettre à jour l’un de ces outils juridiques.
[Traduction]
Dans un esprit de collaboration entre les partis, les membres du Comité permanent de l’industrie et de la technologie ont collaboré avec des experts et travaillé sans relâche cette année pour peaufiner davantage le projet de loi devant vous aujourd’hui. Le comité s’est assuré que les modifications incluses dans le projet de loi sont équilibrées afin qu’elles puissent protéger la sécurité nationale du Canada sans paralyser les investissements étrangers bénéfiques.
J’aimerais décrire brièvement certaines des principales modifications, qui se répartissent en trois groupes.
Premièrement, plusieurs modifications amélioreront l’efficience et l’efficacité du processus d’examen en matière de sécurité nationale. Ces modifications comprennent des pouvoirs ministériels mis à jour pour prolonger les examens de sécurité nationale, pour ordonner des conditions provisoires lors d’un examen et pour accepter des engagements contraignants visant à atténuer le risque de préjudice à la sécurité nationale de la part de l’investisseur. En outre, une nouvelle exigence de dépôt avant la mise en œuvre d’investissements dans des secteurs sensibles offrira une visibilité supplémentaire au gouvernement sur ces transactions.
Le deuxième groupe de modifications se concentre sur l’amélioration de la transparence. Celles-ci, par exemple, clarifient la compétence en matière de ventes d’actifs pour les examens de sécurité nationale et améliorent la transparence en facilitant la divulgation d’informations et en ajoutant une exigence de déclaration aux parlementaires, y compris les sénateurs, par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
Le troisième groupe de modifications reflète l’accent mis par la commission parlementaire sur l’examen des avantages nets. Ces modifications garantissent que les investissements impliquant des entreprises d’État peuvent être soumis à un examen de l’avantage net s’ils sont dans l’intérêt public, quelle que soit la valeur de la transaction. D’autres modifications comprennent la clarification des facteurs pris en considération lors des examens de l’avantage net, en accordant une attention particulière aux droits de propriété intellectuelle créée grâce au financement du gouvernement et à l’utilisation et à la protection des renseignements personnels des Canadiens.
Ce nouveau projet de loi représente la plus importante mise à jour de la Loi sur Investissement Canada depuis 2009. En outre, ces modifications législatives ciblées renforceront la visibilité des investissements au Canada, amélioreront la transparence et aideront à assurer une plus grande certitude pour les investisseurs, en plus de veiller à ce que le Canada dispose d’importants pouvoirs pour prendre des mesures rapidement et au besoin.
[Français]
La Loi sur Investissement Canada confère de vastes pouvoirs pour intervenir et faire face aux risques pour la sécurité nationale qui peuvent découler des investissements étrangers. Ces modifications à la loi s’appuient sur des bases solides et des pouvoirs étendus, et améliorent les mécanismes du processus d’examen des investissements en matière de sécurité nationale.
L’ensemble de ces modifications législatives aideront le Canada à mieux bénéficier des investissements étrangers tout en renforçant notre capacité à agir rapidement et fermement pour réduire les risques en matière de sécurité nationale et économique.
Merci de votre attention.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Schaan.
Comme vous le savez, le sénateur Gignac est le parrain du projet de loi, mais il devait être à Washington aujourd’hui. Il m’a confié quelques questions. Je vais seulement en poser une, pour commencer.
Le ministre a expliqué que ce nouveau projet de loi prévoit une extension pour l’examen en matière de sécurité nationale — comme vous l’avez souligné —, en plus d’offrir une plus grande marge de manœuvre pour les mesures d’atténuation en matière de sécurité nationale, grâce à l’élimination de l’exigence du décret du gouverneur en conseil. De quelle façon cela permet-il d’améliorer l’efficience?
M. Schaan : Présentement, le processus des examens en matière de sécurité nationale est une approche séquentielle. Essentiellement, le test initial consiste à savoir si l’investissement futur soulève des préoccupations en matière de sécurité nationale. Cela déclenche donc une discussion et une conversation initiales avec les intervenants de la sécurité nationale sur la nature de l’investissement en question. Ensuite, le gouvernement doit déclencher le processus d’examen en vertu de l’article 25.1, pour prolonger la période et commencer l’examen en matière de sécurité nationale avec une demande de renseignements régulière.
La prochaine étape consiste à savoir s’il y a une possibilité que l’investissement puisse causer préjudice à la sécurité nationale, et le cas échéant, il y a un 90 jours de plus d’examens approfondis avec les intervenants en matière de sécurité nationale sur la nature de l’investissement.
La dernière étape prévue à l’article 25.3, lorsqu’il est conclu que l’investissement causerait préjudice à la sécurité nationale, donne la possibilité au Cabinet de prendre la décision finale de bloquer ou potentiellement de mettre fin à l’investissement.
L’étape intermédiaire de ce processus, actuellement, exige que le processus de prolongation soit décidé par le Cabinet au lieu que le ministre puisse simplement conclure que, dans les faits, il doit y avoir une prolongation du processus en raison des préoccupations en matière de sécurité nationale. En permettant au ministre de faire cela lui-même au lieu que ce soit au Cabinet de le faire, nous faisons essentiellement en sorte que le processus se déroule avec fluidité.
La présidente : J’y reviendrai.
Notre vice-président, le sénateur Loffreda, va maintenant ouvrir la période de questions.
Le sénateur Loffreda : Merci de votre présence ce matin.
Comme nous le savons tous, il est très important, peu importe le projet de loi, de consulter les principaux intervenants, surtout les intervenants clés. Combien de parties prenantes avez-vous consultées? Combien sont d’accord? Y a-t-il des intervenants principaux ou clés qui ont exprimé des préoccupations à l’égard du projet de loi?
M. Schaan : Je veux souligner quelques domaines d’importance. Évidemment, nous communiquons régulièrement avec le secteur de l’investissement et le milieu juridique relativement au fonctionnement de la Loi sur Investissement Canada. Il y a des points pour lesquels nous consultons régulièrement l’Association du Barreau canadien ainsi que les grands organismes de l’industrie en ce qui a trait à l’investissement au Canada. Le projet de loi C-34 est le fruit de ce travail continu. Le processus qui a donné lieu au projet de loi C-34 était ces conversations continues avec les groupes de l’industrie, le milieu universitaire et la société civile et aussi le milieu juridique.
Le commentaire numéro un que nous avons reçu par rapport à ce régime est qu’il doit être précis, et qu’il doit être prévisible. Il doit offrir le genre de certitude que recherchent les investisseurs, et tout cela — et vous m’excuserez, parce que je vais probablement reprendre cette analogie plusieurs fois aujourd’hui — créant de petites cours avec des barrières élevées pour ceux à qui on doit véritablement imposer les contraintes. Il faut qu’il soit clair qui est visé par les préoccupations et il faut nous assurer que l’examen de la question sera bien connu avant un investissement potentiel.
De façon générale, nous avons mené de vastes consultations, et les commentaires que nous avons reçus étaient généralement favorables. Le secteur de l’investissement en particulier veut s’assurer que nous offrons plus de certitude, et non moins, dans ce contexte.
Le sénateur Loffreda : Êtes-vous convaincu — pour reprendre ce que vous avez dit — que cela est précis et prévisible, avec une petite cour et des barrières élevées?
M. Schaan : Oui.
Le sénateur Loffreda : Et les principaux intervenants sont aussi convaincus que c’est le cas?
M. Schaan : Oui. En codifiant un certain nombre d’éléments du régime actuel dans le processus législatif, par exemple à l’égard des engagements contraignants, je pense que nous offrons réellement un niveau de certitude et de prévisibilité beaucoup plus grand, parce que nous disposons alors d’un mécanisme pour atténuer les risques en matière de sécurité nationale de manière officielle, et grâce au processus, tandis que le processus actuel ne permet pas de recourir à des engagements contraignants.
Il sera aussi possible d’apporter des modifications réglementaires, découlant de ce projet de loi, et il sera possible de consulter davantage les intervenants pour s’assurer que, surtout en ce qui concerne certains domaines de préoccupations spécifiques, cette précision s’appuie sur les consultations avec les parties concernées.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui.
J’aimerais avoir une vue d’ensemble, surtout en ce qui concerne l’examen des avantages nets.
Peut-être vous souvenez-vous de notre rapport intitulé La nécessité d’une stratégie en innovation pour une économie fondée sur les données. Dans ce rapport, nous avons constaté que nous ne suivons pas la tendance relativement aux changements vers une économie incorporelle. Nous avons aussi déclaré que :
En l’absence de changements stratégiques coordonnés et adaptés à la réalité de l’économie incorporelle, le Canada continuera d’assister à l’érosion des investissements nationaux et étrangers [...]
Voici la préoccupation que nous avons par rapport aux examens des avantages nets : accordons-nous suffisamment d’importance à la valeur élevée des actifs incorporels, dans la valeur utilisée pour calculer le seuil? Nous n’accordons donc pas suffisamment de valeur aux données, au Canada. Nous n’accordons pas suffisamment de valeur à la propriété intellectuelle. Une entreprise d’exploitation de ressources peut facilement dire : « Voici un actif corporel », mais nous n’avons pas cette même structure et ce même format. Je suis préoccupé par les niveaux des seuils. Si je regarde ce qui a été fait l’année dernière, il y a eu 1 000 examens en matière de sécurité et 8 examens des avantages nets. Est-ce que nos seuils sont suffisants, compte tenu de ce changement massif qui s’effectue à l’échelle mondiale et que nous peinons à suivre, c’est-à-dire le virage vers l’économie incorporelle?
M. Schaan : Oui. Il convient de souligner qu’il y a une distinction dans le seuil établi pour les examens des avantages nets entre ce qui provient des organismes et des pays avec lesquels nous avons conclu un accord commercial, pour ceux qui sont membres de l’Organisation mondiale du commerce et les sociétés d’État. La gradation pour ces groupes respecte les normes internationales dans le but de permettre la libre circulation des investissements entre des nations aux vues similaires et sert de façon générale à réduire le niveau de friction globale lorsqu’on tient pour acquis qu’un investissement est généralement favorable. Cela avantage énormément le Canada, parce que quand nos entreprises investissent à l’étranger, elles tirent aussi parti de cette même capacité de pouvoir investir à l’étranger et de voir leurs investissements être traités de la même façon qu’ils le seraient dans le régime des avantages nets.
Quant à savoir, de façon générale, si les seuils sont appropriés, nous les avons fixés selon les conventions internationales, ce qui veut dire qu’ils sont fondés sur nos engagements avec l’OMC. Cependant, lorsqu’il s’agit de sociétés d’État, le projet de loi prévoit une démarcation. Le comité a proposé un amendement selon lequel, dans le cadre d’un pays avec lequel nous n’avons pas d’accord commercial et qui détient une société d’État, nous pouvons déclencher un examen des avantages nets, peu importe l’importance de la transaction. S’il y a des préoccupations quant au fait qu’un investissement risque potentiellement de porter préjudice aux avantages nets du Canada, nous aurons la capacité d’entreprendre un examen de cet investissement.
De manière générale, pour revenir à votre premier point, où vous demandiez si les seuils étaient appropriés, les seuils sont fixés internationalement et s’inscrivent dans nos engagements globaux de rechercher des investissements et d’assurer la libre circulation des capitaux dans l’économie mondiale.
Pour ce qui est des actifs incorporels, j’ai deux réponses à votre question. Premièrement, nous avons la capacité d’examiner, en tout ou en partie, les ventes d’actifs à des investisseurs étrangers dans l’économie canadienne, tout cela pour des préoccupations de sécurité nationale, et pour les investissements qui satisfont aux critères relatifs aux avantages nets. S’il y a des préoccupations en matière de sécurité nationale relativement à l’ensemble de l’actif ou d’une partie, y compris les actifs incorporels, nous avons la capacité d’entreprendre un examen en matière de sécurité nationale. Comme le montrent les chiffres, c’est quelque chose que nous faisons. À dire vrai, sans vouloir divulguer de renseignements confidentiels concernant la Loi sur Investissements Canada, je peux dire que nous avons eu des cas qui concernaient indirectement et directement des actifs incorporels qui ont déclenché des préoccupations majeures, lorsqu’il y a eu un transfert d’actifs.
Si vous me demandez si je pense que le système financier, dans son ensemble, a été raisonnablement efficace pour établir la valeur appropriée des actifs incorporels, je répondrai qu’il y a du travail à faire, mais qu’il faut que le travail soit fait de manière collective; ce que je veux dire par là, c’est que — par exemple, pour la propriété intellectuelle et de l’insolvabilité, qui font aussi généralement partie de mes compétences —, la valeur des ensembles de données — et pas nécessairement ce qui contribue à la valeur marchande d’une entreprise, mais bien son utilisation potentielle — n’a pour l’instant pas une valeur actuarielle pleinement définie et qui correspondrait, je crois, à la réalité de l’économie incorporelle.
Le sénateur C. Deacon : Il y a environ 15 ans, j’ai participé à la vente d’une entreprise qui s’est vendue 400 fois la valeur de ses actifs corporels. Nous ne progressons pas. En coordination... j’aimerais vraiment qu’on me donne de l’information sur ce qui est fait — autrement dit, qu’est-ce qui est fait concrètement pour que l’on puisse s’assurer que nous commençons à progresser —, parce que nous n’accordons pas de valeur à nos données, même si nos données font partie des choses les plus précieuses au monde. Je pense que nous manquons le bateau, stratégiquement.
M. Schaan : Premièrement, l’importance de la transaction est un facteur qui est pris en considération pour le critère de l’examen des avantages nets. Ce ne sont pas seulement les actifs qui sont examinés : c’est la taille de la transaction elle-même. Si la transaction dépasse le seuil de l’examen des avantages nets, elle fait l’objet d’un examen des avantages nets, peu importe que les actifs en question correspondent ou non au seuil.
Deuxièmement, nous avons fait deux ou trois choses qui, selon moi, ont de la valeur. Par exemple, les modifications en cours visant à moderniser la protection de la vie privée vont, de nombreuses façons, tenir davantage compte des coûts et des avantages de la circulation des données dans l’économie, et je pense que cela va commencer à associer un prix à certaines de ces transactions.
Une chose qui a eu une incidence réelle a été le fait que le gouvernement a commencé à intervenir relativement aux prêts garantis par la propriété intellectuelle. Les prêts garantis par des actifs incorporels, accordés par la Banque de développement du Canada, sont une manière utile pour nous de prendre l’initiative et de dire au milieu des finances : « si vous pouvez faire des prêts fondés sur des actifs incorporels, cela nous permettrait d’avoir une idée plus claire de la valeur », et c’est actuellement le vrai problème.
La sénatrice Marshall : Dans votre déclaration, vous avez parlé de la réglementation. A-t-elle été publiée dans la Gazette? Où sont ces dispositions?
M. Schaan : Non. La réglementation habilitante va découler de la loi. Le processus commence dès que la loi reçoit la sanction royale.
La sénatrice Marshall : L’usage est que le gouvernement adopte le projet de loi, et ce n’est que bien plus tard que nous voyons la réglementation. Les détails intéressants se trouvent dans la réglementation. Selon vous, quand peut-on s’attendre à ce qu’ils soient publiés dans la Gazette? Quand va-t-on voir la réglementation? Combien de temps va-t-on devoir attendre?
M. Schaan : Mes collègues du Conseil du Trésor diraient que la norme de référence en matière de processus réglementaire est de 18 à 36 mois pour la prise de règlements. Je dirais que nous serons beaucoup plus rapides à cet égard parce que nous sommes bien préparés. Selon l’avancement des travaux du comité et le moment où le projet de loi recevra la sanction royale, nous avons déjà commencé à réfléchir au processus de prise de règlements.
La sénatrice Marshall : C’est décevant. Nous avons la loi, mais les détails intéressants se trouvent dans les règlements, et nous n’avons aucune idée de ce qu’ils contiendront.
Pour reprendre une question posée par le sénateur Deacon, le calcul de l’avantage net est-il une formule, ou est-ce que cela change en fonction de l’entreprise? S’agit-il d’une formule définie et qui ne change pas, ou est-ce que ça bouge?
M. Schaan : La formule change chaque année, mais elle n’est pas établie par secteur, mis à part le fait qu’il y a un examen de l’avantage net pour les produits culturels. Les industries culturelles ont un seuil distinct pour l’examen de l’avantage net qui est énoncé dans la loi et qui est établi par mes collègues de Patrimoine canadien.
La sénatrice Marshall : Est-ce une formule définie? Est-ce une chose pour laquelle nous pouvons demander à voir la formule?
M. Schaan : Oui. Je serai heureux de fournir la formule de l’avantage net et la façon dont elle évolue chaque année.
La sénatrice Marshall : D’accord. Est-ce que cela s’applique également aux entreprises américaines?
M. Schaan : Oui.
La sénatrice Marshall : Je sais que vous établissez des distinctions. Vous dites que, s’il y a des traités commerciaux ou autre chose, ce serait différent, mais qui est exempté? Est-ce que quelqu’un est exempté, ou tout le monde l’est?
M. Schaan : Personne n’est à l’abri d’un examen relatif à la sécurité nationale.
La sénatrice Marshall : D’accord.
M. Schaan : Chacun est soumis au critère de l’avantage net, selon la formule applicable à son cas. S’agit-il d’un pays avec lequel nous avons un traité commercial, d’un investisseur OMC ou d’une entreprise d’État? Ce sont les trois catégories.
La présidente : Au cas où vous n’auriez pas compris le point soulevé par la sénatrice Marshall, nous le disons régulièrement : nous savons que les règlements sont la chair autour de l’os. Il est toujours frustrant d’essayer d’évaluer une loi alors que nous ne pouvons pas aborder l’essentiel. Vous pouvez également transmettre le message en notre nom.
La sénatrice Petten : Pouvez-vous expliquer ce que l’on entend par « activité commerciale réglementaire », comme l’expression apparaîtra à l’alinéa 11c)(i) de la version modifiée de la Loi sur Investissement Canada? Pouvez-vous donner des exemples au comité? Pouvez-vous expliquer le processus permettant de décider de ce qui serait visé par cette catégorie?
M. Schaan : Je peux vous donner des exemples. Voici une liste non exhaustive de domaines technologiques pouvant être considérés comme sensibles aux fins d’examen relatif à la sécurité nationale : matériaux et fabrication de pointe; technologies océaniques de pointe; détection et surveillance de pointe; armement de pointe; aérospatiale; intelligence artificielle; biotechnologie; production, stockage et transport d’énergie; technologie médicale; neurotechnologie et intégration homme-machine; informatique de nouvelle génération et infrastructure numérique; positionnement, navigation et synchronisation; science quantique; robotique et systèmes autonomes; et technologies spatiales — la liste n’est pas exhaustive.
La sénatrice Petten : La liste ne cesse de s’allonger. Vous inventez simplement au fur et à mesure, en fonction des circonstances.
M. Schaan : Le but est d’apporter une certitude tout en se donnant la capacité d’évoluer. Si nous avions dressé cette liste et l’avions intégrée dans la loi il y a 10 ans, la science quantique n’y figurerait probablement pas, ni les technologies océaniques de pointe. Évidemment, nous voulons suivre les réalités de l’industrie tout en apportant ce genre de clarté.
La sénatrice Ringuette : Merci aux témoins de vos commentaires.
Cette intervention fait suite à une question précédente. Le comité est très préoccupé par le fait que des entités étrangères achètent nos recherches, nos brevets et notre propriété intellectuelle. Cependant, ce projet de loi ne prévoit aucune forme de contrôle. Ma première question est la suivante : votre ministère pourrait-il adopter un autre projet de loi à ce sujet, ou devrions-nous examiner ce projet de loi en ce qui concerne la surveillance des achats de nos recherches et de nos brevets par des entités étrangères, et ainsi de suite? La plupart des contribuables canadiens y contribuent, en particulier la recherche.
[Français]
M. Schaan : Pour commencer, il est important de noter que la sécurité économique n’est pas le seul outil capable de protéger les Canadiens et Canadiennes. Il faut utiliser tous les outils dans ce domaine pour protéger le grand sens de la sécurité économique.
[Traduction]
Pour résumer, je dirais que la Loi sur Investissement Canada joue un rôle fondamental et important dans le cas de nos moyens de défense en matière de sécurité économique. De par sa nature même, la loi prévoit l’examen des investissements entrants — les investissements étrangers — dans des entreprises canadiennes ou l’acquisition des actifs d’une entreprise par un investisseur étranger. C’est là le cadre de son mandat. Ainsi, nous pouvons examiner les investissements étrangers entrants lorsqu’un actif canadien ou une entreprise canadienne est en cause. Mais il s’agit d’un régime en partie ex ante et en partie ex post, dans le sens où certains investissements doivent faire l’objet d’un avis, et d’autres sont examinés en cours de transaction en raison de la nature des seuils qui ont été établis. C’est un élément important qui joue un rôle. Toutefois, ce n’est en aucun cas le seul élément dont nous devons tenir compte dans le processus.
J’y ajouterais d’autres aspects, qui sont fondamentaux pour la protection globale des Canadiens. Cela commence par certains de nos collègues chargés de la réglementation aux niveaux provincial, municipal, territorial et fédéral, qui établissent les structures réglementaires pour leurs divers secteurs. Ils fixent des règles définissant qui peut entrer et jouer sur un marché, selon diverses fonctions.
Il y a, par exemple, des règles dont je suis responsable en tant que chargé de la réglementation dans le cadre du processus d’établissement de la politique des télécommunications — qui déterminent qui peut ou non intervenir dans le secteur des télécommunications. Nous avons des justifications claires concernant ce qu’il est possible de faire ou non dans le domaine des télécommunications afin de préserver la sécurité économique.
La sénatrice Ringuette : Je comprends. C’est un des objectifs du projet de loi, mais l’autre objectif consiste à protéger les intérêts canadiens. C’est assez large. Parce que c’est très vaste, je réitère ma préoccupation. Notre groupe a souligné dans un rapport précédent que des recherches menées au Canada avec des investissements canadiens — des investissements des contribuables canadiens — sont ensuite rachetées par des entités étrangères. Tout le potentiel de cette recherche ne se trouve plus au Canada.
M. Schaan : À cet égard précisément, je soulignerais les efforts importants qui sont fournis. La recherche n’est généralement pas détenue par une société. Notre loi concerne des personnes morales et leurs actifs achetés par des investisseurs étrangers. La recherche est souvent menée par des chercheurs individuels ou dans un contexte institutionnel. Nous déployons des efforts accrus en matière de sécurité de la recherche, notamment la liste la plus récente d’établissements identifiables pour lesquels aucun financement public ne sera versé, laquelle liste concerne donc toute collaboration entre un établissement canadien et l’un des établissements figurant sur la liste des entités.
Je voudrais souligner que les considérations et les examens relatifs à la sécurité nationale font partie de notre plus grand programme d’application industrielle relevant du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada — qui dispose désormais d’un processus de vérification de toutes ses collaborations industrielles relativement à des considérations liées à la sécurité nationale. Il s’agit d’engagements importants en matière de sécurité de la recherche, sachant que cela ne relève pas de la Loi sur Investissement Canada, ou LIC, car celle-ci a pour objectif l’examen des sociétés et de leurs actifs ainsi que leur achat par des investisseurs étrangers.
En ce qui concerne votre argument généralisé portant que la recherche a besoin de ses propres dispositions de sécurité économique, je souligne que le programme de sécurité de la recherche est bien amorcé.
J’ajouterai une dernière chose. Les amendements qui sont apportés en comité soulignent une fois de plus que lorsque la recherche financée par le Canada aboutit dans une entreprise qui est finalement acquise par un ressortissant étranger, nous avons l’obligation précise de garantir que nous avons réfléchi aux considérations de sécurité nationale concernant sa vente possible.
La présidente : Il faudra y revenir au deuxième tour. Nous avons dépassé notre temps ici.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je voudrais vous interroger sur la question de la transparence. J’ai cru comprendre — et je veux que vous me le confirmiez — que le ministre pourra publier l’identité des compagnies une fois l’ordonnance définitive rendue.
Ma question est plus large. Au moment où vous commencez l’enquête, est-ce qu’on va savoir sur qui vous commencez l’enquête, publiquement, de façon à ce que ceux qui connaissent ladite compagnie puissent vous informer? Est-ce que vous attendez plutôt qu’une détermination soit faite? Est-ce que vous publiez le nom de l’entité en cause s’il y a une détermination négative ou seulement si elle est positive?
Tout cela peut avoir une importance dans les preuves que vous pouvez amasser ou les indices sur ces compagnies.
M. Schaan : Merci pour la question. Je commence par la première partie de la question. S’il y a une enquête concernant un investissement étranger au Canada, c’est confidentiel dans le cadre du processus de prise en considération des investissements par le ministère, parce que ce n’est pas clair que l’investissement contenu fait aussi partie d’une discussion privée entre le ministère et la compagnie.
Par contre, grâce à ce projet de loi, s’il y a une détermination positive ou négative de l’investissement, il serait possible pour le ministre de publier la détermination de cette enquête et aussi les commis de la compagnie pour assurer une confirmation de l’investissement. Dans la plupart des cas, s’il y a une détermination positive, cela inclut les commis de la compagnie.
La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’est-ce que vous voulez dire par « les commis »? Excusez-moi.
M. Schaan : Les undertakings, les promesses d’une entreprise quant à ses activités au Canada. Ce projet de loi confirme la possibilité pour le ministre de les publier.
La sénatrice Miville-Dechêne : Toutefois, vous le dites bien : c’est une possibilité; il n’y a pas d’automatisme dans le fait de publier les noms. Est-ce que je me trompe? Est-ce purement le ministre qui décide s’il veut rendre cela public ou pas?
M. Schaan : C’est vrai.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pourquoi?
M. Schaan : Parce que, de temps en temps, il y a une possibilité qu’il ne soit pas à l’avantage du public d’avoir accès à la confidentialité de la transaction.
[Traduction]
Souvent, la transaction n’aura pas lieu avant un certain temps. Par exemple, vous devez déposer une déclaration auprès du ministre, suivant la Loi sur Investissement Canada, pour établir une entreprise au Canada. Parfois, l’entreprise sera établie, mais le projet ne se concrétisera pas. Dans de tels cas, il serait potentiellement préjudiciable à l’entreprise de faire savoir qu’elle envisage d’investir au Canada si le projet qu’elle cherche à mener ne se réalise pas.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Comment qualifiez-vous cette nouvelle loi canadienne, qui est évidemment plus sévère comparativement à ce qui se fait ailleurs, que ce soit en Europe ou aux États-Unis? Est-ce qu’on a rejoint ou dépassé les autres en matière de sévérité ou non?
M. Schaan : C’est vraiment difficile de comparer les réglementations parce qu’elles sont tellement différentes quant à leur capacité et au pouvoir qu’elles confèrent au gouvernement. En gros, c’est vraiment la même approche que nos alliés, notamment le régime CFIUS ou Committee on Foreign Investment in the United States, aux États-Unis. Dans la plupart des cas, le même pouvoir —
[Traduction]
En fait, dans certains cas, nous disposons d’une capacité accrue, notamment en ce qui concerne l’examen de l’avantage net des entreprises d’État. Dans certains cas, nous avons une plus grande capacité d’examen que certains de nos alliés.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci à vous tous d’être parmi nous ce matin.
Monsieur Schaan, vous faites référence au barreau et à d’autres ordres professionnels qui appuient ces amendements et le projet de loi. Je cherche parmi mes notes, mais je ne pense pas qu’on a reçu de copie de cet examen ou des commentaires des autres intervenants. Est-ce que je me trompe en disant qu’on n’a pas de copie?
Doit-on se fier à votre parole pour dire qu’ils sont tous d’accord? N’y a-t-il rien de plus concret?
M. Schaan : C’est vraiment dans les conversations avec ces intervenants qu’on le comprend, mais il y a les interventions au comité parlementaire de la Chambre des communes qui indiquent ces opinions sur le projet de loi. C’est publié dans le hansard.
Le sénateur Massicotte : N’avez-vous rien de plus précis?
M. Schaan : Il n’y a pas de chiffres ou de lettres.
Le sénateur Massicotte : Le souci que j’ai, c’est que quand on se penche sur le système de l’offre et sur le système commercial, on est très dépendant des échanges commerciaux avec d’autres pays; énormément. Ce pourcentage de notre PIB, c’est incroyable. Aussi, on a un système démocratique où les politiciens aiment bien plaire à leur clientèle et à la population. Souvent, c’est un peu exagéré. Quand il y a un peu de conflits ou quelque chose qui les gêne un peu, on ne le fait plus ou on cause des délais.
Cependant, dans notre système fondamental, il faut permettre cela. Il y a trop d’incidences et d’avantages pour nous à avoir un système permettant le libre-échange, c’est fondamental. La crainte que j’ai, c’est que je vois souvent quand il y a un peu de chaleur ou de résistance, est que le politicien recule un peu et il ne fait plus la même promesse.
Il ne faut pas oublier qu’il y a des acheteurs et des vendeurs qui attendent des résultats et une confirmation. Si on cause des délais, on n’aimera pas qu’ils nous fassent cela, en conséquence. Je n’aime pas cela — on fait confiance, mais il y a trop de cas, c’est trop fondamental dans notre système.
Il faut trouver quelque chose de plus solide et de plus sûr, peut-être des déterminations plus transparentes si on peut faire des commentaires, mais cela me fait un peu peur.
M. Schaan : Nous sommes d’accord avec l’importance et le rôle des investissements étrangers dans l’économie canadienne. Nous sommes un petit pays avec une économie ouverte qui a besoin de l’investissement étranger. Nos lois permettent la transparence et la certitude qui sont possibles selon les capacités, afin de véritablement protéger la sécurité nationale et les avantages pour les Canadiens et Canadiennes.
C’est la raison pour laquelle la loi prescrit ou exige un processus très réglementé, avec des dates et des échéances à chaque étape, pour s’assurer que les investisseurs ont une certitude quant au processus et aux critères du ministère qui considérer l’investissement.
Je crois qu’il est peut-être mieux d’avoir une liste de toutes les choses nécessaires ou exigées pour investir au Canada, mais l’économie c’est plus grand et complexe. Pour vraiment prendre en compte ou noter chaque point, il est préférable d’avoir des principes enchâssés dans la loi, une liste précise, des dates et des échéances claires, et un processus qui permet vraiment de les prendre en compte.
Le sénateur Massicotte : On fait référence à des affaires canadiennes et à des entreprises canadiennes. Est-ce que c’est le particulier qui est important ou la personne qui contrôle l’entité qui détermine si l’entreprise est canadienne ou non? Parce qu’on parle d’entreprises et de particuliers. Qui définit-on comme Canadien?
M. Schaan : La définition d’une entreprise canadienne, c’est qu’il y a un contrôle exercé par un Canadien, des actifs et des emplois au Canada. Il y a quelques critères qui définissent une entreprise canadienne et qui permettent de déterminer si une entreprise est canadienne ou non. La loi exige un lien au Canada pour qu’il y ait une possibilité de demande d’investissement au Canada.
Le sénateur Massicotte : Est-ce la même définition qu’au sens fiscal?
M. Schaan : Ce n’est pas une définition qui est liée aux impôts.
Le sénateur Massicotte : Merci.
[Traduction]
La présidente : Nous passons maintenant au sénateur Carignan, qui est le porte-parole de ce projet de loi au Sénat.
[Français]
Le sénateur Carignan : Va-t-il quand même rester des seuils financiers pour déclencher des vérifications? Quels sont ces seuils?
M. Schaan : Est-ce possible de répéter la question?
Le sénateur Carignan : Va-t-il y avoir des seuils financiers pour déclencher les vérifications? Quels sont ces seuils?
M. Schaan : Les seuils s’appliquent seulement aux examens des bénéfices nets. Ils ne s’appliquent pas aux examens de sécurité nationale et aux seuils qui concernent l’application de l’examen de sécurité nationale.
Le sénateur Carignan : Donc, pour la sécurité nationale, il n’y a aucun seuil financier de quelque nature que ce soit.
M. Schaan : Tous les investissements au Canada d’une partie ou d’une entreprise sont inclus dans l’examen de sécurité nationale.
Le sénateur Carignan : Comment allez-vous faire le suivi de cela? Comment pouvez-vous déterminer qu’une transaction de 500 000 $ va passer, qu’elle va obtenir l’autorisation à la suite d’une demande? Allez-vous le découvrir après? Est-ce que ce sont les bureaux d’avocats qui vont vous dire : « je pense qu’il y a un risque pour la sécurité nationale et je pense que je suis obligé de vous donner un avis »? Comment cela va-t-il fonctionner?
M. Schaan : Il y a deux aspects au processus. L’un est le processus de notification. Si un investissement concerne un des secteurs visés dans nos lignes directrices, on exige une notification au ministère pour l’évaluation de cet investissement. Si cet investissement ne s’applique pas aux secteurs qui sont visés dans les lignes directrices du ministère, l’équipe du ministère va vraiment continuer de chercher les investissements au Canada pour prendre en compte la possibilité d’activités nocives pour l’économie et la sécurité canadiennes.
Le sénateur Carignan : Je vais y aller avec l’exemple des claims miniers. J’ai entendu parler d’un cas où des Russes faisaient des claims dans les Territoires du Nord-Ouest, notamment. Donc eux, techniquement, ne sont pas couverts, ils sont exclus et ils ne sont pas dans un secteur comme cela.
Par la suite, ils font des découvertes de produits qui pourraient être couverts par la loi, mais ils sont déjà là et ont déjà eu leur permis. Qu’est-ce qu’on fait avec eux?
M. Schaan : C’est une des choses que — comme je l’ai dit dans ma réponse à la question de la sénatrice Ringuette, c’est un outil parmi d’autres qui permet au gouvernement de prendre cela en considération. La première chose qui s’applique, c’est la réglementation des mines.
[Traduction]
Par souci de précision, je répondrai dans ma langue, car je connais mieux la terminologie technique.
Les claims miniers, comme les concessions de pêche ou les droits de coupe, ne constituent pas nécessairement en soi une entreprise ou un actif d’une entreprise canadienne au sens de la Loi sur Investissement Canada, car ils consistent, dans certains cas, en un billet à ordre futur et ne sont pas nécessairement rattachés à une entreprise et ne sont pas encore un actif. Ils représentent, en quelque sorte, un potentiel futur.
C’est ici que nous nous en remettons à l’ensemble des acteurs tout au long de la chaîne de sécurité économique afin qu’ils disent aux chargés de la réglementation quels rôles ils prévoient pour les entités à qui ils proposent des concessions, des droits ou des permis de prospection, car il leur incombe également de garantir qu’ils n’accordent pas de droits, de concessions ou de possibilités de prospection aux entités qui suscitent des considérations liées à la sécurité nationale. Dans la mesure où l’entité finit par tirer profit de ce droit et entame le processus d’établissement d’une société à des fins d’exploitation et d’excavation, elle tombe alors sous le coup de la Loi sur Investissement Canada parce qu’elle est alors une entité canadienne qui souhaite potentiellement participer aux activités canadiennes. Voilà où nous continuons de travailler en collaboration avec les différents secteurs, en particulier ceux qui nous préoccupent, afin de garantir que tous les acteurs adoptent les bonnes approches en vue d’assurer la sécurité nationale du Canada.
La Loi sur Investissement Canada comprend des limites dans la mesure où il s’agit d’une loi qui concerne l’investissement direct étranger dans des entreprises et leurs actifs, et ce n’est pas nécessairement le seul outil pour éliminer les préoccupations éventuelles en matière de sécurité nationale dans un secteur donné.
[Français]
Le sénateur Carignan : Cela m’inquiète que ce soit le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie qui s’occupe de la sécurité nationale. D’ailleurs, on l’a vu dans une autre transaction de Sinclair, notamment où le ministre a autorisé Hytera. On a été pris avec un enjeu de sécurité dans la transaction de Norsat.
Pourquoi avoir retiré cela du cabinet, où on a plusieurs têtes, plusieurs points de vue, où on peut questionner le ministre, et non pas laisser cela à un seul ministre dont le mandat est d’assurer les investissements au Canada, pas la sécurité nationale.
M. Schaan : Pour préciser, le ministre a exigé de consulter le ministre de la Sécurité publique et que celui-ci consulte toutes les organismes d’enquête et actifs de sécurité nationale, incluant la Gendarmerie royale du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité et le Centre de la sécurité des télécommunications concernant les risques pour la sécurité nationale.
C’est un avis du ministre de la Sécurité publique qui est déposé auprès du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie pour éclairer sa décision de continuer ou pas le processus de sécurité nationale et de confirmer un investissement.
Si le ministre veut bloquer ou réduire un investissement pour des raisons de sécurité nationale, cela nécessite une conversation au cabinet, et une décision du cabinet.
La sénatrice Bellemare : Un petit peu dans la même veine que mon collègue, moi aussi, je suis un peu inquiète. Cela donne beaucoup de pouvoir au ministre. On ne peut pas s’empêcher de questionner cela.
Y a-t-il des expériences, dans d’autres pays, qui fonctionnent autrement pour assurer une plus grande sécurité en ce qui concerne les investissements étrangers, dont on aurait pu s’inspirer?
M. Schaan : Merci pour la question. Il faut noter quelque chose d’important dans le processus. Le ministre a la possibilité de confirmer une décision concernant un investissement de bénéfice net. C’est le seul rôle du ministre. Si un investissement entraîne des préoccupations en matière de sécurité nationale, cela exige que le ministre de la Sécurité publique et tous les organismes d’enquête du système de sécurité nationale du gouvernement du Canada prennent une décision concernant un investissement représentant un risque pour la sécurité nationale, et de confirmer cette décision avec ses collègues au cabinet. Cela ne donne pas le pouvoir au ministre seul de prendre une décision concernant la sécurité nationale, de bloquer un investissement, mais ce n’est sûrement pas le pouvoir d’un seul ministre.
Dans les autres pays, il y a quelques exemples qui ont un modèle du même genre. Le processus de l’Australie est semblable au système canadien, mais il y a des différences entre la portée ou le pouvoir de décision. Le pouvoir au Canada est plus grand que celui du système australien.
En Angleterre, il y a un système qui est semblable au système du Canada, qui a le même processus quant aux rôles des agences de sécurité nationale et un ministre qui est responsable de la décision d’investissement.
[Traduction]
La présidente : J’aimerais enchaîner avec une question soulevée par le sénateur Gignac. Comment nous comparons-nous au Groupe des cinq, non pas à nos partenaires commerciaux, mais à nos partenaires en matière de sécurité? Sommes-nous plus durs ou plus indulgents? Quel rôle pouvons-nous jouer?
M. Schaan : Dans l’ensemble, le Canada applique un régime d’examen des investissements similaire à celui de nos partenaires du Groupe des cinq. Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos partenaires du Groupe des cinq sur les examens relatifs à la sécurité, notamment parce que nous effectuons souvent ces mêmes examens : nous avons des sociétés multinationales, ou d’autres, qui poursuivent potentiellement les mêmes démarches. Nous avons notre propre groupe des cinq, qui continue de se réunir, d’échanger ses impressions et de s’assurer que nous travaillons en collaboration. Il existe également un groupe de travail au sein du G7; il garantit que les collègues du G7 échangent également leurs impressions sur la sécurité économique. Je dirais que les dispositions générales de la Loi sur Investissement Canada nous confèrent une capacité similaire, sinon supérieure, à celle de nos collègues du Groupe des cinq pour examiner les investissements entrants dans le pays.
La présidente : Sans avoir un effet dissuasif?
M. Schaan : Sans avoir un effet dissuasif.
Le sénateur Yussuff : De temps à autre, le ministre annonce qu’un pays ne peut pas investir dans un certain secteur. Les minéraux critiques en font partie. Le ministre a décidé que nous n’accepterions pas les investissements de la Chine dans les minéraux critiques. Comment cette décision est-elle prise? Parfois, cela change. À un certain moment, la Chine investissait dans les minéraux critiques au Canada. Nous nous réveillons un matin et découvrons que ce n’est plus acceptable. Quels sont les critères de décision et comment le public en est-il informé?
M. Schaan : J’aimerais signaler certaines choses. La Loi sur Investissement Canada demeure neutre à l’égard du pays et du secteur dans la mesure où elle permet d’examiner tous les investissements et de ne prendre aucune décision relative au caractère favorable ou non d’un pays particulier. Même les décisions qui ont été prises concernant des investissements particuliers liés à une personne étaient fondées sur des faits et propres à un cas; elles faisaient état de préoccupations générales qui renforceraient la vigilance du gouvernement à l’égard de ces investissements.
Les lignes directrices sur les minéraux critiques rédigées par le gouvernement, concernant le lien entre les minéraux critiques et la Loi sur Investissement Canada, indiquent clairement que certains aspects — notamment les entreprises d’État, la relation entre des entités et leur gouvernement — sont susceptibles de donner lieu à des considérations liées à la sécurité nationale et à un examen plus approfondi.
La seule fois où nous avons formulé une idée ou fait une annonce publique très spécifique, propre à un pays, c’était lors de la guerre illégale entre la Russie et l’Ukraine. Nous avons clairement déclaré que nous examinerions tous les investissements des entités russes en ce qui a trait à leur fonctionnement continu.
En général, nous entendons être neutres à l’égard des pays. Toutefois, nous avons des principes ou des conditions qui justifient des considérations accrues en matière de sécurité nationale, y compris des éléments tels que la nature de l’entreprise — comme une entreprise d’État —, la mesure dans laquelle elle se conforme aux visées de son gouvernement et le degré de participation active de ce gouvernement dans le risque de préjudice. Ces décisions sont prises en collaboration avec nos partenaires de la sécurité nationale, à partir d’éléments de preuve crédibles et selon ce que nous estimons être la structure actuelle.
Les lignes directrices existantes sur les minéraux critiques, relativement à la LIC, s’appuient fortement sur les recommandations de nos collègues de la sécurité nationale et, encore une fois, sans égard au pays, mais elles renforcent les considérations de sécurité applicables à ces types d’investissements, dont beaucoup peuvent concerner la géographie ou une disposition en particulier.
Le sénateur Yussuff : Dans le contexte où des investissements ont déjà été effectués et où vous dites maintenant : « attendez une minute, nous mettons en place des règles », de quelle façon ces investissements ont-ils lieu en bonne et due forme pour protéger les intérêts du pays alors que, parallèlement, vous avez des investisseurs dont le portefeuille a maintenant rétréci en raison des décisions que nous prenons?
M. Schaan : Nous avons un délai réglementaire à l’égard de l’investissement qui procure essentiellement un degré de certitude aux investisseurs. Nous avons également une sorte de règle contre le double péril, dans le sens où nous ne pouvons pas examiner deux fois le même investissement. Dès que nous avons pris une décision à propos d’un investissement, à moins qu’il ne s’agisse d’un investissement sensiblement différent de celui initialement envisagé, les conseils relatifs à l’investissement sont valables. Ainsi, les investisseurs ont la certitude que l’examen de l’investissement doit se réaliser dans un délai prescrit et que nous n’avons aucune capacité de réexaminer nos propres décisions, car, selon les procédures administratives établies et la justice, vous ne devriez avoir droit qu’à une chance.
Dans les quelques cas où le gouvernement n’a pas été informé de l’établissement d’une entité ou d’un investissement en cours au Canada — comme la loi le prévoit relativement à un examen de l’avantage net, particulièrement au-delà d’un certain seuil —, nous pouvons alors réexaminer notre décision, parce que les investisseurs n’ont pas respecté la structure appropriée, afin de nous assurer qu’ils ont obtenu l’autorisation nécessaire avant d’établir l’entreprise.
La sénatrice Martin : J’ai une question qui concerne les petites et les moyennes entreprises au Canada. Je sais que nous parlons d’investissements directs étrangers, mais si le projet de loi C-34 est adopté, pouvez-vous nous parler des conséquences — positives ou peut-être négatives ainsi que des défis — pour les petites et moyennes entreprises au Canada? Elles font partie de tous les secteurs.
M. Schaan : Elles font effectivement partie de tous les secteurs. Ce qui aide peut-être les petites et moyennes entreprises à prendre de l’expansion, c’est entre autres d’avoir une économie fonctionnelle qui se sert d’investissements directs étrangers et qui est clairement en mesure de tirer du capital de diverses sources.
Même si la Loi sur Investissement Canada s’attache grandement aux investissements directs étrangers de grande envergure parce qu’ils répondent à notre critère de l’avantage net, ou aux investissements de toutes tailles qui entraînent des préoccupations à l’égard de la sécurité nationale, je pense que le genre de certitude quant à ce qui entraînera ou non des préoccupations pour le gouvernement pour ce qui est des investissements directs étrangers favorise une économie plus large et un milieu propice aux investissements continus. Cela permet entre autres aux petites et moyennes entreprises de continuer de recevoir des investissements constants qui n’atteindront jamais notre seuil et ne susciteront jamais de préoccupations au chapitre de la sécurité nationale.
L’autre réalité, comme je l’ai expliqué, fait partie de la raison pour laquelle le Canada respecte le seuil de l’avantage net : nous avons convenu avec nos partenaires internationaux que les pays ayant les mêmes vues effectueraient des investissements de façon harmonieuse entre eux pour permettre la libre circulation du capital. Comme nous avons convenu de ces seuils d’avantages nets et que nous voulons que nos pays continuent d’échanger, cela donne à nos petites et moyennes entreprises des occasions d’exporter des produits sur le marché et d’avoir accès à des investissements qui ne viennent pas nécessairement juste du Canada. Cela doit être jumelé à plein d’autres mesures que nous prenons, comme des accords commerciaux et la promotion des exportations, qui ne sont pas le sujet de la discussion aujourd’hui, mais qui contribuent à la croissance des PME.
La sénatrice Martin : Merci.
La présidente : En ce qui concerne les partenaires du Groupe des cinq, où s’inscrivent nos pénalités, les mesures financières dissuasives? À quel rang nous situons-nous?
M. Schaan : Pour ce qui est de l’investissement direct étranger, le levier le plus important que nous possédons, c’est d’infliger moins de pénalités parce que notre pénalité la plus importante consiste à bloquer la transaction ou l’investissement. En ce qui concerne les pénalités, nous avons les mêmes capacités que nos partenaires du Groupe des cinq; nous pouvons bloquer ou limiter des investissements qui suscitent des préoccupations soit parce qu’ils ne génèrent pas suffisamment de retombées pour les Canadiens ou les Canadiennes, soit parce qu’ils soulèvent des préoccupations liées à la sécurité nationale.
La présidente : Merci.
La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous en dire plus sur la discussion que vous avez eue avec plusieurs de mes collègues concernant le rôle que jouent le ministre et le Cabinet? Avant que le ministre ou le Cabinet ne prennent des décisions, il faut qu’il y ait en place une forme de procédure établie qui tient compte de divers joueurs. Est-elle bien définie? Par exemple, je suis comptable. Si vous effectuez une vérification, vous devez faire A, B, C et D. Vous devez effectuer chaque étape. C’est très structuré. Est-ce la même chose pour ces examens? Vous avez dit qu’il y avait eu des conversations, des discussions et des réunions, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il s’agissait d’un processus structuré. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Schaan : Cela dépend de quel examen nous parlons : des examens concernant l’avantage net ou des examens liés à la sécurité nationale. La nature de ces examens est assez différente. L’examen concernant les avantages nets est un processus dont les facteurs sont énoncés dans la loi. Le ministre peut se demander si l’investissement entraîne ou non des retombées pour les Canadiens et les Canadiennes.
La sénatrice Marshall : Il existe une formule pour cela? J’ai l’impression que c’est bien défini.
M. Schaan : Le ministre doit tenir compte des principes qui sont énoncés dans la loi au moment d’examiner les avantages nets. Nous interagissons avec des investisseurs dans la mesure où ces facteurs sont présents.
La sénatrice Marshall : Donc, ce n’est pas si défini que cela. Poursuivez.
M. Schaan : Les investisseurs nous présentent des exposés, puis nous les analysons jusqu’à un certain point et, souvent, nous les replaçons dans un contexte plus vaste pour voir à quel point cela pourrait être bénéfique pour l’économie nette du Canada.
La sénatrice Marshall : Et qu’en est-il si cela concerne la sécurité?
M. Schaan : En ce qui concerne les préoccupations à l’égard de la sécurité nationale, comme je l’ai souligné, c’est un processus comportant des étapes qui est fondé sur la gravité des préoccupations engendrées. L’examen est mené de concert avec nos collègues qui s’occupent de la sécurité nationale.
La sénatrice Marshall : Le processus est-il bien défini? Lorsque vous en avez parlé, j’ai eu l’impression que vous disiez : « Nous avons eu des conversations, quelques réunions et quelques discussions. » Vous avez laissé entendre que ce n’est pas très bien structuré, et je pense que cela devrait l’être...
M. Schaan : Lorsque j’ai parlé des articles 25,1, 25,2 ou 25,3, je parlais de processus spéciaux rigoureusement établis assortis d’un critère précis. La préoccupation principale, c’est de savoir si cela entraîne une quelconque préoccupation à l’égard de la sécurité nationale. Le deuxième critère prévu par la loi est de savoir si cela entraîne des préoccupations : l’investissement pourrait-il être néfaste pour la sécurité nationale des Canadiens et des Canadiennes? Le troisième critère inscrit dans la loi consiste, lui aussi, à savoir si cela entraîne des préoccupations à l’égard de la sécurité nationale qui pourraient être néfastes pour la sécurité nationale des Canadiens et des Canadiennes.
La sénatrice Marshall : D’accord. Et qui fait ce travail? Existe-t-il différents groupes? Ce n’est pas le ministre ni le Cabinet, n’est-ce pas? Ce doit être quelqu’un qui travaille dans la fonction publique ou le SCRS, ou quelque chose comme ça. Il y a des rôles bien définis.
M. Schaan : Il existe un processus de gouvernance bien précis qui fait appel aux diverses entités chargées de la sécurité nationale sur lequel se fonde le ministre de la Sécurité publique au moment de prendre sa décision; il fait ensuite part de cette décision au ministre de l’Innovation, des Sciences et de Développement économique Canada afin qu’il en tienne compte au moment de prendre une décision finale quant à l’investissement. Puis, cette décision est examinée par le Cabinet.
La sénatrice Marshall : Où ce processus est-il défini? Le sera-t-il dans le projet de loi ou l’est-il déjà ailleurs?
M. Schaan : C’est dans la loi. Il ne s’agit pas d’une toute nouvelle loi. On parle de modifications de la Loi sur Investissement Canada, qui décrit déjà ces processus en place. Le mécanisme de gouvernance qui est à la disposition de la fonction publique n’y est pas décrit... Il s’agit du comité des sous-ministres adjoints sur les opérations de sécurité nationales, qui se penche sur ce genre de problèmes stratégiques, puis sur la gouvernance précise du processus décisionnel prescrit par la Loi sur Investissement Canada.
Le sénateur Loffreda : J’ai entendu notre premier ministre actuel dire dans une conférence de presse que nous venons au troisième rang des pays du monde qui attirent le plus d’investissements étrangers. Cela inclut-il les fusions et les acquisitions? Est-ce toujours le cas aujourd’hui? En quoi ce projet de loi aura-t-il une incidence sur notre classement et sur la concurrence, ce qui préoccupe de plus en plus le Canada?
M. Schaan : Cette statistique concernait les six derniers mois de 2023, moment où le Canada se situait au troisième rang des pays du monde qui attiraient le plus d’investissements étrangers. Je crois qu’il s’agissait de toutes sortes d’investissements. Je pense que cela incluait les fusions et les acquisitions ainsi que les investissements directs. Nous étions au troisième rang mondial. Évidemment, cela tient compte d’un certain nombre de secteurs essentiels que le gouvernement a mis de l’avant, y compris l’écosystème des batteries et certains minéraux essentiels qui jouent un rôle plus large.
Je pense que ce projet de loi nous aide à nous assurer de conserver cette position au classement. Je pense que cela donne une certitude aux investisseurs et qu’ils sauront ainsi quand et comment ils susciteront des préoccupations à l’égard de l’avantage net ou de la sécurité nationale aux termes de la Loi sur Investissement Canada. Cependant, nous devons être clairs — et nous avons envoyé de plus en plus de signaux à ce sujet —, les problèmes liés à la sécurité nationale ne seront pas tolérés dans le cadre d’investissements directs étrangers au Canada. Cela veut dire que certains types de transactions ne seront pas approuvées par le gouvernement. Je ne dis pas ça parce que je pense que nous allons perdre des places au classement. Cependant, il est important de réaliser que, en refusant certains types de transactions précis, dans les faits, vous voulez dire qu’il y a des régions dans le monde qui seront toujours à l’aise avec des entités et des pays qui suscitent des préoccupations, et le Canada dira clairement que ce n’est pas le cas en ce qui le concerne.
Le sénateur Loffreda : Il n’y a aucune incidence sur la concurrence, en général, au sein de notre économie en soi, et aucun secteur ne subira des conséquences défavorables ou ne sera favorisé par ce projet de loi, c’est bien ça?
M. Schaan : Essentiellement, nous pensons que l’orientation que nous offrons dans ce projet de loi nous permet d’indiquer clairement quels sont les secteurs préoccupants et de fournir la certitude voulue pour permettre des investissements continus, tout en établissant clairement ce qui ne sera pas accepté, soit certains types d’investissements précis qui concernent des entités ou des pays qui suscitent des préoccupations.
La présidente : Je pense que le statisticien en chef nous a dit hier que nous étions au troisième rang dans un certain classement, mais au 39e rang dans d’autres, en fonction du nombre de personnes que vous incluez dans le groupe et de la raison pour le faire. Nous devons faire attention à cela.
La sénatrice Bellemare : Je serai bref.
[Français]
Ma question concerne le fait que nous sommes en pénurie de main-d’œuvre très souvent. Dans ce contexte de pénurie de main-d’œuvre, est-ce qu’il se pourrait que les investisseurs étrangers arrivent avec leur main-d’œuvre? Dans ce cas, qu’est-ce que ce projet de loi prévoit pour assurer la sécurité et le respect des lois provinciales dans ce domaine pour les travailleurs qui accompagneraient l’investissement étranger?
M. Schaan : Cette loi ne vise qu’une seule instance, et elle régit les investissements étrangers arrivés au Canada dans une entreprise. En ce qui concerne les travailleurs qui viennent ici, c’est un processus distinct. Cela relève de mes collègues du gouvernement provincial, des territoires et d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
La prise en compte du traitement des acteurs est peut-être un facteur qui serait important dans la détermination du bénéfice net d’un investissement pour le Canada. Le processus qui veille à assurer les travailleurs liés à un investissement relève vraiment d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et des lois du travail.
La sénatrice Bellemare : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Petten : J’ai seulement une petite question. Certains des amendements à la Loi sur Investissement Canada concernent les pénalités en cas de non-conformité. Bien entendu, c’est une mise à jour, comme vous l’avez dit précédemment. Selon vous, ces pénalités sont-elles assez sévères? Sont-elles suffisamment dissuasives? Elles ne semblent pas avoir beaucoup d’incidence, même si l’on passe du premier jour, du début au deuxième.
M. Schaan : Merci de la question.
Nous croyons toujours que les pénalités en cas de non‑conformité sont suffisantes pour garantir l’adoption d’un comportement approprié, tout en reconnaissant, bien entendu, comme je l’ai souligné, que la pénalité la plus importante que l’on peut infliger, c’est qu’un investissement ou une transaction ne sera pas approuvé au Canada. Nous avons parlé de non-conformité pour nous assurer que les gens ne puissent pas simplement faire fi d’une conclusion au titre de la Loi sur Investissement Canada, mais nous croyons réellement que le processus fondamental, c’est toujours celui qui incite les gens à adopter le bon comportement.
Je vais aussi faire remarquer, même si la sénatrice Marshall ne sera pas très heureuse de l’entendre, que maintenant nous pouvons rajuster les pénalités parce qu’elles seront indiquées dans le règlement; nous n’aurons donc pas besoin de revenir ici pour vous en parler avant de les ajuster, mais je vous promets que lorsque nous le ferons, ce sera publié dans la Gazette.
La sénatrice Petten : Avez-vous pensé que vous pouviez peut-être reprendre les actions ou faire quelque chose d’encore plus draconien?
M. Schaan : Je vais revenir sur la question, mais je dirais que, en général, nous croyons avoir des pénalités assez sévères lorsqu’il est question de ce que nous pouvons faire avec la transaction elle-même.
La présidente : Vous connaissez maintenant l’un des sujets sur lesquels nous revenons souvent. Vous continuez de l’entendre, donc nous continuerons d’en parler.
Le sénateur C. Deacon : Merci, encore une fois, d’être présent ici.
Notre rapport de juin 2023 sur l’économie fondée sur des données a cerné plusieurs enjeux qui doivent être réglés si nous voulons vraiment maximiser notre croissance dans l’économie incorporelle, mais tout le gouvernement doit réagir. Ce qui me préoccupe, c’est que je crois que l’on n’accorde pas suffisamment la priorité aux changements vraiment difficiles que doit apporter l’ensemble du gouvernement pour encourager davantage l’investissement et maximiser la croissance de nos entreprises canadiennes riches en données et en PI et que nous accordons trop d’importance à l’approche multinationale. Cette préoccupation vient du fait que le Fonds stratégique pour l’innovation qui a été mis en place pour favoriser les investissements dans la PI au Canada est essentiellement axé sur les entreprises étrangères qui investissent au Canada. Notre approche économique est toujours axée sur des usines et des filiales plutôt que de se concentrer sur la croissance d’entreprises nationales. Je crains que le travail à l’échelle pangouvernementale n’est pas priorisé et nous continuons de subventionner l’économie canadienne à l’aide d’investissements étrangers plutôt que de stimuler des investissements canadiens. Pouvez-vous nous parler de cela?
M. Schaan : Oui. La croissance des entreprises au Canada pour en faire des entreprises d’attache et des joueurs dominants sur le marché dans leur domaine ou leur secteur demeure une priorité majeure. C’est quelque chose à quoi je pense beaucoup dans mon travail.
Grâce à une politique industrielle fondée sur « l’écologie, le numérique et la résilience », nous avons essayé de composer avec ce qui se passe essentiellement dans notre économie mondiale tout en saisissant les occasions qui s’offraient à nous grâce à une combinaison de choses comme la Stratégie nationale en matière de propriété intellectuelle, la possibilité constante de demander un prêt garanti par la propriété intellectuelle et d’autres points forts grâce à la Banque de développement du Canada, ou la BDC. J’aimerais mentionner la consultation ouverte que mènent actuellement mes collègues des Finances sur l’examen de la recherche scientifique et le développement expérimental, ou l’acronyme RS&DE, de même que le crédit d’impôt et la deuxième consultation sur un coffre de brevets. Nous avons continué d’envisager d’autres façons qui favoriseraient cette croissance et qui permettraient à nos entreprises nationales d’occuper une position dominante sur le marché.
Cette loi reconnaît que l’investissement direct étranger joue effectivement un rôle important comme moteur économique global, mais, pour en revenir à ce que vous disiez, je pense qu’il s’agit seulement d’une pièce d’un casse-tête beaucoup plus grand qui doit tenir compte de la façon dont il faut s’y prendre pour faire du Canada un pays prospère dans une économie mondiale de plus en plus numérique.
Le sénateur C. Deacon : Je vais terminer en disant que je vais continuer d’observer la situation. Il s’agissait d’une priorité de la plus haute importance pour notre comité l’année dernière. Nous cherchons toujours des preuves qui montrent que des mesures sont réellement prises pour délaisser l’ancienne économie corporelle et cerner ce qui est nécessaire pour faire croître l’économie incorporelle. Nous n’effectuons pas encore tous les changements voulus pour ce qui est de l’économie incorporelle. Merci.
La présidente : Sénateur Deacon, cela résume bien où nous en étions, vers quoi nous nous dirigeons et quels sont les signaux.
Le sénateur Massicotte : Maintenant que cette discussion est terminée, y a-t-il d’autres témoins?
La présidente : Oui, mais pas aujourd’hui.
Je vous remercie tous d’avoir été présents aujourd’hui. Si quelque chose que vous avez entendu aujourd’hui vous donne envie de nous envoyer une note pour préciser certaines choses, ou si ce que vous avez entendu aujourd’hui vous a interpellé, je vous invite à le faire. Au cours des prochains jours, nous écouterons des témoins puis terminerons cette discussion avec le ministre vers la fin du mois. Nous verrons ce qui se passera après. Aussi, si vous pensez qu’on pourrait avoir besoin de quelque chose d’autre pour parachever cette discussion, sentez-vous tout à fait à l’aise de le communiquer aussi. J’aimerais remercier M. Burns, M. Karman, M. McKay et bien entendu, M. Schaan, qui est toujours ici pour parler de ces enjeux.
Mesdames et messieurs, merci de votre participation.
(La séance est levée.)