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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 2 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 11 h 49 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Le sénateur Brent Cotter (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs, et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Traduction]

Je m’appelle Brent Cotter, je représente la Saskatchewan au Sénat et je suis le président du comité. J’invite mes collègues à se présenter à leur tour.

La sénatrice Batters : Sénatrice Denise Batters, de la merveilleuse province de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, division sénatoriale de La Salle, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, de l’Inuit Nunangat, et je représente le Nunavut.

Le sénateur Prosper : Je m’appelle Paul Prosper et je représente la Nouvelle-Écosse, territoire traditionnel des Mi’kmaq.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, division sénatoriale des Laurentides, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice LaBoucane-Benson : Sénatrice LaBoucane-Benson, territoire du Traité no 6, en Alberta.

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.

La sénatrice Pate : Kim Pate. J’habite ici, sur le territoire non cédé et non restitué des Algonquins Anishinaabes.

La sénatrice Clement : Sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Soyez les bienvenus.

Le président : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Nous poursuivons aujourd’hui l’étude du projet de loi S-13, Loi modifiant 1a Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Pour la première partie de la réunion, nous avons le plaisir d’accueillir, en personne, la présidente du Ralliement national des Métis, Cassidy Caron — soyez la bienvenue, madame Caron — et le directeur par intérim, Justice et affaires législatives du Ralliement, Ryan Chawner. Merci de vous être déplacés.

Nous allons commencer par votre déclaration liminaire, madame la présidente. Vous disposez d’environ 5 minutes — je vous ferai signe si vous prenez trop de temps. Nous passerons ensuite aux questions et aux observations des sénateurs. Nous vous écoutons.

Cassidy Caron, présidente, Ralliement national des Métis : Merci beaucoup. Tansi. Bonjour à tous et merci de m’avoir invitée aujourd’hui. Je tiens aussi à dire que je suis reconnaissante d’avoir été invitée sur le territoire des Algonquins Anishinnabes.

Le Ralliement national des Métis est le représentant national et international attitré de la nation métisse du Canada, et ce, depuis 1983. Le Ralliement est composé des chefs démocratiquement élus des gouvernements métis des provinces de l’Ontario, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. C’est aussi de ces chefs que lui vient son mandat.

De par leurs registres et leur structure de gouvernance démocratiquement élue aux échelons locaux, régionaux et provinciaux, les gouvernements métis ont le mandat et le pouvoir de représenter les citoyens métis auprès des autorités compétentes. Ils sont notamment autorisés à faire valoir les intérêts, les revendications auprès de la Couronne et les droits collectifs des Métis.

Depuis 1983, les citoyens métis sont la priorité du Ralliement, et ils le demeureront. Le Ralliement continuera également de défendre les dossiers d’intérêt pour notre collectivité et de servir la nation métisse comme l’imaginaient nos fondateurs.

Merci beaucoup de nous avoir invités aujourd’hui à parler du projet de loi S-13. Tout d’abord, le Ralliement national des Métis appuie le projet de loi S-13 dans sa forme actuelle, qui modifie la Loi d’interpéetation et diverses autres lois afin que les lois du Canada maintiennent les droits — ancestraux et issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et n’y portent pas atteinte.

La reconnaissance des droits des peuples métis dans la Constitution du Canada constitue un élément fondamental des relations entre la Couronne et les Autochtones. Le Ralliement national des Métis estime que le projet de loi S-13 s’inscrit dans la promesse du Canada de renouveler les relations avec la nation métisse afin qu’elles se fassent de nation à nation et de gouvernement à gouvernement et qu’elles soient fondées sur la confirmation des droits autochtones.

Le Ralliement national des Métis et ses directeurs réclament ces modifications depuis longtemps afin que les lois du Canada soient interprétées de manière à maintenir les droits que l’article 35 de la Constitution garantit aux Métis et non à leur nuire.

Cela dit, le Ralliement en a contre la manière dont le Canada a présenté ce projet de loi. Les gouvernements métis souhaitaient que le Canada y inclue une disposition de dérogation afin de rendre le texte efficient, mais cela ne peut se faire qu’au prix des obligations législatives du pays. La participation aux processus législatifs traditionnels, comme la réunion d’aujourd’hui, ne peut être qualifiée de consultation ou de collaboration et ne suffit pas pour décharger le Canada des obligations législatives que lui confère la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Malgré tout, la modification proposée ne suscite aucune controverse et elle est attendue depuis longtemps. Les gouvernements métis ont pris connaissance du texte, ils l’appuient et ils l’ont déjà intégré à leurs ententes d’autodétermination et de reconnaissance gouvernementale.

Merci encore une fois de nous avoir invités aujourd’hui. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci à vous, madame Caron. Commençons par la marraine du projet de loi, la sénatrice LaBoucane-Benson.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci beaucoup d’être ici, madame la présidente. C’est toujours un plaisir de vous rencontrer. J’accorde beaucoup de valeur à vos propos.

Ai-je raison de dire que vous auriez aimé être consultés autrement? Si c’est exact, quelle forme ces consultations auraient-elles dû prendre?

Mme Caron : Bien sûr. Je ne crois pas avoir besoin de rappeler que l’article 5 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones oblige le Canada à prendre toutes les mesures nécessaires, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, pour que ses lois soient conformes à la déclaration et à en discuter avec la nation métisse.

Il n’y a eu aucune conversation digne de ce nom au sujet du projet de loi, que ce soit avec le ministre, le ministère ou qui que ce soit d’autre. Ce n’est pas consulter quelqu’un ni collaborer avec lui que de lui envoyer un courriel l’invitant à donner son avis. À la lumière de la relation de nation à nation et de gouvernement à gouvernement que nous entretenons avec le gouvernement du Canada, nous aurions préféré avoir une véritable conversation et explorer les enjeux propres à ce dossier avant que le projet de loi ne soit présenté.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie. Je suis contente que vous évoquiez la déclaration de l’ONU et plus particulièrement l’article qui fait des consultations l’une de ses pierres angulaires.

Je comprends ce que vous dites, mais vous appuyez tout de même le projet de loi, car il répond à des demandes que vous répétez depuis des décennies. Je le comprends. Si nous devions amender le texte devant nous, quelle forme devraient prendre les consultations demandant l’avis du Ralliement national des Métis?

Mme Caron : Nous voudrions connaître le libellé exact de ce qui serait proposé et nous suivrions ensuite les processus internes du Ralliement national des Métis incluant la collaboration avec les gouvernements métis pour en discuter et obtenir leur appui ou pour proposer d’autres amendements au libellé. Nous utiliserions nos processus internes avant de vous revenir et de vous confirmer notre appui ou de vous proposer d’autres amendements.

La sénatrice LaBoucane-Benson : D’accord. Ce que je comprends, corrigez-moi si j’ai tort, c’est que vous voulez saisir l’occasion. Voulez-vous que le projet de loi soit adopté dans sa forme actuelle ou voudriez-vous qu’il soit amendé d’une façon qui convienne à votre population?

Mme Caron : Nous appuyons le projet de loi dans sa forme actuelle. Nous avons l’appui de toutes les organisations membres, les gouvernements métis, quant au libellé actuel et nous pouvons affirmer que nous appuyons le projet de loi dans sa forme actuelle.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D’abord, bonjour et merci beaucoup pour vos témoignages. Je veux revenir essentiellement aux mêmes questions qu’on a posées depuis quelques jours, au sujet de la fameuse Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il semble se dessiner autour de la table une intention d’inscrire cette déclaration dans la loi. Est-ce une position que vous soutenez?

[Traduction]

Mme Caron : Encore une fois, au bout du compte, nous appuyons l’objectif du projet de loi. Nous appuyons la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous appuyons le projet de loi. Nous appuyons le plan d’action, parce que nous avons participé à sa création. Tout amendement au libellé du projet de loi S-13 devrait être présenté aux gouvernements métis en vue de consultations nous permettant de nous assurer qu’ils l’appuient avant que nous puissions revenir vous dire si nous voulons l’ajout de ce qui est proposé au projet de loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais essayer d’être prudent dans mes propos. Lorsqu’on questionnait les représentants des communautés autochtones et que l’on parlait des droits des femmes autochtones par opposition à la déclaration de l’ONU, je sentais que ces représentants marchaient sur des œufs. Je ne sais pas comment dire les mots sans être mal interprété, mais est-ce que le fait que la déclaration des Nations unies confirmerait des droits aux femmes plus particulièrement est une situation délicate dans vos communautés?

[Traduction]

Mme Caron : Je suis désolée, je ne suis pas certaine de bien comprendre la question.

Le sénateur Boisvenu : Hier, lorsque nous avons discuté de l’inclusion de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les témoins ont semblé marcher sur des œufs. Lorsqu’il a été question des droits des femmes, ils ont semblé trouver la question délicate. Est-ce la principale objection à l’inclusion de la déclaration dans le projet de loi?

Mme Caron : De mon point de vue, non, ce n’est pas la principale objection. La principale objection à l’heure actuelle — encore une fois, nous ne nous opposons pas à l’inclusion de dispositions à ce sujet —, c’est que nous voulons nous assurer que les choses soient faites de façon à respecter les droits des Autochtones tels qu’ils sont prévus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Je ne crois pas qu’il n’y ait rien en particulier dans la déclaration des Nations unies auquel nous nous opposons en ce qui concerne les femmes.

La sénatrice Simons : Je vais poursuivre dans le même filon que le sénateur Boisvenu. Au début, des groupes de femmes autochtones nous ont dit que, sans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le projet de loi était inadéquat, parce que la disposition de non-dérogation n’en fait pas assez pour défendre les droits des femmes qui sont protégés par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je trouvais cet argument convaincant.

Puis, d’autres leaders autochtones nous ont dit qu’il a fallu deux ans pour arriver au compromis que représente le projet de loi à l’étude et qu’ajouter à la dernière minute un amendement concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pourrait faire pencher la balance et rompre le consensus au sujet du projet de loi. En outre, ajouter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à brûle-pourpoint au comité compromettrait le processus de consultation qui devrait être mené en amont. C’est compliqué, parce qu’il y a toujours le revers de la médaille. Je trouve qu’il y a de bons arguments des deux côtés.

J’aimerais que vous donniez votre opinion, en tant que femme leader autochtone, au sujet du fait que la disposition de non-dérogation n’en ferait pas assez pour protéger les femmes et que vous disiez également si vous croyez que ce serait au comité de prendre l’initiative d’ajouter un amendement concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Croyez-vous qu’il faudrait d’abord consulter les groupes autochtones?

Mme Caron : Encore une fois, au bout du compte, nous appuyons la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous appuyons également le libellé actuel du projet de loi S-13, parce que nous discutons de cet enjeu depuis 15 ans et que nous ne voulons pas repousser davantage l’adoption de cette mesure. L’adoption du projet de loi S-13 représenterait vraiment un pas dans la bonne direction.

En particulier, en ce qui a trait à la défense des femmes autochtones — et des Métisses plus précisément — nous travaillons avec Les Femmes Michif Otipemisiwak, une organisation qui représente les Métisses au Canada. Dans le cadre du processus ayant mené au rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et à la création du plan d’action, nous avons participé à la conception d’un plan d’action concernant spécifiquement les Métisses. Pour nous, c’est la solution : mettre en œuvre les mesures concernant spécifiquement les Métis.

La sénatrice Simons : Je pense que, autour de la table, nous avons tous de bonnes intentions et nous voulons tous que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit respectée. Par contre, s’il a fallu autant de temps avant que la disposition de non-dérogation soit incluse, combien de temps faudra-t-il pour inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones? Recommanderiez-vous que nous appuyions le projet de loi sans amendement ou croyez-vous que nous devrions tenter de proposer l’amendement, ne serait-ce que dans le but d’en discuter?

Mme Caron : C’est une question embêtante. Je reviendrais à ma réponse initiale. S’il est possible d’adopter dès maintenant le projet de loi sans d’autres délais, le Ralliement national des Métis appuierait cette solution. Nous ne voulons pas que d’autres processus dans lesquels le Canada ne respecte pas son obligation de consulter soient menés. Nous ne savons pas quels retards cela entraînerait.

À l’heure actuelle, le libellé du projet de loi a été approuvé par les gouvernements métis. Adopter le projet de loi dans sa forme actuelle constituerait une avancée. Si d’autres amendements sont proposés, nous devrons retourner consulter les gouvernements métis.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, nous avons craint que notre deuxième témoin ne puisse se joindre à nous en raison de problèmes techniques, mais tout est réglé. Si vous me le permettez, j’inviterais maintenant Judy Wilson, ancienne cheffe Kukpi7, de l’Union of British Columbia Indian Chiefs, à faire sa présentation. Il faudra peut-être prolonger la période de questions. Si certains parmi vous considèrent qu’ils n’ont pas eu l’occasion de poser les questions qu’ils voulaient à Mme Wilson, j’en tiendrai compte dans le cours des discussions.

Mme Wilson se joint à nous par vidéoconférence.

Madame Wilson, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d’être avec nous. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire d’environ cinq minutes aux membres du comité; des rondes de questions suivront. Vous avez la parole, madame Wilson.

Judy Wilson, ancienne cheffe Kukpi7, Union of British Columbia Indian Chiefs, à titre personnel : [Mots prononcés dans une langue autochtone] Je m’appelle Judy Wilson. Mon nom traditionnel est Red Hummingbird Woman. Je viens du territoire non cédé de [difficultés techniques], dans les terres intérieures de la Colombie-Britannique. Je fais de la politique depuis environ 25 ans et j’ai été cheffe de la bande indienne de Neskonlith et dirigeante de l’Union of British Columbia Indian Chiefs au sein du First Nations Leadership Council. J’ai également participé à la conception de nombreuses politiques législatives et travaillé à différents enjeux en matière de réglementation dans ma province, mais aussi ailleurs au Canada. J’ai également travaillé sur différents problèmes relatifs à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, autant en ce qui a trait aux documents produits par les Nations unies qu’aux mesures législatives fédérales et provinciales qui, nous le savons, ont maintenant force de loi au Canada.

Je voudrais dire d’entrée de jeu — avant de parler de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — que nous avons nos titres inhérents, nos droits, nos lois, nos ordres juridiques et nos champs de compétences. Dans la province de la Colombie-Britannique, la plupart de nos nations ne sont pas assujetties au processus des traités modernes, et la province n’a donc aucun titre de propriété sur nos terres. Nous n’avons pas cédé ou abandonné les titres à l’égard de nos terres, et nous n’y avons pas renoncé non plus. Il en va de même pour notre langue et notre culture. Beaucoup de nos lois sont écrites dans notre langue, et elles ont été rédigées sur nos terres. Nos lois sont donc restées intactes sur nos terres territoriales. La création des réserves nous a contraints à nous installer dans de petites réserves un peu partout au Canada — réserves qui représentent 1 % du territoire canadien —, et le gouvernement fédéral nous a placés sous sa tutelle. Nous n’avons pas non plus de titre de propriété complet sur nos terres de réserve. Nous sommes donc toujours soumis à l’article 35 de la Constitution, dont a parlé Cassidy Caron.

La Loi d’interprétation se veut une loi de surveillance qui est censée faciliter cette interprétation. Toutefois, comme on l’a mentionné, ce n’est pas ce qui s’est produit dans le domaine de la pêche. Cela n’a pas été le cas pour un grand nombre de textes législatifs essentiels, même s’ils comportent certains articles. Ce qui arrive, c’est que Services aux Autochtones Canada, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ou, parfois, les tribunaux interprètent les énoncés concernant les dispositions de non-dérogation.

Cela nous préoccupe beaucoup, car je sais que la modification de la Loi d’interprétation vise à indiquer clairement au Parlement et aux responsables de la réglementation que tout texte doit maintenir les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones — droits qui ont été reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 —, et qu’il ne doit pas y porter atteinte. Ce qui me préoccupe, c’est que le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’a pas été respecté dans le cadre du processus des lois fédérales ou provinciales fondées sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il n’y a pas eu suffisamment de consultations tout au long de ce processus.

En fait, je n’en ai pris connaissance que la semaine dernière lorsqu’on m’a demandé de participer à la discussion — et je remercie d’ailleurs le comité sénatorial de m’avoir lancé l’invitation. Cependant, comme je l’ai dit, je ne fais plus partie de l’Union of British Columbia Indian Chiefs, mais je travaille toujours avec de nombreuses nations, et je collabore en ce moment avec un grand nombre d’organisations.

Je trouve cela vraiment inquiétant. En ce qui concerne les dispositions de non-dérogation, je crois que cela aura une incidence sur 26 textes législatifs fédéraux qui existent déjà. De plus, si je ne me trompe pas, trois d’entre eux ne subiront aucun changement. À mon avis, il faut mener plus de consultations sur la disposition de non-dérogation et instaurer un processus qui respecte non seulement les lois fédérales relatives à la déclaration des Nations unies, mais aussi notre déclaration provinciale. C’est ce qui s’impose, selon moi, pour le maintien de nos droits. Il faut donc mettre en place le processus approprié pour que nous puissions avoir cette discussion avec les détenteurs de droits. En effet, les organisations ne représentent pas les détenteurs de droits, d’où l’importance d’en parler à ces derniers.

Je crois comprendre que 30 mémoires ont été déposés, mais n’oublions pas qu’il y a 600 communautés dans l’ensemble du Canada. Si certaines organisations ont soumis un mémoire, je ne pense pas qu’elles aient eu le temps de discuter pleinement des dispositions de non-dérogation.

J’ai assisté à trois réunions de nos organisations provinciales, et je n’ai entendu aucune discussion à ce sujet dans l’une ou l’autre des réunions que nous avons eues au cours du trimestre. Je participe cette semaine à la réunion du cabinet de la Colombie-Britannique et des dirigeants des Premières Nations et, là encore, je ne vois rien de tel dans l’ordre du jour.

En raison des modifications assez importantes qui seront apportées à nos lois, en particulier à la Loi d’interprétation, il faut vraiment mener plus de consultations, et ce travail doit se faire dans le respect du principe de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

À l’heure actuelle, il faut parfois s’en remettre aux tribunaux pour une grande partie de l’interprétation, et je pense qu’il est important que nous suivions ces procédures. Je sais que dans l’affaire des concessions minières, les tribunaux étaient également d’avis que la déclaration des Nations unies n’avait pas de poids juridique. La mise en œuvre de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies est encore loin d’être achevée, et il y a encore beaucoup de travail à faire. C’est pourquoi nous devons nous y prendre comme il faut.

Je voulais donc simplement mettre en contexte ce qui est à l’étude, car en raison de nos droits fondamentaux aux termes de la déclaration des Nations unies, et compte tenu de nos droits constitutionnels, il est vraiment important de faire participer les détenteurs de droits à cette discussion et à ce processus. Bref, je pense qu’il faut un processus plus complet.

Je vous remercie.

Le président : Merci, madame Wilson.

La sénatrice Jaffer : Merci à nos deux témoins. Madame Caron, j’aimerais vous poser une question qui porte, encore une fois, sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Si je ne me trompe pas — et j’ai suffisamment de collègues qui mecorrigeront —, l’Association des femmes autochtones du Canada, ou AFAC, a signalé que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones avait été abordée dans le cadre des consultations. Est-ce bien le cas; vous en souvenez-vous?

Mme Caron : Je ne peux pas répondre à cette question parce que nous n’avons pas été consultés au sujet du projet de loi S-13.

La sénatrice Jaffer : Soit, mais si des gens avaient été consultés, alors cela aurait déjà eu lieu, parce que le gouvernement a décidé de ne pas inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones; êtes-vous d’accord? Si des gens avaient pu s’exprimer sur le sujet dans le cadre des consultations, alors la déclaration des Nations unies aurait fait l’objet de consultations; n’en convenez-vous pas?

Mme Caron : Si on nous avait...

La sénatrice Jaffer : Vous n’avez pas été consultés; vous me l’avez dit, mais qu’en est-il de l’éventualité que d’autres l’aient été?

Mme Caron : Cela ne répond pas au critère de consultation, c’est-à-dire le fait de tenir une réunion avec la Nation métisse et d’obtenir son point de vue.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de cette précision.

Ce qui m’embête, c’est que nous devons prendre une décision d’ici une ou deux semaines sur la question de savoir s’il faut inclure ou non la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je me demande donc comment le processus fonctionnera si nous ajoutons la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Bien entendu, on aurait quand même à consulter les peuples métis à ce sujet. Bref, comment fonctionnerait le processus? Voilà plus ou moins ce que je cherche à savoir.

Mme Caron : Je suppose que si votre comité apportait un amendement au projet de loi S-13, je m’attendrais à recevoir un coup de fil de la part du président, peut-être, pour m’informer que cet amendement a été apporté et pour me demander si la Nation métisse y serait favorable.

J’aurais ensuite à convoquer les dirigeants de la Nation métisse sur l’ensemble de notre territoire, à m’assurer que nos légistes sont pleinement informés du libellé et à discuter avec eux pour savoir si les dirigeants de la Nation métisse appuient ou non l’amendement. Par la suite, j’essaierais de communiquer de nouveau avec le président.

La situation n’est pas idéale. La consultation aurait dû avoir lieu avant que le projet de loi ne soit présenté, mais je reconnais que c’est l’objet de notre discussion d’aujourd’hui et des autres conversations que vous avez eues ces dernières semaines.

Au bout du compte, la Nation métisse n’est pas contre le libellé de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous avons accompli un travail considérable en ce qui concerne la mise en œuvre et le plan d’action, et nous sommes résolus à faire en sorte que l’application de la loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones se fasse en bonne et due forme.

Nous ne pouvons pas nous mettre à trouver des échappatoires et à enfreindre les règles ici et là sous prétexte que les contraintes de temps nous empêchent de bien faire les choses. Nous ne voulons pas créer un tel précédent. Voilà essentiellement le processus que nous envisageons.

La sénatrice Jaffer : Je comprends ce que vous dites, mais le dilemme pour moi et d’autres membres du comité — je ne parlerai toutefois que pour moi —, c’est que l’AFAC est venue nous dire que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones doit figurer dans le projet de loi parce qu’il a fallu 15 ans pour en arriver là. Par conséquent, si on ne le fait pas maintenant, faudra-t-il attendre encore 15 ans?

Nous sommes pris dans un dilemme parce que — je suis désolée de le dire ainsi, et si vous ne voulez pas l’accepter, je ne vous en tiendrai pas rigueur —, vous êtes une femme à la tête d’une organisation, et certains d’entre nous ici se sentent très mal à l’aise quand l’AFAC vient nous dire : « Vous devez inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ». Que devons-nous faire alors?

Mme Caron : C’est une question extrêmement difficile.

La sénatrice Jaffer : Et c’est ce que je constate également.

Mme Caron : Je répondrai que ce n’est pas parce que l’Association des femmes autochtones du Canada, l’AFAC, vous dit qu’elle a été consultée au sujet du projet de loi S-13 que cela signifie que les femmes autochtones ont été consultées au sujet du projet de loi S-13.

L’AFAC est une organisation qui milite en faveur de l’équité. Ce n’est pas une organisation de représentation des droits. L’AFAC n’est pas l’une des organisations qui ont des liens directs avec les gouvernements métis démocratiquement élus, qui ont reçu le mandat de représenter les droits des Métis.

Le Ralliement national des Métis en est une. Les présidents m’ont confié le mandat et eux-mêmes ont reçu le mandat de représenter les droits des Métis, y compris des femmes métisses.

Ce n’est pas le cas de l’Association des femmes autochtones du Canada.

Le sénateur D. Patterson : C’est un plaisir de vous revoir.

Vous avez parlé de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de votre participation à l’élaboration du plan d’action. Le projet de loi C-15 demande au Canada de travailler en consultation avec les peuples autochtones et d’autres ministres pour préparer et mettre en œuvre un plan d’action visant à atteindre les objectifs de la déclaration, qui consistent essentiellement à veiller à ce que toutes les lois du Canada soient conformes à la déclaration.

Je vous dis ce que vous savez déjà, mais je tiens à le mentionner à nouveau aujourd’hui, car vous avez dit que vous participiez activement à l’élaboration du plan d’action. Un chapitre est consacré aux Métis. Il y a un projet de loi à la Chambre des communes que nous examinerons à un autre moment. Vous appuyez la modification telle quelle, et M. Goodon, de la Fédération des Métis du Manitoba, nous a transmis de façon très éloquente le même message lors de notre dernière réunion.

Mme Metallic, une éminente professeure micmaque de l’Université Dalhousie a déclaré qu’il s’agissait d’une occasion de donner vie à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones que nous ne devions pas manquer.

Diriez-vous que le plan d’action est le meilleur moyen d’inscrire la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien plutôt que d’accepter une modification ponctuelle, de dernière minute, je dirais, dont les implications ne sont pas vraiment claires à l’heure actuelle et qui n’a pas fait l’objet d’une vaste consultation?

Mme Caron : Excusez-moi, est-ce que vous me demandez si le plan d’action est cette voie à suivre?

Le sénateur D. Patterson : La voie à suivre, oui

Mme Caron : En fin de compte, oui. Nous avons consacré beaucoup de temps à l’élaboration du plan d’action. Nous avons fait part de nos priorités aux Premières Nations et aux Inuits quant à la manière dont nous allons mettre en œuvre un document aussi important auquel on a travaillé pendant si longtemps.

La tâche ne sera pas facile. Par ailleurs, le plan d’action est un document évolutif que nous pouvons adapter au fur et à mesure. Toutefois, en ce qui concerne la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour la nation métisse, nos priorités sont définies dans le plan d’action, et c’est là-dessus que nous concentrons nos efforts pour l’instant.

Le sénateur D. Patterson : Vous avez mentionné que vous travaillez en collaboration avec les Inuits et les Premières Nations. Je représente au Sénat une région qui est en grande partie inuite, et les Inuits ont été clairs. L’Inuit Tapiriit Kanatami, ou l’ITK, et la Nunavut Tunngavik disent qu’on doit adopter le projet de loi modifié, ne pas ralentir le processus. Ils disent qu’ils attendent ce moment depuis plus de 15 ans, qu’il ne faut pas tout gâcher et que l’on doit le faire. Les 26 membres de la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales signataires de traités modernes ont le même message : faites-le.

Leurs opinions claires et bien arrêtées sur la question comptent-elles dans la position que vous adoptez?

Mme Caron : Le point de vue que j’exprime ici aujourd’hui correspond au message clair et bien arrêté que j’ai reçu de mes dirigeants métis, qui ont exactement le même message que les dirigeants inuits. Bien sûr, le président Obed, de l’ITK, et moi-même avons eu des discussions au sujet du projet de loi S-13 et nous sommes sur la même longueur d’onde. Il semble bien que l’ITK, le Ralliement national des Métis et tous les dirigeants inuits que vous avez mentionnés soient sur la même longueur d’onde.

Il est important que le projet de loi soit adopté dans sa forme actuelle, sans plus attendre. Si d’autres modifications doivent être apportées, nous pouvons le faire de la bonne manière.

Le sénateur D. Patterson : Merci beaucoup.

La sénatrice Pate : Merci. J’aimerais poursuivre la discussion, mais d’une manière légèrement différente.

Au cours des années qui ont précédé mon arrivée ici et dans le cadre de notre processus d’adoption de projets de loi, souvent, j’ai constaté qu’on exerce de la pression sur les groupes pour qu’ils acceptent telle chose ou rien, même lorsqu’il est question d’une amélioration importante sur laquelle pratiquement tout le monde s’entend et au sujet de laquelle on dit souvent après coup « nous aurions vraiment aimé avoir insisté sur ce point à l’époque », et je suis consciente du contexte dans lequel s’inscrit l’ensemble de la discussion.

De plus, j’ai examiné ce document du ministère de la Justice hier soir et je sais qu’en ce qui concerne le maintien des droits prévus à l’article 35 par une disposition de non-dérogation, il est question de groupes qui demandent que la déclaration des Nations unies soit incluse dans ce document. Je ne sais pas si vous le savez, mais votre organisation figure sur la liste des groupes qui ont été consultés à ce sujet, même si vous indiquez qu’elle n’a pas été consultée.

Je sais également que, comme vous l’avez mentionné, de nombreux organismes, groupes et dirigeants autochtones et vous-même, en tant que présidente du Ralliement national des Métis, avez accompli un travail considérable pour l’élaboration du plan d’action relatif à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il me semble qu’il s’agit de consultations. Si je me trompe, j’aimerais que l’on me corrige sur ce point. Et la formulation proposée par des gens comme Mme Metallic confirme en fait l’alinéa 4a) qui a déjà été approuvé dans le cadre du projet de loi C-15 et qui a fait l’objet de consultations auprès de groupes.

Pourquoi ne pas l’améliorer? Le projet de loi est présenté ici. Nous avons la possibilité de l’améliorer. Ensuite, il sera renvoyé à l’autre endroit. À ce que je sache, personne ne s’est opposé à appuyer le projet de loi C-15, en particulier l’alinéa 4a), de sorte qu’il semble qu’une question de bon sens et de temps se pose en ce moment. Si cela peut nuire à quelqu’un — on ne nous l’a pas dit. Si cela ne nuit à personne et ne fait que renforcer les droits, pourquoi accepterions-nous, surtout compte tenu du contexte politique actuel, un processus à deux volets consistant à adopter ce projet de loi et à attendre ensuite qu’avec un peu de chance, peut-être, à un moment donné dans l’avenir, la déclaration des Nations unies soit incluse?

Si nous modifions le projet de loi pour y inclure une référence à la déclaration des Nations unies et, je dirais, à la lumière des discussions qui ont déjà eu lieu avec des dirigeants autochtones dans le cadre de l’élaboration du plan d’action relatif à la déclaration des Nations unies, ce qui est le point de départ de la consultation, cela ne constituerait-il pas une amélioration du projet de loi?

Mme Caron : Cette question comporte de nombreux aspects. Je vais d’abord dire quelques mots puis céder la parole à mon directeur de la justice par intérim, Ryan Chawner.

J’aimerais obtenir une précision. Quand vous avez mentionné le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de 2007...

La sénatrice Pate : Non, je suis désolée. Il s’agit du rapport du ministère de la Justice de juin 2023 sur les consultations relatives au projet de loi.

Mme Caron : D’accord, je vais céder la parole à M. Chawner pour qu’il réponde aux questions.

Ryan Chawner, directeur par intérim, Justice et affaires législatives, Ralliement national des Métis : Certainement. Merci de ces questions. En ce qui concerne la différence entre la consultation et les termes « consultation » et « collaboration » tels qu’ils sont utilisés dans la Loi sur la déclaration des Nations Unies, il s’agit de deux notions différentes en droit. Nous savons que la consultation et la collaboration constituent une norme juridique non encore définie, mais il doit s’agir d’une norme juridique différente. Lorsque le Parlement rédige des lois, il le fait avec intention, et les notions de « consultation » et de « collaboration » proviennent directement de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il en est question en particulier aux articles 18 et 19, qui stipulent que les États doivent travailler en concertation et en coopération avec les peuples autochtones afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. On parle d’institutions autonomes. On parle de relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. C’est ce que sous-entend l’expression « en consultation et en collaboration » contrairement à l’obligation de consulter et d’accommoder les peuples autochtones.

Bien que le Canada ait consulté des groupes, y compris le Ralliement national des Métis et les gouvernements métis, il n’a pas procédé en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones. Il s’agissait de processus imposés unilatéralement qui s’apparentent aux processus auxquels ont accès d’autres intervenants non titulaires de droits, comme la formulation d’observations sur des documents publics.

La sénatrice Pate : Je suis désolée de vous interrompre, mais si les droits ont été renforcés, si l’on collabore déjà concernant le type de termes dont nous parlons et si nous nous entendons généralement pour dire que nous voulons voir inclure la déclaration des Nations unies, quel mal y aurait-il à l’inclure dans le projet de loi dont est saisi le Sénat et à, par conséquent, améliorer le projet de loi? Mme Metallic et d’autres spécialistes de l’interprétation de l’article 35 l’ont recommandé pour éviter que l’on attende encore 5, 15, 20 ans, par exemple, pour adopter ce type de mesure législative.

M. Chawner : Pour répondre à la question, je pense qu’examiner la question sous l’angle du préjudice n’est pas la bonne chose à faire. Il s’agit de respecter les processus et la relation de nation à nation. Lorsque le Canada souhaite proposer des projets de loi ou modifier des lois, nous avons des attentes par rapport aux processus qui seront suivis et aux renseignements qui seront communiqués à l’avance.

Nous aimerions que ces processus soient respectés parce qu’ils sont importants pour le maintien de la relation de nation à nation, la relation de gouvernement à gouvernement.

La sénatrice Pate : Cela correspond exactement à la question que j’ai posée ensuite à Mme Metallic. Elle a répondu que de telles consultations avaient eu lieu au sujet de l’élaboration du plan d’action relatif à la déclaration des Nations unies et que des groupes avaient participé. Personne n’a dit ne pas vouloir voir la déclaration des Nations unies.

En quoi ne serait-ce pas respectueux de le faire ici, de l’intégrer à ce stade-ci afin d’améliorer le projet de loi?

Mme Caron : Je pense qu’en fin de compte, nous voulons voir le texte proposé. Si l’on peut nous proposer ce texte afin que nous puissions l’examiner et en parler ensuite à nos dirigeants pour nous assurer qu’ils l’appuient, c’est le processus que nous suivrions à ce stade. Tant que nous n’aurons pas vu le texte proposé, la façon dont vous espérez le modifier, nous ne pourrons pas nécessairement nous prononcer.

La sénatrice Pate : Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci aux témoins qui sont ici aujourd’hui. J’ai l’impression que vous devrez répéter ce que vous avez dit à plusieurs reprises, mais je veux juste comprendre ce que vous dites. Il y a une obligation qui appartient à la Couronne de consulter pour modifier des lois fédérales à côté d’une autre obligation de la Couronne, qui est de coopérer avec les peuples autochtones pour préciser et mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. On a affaire à deux processus de consultation qui ont des critères différents, si l’on veut, sur le plan juridique et qui appartiennent à la Couronne. En ce sens, deux choses m’ont frappée dans les témoignages de la cheffe Wilson et de la présidente Caron :

Ne vous y trompez pas, vos réunions du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne font pas partie d’un processus de consultation qui entrerait ou qui remplacerait ces deux mécanismes qui sont prévus et qui appartiennent à la Couronne.

Est-ce que j’interprète bien vos propos? Je pose la question autant à la cheffe Wilson, qui nous a parlé des détenteurs de droits qui n’ont pas été suffisamment consultés... Madame Wilson, je crois que vous avez précisé que vous parliez des 634 Premières Nations du Canada. Est-ce que je comprends bien votre position?

[Traduction]

M. Chawner : Je vous remercie de la question. Si j’ai bien compris, vous demandiez si le comité ici présent peut remplacer un processus de consultation et de collaboration adéquat. Nous répondons que non, ce n’est pas le cas.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci. Est-ce que je comprends bien que votre position est que cette obligation de consultation, qu’elle vise à modifier une loi fédérale avec les critères que l’on connaît ou à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, appartient à la Couronne, donc au gouvernement? C’est une obligation du gouvernement?

[Traduction]

Mme Caron : C’est exact.

Le président : Mme Wilson voulait peut-être faire un commentaire à propos de votre question, sénatrice Dupuis.

Mme Wilson : Ce sont des questions importantes. Je vous remercie de les avoir soulevées.

Il est important de savoir que même avec les consultations au sujet de l’article 6 concernant le plan d’action pour le processus visant à aligner les lois fédérales sur les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il faut que ce processus soit mis en œuvre de façon appropriée. Nous parlons donc de la nature de ce processus et de la question de savoir s’il a été mis en œuvre de façon appropriée. Une grande partie de ce travail n’a pas vraiment visé les détenteurs de droits. C’est ce qui nous préoccupe.

D’après mon expérience, en Colombie-Britannique, nous avons dû organiser des réunions pour tenter de rassembler les gens que nous pouvions. Tout le monde n’était pas présent en même temps. Nous avons fait de notre mieux pour diffuser l’information, mais il faudrait un meilleur processus avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

En ce qui concerne le travail que nous effectuons actuellement sur la Loi d’interprétation, j’ai assisté à trois réunions importantes et à une autre grande réunion ici, et ce sujet n’a pas été abordé. Il faut qu’il y ait une discussion approfondie sur l’impact que cette loi aura sur nous à l’avenir.

Je crois savoir qu’il existe une ébauche de texte. J’ai lu les changements proposés sur un site Web ou dans un courriel qui m’a été envoyé, mais ce que je disais, c’est qu’il faut consulter davantage les membres de notre communauté, c’est-à-dire les détenteurs de droits. Je pense qu’on présume que nos organismes sont des détenteurs de droits.

Mme Caron a très bien fait remarquer que les organismes ne sont pas des détenteurs des droits. Nous devons nous adresser aux membres et aux communautés pour orienter nos activités. Il ne faut pas seulement s’adresser aux organismes. Comme je l’ai déjà mentionné, en Colombie-Britannique, une grande majorité d’entre nous n’est pas couverte par les traités modernes, et ces traités ne peuvent donc pas parler au nom de toutes les communautés qui ne sont pas visées par le processus. À une certaine époque, plus de 110 Premières Nations sur les 204 nations membres de l’Union des chefs de la Colombie-Britannique n’étaient pas visées par le processus. Un grand nombre d’autres ne participent pas aux discussions sur les revendications modernes. Il est important de nous inclure dans ces discussions.

Je crois savoir que les Inuits affirment également que les consultations prévues dans le projet de loi S-13 n’étaient pas conformes à l’article 6 de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, c’est-à-dire le projet de loi C-15. J’ai comparu au sein d’un groupe d’experts devant un autre comité sénatorial et j’ai soulevé d’autres questions à ce sujet.

Les effets sont considérables et ont une grande portée. C’est le point principal que je fais valoir dans mes commentaires. Je vous remercie de préciser ces processus. Le processus devrait respecter les normes en matière de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause qui sont énoncées dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

La sénatrice Clement : Bonjour tout le monde. Je vous remercie de votre travail admirable et soutenu.

La consultation a fait l’objet d’une bonne discussion. Je comprends ce que vous avez dit au sujet des détenteurs de droits comparativement aux groupes en quête d’équité. Monsieur Chawner, vous avez également ajouté que nous ne devrions pas nous contenter d’examiner la question sous l’angle du préjudice, mais que nous devrions également nous attarder au processus.

Voici mon point de vue à titre de membre du comité. J’ai consacré toute ma carrière au gouvernement. Pendant tout ce temps, j’ai travaillé au sein du gouvernement ou à l’extérieur de celui-ci. Je crois en l’État, mais je sais aussi que les choses prennent du temps et que des erreurs peuvent être commises, et il faut du temps pour les corriger.

D’après mon expérience, les personnes qui doivent attendre sont toujours les personnes les plus marginalisées et celles qui vivent dans l’intersectionnalité. C’est à ces personnes que l’on dit toujours d’attendre que tout soit réglé.

Madame Wilson, j’aimerais avoir votre avis, car j’ai entendu ce que vous avez dit au sujet de l’article 35 qui, selon vous, n’a pas vraiment réussi à garantir les droits et les protections. Que pensez-vous de l’article 35 comparativement à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et des caractéristiques de la déclaration qui visent directement l’intersectionnalité?

Mme Wilson : C’est la raison pour laquelle j’ai mentionné, au tout début de mon intervention, que nos droits ancestraux inhérents sont, d’abord et avant tout, antérieurs à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il en va de même pour les droits protégés par la Constitution en vertu de l’article 35 de notre Constitution. Nos droits inhérents sont restés intacts avec nos territoires traditionnels, car nous n’y avons pas renoncé et nous ne les avons pas placés dans un cadre fédéral ou provincial. C’est la raison pour laquelle je parle toujours des « droits inhérents », car cela signifie que nous les détenons toujours, puisque nous n’avons signé aucun traité moderne. Nous n’y avons renoncé d’aucune manière et ils existent donc toujours.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un cadre minimum pour les droits de la personne. Il s’agit de droits protégés par la Constitution, mais ce ne sont pas les droits à part entière que nous exerçons sur le terrain. Nous avons été placés dans des réserves sans notre consentement et dans des pensionnats sans notre consentement. Les lois sur la protection de l’enfance et de la famille, qu’elles soient provinciales ou fédérales, ont été adoptées sans notre consentement.

Vous pouvez imaginer comment tout cela entre en jeu. Une grande partie découle de la doctrine de la découverte, selon laquelle notre peuple n’avait ni droits ni territoires. Bien entendu, nous découvrons aujourd’hui, grâce à la révélation de la vérité, que nous avons toujours nos territoires traditionnels et que nous avons toujours nos lois, nos ordres juridiques et nos modes de gouvernance. C’est la raison pour laquelle je parle toujours des titres et des droits inhérents.

Je sais que le gouvernement doit agir en fonction de son cadre, mais nos cadres sont toujours intacts, et c’est notre fondement. Cela vient avec nos détenteurs de droits. Un grand nombre de ces lois qui tentent de se superposer à nos lois, à nos droits et à nos titres sont des lois sous-jacentes. Elles sont le fondement de nos origines. Cela fait beaucoup de... Il y a notre langue, notre culture et nos modes de connaissance. Nous sommes les gardiens de nos territoires.

Il est important de comprendre que ces lois coloniales ont été adoptées sans notre contribution. Nous n’avons pas eu notre mot à dire et nous n’avons pas donné notre consentement. Nous avons donc toujours nos lois, et il faut déterminer comment fonctionnera ce pluralisme juridique. En 1910, nos chefs ancestraux avaient déjà défini la manière dont cela se passe dans notre région et comment nous interagissons avec les autres lois, car nos lois s’appliquent d’abord et avant tout sur le territoire, et c’était vrai avant même l’existence des lois coloniales.

Est-ce que cela vous aide ou voulez-vous que je vous donne une réponse plus détaillée?

La sénatrice Clement : Non, c’était très beau. Je vous remercie, madame Wilson.

La sénatrice Batters : Je vous remercie beaucoup. Je remercie tous les témoins d’être ici aujourd’hui.

Ma question s’adresse à Mme Wilson. Je vous remercie beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Je suis heureuse que nous ayons réussi à établir la connexion et que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd’hui.

Dans son mémoire, l’Association des femmes autochtones du Canada a déclaré que le projet de loi S-13 ne représente pas la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou la DNUDPA. J’aimerais citer l’extrait suivant de son rapport:

Dans son discours de marraine du projet de loi qu’elle a donné à l’étape de la deuxième lecture, l’hon. Patti LaBoucane-Benson...

…qui est avec nous ici aujourd’hui...

...coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat, a affirmé que le projet de loi S-13 répond directement à la DNUDPA et qu’il s’y conforme.

Le rapport indique ensuite ceci:

L’AFAC critique vivement cette position. Dans des mémoires écrits, en personne et lors de consultations virtuelles avec le Canada, l’AFAC a réitéré que pour se conformer à la Loi concernant la DNUDPA, toute disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation doit expressément affirmer les droits contenus dans la DNUDPA.

Madame Wilson, j’aimerais savoir si vous partagez cette préoccupation de l’AFAC.

Mme Wilson : Pouvez-vous répéter l’essentiel de votre question? J’en ai entendu une partie. Je pense que j’ai compris en partie que l’AFAC a affirmé qu’elle avait été consultée et qu’elle allait de l’avant. J’ai également entendu la réponse de Mme Caron. Je voulais simplement m’assurer d’avoir bien compris la question.

La sénatrice Batters : Il s’agit plutôt de la DNUDPA. La sénatrice LaBoucane-Benson, à titre de marraine du projet de loi, avait déclaré, dans son discours... L’AFAC indique, dans son mémoire, que la marraine du projet de loi a déclaré, dans son discours, que le projet de loi S-13 répondait directement à la DNUDPA et qu’il s’y conformait, mais l’AFAC a critiqué vivement cette position et a essentiellement déclaré qu’elle n’était pas d’accord. Les membres de l’AFAC ont réitéré qu’à leur avis, pour se conformer à la DNUDPA, une disposition de non-dérogation dans la Loi d’interprétation doit affirmer expressément les droits énoncés dans la DNUDPA.

Je me demandais si vous partagiez ces préoccupations.

Mme Wilson : Je crois que j’ai aussi mentionné que le processus prévu à l’article 6 doit être cohérent avec la DNUDPA. Je l’ai déjà mentionné deux ou trois fois jusqu’à présent. Cela faisait partie du problème. Est-ce que cela répond à votre question?

La sénatrice Batters : Oui. Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de l’élément de la DNUDPA sur lequel nous avons entendu l’avis d’autres témoins, mais peut-être pas autant le vôtre?

Mme Wilson : Lorsque vous parlez des processus de la DNUDPA, entendez-vous le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause?

La sénatrice Batters : Tout au long de l’étude du comité, certains témoins nous ont dit qu’ils pensaient que ce projet de loi devrait mentionner expressément la DNUDPA. Je ne suis pas certaine que nous ayons entendu aussi souvent votre avis sur la question.

Mme Wilson : Le fait est qu’il s’agit d’une loi canadienne. C’est une loi fédérale. Je ne sais pas comment on peut contourner cela. Je présume que l’interprétation actuelle est que la loi modifiée ne mentionne pas que la loi fédérale contient la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il faudrait donc déclarer qu’elle existe. Toutefois, je ne suis pas certaine du libellé à employer, car comme je l’ai dit, nous n’avons pas eu le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et les processus appropriés n’ont pas été utilisés auprès des détenteurs de droits pour savoir si c’est le libellé approprié. C’est mon point de vue.

Je tiens également à souligner ce que les Inuits ont dit. Je pense que, dans une certaine mesure, j’ai aussi entendu ce que disait Mme Caron, à savoir que l’article 6 du plan prévoit un processus visant à aligner les lois fédérales sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et qu’il décrit le processus à suivre pour faire le nécessaire. Ce que disent les Inuits est important, c’est-à-dire que les consultations sur le projet de loi S-13 n’étaient pas conformes à l’article 6 du projet de loi sur la DNUDPA, soit le projet de loi C-15. Ce sont les éclaircissements que je souhaitais apporter.

La sénatrice Pate : Il s’agit moins d’une question que d’une réponse, car je comprends les préoccupations qui ont été soulevées au sujet du libellé. Certains groupes ne savent pas très bien si la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sera le prisme à travers lequel toutes ces dispositions législatives seront interprétées ou non. Une personne experte dans ce domaine a clairement indiqué que le texte devrait être modifié pour qu’il soit tout à fait clair que le type de consultation dont vous parlez tous a bel et bien eu lieu.

L’amendement de Mme Metallic consistait à modifier le projet de loi S-13 à l’article 1, à la page 1, en ajoutant ce qui suit : Toutes les lois du Canada doivent être interprétées de manière à être compatibles avec la déclaration.

C’est tout.

Le président : Y a-t-il une question?

La sénatrice Pate : Y a-t-il une raison qui expliquerait pourquoi cela ne correspond pas aux positions adoptées par vos organisations dans le passé? Il me semble que c’est précisément le genre de recommandation qui est ressorti du plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de toutes les consultations. C’est la raison pour laquelle je m’emporte un peu lorsque nous parlons du processus.

Mme Caron : Il est curieux que nous ayons tourné autour de cette question et de ce sujet pendant la dernière heure, car, dans l’ensemble, cette disposition a déjà été adoptée. Vous avez raison, elle figure déjà dans la Loi sur la déclaration des Nations unies, à l’article 5.

La sénatrice Pate : Mais elle ne fait pas partie de ce projet de loi.

Mme Caron : Non. Cependant, nous ne sommes pas certains qu’il serait nécessaire de l’inclure parce qu’elle figure déjà dans la loi.

Je pense qu’étant donné la disposition de non-dérogation qui se trouve dans le projet de loi S-13, toute mesure législative devra avoir pour effet de garantir les droits des peuples autochtones, y compris ceux des Métis. Le projet de loi S-13 pourrait d’ailleurs renforcer le processus de consultation, de collaboration et d’élaboration conjointe sur lequel nous nous penchons depuis une heure. Je pense vraiment que la disposition de non-dérogation, dans sa forme actuelle, contribue à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, car c’est précisément son objectif.

Je sais qu’il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais je tiens à dire une dernière fois que le texte proposé dans le projet de loi S-13 répond aux attentes de la Nation métisse. Il ne va pas minimiser l’impact de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En réalité, ce projet de loi permettra d’appliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, même si on n’y fait pas allusion dans le texte. Voilà ce que pense le Ralliement national des Métis.

Le président : Je vous remercie, madame Caron. Voilà qui met fin à notre série de questions avec ce groupe de témoins. J’aimerais prendre un moment pour remercier Mme Caron, M. Chawner et Mme Wilson de s’être joints à nous. Madame Wilson, je vous remercie de votre patience alors que nous essayions d’assurer une bonne connexion pour que vous puissiez nous faire part de vos commentaires et de vos réponses. Encore une fois, merci à tous.

Nous poursuivons la séance avec notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons des représentants du ministère de la Justice Canada qui ont accepté de revenir devant notre comité pour répondre aux questions des sénateurs. Nous accueillons Mme Laurie Sargent, sous-ministre adjointe, Portefeuille des droits et relations autochtones ; et Mme Uzma Ihsanullah, directrice générale et avocate générale principale, Centre de droit autochtone. Je vous souhaite la bienvenue, mesdames.

Nous ne pensions pas que vous auriez des déclarations préliminaires. Nous nous sommes dit que nous passerions directement aux questions.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je devrai vous parler de ce qui se passera cet après-midi, lorsque nous rencontrerons la juge en chef Moreau, qui deviendra bientôt la juge Moreau. J’aimerais vous décrire le déroulement de cette visite. Ma suggestion serait que nous nous arrêtions au plus tard à 13 h 40 pour que je puisse vous parler de tout cela à ce moment-là. Nous pourrons ensuite nous préparer et nous rendre à la Chambre du Sénat.

La sénatrice Batters : Au cas où certains d’entre nous devraient partir plus tôt, accepteriez-vous de nous en parler maintenant?

Le président : Bien sûr. Je peux le faire, si vous le souhaitez.

Le sénateur Boisvenu : Je devrai partir bientôt, moi aussi.

Le président : Mes excuses, mesdames Sargent et Ihsanullah. Cela nous permettra peut-être de terminer à 13 h 45, au besoin.

Nous allons participer à une séance de questions et réponses avec la juge en chef Mary Moreau, qui a été nommée à la Cour suprême du Canada. Cette séance se déroulera de 15 h 30 à 17 h 30 cet après-midi dans la pièce 035-B de l’édifice de l’Ouest. La bonne nouvelle, c’est que si vous ne savez pas où se trouve cette salle, ce n’est pas si grave, car un autobus nous y conduira. Les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne participeront aussi à cette séance de questions et réponses. Les membres du comité qui souhaitent y participer devront se rendre à l’entrée sud à 15 heures pour prendre la navette qui les mènera à l’édifice de l’Ouest. Jusqu’à présent, d’après les renseignements que vous avez remis à notre greffier, vous avez tous l’intention de participer à cette séance et de poser des questions. Je vais vous expliquer comment la réunion se déroulera.

Nous arriverons là-bas à 15 h 15, et la séance devrait commencer à 15 h 30. Les sénateurs et les députés seront assis autour d’une grande table rectangulaire. La juge en chef Moreau et le modérateur de la réunion seront assis au bout de cette table. Chaque sénateur et député disposera de quatre minutes pour poser des questions. Ce temps comprendra les questions et les réponses de la juge en chef Moreau. Il n’y aura qu’une seule série de questions et les sénateurs et les députés poseront en alternance leurs questions. Les sénateurs commenceront.

J’ai suggéré, bien que cela semble toujours injuste pour ceux qui figurent en bas de la liste alphabétique, que nous commencions avec les membres du comité directeur, dans l’ordre, suivis des autres sénateurs, par ordre alphabétique. Si une autre occasion de participer à une séance comme celle-là nous est donnée, sénatrice Simons, nous penserons peut-être à une autre façon de procéder, en mélangeant l’alphabet, par exemple.

Il se pourrait qu’il y ait des votes, avec des cloches, au Sénat cet après-midi, et il est possible que nous soyons rappelés à cette fin. Chaque sénateur pourra décider s’il juge important de revenir pour voter, mais vous savez que les votes sont au cœur de notre travail.

Les gens qui s’occupent de la séance de questions et réponses savent que les sénateurs pourraient être rappelés pour voter. Ces renseignements sont-ils utiles? Avez-vous des questions à ce sujet?

La sénatrice Clement : En raison de notre horaire serré et de ces votes, les membres du personnel et les sénateurs pourront-ils utiliser la navette?

Le président : Non, seuls les sénateurs le pourront. Les membres du personnel devront se rendre là-bas par leurs propres moyens. Vous vous souvenez peut-être d’un message qui disait que chaque sénateur pourrait être accompagné d’un membre de son équipe. Cet employé devra se rendre là-bas par ses propres moyens. Si j’ai bien compris — en supposant que les cloches sonneront et que les sénateurs reviendront pour voter —, nous pourrons prendre un autobus pour revenir. Cette réunion a malheureusement lieu lorsque le Sénat et la Chambre des communes siègent, mais c’est ainsi. Je suis sûr que la Cour est impatiente de revenir à un effectif complet, c’est pourquoi elle procède rapidement.

Passons maintenant, si vous le voulez bien, aux questions que nous voulons poser aux fonctionnaires du ministère de la Justice Canada.

La sénatrice LaBoucane-Benson : J’aimerais d’abord vous demander de nous décrire le processus de consultation dans le cadre du projet de loi S-13, en nous donnant le plus de détails possible. Je suis sûre que vous avez entendu certains de nos témoins dire qu’ils n’avaient pas l’impression d’avoir été suffisamment consultés. J’aimerais avoir vos commentaires ou votre réponse à ce sujet.

Laurie Sargent, sous-ministre adjointe, Portefeuille des droits et relations autochtones, ministère de la Justice Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis heureuse de me joindre à vous sur le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe.

Il va sans dire que nous avons écouté avec attention ce qu’ont dit les témoins. C’est avec plaisir que nous reviendrons sur le processus, tel qu’il est décrit dans le document intitulé Rapport sur ce que nous avons appris. Je vais d’abord formuler un commentaire d’ordre général. Nous reconnaissons que nous devons essayer de faire mieux, et c’est toujours ce que nous nous efforçons de faire. Comme vous l’avez entendu, il est évident que nous devons améliorer nos processus de consultation.

Dans le cas qui nous occupe, notre intention était de ne pas aller trop vite. Nous voulions consulter les gens de différentes manières, lors de réunions, en envoyant des lettres, et en publiant une ébauche de proposition législative afin de recueillir les commentaires des partenaires. Néanmoins, il est clair que nous n’avons pas réussi à répondre aux attentes de nos partenaires autochtones. Nous pouvons en parler.

J’ajouterai, en guise de mise en contexte, que les consultations que nous avons menées au sujet de la disposition de non-dérogation se sont déroulées parallèlement à l’élaboration de notre plan d’action, de 2021 à juin 2023. Nous étions très occupés. Nous, les fonctionnaires, avons rencontré des partenaires inuits, métis, des Premières Nations, d’organisations de femmes et d’organisations qui militent pour la diversité, pour discuter de différents sujets. Nous voulions qu’ils puissent participer le plus possible à ce processus.

Nous avons une liste de réunions que nous avons tenues. Les fonctionnaires ne sont peut-être plus les mêmes de notre côté et les représentants de ces organisations ne sont peut-être plus les mêmes non plus. De nombreux sujets ont été abordés. Nous discutions souvent à la fois des dispositions de non-dérogation, de la déclaration des Nations unies, et cetera.

Sur ce, je suis heureuse de céder la parole à Mme Ihsanullah pour qu’elle vous donne plus de détails sur ce processus, si vous en avez le temps, et si vous le souhaitez.

Uzma Ihsanullah, directrice générale et avocate générale principale, Centre de droit autochtone, ministère de la Justice Canada : Je vous remercie de la question, sénatrice LaBoucane-Benson. Nous avons lancé le processus en décembre 2020. Nous avons d’abord communiqué avec des partenaires précis qui avaient participé aux processus en lien avec le rapport présenté au Sénat en 2007. Nous voulions prendre le pouls de ces intervenants et déterminer s’il s’agissait toujours d’une priorité, si les points de vue avaient changé et si nous devions aller plus loin. On nous a répondu par l’affirmative.

Nous avons ensuite entamé de plus vastes consultations et une plus grande collaboration en fonction des commentaires reçus. Nous avons envoyé des lettres à une trentaine de détenteurs de droits et d’organisations autochtones représentatives, pour les inviter à nous soumettre des mémoires à propos de la disposition de non-dérogation, et leur offrir la possibilité de participer aux discussions dans le cadre de cette initiative.

Bon nombre des réunions ont eu lieu au cours de l’année 2021. Nous avons également reçu des mémoires pendant la même période.

Rappelons que la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est entrée en vigueur en juin 2021. Évidemment, elle a influencé notre processus de consultation et de collaboration, car nous savions que nous étions assujettis à des obligations en vertu de l’article 5 de la loi.

Nous avons relancé les partenaires autochtones — les mêmes avec lesquels nous avions déjà communiqué — et leur avons envoyé une autre lettre pour les inviter à nous faire part de toute mise à jour ou points de vue supplémentaires qu’ils pouvaient avoir. Nous avons poursuivi nos rencontres avec les partenaires au cours de l’année 2022.

J’aimerais ajouter, comme Mme Sargent vient de le dire, que pendant cette période, plus précisément en 2022, nous avons aussi mené des consultations auprès de nos partenaires autochtones pour parler du plan d’action.

Les conversations sur la disposition de non-dérogation faisaient partie de l’ordre du jour des réunions. Plusieurs sujets y étaient traités.

Quelques-uns de nos partenaires nous ont dit lors de ces rencontres qu’ils souhaitaient ajouter une disposition interprétative sur la déclaration en tant que telle.

Voilà pourquoi les mesures du plan d’action en comptent une qui consiste précisément à examiner de plus près la possibilité d’ajouter une disposition interprétative sur la déclaration.

Au début de l’année 2023, en mars, nous avons publié une ébauche du projet de loi pour obtenir des commentaires. Nous avons relancé les partenaires pour les inviter à examiner le libellé de la proposition. Les membres du public pouvaient également la consulter et nous transmettre leurs commentaires. Nous n’en avons pas reçu énormément, mais cela voulait dire, selon nous, que nous étions parvenus à appliquer dans le libellé un juste équilibre entre les différents points de vue que nous avions entendus.

Nous avons ensuite retiré l’ébauche de notre site Web, puis nous avons présenté le projet de loi S-13.

Le président : Merci.

La sénatrice Simons : Certaines personnes ont dit que d’apporter un amendement au projet de loi S-13 pour y ajouter un renvoi à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones serait en grande partie symbolique. D’autres soutiennent que cela changerait profondément la lecture du projet de loi et l’interprétation des lois. Les deux points de vue ne peuvent pas coexister.

Quelles seraient les conséquences juridiques de l’ajout d’un renvoi à la déclaration? Je voudrais laisser de côté les conséquences d’ordre politique ou les conséquences liées aux consultations. Sur le plan pratique ou juridique, quelle différence cela ferait-il d’inscrire un renvoi à la déclaration dans ce projet de loi sur la disposition de non-dérogation?

Mme Sargent : Je vais amorcer une réponse avant de céder la parole à Mme Ihsanullah. En fait, je dois admettre que nous ne savons pas au juste quelles seraient ces conséquences. Comme l’ont déjà fait remarquer des témoins, nous ne connaissons pas le contenu de la disposition en question et son interaction avec la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Des dispositions à cet effet existent déjà. L’article 4 de la Loi sur la déclaration des Nations unies énonce que la déclaration trouve application en droit canadien. La loi renferme aussi un préambule interprétatif.

C’est difficile de se prononcer sur une situation théorique. Le plan d’action renferme des mesures dont l’objet est similaire. J’ai l’impression de parler comme une avocate, mais je crois que c’est la réponse appropriée.

La sénatrice Simons : Madame Ihsanullah, voulez-vous ajouter quelque chose? Disons que la réponse n’a pas été aussi claire que je l’aurais souhaité.

Mme Ihsanullah : Je vous renvoie à ce que nous disions tout à l’heure. Nous voulons mener des consultations plus approfondies et établir une plus grande coopération avec les partenaires autochtones pour mieux comprendre les conséquences législatives souhaitées par les Autochtones et ce que nous pouvons faire à ce sujet.

La sénatrice Simons : Mettons de côté l’aspect politique des consultations — je ne suis pas avocate — et concentrons-nous sur l’aspect législatif. Comment l’ajout de ce renvoi se répercuterait-il sur une nouvelle loi? Pardonnez-moi la métaphore, mais j’aimerais savoir quel serait l’effet domino. En quoi la disposition de non-dérogation ou l’inscription dans le projet de loi d’un renvoi à la déclaration des Nations unies apporteraient-elles quelque chose de différent à l’interprétation des nouvelles lois?

Mme Sargent : Je vais donner une réponse en trois volets.

Premièrement, je veux souligner que la consultation et la coopération ne revêtent pas seulement une dimension politique ou stratégique. Ce sont des obligations légales au titre de la déclaration des Nations unies, ce qui concorde avec ce que nous disent la plupart de nos partenaires.

Deuxièmement, à propos des effets de la disposition de non-dérogation relative à l’article 35 — dont nous avons déjà parlé —, elle établit la règle selon laquelle les lois ou les règlements fédéraux qui peuvent être lus de deux façons différentes devraient être lus avec le souci de respecter l’article 35 sur les droits ancestraux et les droits issus des traités tels qu’ils sont établis dans les traités — évidemment — ou tels qu’ils sont établis ou interprétés par les tribunaux ou dans le cadre d’autres accords ou d’autres textes législatifs.

La sénatrice Simons : La common law est riche en précédents à ce sujet.

Mme Sargent : Exactement. La jurisprudence sur l’article 35 est abondante.

La sénatrice Simons : Il y a énormément de précédents.

Mme Sargent : Par contre, les précédents sont plutôt rares sur le recours à la disposition de non-dérogation dans l’interprétation des lois. Les exemples s’accumulent petit à petit, mais les cas ne sont pas encore légion. Un exemple en particulier — que le ministre a mentionné, et peut-être aussi Mme Wilson — est la décision récente Ktunaxa Nation c. Colombie-Britannique, où le tribunal s’est fondé sur la disposition de non-dérogation — particulièrement la partie sur l’article 35 — pour conclure que le pouvoir discrétionnaire des ministres doit s’exercer à l’aune des droits énoncés à l’article 35.

Nombreux sont ceux qui diront que les lois exigent déjà cela. Le projet de loi mettra l’accent sur cette exigence, si bien que les tribunaux et les responsables trouveront difficile de la manquer.

À propos de l’ajout d’une disposition interprétative sur la déclaration des Nations unies, nous allions examiner celle que Mme Metallic a proposée, qui ressemble à ce que prévoient les lois de la Colombie-Britannique. Ses effets seraient similaires. Par conséquent, les tribunaux ou les responsables devront se demander, lorsqu’ils appliqueront ou interpréteront les textes, si leur interprétation concorde avec les droits énoncés dans la déclaration. Dans les affaires portant sur l’autonomie gouvernementale ou sur l’autodétermination, ils devront examiner ce que dit la déclaration à ce sujet et interpréter les lois à l’avenant.

Encore une fois, certains diront que la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones exige déjà cela et que la Cour d’appel du Québec, par exemple, a inclus cette exigence dans sa décision relative à la loi sur les services à l’enfance et à la famille, qui est en appel devant la Cour suprême.

J’espère que mon explication apporte plus de précisions.

La sénatrice Batters : Merci de votre présence aujourd’hui. Je parlais tout à l’heure de l’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS Plus, dont nous avons demandé un exemplaire dans le cadre de notre étude du projet de loi S-13.

Force est de constater que l’analyse n’est pas très approfondie. Elle ne comporte qu’une page et demie et consacre peu de place à la composante de l’égalité entre les hommes et les femmes. La participation de l’Association des femmes autochtones du Canada et de l’Ontario Native Women’s Association au processus de consultation et de coopération y est mentionnée, mais rien n’est dit — contrairement à ce à quoi je me serais attendue — sur le choix du gouvernement de ne pas inclure dans le projet de loi ce renvoi à la déclaration des Nations unies dont nous discutons pourtant à chaque séance du comité sur le projet de loi.

Évidemment, l’Association des femmes autochtones du Canada a pris très fermement position. Elle désapprouve le choix du gouvernement. Vu l’importance de l’association et le fait qu’elle est mentionnée dans l’ACS Plus, je me serais attendue à trouver une indication sur la déclaration des Nations unies, mais je n’ai vu aucune indication. Pourquoi le document de l’ACS Plus est-il muet à ce sujet?

Mme Ihsanullah : Merci de la question, sénatrice Batters.

En ce qui concerne l’inscription ou non du renvoi à la déclaration des Nations unies, le document d’ACS Plus — celui que vous avez lu — a été produit avant la soumission du mémoire préparé par l’Association des femmes autochtones du Canada.

Je vais ajouter d’autres éléments d’information. Le projet de loi S-13 est lié aux droits énoncés à l’article 35, qui est, faut-il le rappeler, une disposition de la Constitution. Lorsque nous lisons la Constitution et les droits constitutionnels, nous devons tenir compte du texte dans son ensemble.

L’article 15 de la Charte, comme vous le savez, codifie le concept d’égalité. Les tribunaux nous ont expliqué que le concept renvoie à l’égalité réelle, c’est-à-dire à ce qui se passe sur le terrain.

L’article 28 de la Constitution énonce aussi que les droits sont garantis également aux hommes et aux femmes.

L’article 35 prévoit cette même garantie. En effet, le paragraphe 35(4) énonce que les droits sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Cette disposition fournit aux peuples autochtones un espace pour se gouverner eux-mêmes selon leurs propres lois et leurs propres traditions. De plus, la déclaration des Nations unies nous oriente sur les questions d’autonomie gouvernementale et d’autodétermination.

Il est difficile de dire si la déclaration ajouterait quelque chose qui diffère des dispositions sur l’égalité entre les hommes et les femmes contenues dans les lois canadiennes, qui offrent déjà toutes ces garanties.

Nous savons, pour l’avoir observé sur le terrain, dans les interprétations des lois et dans le fonctionnement de la société, que la discrimination entre les sexes existe encore. Ce principe doit rester omniprésent lors de l’interprétation des lois. Au ministère de la Justice, notre travail est toujours guidé par les principes ACS Plus.

La sénatrice Batters : En me basant sur ce que vous venez de dire — en lisant entre les lignes —, le gouvernement estime que la déclaration n’ajouterait pas grand-chose à propos des droits à l’égalité entre les sexes. Est-ce exact? Il faudrait que je relise le passage sur la déclaration des Nations unies du document d’ACS Plus fourni par le gouvernement, mais vous pouvez peut-être me le dire.

Mme Ihsanullah : De mémoire, je ne peux malheureusement pas parler du contenu du document d’ACS Plus.

La sénatrice Batters : Pourriez-vous nous transmettre cette information plus tard?

Mme Ihsanullah : Nous pourrions certainement vous revenir là-dessus.

La sénatrice Batters : Diriez-vous que le gouvernement du Canada estime que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones n’apporte pas nécessairement plus de précisions sur l’égalité entre les sexes ou ne renferme aucune composante sur l’égalité entre les sexes qui aurait fait partie de cette évaluation?

Mme Sargent : Je vais répondre à la question.

Nous sommes ici pour vous fournir des informations. Je peux vous indiquer quelles sont les dispositions de la déclaration qui traitent des droits liés à l’égalité entre les sexes. Les articles 22 et 44 portent sur ces droits et sur la nécessité de prendre des mesures spéciales pour aider les personnes vulnérables, notamment les femmes et les enfants.

Je suis pleinement consciente que la déclaration traite de ces questions. Nous avons tendance à penser que ces protections sont déjà établies dans le droit canadien et dans la Charte, comme nous venons de le mentionner, et dans les lois sur les droits de la personne au Canada.

Je ne sais pas si nous pouvons dire que les dispositions de la déclaration et celles des lois canadiennes sont différentes ou que les unes sont meilleures que les autres. Par contre, nous pouvons affirmer hors de tout doute que les lois canadiennes renferment toutes les protections contenues dans la déclaration.

La sénatrice Batters : Ne pourrait-on pas profiter de la modification de la Loi d’interprétation pour inscrire le renvoi à la déclaration dans le projet de loi, ou au moins, pour expliquer dans le document d’ACS Plus le choix de ne pas l’inclure?

Mme Sargent : Je vais prendre un peu de recul et revenir à ce que nous avons entendu des témoins, en ce qui concerne ce que nous devons envisager pour la suite des choses. Une proposition vient des peuples autochtones eux-mêmes et porte sur une disposition de non-dérogation à l’égard de l’article 35. Nous avons collaboré avec des partenaires autochtones afin de trouver le meilleur libellé d’une telle disposition.

Ce faisant, nous avons entendu des partenaires envisager la possibilité d’adopter une disposition d’interprétation pour la déclaration des Nations unies. Toutefois, ce qui faisait consensus — ce n’est pas unanime, comme vous l’avez entendu —, c’était plutôt une disposition d’interprétation ayant trait à l’article 35.

Ensuite, nous faisons une analyse comparative entre les sexes plus de la proposition. Nous évaluons les répercussions fondées sur le sexe d’une disposition de non-dérogation à l’égard de l’article 35. Nous ne regardons pas tellement les autres options qui auraient pu être envisagées.

À vrai dire, nous suivons des lignes directrices qui sont sur le Web, et qui portent sur la façon de réaliser notre ACS Plus. Nous examinons les données entourant les répercussions possiblement différentes sur les femmes par rapport aux hommes, ou de façon plus générale, sur la discrimination intersectionnelle — c’est le « plus », bien entendu. Dans ce cas-ci, c’est très difficile à faire à partir de données probantes pour une disposition qui crée essentiellement une protection constitutionnelle de haut niveau, qui doit ensuite être mise en œuvre au moyen de l’interprétation de toutes les lois fédérales. Il est un peu difficile de vraiment en évaluer les répercussions fondées sur le sexe.

Nous devons nous poser les questions suivantes. Avons-nous parlé aux femmes autochtones, ainsi qu’aux titulaires de droits, bien sûr, aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis dans le cadre d’une approche fondée sur les distinctions? Avons-nous envisagé la façon dont leur apport peut être influencé par la dynamique entre les sexes? Pouvons-nous voir des façons dont la loi elle-même, à première vue du moins, garantit une protection égale aux femmes, aux hommes, et plus généralement aux personnes de diverses identités de genre? Comme Mme Ihsanullah vient de le mentionner, si nous lisons la Constitution dans son ensemble, c’est le genre de protection que nous voyons. C’était difficile à cerner.

Le président : Je vais vous arrêter ici pour que d’autres puissent poser des questions.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie, monsieur le président. Madame Sargent, je suis ravi de vous revoir, et je vous remercie de votre présence. À mon avis, le seul problème de ce projet de loi est l’ajout d’une nouvelle disposition. Le projet de loi jouit d’un appui ferme. Le ministre a été clair sur la question d’inclure la déclaration des Nations unies à la Loi d’interprétation étant donné qu’il n’y a pas eu suffisamment de consultation à ce chapitre.

Nous avons entendu hier des gens affirmer qu’ils ne seraient pas d’accord parce qu’il n’y avait pas eu suffisamment de consultations sur la question, ou parce qu’ils ne voulaient pas compromettre l’adoption rapide du projet de loi dont nous sommes saisis. Il s’agissait de la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, 26 signataires de traités modernes, la société Nunavut Tunngavik Incorporated, la nation Nisga’a et Inuit Tapiriit Kanatami. Plus tôt aujourd’hui, nous avons entendu le Ralliement national des Métis qui exhortait l’adoption rapide du projet de loi dans sa forme actuelle.

Vous qui travaillez en étroite collaboration avec ces partenaires sur le plan des consultations, de l’élaboration conjointe des initiatives et des plans d’action, pensez-vous qu’il y aurait de la division et de la discorde à ces tables si nous faisions adopter un amendement sur la déclaration des Nations unies, comme il est suggéré?

Mme Sargent : Je reviens plutôt à l’approche que nous avons entendue d’un certain nombre de partenaires. Autrement dit, il y a un nouveau seuil d’obligation pour le gouvernement fédéral du Canada d’élaborer les projets de loi et les dispositions législatives en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones. Encore une fois, comme vous l’avez entendu, nos processus ne sont toujours pas tout à fait au point.

Nous pouvons nous attendre à ce qu’il y ait des préoccupations s’il n’y a pas suffisamment de coopération et de consultation à l’égard des amendements proposés.

Du point de vue fédéral, nous comprenons que le processus parlementaire peut donner lieu à ce genre de consultation, coopération et discussion. Nous ne voulons certainement pas empêcher le processus si vous pouvez entendre un large éventail de détenteurs de droits et d’autres organisations qui soutiennent une disposition donnée. Ce n’est pas à nous de dire que nous ne pouvons pas en tenir compte.

Une question visait à savoir s’il s’agit d’une obligation de la Couronne ou du choix d’une tribune parlementaire. Les deux volets doivent se serrer les coudes à cet égard et, bien sûr, toute modification proposée doit être examinée par le gouvernement. L’appui des partenaires serait alors vérifié.

Mais ce qui compte vraiment en définitive, c’est que la consultation et la coopération soient adéquates.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie, et je vous souhaite la bienvenue à notre comité. À la lumière de son communiqué, le ministre de la Justice semble appuyer l’adoption du projet de loi S-13, car la mesure favoriserait une uniformité en précisant clairement que l’ensemble des lois et des règlements fédéraux doivent être interprétés de manière à maintenir les droits ancestraux ou issus de traités confirmés par l’article 35.

Trouvez-vous que le cadre actuel convient mieux, étant donné que des dispositions de non-dérogation sont prévues au sein des lois elles-mêmes? À votre avis, le projet de loi S-13 dont nous sommes maintenant saisis pourrait-il réduire ou limiter les droits des Autochtones, même si l’objectif demeure de renforcer la protection des droits existants?

Si je comprends bien ce que les témoins précédents ont dit, ce n’est pas un véritable processus de consultation que nous tenons ici, dans le cadre duquel nous pourrions amender le projet de loi pour inclure la déclaration des Nations unies. Il revient aux détenteurs de droits de faire de véritables consultations pour être même pris en compte, ce qui n’est pas possible dans la forme actuelle.

Mme Sargent : Je vais d’abord répondre à votre deuxième question. Le projet de loi va-t-il porter atteinte aux droits des Autochtones issus de traités protégés par l’article 35? Il est très difficile de voir comment ce serait possible, étant donné que le projet de loi vise expressément à soutenir et promouvoir une interprétation des lois fédérales qui respecte ces droits. Celle-ci est facile.

En ce qui concerne le cadre actuel, j’ai peut-être besoin que vous répétiez la première question.

Le sénateur Klyne : Je vous demandais si le cadre actuel convient mieux, à votre avis, étant donné que des dispositions de non-dérogation sont prévues au sein de lois précises.

Mme Sargent : Je reviens à l’objectif du projet de loi, qui vise à nous éloigner de ce cadre pour veiller à ce qu’il y ait une interprétation uniforme de toutes les lois fédérales, de sorte qu’il ne serait plus nécessaire d’ajouter la disposition à chaque loi. Du point de vue du gouvernement, cette méthode harmonisée et uniforme est préférable. Nous avons observé des irrégularités et des incohérences lorsque la disposition apparaît dans chaque loi. C’est aussi une perte de temps. Du point de vue du gouvernement, il s’agit d’un pas dans la bonne direction et d’une démarche positive.

En ce qui a trait au processus valable, je crois y avoir répondu dans ma dernière réponse. La consultation et la coopération peuvent prendre diverses formes. Or, il ne fait aucun doute que si les nations et les détenteurs de droits ont un nombre limité d’occasions de participer, ce processus ne semblera pas être valable par rapport à une initiative plus vaste et un peu plus longue.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

Le président : Chers collègues, il y a quatre autres intervenants. Si vous êtes d’accord, je propose de poursuivre jusqu’à 13 h 50, tout au plus.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci aux témoins d’être de retour devant nous. Puis-je vous demander de déposer au comité — je ne veux pas nécessairement avoir la réponse aujourd’hui — l’information suivante : quelles sont les trois lois qui ne sont pas couvertes par le projet de loi S-13, celles qui vont garder leurs propres clauses de non-dérogation? Combien y a-t-il de lois fédérales, quelle est la liste des lois fédérales qui n’ont pas de clauses de dérogation qui vont tomber parce qu’elles seront couvertes par le projet de loi S-13? Je pense à la Loi sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho, qui est une loi fédérale dans laquelle il n’y a pas de clause de dérogation. Selon votre ministère, combien de lois fédérales seront-elles couvertes par le projet de loi S-13, pour qu’on ait un portrait clair de ce que couvre ce projet de loi?

Vous parlez de « partenaires » mais, d’un autre côté, on parle d’organisations. On a eu des témoins qui se présentaient comme des organisations nationales et internationales qui représentent des peuples autochtones, qui se définissent de toutes sortes de façons, mais personne ne parle de « partenaires ». Certains parlent de rights holders, ou détenteurs de droits. Quand vous parlez de partenaires, qu’est-ce que cela signifie sur le plan juridique? De quelles organisations s’agit-il? Est-ce que ce sont les 634 Premières Nations? Est-ce l’Assemblée des Premières Nations? Quels sont ces partenaires?

D’après ce que je comprends — j’ai essayé d’être attentive à ce que vous décriviez depuis 2021 —, il y a un processus de consultation qui semble avoir été assez uniforme à différentes étapes pour différents projets, alors que l’obligation de consultation de la Couronne répond à certains critères établis par les tribunaux, mais le processus prévu par la Déclaration des Nations unies prévoit que cela se développe en coopération avec les peuples autochtones. Cela oblige le gouvernement à faire des consultations, mais aussi à prendre des mesures en partenariat. On revient à ces deux réalités différentes. Ce qui me frappe, c’est que vous avez l’air d’avoir suivi un processus de consultation uniforme en trois grandes étapes, alors que ces deux types d’obligations juridiques ont des critères différents.

Mme Sargent : Il y a beaucoup d’éléments dans votre question et je vais essayer d’être efficace. Pour ce qui est des trois lois qui garderont leurs dispositions de non-dérogation, c’est indiqué dans nos documents intitulés Rapports sur ce que nous avons appris.

La sénatrice Dupuis : Très bien.

Mme Sargent : Les autres lois qui n’auraient pas de disposition... Il y a environ 700 lois fédérales au dernier compte, je crois, dont 26 en ce moment, si l’on exclut les trois dont on vient de parler, qui ont actuellement des dispositions de non-dérogation. Cela laisserait donc une liste de 600 lois environ qui seraient affectées par cette disposition universelle de non-dérogation. On pourrait vous fournir une liste de ces 600 lois, mais j’ose espérer que ce ne serait peut-être pas nécessaire pour avoir une idée du nombre de lois qui seraient affectées par cette modification.

En ce qui a trait aux partenaires, je dirais qu’il n’y a pas de sens juridique à cette terminologie; cela reflète le fait que nous travaillons de près avec plusieurs organisations, collectivités et détenteurs de droits. On commence à établir des relations de partenariat et de collaboration et on utilise ce mot — peut-être pas toujours de façon tout à fait uniforme — parce qu’on travaille de plus en plus avec ces partenaires, ces groupes autochtones. Évidemment, il y a encore du travail à faire pour bâtir ces relations. Donc, le mot correct serait toujours probablement de parler de collectivités et de peuples autochtones avec qui nous travaillons dans nos processus.

La sénatrice Dupuis : Si vous me permettez, vous avez...

[Traduction]

Le président : Le temps est très limité, sénatrice Dupuis. J’ignore si vous avez obtenu une réponse à la troisième question.

Mme Sargent : Je n’y ai pas tout à fait répondu. Au sujet du genre de processus que nous avons suivi, vous avez demandé s’il s’agissait d’un processus uniforme ou par étapes. De notre point de vue, ce n’était pas le cas. C’est un processus qui a pris de l’ampleur en ce qui concerne le nombre de partenaires avec lesquels nous avons discuté des propositions et des changements de libellé qui ont été demandés par certains partenaires, et d’autres non. Il y a aussi la question de savoir si nous devrions abroger toutes les dispositions de non-dérogation ou seulement certaines d’entre elles.

Il y avait bel et bien un certain nombre d’approches différentes, et c’est une chose que nous allons apprendre et pour laquelle nous allons nous améliorer au fil du temps. Quelles sont les répercussions précises sur certains groupes pour lesquels le projet de loi prévoyait déjà des dispositions de non-dérogation? Il y a évidemment eu des discussions plus poussées à cet égard. Quels sont les groupes qui se sont dits intéressés…

Le président : Je vais devoir vous interrompre, madame Sargent. Je pense que nous avons saisi l’essentiel. Je vous remercie.

Il nous reste environ 12 minutes. Chers collègues, je suis désolé de manquer de temps à la fin de la séance.

La sénatrice Pate : Je vous remercie tous les deux. Je suis encore en train d’essayer de comprendre. Nous avons entendu des gens dire aujourd’hui qu’ils voulaient plus de consultations. Mais essentiellement, je semble comprendre qu’y intégrer la déclaration des Nations unies serait peut-être une bonne idée, mais que nous ne voulons pas que cela retarde le projet de loi. C’est l’esprit de ce que j’ai entendu.

Il y a eu de vastes consultations au sujet du plan d’action. En fait, ce qui est ressorti de l’élaboration du plan d’action, c’est la deuxième priorité commune des engagements. Le document de consultation que le ministère a publié en juin cette année mentionne que la question d’inclure la déclaration des Nations unies a été évoquée. Dans le temps qui s’est écoulé entre le moment où il a été question du projet de loi S-13 et le travail du Sénat en 2007, le projet de loi C-15 a été adopté et nous avons désormais la déclaration des Nations unies.

La question qu’on me pose sans cesse, mais à laquelle je n’ai pas de réponse, et que je vais donc vous poser à mon tour, s’incrit aussi dans le contexte des interrogations de la sénatrice Simons. Qui a pris la décision? Pourquoi la déclaration des Nations unies n’était-elle pas incluse? Quels sont les avantages ou les inconvénients de ne pas l’inclure, sur le plan de l’interprétation?

Mme Sargent : Pour ce qui est de la prise de décision, c’est en fin de compte le cabinet qui établit ce que nous allons proposer dans le projet de loi.

Le ministre de l’époque a écouté attentivement et essayé d’évaluer le degré de consensus qui se dégageait des différents éléments possibles du projet de loi. À ce moment, les décideurs ne trouvaient pas que le volet sur la déclaration obtenait un appui suffisant ou, bien franchement, qu’il y avait eu amplement de consultation sur une proposition donnée, parce qu’il n’y en a pas eu à l’époque. Nous avions bien sûr le libellé que vous voyez maintenant dans le projet de loi S-13 sur la disposition de non‑dérogation à l’article 35.

Je vais également ajouter que, dans ce cas-ci, le projet de loi s’appuie largement sur les dirigeants autochtones qui voulaient cet amendement en priorité.

La sénatrice Pate : Or, certains de ces dirigeants ont dit qu’ils y voient un avantage, mais pas au point de retarder l’adoption du projet de loi.

Je serai très franche. Ce que je crains, c’est que si la convention n’est pas là, un tribunal qui tente de l’interpréter pourrait se dire : « Eh bien, les parlementaires ont eu l’occasion d’inclure la déclaration des Nations unies, mais ne l’ont pas fait, de sorte qu’elle ne s’applique peut-être pas. » Pourtant, la déclaration fait déjà partie de la loi et doit s’appliquer. C’est mon avis et celui d’autres groupes autochtones. Il s’agit de la Loi d’interprétation; ne pas l’inclure envoie aussi un message aux tribunaux.

Mme Sargent : C’est une façon intéressante de voir les choses. Nous avons la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones elle-même, à laquelle nous allons revenir encore une fois. Cela en dit long sur le rôle interprétatif qu’elle joue au sein du droit canadien et de son application. Le Parlement n’est pas resté muet à ce sujet.

En ce qui concerne la Loi d’interprétation elle-même, de nombreuses règles d’interprétation n’y sont pas prises en compte. Parfois, le Parlement décide de renforcer certains volets. À mon avis, l’absence de la déclaration ici ne signifie pas que la présomption interprétative ne s’applique pas en quelque sorte. En fait, si nous examinons la décision de la Cour d’appel du Québec et d’autres dont je parlais, il est évident que les tribunaux ont supposé qu’en vertu de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, la déclaration doit être prise en compte dans l’interprétation de l’article 35 de la Charte et des lois fédérales.

Étant donné qu’il y a de nombreux arguments juridiques, je ne pense pas que l’omission serait interprétée de cette façon.

En fin de compte, je vais revenir au fait que notre plan d’action envisage de poursuivre les efforts entourant l’idée d’ajouter une disposition interprétative sur la déclaration. Voilà qui montre l’intention de continuer à en tenir compte.

La sénatrice Pate : Y aurait-il un problème à l’ajouter maintenant?

Mme Sargent : Je ne suis pas bien placée pour répondre à cette question.

La sénatrice Clement : J’avais une question semblable.

J’ai proposé un amendement au projet de loi C-11, qui a été accepté par le comité, et qui faisait une référence évidente à la déclaration des Nations unies. Il est évident que c’est là. Je n’ai rencontré aucune résistance des avocats à la table ou du gouvernement à cet égard. J’ai les mêmes préoccupations que la sénatrice Pate. Ce n’est pas vraiment une question.

Je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : Madame Sargent, avant d’arriver au Sénat, j’étais dans le milieu des femmes. Lorsque j’entends certaines des choses que vous dites — je suis partie depuis trop longtemps, alors peut-être que les choses ne me mettent plus hors de moi autant qu’à mon jeune âge. Cependant, je suis vraiment inquiète parce que vous dites que les groupes ne l’ont pas inclus. Or, les groupes de femmes affirment que la disposition doit être dans le projet de loi.

Sommes-nous censés en faire fi, malgré leur plaidoyer? Je vais tout vous dire. Lorsque nous posions des questions, des personnes nous ont dit : « Eh bien, le gouvernement ne nous l’a pas demandé. C’est la raison pour laquelle nous n’en avons pas parlé. »

En raison du temps qui file, je suis mécontente de vous entendre dire que cela n’a pas été porté à notre attention. Nous sommes censés former un gouvernement féministe, et vous laissez de côté un groupe et la Déclaration des Nations Unies — voilà qui m’inquiète vraiment.

Mme Sargent : Je vais profiter de l’occasion pour apporter une précision, car je pense que ma réponse à la question de la sénatrice Batters a entraîné une certaine confusion.

Je n’ai jamais voulu dire que la question n’a pas été portée à notre attention. De toute évidence, nous en avons pris connaissance. Nos rapports disent bel et bien que...

La sénatrice Jaffer : Je ne parle pas de vous. Certains témoins que nous avons entendus ont dit que s’ils avaient su, ils l’auraient fait. Mais il n’y a pas eu de consultation.

Mme Sargent : Je ne sais pas exactement comment répondre à la question, sauf pour dire ceci. Si nous prenons un pas de recul, nos processus entourant l’élaboration de tout projet de loi ayant des conséquences considérables sur les peuples autochtones doivent veiller à ce que nous consultions tous ces peuples et collaborions avec eux : les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous avons également déployé des efforts considérables pour veiller à inclure les organisations de femmes et d’autres qui représentent la communauté 2ELGBTQQIA+ et les personnes de diverses identités de genre.

Cette proposition n’a pas obtenu le même appui que celle entourant l’article 35. Pour l’instant, le gouvernement désire prendre plus de temps pour continuer à travailler en collaboration avec tous les détenteurs de droits et les organismes afin de déterminer la voie à suivre. Bien sûr, des changements sont toujours possibles, mais c’est l’approche actuelle.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le président, je vais simplement dire quelques mots. Je sais que nous sommes à court de temps.

Madame Sargent, dans ma jeunesse, lorsque des témoins me disaient que ces choses prennent du temps, et qu’ils prévoient le faire plus tard... Je suis triste qu’ils tiennent encore le même discours.

Le président : Je vous remercie, chers collègues. Je pense que c’est ce qui conclut nos questions à nos témoins. Je tiens à remercier Mme Sargent et Mme Ihsanullah.

Si vous regardez notre plan, vous constaterez que nous allons passer à l’étude article par article du projet de loi S-13 mercredi prochain, le 8 novembre. Vous connaissez la chanson : si vous avez des amendements à proposer, et que vous êtes disposés à les transmettre aux membres du comité par l’entremise du greffier dans les deux langues officielles, vous pouvez le faire à l’avance. Nous allons commencer nos délibérations sur l’étude article par article mercredi après-midi.

Je remercie les témoins et les sénateurs de leur présence et de leur patience.

(La séance est levée.)

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