LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 17 (HE), avec vidéoconférence, pour procéder à l’étude article par article du projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale).
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique, et j’ai le plaisir de présider la présente réunion. Sénateurs, puisqu’il s’agit d’une réunion publique, je vous prie de vous présenter.
La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters, de la Saskatchewan.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Sénateur Brent Cotter, de la Saskatchewan.
La sénatrice Pate : Kim Pate, du territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire du Traité no 4.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.
La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.
[Traduction]
La présidente : Sénateurs, comme vous le savez, nous terminons aujourd’hui notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale).
Le comité a tenu cinq réunions sur le sujet, entendu 22 témoins et reçu bien plus de mémoires encore. Nous souhaitons remercier tous les témoins de leur comparution et de l’aide que cela nous a apportée dans nos délibérations.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler différentes choses aux sénateurs. À tout moment, si un sénateur veut qu’on lui précise où nous en sommes dans le processus, je le prie de demander des éclaircissements. Je veux m’assurer que nous sommes tous sur la même longueur d’onde en tout temps dans le cadre de ce processus. Il peut y avoir un ou deux amendements à chaque article, donc si vous avez besoin d’éclaircissements, veuillez en demander.
En tant que présidente, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour veiller, avec l’aide du greffier, à ce que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole aient l’occasion de le faire. Toutefois, cela dépendra aussi de votre collaboration. Je vous demande donc de tenir compte des autres sénateurs et d’être aussi brefs que possible et de ne pas vous écarter du sujet.
Enfin, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que, en cas d’incertitude quant au résultat du vote par oui ou non ou à mains levées, la demande d’un vote par appel nominal est habituellement la solution la plus efficace pour obtenir un résultat sans équivoque. Tout partage des voix annule la motion visée.
Des questions, sénateurs? Comme il n’y en a pas, poursuivons.
Sénateurs, est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale)?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 1 est-il adopté? Le débat est ouvert.
[Français]
Le sénateur Dalphond : D’abord, mes commentaires porteront sur plusieurs articles et je voudrais dire que j’ai prévenu le sénateur Boisvenu des commentaires que j’allais faire.
En ce qui concerne l’article 1, essentiellement, ce qui a été proposé est de donner le pouvoir aux policiers, en vertu de l’article 501, d’ordonner le port d’un dispositif de surveillance à distance.
[Traduction]
De ce que je me rappelle, les témoins, y compris les policiers, n’étaient pas très chauds à cette idée. Nombre de raisons ont été soulevées, dont la nécessité d’avoir des normes et la même application de ce pouvoir partout. L’un des témoins, je crois que c’était le représentant de la RS, soit de la Recovery Science Corporation, en Ontario, a déclaré qu’il préférerait que ce soit un juge qui décide si c’est nécessaire après une évaluation adéquate du risque, du danger et de la disponibilité du matériel et de son fonctionnement adéquat, et ainsi de suite.
À partir de là, je propose de retirer l’article 1 afin que le pouvoir ne soit accordé qu’aux juges qui ordonnent le port d’un dispositif de surveillance à distance, et donc pas à la police.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, sénateur, de m’avoir informé au préalable. Je comprends très bien votre point de vue et j’essaie de trouver un compromis.
Les victimes et les centres d’hébergement nous disent que c’est dans les premières heures qui suivent le moment où la victime dénonce son agresseur ou porte plainte contre lui que l’agresseur est le plus dangereux, s’il est remis en liberté. C’est souvent entre le moment où la police intervient et celui où l’agresseur comparaît devant un juge. Il peut se passer une semaine et cette période est critique pour les victimes, pour différentes raisons, que ce soit du point de vue des menaces ou du harcèlement.
Sénateur Dalphond, puisque vous êtes plus instruit que moi en matière de droit, voici ce que je propose et vous me direz ce que vous en pensez.
Lorsqu’un policier se présente devant un juge de paix avec des motifs raisonnables, il peut obtenir un mandat de perquisition. Est-ce qu’on pourrait ici agir de la même façon?
Prenons le cas d’un policier qui est certain que la vie ou que la sécurité de la victime est menacée, et qui sait qu’il y aura un délai entre la plainte et le moment où un juge imposera ou non une incarcération. Si le policier présentait les motifs raisonnables à un juge de paix pour l’imposition du bracelet, est-ce qu’on pourrait garantir un encadrement à l’imposition du bracelet plutôt que de laisser cela à la seule autorité du policier?
[Traduction]
La présidente : Sénateur Dalphond, si vous me le permettez, le sénateur Cotter a aussi levé la main. Je vais lui céder la parole. Acceptez-vous que je revienne ensuite à vous? Merci, sénateur.
Le sénateur Cotter : Merci, madame la présidente. Je ne voulais pas interrompre le dialogue très porteur qui prend forme entre les sénateurs Boisvenu et Dalphond.
Je voulais plutôt exprimer mes réflexions sur ce même point. D’après les témoignages que nous avons reçus, j’ai des réserves semblables à celles exprimées par le sénateur Dalphond. Il y a entre autres le degré auquel les policiers peuvent être tentés d’ordonner une surveillance à distance quand le système n’est pas vraiment là pour la gérer. Ce serait un fouillis et difficile à mettre en œuvre.
Il est également bien d’avoir ce que j’appellerais une autorisation plus judiciaire. Je suis donc favorable à la suggestion ou au compromis que vient de formuler le sénateur Boisvenu.
Peut-être que la sénatrice Batters va savoir de quoi je parle, mais, en Saskatchewan, par exemple, on a mis en place des mécanismes pour que l’on puisse obtenir l’autorisation d’un juge de paix quant aux comparutions téléphoniques, aux audiences téléphoniques, un peu comme si on procédait sur-le-champ, afin de remédier en partie à la vulnérabilité réelle exprimée par le sénateur Boisvenu. Je ne sais pas si la formule « autorisation judiciaire » est correcte, mais la réponse est que, selon moi, si les juges de paix peuvent le faire au lieu des policiers, nous pourrions obtenir le même résultat et je serais plus à l’aise avec le processus.
Les juges de paix qui ont l’autorité pour le faire pourraient recevoir de la formation pour savoir si c’est concrètement faisable, si c’est faisable en théorie à Moosonee, en Ontario, ou au centre-ville de Saskatoon, et déclarer : « Je comprends que c’est une bonne idée, mais nous ne pouvons pas le faire, parce que, ici, ça ne fonctionne pas. Nous devons procéder autrement. »
Je serais beaucoup plus à l’aise avec une approche du genre. Il y aurait une certaine autorisation judiciaire de sorte que ce serait un peu plus impartial tout en demeurant plus ou moins immédiat ou raisonnablement rapide. J’aurais aussi confiance que c’est faisable. J’appuie la maison de transition, mais le libellé pourrait être retravaillé.
La présidente : Sénateur Dalphond, souhaitez-vous intervenir sur la remarque du sénateur Cotter ou sur celle du sénateur Boisvenu?
Le sénateur Dalphond : Je souhaite intervenir sur les deux à la fois.
Ce que vous devez comprendre, c’est qu’il est question d’une comparution dans la foulée d’accusations. Donc, la personne est arrêtée et amenée au poste de police, où un policier peut la libérer sous certaines conditions. C’est la première étape, et c’est celle qui est privilégiée. Mais la personne pourrait aussi être détenue, puis devoir se présenter devant un juge dans les 24 heures qui suivent. Il s’agit du droit garanti par la Constitution de comparaître devant un juge dès que possible. Il arrive toutefois qu’un peu plus de 24 heures s’écoulent parce que c’est la fin de semaine.
Si la police estime qu’une personne est très dangereuse et qu’elle doit être contrôlée, la solution pourrait être de la garder incarcérée et d’exposer la situation à un juge dans les 24 ou 48 heures qui suivent. Ce juge peut ensuite ordonner le port d’un bracelet. Nous sommes au début du processus. La personne a été accusée et arrêtée, et maintenant nous discutons de sa mise en liberté assortie de conditions. Ce serait mieux si la personne pouvait se présenter devant le tribunal avec un avocat et être en mesure d’exposer... Devra-t-elle porter un bracelet? Pourquoi? Pourquoi pas? L’évaluation du risque serait alors faite.
La sénatrice Batters : Formulez-vous un amendement là-dessus? Souhaitez-vous retirer un article? Qu’essayez-vous de faire avec ce...
Le sénateur Dalphond : Le retirer.
La sénatrice Batters : Retirer quoi?
Le sénateur Dalphond : Je n’ai pas proposé d’amendement. J’ai dit que, non, je n’appuyais pas l’adoption de l’article 1. Je voterai contre l’article 1.
La sénatrice Batters : Je vois. D’accord. C’est bon.
Pour revenir au point du sénateur Cotter, oui, c’est ce qu’on appelle un télémandat, qui permet de faire ce genre de choses au téléphone en Saskatchewan.
La présidente : Sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Plus tôt, j’ai cru entendre le sénateur Dalphond demander qu’on retire l’article 1.
La présidente : C’est exact.
Le sénateur Klyne : Mais nous n’allons pas voter là-dessus.
La présidente : C’est ce qu’il a dit.
Le sénateur Klyne : Oui. D’accord.
La présidente : Retirez-le.
Mark Palmer, greffier du comité : Simple rappel : pour effacer un article, la procédure adéquate est de simplement voter contre l’article, quand il y aura mise aux voix pour établir si l’article 1 devrait être adopté.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je suis également contre l’article 1, parce que d’après les témoignages qu’on a entendus de la part des policiers, mais pas seulement d’eux, cela m’apparaît problématique de laisser cette responsabilité entre les mains des policiers sans autre intervention. D’autant plus qu’il y a un problème de formation qui a quand même été établi et reconnu, et que j’ai soulevé avec plusieurs des témoins. On n’a aucune indication à savoir si les syndicats qui représentent les policiers vont demander cette formation ou si les autorités responsables d’appliquer ce genre d’ajout au Code criminel prendront la responsabilité de la mettre en place.
Je ne suis donc pas d’accord avec cet article 1 du projet de loi S-205.
[Traduction]
La sénatrice Batters : À propos de ce que la sénatrice Dupuis vient de soulever, le dirigeant de l’Association canadienne des policiers nous a dit être en faveur de ce projet de loi. Il s’agit du syndicat de la police au Canada, et il a déclaré être en faveur de ce projet de loi. Ses représentants sont venus témoigner.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’aimerais poser une question à la sénatrice Dupuis, si vous permettez.
Sénatrice, je comprends que vous êtes contre l’article tel qu’il est proposé. Cependant, seriez-vous d’accord avec un article modifié, dans lequel on ajouterait un intervenant entre le policier et le système judiciaire, afin de nous assurer qu’au minimum, le policier dispose d’un encadrement juridique pour imposer le bracelet, comme le sénateur Cotter l’a proposé?
La sénatrice Dupuis : Peu importe qui le propose, je suis d’avis que si on décide d’établir un système de dispositif de surveillance à distance, on doit créer une façon de procéder, que ce soit par l’entremise d’un juge de paix ou d’un juge qui permettrait d’évaluer si c’est faisable en pratique. On sait que ce n’est pas faisable à plusieurs endroits — même les gens qui ont témoigné devant nous, qui ont dit avoir mené des projets pilotes, reconnaissent qu’il y a toutes sortes de difficultés de mise en application dans la réalité. Des difficultés se posent aussi dans les régions éloignées pour les policiers qui doivent intervenir, même quand les gens portent des bracelets.
Les policiers qui ont témoigné n’ont pas dit qu’ils étaient contre la formation; j’imagine que, en principe, peu de gens sont contre la formation.
Ce qui m’inquiète davantage, c’est que parmi les témoins, il n’y avait de toute évidence aucune conscience qu’un des problèmes n’était pas seulement eu égard aux ressources financières, mais bien en matière de formation des policiers.
[Traduction]
La présidente : Y a-t-il d’autres interventions, sénateurs? Non?
Sénateurs, je vais vous le demander de nouveau : l’article 1 doit-il être adopté?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
La présidente : D’accord. Nous allons donc procéder à un vote.
M. Palmer : Donc, la question mise aux voix est la suivante : l’article 1 doit-il être adopté?
L’honorable sénatrice Jaffer.
La sénatrice Jaffer : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Batters.
La sénatrice Batters : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénateur Boisvenu.
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Clement.
La sénatrice Clement : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Cotter.
Le sénateur Cotter : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Dupuis.
La sénatrice Dupuis : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Klyne.
Le sénateur Klyne : Non.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate.
La sénatrice Pate : Non.
M. Palmer : L’honorable sénateur Tannas.
Le sénateur Tannas : Je m’abstiens.
M. Palmer : Oui — 2. Non — 7. Abstention — 1.
La présidente : Sénateurs, l’article 1 est rejeté.
Sénateurs, l’article 2 doit-il être adopté?
Il y a un amendement.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je pense que tout le monde a reçu une copie des amendements. Le premier amendement à l’article 2 serait à la page 1 du projet de loi.
Je propose l’amendement PJD-S205-2-1-8 suivant :
Que le projet de loi S-205 soit modifié à l’article 2, à la page 1 :
a) par substitution, aux lignes 8 à 12, de ce qui suit :
« 2 (1) Le paragraphe 515(4.2) de la même loi est modifié par adjonction, après l’alinéa a.1), de ce qui suit :
a.2) porter un dispositif de surveillance à distance, si le procureur général en fait la demande;
(2) L’article 515 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (4.3), de ce qui suit :
(4.4) Avant d’imposer une condition au titre du paragraphe (4.2) à l’égard d’un prévenu inculpé d’une infrac- »;
b) par suppression des lignes 18 à 25.
Je vais expliquer l’amendement avec plaisir.
L’article 2 du projet de loi parle de deux choses, à la page 1. Au paragraphe (3.1), on trouve « Consultation du partenaire intime ».
Ensuite, on voit au paragraphe 515(4) que la même loi est modifiée par l’ajout de :
e.1) porter un dispositif de surveillance à distance;
e.2) sous la supervision du tribunal, participer à un programme de traitement, notamment un programme d’aide en matière de toxicomanie ou de violence familiale [...]
Je propose de remplacer ces paragraphes. Voici les motifs.
D’abord, e.2), qui se trouve au paragraphe (2) de l’amendement, propose que le tribunal peut, dans le cadre des conditions de remise en liberté, imposer à une personne de « participer à un programme de traitement, notamment un programme d’aide en matière de toxicomanie ou de violence familiale ».
Je comprends l’idée qui est derrière ça, mais je ne sais pas trop.
La présidente : Un moment, je suis désolée.
Le sénateur Dalphond : Parce que même moi, j’ai de la difficulté à me retrouver; s’il n’y a pas de texte, ça va être compliqué.
La présidente : Êtes-vous prêts? Merci, je suis désolée.
Le sénateur Dalphond : Je suis à la page 1 du projet de loi et en commençant par le bas, on va remonter.
Par le bas, on a le paragraphe (2), alinéa e.2); le juge pourrait ordonner à une personne de participer à un programme de traitement. Je comprends l’objectif qui est souhaité et je suis d’avis qu’il faut s’attaquer à la cause de la violence familiale et que les thérapies et traitements, ce sont des choses importantes.
Ici, on parle d’une personne qui est accusée, détenue et qu’on va remettre en liberté et qui jouit toujours du principe de la présomption d’innocence. Lui imposer de subir un programme de traitement, c’est lui imposer une sentence ou une forme de punition, alors qu’elle n’a pas encore été déclarée coupable. Ceci laisse entendre que le juge, si elle a besoin d’un traitement, est d’avis que c’est une personne qui a commis de la violence familiale. C’est comme s’il préjugeait un peu du résultat du processus qui commence.
Lorsqu’on l’impose dans certaines conditions, une fois que la déclaration de culpabilité a eu lieu, c’est une chose. Il y a des témoins qui faisaient ressortir l’aspect trop punitif de certains aspects du projet de loi. Je suis d’accord avec eux là-dessus.
Le premier point qui est mentionné dans le même paragraphe est de « porter un dispositif de surveillance à distance ». Je suis d’accord avec ça, mais je le changerais d’endroit.
Actuellement, on propose de le mettre à 515(4). Je propose de le mettre plutôt à 515(4.2), tout en ayant la même idée. Pourquoi est-ce que je propose de le mettre à 515(4.2)? Parce que le projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes — C-233, je pense, et que j’ai l’honneur de parrainer — l’a placé à cet endroit. C’est pour éviter que nous le placions à un autre endroit qui est au même effet que l’autre disposition, puis que dans les deux lois qui seraient adoptées, on ne dise pas la même chose. Alors, c’est une question d’harmonisation.
Aussi, j’ai ajouté « porter un dispositif de surveillance à distance », que je propose qu’on ajoute avant les mots « si le procureur général en fait la demande », et ce, pour deux motifs. Le premier était dans le projet de loi C-233 : le port du bracelet peut être ordonné, mais seulement si le procureur général en fait la demande. Il s’agit encore là d’une question de cohérence.
La deuxième chose est que les témoins ont bien dit, et on a parlé beaucoup de l’expérience québécoise : il n’y a pas un nombre illimité de bracelets. Il faut s’assurer que le bracelet est donné dans les cas qui le méritent et non pas largement. C’est pour ça que je propose d’ajouter les mots « si le procureur général en fait la demande ».
Finalement, si on remonte encore plus haut dans la page 1 : « Consultation du partenaire intime », c’est gardé. La différence avec le projet qui est proposé, dans le projet de loi, il est écrit : « Avant de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe (2) à l’égard d’un prévenu [...] ». Je propose qu’il soit écrit : « Avant d’imposer une condition », et non pas « une ordonnance », mais bien « une condition au titre du paragraphe (4.2) à l’égard d’un prévenu ». C’est la même chose, le texte ne change pas.
Quelle est la différence? Je sais que c’est extrêmement technique, mais le paragraphe (2) de l’article 515 cite les conditions générales qu’un juge peut imposer dans le cas d’une personne qui est détenue et qu’il doit remettre en liberté. Cela s’applique à la personne qui est accusée de fraude ou d’avoir volé une banque, d’avoir fait une entrée par effraction, etc.
Ce qui est visé ici par le projet de loi du sénateur Boisvenu —il l’a dit très clairement dans sa présentation et tous les témoins qui sont venus ici nous disent que ce qu’on cible ici —, c’est la violence entre partenaires intimes. Je voudrais que le bracelet soit une chose qui peut être imposée par un juge dans le cadre d’un dossier où les accusations sont en relation avec la violence entre partenaires intimes, et non pas à quelqu’un qui, dans un bar, s’est battu avec quelqu’un d’autre et à qui le juge impose comme condition de porter un bracelet. Il s’agit de rattacher le pouvoir d’émettre une ordonnance de bracelet. Au paragraphe (4.2) de l’article 515, j’avoue que je suis extrêmement technique, ça prend le Code criminel pour suivre parfaitement, mais l’article (4.2) est lié aux infractions contre la personne avec violence. C’est là que ça irait, normalement.
À moins que l’intention du sénateur Boisvenu fût de rendre le port du bracelet applicable comme condition dans tous les cas de personnes accusées, peu importe la nature de l’accusation, mais ce n’est pas cela que j’ai compris qu’il voulait faire.
Le sénateur Boisvenu : Vous amenez beaucoup de choses en même temps et puis il faudrait prendre cela morceau par morceau, parce que sinon, nous allons nous perdre.
Je vais aller tout d’abord avec la possibilité de thérapie, je viendrai aux autres éléments plus techniques par la suite.
Vous touchez aux articles 810 et 515, aux deux articles pour lesquels un individu est remis en liberté plutôt que d’être amené à procès.
Le sénateur Dalphond : En ce qui concerne l’article 810, je n’ai rien; on n’est pas rendu là. C’est uniquement l’article 515.
Le sénateur Boisvenu : Vous n’y touchez pas?
Le sénateur Dalphond : Ce n’est pas là.
Le sénateur Boisvenu : De toute façon, dans le cas de l’article 515, l’individu est amené devant le juge et il est en attente de procès, est-ce bien ça?
Le sénateur Dalphond : En attente de remise en liberté.
Le sénateur Boisvenu : Oui, exactement.
Par exemple, pour l’alcool au volant, on laisse au juge la possibilité d’obliger un jeune à suivre une thérapie. Pourquoi dans le domaine de la violence conjugale, le même principe ne s’appliquerait-il pas? Parce que cette exigence d’obliger un individu à suivre une thérapie, à aller chercher de l’aide existe déjà dans le Code criminel, ailleurs. On fait face à une situation où on demande aux agresseurs d’aller chercher de l’aide et on remettrait ces personnes en liberté, sans qu’ils aillent en thérapie, ce qui augmenterait le niveau de dangerosité.
Je vous donne une statistique qui est assez inquiétante. Parmi les 26 femmes assassinées au Québec, de 2021 à 2022, 21 ont été assassinées avant le procès. Douze ont été assassinées alors que l’accusé avait reçu un 810 en lieu et place d’accusation criminelle. Ce sont 21 femmes sur 26 qui ont été assassinées avant le procès.
C’est sûr qu’on est devant des hommes qui ont besoin d’aide. Lorsqu’on a effectué les consultations, la majorité des provinces canadiennes, la majorité des groupes de victimes de violence conjugale et familiale, les centres d’aide aux femmes, les Autochtones qu’on a consultés, les centres de thérapie pour hommes, tous nous disent, unanimement, qu’il faut inclure dans le Code criminel cette approche thérapeutique si on veut briser le cercle de la violence conjugale, parce qu’on est devant des hommes qui, à répétition, vont aller battre des femmes.
Le plus tôt possible, dans le processus judiciaire, il faut laisser la liberté au juge, s’il en voit l’utilité, de dire au monsieur que son procès aura lieu. Vous le savez, vous avez été juge, sénateur Dalphond, le procès peut avoir lieu deux, trois ans plus tard. Ce n’est pas dans des délais très courts, on le sait. Dans les cas de violence conjugale, le juge va dire : « Tu vas aller chercher de l’aide entre-temps, parce qu’il faut briser cette chaîne. »
Sinon, on met la vie des femmes en danger si on n’oblige pas ces hommes à aller chercher de l’aide. Je comprends que le bracelet électronique va apporter une forme de sécurité pour les femmes, mais le bracelet électronique est une solution en attendant que l’homme se prenne en main, parce qu’après l’échéance du 810 ou du 515, le bracelet va disparaître, mais la dangerosité de l’homme risque d’être toujours là.
À mon avis, il faut intégrer dans le processus judiciaire, le plus rapidement possible, la possibilité que le juge exige que l’individu aille chercher de l’aide. Je m’en tiendrai à cela et nous passerons aux autres éléments par la suite, car nous risquons de mélanger un peu les choses.
J’aimerais entendre le point de vue des autres sénateurs à ce sujet.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je voulais souligner quelques-unes des infractions qui ne seront plus incluses si cet amendement du sénateur Dalphond était adopté. Je vous dirais que ces infractions sont très souvent utilisées dans les cas de violence familiale; elles englobent l’article 348 du Code criminel, soit « Introduction par effraction dans un dessein criminel », l’article 349, soit « Présence illégale dans une maison d’habitation », et le paragraphe 423(1), soit « Intimidation ». Je dirais que toutes ces infractions sont fréquemment le type d’accusations criminelles que l’on retrouve dans des cas de violence familiale, et ce ne sont là que quelques exemples.
Peut-être que cela vient en partie du fait que le sénateur Dalphond parraine le projet de loi C-233, sur lequel le porte-parole du projet de loi, le sénateur Manning, vient de faire un discours favorable au Sénat, puisqu’il appuie le projet de loi comme nous. On pourrait croire que c’est un peu une tentative d’aligner le projet de loi à celui qu’il parraine, mais celui-là est de portée plus restreinte et s’applique à moins d’infractions.
Nous pouvons tout de même appuyer, et continuons d’appuyer, le projet de loi C-233, mais dans ce projet de loi en particulier, il ne paraît pas nécessaire de retirer ces infractions criminelles graves qui, souvent, quand il est question de violence familiale, vont au-delà de la portée de cet article.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Sénateur Boisvenu, j’aurais une question pour vous.
Le sénateur Boisvenu : Allez-y.
La sénatrice Dupuis : Il me semble qu’il y a une différence entre l’alinéa e.1) que vous proposez, sur le port d’un dispositif de surveillance à distance, et l’alinéa e.2) sur la participation à un programme de traitement. Je suis préoccupée, car je me demande si on a de fausses attentes en ce qui concerne la capacité d’assurer la sécurité des victimes. Un certain nombre de témoins qui ont comparu nous ont parlé, de façon très éloquente, de la situation infernale dans laquelle elles vivent, et nous comprenons très bien. Par ailleurs, je n’ai aucune donnée sur les programmes de traitement dans les cas de violence familiale. On manque peut-être de données précises sur le taux de succès de ces programmes, mais aussi sur le nombre de personnes qui terminent la formation. C’est ce que j’essaie de comprendre.
Je vous suis très bien quand vous parlez de porter un dispositif de surveillance à distance, malgré les problèmes d’application qu’il peut y avoir. Pour ce qui est de participer à un programme de traitement, je me questionne. Nous sommes avant le procès et en principe, il y a présomption d’innocence. Participer à un programme de traitement signifie aller s’asseoir quelque part sans savoir si on est obligé de rester jusqu’au bout.
Pourquoi faites-vous le lien entre les deux à cette étape du processus judiciaire? Je ne dis pas que si une personne est reconnue coupable, on ne devrait pas envisager qu’elle participe à un programme sur la réduction de la violence. Toutefois, à cette étape, j’essaie de mieux comprendre votre projet de loi.
Le sénateur Boisvenu : Je vais citer une phrase que les femmes disent souvent : « Arrêtez d’envoyer les hommes en prison, ils en sortent plus dangereux; envoyez-les plutôt en thérapie. » C’est ce qu’elles nous ont dit.
La grande majorité des hommes envoyés en prison y passeront moins de deux ans, et ce, sans recevoir de services. Nous savons que le séjour moyen en prison est d’environ six mois. Ainsi, on n’a pas le temps de mettre sur pied des programmes de réhabilitation. Au Québec, il n’existe aucun programme de réhabilitation pour les hommes, sauf dans les cas de pédophilie et d’agressions sexuelles. Bien souvent, ces hommes retournent dans la communauté et plus particulièrement dans de petites communautés. La thérapie est le moyen pour la communauté de les réintégrer. C’est d’ailleurs ce que nous ont dit les Autochtones.
Il est vrai que nous n’avons que peu de données sur la réhabilitation des hommes, parce qu’on commence à peine à dire qu’on va arrêter de cacher les femmes et qu’on va plutôt envoyer les hommes en thérapie. L’homme est la cause de l’agression familiale, et non la femme qu’on veut cacher.
Dans l’Ouest canadien, l’expérience autochtone révèle que sur 200 hommes actuellement en thérapie, 100 ont été envoyés là par la cour et l’autre centaine y sont allés de façon volontaire. Selon ce que les représentants de ce centre nous ont dit, les résultats sont à peu près les mêmes dans les deux cas. Lorsqu’un agresseur s’assoit avec d’autres agresseurs, qu’il le fasse de façon volontaire ou non, une dynamique s’installe, qui fait en sorte que pour celui qui s’assoit là sans y être obligé, le résultat est à peu près le même. Ce fait m’a surpris. Je croyais, comme vous, qu’il irait là les deux mains sur les oreilles, qu’il y passerait un mois puis qu’il sortirait. Or, les résultats sont patents.
Les petites communautés nous ont également dit : « le gars reviendra chez nous ». Il faut une obligation législative. Pour la personne qui est obligée d’aller en thérapie, le résultat doit revenir devant le juge afin que ce dernier détermine si la thérapie a porté ses fruits. Le fait que la personne accepte de le faire devient un facteur atténuant une fois rendu au procès. On l’a constaté dans les causes d’alcool au volant. Pour le jeune qui suit une thérapie, une fois au procès, le juge verra qu’il a suivi une thérapie pendant sa remise en liberté et qu’on constate qu’il est en progression; on limitera alors, bien souvent, la sentence. À la limite, on imposera une peine avec sursis.
C’est l’approche que je préconise dans les cas de violence conjugale. Il faut rapidement intégrer la thérapie pour ces hommes. En même temps, le message que lance le système de justice est qu’il n’y a pas que la prison, que la prison ne donne pas de bons résultats dans ces cas; on doit plutôt miser sur la thérapie. C’est ma principale motivation et c’est celle des gens avec qui on a travaillé.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Je ne voulais pas interrompre ce volet de la conversation.
La présidente : Il y en aurait donc un autre?
Le sénateur Cotter : C’est lié. Permettez-moi à tout le moins de faire ces observations.
Sur cette question, j’ai l’impression qu’il y a implicitement une présomption de culpabilité liée à cette condition qui est moins une présomption ou une présomption implicite de culpabilité.
Je suis favorable à nombre des initiatives qui sont associées à ce projet de loi du sénateur Boisvenu, mais même dans sa façon de s’exprimer, il fait vraiment référence au fait que, si la personne a de bons résultats en thérapie et ce genre de choses, la peine sera moindre, mais dans cette peine est enchâssée une présomption de culpabilité. Je suis en quelque sorte perturbé par cette disposition qui est associée à cette présomption implicite.
C’était ma première observation et, à cet égard, je crois que je m’inscris dans la lignée de l’intervention de la sénatrice Dupuis.
J’ai une remarque à faire, puis une question à poser au sénateur Dalphond à propos de cet amendement, s’il y consent. Ma remarque est la suivante : si j’ai bien compris, ce sera le personnel des Services des poursuites pénales du Canada qui seront chargés de ces dossiers, ce qui signifie, normalement, un mandataire du procureur général, un procureur, voire un policier là où les policiers sont habilités à le faire.
Ils comprendraient sûrement assez bien l’état des lieux pour demander ou non un dispositif de surveillance. Je crains que le libellé de votre amendement, « si le procureur général en fait la demande », laisse entendre que nous devons remonter la filière hiérarchique d’un ministère avant même que le procureur puisse faire la demande.
J’aurais cru qu’il était pour ainsi dire incontournable que le procureur sache si c’est une bonne idée de faire la demande, ou plutôt une idée stupide vu qu’il n’y a pas de dispositif accessible dans la région. J’aimerais que cela soit raisonnablement simplifié plutôt que complexifié, ce qui fait que j’ai des réserves.
Ma question est concrètement liée à ce qu’a demandé la sénatrice Batters. Mes pages ne sont pas numérotées, ce qui fait que je suis un peu embrouillé quant à l’ampleur des limites que l’amendement impose aux circonstances auxquelles l’amendement du sénateur Boisvenu s’appliquerait. Pouvez-vous m’aider à mieux cerner le tout?
Le sénateur Dalphond : Le sénateur Boisvenu a raison d’affirmer qu’il y a trois éléments ici. Il y a le pouvoir du juge à forcer quelqu’un à suivre une formation. Il y a le pouvoir du juge d’ordonner le port d’un bracelet ou d’un dispositif de surveillance. Puis il y a l’obligation, avant l’ordonnance, de veiller à ce que le partenaire intime de l’accusé ait été consulté sur sa sécurité et ses besoins en la matière. Ce sont les trois idées.
Relativement à la consultation sur les besoins en matière de sécurité, je ne propose aucun changement. Elle demeure, sauf qu’une référence aux articles est différente, mais c’est la même chose. Le port d’un dispositif de surveillance à distance ne change pas, sauf qu’il n’est pas inséré exactement au même endroit. Il va ailleurs. Les mots ajoutés sont « si le procureur général en fait la demande ».
Vous soulevez une question intéressante, une bonne question. Est-ce que cela alourdira le système? Je ne pense pas, mais je dois dire que c’est ce que la Chambre des communes a adopté à l’unanimité. Après les consultations et les audiences, c’est l’amendement qu’on a apporté : « si le procureur général en fait la demande ». Je suppose que c’est ainsi qu’on procède. Le procureur général autorisera quelqu’un au bureau des procureurs de la Couronne à en faire la demande, mais il faudra d’abord vérifier combien il reste de dispositifs. En reste-t-il 10 sur les 500? Y en a-t-il 450? Dans quelles régions se trouvent-ils et ainsi de suite?
Je présume que ce sont des démarches administratives qui n’alourdiront pas le système, mais c’est sans aucun doute une bonne question. Nous ne l’avons pas posé aux témoins. Lorsque nous serons saisis de l’autre projet de loi, c’est peut-être une chose que nous pourrons examiner.
Ce que j’ai essayé d’éviter ici, c’est d’avoir deux projets de loi qui disent des choses différentes à propos du même objectif. Ce serait problématique. Quel serait le libellé retenu dans le Code criminel? L’un dit une chose et l’autre en dit une autre, et pas au même endroit. J’ai donc proposé de l’inscrire au même endroit partout et j’ai ajouté ces mots.
Le dernier point soulevé portait sur l’endroit où j’ai apporté la modification. Au paragraphe 515(2), on peut lire « Ordonnance de mise en liberté avec conditions ». C’est la disposition sur les conditions générales. Je propose de l’intégrer au paragraphe 515(4.2), qui s’intitule « Opportunité d’assortir l’ordonnance d’une condition additionnelle ». L’imposition du port d’un dispositif de surveillance n’est pas une décision que l’on rend à la légère. Ce n’est pas censé être une condition générale pour toutes les infractions. C’est pour cette raison que je propose de l’inscrire dans la section intitulée « Opportunité d’assortir l’ordonnance d’une condition additionnelle ». Les conditions additionnelles au paragraphe (4.2) s’appliquent... Je peux lire l’article comme il n’est pas très long :
Le juge de paix qui rend une ordonnance en vertu du paragraphe (2) [...]
— celui dont nous venons de parler —
[...] dans le cas d’une infraction mentionnée au paragraphe (4.3) doit considérer s’il est souhaitable pour la sécurité de toute personne, en particulier celle des victimes, des témoins et des personnes associées au système judiciaire, d’imposer au prévenu, dans l’ordonnance, tout ou partie des obligations suivantes [...]
a.1) sauf en conformité avec les conditions qui y sont prévues et que le juge de paix estime nécessaires, s’abstenir d’aller dans un lieu ou de pénétrer dans tout secteur géographique qui y est précisé [...]
Il y aurait ensuite l’alinéa a.2), qui dirait :
a.2) porter un dispositif de surveillance à distance, si le procureur général en fait la demande [...]
Le juge pourrait donc obliger la personne à s’abstenir d’aller dans un lieu ou dans secteur géographique, et la surveillance serait alors logiquement nécessaire, je pense.
Si nous parlons maintenant du type d’infractions visées au paragraphe (4.3) :
(4.3) Les infractions visées par le paragraphe (4.2) sont les suivantes :
a) infraction de terrorisme;
b) infraction visée aux articles 264 ou 423.1 ou au paragraphe 423.2(1);
c) infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence [...]
À la Chambre des communes, au moyen du projet de loi 233, on a ajouté à cet endroit-là les mots « notamment contre le partenaire intime du prévenu ». Les paragraphes (4.2) et (4.3) sont entièrement structurés de manière à ajouter les infractions commises contre un partenaire intime. J’ai pensé que ce serait mieux là plutôt que de l’inscrire au paragraphe 515(2) qui porte sur toutes les infractions qui font l’objet d’accusations.
Cela ne change pas la teneur de ce que propose le sénateur Boisvenu, pas du tout, sauf pour ce qui est de l’ajout du consentement du procureur général. Ce que le sénateur Boisvenu propose, c’est l’élimination du pouvoir d’imposer une formation ou une thérapie.
Le sénateur Cotter : Merci. C’est extrêmement utile.
La présidente : Aviez-vous quelque chose d’autre à ajouter?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Dalphond, êtes-vous d’accord avec moi pour dire que le fait de choisir d’inclure le bracelet électronique au paragraphe 515(4) plutôt que (4.2) laisse beaucoup plus de latitude au juge? À (4.2), on trouve des infractions, et je vais en énumérer quelques-unes : intimidation, introduction par effraction, présence illégale dans une maison, etc. Ces infractions ne sont pas touchées par le (4.2), alors que le (4), conditions autorisées, le juge a beaucoup plus de latitude quant à l’éventail d’infractions qui peuvent être liées à la violence conjugale.
Avec le (4.2), on va échapper des infractions qui sont liées à la violence conjugale. C’est ce qui m’inquiète. Le juge aura moins de latitude pour imposer le bracelet dans les cas des crimes que j’ai énumérés : le 423, intimidation; le 348, introduction par effraction; le 349, présence illégale dans une maison d’habitation. Ce que je voulais faire avec cet article, c’était laisser le plus de latitude possible aux juges plutôt que de les restreindre.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je voulais parler de deux ou trois points soulevés par la sénatrice Dupuis. Peut-être que l’interprétation de ses propos ne reflète pas ce qu’elle voulait dire là-dessus. Elle parlait d’un programme d’intervention contre la violence familiale, et on aurait pu penser qu’elle demandait ce que ce programme fait, s’il fallait tout simplement aller s’asseoir quelque part. J’espère vraiment que ce n’est pas ce qu’elle a dit, et je m’attends peut-être à ce que ne soit pas le cas, mais je voulais aborder quelques points à ce sujet pour le compte rendu.
Tout d’abord, la Saskatchewan a des tribunaux chargés des causes de violence familiale. Ils s’occupent de ce genre d’accusations de manière à offrir une aide tout au long du processus, pas seulement après une condamnation. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons ce genre de tribunaux en Saskatchewan, pour peut-être rendre possible le genre de choses prévues dans ce projet de loi, comme la mise sur pied de programmes de traitement, de lutte contre la toxicomanie et de counselling pour aider les personnes qui sont dans ces situations horribles.
Des victimes nous ont livré des témoignages convaincants sur les avantages considérables de ces programmes de traitement, de lutte contre la toxicomanie et de counselling lorsque des accusations de violence familiale sont portées. D’ailleurs, l’une de ces victimes, malgré l’expérience dévastatrice qu’elle a vécue, a décidé de travailler auprès de conjoints violents et de les accompagner dans ces processus judiciaires et d’autres démarches afin de les aider à gérer leurs graves problèmes. Je lui lève mon chapeau. Cela en dit très long sur sa force de caractère.
Je voulais juste aborder ces points pour le compte rendu étant donné que nous avons beaucoup parlé de la violence familiale et de la gravité de la situation de crise au Canada. Nous devons faire quelque chose. Servons-nous de ces outils qui pourraient être mis à la disposition des tribunaux et de la police pour aider ces femmes plutôt que de remettre cela à une autre étude ou de procéder d’une façon qui ne changera rien. Merci.
La sénatrice Pate : Je vous remercie de vos interventions. Merci encore, sénateur Boisvenu, des efforts que vous avez déployés pour régler ces questions.
Je veux reprendre où la sénatrice Batters s’est arrêtée. Le problème, c’est que beaucoup trop de victimes doivent se contenter des dispositions pénales alors que ce qu’elles veulent, c’est être en sécurité et obtenir de l’aide.
Je sais que quelqu’un nous a parlé pendant les témoignages de l’utilité d’avoir des hommes dans les programmes — je ne la remets pas en question —, mais je pense que très peu de travaux de recherche prouvent l’efficacité du traitement obligatoire — en fait, la plupart des données montrent plutôt le contraire. Cela dit, lorsqu’on donne des options aux gens, c’est plus efficace.
Des témoins nous ont également dit que nous n’avons pas besoin de ce genre de dispositions, car elles existent déjà dans la loi, en particulier pour la période avant le procès. Je ne sais même pas si nous en avons besoin. Même avec l’amendement, nous ne savons pas si le système sera amélioré, et je reviens au point soulevé par le sénateur Cotter, à savoir que cela pourrait être beaucoup plus compliqué et que, dans les faits, l’amendement causerait probablement d’autres retards dans le système.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je fais confiance aux interprètes pour traduire ce que j’essaie de dire ici, hier, avant-hier et aujourd’hui. Ma question au sénateur Boisvenu portait sur le fait qu’on a très peu de données sur les résultats des programmes de traitement, et en ce qui concerne les données partielles que nous avons, vous avez fait référence, sénateur Boisvenu, aux données tirées d’expériences dans l’Ouest. On a des données parcellaires au Québec qui sont moins favorables, donc il y a un problème de données portant sur l’efficacité de ces programmes. Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas avoir ce genre de programme. Ma question au sénateur Boisvenu est la suivante : au début du processus, alors qu’en principe on se réjouit d’avoir un système où il y a une présomption d’innocence, quelles étaient les raisons qui l’amenaient à introduire cet élément dans son projet de loi 205?
Le sénateur Boisvenu : La première raison, c’est qu’aucun témoin ne s’est opposé à quelque thérapie que ce soit, à quelque étape que ce soit du processus judiciaire; aucun. Tous nous ont affirmé de façon unanime qu’il fallait aller vers la thérapie. Vous parlez de l’efficacité de la thérapie, c’est comme l’œuf et la poule. La thérapie pour homme est embryonnaire au Québec; elle est plus développée en Ontario ainsi que dans les communautés autochtones, parce que ces gens reviennent dans la communauté. Il faut les réintégrer, et c’est propre à leur culture de s’assurer de prendre en charge les agresseurs.
J’aborde cet aspect parce qu’il faut développer la thérapie pour hommes, parce qu’elle ne l’est pas assez. Si les tribunaux, dans le cadre de leurs sages décisions, obligent les hommes à aller en thérapie, l’expertise va se développer. Il y aura alors plus de centres qui accueilleront les hommes. Le Québec vient à peine d’investir quelques millions pour développer des centres d’accueil pour hommes, parce que ce n’est pas en y allant le mercredi soir qu’ils vont régler leurs problèmes d’agression. Il faut gérer les hommes à peu près comme on gère les femmes. Il faut sortir les hommes de la maison et les intégrer dans un centre 24 heures par jour, puis les suivre pendant une trentaine de jours. C’est la seule façon de les aider. Il faut juste savoir par où commencer.
Va-t-on attendre d’avoir des résultats, dans cinq ans, pour dire que cela a donné des résultats? Est-ce le système judiciaire qui demandera aux victimes de dénoncer les agressions, qui demandera aux hommes d’aller chercher de l’aide? Je veux juste mettre le système judiciaire à jour, en exigeant que les hommes aillent en thérapie. Il y aurait une exigence légale, ce serait un peu plus porteur.
La sénatrice Dupuis : Vous souvenez-vous du témoin M. Scott Newark? Il a été procureur de la Couronne en Alberta pendant 34 ans. Il était pour votre projet de loi. Il nous a dit que tout cela est déjà dans le Code criminel, mais que ce n’est pas appliqué.
Ma question pour vous est la suivante : selon votre e.2), quand le juge pourra ordonner aux personnes, sous la supervision du tribunal, de participer à un programme de traitement, notamment un programme d’aide, sa réponse était que si c’est écrit noir sur blanc, ils vont le demander. Rien n’est garanti, même si c’est écrit noir sur blanc; c’est cela ma préoccupation. Je suis d’accord avec vous, il faut commencer quelque part, mais si on a un système qui défavorise les femmes, qui les dessert mal, ce n’est pas parce qu’on va être plus clair en offrant un éventail de possibilités au juge de paix qu’on va y arriver. Je nous mets en garde contre le risque de donner de faux espoirs. Je pense que vous comprenez très bien pourquoi je soulève la question.
Le sénateur Boisvenu : Je comprends très bien, mais ce n’est pas ce que les femmes nous ont dit. Les victimes nous ont dit de demander au juge d’envoyer leur conjoint en thérapie. C’est ce qu’on veut ajouter dans le Code criminel. Pour moi, c’est une espèce d’embryon de chapitre sur la violence conjugale dans le Code criminel. Plutôt que ce soit un fourre-tout où on trouve un peu de tout, dans le Code criminel, j’essaie de ramener cela dans un tout. Parce qu’on est en train d’élaborer des cours spécialisés en violence conjugale, sur les agressions sexuelles. Un chapitre du Code criminel traite des agressions sexuelles, mais il n’y en a pas pour la violence conjugale; c’est un fourre-tout. Je pense que l’approche de la violence conjugale, c’est une approche à la fois coercitive à l’égard de l’individu, où on lui indique qu’il sera surveillé.
Selon les données, la majorité des meurtres ont lieu avant que le procès ait lieu. Il faut prendre en charge l’individu pour qu’il se réhabilite. Le taux de récidive dans le système de justice au Québec est huit fois plus élevé que la moyenne. Ce n’est pas l’individu qui se présente une fois devant un juge qui coûte cher au système de justice, c’est quand le même individu revient huit fois. Selon moi, la thérapie est l’approche préventive dans le système de justice. La justice n’est pas que coercitive, elle est aussi préventive. C’est pour cela que je veux inclure dans le Code criminel l’approche thérapeutique dans le processus judiciaire le plus rapidement possible.
Le sénateur Dalphond : De dire qu’il faut s’attaquer à la source du problème et que la thérapie doit être faite — l’emprisonnement ne réglera pas le problème. Les hommes pourraient en ressortir encore plus meurtris et plus violents peut-être, alors qu’il faut faire des thérapies. Je n’ai pas d’objection à ce que, peut-être, une thérapie soit prise comme condition volontaire en vertu de l’article 810 pour une remise en liberté, ou que même le juge l’ordonne dans le cas d’un 810.
Toutefois, ici, on est dans un processus où la personne a visiblement plaidé non coupable et demande d’être remise en liberté, et le juge peut lui ordonner de faire une thérapie qui repose sur la prémisse qu’il est un homme violent. Je n’ai aucune difficulté à penser que, lorsque le verdict est prononcé, le juge peut, soit suspendre sa sentence et envoyer l’individu faire une thérapie, puis le réévaluer quelques mois plus tard pour une sentence appropriée. Ou encore, le juge impose une sentence avec sursis, donc une peine à purger dans la communauté, qui serait assortie de certaines conditions, dont celle de suivre une thérapie. Le manquement à la condition aurait pour conséquence que la personne serait emmenée devant le juge.
Je suis d’accord avec vous, c’est ce qu’on devrait viser et utiliser au maximum. Ma difficulté, ici, c’est que je suis sensible à ce que des témoins ont dit. À l’imposition de conditions de nature punitive à quelqu’un qui commence le processus et qui jouit de la présomption d’innocence, je suis prêt malgré cela à reconnaître qu’on devrait pouvoir permettre aux juges d’ordonner le port d’un dispositif de surveillance — qui est une forme de punition, mais je l’accepte parce qu’elle est faite non pas pour punir, mais pour prévenir quelque chose et pour protéger des femmes. Elle est faite pour protéger des victimes. Beaucoup de témoins nous ont dit que cela avait un effet dissuasif plutôt efficace et que c’était une bonne mesure de protection. En ce sens, je l’accepte comme un compromis entre le besoin de protection et la présomption d’innocence.
Par contre, si l’on me demandait d’aller plus loin, j’avoue que j’aurais des préoccupations, à cette étape-ci. Je suis tout à fait d’accord qu’aux étapes subséquentes, une fois le verdict prononcé, en ce qui a trait à la sentence, par exemple, tout cela doit être imposé.
Le sénateur Boisvenu : Je suis d’accord avec vous, je n’en ferai pas une bataille. Toutefois, en ce qui concerne l’application de l’article 515.4 ou 515.4.2, êtes-vous d’accord avec moi pour dire qu’on devrait plutôt à aller sur le point 4 « conditions autorisées », plutôt qu’« opportunités assorties », pour ne pas négliger des actes criminels, comme je vous le mentionnais tantôt — comme l’intimidation, l’introduction par infraction —, qui sont des infractions liées à la violence conjugale. Je pense qu’on serait mieux de maintenir 515(4) plutôt que le 515(4.2), où l’on restreint encore plus le nombre d’infractions qui peuvent être touchées par le port du bracelet.
La sénatrice Dupuis : Donc, on ne veut pas le mettre dans les conditions additionnelles de (4.2)?
Le sénateur Boisvenu : On veut le mettre plutôt dans l’article 515(4), « Conditions autorisées », qui a un éventail beaucoup plus large. Il y a beaucoup de crimes dans ce paragraphe qui sont liés à la violence conjugale, alors que dans l’autre, on néglige des crimes liés à cela.
La sénatrice Dupuis : On conserverait e.1).
Le sénateur Boisvenu : Le chapitre sur les conditions autorisées dans le Code criminel.
La sénatrice Dupuis : On conserverait votre e.1).
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord avec le sénateur Boisvenu : si on le place à (4.2), dans les conditions additionnelles, c’est moins large que (4.4); en fait, le paragraphe 4 comme tel, qui s’appelle « Conditions autorisées ». C’est présenté à l’agent de la paix, demeurer dans le ressort de la sphère de compétence, avise l’agent de la paix de tout changement d’adresse, s’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec toute personne victime, témoin ou autre, sauf en conformité avec les conditions prévues et si nécessaire s’abstenir d’aller dans un lieu ou de pénétrer dans un secteur géographique précisé, remettre tous ses passeports, observer toute autre condition indiquée, observer toute condition raisonnable. Cela couvrirait le tout plus largement, mais il y a des références géographiques dans le paragraphe (4) aussi. Alors, je pourrais vivre avec cela.
Cela créera une petite difficulté, parce que la Chambre a mis la disposition à (4.2) et non pas à (4), et que cela obligera à...
Le sénateur Boisvenu : J’amènerai un amendement.
Le sénateur Dalphond : Je ne fais que mentionner cela.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Ces dernières observations, je crois, mettent en lumière le défi auquel nous faisons face lorsque nous procédons ainsi pour modifier le Code criminel.
J’ai l’impression d’être placé devant un dilemme. Je pense que je serais à l’aise de m’en tenir à ce que le sénateur Boisvenu a dit lors du dernier échange. Il me semble que même dans cet ensemble de dispositions, on peut imposer une surveillance électronique en vertu de l’alinéa h), avec des « conditions raisonnables ». On n’y a peut-être pas recours parce que ce n’est pas assez précis. C’est le premier point.
Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond lorsqu’il propose d’éliminer ce que je vais appeler la condition relative au traitement avant la déclaration de culpabilité. Même si quelqu’un d’autre ailleurs aurait pu vouloir le consentement du procureur général en tant que condition pour pouvoir imposer une surveillance électronique, cela ne me plaît pas beaucoup.
Mon dilemme, c’est que je veux voter pour une partie de l’amendement, mais pas pour les autres passages, et je ne sais pas ce que je vais faire. J’aime certains passages de l’amendement du sénateur Dalphond, mais — et c’est ma faute; nous n’en avons pas discuté à l’avance — il y en a d’autres que je n’aime pas beaucoup.
La sénatrice Busson : Vous pourriez proposer un sous-amendement.
La sénatrice Batters : Le dilemme est résolu en votant contre l’amendement lorsqu’il est trop dense.
Le sénateur Cotter : Puis-je continuer alors?
Ce qui pose problème, c’est que cela me pousse à voter en faveur de ce qui, je le crains, est une disposition inconstitutionnelle, à savoir celle que nous envisageons de retirer.
Comment peut-on façonner un sous-amendement dans ce genre de situation?
Le sénateur Dalphond : Puis-je proposer quelque chose? Je n’aurai pas le temps de le rédiger. Nous pourrions peut-être juste en discuter...
La présidente : Chers collègues, j’ai une proposition. Nous pourrions réserver l’amendement pour l’instant. Dormons là-dessus, discutons-en...
Le sénateur Dalphond : Je peux présenter un libellé différent demain. Je pourrais en parler avec mon collègue.
La présidente : Je pourrais respectueusement vous demander de discuter avec le sénateur Cotter et le sénateur Boisvenu, et si vous êtes d’accord, nous allons réserver l’amendement.
Est-ce acceptable, chers collègues?
Des voix : D’accord.
La présidente : Nous allons donc y revenir demain.
Le sénateur Dalphond : Je préfère procéder ainsi plutôt que de rédiger des modifications au Code criminel sur le coin d’une table. Vous connaissez mon aversion pour cette façon de faire.
La présidente : Nous partageons tous votre aversion.
Honorables sénateurs, je ne peux pas passer au prochain article, car le sénateur Dalphond a un autre amendement pour le même article.
Le sénateur Dalphond : Ce n’est toutefois pas la même page.
M. Palmer : Il s’agit cette fois-ci de l’amendement PJD-S205-2-2-8.
Le sénateur Dalphond : Puis-je expliquer? C’est à la page 2 du projet de loi.
[Français]
Si on va à la ligne 9 du projet de loi, au paragraphe (14) et qui porte le titre « Copie à la victime », le sénateur Boisvenu propose d’ajouter un paragraphe qui existe et qui se lit à la demande d’une victime; il propose que cela se lise à la demande du partenaire intime du prévenu ou d’une victime de l’infraction. Le juge de paix lui fait remettre une copie de l’ordonnance rendue en application du présent article.
Dans le nouvel article qu’il propose, qui est l’article suivant, (14.1), c’est écrit que dès qu’il rend une ordonnance en vertu du paragraphe (2) — il s’agit des conditions générales, si l’on veut, l’ordonnance de mise en liberté avec conditions —, le juge de paix vérifie auprès du poursuivant que le partenaire intime du prévenu et toute victime de l’infraction ont été informés de leur droit de demander une copie de l’ordonnance, celle-ci étant l’ordonnance de remise en liberté provisoire par voie judiciaire. Il s’agit donc ici d’une question que je veux poser au sénateur Boisvenu, parce que je ne suis pas sûr de comprendre le sens de l’amendement qu’il propose. Si je vais à (14.1) —
[Traduction]
Avant d’imposer les conditions pour la liberté provisoire par voie judiciaire :
[...] le juge de paix vérifie auprès du poursuivant que le partenaire intime du prévenu et toute victime de l’infraction ont été informés de leur droit de demander une copie de l’ordonnance.
Si je comprends bien, la Couronne, ou je devrais plutôt dire le procureur, devrait indiquer au juge qu’elle ou il a parlé au partenaire intime.
Le terme « partenaire intime » est défini à l’article 2 du Code criminel. Il est question de l’époux, du conjoint de fait ou du partenaire amoureux, actuels ou anciens, d’une personne. Je suppose que cela signifie que la Couronne devra s’informer auprès de la police pour savoir qui sont les partenaires intimes, anciens ou actuels, ainsi que les victimes.
Lorsqu’une victime dépose une plainte à la police, une accusation est portée. La personne est arrêtée et comparaîtra devant le juge pour demander d’être relâchée. La Couronne doit alors mentionner à d’autres personnes qui ne sont pas la victime ou la présumée victime — la victime ou les victimes — qu’elles devraient participer au processus.
Je ne sais pas si c’est bien ce qu’il en est, ou si nous devrions interpréter la disposition comme si « partenaires intimes » et « victimes » étaient synonymes, ou en fonction des dispositions auxquelles le sénateur fait allusion. S’agit-il des victimes conformément au paragraphe 515(2), et la notion de partenaire intime renvoie-t-elle à autre chose dans le Code? Je ne sais pas. Veut-il que la Couronne trouve les partenaires intimes et communique avec eux?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Habituellement, le partenaire intime est relativement facile à trouver. Ce n’est pas un agresseur qui a cinq partenaires intimes comme victimes. Habituellement, c’est un et un. Cet article vise vraiment à assurer le respect de la Charte canadienne des droits des victimes, le droit à l’information. Donc, la victime ou la plaignante veut être informée des conditions.
Le sénateur Dalphond : Vous semblez aller plus loin. Vous dites : « la plaignante et toute personne qualifiée de personne qui se qualifient de partenaire intime doivent être contactées ». Si quelqu’un est accusé de fraude ou de vol de banque, la Couronne doit dire qu’elle a consulté la personne de la banque qui s’est plainte du vol et en plus consulter les partenaires intimes pour leur demander s’ils veulent être informés de l’ordonnance de la mise en liberté de la personne accusée d’un vol de banque. C’est ça que je ne comprends pas. L’article (14.1) s’applique à toute disposition de l’article 515.
Le sénateur Boisvenu : Vous avez raison, il y a des cas où il y a eu une partenaire actuelle, présente, et des partenaires passées. Dans un district de Saint-Jérôme, il y a eu trois femmes agressées par le même individu et les trois cas sont en processus judiciaire. Donc, on parle ici d’informer la victime, mais aussi d’informer, s’il y a deux autres victimes dans le processus judiciaire, d’informer aussi les autres partenaires intimes. Donc, oui, il peut y avoir des cas où il y a plus d’une victime, dont l’exemple qui m’est venu en tête où il y a trois femmes agressées par le même agresseur, et où il y a trois procès en parallèle.
Le sénateur Dalphond : Le mot « toute victime » en français ou victims au pluriel, en anglais, laisse entendre que toutes les victimes seraient consultées. L’exemple que vous donnez serait visé; les trois victimes y auraient droit. Pourquoi y auraient aussi droit les autres, qui ne sont pas des plaignants ou des plaignantes, le partenaire intime passé ou présent?
Le sénateur Boisvenu : Vous êtes plus ferré que moi dans la formulation pour avoir travaillé dans le domaine pendant des années. Si le texte mérite d’être précisé, je n’ai aucun problème avec ça.
La sénatrice Dupuis : Si on disait « sur demande d’une victime de l’infraction »?
Le sénateur Boisvenu : Je dirais « d’une ou des ».
La sénatrice Dupuis : Parce que c’est rattaché à une infraction, il y aurait eu d’autres infractions à ce moment-là, si on ajoute des « une » ou des « des ». Voulez-vous, je vais vous poser la question autrement?
Je comprends très bien qu’on peut se retrouver avec un même prévenu qui a fait plusieurs victimes. Les procès ne sont pas réunis et ils sont même, peut-être, dans des régions et à des dates différentes. Qu’est-ce que vous voulez qui soit communiqué dans ce cas-ci, et à qui? On sait que dans un des procès, il y a une victime. Il faut s’assurer qu’on lui remette une copie de l’ordonnance rendue en application. Qu’est-ce que vous voulez qu’il se passe de plus par rapport à ce prévenu? C’est ce que j’essayais de comprendre.
Le sénateur Boisvenu : Je pense à la victime présente. C’est sûr que s’il y a un autre procès en parallèle qui se joue dans un autre district judiciaire — c’est le cas dans l’exemple que je vous ai donné —, on a encore une victime et l’accusé.
La sénatrice Dupuis : Donc, l’autre victime est le partenaire intime du prévenu dont vous parlez.
Le sénateur Boisvenu : Si on est dans un contexte de violence conjugale, on est toujours dans un contexte de partenaire intime; c’est toujours la conjointe ou l’ex-conjointe. Ce n’est pas un étranger qui agresse. On est dans un autre domaine de violence. Pour la violence conjugale, on fait toujours référence à un partenaire intime, c’est le mot le plus utilisé.
La sénatrice Dupuis : À partir du moment où il y a un prévenu, s’il est accusé de plusieurs crimes contre la personne en matière de violence conjugale, vous voulez que chacune des victimes de ce prévenu obtienne une copie des ordonnances.
Le sénateur Boisvenu : En principe, oui; s’il y a eu trois accusations, il y a trois victimes. Les trois victimes veulent avoir le même type d’information parce qu’elles risquent d’être dans des districts, des régions et des conditions différentes. Il faut que les victimes — dans ces cas, toutes les victimes du même criminel — aient le même droit, soit celui de savoir quelles conditions ont été imposées en ce qui concerne leur plainte, à elles.
La sénatrice Dupuis : Est-ce que ça veut dire, par exemple, qu’on voudrait que chaque victime ait accès à une ordonnance dès que le prévenu est accusé d’un crime, même si cela ne la vise pas, mais que cela vise d’autres personnes dans d’autres régions?
Le sénateur Boisvenu : En principe, la victime va être informée des conditions données à son agresseur. La victime qu’on veut protéger, c’est celle qui a été agressée.
La sénatrice Dupuis : Oui, c’est pour ça que j’essaie de comprendre pourquoi vous ajoutez « sur demande du partenaire intime du prévenu pour ce qui est de la victime d’infraction ».
Le sénateur Boisvenu : Le partenaire intime et la victime sont la même personne.
La sénatrice Dupuis : Le partenaire intime est la même personne que la victime.
Le sénateur Boisvenu : On utilise partenaire intime, c’est la relation qu’il y a entre les deux. Victime, c’est l’état dans lequel elle est, et le partenaire intime indique la relation. Quand vous êtes victime, vous n’êtes pas dans un état de relation, vous êtes dans un état de fait, vous êtes victime d’une violence.
La sénatrice Dupuis : On parle d’une seule et même personne ici.
Le sénateur Boisvenu : Oui, une seule et même personne.
La sénatrice Dupuis : D’accord, c’est ce que je voulais clarifier. Je ne suis pas sûre que ça sort bien en français.
Le sénateur Dalphond : Si l’explication que donne le sénateur Boisvenu, si c’est ce que ça veut dire — et c’est ce que j’ai lu la première fois —, mais en relisant pour me préparer aujourd’hui, j’ai commencé à avoir des doutes. Je pensais qu’il y avait peut-être d’autres personnes qui étaient visées, mais si la personne visée est uniquement la victime, à ce moment-là, le paragraphe 14 actuel, « sur demande d’une victime de l’infraction » est suffisant. Donc, dans le paragraphe suivant, qui est proposé et qui est nouveau, je ne suis pas contre le principe, mais à la troisième ligne, il faudrait lire : « le juge de paix vérifie auprès du poursuivant que toutes victimes de l’infraction ont été informées » et là, l’objectif serait atteint. C’est ça que mon amendement dit. Je n’ai pas eu l’occasion de parler au sénateur Boisvenu, mais mon objectif était d’éviter la redondance et de créer une espèce d’obligation de parler à des gens qui ne sont pas des victimes, mais d’anciens partenaires intimes. Il faut les trouver, on ne sait pas où ils sont rendus et ce qu’ils en pensent, etc.
Le sénateur Boisvenu : Je suis tout à fait d’accord avec vous.
La sénatrice Dupuis : Il suffirait donc d’enlever « du partenaire intime du prévenu ou » et on garderait « sur demande d’une victime de l’infraction, le juge de paix lui fait remettre une copie», et dans l’autre paragraphe : « le juge de paix vérifie auprès du poursuivant que toute victime de l’infraction a été informée de son droit de demander une copie ».
Le sénateur Dalphond : C’est exact. L’amendement, ce sont les lignes 15 et 16 seulement, et ce qui est aux lignes 9 à 12 n’est pas amendé parce que ce n’est pas visé par mon amendement; ça resterait tel quel.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Je ne comprends peut-être pas bien le passage, mais, sénateur Boisvenu, cet article avait-il également pour but de protéger le partenaire intime actuel contre la personne accusée de violence familiale en lui donnant cette information? Est-ce que cela fait partie de votre intention?
Le sénateur Boisvenu : Oui, quelque part.
[Français]
Comment peut-on le faire maintenant? Au fond, la sénatrice dit qu’il y a une victime qui dénonce l’agresseur, mais l’agresseur est avec une autre partenaire intime. Est-ce que cette nouvelle partenaire devrait être informée? C’est un peu le sens de la question.
La sénatrice Dupuis : Je pense que la sénatrice Batters a reformulé la question que je vous avais posée au départ.
Si je comprends bien, ce que vous voulez faire, je pense que cela s’explique : on veut régler la question de la victime. C’est d’elle qu’il faut s’occuper pour s’assurer qu’elle obtienne l’ordonnance.
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Le sénateur Dalphond : L’amendement viserait à limiter cela à la victime ou aux victimes qui sont dans le processus. Il y en a trois, notamment à Saint-Jérôme, dans l’exemple que vous donniez. Toutefois, cela ne vise pas à étendre l’obligation de consulter d’autres personnes. Si l’objectif est celui que la sénatrice Batters a mentionné, votre texte signifie autre chose.
Mon amendement vise à ce que l’on se réfère à la victime, donc à la plaignante. J’utilise le féminin parce que, dans 80 % des cas, ce sont des femmes.
La sénatrice Dupuis : Pour être plus neutre, on peut indiquer « la personne plaignante ».
Le sénateur Dalphond : C’est ce que je voulais dire afin d’être plus neutre.
[Traduction]
La présidente : Vous avez tous été très patients, et il y a beaucoup à dire à ce sujet. Nous ne pouvons pas donner suite à l’article 2, car nous sommes saisis de deux amendements. Je pense que vous serez d’accord avec moi. Je vais donc laisser tous les spécialistes qui se penchent là-dessus déterminer comment il faut procéder. Puis-je respectueusement vous demander d’apporter des précisions afin que ce soit clair pour tout le monde? Est-ce acceptable, honorables sénateurs? Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à l’article 3. Êtes-vous d’accord, chers collègues, pour réserver l’article 2?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Le sénateur Dalphond : Quelqu’un semble examine cela d’un peu plus près. Je suppose que c’est moi.
M. Palmer : Je vais donner le chiffre pour tout le monde : PJD-S205-3-3-28.
Le sénateur Dalphond : Oui. Ce qui est modifié ici...
La présidente : Un moment, s’il vous plaît. Est-ce que tout le monde a l’amendement? C’est le 3-3-28.
Sénateur Cotter, l’avez-vous?
Le sénateur Cotter : Je l’ai sur l’écran, mais je vois également que l’amendement 3-3-18 porte lui aussi sur l’article 3.
Le sénateur Dalphond : Nous devrions peut-être suivre l’ordre, soit le 3-3-18 en premier et ensuite le 3-3-28.
La présidente : Honorables sénateurs, pour éviter la confusion, nous sommes maintenant saisis de l’amendement 3-3-18. Merci de votre patience.
Le sénateur Dalphond : L’amendement proposé a été remis à tout le monde avant la réunion. Une fois de plus, c’est essentiellement pour éliminer la question de la formation et de la formation obligatoire, mais nous ne parlons pas ici de l’article 515. Il s’agit plutôt de l’article 810, qui porte sur les conditions pour permettre à quelqu’un de faire une promesse et d’être exempté du processus.
Comme je l’ai dit, ce n’est pas lié à la présomption d’innocence, car la personne accepte de faire une promesse en vertu de l’article 180, ce qui met fin aux procédures judiciaires. En cas de manquement aux conditions, elle est accusée de non-respect des conditions et n’est pas visée par l’accusation originale. C’est donc une nuance par rapport à une autre distinction établie par les procédures judiciaires et les procédures pénales. À moins que cela inquiète d’autres personnes — compte tenu des brèves explications du sénateur Boisvenu —, je pourrais accepter le libellé dans sa forme actuelle.
La présidente : Retirez-vous votre amendement?
Le sénateur Dalphond : Je vais le retirer, sauf si quelqu’un refuse. Si je comprends bien, c’est différent de l’article 515. C’est un contexte différent. Cela ne mène pas à un procès.
La présidente : Est-ce que tout le monde est d’accord? Bien.
Nous passons au suivant, le 3-3-28, honorables sénateurs.
Le sénateur Dalphond : Celui-ci reprend le raisonnement de tout à l’heure en ajoutant tout simplement les mots « avec le consentement du procureur général ». Je sais que nous nous sommes entendus pour en discuter en lien avec l’article précédent, et je propose donc de le mettre de côté puisque la décision que nous prendrons au sujet de l’article précédent aura une incidence sur celui-ci.
La présidente : Très bien. Êtes-vous d’accord?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il réservé pour l’instant? Honorables sénateurs, êtes-vous tous d’accord pour réserver l’article 3?
Des voix : D’accord.
La présidente : C’est là que cela pose problème.
Le sénateur Dalphond : Vous pourriez passer à l’article 4 puisqu’il s’agit d’éléments très techniques. Nous venons tout juste de parler de...
La présidente : Oui, ce sont des modifications corrélatives.
M. Palmer : Le légiste m’a dit que les articles 4 à 11 apportent des modifications corrélatives à l’article 3. Donc, si nous réservons l’article 3, nous devrions également réserver le reste.
Le sénateur Dalphond : Si vous voulez. Mais le paragraphe (3) n’est pas réservé puisqu’il sera ailleurs. Il est question de savoir si les mots « avec le consentement du procureur général » seront ajoutés ou non, mais la disposition sera maintenue.
M. Palmer : Compte tenu des règles de procédure, nous ne pouvons pas supposer qu’il sera nécessairement maintenu.
La présidente : Mettons-le de côté jusqu’à demain. Nous aurons du temps demain.
Le sénateur Dalphond : Bien. De toute façon, ce ne sont que des détails techniques. Il sera rapidement adopté.
La présidente : Vous avez déjà dit cela.
Le sénateur Dalphond : Parce qu’il me semble que personne n’a proposé d’amendement.
La présidente : Nous avons tout le temps voulu.
Nous allons passer à l’article 12. Chers collègues, je pense que cela signifie qu’il ne reste plus grand-chose à examiner dans le projet de loi. Puis-je proposer que nous nous arrêtions maintenant?
Le sénateur Dalphond : Excusez-moi de vous interrompre, mais il y a le dernier amendement, l’article 12, qui est également très technique. Mais puisque nous avons deux projets de loi qui sont comme deux navires qui traversent l’océan au milieu de la nuit, mais pas dans le même sens — je suppose qu’il y a le projet de loi C-233, qui a les mêmes objectifs et parfois les mêmes amendements, et ce projet de loi qui contient la même chose... Ce n’est pas moi qui l’ai proposé, bien entendu. Je n’ai pas rédigé ce passage. Mais vous vous doutez peut-être que nos collègues qui nous aident à rédiger les amendements proposent ici que nous ayons ce que nous appelons...
La présidente : Il s’agit bien de l’article 12, n’est-ce pas?
Le sénateur Dalphond : Oui. C’est la coordination des amendements. Cela signifie que l’amendement qui vient en premier rend l’autre amendement inapplicable et vice versa.
M. Palmer : Le légiste me dit que cet amendement, le nouvel amendement à l’article, dépend de votre premier amendement à l’article 2.
Le sénateur Dalphond : Bien. Cela dit, je vous dis au passage que si vous n’arrivez pas à vous endormir ce soir, vous pouvez peut-être le lire. Vous allez le trouver intéressant.
La présidente : Honorables sénateurs, avec votre consentement, j’aimerais maintenant lever la séance, et nous reprendrons et terminerons demain l’étude du projet de loi S-205. Nous n’accueillerons pas de témoins demain.
Merci beaucoup de votre patience, chers collègues. C’était très instructif. Nous allons nous revoir demain à 11 h 30.
(La séance est levée.)