LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 1er octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle Paul J. Massicotte, je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Je vais demander à mes collègues du comité de se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
Le sénateur Loffreda : Bonsoir. Tony Loffreda, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice White : Kwe. Je suis Judy White, de Ktaqmkuk, mieux connue comme la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, Parc national Banff, territoire du Traité no 7.
Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, je viens de l’Alberta.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, je viens du Manitoba.
La sénatrice Robinson : Bonsoir. Bienvenue. Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
[Français]
Le président : Aujourd’hui, le comité entreprend son examen du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Le ministre est accompagné de fonctionnaires de Parcs Canada : David Millar, vice-président, Biens immobiliers et actifs; Andrew Campbell, vice-président principal, Opérations; Jewel Cunningham, vice-présidente, Politique stratégique et planification. Bienvenue. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation.
Une période de 10 minutes est réservée pour vos allocutions d’ouverture.
La parole est à vous, monsieur le ministre.
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci beaucoup, monsieur le président. Honorables sénatrices et sénateurs, merci de me recevoir aujourd’hui afin de discuter de l’important projet de loi C-76.
[Traduction]
Avant de commencer, j’aimerais reconnaître que nous sommes sur le territoire traditionnel et non cédé des peuples algonquins anishinaabes.
Le lendemain de l’introduction, j’ai présenté une motion visant à obtenir le consentement unanime pour accélérer l’adoption du projet de loi C-76, et je sais que le Sénat a fait la même chose. Je remercie tout le groupe de son soutien.
Le soir du 22 juillet, un orage a déclenché quatre feux de forêt près de la ville de Jasper. À 22 heures, un ordre d’évacuation a été délivré pour le parc national de Jasper. En quelques heures, plus de 20 000 personnes ont été évacuées en toute sécurité, sans qu’il y ait une seule victime. Alors que les incendies se rejoignaient, un mur de feu de près de 300 mètres de hauteur a traversé la vallée du Sud où se trouve la ville de Jasper, projetant des pommes de pin enflammées, des cimes d’arbre et des branches cassées, jusqu’à un kilomètre de distance de l’incendie.
[Français]
Les pompiers de Parcs Canada, de Jasper, d’Alberta Wildfire et de dizaines de villes à travers le pays se sont battus héroïquement pour sauver la population, mais également des maisons, des écoles et des hôpitaux. Il était impossible d’arrêter cet incendie et aucune forêt n’allait échapper à son passage.
[Traduction]
Grâce à leurs efforts héroïques, les femmes et les hommes qui ont combattu ce feu de forêt sans précédent ont réussi à protéger 70 % de la ville de Jasper. Je ne les remercierai jamais assez. Le courage et les efforts collectifs déployés dans les premières heures et les premiers jours de l’incendie ont permis de sauver des vies et la majorité de la collectivité. J’aimerais remercier tous les employés de Parcs Canada qui ont travaillé pendant des décennies pour nous aider à mieux nous préparer aux feux de forêt. Nous nous souviendrons en particulier de la perte de M. Morgan Kitchen, le membre de l’équipe d’Alberta Wildfire qui est décédé début août, alors qu’il combattait cet incendie... un rappel qui donne à réfléchir sur les risques auxquels les premiers intervenants font face chaque jour dans leur mission de protection de la sécurité, de la vie et des biens d’autrui.
C’est uniquement grâce aux efforts de M. Morgan Kitchen et de centaines d’autres personnes comme lui qu’on a pu éviter d’autres pertes humaines. Cet incident a eu des conséquences profondes sur la vie de nombreuses personnes... des conséquences que des milliers d’autres personnes connaissent très bien, dans un nombre de plus en plus important de collectivités touchées par des feux de forêt, au Canada.
[Français]
Des bâtiments et des infrastructures urbaines essentielles ont été endommagés. La vie des gens et de leurs entreprises a été bouleversée. Un rétablissement complet de la communauté prendra du temps. Parcs Canada collabore déjà avec la communauté de Jasper pour faciliter la reconstruction durable de la ville.
[Traduction]
Le projet de loi C-76 contribue à la reconstruction d’une collectivité de Jasper durable.
[Français]
J’aimerais prendre un moment pour reconnaître les efforts de collaboration en cours depuis des décennies pour préparer et atténuer les risques d’incendies de forêt à Jasper.
[Traduction]
Parcs Canada, la municipalité de Jasper et des partenaires autochtones ont travaillé ensemble pendant presque 30 ans afin de réduire les risques connus liés aux feux de forêt, dans le parc national Jasper et autour de la ville, ce qui en fait l’une des collectivités les mieux préparées et les plus résilientes au Canada en matière de lutte contre les incendies. Parcs Canada a utilisé des feux dirigés pendant quatre décennies, dont 15 au cours des 10 dernières années, au Parc national Jasper, pour réduire le risque de feu de forêt dans les collectivités du Parc national et améliorer le fonctionnement de l’écosystème.
Des millions de dollars ont été investis dans la lutte contre le dendroctone du pin ponderosa, pour supprimer les sources de combustibles dans les zones construites et établir des pare-feu autour de la ville. Des pratiques exemplaires d’IntelliFeu Canada ont été mises en œuvre dans le parc national de Jasper et ont été largement inspirées par ce qui a été mis en place à Jasper.
Le gouvernement du Canada a investi dans des activités de réduction du risque de feux de forêt dans le parc national de Jasper, comme la gestion de la végétation, pour réduire les risques de feux de forêt auxquels sont exposés les gens, l’infrastructure et les biens. La surface totale traitée dans le parc national Jasper depuis 2014 est d’environ 1 700 hectares. Si dévastateur qu’ait été l’incendie, l’intervention et la préparation de Parcs Canada ont permis d’éviter qu’il ne soit beaucoup plus grave.
[Français]
Notre gouvernement reconnaît la situation sur le terrain à Jasper. Nos pensées vont à toutes les personnes touchées par les incendies de forêt ainsi qu’à la famille du pompier Morgan Kitchen. Des centaines de personnes, de familles et d’entreprises ont été contraintes de faire face à l’évacuation, à la perte de leurs biens, de leur source de revenus et de leur emploi.
[Traduction]
Nous travaillons d’arrache-pied pour nous assurer que tous ceux qui ont été affectés reçoivent les services et les avantages auxquels ils ont droit. Nous nous efforçons de nous assurer que l’on supprime aussi vite que possible les obstacles à la reconstruction durable de la collectivité de Jasper.
[Français]
Dans le cadre de cet effort, nous envisageons de mettre à jour la Loi sur les parcs nationaux du Canada pour permettre le transfert des pouvoirs en matière d’aménagement et de développement des terres de Parcs Canada à la municipalité de Jasper. Cette modification de la législation contribuera à faciliter une prise de décision rationalisée où les élus locaux seront habilités à prendre des décisions concernant la reconstruction de leur communauté.
Parcs Canada restera un partenaire engagé dans la reconstruction et travaillera avec la municipalité de Jasper. Ils entretiennent des liens solides de travail, comme cela a été démontré à maintes reprises au cours des années.
[Traduction]
Une structure de commandement unifiée avec la municipalité de Jasper a été établie le premier jour de l’incendie. Ce commandement unifié s’est poursuivi tout au long de la réintégration, et il restera en place tout au long du rétablissement et de la reconstruction. En travaillant ensemble, nous pouvons obtenir des résultats.
Les résidants ont pu retourner à Jasper dans le mois suivant leur évacuation. Les routes, les sources thermales Miette et le champ de glace Columbia ont été ouverts dans les jours qui ont suivi l’incendie dans la ville, et les touristes ont de nouveau pu visiter Jasper. Leur présence est vitale pour les nombreuses industries touristiques qui dépendent de cette clientèle.
Aujourd’hui, alors que la municipalité de Jasper s’efforce de rétablir et de reconstruire la ville, l’adoption du projet de loi C-76 permettra de continuer de s’assurer que le gouvernement soutient les habitants de Jasper. Grâce au travail de rationalisation en cours et à la mise en œuvre des pouvoirs législatifs adéquats, les connaissances et les compétences locales joueront un rôle de premier plan dans l’évolution des besoins de reconstruction de leur collectivité. Merci.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Y a-t-il des commentaires de vos collègues? Alors, procédons immédiatement aux questions. Vous êtes très populaire, monsieur le ministre. Plusieurs sénateurs ont des questions à poser.
[Traduction]
La sénatrice White : Merci, monsieur le ministre de votre exposé, ici, ce soir.
Comme vous le savez, en octobre 2023, Parcs Canada a publié un rapport sur les consultations relatives à la cession de terres. D’après le rapport de consultation, 24 partenaires autochtones ont reçu des lettres d’avis. D’après ce que l’on sait, on n’a reçu de réponse que de six partenaires autochtones, et quelques Premières Nations ont été rencontrées.
Je m’interroge simplement sur l’obligation de consulter dans ce dossier. Cela s’applique-t-il aux amendements? Si c’est le cas, a-t-on rempli l’obligation au moyen de la sensibilisation en ce qui concerne ce rapport?
M. Guilbeault : Je n’ai pas le rapport sous les yeux. Je me demande si l’un de mes collègues de Parcs Canada pourrait répondre à la question.
Andrew Campbell, vice-président principal, Opérations, Parcs Canada : En ce qui concerne l’obligation de consulter, pour l’essentiel, la consultation portait sur le transfert des pouvoirs ou le partage de pouvoirs, d’un point de vue municipal, avec la municipalité de Jasper. Pour cela, nous avons fait appel à tous les membres actuels et potentiels de ce qu’on appelle le forum des Autochtones du parc national de Jasper. Nous avons également rencontré les participants au forum, qui est composé de toutes les nations autochtones qui ont une relation avec Jasper. Dans ce cadre, nous avons reçu une rétroaction positive de toutes les nations. Après l’incendie, bon nombre des nations se sont adressées à nous et nous ont dit qu’elles soutenaient ce que nous devions faire pour aller de l’avant. Je pense que nous avons rempli l’obligation de consulter.
La sénatrice White : Excellent. Merci.
Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Guilbeault. Je comprends l’urgence liée à ce projet de loi, et je tiens compte de la demande pour accélérer l’adoption du projet de loi qui a été faite au comité.
Monsieur le ministre, pouvez-vous assurer au comité que le gouvernement du Canada est prêt à soutenir la municipalité de Jasper pendant la transition, à court terme, et pendant les difficultés qu’elle rencontre, à moyen terme, pendant les travaux de reconstruction, et à s’assurer que les facteurs climatiques et environnementaux qui ont causé l’incendie et la situation sont pris en considération?
J’ai une deuxième question pour les fonctionnaires : pouvez-vous décrire la portée du travail que la municipalité entreprendra? Avez-vous déterminé les ressources nécessaires pour soutenir ce travail? Pourrez-vous offrir ces ressources à la municipalité pour qu’elle réalise ce travail et qu’elle assume ses nouvelles responsabilités conformément au projet de loi C-76?
M. Guilbeault : Merci de votre intervention, monsieur le sénateur. Avec Parcs Canada, j’ai régulièrement discuté avec le maire et de nombreux fonctionnaires de la ville de Jasper. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous avons mis en place une structure de commandement unifié au tout début de l’incendie, mais nous avons décidé de la maintenir pour la phase de reconstruction. Je discute régulièrement avec le maire et avec Parcs Canada et d’autres ministères fédéraux, pour m’assurer que nous pouvons fournir à la municipalité tout ce dont elle a besoin pour reconstruire aussi rapidement et efficacement que possible. Je pense que cela répond à votre première question.
M. Campbell : Depuis 2022, nous avons un partenariat avec la ville de Jasper, qui nous a alors demandé de commencer à envisager le transfert de certains pouvoirs et responsabilités en matière de planification. C’est de là que provient le rapport de 2023, alors que nous nous engagions dans cette voie avec elles.
Nous étions engagés dans cette voie. Le projet de loi nous sert aujourd’hui de boussole. Nous savons tous que nous finirons par adopter ce transfert. Pendant la phase intermédiaire, Bill Given, le chef de l’administration de la ville — qui sera présent à votre prochaine réunion — a immédiatement été chargé de la planification. Nous avons également fait appel à deux cadres pour qu’ils s’occupent de ce transfert. Ils ont élaboré un plan. Nous avons prévu toutes les ressources nécessaires pour que nous soyons tous deux en mesure d’obtenir rapidement les permis requis. Les permis ont trait à tout, de la terrasse de votre maison à la clôture que vous avez... et tous ces types de permis. Ces types de permis seront transférés à la municipalité, qui met en place les ressources nécessaires. Entre temps, nous disposerons de ces ressources, et on procédera à un transfert, à un moment donné.
La sénatrice Sorensen : Merci à tous d’être ici, et de vos commentaires. Je suis tout à fait convaincue que le projet de loi C-76 profitera aux habitants de Jasper pour qu’ils puissent aller de l’avant et reconstruire efficacement la ville.
Ce n’est pas le moment de faire de la politique partisane et de lancer des accusations, mais certains Canadiens pensent que Parcs Canada a laissé la ville vulnérable aux feux de forêt, en n’éliminant pas davantage les arbres morts environnants qui avaient été dévorés lors de l’infestation par le dendroctone du pin ponderosa. Je ne suis pas sûre que cette critique soit juste. Si je me souviens bien, il y a eu quatre débuts d’incendie à des endroits différents dans un laps de temps très court. Les vents étaient très forts, et par définition, un feu de forêt est incontrôlable.
Parcs Canada a eu recours à des feux dirigés dans le parc, depuis 1996, et le programme IntelliFeu est en vigueur depuis 2003. Je sais que vous en avez parlé dans vos commentaires, monsieur le ministre, mais j’aimerais vous donner une autre occasion d’expliquer au comité ce que Parcs Canada et la municipalité ont fait pour gérer le risque, et ce qu’ils continuent de faire. J’apprécierais certainement vos commentaires, et je suis sûre que M. Campbell a également quelques détails à ajouter.
M. Guilbeault : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Merci à vous tous de votre aide, au Sénat, pour ce projet de loi.
Dans mes déclarations préliminaires, j’ai dit que Jasper était l’une des premières villes du Canada à avoir adopté le programme IntelliFeu. En fait, pour ceux qui ne le savent pas, IntelliFeu est un programme national qui vise à aider les municipalités à se préparer à des feux de forêt potentiels. Une grande partie de ce qui s’est produit à Jasper a servi à l’élaboration de ce que nous faisons aujourd’hui à l’échelle nationale. Cela dit — et je sais que ce n’est pas tout le monde ici qui croit aux changements climatiques; c’est la même chose de mon côté —, quand on regarde les ouvrages scientifiques et qu’on lit les rapports scientifiques et que l’on observe les tendances au Canada et ailleurs dans le monde, on constate une augmentation de la gravité et du nombre de feux de forêt. D’ailleurs, il suffit de regarder l’été 2023 pour voir à quelle vitesse les choses peuvent évoluer, comme ce que nous avons vu à Jasper.
Vous avez parlé des feux dirigés : nous l’avons fait. Les mécanismes d’élimination : nous l’avons fait. Une grande partie de l’écosystème forestier autour de la ville a été remplacée par des prairies afin d’éliminer le combustible potentiel qui peut déclencher un éventuel incendie. J’ai parlé de cette zone tampon de 1 700 hectares qui a été créée et des gicleurs qui ont été installés tout autour de la ville. Toutes ces choses ont joué un rôle important pour réduire au minimum les effets du feu de forêt, mais nous n’avons pas pu éliminer tout l’impact. Tout cela a été fait en collaboration avec la ville de Jasper, et souvent avec les autorités de lutte contre les feux de forêt de l’Alberta également.
Monsieur Campbell, vous pourriez peut-être nous parler de tout le travail qui est fait dans le cas d’une évacuation et des nombreux... on ne les appelle pas « exercices d’essai »; on utilise un autre terme pour cela.
M. Campbell : On les appelle exercices de simulation. Certaines personnes ont cité Alan Fehr, à qui on a demandé, en 2018, s’il était nerveux au sujet des feux de forêt. Il a fini par dire « non, parce que nous avons senti que nous étions prêts du point de vue de l’évacuation et de la gestion des urgences ». Il avait raison.
Il n’existe aucun autre endroit au pays où 20 000 personnes ont été évacuées en cinq heures. Quand on cite les personnes, il faut s’assurer qu’on les cite correctement et que l’on dise ce qu’elles font.
Par ailleurs, si l’on pense à l’exploit que cela représente et à la préparation que cela exige, cette nuit-là, ce sont des jeunes de 17 à 25 ans qui ont géré les terrains de camping pour nous, et ils ont évacué les gens. La GRC et l’Agence de gestion des urgences de l’Alberta nous ont aidés; ce sont eux qui ont évacué les gens sans qu’une seule personne ne soit blessée ni tuée. Merci.
La sénatrice Sorensen : J’aimerais terminer en remerciant également Parcs Canada. Si tragique que cela ait pu être — 30 % de la ville a été perdu —, sauver 70 % de la ville, dans cette situation, est un exploit incroyable. Je vous remercie, vous, et tous vos intervenants, d’avoir fait ce que vous avez fait. Je dirais également qu’évacuer 20 000 personnes en cinq heures est incroyable.
Le sénateur D. M. Wells : Merci aux témoins et au ministre d’être ici. J’aimerais parler de deux ou trois choses. L’une d’elles, c’est la prévention par rapport à l’atténuation. Je pense que vous seriez d’accord pour dire que la prévention est vraiment importante. Parcs Canada est responsable de la gestion des terres. La lutte contre les incendies est importante, mais diriez-vous que la prévention des incendies l’est peut-être un peu plus? Je pose cette question en premier. J’ai deux ou trois autres questions par la suite, mais elles sont assez simples.
M. Guilbeault : La prévention des incendies est-elle plus importante que la gestion des terres?
Le sénateur D. M. Wells : Non, plus importante que l’atténuation.
M. Guilbeault : On doit faire les deux, absolument.
Le sénateur D. M. Wells : Diriez-vous que la prévention est plus importante?
M. Guilbeault : Je pense qu’il faut faire de la prévention, mais en cas d’urgence, il faut pouvoir atténuer les effets.
Le sénateur D. M. Wells : D’accord. En 2018, un certain nombre de scientifiques éminents — je vais citer Emile Begin et Ken Hodges — ont parlé de certaines choses qui se passaient :
Parce qu’on lutte contre les incendies depuis de nombreuses années, il y a beaucoup de bois mort pouvant servir de combustible, qui aurait été consommé par un processus naturel. Le dendroctone du pin ponderosa ne fait qu’aggraver la situation.
Ils ont poursuivi en disant :
Il y aura une catastrophe majeure si on met le feu à cet environnement. Si on ne réduit pas le combustible, on court le risque d’avoir un incendie comme celui de Waterton.
Ils parlaient des feux de forêt survenus à Waterton en 2017.
Pourquoi Parcs Canada n’a-t-il pas tenu compte de cet avertissement, s’il est responsable de la gestion des terres et que ses scientifiques ont fait cette déclaration?
M. Guilbeault : Je vais répondre à la question, et je suis sûr que M. Campbell aimerait ajouter quelque chose.
Depuis 2020, nous avons investi environ 86 millions de dollars dans des mesures de prévention des incendies — pour éliminer les dendoctrones du pin ponderosa et les arbres morts — en Alberta. Il ne s’agit pas seulement de Jasper; cela concerne Wood Buffalo et d’autres parcs nationaux en Alberta. À titre de comparaison, pendant sa dernière année au pouvoir — en 2014-2015 —, l’ancien gouvernement a investi 2 millions de dollars. Nous avons investi 86 millions de dollars. Je pense que nous avons fait beaucoup de choses en matière de prévention.
Je pense que M. Campbell voudrait ajouter quelque chose.
M. Campbell : Les deux personnes que vous avez citées — Begin et Hodges — sont des forestiers professionnels qui ont 35 ans d’expérience. Si j’ai une maladie cardiaque, je n’irai pas voir mon dentiste. Les forestiers ne sont pas des experts en incendies.
En 2016, on a fait appel à 12 experts en incendies — les meilleurs du pays — au conseil du Centre interservices des feux de forêt du Canada pour définir la meilleure façon de procéder aux feux dirigés, à la prévention et à l’élimination mécanique. En 2016, nous avons publié un rapport et Begin et Hodges ont dit, en 2018, que nous devrions mener une grande partie de ces activités. Nous le faisions déjà en 2016. Nous pratiquions déjà l’enlèvement mécanique et les feux dirigés massifs dont le ministre a parlé. Nous avions déjà mis en place divers niveaux de protection dans les coupe-feux à l’intérieur de la ville. Nous avions déjà aménagé des routes coupe-feu dans les environs. Nous travaillions déjà à un service de lutte contre les incendies.
Je respecte ces deux forestiers qui comptent 35 ans d’expérience, mais même dans le rapport, ils disaient « nous avons parlé à des gardiens de parc ». Les gardiens ne sont que des agents de la paix. Je ne pense pas qu’on parlerait à des agents de police pour leur poser des questions sur la mise en place des stratégies intelligentes de lutte contre les incendies dans la ville d’Ottawa.
Le sénateur D. M. Wells : Je comprends, et c’est très intelligent, mais ils avaient tout à fait raison.
M. Campbell : Non, nous avons fait tout ce qu’ils ont dit.
Le sénateur D. M. Wells : Même le maire, qui n’est probablement pas non plus un spécialiste de la foresterie, a dit ceci, à peu près à la même période :
Si un feu commençait dans la vallée de la rivière Miette dans des conditions sèches et avec une grande quantité d’arbres morts, nous pourrions avoir un incendie d’une très grande intensité […]
Même s’ils n’étaient pas des professionnels au ministère, ils avaient raison.
M. Guilbeault : Vous n’êtes pas non plus un scientifique, sénateur. Vous les avez qualifiés de scientifiques. Comme l’a souligné M. Campbell, ce sont des forestiers. Je ne crois pas qu’ils soient des scientifiques. Il y a une différence.
Le sénateur D. M. Wells : Deux scientifiques, Emile Begin et Ken Hodges, ont déjà alerté les responsables de Parcs Canada concernant l’imminence de la catastrophe et l’absence des mesures de préparation et de prévention nécessaires.
M. Guilbeault : Vous les avez qualifiés de scientifiques. Il ne s’agit pas de leur enlever quoi que ce soit.
M. Campbell : Ils sont très expérimentés.
Le sénateur D. M. Wells : Mais ils avaient raison. C’est ce que je voulais dire à ce sujet.
Voici ma question : monsieur le ministre, si cela a été fait correctement, pourquoi le tiers de Jasper a-t-il été brûlé? Qu’est-ce que le ministère aurait pu faire différemment? Qu’est-ce que le ministère aurait dû faire différemment? Ou avez-vous fait tout ce qu’il fallait et avez quand même obtenu ce résultat?
M. Guilbeault : Si l’on compare cela à d’autres situations — prenons Lytton, par exemple, en Colombie-Britannique, où toute la ville a été réduite en cendres —, nous avons appris beaucoup de cette catastrophe. Au cours de ces quelques courtes années, nous avons élargi la zone tampon. Je comprends que vous ne croyez pas aux changements climatiques, sénateur...
Le sénateur D. M. Wells : Je m’excuse; j’ai dit officiellement que je croyais aux changements climatiques. Je sais que vous ne suivez peut-être pas les travaux du Sénat, mais ce genre de commentaire est déplacé et injustifié.
M. Guilbeault : Je m’excuse, alors. C’est la dernière chose que j’ai lue concernant vos commentaires sur cette question, je ne suis peut-être pas à jour. Je m’en excuse, sénateur.
Comme vous le savez, en raison des changements climatiques, il y a de plus en plus de feux de forêt au Canada et dans d’autres pays. Prenons les États-Unis, l’Europe, la Chine et la Russie. L’intensité de ces feux de forêt augmente. Si ma mémoire est bonne, nous avons une zone tampon de 1 700 hectares autour de Jasper et d’environ 2 000 hectares autour de Banff. Nous devrons probablement étendre ces zones tampons, en raison des changements climatiques et des incendies de forêt plus intenses que par le passé.
[Français]
La sénatrice Galvez : Merci de votre présence et merci de répondre à nos questions, monsieur le ministre.
[Traduction]
Je crois qu’il faut, bien sûr, adopter le projet de loi C-76, et je comprends l’urgence de la situation, mais ici, au Sénat, nous devons également examiner les conséquences imprévues et les aspects originaux du projet de loi que nous voulons adopter.
Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que le réchauffement climatique affecte tout. Vous avez oublié de mentionner les incendies en Amazonie. C’est terrible. Le président Lula a dû quitter New York plus tôt à cause de cela.
Les amendements à la Loi sur les parcs nationaux du Canada proposés dans ce projet de loi s’appliquent-ils seulement au Parc national de Jasper? Y a-t-il d’autres parcs nationaux qui seront visés par ces amendements? Parce que, comme vous venez de le mentionner, nous continuerons de vivre avec ces choses, et nous devons nous préparer et nous adapter.
De plus, voulez-vous, s’il vous plaît, parler des répercussions de ce projet de loi et des conséquences économiques sur le secteur des assurances, par exemple, parce que, en tant que Canadiens, nous assumons tous les coûts aujourd’hui. Quel est le message que nous envoyons aux compagnies d’assurance?
M. Guilbeault : Merci, sénatrice. La réponse à votre première question, c’est que les amendements s’appliquent seulement à Jasper. Vous devez comprendre que Jasper et Banff sont dans une situation unique dans le pays, car ce sont des villes qui se trouvent dans des parcs nationaux, et on ne retrouve pas cela dans les autres parcs nationaux. Le projet de loi visant à déléguer ce que l’on pourrait appeler les pouvoirs locaux à la Ville de Banff a été adopté il y a de nombreuses années... bien avant que je ne sois en politique. Pour une raison ou une autre, cela n’a pas été fait pour Jasper. Nous avons entrepris ce travail il y a quelques années. Évidemment, le feu de forêt est la raison pour laquelle nous sommes ici afin d’accélérer le rythme. Cela s’appliquerait seulement à Jasper. Évidemment, nous examinons les répercussions ou les répercussions potentielles des feux de forêt sur tous nos parcs nationaux, mais il s’agit d’une situation qui est propre à Jasper.
En ce qui concerne l’industrie des assurances, vous avez peut-être vu, la semaine dernière — ou peut-être la semaine d’avant —, que le Bureau d’assurance du Canada a fait une déclaration, disant que, en raison des mois de juillet et d’août, 2024 est déjà l’année la plus coûteuse dans l’histoire du Canada en ce qui concerne les conséquences économiques du climat. Il est seulement question de ces deux mois. Ce n’est pas toute l’année 2024. Il s’agit des feux de forêt et des inondations dans l’Est du Canada.
Nous sommes activement engagés dans des discussions avec le Bureau d’assurance du Canada sur ce que nous devons faire au chapitre de l’adaptation au climat — nous déployons maintenant la Stratégie nationale d’adaptation pour le Canada —, et nous discutons également avec cet organisme pour voir comment l’industrie des assurances peut soutenir la reconstruction de Jasper et nous assurer que les compagnies d’assurances fournissent aux municipalités, aux entreprises et, évidemment aux habitants de Jasper, tout ce dont ils ont besoin pour reconstruire la ville le plus vite possible.
La sénatrice Galvez : Pour ce qui est des autres incendies de cette ampleur et de cette intensité, on parle non seulement du bois qui a brûlé, mais également des voitures, des hôpitaux et des maisons. Cela dégage des matières très toxiques qui se retrouvent dans le sol. Est-ce que ce sera traité comme un site contaminé qui nécessite une décontamination?
M. Campbell : Oui. L’une des choses que nous avons faites — qui sont facilitées au moyen des mesures que nous avons prises concernant cette loi —, c’est que nous avons accéléré le système d’octroi de permis, mais, en même temps, nous nous assurons que la contamination est bien gérée. Il faudra que tout le monde se procure un permis de décontamination pour éliminer ce qui reste sur place; ensuite, pour amener cela dans une installation de traitement des déchets, il faudra également un permis pour transporter les objets contaminés.
Je dirais que ces permis sont délivrés très rapidement, et de nombreux employés sur place s’assurent que la décontamination est faite et que les permis de décontamination sont délivrés.
[Français]
La sénatrice Verner : Merci à vous quatre d’être ici ce soir. Dans un autre ordre d’idées, je comprends qu’il y a une collaboration très forte et solide entre Parcs Canada et la municipalité de Jasper. Monsieur le ministre, vous dites avoir des conversations régulières avec le maire de Jasper. Il y a des travaux et des efforts de décontamination, comme ma collègue l’a mentionné, qui ont été faits ou qui sont en cours.
La semaine dernière, le gouvernement de l’Alberta a annoncé un fonds de 149 millions de dollars pour reconstruire la ville de Jasper. Vous avez également l’intention de solliciter des compagnies d’assurance.
Ma question est la suivante : le gouvernement fédéral va-t-il octroyer un fonds pour aider à la reconstruction de la ville de Jasper, comme le gouvernement provincial l’a fait?
M. Guilbeault : Je vous remercie de votre question, sénatrice Verner. En ce qui a trait à la collaboration avec la municipalité, je crois que le maire sera avec vous dans la prochaine heure. Vous pourrez lui poser la question. J’ai encore discuté avec lui la semaine précédant la semaine dernière. Bien entendu, le gouvernement fédéral investira dans la reconstruction de Jasper. On a déjà annoncé, comme l’Alberta l’a fait d’ailleurs, qu’on allait égaliser les dons faits à la Croix-Rouge, par exemple un dollar pour chaque dollar.
Le gouvernement de l’Alberta a annoncé un fonds de 149 millions de dollars la semaine dernière; il est en partie financé par le gouvernement fédéral. Il y a des montants fédéraux dans ce total, mais nous allons investir plus que cela encore. On doit faire l’évaluation des besoins et c’est ce sur quoi on travaille avec Parcs Canada, la municipalité et le gouvernement de l’Alberta. On a déjà annoncé par exemple qu’on allait suspendre le paiement de certains frais de la part de la population et des entreprises auprès de Parcs Canada, donc il y aura un congé pendant la reconstruction. Je n’ai pas le total, parce qu’on est encore en train de le déterminer, mais il y aura des sommes importantes investies par le gouvernement fédéral.
La sénatrice Verner : Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci à tous nos témoins de leur présence ce soir.
[Traduction]
Monsieur le ministre, nous avons le plaisir de vous accueillir, aujourd’hui, pour discuter du projet de loi C-76, qui représente une étape importante dans la recherche d’un équilibre entre les besoins propres au développement communautaire de Jasper et la conservation de nos parcs nationaux.
[Français]
Prévoyez-vous des conflits potentiels entre les règlements fédéraux et les règlements municipaux? Quels mécanismes seront mis en place pour résoudre les conflits potentiels entre les règlements fédéraux et les règlements municipaux, s’il y en a?
M. Guilbeault : Merci de votre question. L’objectif du projet de loi C-76 est justement de déléguer à la municipalité les pouvoirs qui appartiennent à Parcs Canada actuellement pour tout ce qui concerne l’organisation et les affaires municipales, soit ce qu’une municipalité ferait normalement. L’objectif du projet de loi est de déléguer ces pouvoirs à la municipalité.
Comme je le disais plus tôt à l’une de vos collègues, Banff et Jasper sont dans une situation unique au pays, parce que ce sont des villes situées en plein milieu d’un parc national. Il y a toujours des discussions sur la façon dont on doit faire les choses et sur les arbitrages que l’on doit faire. On n’est pas une municipalité ordinaire quand on est situé dans le milieu d’un parc national. Cela vient avec beaucoup d’avantages, mais il y a aussi des décisions qu’il faut prendre ensemble. Le maire de Jasper pourra vous le confirmer, mais il y a une excellente collaboration entre Parcs Canada et la municipalité depuis de très nombreuses années, que ce soit pour la gestion du parc, l’aménagement et les relations entre les activités de la ville et de ses habitants et le parc national. Combien d’employés de Parcs Canada habitent —
M. Campbell : Environ 500 employés.
M. Guilbeault : Il y a donc 500 employés sur une municipalité de 3 000 à 4 000 personnes. Parcs Canada a une présence très importante en matière de population. Il y a des liens très étroits entre les deux.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : J’aimerais que vous nous parliez davantage de la façon dont le gouvernement fédéral s’assurera que les règlements locaux à Jasper cadrent avec les objectifs plus généraux de la conservation des parcs nationaux.
M. Campbell : Dans le cadre de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, il est déjà question de Banff et d’une autre municipalité — dans ce cas, c’est Jasper, et quand il est question d’autres villes également — on se penche sur cette harmonisation. Chacune doit avoir un plan de ville ou un plan municipal qui est présenté au Parlement pour préciser la voie à suivre en tant que municipalité. Dans le cadre de ce plan de ville... c’est difficile d’en parler lorsque la sénatrice Sorensen est assise ici, elle qui en a élaboré un certain nombre.
À ce moment-là, il y a une négociation entre Parcs Canada et la municipalité pour dire : « d’accord, quels sont les objectifs, et comment cela s’inscrit-il dans le cadre des parcs nationaux? »Tout le monde travaille dans ce sens, puis vous établissez des règlements. Si vous étiez le maire et le conseil de Banff, vous auriez établi vos règlements en vous appuyant sur cela, et c’est ce qui s’est passé également à Jasper. Ce sont les garde-fous du plan de la collectivité qui est présenté au Parlement.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice McCallum : Merci d’être ici, aujourd’hui. D’abord, j’aimerais demander le nom de toutes les nations qui entretiennent une relation avec Jasper, comme vous l’avez mentionné. Comme vous le savez, les Premières Nations dont les ancêtres vivaient dans cette région depuis des temps immémoriaux n’y habitent plus. Ils ont été déplacés.
Quel est le rôle spécifique des Premières Nations, des Métis et des Inuits dans la reconstruction du parc national Jasper? Et nous nous rendons compte que la municipalité est la mieux placée pour savoir comment mieux reconstruire... nous examinons le règlement de zonage de construction qu’ils connaissent très bien pour pouvoir reconstruire.
Qu’est-ce qui a été fait pour répondre aux préoccupations qui ont été soulevées pendant les consultations, et comment ont-elles été dissipées?
M. Guilbeault : Je peux peut-être commencer par répondre précisément à la question des consultations. Je laisserai M. Campbell répondre à cette partie de la question.
Sénatrice, dans vos observations préliminaires, vous avez dit que de nombreuses nations autochtones ont été déplacées quand le parc a été créé. C’est malheureusement la vérité pour de nombreux autres parcs créés dans tout le Canada. Sur la voie de la réconciliation, nous travaillons sur de nombreux points pour changer cette situation.
Par exemple, à Gwaii Haanas dans l’archipel de Haida Gwaii, nous travaillons avec la nation qui veut devenir propriétaire du parc national, et nous discutons avec elle pour voir comment cela fonctionnerait et le rôle que Parcs Canada pourrait jouer. Dans d’autres cas, nous étudions les accords de partage des bénéfices avec les nations locales qui étaient là, mais qui ne le sont plus, et nous fournissons l’accès au parc aux membres de la nation. Nous faisons un certain nombre de choses pour essayer de réparer les erreurs du passé au chapitre de la création des parcs nationaux.
M. Campbell : Oui, nous pouvons certainement transmettre la liste. C’est très facile à faire.
Il y a un groupe appelé le forum des Autochtones du parc national Jasper, qui est un forum des Autochtones de Jasper. C’est un groupe permanent d’Autochtones chargés de la gestion du parc. L’un des grands projets dont nous sommes fiers est un jardin autochtone, qui s’inscrivait dans les initiatives Intelli-feu du centre-ville. Nous espérons toujours que le projet ira de l’avant avec les nations autochtones de la région. Il est difficile d’y entrer et d’en sortir, mais ce sera un grand jour lorsque le jardin autochtone sera ouvert. C’est un projet auquel travaille le forum des Autochtones du parc national de Jasper depuis de nombreuses années.
Ce forum est engagé dans de nombreux aspects de la gestion du parc, comme certaines des zones où le surintendant du parc demandait une utilisation culturelle
Jasper a été l’un des premiers parcs des parcs des montagnes qui a autorisé et cogéré la chasse autochtone. Une chasse cérémoniale est organisée chaque année à Jasper. Elle a débuté il y a deux ou trois années. Il s’agit d’un autre projet cogéré et codirigé par le forum des Autochtones du parc national de Jasper.
La sénatrice Robinson : J’aimerais faire suite à la question de la sénatrice White et de la sénatrice McCallum sur l’obligation de consulter. Récemment, le comité a étudié le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, et les représentants des Premières Nations de la Nouvelle-Écosse, nous ont dit à la dernière minute qu’ils n’avaient pas été consultés comme il se doit. Leur discours était ferme, et ils ont dit dans les grandes lignes qu’ils appuyaient le projet de loi C-49, mais, puisqu’ils n’avaient pas été correctement consultés, ils sentaient qu’ils étaient considérés comme les retardataires, et que cela les a mis dans une position délicate, ce qui était regrettable.
J’aimerais m’assurer que nous ne répétons pas cette erreur et que nous avons consulté comme il se doit les Autochtones. Voici ma question : si nous devions convoquer les 24 partenaires autochtones, ici, et leur demander si le gouvernement du Canada a rempli son obligation de consulter, êtes-vous sûr qu’ils répondraient tous par l’affirmative?
M. Guilbeault : Je laisserai M. Campbell répondre à la question, parce qu’il est plus concerné par cette question. En plus de ce que j’ai dit à la sénatrice McCallum un peu plus tôt, en ce qui concerne les changements que nous apportons à Parcs Canada, surtout dans notre relation avec les Autochtones, j’ai eu l’honneur cet été d’annoncer l’ouverture du quarante-huitième parc national, Pituamkek, à l’Île-du-Prince-Édouard. C’est une initiative complètement dirigée par les Autochtones. Ils nous ont dit : « nous voulons créer un parc national sur notre territoire traditionnel », et nous avons travaillé avec eux pour le concrétiser.
Que ce soit un parc national ou un nouveau projet de conservation, n’importe où dans le pays, si les Autochtones ne font pas partie des discussions, ce n’est même pas la peine de venir me voir avec votre projet. Il n’avancera pas.
Nous travaillons d’arrache-pied pour changer la nature de cette relation. Je laisserai M. Campbell répondre à la question sur la consultation concernant Jasper.
M. Campbell : J’ai discuté du plan communautaire, qui est un document ayant fait l’objet de consultations complètes exigeant que ces 24 collectivités soient consultées, et c’est un pas en avant vers la mise en œuvre du projet de loi. Si les 24 collectivités étaient ici, aujourd’hui, et qu’une ou deux disaient qu’elles n’ont pas été consultées, elles auraient une autre occasion de l’être; elles ont toutes été contactées. Il serait malvenu de ma part de parler au nom des nations, alors je ne parlerai pas des nations concernant ce qu’elles diraient si elles devaient être invitées à venir ici. Mais il y a un autre stade de consultation avant que ce projet de loi ne soit pleinement mis en œuvre, et que les pouvoirs ne soient délégués à la Ville de Jasper.
Cependant, durant le processus de consultation, quand les nations autochtones — dans ce cas, principalement les Premières Nations et une nation métisse — nous ont répondu, la question principale qu’elles étudiaient, c’était la reconnexion à la terre. L’emplacement de la ville n’était pas une préoccupation aussi importante que la reconnexion à la terre dans l’ensemble du parc. Nous devons nous rappeler que, si important que soit l’emplacement de la ville de Jasper, il s’agit d’une très petite zone dans tout le parc national. Il était davantage question du parc national. La plupart des zones culturelles et des régions culturelles — à part le jardin autochtone dans l’emplacement de la ville — se trouvent à l’extérieur de la ville.
Ce serait de la spéculation, mais c’est peut-être la raison pour laquelle six des nations nous ont directement répondu, tandis que les autres ne l’ont pas fait. Pour de nombreux membres du forum, l’emplacement de la ville ne suscite pas beaucoup d’intérêt. C’est le reste du parc et la connexion aux vallées, aux montagnes et à l’eau qui priment.
[Français]
Le président : Si je peux me permettre, monsieur le ministre, avant de procéder à la deuxième ronde de questions, ma compréhension du processus, c’est qu’on sent que c’est urgent. On se fait dire que c’est important d’adopter le projet de loi rapidement. En même temps, on se fait dire que même après avoir reçu la sanction royale, la mise en œuvre d’un projet de loi n’est pas immédiate. On va le laisser sur la tablette quelque part et finalement, après un moment, le projet de loi sera mis en œuvre. Je ne comprends pas pourquoi il y a urgence et pourquoi il y a une pause par la suite. Pouvez-vous nous expliquer?
M. Guilbeault : Je ne suis pas certain, en fait. Ce n’est pas la première fois que je comparais devant vous pour parler d’un projet de loi. J’en ai presque un par année depuis que je suis arrivé au Parlement. C’est une procédure très rare où l’on demande le consentement unanime. Notre intention, notre volonté, à la demande notamment de la municipalité et du maire de Jasper, est de faire tout ce que nous pouvons pour leur déléguer ces pouvoirs le plus rapidement possible. Il n’est pas question pour moi, si vous deviez adopter ce projet de loi, de m’asseoir là-dessus pendant des semaines, voire des mois. On veut déléguer ces pouvoirs le plus rapidement possible.
Ce n’est pas du tout notre intention de mettre le projet de loi sur une tablette — et ce n’est certainement pas l’intention de la municipalité de Jasper non plus, j’imagine.
Le président : Merci.
[Traduction]
Le sénateur D. M. Wells : C’est malheureux, parce que je vais poser la même question que j’ai posée au cours de la première série de questions. On n’y a pas répondu, mais je pourrais revenir pour la troisième série de questions. Monsieur le ministre, j’ai posé une question sur les mesures d’atténuation dont votre ministère était chargé et, aujourd’hui, je crois que vous appelez cela une réussite, parce que seulement un tiers de Jasper a brûlé. Vous avez mentionné Lytton, qui avait subi l’incendie en 2021.
Ma question est la même que plus tôt : qu’est-ce que votre ministère aurait pu faire différemment et qui aurait pu atténuer ce qui s’est passé à Jasper? C’est pour cela que nous sommes ici. Nous parlons de Jasper. Nous ne parlons pas de Lytton. Nous ne parlons pas du budget du premier ministre Harper en 2014. Nous parlons de votre budget, aujourd’hui. Qu’est-ce que votre ministère aurait pu faire différemment pour atténuer cela? Ou était-ce une réussite?
M. Guilbeault : Comme je l’ai dit, c’est le fait que nous ayons pu évacuer 20 000 personnes en 5 heures, et que 70 % de la ville ait été protégée. Vous ne pouvez pas prendre un seul feu de forêt et tirer une conclusion concernant l’ensemble de la stratégie du gouvernement en matière de feux de forêt. Je dirais que vous devez adopter une vision plus large. Regardez les feux de forêt qu’il y a eu en 2023.
Nous comprenons et nous savons maintenant que nous sommes entrés dans l’ère des changements climatiques; il y aura donc plus de feux de forêt, et leur gravité augmentera. C’est pourquoi nous avons mis en place un programme comme Intelli-feu. Mais cela signifie que nous pourrions avoir besoin de nouvelles normes parce que les normes changent, en ce qui concerne les feux de forêt.
Sénateur, vous avez parlé plus tôt de la vallée de la rivière Miette. Le feu de forêt a été maîtrisé dans cette vallée, cet été. Vous avez mentionné les deux forestiers qui ont dit que cette vallée pourrait être ravagée par un incendie. Ce feu a été maîtrisé cet été. Il ne s’agit pas du feu qui a touché la ville de Jasper.
Le sénateur D. M. Wells : Je vous en remercie. Vous savez que l’incendie qui a touché Jasper — en fait, je crois que vous l’avez dit — a été provoqué par la foudre. Nous reconnaissons tous que la gestion des forêts était mauvaise avant le feu. Il n’y avait pas eu de défrichement — vous avez mentionné le défrichement —, ou un très petit pourcentage avait été défriché; c’était extrêmement petit. Êtes-vous en train de dire que l’on n’aurait pas pu faire plus, ou que tout a été fait? Était-ce une grande réussite? Nous avons évacué tout le monde, donc c’était une grande réussite.
En fait, voici ce que le surintendant du parc a dit :
Jasper se trouve dans un environnement boisé, et les feux de forêt nous préoccupent toujours. Nous sommes tout à fait à l’aise avec notre propre planification des mesures d’urgence et d’évacuation.
S’agit-il du plan : l’évacuation? Est-ce cela qui en a fait une réussite?
M. Guilbeault : Si nous devions couper tous les arbres autour de la ville de Jasper, je ne pense pas que nous aurions rempli notre mandat en tant qu’intendant d’un parc national, que des millions de personnes, du Canada et du monde entier, viennent visiter chaque année. Je ne pense pas que c’est ce que nous faisons.
Nous essayons de trouver le bon équilibre entre s’assurer que nous avons des zones tampons adéquates autour des villes comme Jasper — et de nombreuses autres dans le pays — et la gestion des terres dans les parcs nationaux où les gens viennent voir la beauté de ces parcs.
Le sénateur D. M. Wells : J’aimerais dire qu’ils ne viendront pas l’année prochaine.
La sénatrice Galvez : Ce matin, Andrew Francis était avec nous, au Comité des finances nationales, et nous avons lancé cette discussion — ce dialogue — sur la science des prévisions météorologiques liées aux incendies. Mon collègue demande ce que nous pouvons mieux faire. Une des choses que, selon moi, nous pouvons mieux faire, c’est améliorer les modèles actuels et les rendre plus régionaux. J’ai demandé ce matin pourquoi il semble que les feux de forêt soient plus importants dans les Prairies par rapport à d’autres parties du Canada.
Nous savons maintenant qu’il existe une science de la modélisation des prévisions météorologiques liées aux incendies, et qu’il est impossible d’intégrer des mesures, des facteurs, et d’avoir un minimum de prévisibilité dans le réseau d’incendie. Que faisons-nous? Que font les universités et les scientifiques au Canada à cet égard?
M. Guilbeault : En ce qui concerne la modélisation, je serai heureux de fournir au comité une liste concernant l’évolution de la modélisation, à Environnement et Changement climatique Canada, au cours des dernières années, surtout en ce qui a trait... c’est peut-être Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada, parce que les deux ministères sont très engagés dans ce dossier.
Comme vous pouvez le savoir, nous lancerons des satellites qui seront dédiés à la détection des feux de forêt. L’une des difficultés avec les feux de forêt, c’est qu’un incendie peut se déclarer, mais si personne ne le voit parce qu’il n’y a personne sur place, il peut alors s’écouler un certain temps avant que les humains n’en prennent conscience. La mission de ces satellites serait essentiellement de détecter les incendies quand ils se déclarent, en utilisant l’intelligence artificielle. Je ne suis pas un modélisateur des changements climatiques, mais je serai heureux de fournir cela au comité.
La sénatrice Galvez : J’ai lu que, sur les 52 facteurs que les satellites mesurent, 23 le sont pour des raisons et des préoccupations environnementales, mais le Canada doit louer les services des satellites américains. Dites-vous que nous avons aujourd’hui nos propres satellites?
M. Guilbeault : Nous ne les avons pas encore. Ne me citez pas sur ce point. Je crois que ces satellites seront lancés en 2028. Nous avons passé des commandes. Ils sont en cours de construction et seront bientôt lancés.
La sénatrice Galvez : Merci.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Guilbeault, comment le gouvernement assurera-t-il la transparence et la consultation du public dans le cadre de l’élaboration des nouveaux règlements relatifs à l’utilisation des terres, à Jasper? Nous avons discuté de certaines difficultés rencontrées avec les Autochtones et les communautés. Je suis curieux; ces amendements pourraient-ils créer un précédent pour d’autres parcs nationaux, au Canada? Nous rencontrons de plus en plus ces difficultés. Nous avons parlé des nombreux incendies qui se produisent dans tout le pays.
M. Guilbeault : Comme M. Campbell l’a dit plus tôt, le plan de gestion de la Ville de Banff doit être présenté et approuvé au Parlement. Il en serait de même pour Jasper. Comme je l’ai dit plus tôt, ces villes sont dans une situation très unique. Il existe un certain nombre de villes qui sont proches des parcs nationaux, mais elles ne se trouvent pas à l’intérieur du parc national proprement dit.
Essentiellement, ce que nous faisons avec ce projet de loi, c’est que nous mettons Jasper sur un pied d’égalité avec ce qui est déjà fait pour Banff — comme la sénatrice Sorensen devrait le savoir — depuis de nombreuses années.
[Français]
Le président : Merci, monsieur le ministre, à vous et votre équipe d’avoir été avec nous. C’est très apprécié. Nous avons posé les bonnes questions et nous avons eu les bonnes réponses. Je vous remercie beaucoup.
Pour notre deuxième groupe, nous accueillons par vidéoconférence, Richard Ireland, maire de la municipalité de Jasper, et Bill Given, chef de l’administration, Centre de coordination de la récupération de Jasper. Nous accueillons également Paul Butler, directeur général de la Chambre de commerce de Jasper Park, et Scott Fash, chef de la direction de l’Association de l’industrie du bâtiment et de l’aménagement du territoire (BILD) Alberta.
[Traduction]
Merci de votre présence, et bienvenue. Nous avons réservé cinq minutes pour vos déclarations préliminaires. Vous avez la parole, monsieur Ireland; ce sera ensuite au tour de M. Given, M. Butler et M. Fash.
Richard Ireland, maire, Municipalité de Jasper : Honorables sénateurs, merci de me donner l’occasion de m’exprimer. Je prends la parole depuis le Parc national Jasper, situé sur les territoires visés par les Traités nos 6 et 8, ainsi que sur les terres traditionnelles des Anishinaabe, des Aseniwuche Winewak, des Dene-zaa, des Nêhiyawak, de Secwépemc, des Stoney Nakoda, des Mountain Métis et des Métis.
Bien avant la création du parc forestier Jasper en 1907, des Autochtones et des Métis vivaient et s’étaient établis sur ces terres. Le gouvernement de l’époque, jugeant que la présence et le mode de vie des Autochtones étaient incompatibles avec le nouveau parc national, les a activement déplacés et expulsés.
Alors que nous discutons aujourd’hui du projet de loi C-76, je suis conscient de la nécessité de reconnaître le lien des Autochtones avec ces terres, un lien qui enrichit notre compréhension et notre collectivité.
Aujourd’hui, nous discutons des répercussions du projet de loi C-76 en ce qui concerne le transfert des pouvoirs liés à la planification et au développement, qui passeront de Parcs Canada à la Municipalité de Jasper. Bien que ce projet de loi soit une loi habilitante, sa portée va bien au-delà de la simple procédure; il marque un tournant dans le développement de notre collectivité, dans notre avenir et dans nos relations en constante évolution avec Parcs Canada et les Autochtones.
Le transfert des pouvoirs rendu possible par ces modifications offre une occasion extraordinaire d’avancement et d’innovation dans les limites de l’empreinte écologique restreinte, définie et réglementée de la Municipalité de Jasper. Il nous permet de gérer et de réaménager les espaces et les lieux locaux d’une manière qui est mieux adaptée et qui répond mieux aux besoins de nos résidents afin de leur offrir un meilleur service, tout en continuant à honorer nos obligations environnementales.
Cette loi ne se limite pas à l’aménagement des terres et au développement ni à la reconstruction des structures physiques détruites. Elle vise à créer des possibilités de développement durable et inspiré et à reconstruire une collectivité redynamisée, mobilisée et visionnaire d’une manière qui profitera aux résidents, aux visiteurs et à notre parc national pour les générations à venir.
Un aspect crucial de l’avenir de notre collectivité sera notre engagement à favoriser la collaboration avec les communautés autochtones. Nous reconnaissons que les voix des gardiens originaux de ces terres feront partie intégrante des processus de planification efficaces. À mesure que nous avançons, il sera impératif de veiller à ce que ces terres soient utilisées d’une manière qui respecte les connaissances et la sagesse traditionnelles. Le projet de loi C-76 favorisera ces relations importantes et aidera à créer un cadre de collaboration continu, qui offre l’occasion de s’appuyer sur des points de vue diversifiés et des valeurs communes d’intendance et de respect du territoire.
Une importante mobilisation communautaire a été entreprise au sujet de ce projet de loi. Une grande majorité des participants s’est entendue sur un aspect en particulier : le caractère unique de Jasper en tant que petite ville de montagne authentique. Les participants aux séances de mobilisation du public ont convenu qu’il fallait protéger et préserver ce sentiment d’appartenance distinctif et que, pour refléter cette importance, il fallait réviser et mettre à jour les plans et politiques d’aménagement du territoire existants qui touchent une collectivité aussi authentique et unique.
La collectivité de Jasper s’est engagée à honorer et à préserver son histoire et son authenticité de petite ville et à rester vigilante face au développement excessif, à la commercialisation à outrance et au surtourisme.
Nous sommes une collectivité déterminée à créer des espaces accueillants et inclusifs qui reflètent les diverses voix de notre collectivité et de nos partenaires autochtones, en veillant à ce que chacun ait un rôle à jouer pour façonner notre avenir.
Le territoire au cœur de cette discussion n’est pas seulement une ressource; c’est une toile propre à illustrer nos rêves collectifs. Comme c’est le cas depuis des temps immémoriaux, Jasper peut être une route de voyage, un lieu de rencontre, un lieu de rassemblement, d’apprentissage et d’appréciation de la beauté naturelle de notre paysage montagneux et, pour ceux qui ont la chance d’appeler Jasper leur foyer, un milieu de vie. Pour concrétiser cette vision, nous devons travailler ensemble — le gouvernement, la collectivité, les dirigeants autochtones et les visiteurs.
Le transfert des pouvoirs à la municipalité en ce qui concerne l’aménagement des terres et le développement représente une avancée passionnante et essentielle pour Jasper. Il s’agit d’une occasion de bâtir une collectivité plus inclusive, durable, dynamique et démocratique qui permettra aux résidents de Jasper d’avoir les droits et les obligations dont jouissent les Canadiens de toute notre grande nation.
J’exhorte les membres du Sénat à appuyer ce projet de loi. En collaboration avec les autres ordres de gouvernement, les partenaires autochtones et d’autres intervenants, nous pouvons faire en sorte que ces terres servent à la fois d’espace et de fondement à un héritage de respect, de partenariat, de prospérité et de communauté. Je vous remercie de votre attention et j’attends avec impatience vos questions.
Le président : Merci, monsieur Ireland. Monsieur Given, vous avez la parole.
Bill Given, chef de l’administration, Centre de coordination de la récupération de Jasper, Municipalité de Jasper : Bonsoir, estimés membres du Sénat. C’est également un plaisir pour moi de me joindre à vous aujourd’hui depuis la Municipalité de Jasper. Je suis ici ce soir pour parler de mon point de vue, en tant que chef de l’administration de la municipalité, au sujet du projet de loi C-76 et du lien entre ce projet de loi et les principes fondamentaux de bonne gouvernance et le rétablissement de notre collectivité après le dévastateur Complexe d’incendies de Jasper.
Cette loi constitue en effet une étape essentielle pour Jasper : elle nous permet de gérer le lotissement urbain d’une manière qui reflète les valeurs et les objectifs communs de notre collectivité tout en honorant les responsabilités particulières qui découlent de notre emplacement à l’intérieur d’un parc national et d’un site du patrimoine mondial.
Comme vous le savez tous, parmi les collectivités définies comme des « collectivités » au sens de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, seulement deux — Banff et Jasper — sont des municipalités dotées de conseils locaux démocratiquement élus. Et des deux municipalités dotées de conseillers élus, seule Jasper est actuellement empêchée de jouer un rôle direct dans l’exercice des pouvoirs liés à l’aménagement des terres et au développement.
L’adoption de cette loi ouvre la voie aux résidents de Jasper pour qu’ils puissent enfin se prononcer directement au sujet des questions qui les concernent, par l’intermédiaire de leurs représentants locaux élus et responsables.
Comme vous le savez peut-être, l’incendie de forêt a causé une perte de biens dévastatrice, dont 90 % était des maisons, ce qui représente une perte d’environ 820 logements en tout. Malgré le déficit de logements préexistant de Jasper, cette perte a été profondément ressentie dans toute notre collectivité, et à mesure que nous reconstruisons, nous avons l’occasion de repenser notre approche de l’aménagement des terres et du développement. Nous avions discuté de l’accroissement du rôle de la municipalité avec Parcs Canada pendant plusieurs années avant l’incendie, et le libellé habilitant du projet de loi C-76 est maintenant plus que jamais nécessaire pour soutenir les efforts de reconstruction et de rétablissement de Jasper.
Parlant de rétablissement, je veux profiter de cette occasion pour souligner les efforts de collaboration continus entre la municipalité et Parcs Canada après la fin de l’état d’urgence local en septembre.
En nous inspirant de l’approche de commandement unifié qui a fait ses preuves, où la municipalité et Parcs Canada ont conjointement dirigé l’intervention lors de l’incident initial, nous avons mis en place le Centre de coordination de la récupération de Jasper, ou CCRJ. Le CCRJ est composé de ressources de la municipalité et de Parcs Canada — qui, encore une fois, travaillent sous un leadership partagé — et est devenu un centre essentiel de collaboration et d’action pour le rétablissement de notre collectivité.
Le CCRJ travaille en étroite collaboration avec le gouvernement de l’Alberta et les organisations locales par l’intermédiaire de groupes de travail créés pour se concentrer sur les domaines suivants : le logement, la reprise sociale, la relance économique, les infrastructures et la reconstruction.
L’équipe du CCRJ a contribué à la coordination et à la prestation de services essentiels, allant du soutien en santé mentale jusqu’à l’aide au logement. En travaillant ensemble, nous avons amélioré notre capacité à répondre efficacement aux personnes dans le besoin.
Le projet de loi C-76 appuiera davantage ces efforts. Ainsi, nous pourrons répondre rapidement aux besoins de notre collectivité aujourd’hui dans le contexte de la reconstruction, tout en veillant à ce que les résidents de Jasper aient voix au chapitre dans les décisions qui façonneront leur avenir.
La municipalité reste déterminée à permettre un rétablissement qui fera de Jasper une collectivité plus résiliente, durable et équitable.
En conclusion, j’exhorte le Sénat à appuyer le projet de loi C-76, en reconnaissant son potentiel au moment de transformer notre collectivité, de soutenir notre rétablissement après les feux de forêt et d’assurer notre résilience future.
Merci de votre temps. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci. Monsieur Butler, vous avez la parole.
Paul Butler, directeur général, Chambre de commerce de Jasper Park : Bonsoir, et merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous.
Jasper est un élément essentiel de l’industrie touristique canadienne. L’économie touristique de Jasper soutient le réseau des parcs nationaux de tout le pays. Les emblématiques parcs des montagnes Rocheuses canadiennes, un site du patrimoine mondial, sont une attraction touristique internationale de renom et un moteur économique essentiel au Canada. De son côté, Jasper est un centre d’accueil et un moteur essentiel au sein de ce système.
Toutefois, depuis l’incendie, les estimations des pertes économiques quotidiennes à Jasper s’élèvent à 4,5 millions de dollars par jour. Cela représente les emplois et les moyens de subsistance de mes amis et voisins. Mon organisation est profondément préoccupée par la santé économique et sociale de notre collectivité. Plus de 75 % des taxes annuelles de Jasper proviennent du secteur des entreprises. Je tiens ainsi à souligner l’impact économique disproportionné de la perte d’entreprises causée par les feux de forêt et de la perte écrasante du secteur touristique, que nous subissons actuellement et qui, selon nous, persistera pendant des années à venir. En soulignant cela, je ne veux en aucun cas minimiser les pertes personnelles écrasantes subies par les résidents.
Je reconnais que l’accélération de ce changement est motivée par un désir sincère d’aider notre collectivité à se reconstruire, et nous en sommes reconnaissants. Comme vous le savez, ce changement est en préparation depuis 2022. C’est pourquoi ce changement n’est pas une surprise. La surprise, cependant, pour mes collègues et moi, a plutôt été le moment choisi pour le faire. Le discours entourant l’introduction de la législation donne à penser que ce changement propulsera notre reconstruction, en favorisant la rapidité et l’efficacité. Mais ma réaction et celle de mes collègues lorsque nous avons appris la nouvelle a été, je dirais, plus modérée.
La réaction a été la suivante : « Et maintenant? » Au moment même où nous entamons cette reconstruction cruciale et vitale que nous impose la tragédie, nous devons maintenant gérer une transition complexe des pouvoirs faisant intervenir trois ordres de gouvernement et trois niveaux de bureaucratie. Cette loi, comme on l’a souligné, est la première de plusieurs étapes d’un long processus. Après cette première étape habilitante, plusieurs étapes beaucoup plus longues doivent être franchies. Des changements des règlements en matière de développement sont nécessaires. Nous avons besoin d’un nouveau plan de gestion, d’une nouvelle entente gouvernementale entre la ville et Parcs Canada, d’une nouvelle législation provinciale et de consultations publiques tout au long du processus. Si nous devons attendre ou patauger dans ce processus de transition et officialiser les changements nécessaires avant de pouvoir reconstruire, je crains que les dommages économiques et sociaux qui en résultent n’éclipsent l’impact direct de l’incendie.
Pour que cela fonctionne, plusieurs choses doivent être faites. Il doit y avoir une collaboration et une coopération immédiates et sans précédent entre Parcs Canada et les autorités municipales. Nous devons inverser le processus habituel, où les modifications réglementaires sont planifiées, légiférées et mises en place. Dans les faits, nous devons commencer par les mettre en place, puis les officialiser plus tard. Nous devons agir maintenant, et prescrire, décrire et délimiter plus tard. Nous devons mettre la charrue avant les bœufs.
Deuxièmement, il est tout aussi important que le gouvernement fédéral s’engage à fournir le financement et les ressources nécessaires à la transition et à la reconstruction — le gouvernement fédéral ne doit pas s’en tenir à la reconstruction de l’infrastructure du parc : il doit aussi faire sa part pour reconstruire la ville. La ville est le centre de service touristique du parc, et Parcs Canada doit assumer une partie de la responsabilité et contribuer à la reconstruction.
Je vous en supplie, ne laissez pas ce changement législatif servir d’excuse pour délaisser vos responsabilités envers la collectivité. Parcs Canada continuera d’avoir le pouvoir en matière de développement à Jasper, dans un avenir immédiat, et le gouvernement fédéral doit continuer de lui fournir les ressources pour l’exercer. S’il vous plaît, ne nous laissez pas tomber.
Fait plus important encore, je souhaite souligner un besoin critique et pressant. Nous avons besoin de logements à court terme pour les travailleurs de l’industrie du tourisme. Jusqu’à présent, cet enjeu a suscité très peu de soutien, et il semble que cela sera également le cas pour l’avenir. Les entreprises qui viennent à peine de se remettre du choc causé par l’incendie ne peuvent pas se permettre de construire les logements à court terme nécessaires pour prévenir l’effondrement de notre économie touristique. Présentement, il y a un risque bien réel qu’il n’y ait essentiellement pas de saison touristique hivernale, car les employés n’ont pas de logement. Cela serait une tragédie et aurait un effet dévastateur.
J’espère que, dans cinq ans, s’il y a la volonté, l’engagement et l’empressement d’agir, et un soutien financier adéquat, nous estimerons que ce projet de loi a été un vecteur de réussite. Merci de m’avoir écouté ce soir.
Le président : Monsieur Fash, c’est à vous.
Scott Fash, chef de la direction, Building Industry and Land Development Association (BILD) Alberta : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de m’avoir invité. Je suis le chef de la direction de la Building Industry and Land Development Association, en Alberta. Je suis également un urbaniste agréé et un membre de l’Institut canadien des urbanistes. Je me joins à vous aujourd’hui depuis Edmonton, qui se trouve sur les terres visées par le Traité no 6, un lieu de rassemblement traditionnel pour plusieurs peuples autochtones, y compris les Cris, Pieds-Noirs, Métis, Nakotas, Iroquois, Dénés, Ojibwés et Inuits.
La Building Industry and Land Development Association de l’Alberta représente approximativement 1 300 entreprises actives dans les secteurs de la construction de logements, de l’urbanisme, de la rénovation, les divers corps de métiers et bien plus encore. Nos membres participeront très probablement de façon active aux efforts considérables de reconstruction dans les mois à venir. J’étais avec l’organisme pendant la reconstruction de Fort McMurray, donc j’ai pu jeter un regard extérieur sur les défis que devaient relever tous les ordres de gouvernement. J’estime qu’il est essentiel que tous les ordres de gouvernement informent les résidents au sujet de la manière de sélectionner et d’engager les constructeurs. Dans le cas des incendies à Slave Lake et à Fort McMurray, malheureusement, la fraude était beaucoup trop répandue. Des gens promettaient de reconstruire des maisons pour une fraction du coût, puis empochaient le dépôt et disparaissaient. Bien heureusement, l’Alberta a un régime d’émission de permis beaucoup plus robuste du côté des constructeurs et des entrepreneurs, et offre des outils aux résidents. Nous serons ravis de soutenir tous les ordres de gouvernement dans la préparation d’information pour les résidents.
Nous anticipons que les difficultés logistiques associées à la reconstruction seront d’une complexité sans précédent au Canada, et plus précisément en Alberta. L’emplacement éloigné de Jasper signifie que la majorité des constructeurs, des promoteurs immobiliers, des gens de métier, des fournisseurs et des matériaux proviendront d’Edmonton ou probablement de Grande Prairie et peut-être de Calgary et de Red Deer. C’est à plus de quatre heures de route.
Chaque maison construite exige habituellement jusqu’à 100 travailleurs. La logistique sera essentielle pour que les efforts de reconstruction soient rapides et rentables.
En faisant cela, il sera très important de planifier l’arrivée des gens de métier pour qu’ils travaillent sur plusieurs chantiers simultanément. Par exemple, grâce à une bonne planification, l’équipe qui s’occupe du coulage des fondations peut se rendre à Jasper avec son matériel et son équipement, rester dans un logement temporaire et travailler pendant une à deux semaines, en effectuant 10 à 20 coulages de fondations pendant cette période, au lieu de se déplacer pour une à deux journées et de faire seulement un ou deux coulages de fondations, ce qui occasionnerait des frais beaucoup plus importants.
La même approche doit être reproduite des dizaines de fois pour de multiples métiers de la construction afin que la reconstruction soit faite de manière rapide et rentable. S’il y a des retards dans les approbations et les inspections, la coordination des horaires sera difficile, voire impossible. Nous croyons que le projet de loi C-76 est une étape importante au moment d’éliminer l’une des plus grandes entraves à cette reconstruction, soit de s’efforcer d’instaurer un cadre de réglementation et d’approbation simplifié et flexible. Cela sera essentiel pour soutenir la coordination des gens de métier, des fournisseurs et des calendriers de construction dans leur ensemble.
La manière dont seront établis les besoins dans les prochains mois jouera un rôle essentiel au moment de déterminer les éléments suivants : premièrement, quelles entreprises seront intéressées ou aptes à offrir leurs services pour la reconstruction; deuxièmement, quelle sera la rapidité des approbations de construction; et troisièmement, quel sera le coût.
Nous pensons qu’il sera important de simplifier le zonage des zones touchées — il existe présentement sept zones résidentielles —, d’offrir une plus grande flexibilité pour le nombre de logements accessoires permis par propriété; de déterminer si une plus grande densité sera permise dans le cadre du redéveloppement, y compris des empreintes d’immeuble plus grandes; et de réviser les plus de 100 pages d’exigences en matière d’architecture, et de les simplifier ou de cerner une approche différente.
Afin d’assurer une construction rapide et à grande échelle, la ville devra travailler directement avec un groupe de constructeurs et de promoteurs immobiliers pour cibler les caractéristiques, les conceptions et les matériaux qui sont abordables et peuvent être reproduits. Comme l’a dit M. Given, plus de 800 unités de logement doivent être reconstruites. Elles ne peuvent pas toutes être personnalisées, donc nous devons trouver un moyen de préserver et de rehausser le cachet de la ville tout en favorisant la rapidité de la construction.
Je crois que le choix de la version albertaine du code national du bâtiment sera important, puisque cela permettra à plus de constructeurs, de gens de métiers et de fournisseurs albertains de participer. Fait tout aussi important, cela augmente le bassin d’inspecteurs chargés de l’application du code de sécurité qui seront disponibles. Cela permettra également à des groupes tels que BILD Alberta, le gouvernement de l’Alberta et d’autres organismes sans but lucratif de soutenir toutes les personnes en cause en appliquant le code, advenant que des clarifications ou des dérogations soient nécessaires.
Nous nous trouvons probablement à l’étape la plus importante de la reconstruction, du point de vue de la construction, même si le coulage des fondations se fera dans plusieurs mois sinon plus. Si nous mettons en place un cadre adéquat du point de vue des politiques et de la réglementation, à long terme, vous serez capable de délivrer plus rapidement des approbations, d’augmenter l’abordabilité de la construction et la vitesse globale de la reconstruction. Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer directement aux questions.
La sénatrice Sorensen : Ma question s’adresse à M. Ireland. Tout le monde semble se trouver dans des pièces différentes. Monsieur Ireland, c’est un plaisir de vous voir, et je vous remercie d’être présent, ici, ce soir.
Il est inutile de vous rappeler qu’une tâche herculéenne vous attend, alors que vous essayez de reconstruire la ville et de maintenir le moral de votre collectivité. J’ai apprécié votre témoignage. Selon moi, il était plein d’optimisme, et vous nous avez fait apprécier l’occasion qui s’offre de réfléchir consciencieusement à la façon dont vous voulez reconstruire. C’était merveilleux à entendre.
Pourriez-vous expliquer au comité en quoi l’adoption du projet de loi soutiendra la reconstruction de la ville de Jasper? Je vais vous demander d’approfondir les choses. On m’a demandé aujourd’hui, au Sénat, de donner un exemple précis de quoi aurait ressemblé la reconstruction d’un complexe d’habitation, il y a un an — comment est-ce que cela se produit et de quelles décisions vous êtes responsable — et de quoi cela aura l’air dans un avenir proche? Quelle serait la différence pour la ville de Jasper avec une étude de cas précise?
M. Ireland : Merci, sénatrice Sorensen, et merci de votre discours d’aujourd’hui à la Chambre rouge, que j’ai eu l’occasion d’écouter.
Les modalités applicables à toute habitation sont difficiles à connaître, mais si nous creusons un peu, la disposition législative prépare le terrain pour une intervention plus localisée et plus immédiate en cas de dérogation dans la mise en œuvre de l’aménagement. En vertu du régime actuel, Parcs Canada s’occupe de la gestion des terres. C’est Parcs Canada qui reçoit les demandes de permis d’aménagement, et elles sont traitées dans le cadre d’un processus fondé sur les dispositions législatives nationales, et non pas locales, qui sont appliquées à l’échelle locale. Nous souhaitons regarder un grand nombre de facteurs y compris quelque chose d’aussi simple que de retirer l’exigence d’avoir un toit en bardeaux de fente dans une zone de la ville. C’est quelque chose qui est présentement inclus dans les exigences de zonage au palier fédéral. Cela doit changer. Il est maintenant connu qu’il est déconseillé d’utiliser des bardeaux de fente dans les collectivités en bordure de forêts. Nous aimerions avoir la possibilité d’apporter ce changement immédiatement.
Comme l’ont dit les représentants de Parcs Canada, nous collaborons avec eux, et nous serons peut-être en mesure d’influencer ce changement à l’échelle nationale — mais, comme nous l’avons aussi entendu, Parcs Canada a des exigences en matière de consultation nationale qui n’existeraient pas à l’échelle provinciale, en vertu des dispositions législatives municipales, si nous étions en mesure d’obtenir le contrôle grâce au projet de loi.
Je n’essaie pas de dire que le projet de loi, en lui-même, change les choses. Il s’agit d’un projet de loi habilitant, qui prépare le terrain pour le réaménagement de notre entente de gouvernance locale avec Parcs Canada, et nous sommes sur la bonne voie. Puis nous présentons cela, au bout du compte, à la province de l’Alberta et obtenons un décret pour modifier notre statut en tant que municipalité spécialisée dans la province de l’Alberta, qui n’a présentement pas accès à la partie 17 de notre Municipal Government Act, savoir la section portant sur la planification et l’aménagement.
Le projet de loi est un prérequis nécessaire pour que les prises de décisions locales tiennent compte de notre situation locale et des besoins de notre collectivité, à mesure qu’ils nous sont connus. J’espère, sénatrice, que cela vous a donné la profondeur d’analyse que vous recherchiez. Je ne peux pas penser à toutes les circonstances auxquelles cela pourrait être appliqué, mais cela s’applique de l’échelle locale à l’échelle nationale, macroscopique, du projet de loi C-76.
La sénatrice Sorensen : Merci.
Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Ireland, et merci à tous les intervenants. Nous savons qu’une tâche ardue vous attend.
J’ai une question assez directe à poser : est-ce que la Municipalité de Jasper possède le soutien et les ressources supplémentaires nécessaires pour s’attaquer à cette tâche herculéenne? Vous avez une situation extraordinaire. Vous avez étendu la portée pour créer un bureau de planification de la communauté, d’utilisation des terres et de développement, dans la municipalité. Quelles ressources ont été cernées? Quelle est l’échelle de ces ressources? Pensez-vous que les ressources nécessaires seront disponibles à court terme et à moyen terme?
M. Ireland : Je peux commencer par répondre à la question, et puis je laisserai la suite à M. Given.
L’administration nous a demandé de redoubler nos efforts, et nous l’avons déjà fait. Même avant le dépôt du projet de loi, nous avons embauché plus de travailleurs pour être prêts à les mettre à la disposition de Parcs Canada en ressources, au cas où le projet de loi ne serait pas adopté, car nous anticipons la hausse à venir des demandes de permis d’aménagement.
Je vais passer le flambeau à M. Given, qui peut vous en dire plus sur notre gestion des ressources à ce stade.
M. Given : Merci, monsieur Ireland. La municipalité a déjà embauché un directeur de l’urbanisme et des normes, ou un directeur de la planification et du développement. Nous avons embauché deux urbanistes, et nous procédons actuellement à l’embauche de deux autres. Nous avons élaboré une stratégie pour augmenter la capacité de pointe d’émission de permis d’aménagement en mobilisant les ressources de la Municipalité de Jasper et de Parcs Canada. Nous pouvons également demander, au reste de la province, des ressources pour le traitement des permis d’aménagement. Cela a déjà été fait pour d’autres feux de forêt comme celui de Slave Lake et de Wood Buffalo, où des spécialistes en permis d’aménagement d’autres municipalités ont soutenu leurs collègues.
Nous avons également élaboré une approche pour numériser le processus de demande de permis de construction, et nous travaillons avec Parcs Canada et le gouvernement de l’Alberta pour mettre en place le système. Nous n’avons pas d’inquiétude au sujet du niveau des ressources, puisque nous travaillons de manière coordonnée avec Parcs Canada et que nous pouvons solliciter le soutien de nos collègues municipaux des autres régions de la province.
Le sénateur Arnot : La réponse me convient.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup, monsieur Ireland, et merci aux autres témoins d’être ici aujourd’hui et de répondre à nos questions.
Je me préoccupe de la répartition des coûts. Le ministre Guilbeault nous a dit qu’il y avait des discussions avec les compagnies d’assurances. Pouvez-vous nous dire si les compagnies d’assurances reconnaissent les coûts de construction pour les commerces et les maisons? Est-ce qu’elles disent qu’elles vont couvrir ces frais, tout en respectant les nouveaux codes de la construction et sans utiliser, comme elles en avaient l’habitude, des bardeaux de cèdre, par exemple?
M. Ireland : Merci de la question. Je ne peux pas parler au nom des compagnies d’assurances. Je peux cependant vous dire que, au fil des événements, depuis le début des incendies de forêt, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les représentants du Bureau d’assurance du Canada.
La majorité des propriétés résidentielles devront être assurées. Certaines se verront imposer des limites sur l’assurance; d’autres jouiront d’une assurance de remplacement garanti. Si j’ai bien compris, dans ces cas-là, les résidences détruites seront reconstruites, peu importe le coût, mais dans le respect du règlement existant à l’époque. Peu importe le zonage à ce moment-là, si vous aviez une maison unifamiliale, c’est ce que vous pourriez reconstruire, selon la couverture de l’assurance.
Nous savons que certaines propriétés sont sous-assurées et qu’un nombre encore plus petit de propriétés ne sont pas assurées. Présentement, cette question n’est pas encore claire.
Pour ce qui est des coûts de nettoyage, nous savons que la Croix-Rouge aidera les propriétés non assurées pour le déblaiement, mais, au-delà de cela, elles auront perdu de leur valeur, et nous ne savons pas ce qui arrivera. Cela dépendra premièrement des contrats d’assurances, mais, selon nous, aucun organisme gouvernemental n’a offert de rembourser les pertes assurables. Si vous avez la chance, sur le marché, d’avoir une assurance en cas de perte, cela revient au propriétaire. Sous réserve de ce que j’ai dit sur la Croix-Rouge, c’est notre compréhension actuelle de la situation.
La sénatrice Galvez : J’ai la même question pour M. Butler, de la Chambre de commerce du Parc Jasper.
M. Butler : Merci de la question. Ma compréhension de la situation de l’assurance est la même que M. Ireland, donc je n’ai pas grand-chose à ajouter. Les polices des propriétaires de commerce varient quelque peu. Certains seront entièrement assurés pour une reconstruction totale, et d’autres auront des limites et des plafonds.
Un autre type d’assurance qu’il est important de prendre en compte est l’assurance contre les pertes d’exploitation pour les entreprises, qui couvre les pertes de revenu. Malheureusement, ce genre d’assurance coûte très cher. De nombreuses petites entreprises, si ce n’est pas la majorité, n’ont pas les moyens de la payer et je crois qu’il serait juste de dire que, lorsque les petites entreprises choisissent leurs assurances, en particulier les assurances contre les pertes d’exploitation, elles pensent à des interruptions de petite ampleur, et personne ne s’est imaginé une telle interruption.
Je me préoccupe beaucoup de l’assurance contre les pertes d’exploitation et de la perte de revenu pour les petites entreprises.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de votre réponse. Si je vous pose cette question, c’est que nous savons tous qu’il y a de l’abus dans bien d’autres endroits où des désastres sont survenus. La compagnie d’assurance ne couvre pas les dommages, donc les gens qui disposent d’un grand capital interviennent. Les objectifs annoncés par le maire, pour les principes de durabilité, d’équité et tout le reste, ne seront pas atteints, par manque de financement. Ils appellent ces gens des vautours. C’est arrivé à Lac-Mégantic. Cela arrive tout le temps.
[Français]
La sénatrice Verner : Monsieur le maire, un peu plus tôt, le ministre est venu témoigner avec des fonctionnaires pour répondre à nos questions sur le projet de loi C-76. Il nous a mentionné à plusieurs reprises qu’il avait de fréquentes communications avec vous. Je lui ai posé la question et il m’a recommandé de vous poser la même question.
Étant donné que, la semaine dernière, le gouvernement de l’Alberta a annoncé un fonds de 149 millions de dollars pour venir en aide à la reconstruction de Jasper, avez-vous eu des discussions avec le ministre pour obtenir des fonds de cet ordre? Ce sera peut-être moins, peut-être plus, mais vous pourriez au moins obtenir une aide financière pour les nombreux dégâts et les nombreuses ramifications que ce désastre a causés tant sur vos communautés que sur vos entreprises.
[Traduction]
M. Ireland : Merci beaucoup de la question. En fait, les 149 millions de dollars qui ont été annoncés proviennent du programme d’aide en cas de catastrophe. Nous sommes admissibles à ce programme, mais, au plus haut niveau, les coûts sont partagés entre la province et le gouvernement fédéral. M. Given peut peut-être vous en dire plus sur les limites qui seront changées.
Sur les 149 millions de dollars, calculés selon une estimation préliminaire, dirais-je, qui ont été proposés au début du mois d’août, alors que nous analysions nos besoins, environ un tiers couvre les estimations initiales de nos besoins locaux, soit environ 50 millions. Un autre tiers du montant correspond aux coûts de remplacement des dépenses supplémentaires du gouvernement provincial dans la lutte contre les feux de forêt, et le troisième tiers sert de réserve que chacun d’entre nous aura d’autres réclamations à faire.
Actuellement, la situation est que, depuis août, nous avons déterminé un nouveau montant d’environ 73 millions de dollars, qui fera partie du 149 millions de dollars. Les niveaux de contribution sont désormais de 90 % pour le fonds et de 10 % pour la municipalité, ce qui est un problème pour nous. Nous n’avons pas 7,3 millions de dollars de plus à dépenser là-dessus, et nous avons entamé des discussions avec la province. Mais je tiens à dire que le gouvernement fédéral contribue également au fonds.
Nous n’avons pas un fonds séparé du ministère ou du gouvernement du Canada. C’est quelque chose que nous viserons peut-être, mais cela n’est pas inclus dans les fonds qui ont été annoncés.
J’inviterais M. Given à nous parler plus en détail de la répartition du financement du programme d’aide en cas de catastrophe entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
M. Given : Avec plaisir, monsieur le maire. Le programme dont parle M. Ireland est l’accord d’aide financière en cas de catastrophe, qui est un programme du gouvernement fédéral qui aide toutes les provinces et territoires en cas d’événements exceptionnels comme celui-ci. Le gouvernement fédéral utilise un barème, qui est public, selon lequel sa part des frais de rétablissement et d’intervention est exponentielle. Le soutien annoncé par l’Alberta fait partie de la responsabilité partagée du gouvernement provincial et fédéral, et il est certain que l’importance du soutien augmentera du côté fédéral. Il n’existe pas de programme fédéral distinct qui soutient directement la municipalité de Jasper.
Le sénateur Loffreda : Bienvenue à tous nos témoins. Merci d’être ici.
Monsieur Ireland, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre présence. J’apprécie votre optimisme. Avoir le bon état d’esprit est très difficile, donc je vous félicite pour cela et vous souhaite la meilleure des chances.
Vous avez dit que vous alliez vous assurer que tous jouent un rôle dans le façonnement de l’avenir de Jasper. Pouvez-vous nous expliquer davantage comment la Ville s’assurera d’entendre l’opinion des entreprises locales et des résidents sur l’élaboration des règlements sur l’aménagement du territoire et la reconstruction?
M. Ireland : Encore une fois, je suis très content d’entendre votre question, sénateur.
Jasper rêve d’être comme les autres municipalités du pays qui exercent les responsabilités d’une administration locale. Pour ce qui est de l’élaboration de règlements sur l’aménagement du territoire, qui sont à venir, la Municipalité de Jasper sera assujettie aux lois provinciales qui obligent la tenue d’audiences publiques sur le règlement proposé. Le processus entier se déroulera publiquement, dans des audiences publiques et des salles du conseil, comme celles où je suis aujourd’hui.
La différence est que, sous le régime actuel, où Parcs Canada est en charge de la planification, de l’aménagement et de l’exploitation du territoire et doit déterminer ce qui est essentiellement notre règlement sur l’exploitation du territoire, c’est que cela est fait à un niveau administratif et bureaucratique, qui n’est pas accessible au public. Le fait que nos processus sont, en vertu de la loi, ouverts et publics, nous donne l’occasion de faire preuve d’inclusion et d’engagement, et nous allons le faire avec joie, pour nous assurer que toutes les parties qui souhaitent participer à la production de ces documents soient présentes. Nous devons le faire d’une manière responsable, ouverte et transparente, et, bien sûr, nous nous engageons à le faire.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Butler, j’ai une autre question à vous poser. Comment est-ce que la Chambre de commerce du Parc Jasper planifie de soutenir les entreprises qui pourraient être touchées par les nouveaux règlements de zonage ou d’affichage? Quelles seront les possibilités de croissance des entreprises, selon vous, si l’administration locale a plus de pouvoirs sur l’aménagement du territoire?
M. Butler : Merci de la question. Notre bureau est également aux premières étapes de reconstruction et nous n’avons pas, en toute honnêteté, les ressources nécessaires. Nous travaillons dur pour trouver des moyens d’aider nos membres, pendant la reconstruction. Nous aidons nos membres et les entreprises de Jasper à trouver du financement au niveau provincial et fédéral, et continuerons de travailler en partenariat avec d’autres organismes pour ce faire. Une partie du financement pourrait, par exemple, provenir de Développement économique Canada pour les Prairies, l’organisme fédéral — le bras fédéral — qui finance les organismes du Réseau de développement des collectivités.
Nous sommes prêts et nous collaborerons avec l’administration municipale et avec le conseil de Jasper pour défendre les intérêts des entreprises de la ville. Nous avons établi notre volonté à venir en aide et notre capacité à le faire. Nous siégerons à un comité chargé par le conseil de régler les nombreuses questions au fur et à mesure qu’elles se présentent, et nous, ainsi que d’autres organisations commerciales de Jasper siégerons à cet organisme. Nous aiderons les gens au mieux de notre capacité.
Le président : Je tiens à vous remercier tous pour votre contribution au débat. Nous comprenons certainement beaucoup mieux les difficultés, et elles ne sont pas petites, je dois l’admettre. Comme l’a dit mon collègue, vous devez garder la tête haute, travailler et faire ce qu’il y a à faire. Je vous souhaite la meilleure des chances. Encore une fois, je vous remercie d’être parmi nous ce soir, et je vous souhaite bonne chance.
Sénatrice McCallum, aviez-vous une question? Il y a une autre question. Désolé.
La sénatrice McCallum : Merci pour vos exposés. Je souhaite revenir à la question de l’assurance qui a été abordée ou mise en cause. Qui est responsable des logements des employés à Jasper, et combien d’employés ont été affectés par l’incendie? Est-ce que les logements des employés étaient assurés? Quelle sera l’incidence de l’absence d’assurance sur le coût du rétablissement? Y a-t-il d’autres choses dont nous n’avons pas discuté qui pourraient soulever des inquiétudes?
M. Ireland : Merci, sénatrice. Je vais répondre de mon mieux à cette question. D’autres personnes voudront peut-être également intervenir.
La question du personnel est difficile à cerner du point de vue de la terminologie. D’une certaine façon, tous les habitants de la ville travaillent pour quelqu’un. Des 800 unités de logement perdues, un nombre important était habité par des travailleurs de l’industrie du service à Jasper, mais d’autres étaient occupées par des travailleurs autonomes. Nombre de ces logements étaient des maisons unifamiliales ou des duplex; certains étaient des immeubles d’habitation. D’autres pouvaient être la propriété d’entreprises, qui les utilisaient pour loger leurs employés, donc il s’agit de logements pour employés, dans un autre sens.
Selon ma compréhension, la majorité des unités résidentielles sont assurées, à l’exception de celles que j’ai notées. Certaines unités d’un quartier de maisons mobiles, par exemple, où 30 unités ont été perdues, devront faire face aux limites de la sous-assurance : il faut remplacer une maison mobile détruite, et l’assurance est limitée; une maison mobile coûte aujourd’hui beaucoup plus. Ce sera donc un défi pour certaines personnes.
Comme je l’ai déjà dit, il y a quelques propriétés qui étaient malheureusement sous-assurées, et il s’agit d’un problème différent à une échelle différente. Mais la majorité des propriétés auront, je l’espère, des assurances adéquates — un coût de reconstruction garanti — et les unités résidentielles pourront être remplacées.
Vous avez demandé des chiffres. Ce n’est qu’une estimation, mais nous croyons qu’environ 2 000 personnes, sur une population d’environ 4 700 personnes, sont présentement sans logement; c’est un nombre très élevé. Il s’agit de plus de 30 % des structures, d’où le nombre de personnes.
Je ne suis pas certain d’avoir répondu à toutes vos questions. Il y avait beaucoup de sous-questions, mais la question de l’assurance est certainement une préoccupation importante pour les résidents et les propriétaires, pour la suite des choses. Je laisse la parole à ceux qui auraient quelque chose à ajouter.
M. Given : Monsieur le maire, j’aimerais ajouter qu’il y a un employeur très important dans notre communauté, qui est autoassuré et qui a perdu un grand nombre de logements pour employés, et c’est Parcs Canada. En tant qu’organisme fédéral, si je comprends bien, Parcs Canada est autoassuré en vertu du gouvernement fédéral. Pour rouvrir le parc national de Jasper, Parcs Canada doit être capable de remplacer ses logements pour employés. M. le maire a beaucoup parlé des entreprises privées. Évidemment, la couverture de leurs propriétés se décide sur une base commerciale; ce n’est pas le cas pour Parcs Canada et ses logements pour employés.
Parcs Canada, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des limites de la municipalité, a perdu un nombre important d’unités de logement pour employés. Cela aura une incidence directe sur sa capacité à remettre sur pied la communauté et à lui permettre de fonctionner à sa pleine capacité commerciale et touristique.
Le président : Merci encore pour vos exposés et pour votre présence ici, ce soir.
[Français]
Honorables sénatrices et sénateurs, l’étude article par article du projet de loi C-76 est prévue pour le jeudi 3 octobre 2024.
Les membres du comité qui souhaitent proposer un amendement sont invités à contacter le conseiller au Bureau du légiste et conseiller parlementaire pour s’assurer que tout amendement est rédigé dans le format approprié et dans les deux langues officielles.
(La séance est levée.)